Éclosions de trichinellose humaine — Arizona, Minnesota et Dakota du Sud, 2022
Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Numéro : RMTC : Volume 50-5, mai 2024 : RMTC 50e anniversaire
Date de publication : mai 2024
ISSN : 1719-3109
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Volume 50-5, mai 2024 : RMTC 50e anniversaire
Rapport d'éclosion
Éclosions de trichinellose humaine — Arizona, Minnesota et Dakota du Sud, 2022
Shama Cash-Goldwasser1, Dustin Ortbahn2, Muthu Narayan3, Conor Fitzgerald4, Keila Maldonado5, James Currie6, Anne Straily7, Sarah Sapp7, Henry S Bishop7, Billy Watson7, Margaret Neja7, Yvonne Qvarnstrom7, David M Berman8, Sarah Y Park8, Kirk Smith9, Stacy Holzbauer9,10
Affiliations
1 Epidemic Intelligence Service, CDC
2 Département de la santé du Dakota du Sud
3 Université du Minnesota, Minneapolis, Minnesota
4 Département des services de santé de l'Arizona
5 Département de la santé publique du comté de Maricopa, Phoenix, Arizona
6 Clinique Lakeview, Waconia, Minnesota
7 Division of Parasitic Diseases and Malaria, Global Health Center, CDC
8 Medical Affairs, Karius, Inc., Redwood City, California
9 Département de la santé du Minnesota
10 Division of State and Local Readiness, Center for Preparedness and Response, CDC
Correspondance
Citation proposée
Cash-Goldwasser S, Ortbahn D, Narayan M, Fitzgerald C, Maldonado K, Currie J, Straily A, Sapp S, Bishop HS, Watson B, Neja M, Qvarnstrom Y, Berman DM, Park SY, Smith K, Holzbauer S. Éclosions de trichinellose humaine — Arizona, Minnesota et Dakota du Sud, 2022. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2024;50(5):169–73. https://doi.org/10.14745/ccdr.v50i05a05f
Mots-clés : Trichinella, trichinellose humaine, viande de gibier sauvage
Remarque
Le contenu de cet article est identique à celui de l'article principal publié dans le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) et diffusé de façon électronique le 23 mai 2024, conformément aux directives de publication simultanée établies par l'International Committee of Medical Journal Editors (www.icmje.org)(en anglais seulement).
Résumé
Que sait-on déjà sur ce sujet?
Les cas de trichinellose humaine sont rares aux États-Unis et sont généralement dus à la consommation de gibier sauvage.
Qu'apporte ce rapport?
Parmi huit personnes ayant partagé un repas comprenant de la viande d'un ours noir capturé au Canada et congelé pendant 45 jours, six cas de trichinellose ont été rapportés. La viande était grillée avec des légumes et servie saignante; deux cas sont survenus chez des personnes qui n'ont mangé que les légumes. Des larves mobiles de Trichinella nativa résistantes à la congélation ont été décelées dans des restes de viande congelée depuis plus de 15 semaines.
Quelles sont les implications pour la pratique de la santé publique?
La cuisson de la viande à une température interne d'environ 165 °F (74 °C) est nécessaire pour tuer les parasites Trichinella. La viande infectée par la Trichinella peut contaminer d'autres aliments, et la viande crue doit être conservée et préparée séparément des autres aliments afin d'éviter toute contamination croisée.
Résumé
La trichinellose est une zoonose parasitaire transmise par la consommation de viande d'animaux infectés par les nématodes Trichinella. En Amérique du Nord, la trichinellose humaine est rare et se transmet le plus souvent par la consommation de viande de gibier sauvage. En juillet 2022, un patient hospitalisé avec une trichinellose suspectée a été signalé au ministère de la santé du Minnesota. Une semaine avant l'apparition des symptômes, le patient et huit autres personnes ont partagé un repas comprenant de la viande d'ours qui avait été congelée pendant 45 jours avant d'être grillée et servie saignante avec des légumes qui avaient été cuits avec la viande. L'enquête a permis de recenser six cas de trichinellose, dont deux chez des personnes n'ayant consommé que les légumes. Des larves mobiles de Trichinella ont été trouvées dans la viande d'ours restante qui avait été congelée pendant plus de 15 semaines. Des tests moléculaires ont permis de déceler les larves de la viande d'ours comme étant des Trichinella nativa, une espèce résistante à la congélation. Les personnes qui consomment de la viande de gibier sauvage doivent savoir qu'une cuisson adéquate est le seul moyen fiable de tuer les parasites Trichinella et que la viande infectée peut contaminer d'autres aliments.
