Rapport de mi-saison d’ÉpiGrippe 2021–2022
Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Numéro : Volume 48-1, janvier 2022 : COVID-19 : mortalité et inégalités sociales
Date de publication : janvier 2022
ISSN : 1481-8531
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Volume 48-1, janvier 2022 : COVID-19 : mortalité et inégalités sociales
Surveillance
Rapport national de mi-saison d'ÉpiGrippe, 2021–2022 : activité grippale sporadique de retour
Christina Bancej1, Abbas Rahal1, Liza Lee1, Steven Buckrell1, Kara Schmidt1, Nathalie Bastien2
Affiliations
1 Centre de l'immunisation et des maladies respiratoires infectieuses, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON
2 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg, MB
Correspondance
Citation proposée
Bancej C, Rahal A, Lee L, Buckrell S, Schmidt K, Bastien N. Rapport national de mi-saison d'ÉpiGrippe, 2021–2022 : activité grippale sporadique de retour. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(1):43–50. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i01a06f
Mots-clés : grippe, surveillance, Canada, humain/épidémiologie, humain/virologie, saisons, virus de la grippe de type A, virus de la grippe de type B, interventions non pharmaceutiques
Résumé
Au Canada, la surveillance de l'épidémie de grippe saisonnière de 2021–2022 a commencé au cours de la semaine épidémiologique 35 (la semaine commençant le 29 août 2021), pendant l'urgence mondiale de santé publique en cours concernant la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).
On observe à ce jour, au cours de la période de surveillance 2021–2022, un retour d'une activité grippale sporadique persistante, et les premières hospitalisations associées à la grippe depuis la mi-2020 ont été signalées. Cependant, depuis la semaine 52 (semaine se terminant le 01 janvier 2022), l'activité est demeurée sporadique et aucune éclosion ou épidémie de grippe confirmée n'a été détectée. On constate un retard ou une absence de plusieurs indicateurs traditionnels de la grippe saisonnière, notamment l'annonce du début de la saison grippale, marqué par un seuil de 5 % de positivité, qui historiquement survient en moyenne à la semaine 47. Les 429 détections sporadiques signalées au Canada à ce jour ont eu lieu dans 31 régions de sept provinces et territoires. Près de la moitié (n = 155/335, 46,3 %) des cas rapportés touchaient la population pédiatrique (moins de 19 ans). Les trois quarts des cas étaient des détections de grippe A (n = 323/429, 75,3 %). Parmi les détections de grippe A sous-typée, A(H3N2) prédominait (n = 83/86, 96,5 %). Sur les 12 virus caractérisés par le Laboratoire national de microbiologie, 11 étaient des souches de la grippe saisonnière. Parmi les souches de la grippe saisonnière caractérisées, une seule, sur le plan antigénique, était similaire aux souches recommandées pour le vaccin de l'hémisphère Nord de 2021–2022, bien que toutes étaient sensibles aux antiviraux, l'oseltamivir et le zanamivir.
Jusqu'à très récemment, aucune épidémie de grippe saisonnière n'avait été signalée depuis mars 2020. Les données sur la réapparition des souches de la grippe saisonnière au Canada après la pandémie du virus grippal A(H1N1)pdm09 montrent que les épidémies de grippe A(H3N2) et B ont cessé pendant la saison 2009–2010 et la deuxième vague du virus A(H1N1)pdm09, mais qu'elles sont réapparues au cours des saisons suivantes pour prédominer et provoquer des épidémies d'une intensité plus élevée que pendant les saisons prépandémiques. Il est impossible de prévoir quand et où l'activité épidémique de la grippe saisonnière reprendra, mais les estimations basées sur des modèles et les schémas historiques post-pandémiques d'intensification des épidémies justifient une vigilance continue pendant la saison habituelle et en cas de réapparition hors saison. De plus, les mesures de préparation de la population, comme la vaccination annuelle contre la grippe pour atténuer l'intensité et la charge des futures vagues épidémiques de grippe saisonnière, doivent être maintenues.
Introduction
La réponse de la santé publique à la pandémie de COVID-19 à l'échelle mondiale a supprimé l'activité épidémique de la grippe saisonnière depuis mars 2020 et continue à contenir les épidémies de grippe saisonnière jusqu'à la période de la saison habituelle 2021–2022 dans l'hémisphère NordNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6.
