Améliorer la surveillance nationale des nouveaux
Publié par : L’Agence de la santé publique du Canada
Numéro : Volume 45–12 : VIH
Date de publication : 5 décembre 2019
ISSN : 1719-3109
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Volume 45–12, le 5 décembre 2019 : VIH
Perspectives en santé publique
Améliorer la surveillance nationale des nouveaux diagnostics de VIH
N Popovic1, Q Yang1, N Haddad1, A Weeks1, C Archibald1
Affiliation
1 Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON
Correspondance
Citation proposée
Popovic N, Yang Q, Haddad N, Weeks A, Archibald C. Améliorer la surveillance nationale des nouveaux diagnostics du VIH. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2019;45(12):344–7. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i12a02f
Mots-clés : VIH, sida, épidémiologie, surveillance
Résumé
L’objectif de la surveillance nationale du VIH est de réaliser un suivi et une synthèse des tendances des nouveaux cas diagnostiqués qui constituent un indicateur de la transmission du VIH au Canada. Elle vise également à faciliter l’élaboration et l’évaluation de programmes et politiques en matière de prévention, de dépistage et de prestation des soins. Cerner et interpréter avec précision les tendances dans les diagnostics de VIH dans le cadre de la surveillance nationale devient compliqué lorsque les personnes déménagent à l’intérieur d’un pays ou lorsqu’elles reçoivent un diagnostic de VIH puis migrent vers un autre pays. Ce problème existe également dans d’autres pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Suisse. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a récemment évalué le phénomène au Canada, après y avoir constaté une augmentation des nouveaux diagnostics de VIH entre 2014 et 2017. Une analyse environnementale a été réalisée pour mieux comprendre la manière dont les cas de VIH nouvellement et précédemment diagnostiqués étaient enregistrés par l’ASPC et signalés à celle-ci par les autorités provinciales et territoriales (PT) de santé publique. Des variations ont été constatées dans le signalement des personnes qui ont reçu un nouveau diagnostic de VIH dans une province ou un territoire, alors qu’elles avaient déjà reçu un diagnostic de VIH dans une autre province ou un autre territoire, voire dans un autre pays. Cinq PT incluaient dans les données de surveillance du VIH transmises à l’ASPC les personnes déjà diagnostiquées dans une autre province ou un autre territoire canadien, tandis que neuf PT incluaient les personnes ayant reçu un diagnostic de VIH à l’extérieur du Canada. Les autorités provinciales et territoriales de santé publique ont ensuite examiné les données de surveillance du VIH de 2007 à 2017 pour recenser les cas en se fondant sur une définition commune de « résultat antérieur positif au test de dépistage du VIH ». Était concernée toute personne ayant déclaré un diagnostic antérieur de VIH ou dont le diagnostic de VIH était confirmé par des résultats de laboratoire d’une autre province, d’un autre territoire ou d’un autre pays avant de se présenter pour obtenir des soins dans la province ou le territoire dans lequel elle réside à présent. Lorsque ces cas ont été soustraits du total, un nombre révisé de nouveaux diagnostics de VIH a été calculé pour le Canada. Une nouvelle analyse des données de surveillance fondée sur la définition commune pour la période 2007 à 2017 a permis d’expliquer plus de la moitié de l’augmentation des cas de VIH documentée au Canada au cours des quatre années précédentes. À l’avenir, les données de surveillance nationale seront calculées à l’aide de la nouvelle définition commune (« résultat antérieur positif au test de dépistage du VIH ») pour décrire avec plus de précision les tendances relatives à la transmission du VIH au Canada.
Introduction
Au Canada, la surveillance nationale du VIH est assurée par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) grâce aux données sur les nouveaux diagnostics de VIH que lui transmet volontairement chaque année l’ensemble des provinces et des territoires (PT) canadiensNote de bas de page 1. L’objectif de la surveillance nationale du VIH est de réaliser un suivi et une synthèse des tendances des nouveaux cas diagnostiqués et qui constituent un indicateur de la transmission du VIH au Canada. Elle facilite également l’élaboration et l’évaluation de programmes et politiques en matière de prévention, de dépistage et de prestation des soins. Dans le cadre de la surveillance nationale du VIH, un « nouveau diagnostic de VIH » est défini comme étant le premier résultat positif qu’une personne obtient au test de dépistage du VIH au Canada. Il existait néanmoins des variations dans la manière dont les PT ont signalé les personnes ayant déjà reçu un diagnostic de VIH dans une autre province, un autre territoire ou un autre pays, en particulier lorsqu’il n’y avait aucun résultat de laboratoire pour confirmer ce diagnostic. Le fait d’inclure ou non ces cas peut influer sur les tendances dans les nouveaux diagnostics de VIH.