Enquête et résultats
Notification du patient zéro
En juillet 2022, le département de la santé du Minnesota a été informé de l'hospitalisation d'un homme âgé de 29 ans qui présentait de la fièvre, des myalgies sévères, un œdème périorbitaire, une éosinophilie et d'autres anomalies de laboratoire (tableau 1); les professionnels de soins de santé ont suspecté une trichinellose. Le patient avait consulté quatre fois pour ses symptômes, qui avaient commencé au début du mois de juillet, et avait été hospitalisé deux fois sur une période de 17 jours. Au cours de sa deuxième hospitalisation, les professionnels de soins de santé ont été mis au courant de la consommation de viande d'ours, et un traitement empirique à l'albendazole pour une trichinellose probable a été mis en place. Une enquête a été lancée pour confirmer le diagnostic, rechercher d'autres cas et déterminer la source de l'infection à des fins de prévention. Le diagnostic du patient zéro a été confirmé par un résultat positif au test d'immunoglobuline (Ig) G de Trichinella.
Statut du cas | Âge, années, sexe | Consommation de viande d'ours | Signes et symptômes | Hospitalisé | Reçu un traitement dirigé contre la trichinellose | Numération des GB, (x 1 000)/ml, (% éos)Tableau 1 note de bas de page a | Créatine kinaseTableau 1 note de bas de page a, unités/l | Résultats du test de détection des anticorps pour la Trichinella | Résultats des tests de séquençage métagénomique |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Confirmé | 12, F | Oui | Douleurs abdominales, myalgies, fièvre et œdème périorbitaire | Oui | Oui, albendazole | 8 (37 %) | 2 495Tableau 1 note de bas de page b | Positif | Positif, espèces de Trichinella |
Confirmé | 29, M | Oui | Douleurs abdominales, diarrhée, myalgies, fièvre et œdème périorbitaire | Oui | Oui, albendazole | 27 (22 %) | 1 040Tableau 1 note de bas de page c | Positif | Positif, espèces de Trichinella |
Probable | 29, F | NonTableau 1 note de bas de page d | Myalgies et fièvre | Non | Non | NF | NF | NF | NF |
Probable | 54, F | NonTableau 1 note de bas de page d | Maux de tête et myalgies | Non | Non | NF | NF | Négatif | NF |
Probable | 57, M | Oui | Diarrhée, myalgies, fièvre et œdème périorbitaire | Oui | Oui, albendazole | 13 (9 %) | 323Tableau 1 note de bas de page e | Négatif | NF |
Probable | 62, M | Oui | Diarrhée et maux de tête | Non | Non | NF | NF | Négatif | NF |
Négatif | 14, M | Oui | Aucune | s.o. | Non | NF | NF | NF | NF |
Négatif | 61, F | Oui | Aucune | s.o. | Non | NF | NF | Négatif | NF |
Recherche des sources d'exposition potentielle
Six jours avant l'apparition des symptômes chez le patient zéro, celui-ci et huit membres de sa famille élargie, originaires de trois États (Arizona, Minnesota et Dakota du Sud), s'étaient réunis pendant plusieurs jours dans le Dakota du Sud et avaient partagé un repas comprenant des brochettes de viande d'ours noir (Ursus americanus), capturé par l'un des membres de la famille dans le nord de la Saskatchewan, au Canada, en mai 2022. Le pourvoyeur de chasse avait recommandé de congeler la viande pour tuer les parasites. La viande a été congelée dans un congélateur domestiqueNote de bas de page * pendant 45 jours avant d'être décongelée et grillée avec des légumes. La viande a d'abord été servie saignante par inadvertance, apparemment parce qu'elle était de couleur foncée et qu'il était difficile pour les membres de la famille de vérifier visuellement le degré de cuisson. Après la consommation de la viande par certains membres de la famille, il a été observé qu'elle n'était pas assez cuite, elle a donc été recuite avant d'être servie à nouveau. La réunion de famille s'est terminée avant l'apparition de la maladie chez le patient zéro.