La saison grippale 2019–2020 au Canada a été tronquée par des mesures de santé publique visant à réduire la transmission du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2), et est restée à des niveaux intersaisonniers depuisNote de bas de page 1Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Tout au long de la saison habituelle dans l'hémisphère Nord en 2020–2021, et malgré l'augmentation des pratiques de dépistage de la grippe, seulement 69 détections de grippe confirmées en laboratoire et aucune éclosion de grippe ou hospitalisation confirmée en laboratoire ont été enregistrées au Canada par les provinces et territoires participantsNote de bas de page 10.
À l'échelle mondiale, les rapports d'éclosions de grippe localisées ont été rares tout au long de la période pandémique, les éclosions régionales du virus grippal A(H3N2) étant limitées à l'Asie du Sud et du Sud-Est, les épidémies du virus de la grippe B/Victoria en Chine et A(H1N1) en Afrique occidentaleNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Cependant, avec l'assouplissement accru des mesures de santé publique liées à la COVID-19, il semble y avoir eu une augmentation des rapports vérifiés et non vérifiés d'éclosions de grippe localisées au cours de la période de surveillance 2021–2022 dans l'hémisphère NordNote de bas de page 14Note de bas de page 15.
La surveillance au Canada pour la saison grippale 2021–2022 a commencé le 29 août 2021 (semaine épidémiologique 2021-35)Note de bas de page 6. Le présent rapport décrit la surveillance d'ÉpiGrippe pour la réapparition de l'activité saisonnière sporadique, localisée et épidémique au Canada, dans le contexte de l'assouplissement des mesures de santé publique à l'échelle mondiale et nationale au cours des 18 premières semaines de la saison grippale 2021–2022 au pays (du 29 août 2021 au 1er janvier 2022 [semaines épidémiologiques 35 à 52]).
Méthodes
Conception
Le programme ÉpiGrippe est le système national de surveillance comprenant la surveillance virologique, la surveillance du niveau d'activité du syndrome d'allure grippale, la surveillance syndromique, la surveillance des éclosions de la grippe la surveillance des cas sévères et la surveillance de la vaccination au Canada. Chaque année, la surveillance continue de la grippe a lieu de la semaine épidémiologique 35 à la semaine épidémiologique 34 de l'année suivante. À l'exception de la couverture et de l'efficacité des vaccins, qui sont évaluées à la mi-saison et à la fin de la saison, le réseau d'ÉpiGrippe, composé de laboratoires, d'hôpitaux, de cabinets médicaux, de ministères provinciaux et territoriaux de la Santé et de particuliers, transmet chaque semaine à ÉpiGrippe des données sur les cas et les événements survenus au cours de la semaine épidémiologique précédente.
Définitions et sources de données
Les détections globales en laboratoire sont signalées à ÉpiGrippe par les laboratoires de santé publique et les hôpitaux des provinces et territoires qui composent le programme de Surveillance et détection de virus des voies respiratoires. Le nombre de tests, le nombre de résultats positifs et le pourcentage de résultats positifs pour la grippe et les autres virus respiratoires sont calculés. Selon la province, des tests de réaction en chaîne de la polymérase par transcription inverse (RT-PCR) ont été effectués sur des échantillons de patients provenant de cas de syndrome d'allure grippale en consultation externe (la plupart des provinces déclarantes ont limité les tests en consultation externe aux groupes présentant un risque accru de complications liées à la grippe), de cas d'infection respiratoire aiguë aux urgences et/ou de cas de maladie respiratoire aiguë sévère hospitalisés, ainsi que d'éclosions.
Les données pour les cas sur les détections de grippe confirmées en laboratoire ont été fournies sur un sous-ensemble de cas de grippe positifs à partir des détections globales en laboratoire.
Pour les séries chronologiques historiques des saisons grippales à partir de 2007–2008, la souche de la grippe A dominante a été attribuée aux sous-types de la grippe A comprenant 40 % ou plus des virus de grippe A sous-typés. Avant 2009–2010, les données de sous-typage n'étaient disponibles que pour l'échantillon de spécimens de surveillance caractérisés sur le plan antigénique ou génétique par le Laboratoire national de microbiologie (LNM).
