Tendances de la surveillance de l’hépatite C au Canada

RMTC

Volume 47-12, décembre 2021 : Réactions à la COVID-19 sur les médias sociaux

Aperçu

L'épidémie d'hépatite C au Canada : un aperçu des tendances récentes en matière de surveillance, de consommation de drogues injectables, de réduction des méfaits et de traitement

Lillian Lourenço1, Marian Kelly1, Jill Tarasuk1, Kyla Stairs1, Maggie Bryson1, Nashira Popovic1, Josephine Aho1

Affiliation

1 Agence de la santé publique du Canada, Centre de lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Ottawa, ON

Correspondance

lillian.lourenco@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Lourenço L, Kelly M, Tarasuk J, Stairs K, Bryson M, Popovic N, Aho J. L'épidémie d'hépatite C au Canada : un aperçu des tendances récentes en matière de surveillance, de consommation de drogues injectables, de réduction des méfaits et de traitement. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2021;47(12):561–71. https://doi.org/10.14745/ccdr.v47i12a01f

Mots-clés : VHC, épidémiologie, personnes qui utilisent des drogues par injection, UDI, programmes d'échange de seringues, consommation supervisée, Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, consommation de substances

Résumé

L'hépatite C demeure un important problème de santé publique au Canada, le virus de l'hépatite C (VHC) étant responsable de plus d'années de vie perdues que toutes les autres maladies infectieuses au Canada. Une augmentation du nombre de cas d'hépatite C déclarés a été observée entre 2014 et 2018. Nous présentons ici les changements dans les tendances épidémiologiques et discutons des facteurs de risque d'acquisition de l'hépatite C au Canada qui pourraient avoir contribué à cette augmentation du nombre de cas d'hépatite C déclarés, en nous concentrant sur l'utilisation de drogues injectables. Nous décrivons une diminution de l'utilisation d'aiguilles ou de seringues empruntées, associée à une augmentation de l'utilisation d'autres matériels d'injection usagés. De plus, une prévalence accrue de l'utilisation de drogues injectables et de l'injection d'opioïdes sur ordonnance et de méthamphétamine par les personnes qui utilisent des drogues par injection (UDI) peut augmenter le risque d'acquisition du VHC. Dans le même temps, si la couverture des interventions en matière de réduction des méfaits semble avoir augmenté au Canada ces dernières années, des lacunes subsistent en ce qui a trait à l'accès et la couverture. Nous examinons également comment l'élargissement de l'admissibilité aux antiviraux à action directe a pu affecter les taux d'hépatite C de 2014 à 2018. Enfin, nous présentons les nouvelles tendances de surveillance observées en 2019 et discutons de la manière dont la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) pourrait influencer le nombre de cas d'hépatite C à partir de 2020. Des efforts continus pour 1) améliorer la surveillance de l'hépatite C, et 2) renforcer la portée, l'efficacité et l'adoption des services de prévention et de traitement de l'hépatite C à travers le Canada sont essentiels pour réduire la transmission du VHC parmi les UDI et atteindre les objectifs canadiens d'élimination du VHC d'ici 2030.

Introduction

L'hépatite C est une infection du foie que l'on peut prévenir et guérir, dans presque tous les cas. Malgré cela, l'hépatite C est responsable de plus d'années de vie perdues que toute autre maladie infectieuse au CanadaNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3. Les chercheurs estiment qu'en 2017, au moins une personne était infectée par le virus de l'hépatite C (VHC) toutes les heures au Canada, et que 194 500 Canadiens vivaient avec une hépatite C chroniqueNote de bas de page 4. En juin 2018, les ministres de la santé fédéral, provinciaux et territoriaux ont publié le Cadre d'action pancanadien sur les infections transmissibles sexuellement et par le sangNote de bas de page 5. Le Cadre souscrit à l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé d'éliminer les hépatites virales en tant que menaces pour la santé publique d'ici 2030, notamment en réduisant de 90 % les nouveaux cas d'hépatite C chronique d'ici 2030Note de bas de page 5.