Enquête de laboratoire et définition de cas
Les autorités sanitaires de l'Arizona, du Minnesota et du Dakota du Sud ont interrogé huit des neuf personnes ayant participé au repas en question. Le neuvième participant était une personne âgée de moins de 18 ans dont le statut d'exposition n'a pas pu être confirmé. Toutefois, cette personne serait restée en bonne santé. La recherche d'anticorps IgG de Trichinella dans des sérums appariés en phase aiguë et en phase de convalescence a été recommandée pour les huit personnes exposées et a été réalisée pour six d'entre elles. Un séquençage de l'ADN métagénomique microbienNote de bas de page 1 a été réalisé sur des échantillons de plasma du patient zéro et d'une autre personne qui avait consulté deux fois avant d'être hospitalisée pour fièvre, myalgies, douleurs abdominales, œdème périorbitaire et anomalies de laboratoire. Les cas de trichinellose ont été classés selon la définition de cas 2014 du Council for State and Territorial Epidemiologists (CSTE),Note de bas de page † (i.e., la présence de symptômes cliniquement compatibles chez une personne ayant consommé un repas ou une viande impliquée d'un point de vue épidémiologique dans lequel le parasite a été mis en évidence [probable] ou ayant eu un résultat de test sérologique positif pour les anticorps contre la Trichinella [confirmé]). Des échantillons de viande d'ours congelée ont été prélevés dans le congélateur de la maison et envoyés aux CDC pour une digestion artificielle des tissus, un examen microscopique à la recherche de larves et un test moléculaire pour la Trichinella.
Détection de cas supplémentaires et confirmation de la source d'exposition
Parmi les huit personnes interrogées, cinq ont consommé la viande d'ours et huit ont consommé les légumes qui avaient été cuisinés avec cette viande. Six des huit personnes ayant participé au repas, dont quatre ayant consommé la viande d'ours et les légumes, et deux n'ayant consommé que les légumes (mais pas la viande), présentaient des symptômes compatibles avec la trichinellose et répondaient aux critères d'identification des cas (deux confirmés et quatre probables). Les patients atteints de trichinellose étaient âgés de 12 à 62 ans et vivaient dans trois États : Arizona (un), Minnesota (quatre) et Dakota du Sud (un). Tous les cas ont été diagnostiqués dans l'État de résidence des patients. Trois des six personnes symptomatiques, dont deux ont consulté au moins deux fois avant de se voir proposer un traitement, ont été hospitalisées. Les trois personnes hospitalisées ont reçu un traitement dirigé contre la trichinellose avec de l'albendazoleNote de bas de page §. Les six personnes symptomatiques se sont rétablies. Les patients non hospitalisés n'ont pas reçu de traitement dirigé contre la trichinellose parce que leurs symptômes s'étaient résorbés avec des soins de soutien uniquement, et que l'intérêt d'un traitement après une invasion larvaire dans le muscle est incertainNote de bas de page 2. Six personnes ont soumis un échantillon de sérum, chacun prélevé dans les quatre semaines suivant l'apparition des symptômes. Deux échantillons ont été testés positifs pour les anticorps IgG de Trichinella par dosage immuno-enzymatique. Deux personnes ont soumis un échantillon de plasma pour le séquençage de l'ADN acellulaire microbien au cours d'une hospitalisation pour des symptômes compatibles avec la trichinellose, et les deux échantillons de plasma ont été testés positifs pour l'ADN de Trichinella. La microscopie a permis de déceler des larves de Trichinella mobiles (> 800 larves/g) dans des échantillons de viande d'ours qui avaient été congelés pendant 110 jours dans un congélateur domestique (figure 1). Le test d'amplification en chaîne par la polymérase multiplex en temps réelNote de bas de page 3 de la viande d'ours s'est révélé positif pour la T. nativa et le séquençage du génome entier a permis d'établir des séquences mitochondriales identiques à 100 % à la T. nativa.
Réponse de la santé publique
Il a été conseillé au membre de la famille qui a capturé l'ours et fourni des échantillons de viande pour les tests de jeter toute viande restante. Tous les cas de trichinellose établis ont été signalés aux services de santé des États concernés et aux CDC. Les CDC ont avisé l'Agence de la santé publique du Canada de l'éclosion et de la source d'infection confirmée. Cette activité a été examinée par les CDC, considérée comme ne relevant pas de la recherche, et a été menée conformément à la législation fédérale applicable et à la politique des CDCNote de bas de page ±.