Les niveaux d'activité de la grippe et du syndrome d'allure grippale ont été signalés à ÉpiGrippe sur la base des évaluations des épidémiologistes des provinces et territoires. Les niveaux d'activité sont classés comme suit : 1) aucune activité (aucune détection de grippe confirmée en laboratoire au cours de la semaine de déclaration; toutefois, des cas sporadiques de syndrome d'allure grippale peuvent être signalés); 2) sporadique (cas sporadiques de syndrome d'allure grippale et de détection de grippe confirmée en laboratoire sans éclosion dans la région de surveillance de la grippe); 3) localisée (augmentation des cas de syndrome d'allure grippale et de la détection de la grippe confirmée en laboratoire et des éclosions dans les écoles, les hôpitaux, les établissements résidentiels et/ou d'autres types d'établissements dans moins de 50 % de la région de surveillance de la grippe); et 4) étendue (preuve d'une augmentation des cas de syndrome d'allure grippale et de la détection de la grippe confirmée en laboratoire et des éclosions dans les écoles, les hôpitaux, les établissements résidentiels et/ou d'autres types d'établissements dans une proportion supérieure ou égale à 50 % de la région de surveillance de la grippe).
Les éclosions de grippe confirmées en laboratoire ont été signalées à ÉpiGrippe par les provinces et territoires. L'ensemble des provinces et territoires ont signalé des éclosions de grippe confirmées en laboratoire et survenues dans des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée. Des éclosions de grippe confirmées en laboratoire dans d'autres milieux, y compris des collectivités éloignées ou isolées, des lieux de travail, des écoles et universités ou des établissements correctionnels, ont été signalées par certains territoires et provinces. Une éclosion est considérée comme une détection de grippe confirmée si deux cas ou plus de syndrome d'allure grippale ont été signalés dans l'établissement pendant une période de sept jours, avec au moins un cas confirmé en laboratoire comme étant la grippe.
Pour la surveillance des cas sévères, les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ont signalé à ÉpiGrippe les hospitalisations, les admissions dans les unités de soins intensifs et les décès associés à une détection de grippe confirmée en laboratoire. Deux réseaux sentinelles, le Programme canadien de surveillance active de l'immunisation (pédiatrie) et le Réseau canadien de recherche sur l'immunisation – réseau de surveillance des cas graves (adulte), ont signalé à ÉpiGrippe les hospitalisations, les admissions en unité de soins intensifs et les décès d'enfants et d'adultes associés à la grippe confirmés en laboratoire, ainsi que des données supplémentaires de surveillance accrue des cas, provenant de sites sentinelles dans des provinces et territoires.
Pour la caractérisation du virus, le LNM a reçu des isolats de grippe des provinces et territoires, prélevés à différents moments de la saison, pour la caractérisation des souches et les tests de résistance aux antiviraux. Le LNM a également procédé au séquençage partiel du génome de l'hémagglutinine de certains isolats.
Méthodes statistiques
Les données hebdomadaires ont été saisies par l'entremise du portail du Réseau canadien de renseignements sur la santé publique ou directement intégrées dans SAS V9.4. Le nettoyage des données, l'agrégation et l'estimation des taux et des proportions ont été effectués dans SAS V9.4. La visualisation des données pour l'analyse spatiale et géographique a été effectuée à l'aide d'ArcGIS et les statistiques descriptives et les tendances temporelles ont été estimées dans SAS V9.4 et visualisées dans Excel.
Résultats
Du 29 août 2021 au 1er janvier 2022 (semaines 35 à 52), on a signalé de façon persistante et croissante une activité grippale sporadique. Cette activité sporadique a eu lieu dans 31 régions de sept provinces et territoires (Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba, Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) (figure 1).