L'hépatite C est une maladie à déclaration obligatoire à l'échelle nationale et fait l'objet d'une surveillance par l'Agence de santé publique du Canada (L'Agence). L'Agence produit un rapport annuel sur les tendances des cas d'hépatite C déclarés dans l'ensemble et par âge, sexe et province ou territoire. Les données de surveillance montrent une augmentation de 14 % du taux national d'hépatite C déclaré, passant de 29,4 pour 100 000 personnes en 2014 à 33,6 pour 100 000 personnes en 2018Note de bas de page 6, ce qui inclut le total des cas d'hépatite C aigus, chroniques et non spécifiés. En outre, de 2014 à 2018, les taux d'hépatite C déclarés ont augmenté plus rapidement chez les femmes que chez les hommes (20 % contre 10 % d'augmentation)Note de bas de page 6.

Le présent article résume plusieurs tendances et facteurs qui ont pu influencer la hausse des taux d'hépatite C entre 2014 et 2018. Bien que plusieurs facteurs soient associés au risque d'acquisition de l'hépatite C, l'utilisation de drogues injectables demeure néanmoins le facteur de risque le plus courant pour les nouvelles infections au CanadaNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Dans cet aperçu, nous décrivons les changements intervenus dans les habitudes et les pratiques de consommation de drogues injectables ainsi que dans les services et les pratiques de réduction des méfaits. Nous examinons également l'incidence—récente et potentielle—de l'élargissement de l'admissibilité aux antiviraux à action directe sur les taux d'hépatite C. Enfin, nous discutons des tendances de surveillance de 2018 à 2019 et de l'effet potentiel de la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) sur l'épidémie d'hépatite C au Canada.

Un paysage en mutation : La consommation de drogues injectables en hausse

On estime que 1 % de la population canadienne s'est déjà injecté des droguesNote de bas de page 10 et qu'environ 0,3 % utilisait des drogues injectables en 2014Note de bas de page 11. L'Agence a estimé que les personnes qui utilisent des drogues par injection (UDI) représentaient près de la moitié des personnes ayant déjà eu une infection par l'hépatite C en 2017Note de bas de page 4. D'après les données de 2000 à 2016, les UDI représentent entre 60 % et 85 % de toutes les nouvelles infections par le VHC au CanadaNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Le partage d'aiguilles, de seringues et d'autre matériel d'injection semble être le principal facteur de transmission du VHC au Canada aujourd'huiNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Une étude de modélisation a estimé que la population d'UDI au Canada a augmenté de 32 % entre 2011 et 2016Note de bas de page 11.

Consommation de drogues injectables, déterminants sociaux de la santé et populations clés

La consommation de drogues injectables est associée à des antécédents de traumatisme et d'instabilité familialeNote de bas de page 12Note de bas de page 13, de sexe transactionnelNote de bas de page 12Note de bas de page 13, d'insécurité alimentaireNote de bas de page 14Note de bas de page 15, d'incarcérationNote de bas de page 12Note de bas de page 16, de logement précaireNote de bas de page 12Note de bas de page 17 Note de bas de page 18 Note de bas de page 19 Note de bas de page 20 Note de bas de page 21 Note de bas de page 22 Note de bas de page 23, de faibles revenusNote de bas de page 12Note de bas de page 17Note de bas de page 20Note de bas de page 24, de faible niveau de scolarisationNote de bas de page 12, de discrimination systémiqueNote de bas de page 12Note de bas de page 24 et de chômageNote de bas de page 21Note de bas de page 23Note de bas de page 25.

Les peuples autochtones portent un fardeau disproportionné de troubles liés à la consommation de substances et des méfaits qui y sont associés au Canada, une situation qui est liée à des injustices structurelles enracinées dans la colonisation. Les données disponibles suggèrent que les peuples autochtones sont surreprésentés parmi les UDI dans plusieurs régions du CanadaNote de bas de page 12Note de bas de page 26 Note de bas de page 27Note de bas de page 28 Note de bas de page 29. Les estimations montrent que les jeunes autochtones (âgés de 24 ans et moins) représentent entre 70 % et 80 % des nouvelles infections par le VHC chez les jeunes UDI au CanadaNote de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32.

Les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH) constituent une population émergente à risque de contracter l'hépatite CNote de bas de page 33Note de bas de page 34. On estime que 5 % des gbHARSAH ont déjà été infectés par le VHC ou le sont actuellementNote de bas de page 35. L'utilisation de drogues injectables semble être le principal facteur de risque de l'hépatite C dans cette population au CanadaNote de bas de page 33, bien que la transmission sexuelle dans le cadre de certaines pratiques sexuelles associées à un risque d'exposition par le sang soit également connue, notamment chez les gbHARSAH vivant avec le VIHNote de bas de page 36Note de bas de page 37Note de bas de page 38.