Discussion
La trichinellose est rarement signalée aux États-Unis. En raison de l'évolution des pratiques de production de viande de porc par rapport aux normes historiques qui favorisaient la transmission, la plupart des cas signalés ces dernières années sont attribués à la consommation de viande de gibier sauvageNote de bas de page 4. Entre janvier 2016 et décembre 2022, sept éclosions de trichinellose aux États-Unis, dont 35 cas probables et confirmés, ont été signalés aux CDC. La viande d'ours était la source d'infection suspectée ou confirmée dans la majorité de ces éclosions (CDC, données non publiées, 2022). Les estimations de la prévalence de l'infection par la Trichinella parmi les espèces animales sauvages hôtes varient considérablement. La prévalence de l'infection par la Trichinella varie d'au moins 1 % à 24 % chez les ours noirs du Canada et de l'Alaska, et des prévalences encore plus élevées d'infection par cette bactérie sont signalées chez les prédateurs qui sont uniquement carnivores (e.g., l'ours polaire, le carcajou et le cougar)Note de bas de page 5. La fréquence à laquelle la viande d'ours noir est la source d'infection humaine pourrait être due aux pratiques de chasse, aux facteurs écologiques et à la densité parasitaire relativement élevée observée dans les muscles des ours noirs infectés par rapport à celle d'autres espècesNote de bas de page 6Note de bas de page 7.
Les symptômes de la trichinellose étant généralement non spécifiques, le diagnostic de l'infection nécessite un indice de suspicion élevé. Toutefois, l'œdème périorbitaire et certaines anomalies de laboratoire (e.g., éosinophilie et taux élevés de créatine kinase) peuvent fournir des indices étiologiques. Dans cette éclosion, deux des patients hospitalisés ont eu recours à des soins à plusieurs reprises avant de recevoir un diagnostic. Quatre des six patients répondaient aux critères cliniques et épidémiologiques et ont donc été considérés comme des cas probables. La confirmation en laboratoire peut s'avérer difficile en raison de la sensibilité limitée de la recherche d'anticorps au début de la maladieNote de bas de page 8. Dans le cadre de cette enquête, les résultats de la recherche d'IgG de Trichinella en phase aiguë n'étaient positifs que dans deux des six échantillons de patients testés. L'utilité clinique des résultats des tests de dépistage de la trichinellose obtenus après une maladie aiguë est limitée et, historiquement, les chercheurs en santé publique ont eu de la difficulté à obtenir des échantillons de sérum de personnes convalescentes ayant guéri. Les critères de laboratoire dans la définition actuelle des cas de trichinellose du CSTE n'incluent pas l'analyse des acides nucléiques des échantillons humains. La sensibilité de ces tests pour détecter l'ADN de la Trichinella dans le sang n'est pas caractérisée. Toutefois, les échantillons de plasma des deux patients testés par séquençage métagénomiqueNote de bas de page 1 ont donné des résultats positifs pour l'ADN de la Trichinella. Comme l'a montré cette éclosion, les tests moléculaires de diagnostic des agents pathogènes peuvent être utiles pour la détection de maladies rares lorsque le bilan standard n'est pas révélateur et que les autres tests de diagnostic manquent de sensibilité.
Implications pour la pratique de la santé publique
Bien que la congélation tue les espèces de Trichinella communément impliquées dans les éclosions associées au porc, les espèces de Trichinella résistantes à la congélation, y compris T. nativa et le génotype T6Note de bas de page 9, prédominent dans les régions arctiques et subarctiquesNote de bas de page 6. La motilité des larves a été observée dans de la viande d'ours qui avait été congelée pendant près de 4 mois (110 jours). Les personnes qui consomment de la viande de gibier, en particulier celle capturée sous les latitudes septentrionales, doivent savoir qu'une cuisson adéquate est le seul moyen fiable d'éliminer les parasites Trichinella. La cuisson de la viande de gibier sauvage à une température interne d'environ 165 °F (74 °C) est recommandée par les autorités sanitairesNote de bas de page **. Les températures doivent être vérifiées à l'aide d'un thermomètre à viande. Comme l'a démontré cette éclosion, la couleur de la viande n'est pas un bon indicateur de l'adéquation de la cuisson. La manipulation sécuritaire de la viande crue (i.e., la séparation de la viande crue ou insuffisamment cuite et de ses jus des autres aliments) est recommandée pour prévenir la trichinellose. Cette enquête et des enquêtes antérieures suggèrent que la viande infectée par la Trichinella peut contaminer d'autres alimentsNote de bas de page 10. Les entités gouvernementales et privées qui supervisent et organisent la chasse devraient éduquer les chasseurs sur ces risques et sur les mesures préventives efficaces.
Intérêts concurrents
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l'International Committee of Medical Journal Editors pour la déclaration de conflits d'intérêts potentiels. David M. Berman déclare être consultant médical rémunéré en laboratoire pour Precision Health Solutions et déclare détenir des actions de la société Karius, Inc. Aucun autre conflit d'intérêts potentiel n'a été révélé.
Remerciements
Les personnes touchées par cette éclosion : Lauren Ahart, Sue Montgomery, Parasitic Diseases Branch, CDC.
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