Figure 1 : Nombre de régions ayant signalé une activité grippale sporadique, localisée ou étendue, par semaine épidémiologique, Canada, semaines 2021-35 à 2021-52Figure 1 Note de bas de page a
Description textuelle : Figure 1
Semaine | Activité sporadique | Activité localisée | Activité étendue |
---|---|---|---|
35 | 2 | 0 | 0 |
36 | 0 | 0 | 0 |
37 | 2 | 0 | 0 |
38 | 0 | 0 | 0 |
39 | 2 | 0 | 0 |
40 | 3 | 0 | 0 |
41 | 6 | 0 | 0 |
42 | 3 | 0 | 0 |
43 | 2 | 0 | 0 |
44 | 3 | 0 | 0 |
45 | 10 | 0 | 0 |
46 | 7 | 0 | 0 |
47 | 10 | 0 | 0 |
48 | 13 | 0 | 0 |
49 | 18 | 0 | 0 |
50 | 12 | 1 | 0 |
51 | 17 | 0 | 0 |
52 | 12 | 0 | 0 |
Les premiers cas de grippe de la saison 2021–2022 ont été détectés au début de la période de surveillance à la semaine 35 et les détections sporadiques de grippe ont persisté et augmenté lentement en nombre jusqu'à la semaine 49. Cependant, le pourcentage de positivité n'a pas atteint le seuil de 5 % nécessaire pour déclarer le début de l'épidémie de grippe saisonnière, restant inférieur à 0,5 % cette saison jusqu'à présent (figure 2). Une forte baisse des cas de grippe s'est amorcée et a persisté pendant les semaines 50 à 52, en même temps que l'apparition du variant Omicron du SRAS-CoV-2 et à la réintroduction de mesures de santé publique intensifiées.
Figure 2 : Pourcentage de tests de détection de la grippe positifs, par semaine de rapport, Canada, saison grippale 2021–2022 à ce jour (semaines 35 à 52) par rapport à la moyenne historique et au minimum-maximum (saisons 2014–2015 à 2019–2020)
Description textuelle : Figure 2
Province | A(H1)pdm09 | A(H3) | A(non sous-typé) | Grippe B | Total |
---|---|---|---|---|---|
Alberta | 0 | 7 | 25 | 2 | 34 |
Colombie-Britannique | 0 | 34 | 113 | 79 | 226 |
Manitoba | 1 | 8 | 3 | 0 | 12 |
Nouveau-Brunswick | 0 | 0 | 6 | 0 | 6 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Nouvelle-Écosse | 0 | 1 | 10 | 4 | 15 |
Territoires du Nord-Ouest | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Nunavut | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Ontario | 2 | 30 | 28 | 0 | 60 |
Île-du-Prince-Édouard | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Québec | 0 | 1 | 46 | 14 | 61 |
Saskatchewan | 0 | 1 | 3 | 0 | 4 |
Yukon | 0 | 1 | 3 | 7 | 11 |
Les données sont de la semaine 2021-35 à la semaine 2021-52
La majorité des 429 détections de grippe sporadique effectuées à ce jour ont été signalées par la Colombie-Britannique, suivie du Québec et de l'Ontario. Deux provinces (Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard) et deux territoires (Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut) n'ont pas encore signalé de détections de grippe cette saison et une province (Saskatchewan) n'a détecté que des cas liés à des voyages. La grippe A représentait les trois quarts des détections, la grippe A étant détectée en plus grand nombre dans l'ensemble des provinces et territoires (le sous-type A[H3N2] étant le plus souvent détecté) (figure 3).
Au cours de la saison 2021–2022 jusqu'à présent, la grippe est restée à des niveaux intersaisonniers au Canada (figures 2A et 2B); toutefois, l'activité est actuellement en hausse, n = 96/429 (22,4 %) des détections ayant été enregistrées au cours des deux semaines épidémiologiques les plus récentes. Les premières hospitalisations et admissions en unité de soins intensifs liées à la grippe ont été signalées depuis le milieu de l'année 2020, les premiers rapports ayant débuté au cours de la semaine 43; toutefois, l'activité reste sporadique et aucune éclosion ou activité épidémique associée à la grippe n'a été détectée.
Les cas signalés touchaient principalement moitié (n = 155/335, 46,3 %) des cas la population pédiatrique (moins de 19 ans).
La majorité des détections effectuées jusqu'à présent étaient des détections de grippe A (n = 323/429, 75,3 %). Parmi les détections de grippe A sous-typée, A(H3N2) prédominait (n = 83/86, 96,5 %). Parmi les 11 virus saisonniers caractérisés par le LNM (deux A[H1N1] pdm09, neuf A[H3N2]), un seul était similaire aux souches présentes dans le vaccin sur le plan antigénique, et tous étaient sensibles aux antiviraux, l'oseltamivir et le zanamivir. Une détection sporadique, identifiée par la suite comme un variant de la grippe porcine A(H1N2)v, a été signalée au cours de la semaine 2021-41 mais n'a pas pu être caractérisée plus précisément.