La compréhension de l'évolution des comportements liés à l'acquisition du VHC est essentielle pour comprendre l'évolution de l'épidémie d'hépatite C chez les UDI.

Prévalence accrue de l'injection d'opioïdes sur ordonnance et de la consommation de méthamphétamine chez les personnes qui utilisent des drogues par injection

Les schémas de consommation de substances en Amérique du Nord ont été décrits comme des « épidémies jumelles », comprenant la crise des opioïdes, responsable d'un important fardeau de morbidité et de mortalité chez les UDI au Canada au cours des deux dernières décenniesNote de bas de page 39, et une résurgence apparente de la consommation de psychostimulants et des méfaits qui y sont liés depuis 2017Note de bas de page 40. Dans le cadre de la plus récente enquête biocomportementale Tracks sur les UDI au Canada (phase 4 : 2017 à 2019), les cinq drogues injectées les plus fréquemment déclarées (dans les six mois précédant l'enquête) étaient la cocaïne (60,0 %), l'hydromorphone (50,1 %), la méthamphétamine (43,5 %), la morphine (41,6 %) et l'héroïne (32,4 %). À noter que l'hydromorphone, la morphine et l'héroïne sont toutes des opioïdesNote de bas de page 12.

Bien qu'on ne dispose pas d'estimés de la prévalence nationale, il demeure que l'utilisation non médicale d'opioïdes sur ordonnance est devenue de plus en plus courante chez les UDI au Canada au cours des 15 dernières annéesNote de bas de page 41Note de bas de page 42Note de bas de page 43. Une étude réalisée à Montréal a révélé que, dans une cohorte prospective d'UDI, la proportion de personnes déclarant s'être injecté des opioïdes sur ordonnance est passée de 21 % en 2004 à 75 % en 2009. Les UDI qui déclaraient s'injecter des opioïdes sur ordonnance étaient plus susceptibles de contracter l'hépatite C que les UDI qui s'injectaient des opioïdes sans ordonnanceNote de bas de page 41. Ce risque accru peut être en partie dû à une fréquence accrue des injections et aux occasions plus nombreuses de partager du matériel d'injection usagéNote de bas de page 42Note de bas de page 44 chez les personnes qui consomment des opioïdes sur ordonnance, une cohorte qui tend à être plus jeune et moins expérimentée dans l'utilisation de drogues injectablesNote de bas de page 41.

L'épidémie d'opioïdes sur ordonnance pourrait accélérer le passage à la consommation de drogues injectables chez les jeunes consommateurs de droguesNote de bas de page 45. Plusieurs études menées aux États-Unis ont établi un lien entre l'utilisation croissante d'opioïdes injectables sur ordonnance et l'augmentation des taux d'hépatite C, en particulier chez les jeunes adultes (moins de 30 ans) et les femmes en âge de procréerNote de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

On a également signalé une augmentation de la prévalence de la consommation de méthamphétamine au Canada au cours des 15 dernières annéesNote de bas de page 12Note de bas de page 49Note de bas de page 50. Dans l'enquête Tracks auprès des UDI au Canada, la proportion de participants s'injectant de la méthamphétamine est passée de 6,8 % dans la phase 1 (2003 à 2005) à 43,5 % dans la phase 4 (2017 à 2019)Note de bas de page 12. La consommation de méthamphétamine a été associée à la transmission du VHC dans des études canadiennesNote de bas de page 51Note de bas de page 52 et liée à une fréquence accrue du partage des seringuesNote de bas de page 53 et de l'injectionNote de bas de page 54. Les taux de consommation de méthamphétamine varient considérablement à travers le paysNote de bas de page 50. Les augmentations les plus prononcées semblent se produire dans l'Ouest et le Centre du CanadaNote de bas de page 50Note de bas de page 55Note de bas de page 56. En 2016, la région de Winnipeg a déclaré une éclosion d'hépatite C liée à une augmentation spectaculaire de la consommation de méthamphétamineNote de bas de page 57Note de bas de page 58Note de bas de page 59.