Le problème de la comptabilisation des personnes qui ont reçu un diagnostic de VIH puis ont déménagé dans une autre région où elles ont obtenu des soins a été traité de diverses façons dans le monde. L’Australie et la Nouvelle-Zélande, par exemple, recueillent des renseignements sur l’endroit où la personne a reçu un diagnostic de VIH pour la première fois (dans le pays ou à l’étranger), mais intègrent ce renseignement de manière différente dans leurs rapports de surveillance respectifsNote de bas de page 2Note de bas de page 3. La Nouvelle-Zélande inclut les diagnostics positifs précédemment obtenus à l’étranger dans son recensement annuel des cas de VIH, alors que l’Australie les exclut et les présente séparément, dans le but d’obtenir une représentation plus précise de la transmission du VIH dans le pays. En revanche, la Suisse tient compte de l’état sérologique concernant le VIH des ressortissants étrangers vivant sur son sol, mais n’opère aucune distinction selon que la personne ait reçu ou non un diagnostic avant d’arriver dans le paysNote de bas de page 4. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies prévoit dans son rapport de surveillance une section séparée sur la région probable de l’infection; ces cas sont néanmoins intégrés aux données générales de surveillanceNote de bas de page 5.
Au Canada, le nombre de cas de VIH signalés a augmenté de 16 % entre 2014 et 2017Note de bas de page 1. Il existe plusieurs explications possibles à cette augmentation, notamment la hausse du dépistage, l’accroissement dela transmission du VIHNote de bas de page 1 et de possibles variations dans les pratiques de signalement comme la comptabilisation des personnes atteintes du VIH qui déménagent dans une autre province ou un autre territoire et le nombre de personnes séropositives au VIH qui migrent au Canada. Par exemple, une personne diagnostiquée séropositive au VIH pour la première fois dans la province A est signalée à l’ASPC comme un nouveau diagnostic de VIH. Si cette personne déménage ensuite dans la province B et qu’elle est à nouveau soumise à un test de dépistage du VIH au moment où elle accède aux soins, il se peut que la province B signale à nouveau ce cas comme un nouveau diagnostic à l’ASPC, dans l’éventualité où la province B ne serait pas au courant que cette personne a déjà été diagnostiquée ailleurs, ou qu’elle omettrait de le signaler à l’ASPC. Étant donné que les PT ne communiquent pas les renseignements personnels, l’ASPC n’est pas en mesure de supprimer les cas comptés en double à l’échelle nationale. Par ailleurs, les PT peuvent disposer de renseignements sur les personnes migrant au Canada ayant déjà reçu un diagnostic de VIH dans un autre pays, soit par l’entremise de la personne elle-même lorsque celle-ci signale son diagnostic à son fournisseur de soins, soit par l’entremise d’un test de dépistage effectué dans le cadre de l’examen médical réglementaire réalisé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Les personnes ayant déjà reçu un diagnostic de VIH dans un autre pays pourraient être signalées au système de surveillance national de l’ASPC comme de nouveaux diagnostics de VIH dans l’éventualité où le fournisseur de soins ne serait pas au courant que la personne a déjà reçu un diagnostic de VIH ou que le fournisseur de soins étranger omettrait de signaler ce renseignement aux autorités de santé publique.
Cet article décrit une analyse préliminaire que l’ASPC a réalisée en collaboration avec l’ensemble des PT dans le but d’évaluer l’incidence sur la tendance nationale relative aux nouveaux diagnostics de VIH au Canada lorsqu’on utilise une définition et une méthodologie communes pour les cas de VIH précédemment diagnostiqués.
