L’utilisation de codes barres ADN pour détecter le plancton formant des efflorescences algales nuisibles dans l'Arctique

Auteurs

  1. R.E. Collins, Centre for Earth Observation Science, University of Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada, eric.collins@umanitoba.ca
  2. R.M. Lekanoff, College of Fisheries and Ocean Science, Université d'Alaska Fairbanks, Fairbanks, Alaska, États-Unis

Référence suggérée

Collins, R.E. et Lekanoff, R.M. 2020. L’utilisation de codes-barres ADN pour détecter le plancton formant des efflorescences algales nuisibles dans l'Arctique. Savoir polaire : Rapport Aqhaliat, volume 3, Savoir polaire Canada, p. 18–22. DOI : 10.35298/pkc.2020.05.fra

Résumé

L'eau de mer s'écoule vers le nord de l'océan Pacifique à travers le détroit de Béring jusqu'à la mer des Tchouktches, où elle est ensuite entraînée dans un courant d'eau qui suit la côte nord de l'Alaska jusqu'à la mer de Beaufort et dans l'archipel canadien. À mesure que l'Arctique se réchauffe, on s'attend à ce que des espèces d'algues envahissantes provenant du sud soient entraînées dans ces courants d'eau, et peut-être même qu'elles se développent dans l'Arctique. Parmi ces algues, certaines produisent des toxines qui sont nocives pour les poissons, les mammifères marins et les humains, formant des efflorescences algales nuisibles (HABs) lorsqu'elles deviennent très abondantes. Nous avons utilisé le codage à barres d'ADN pour identifier l'abondance relative et les distributions de ces algues au cours de trois croisières de recherche durant l'été 2017.

Introduction

Plusieurs groupes d'algues forment des efflorescences algales nuisibles, notamment les cyanobactéries, les dinoflagellés et les diatomées. Les cyanobactéries ne sont pas courantes dans l'océan Arctique, mais peuvent être présentes dans les étangs et les lacs. Les principales algues potentiellement préoccupantes dans l'Arctique sont la Pseudo-nitzschia (une diatomée) et les dinoflagellés Alexandrium et Dinophysis. Certaines de ces algues peuvent produire des toxines qui tuent les poissons, tandis que d'autres sont consommées par des filtreurs, comme les palourdes, qui accumulent les toxines dans leurs tissus. Les toxines peuvent ensuite s'accumuler dans les oiseaux (Shearn-Bochsler et al., 2014) ou les mammifères marins qui mangent les coquillages, comme les morses (Lefebvre et al., 2016). Lorsque les humains mangent les animaux empoisonnés, ils peuvent en tomber malades.

Le codage à barres d'ADN est la meilleure technique dont nous avons pour identifier les microbes comme les algues, car beaucoup d'entre eux se ressemblent au microscope. Cependant, des variations uniques dans leurs séquences d'ADN peuvent permettre d'identifier exactement chaque microbe, qui sont nommés ici par le genre auquel ils appartiennent, suivi d'un numéro unique indiquant le rang de l'abondance de cette séquence dans notre ensemble de données.

la description suit

Figure 1 : La répartition de deux types d'algues communes susceptibles de produire des toxines nocives dans la mer des Tchouktches au cours de l'été 2017 (Pseudo-nitzchia #274 et Alexandrium #17). La taille et l'ombre des points sur chaque site d'échantillonnage représentent l'abondance relative en pourcentage de la communauté totale, telle que mesurée à l'aide de codage à barres d’ADN.

Diatomées formant des HABs

Environ la moitié de toutes les espèces de Pseudo-nitzschia connues produisent une toxine appelée acide domoïque qui provoque une condition appelée intoxication amnésique par les mollusques (Percopo et al., 2016 ; Tammilehto et al., 2012). Nous avons identifié trois types de Pseudo-nitzschia dans notre étude. Deux types (Pseudo-nitzschia #518 et #849) ont été typiquement trouvés en faible abondance dans les eaux plus froides (c'est-à-dire en dessous de 4 °C). Un autre type (Pseudo-nitzschia #274) a été typiquement trouvé en plus grande abondance dans des eaux plus chaudes (c’est-à-dire plus de 6 °C), plus fraîches et à des latitudes plus nordiques. Par exemple, ce type était proéminent en août entre Point Hope et Utqiagvik. Par conséquent, le Pseudo-nitzschia #274 pourrait être plus susceptible de se retrouver dans les eaux canadiennes que les autres types.

Dinoflagellés responsables des HABs

Les espèces d'Alexandrium peuvent produire une toxine appelée saxitoxine qui provoque une condition connue sous le nom d'intoxication paralysante par les mollusques (Gessner et Middaugh, 2015 ; Natsuike et al., 2013 ; Natsuike et al., 2017 ; Vandersea et al., 2017). Nous avons identifié 14 types d'Alexandrium dans notre étude, mais seulement deux étaient relativement communs. Alexandrium #17 était l'une des espèces de plancton les plus abondantes détectées dans notre étude. Il était présent dans toutes conditions dans la mer des Tchouktches, étant particulièrement proéminent en août. Un type moins abondant (Alexandrium #99) était présent principalement dans les eaux côtières plus chaudes et plus fraîches, comme le Pseudo-nitzschia #274. En raison de leur répartition dans la mer des Tchouktches, ces deux types d'algues sont susceptibles de se retrouver dans les eaux canadiennes.