Les pratiques de partage du matériel d'injection de drogue changent

La proportion de participants à l'enquête Tracks qui ont déclaré avoir emprunté des aiguilles ou des seringues usagées a diminué, passant de 20,2 % dans la phase 1 (2003 à 2005) à 11,6 % dans la phase 4 (2017 à 2019)Note de bas de page 12. En revanche, la proportion de participants ayant déclaré avoir emprunté d'autres matériels d'injection usagés (eau, filtres, cuiseurs, cuillères, garrots, attaches, écouvillons et acidifiants) a augmenté de près d'un tiers entre la phase 1 et la phase 4 (de 29,8 % à 38,0 %)Note de bas de page 12. Ce résultat est préoccupant, car le risque d'acquisition du VHC par le partage du matériel de préparation des drogues est similaire à celui associé au partage des seringuesNote de bas de page 60 et persiste en l'absence de partage d'aiguilles ou de seringuesNote de bas de page 61. Certaines études ont établi un lien entre l'utilisation d'opioïdes d'ordonnance pour l'injection et le partage accru d'autres matériels d'injection usagés, notamment le partage de « lavures » (les résidus trouvés sur les filtres et les cuiseurs usagés)Note de bas de page 42Note de bas de page 61Note de bas de page 62Note de bas de page 63.

La couverture en matière de réduction des méfaits au Canada augmente, mais des lacunes subsistent

En 2016, le ministre fédéral de la santé a annoncé une mise à jour de la stratégie en matière de drogues pour le Canada, la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances (SCDAS)Note de bas de page 64Note de bas de page 65. La SCDAS met davantage l'accent sur la santé publique dans la réponse du gouvernement du Canada à la consommation de substances, la réduction des méfaits étant l'un des piliers de la stratégie en plus de la prévention, du traitement et de l'application de la loiNote de bas de page 64Note de bas de page 65. Le lancement de la SCDAS a été suivi d'une action et d'investissements fédéraux accrus en matière de réponse à la consommation de substances, de prévention des surdoses, de toxicomanie, de réduction des méfaits et de traitement de la dépendance. En 2017, l'Agence a créé le Fonds pour la réduction des méfaits, l'une des initiatives de la SCDASNote de bas de page 66, pour soutenir des projets communautaires dans tout le Canada qui contribuent à réduire l'acquisition et la transmission du VIH et du VHC chez les personnes qui partagent du matériel d'injection et d'inhalation de drogues. Les stratégies de réduction des méfaits fondées sur des données probantes, comme les programmes d'échange de seringues, les traitements par agonistes opioïdes et les services de consommation supervisée, sont essentielles pour réduire le risque de transmission du VHC et de réinfection par celui-ci chez les UDINote de bas de page 67Note de bas de page 68. La phase 4 (2017 à 2019) de l'enquête Tracks auprès des UDI a révélé que 90,1 % des participants ont déclaré avoir utilisé un programme de distribution d'aiguilles et de seringues, 47,3 % ont eu recours à une forme de traitement par agoniste opioïde et 13,5 % ont utilisé un service de consommation supervisée au cours des 12 mois précédant l'enquêteNote de bas de page 12.

Une étude de modélisation canadienne a révélé qu'entre 2011 et 2016, la couverture en aiguilles et seringues est passée de 193 à 291 aiguilles et seringues par UDINote de bas de page 11. La couverture du traitement par agonistes opioïdes est passée de 55 à 66 bénéficiaires pour 100 UDI, malgré l'augmentation de la consommation de drogues injectables au cours de cette périodeNote de bas de page 11. D'après ces données préliminaires, le Canada semble atteindre globalement les objectifs de l'Organisation mondiale de la santé en matière de programmes d'échange de seringues et de fourniture de traitements aux opiacés. Cependant, la couverture et l'accès varient selon les provinces et les territoiresNote de bas de page 11Note de bas de page 33.