Pendant la pandémie du virus grippal A(H1N1)pdm09 au Canada, les détections de souches grippales non pandémiques (grippe A[H3N2], grippe A[H1N1] [la grippe qui circulait avant la pandémie] et grippe B) ont toutes été supprimées pendant la saison 2009–2010 et la deuxième vague de grippe A(H1N1)pdm09. Le pourcentage de positivité de la grippe B a varié de 0,0 % à 0,21 % et les souches de la grippe A non pandémiques étaient pratiquement absentes pendant la période de la pandémie de H1N1 2009. La grippe A(H3N2) est réapparue au cours des saisons 2010–2011 et 2011–2012, avec des épidémies plus sévères qu'avant la pandémie. Elle a également provoqué des épidémies particulièrement sévères en 2012–2013 et au cours des deux saisons qui ont suivi, les saisons 2014–2015 (augmentation de l'activité moyenne avec un pic de 34 % de positifs) et 2016–2017 (augmentation de l'activité moyenne avec un pic de 26,8 % de positifs) étant des saisons de grippe A(H3N2) particulièrement intenses. La grippe B est également réapparue en 2010–2011, mais avec une épidémie moins sévère, suivie d'une plus sévère en 2011–2012 où elle a circulé et dominé avec la grippe A(H3N2) (figure 4).
Discussion
Le Canada a connu un retour et une poursuite de l'activité sporadique pendant la plupart des semaines de la saison 2021–2022 à ce jour (semaines 2021-35 à 2021-52). L'activité est restée sporadique tout au long de cette période, une seule région ayant signalé une activité localisée au cours de la semaine 50 et aucune éclosion de grippe confirmée en laboratoire ayant été signalée. Au cours de la semaine 2021-52, l'activité est restée sous le seuil épidémique. Les détections sporadiques étaient un mélange de grippe A et B, avec une prédominance de la grippe A(H3N2).
De même, dans le contexte mondial, la plupart des pays ont continué à signaler une activité grippale inférieure à la normale, avec moins de détections qu'à l'accoutumée et très peu d'éclosions localiséesNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13 pendant la première partie typique de la saison grippale de l'hémisphère Nord. Jusqu'en décembre 2021, aucune activité épidémique n'avait été signalée nulle part depuis avril 2020Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Les récents rapports de surveillance de décembre 2021 du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis ont indiqué le début et l'intensification de l'activité épidémique saisonnière dans plusieurs parties de l'hémisphère NordNote de bas de page 18Note de bas de page 19. Les détections signalées au Global Influenza Surveillance and Response System (GISRS) et les isolats signalés à l'Initiative mondiale de partage des données sur la grippe aviaire (GISAID) ne représentent qu'une fraction de ce qu'ils étaient avant la pandémie. Une diminution de la diversité génétique des virus de la grippe en circulation a été signalée avec une quasi-absence de la grippe B/YamagataNote de bas de page 11. Une forte proportion de détections sporadiques dans le monde, qui ont été caractérisées, présentaient des différences antigéniques par rapport aux souches recommandées pour le vaccinNote de bas de page 20Note de bas de page 21.
Les renseignements concernant les cas sur les détections sporadiques effectuées jusqu'à présent au Canada ont montré quelques différences dans le modèle par rapport à ceux observés au cours des récentes épidémies de grippe saisonnière qui ont eu lieu avant la pandémie de COVID-19. La charge est généralement la plus élevée chez les personnes âgées, mais les détections sporadiques effectuées à ce jour concernent principalement la population pédiatrique et les jeunes adultes. Les détections de grippe A(H1N1)pdm09 et B ont tendance à se produire de manière disproportionnée chez les enfants, tandis que les détections de grippe A(H3N2) sont disproportionnées chez les personnes âgées, mais jusqu'à présent, les infections par la grippe A(H3N2) ont été prédominantes et ont été observées de manière disproportionnée chez les enfants et les jeunes adultes. Cependant, il est trop tôt pour discerner des tendances émergentes ou des raisons possibles de ces résultats, étant donné le manque de transmission communautaire.
Une question clé concerne le moment où l'activité augmentera au-delà des détections sporadiques et où les épidémies de grippe saisonnière réapparaîtront au Canada. Tant que les mesures de santé publique réduisent la transmission de la grippe de 30 % ou plus, la circulation communautaire de la grippe restera probablement suppriméeNote de bas de page 22. La réduction des voyages internationaux diminue le risque de réintroduction des souches de grippe saisonnière à partir des poches où elles circulent et les mesures nationales visant à réduire la transmission du SRAS-CoV-2 et de ses variants émergents, y compris celles récemment mises en œuvre contre le variant Omicron du SRAS-CoV-2, sont susceptibles de maintenir ou de rétablir les réductions de la transmission de la grippe égalementNote de bas de page 11Note de bas de page 23.