Les espèces de Dinophysis peuvent produire des toxines appelées acide okadaïque et dinophysistoxine qui provoquent une condition connue sous le nom d'intoxication diarrhéique par les mollusques. Les Dinophysis étaient assez rares dans notre étude. Nous avons identifié seulement deux types (Dinophysis #1901 et #4867) qui étaient présents occasionnellement dans des eaux plus chaudes que 4 °C.

 

Considération Communautaire

La sécurité des aliments traditionnels est une préoccupation majeure pour les communautés locales qui dépendent de ces sources traditionnelles de subsistance. Nous ne savons pas encore si l'une des espèces que nous avons identifiées ici produit des toxines dans la nature, bien que l'acide domoïque et la saxitoxine aient tous les deux étés récemment découverts dans des mollusques du détroit de Béring. Le changement climatique devrait modifier la structure des communautés planctoniques et pourrait permettre l'introduction d'espèces nuisibles qui n'étaient pas présentes auparavant. Maintenant que nous avons construit une base de données de codes-barres ADN pour les algues arctiques, nous allons continuer à surveiller leur abondance et leur distribution dans l'Arctique alaskien et canadien. Pour ce faire, nous recruterons des observateurs communautaires dans le cadre du programme afin de prélever des échantillons, de faire part de leurs observations sur la qualité de l'eau et la santé des animaux, et d'inciter leurs communautés à mieux comprendre les rôles que jouent les microbes dans l'environnement. En outre, nous nous efforcerons de découvrir quels sont les taxons arctiques qui produisent des toxines et dans quelles conditions, afin de mieux prévoir où et quand les HABs peuvent se produire dans l'Arctique.

Remerciements

Cette recherche a été financée par le ‘National Oceanographic Partnership Program’ par le biais du ‘Arctic Marine Biodiversity Observing Network’ (NA14NOS0120158), la ‘National Oceanic and Atmospheric Administration’ (NA15OAR0110208, NA14OAR0110266), le ‘North Pacific Research Board’ (NA17NMF4720289 subaward 1802), et la ‘National Science Foundation’ (OPP #1303901). Nous remercions le capitaine, l'équipage et les collègues scientifiques lors des croisières de recherche suivantes : DBO-NCIS (US CGC Healy), ASGARD (R/V Sikuliaq), et AMBON (Norseman II).

Ressources en ligne

Références

  • Gessner B.D., et J.P. Middaugh, 1995: Paralytic shellfish poisoning in Alaska: a 20-year retrospective analysis. Am. J. Epidemiol., 141(6), 766-770.
  • Lefebvre, K.A., et al., 2016: Prevalence of algal toxins in Alaskan marine mammals foraging in a changing arctic and subarctic environment. Harmful Algae, 55, 13-24.
  • Natsuike, M., S. Nagai, K. Matsuno, R. Saito, C. Tsukazaki, A. Yamaguchi, et I. Imai, 2013: Abundance and distribution of toxic Alexandrium tamarense resting cysts in the sediments of the Chukchi Sea and the eastern Bering Sea. Harmful Algae, 27, 52-59.
  • Natsuike, M., K. Matsuno, T. Hirawake, A. Yamaguchi, S. Nishino, et I. Imai, 2017: Possible spreading of toxic Alexandrium tamarense blooms on the Chukchi Sea shelf with the inflow of Pacific summer water due to climatic warming. Harmful Algae, 61, 80-86.
  • Percopo, I., M.V. Ruggiero, S. Balzano, P. Gourvil, N. Lundholm, R. Siano, A. Tammilehto, D. Vaulot, et D. Sarno, 2016: Pseudo-nitzschia arctica sp. nov., a new cold-water cryptic Pseudo-nitzschia species within the P. pseudodelicatissima complex. J. Phycol., 52(2), 184-199.
  • Shearn-Bochsler, V., E.W. Lance, R. Corcoran, J. Piatt, B. Bodenstein, E. Frame, et J. Lawonn, 2014: Fatal paralytic shellfish poisoning in Kittlitz's Murrelet (Brachyramphus brevirostris) nestlings, Alaska, USA. J. Wildlife Dis., 50(4), 933-937.
  • Tammilehto, A., T.G. Nielsen, B. Krock, E.F. Møller, et N. Lundholm, 2012: Calanus spp. – Vectors for the biotoxin, domoic acid, in the Arctic marine ecosystem? Harmful Algae, 20, 165-174.
  • Vandersea, M.W., et al., 2017: qPCR assays for Alexandrium fundyense and A. ostenfeldii (Dinophyceae) identified from Alaskan waters and a review of species-specific Alexandrium molecular assays. Phycologia, 56(3), 303-320

Savoir polaire Canada

Pour toutes demandes concernant les médias, contactez:
communications@polar-polaire.gc.ca

Détails de la page

Date de modification :