Les taux d'hépatite C chez les femmes au Canada sont en hausse

De 2014 à 2018, les taux d'hépatite C déclarés ont augmenté tant chez les femmes que chez les hommesNote de bas de page 6. Cependant, alors que les taux étaient systématiquement plus élevés chez les hommes, les taux pour les femmes en 2018 étaient 20 % plus élevés que ceux de 2014; alors que les taux pour les hommes étaient 10 % plus élevés. De plus, les femmes âgées de 25 à 39 ans ont affiché les plus fortes augmentations du taux d'hépatite C au Manitoba, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et au Yukon pendant cette période. De même, au cours de la même période, des hausses plus importantes des taux d'autres infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS), comme la syphilis et le VIH, ont été signalées chez les femmes par rapport aux hommes dans plusieurs juridictionsNote de bas de page 69Note de bas de page 70. Plusieurs études menées aux États-Unis ont également signalé une augmentation des taux d'hépatite C chez les femmes en âge de procréer ces dernières années, une tendance qui a été liée à la crise des opioïdesNote de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

Les données de surveillance biocomportementale de la phase 4 de l'enquête Tracks auprès des UDI ont révélé que la proportion de femmes cisgenres ayant déclaré avoir emprunté d'autres matériels d'injection au cours des six derniers mois était de 45,9 %, contre 33,7 % pour les hommes cisgenresNote de bas de page 12; toutefois, il est difficile de comprendre ce qui explique cette augmentation des taux chez les femmes, et ce pour trois raisons principales : 1) les données nationales de surveillance de routine ne comprennent pas de données sur les facteurs de risque; 2) aucune donnée sur le volume de tests n'est disponible; et 3) la recherche canadienne permettant de contextualiser cette tendance est limitée.

Les faibles taux de traitement de l'hépatite C, l'expansion des antiviraux à action directe et son incidence potentielle sur les futurs taux d'hépatite C chez les personnes qui utilisent des drogues par injection

Selon l'enquête Tracks menée auprès des UDI de 2017 à 2019, 10,6 % des UDI qui avaient connaissance de leur infection par le virus de l'hépatite C avaient déjà pris un traitement contre l'hépatite C et 3,8 % étaient actuellement sous traitementNote de bas de page 12. Les faibles taux de traitement sont préoccupants pour la santé des personnes vivant avec l'hépatite C et pour le risque potentiel de transmission du VHC.

Des preuves substantielles démontrent que les personnes qui consomment des drogues, y compris celles qui en consomment de manière continuelle, peuvent être traitées avec succès pour l'hépatite CNote de bas de page 71Note de bas de page 72Note de bas de page 73, en particulier lorsque le traitement est dispensé dans un cadre où les barrières sont faibles et lorsque ce traitement est associé à une prise en charge sociale et à des interventions de réduction des méfaitsNote de bas de page 74Note de bas de page 75Note de bas de page 76Note de bas de page 77. En outre, des études de modélisation canadiennes montrent que le traitement peut agir comme une prévention dans les groupes à forte prévalence, tels que les UDI, en particulier lorsqu'il est associé à un traitement par agonistes opioïdes et à des programmes d'échange de seringues à forte couvertureNote de bas de page 78Note de bas de page 79.

De 2014 à début 2018, les directives canadiennes en matière de traitement de l'hépatite C ont limité les antiviraux à action directe de deuxième génération (aux taux de guérison supérieurs à 95 % contre les principaux génotypes du VHC) aux personnes atteintes de fibrose hépatique avancée ou de cirrhoseNote de bas de page 80. En juin 2018, les lignes directrices canadiennes relatives à l'admissibilité aux antiviraux à action directe ont supprimé toutes les restrictions liées au stade de la maladie, rendant toutes les personnes atteintes d'hépatite C chronique admissibles à ces traitementsNote de bas de page 81. Cependant, la mise en application de la levée des restrictions liées au stade de la maladie diffère selon les provinces et les territoires, à l'instar d'autres restrictions non liées au stade de la maladie qui subsistent et varient selon la juridictionNote de bas de page 82Note de bas de page 83. Bien qu'il soit probable que l'élargissement de l'admissibilité aux antiviraux à action directe ait pu contribuer à une augmentation des tests de dépistage de l'hépatite C dans tout le Canada entre 2014 et 2018, il n'existe malheureusement pas de preuves scientifiques canadiennes pour étayer cette hypothèse.