Une autre question importante concerne l'impact ou la gravité probable des épidémies de grippe saisonnière lorsqu'elles réapparaîtront. Une modélisation publiée avant la saison grippale 2020–2021 dans l'hémisphère Nord a démontré que, même si le moment de la réapparition est imprévisible, des épidémies plus intenses et plus graves de grippe et d'autres virus respiratoires saisonniers comme le virus respiratoire syncytial sont susceptibles de se produire lorsque la circulation et la transmission reprendront, en raison d'une immunité moindre de la population contre les agents pathogènes et les souches non pandémiques, en particulier chez les jeunesNote de bas de page 24. Les résultats de la surveillance présentés ici, ainsi que les études de modélisation ont montré que des épidémies de grippe A(H3N2) et B plus graves, se sont produites dans les années qui ont suivi la pandémie de H1N1 de 2009Note de bas de page 25Note de bas de page 26. Bien que les agents pathogènes pandémiques soient différents et que la rigueur et la durée des mesures de santé publique soient plus importantes dans le cas de la pandémie de COVID-19, l'expérience qui a suivi l'émergence de la grippe A(H1N1)pdm09 peut donner un aperçu du comportement des virus endémiques après une période de suppression ainsi que de la performance des contre-mesures médicales. La sélection de souches pour le vaccin contre la grippe s'est avérée difficile au cours de la pandémie de COVID-19, notamment en raison de la faible circulation de la grippe dans le monde et de la disponibilité limitée des virus vaccinaux candidats qui en résulteNote de bas de page 27. Les centres nationaux de la grippe, au Canada comme dans le monde, ont signalé une proportion relativement élevée d'isolats détectés qui sont, sur le plan antigénique, différents des souches comprises dans le vaccin et l'efficacité du vaccin n'a pas été évaluée depuis la saison 2019–2020 de l'hémisphère NordNote de bas de page 28.
Il reste possible que lorsque les épidémies de grippe saisonnière reprendront, elles se produiront pendant une période de circulation endémique en même temps que le SRAS-CoV-2. La circulation conjointe et la co-infection de la grippe et du SRAS-CoV-2 ont été documentées, et des données indiquent que les effets synergiques sont plus graves chez les patients infectés par les deux virus que chez ceux qui ont été infectés par l'un ou l'autre virusNote de bas de page 29Note de bas de page 30. Les défis de la circulation conjointe de la grippe et du SRAS-CoV-2, deux agents pathogènes à forte charge de morbidité, dans le contexte d'un système de santé tendu et de nouvelles mesures plus strictes de prévention et de contrôle des infections pour la gestion des cas de maladies infectieuses respiratoires, nécessitent des approches de planification intégrées.
Le Canada pourrait ne pas connaître une nouvelle saison grippale typique en 2021–2022 en raison des possibilités plus limitées d'introduction et de transmission/circulation locale. Une autre saison de suppression de l'activité de la grippe saisonnière laisse ouverte la possibilité d'une circulation hors saison et continue qui étendrait la population à risque, en particulier les nouvelles cohortes d'enfants de moins de cinq ans ainsi que les personnes âgées qui présentent un risque disproportionné d'infection par la grippe A(H3N2), d'hospitalisation et de décès. La menace de la grippe reste persistante, et il est essentiel que les pays soient vigilants quant à l'émergence de virus grippaux non saisonniers à potentiel pandémique et à la réapparition de la grippe saisonnière pour la saison grippale de l'hémisphère Nord 2021–2022 et au-delàNote de bas de page 31Note de bas de page 32.
Déclaration des auteurs
L'équipe de ÉpiGrippe du Centre de l'immunisation et des maladies respiratoires infectieuses a rédigé conjointement la première ébauche; tous les auteurs ont pris part à la conceptualisation, à la rédaction et à la révision du manuscrit.
Intérêts concurrents
Aucun.
Remerciements
Nous tenons à remercier tous ceux qui, partout au Canada, ont participé à la surveillance de la grippe.
Financement
La surveillance ÉpiGrippe est financée par l'Agence de la santé publique du Canada.
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International
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