Une étude de Saeed et al. a révélé que si la prise en charge du traitement de l'hépatite C a augmenté de façon spectaculaire parmi les UDI après la levée des restrictions de traitement en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, les taux de prise en charge ont diminué un an plus tardNote de bas de page 83. Il a été émis comme hypothèse que cela reflétait un effet de ressac, les médecins ayant commencé à résorber l'arriéré initial de personnes admissibles au traitement et engagées dans le système de soins qui avaient reporté leur traitement jusqu'à ce que les antiviraux à action directe soient disponiblesNote de bas de page 83. À cette fin, nous avons besoin de politiques et de programmes novateurs et adaptés pour mobiliser les UDI déjà suivis et faciliter l'augmentation des mises sous traitementNote de bas de page 33Note de bas de page 83Note de bas de page 84Note de bas de page 85Note de bas de page 86Note de bas de page 87.

L'arrivée des antiviraux à action directe a suscité des inquiétudes quant au risque potentiellement plus élevé de réinfection dans les populations à haut risque, telles que les UDI et les gbHARSAH séropositifsNote de bas de page 88Note de bas de page 89. Cependant, des stratégies de réduction des méfaits et des interventions comportementales et structurelles simultanées semblent réduire le risque de réinfectionNote de bas de page 72Note de bas de page 74Note de bas de page 77Note de bas de page 90Note de bas de page 91. L'incidence des antiviraux à action directe sur la prise en charge du traitement et le risque de réinfection sont deux domaines qui méritent une attention et une surveillance accrues de la part des chercheurs.

L'anticipation des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l'hépatite C au Canada

On constate déjà que la pandémie de COVID-19 et les mesures d'atténuation de la santé publique ont eu un effet négatif sur la prestation et la demande de services de prévention, de dépistage, de traitement et de réduction des méfaits des ITSS au CanadaNote de bas de page 92. Selon un sondage mené par l'Agence en 2020 sur l'incidence de la pandémie de COVID-19 sur la prestation des services d'ITSS et de réduction des méfaits au Canada, 21 % des fournisseurs de services offrant des services de soutien et de traitement aux personnes vivant avec le VIH, l'hépatite C ou les deux, ont connu une diminution de la demande et de la capacité à offrir leurs servicesNote de bas de page 92. De plus, 44 % des fournisseurs de services de prévention, de dépistage et de traitement des ITSS ont connu une diminution de leur capacité à fournir leurs services. Parallèlement, 40 % des prestataires de services de réduction des méfaits et de traitement de la dépendance ont signalé une augmentation de la demande de leurs services, bien que 63 % n'aient signalé aucun changement ou seulement un léger changement dans leur capacité à fournir leurs servicesNote de bas de page 92. Étant donné la diminution de l'accès au dépistage du VHC, cela aura probablement une incidence sur le nombre de diagnostics de VHC en 2020 et 2021, ce qui entraînera une sous-estimation du taux de nouveaux cas déclarés d'hépatite C. Cela se produirait dans le contexte d'un changement des pratiques de consommation de drogues généré par les répercussions de la pandémie sur la disponibilité des services de réduction des méfaits et sur la qualité et la quantité de l'approvisionnement en drogues, ainsi que par les exigences d'isolement liées à la COVID-19Note de bas de page 93Note de bas de page 94Note de bas de page 95Note de bas de page 96Note de bas de page 97.

À l'inverse, la pandémie de COVID-19 peut générer de nouvelles occasions d'engagement dans les soins de l'hépatite C. La même enquête a révélé que 81 % des fournisseurs de services liés aux ITSS ont fourni des services à distance depuis le début de la pandémie. Parmi ceux-ci, 66 % ont créé de nouveaux services à distance au cours de cette périodeNote de bas de page 92. L'expansion récente des soins virtuels, si elle est maintenue, peut présenter des occasions d'améliorer l'accès aux soins de l'hépatite C à l'avenir, en particulier pour les populations rurales et éloignéesNote de bas de page 92Note de bas de page 93Note de bas de page 98, et pourrait réduire les temps d'attente pour accéder aux soins spécialisésNote de bas de page 99, permettant une mise à l'échelle plus rapide du traitement. Cependant, un suivi et une recherche futurs seront nécessaires pour déterminer si ces services virtuels ont un taux d'utilisation élevé parmi les UDI.

Au moment de la publication, les dernières données disponibles sur la surveillance de l'hépatite C ont montré que le taux national d'hépatite C déclaré avait diminué de 10 % entre 2018 et 2019Note de bas de page 100. En outre, toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception de deux, ont enregistré une baisse des taux d'hépatite C déclarés, comprise entre -4 % et -40 % (les taux d'hépatite C de l'Île-du-Prince-Édouard ont augmenté de 15 % depuis 2018, et ceux de la Nouvelle-Écosse sont restés stables). Malheureusement, en raison des conséquences de la pandémie de COVID-19, il sera difficile de déterminer si la baisse des taux de 2018 à 2019 doit être interprétée comme une anomalie ou une nouvelle tendance.

Discussion

Cet article de synthèse résume plusieurs tendances changeantes et facteurs de risque associés à l'hépatite C, en mettant l'accent sur les pratiques d'utilisation de drogues injectables. Ces tendances et facteurs de risque peuvent expliquer en partie la hausse des taux déclarés d'hépatite C observée au Canada entre 2014 et 2018. Nous avons également discuté de la façon dont l'élargissement progressif de l'admissibilité aux antiviraux à action directe à travers le Canada a pu contribuer à une augmentation des tests de dépistage de l'hépatite C et de la façon dont cette situation, et la pandémie de COVID-19 pourraient influencer les taux futurs de cas d'hépatite déclarés.

Limites

Cette vue d'ensemble présente plusieurs limites : tout d'abord, les données de surveillance nationale sont limitées aux cas signalés par âge, sexe et province ou territoire. Elle ne fournit aucune donnée sur les facteurs de risque et ne fait pas de distinction entre les cas aigus, chroniques ou de réinfection. Bien que l'utilisation de drogues injectables soit le facteur de risque le plus souvent cité pour l'hépatite C, et donc le point central de cet aperçu, il existe d'autres facteurs de risque comme le fait d'avoir reçu des soins dans une zone où l'hépatite C est endémique, l'utilisation d'autres drogues non injectables, les blessures par piqûre d'aiguille chez les travailleurs de la santé, le fait d'avoir reçu une transfusion sanguine avant 1992, les pratiques sexuelles qui entraînent une exposition au sang et la transmission de la mère à l'enfantNote de bas de page 101. Les changements associés à l'une ou l'autre de ces facteurs de risque peuvent également avoir contribué à l'augmentation observée des taux de cas signalés entre 2014 et 2018. Cependant, la littérature est insuffisante pour le déterminer.

Deuxièmement, les données de surveillance canadiennes ne comprennent pas le nombre de personnes qui subissent un test de dépistage de l'hépatite C, ce qui permettrait de connaître l'évolution des pratiques de dépistage au fil du temps. Enfin, les enquêtes et les articles examinés portaient sur des périodes différentes, et chacune d'entre elles comportait son propre ensemble de limitations. Par exemple, les enquêtes Tracks sont transversales et descriptivesNote de bas de page 12.

Conclusion

La surveillance continue de routine et la surveillance biocomportementale renforcée de l'hépatite C sont essentielles pour monitorer l'épidémie d'hépatite C au Canada. L'amélioration des données de surveillance nationale, y compris la collecte de données sur les facteurs de risque et de données sociodémographiques et la différenciation des cas d'hépatite C selon le statut d'infection à l'aide de définitions nationales standardisées, permettrait de mieux comprendre les facteurs de risque structurels et comportementaux à l'origine de la transmission du VHC au Canada. Au moment de l'élaboration de cet aperçu, l'Agence était en processus de révision de la définition de cas d'hépatite C en collaboration avec les provinces et les territoires et d'envisager la possibilité d'ajouter une définition pour les cas de réinfection.

De plus, les efforts continus pour renforcer la portée, l'efficacité et l'adoption de services de prévention et de traitement de l'hépatite C fondés sur des données probantes à travers le Canada sont essentiels pour réduire la transmission du VHC chez les personnes UDI à haut risque et atteindre les objectifs canadiens d'élimination du VHC d'ici 2030.

Déclaration des auteurs

L. L. — Conceptualisation, recherche, rédaction, version originale, version finale, révision, édition, supervision

M. K. — Conceptualisation, recherche, rédaction, version originale, édition

J. T. — Rédaction, recherche

K. S. — Recherche, édition, gestion des références

M. B. — Révision, édition

J. A. — Conceptualisation, révision, édition, supervision

Intérêts concurrents

Aucun.

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