Analyse
Entre décembre 2018 et avril 2019, une analyse environnementale a été réalisée avec l’ensemble des laboratoires techniques et des partenaires épidémiologiques des autorités PT de santé publique du Canada pour mieux comprendre la manière dont les cas de VIH précédemment diagnostiqués avaient été enregistrés dans chaque PT et signalés à l’ASPC. Cette analyse environnementale a montré que cinq PT incluaient dans les données de surveillance du VIH transmises à l’ASPC les personnes déjà diagnostiquées dans une autre province ou un autre territoire canadien, tandis que neuf PT incluaient les personnes ayant reçu un diagnostic de VIH à l’extérieur du Canada. Il a ensuite été demandé aux autorités PT de santé publique d’examiner les données annuelles de surveillance transmises à l’ASPC entre 2007 et 2017 et de comptabiliser le nombre de cas associés à un résultat antérieur positif connu au test de dépistage du VIH (diagnostic autodéclaré ou confirmé par analyses de laboratoire) d’une autre province, d’un autre territoire ou d’un autre pays (« diagnostics antérieurs positifs »). Les méthodes employées pour l’examen des données de surveillance antérieures variaient en fonction des PT et de leurs systèmes de surveillance respectifs, et consistaient notamment en l’analyse d’un champ ou d’un code particulier dans le système électronique de gestion des cas ou en l’examen de formulaires papier.
À la suite de cet examen, le nombre révisé de nouveaux diagnostics de VIH a été calculé pour la période 2007 à 2017, et les personnes associées à un résultat antérieur positif au test de dépistage du VIH d’une autre province ou d’un autre territoire canadien ont été supprimées pour réduire la double comptabilisation à l’échelle nationale. Les personnes associées à un résultat positif connu au test de dépistage du VIH réalisé à l’extérieur du Canada ont également été retirées pour mieux évaluer les tendances relatives à la transmission du VIH au Canada.
Les tendances nationales dans le nombre de nouveaux diagnostics de VIH pour la période 2007 à 2017 sont présentées dans la figure 1. La ligne continue illustre la tendance dans le nombre de diagnostics signalés de VIH, tel qu’il apparaît dans les rapports annuels de surveillance de l’ASPC, d’après les pratiques de signalement traditionnellement utilisées par les PTNote de bas de page 1. La ligne pointillée illustre la tendance révisée dans les diagnostics de VIH après la suppression des diagnostics antérieurs positifs connus. Pour la plupart des années, la tendance révisée suit le même schéma que la tendance avec le méthodologie traditionnelle, avec, en moyenne, 200 diagnostics de VIH en moins chaque année. Ce schéma se poursuit jusqu’en 2017 où le nombre révisé cesse d’augmenter, contrairement au nombre original de diagnostics de VIH. Lorsque les diagnostics antérieurs positifs ont été recensés et supprimés, le pourcentage de 2014 à 2017 est passé d’une augmentation de 16 % à une augmentation de 9 %.
Figure 1 : Nombre de diagnostics du VIH au Canada sur la période 2007 à 2017 calculé avec la méthodologie traditionnelle par rapport à la nouvelle définition commune de « diagnostics antérieurs positifs »
Description textuelle : Figure 1
Figure 1 : Nombre de diagnostics du VIH au Canada sur la période 2007 à 2017 calculé avec la méthodologie traditionnelle par rapport à la nouvelle définition commune de « diagnostics antérieurs positifs »
Année | Nombre de nouveaux diagnostics de VIH (méthodologie traditionnelle) | Nombre révisé de nouveaux diagnostics de VIH (définition et méthode communes pour le signalement des « diagnostics antérieurs positifs ») |
---|---|---|
2007 | 2 402 | 2 254 |
2008 | 2 599 | 2 421 |
2009 | 2 365 | 2 219 |
2010 | 2 301 | 2 101 |
2011 | 2 276 | 2 096 |
2012 | 2 073 | 1 844 |
2013 | 2 059 | 1 812 |
2014 | 2 051 | 1 803 |
2015 | 2 096 | 1 858 |
2016 | 2 331 | 2 031 |
2017 | 2 387 | 1 963 |
Discussion
Désirant réduire la double comptabilisation et représenter plus précisément les tendances dans la transmission du VIH au Canada, l’ASPC a collaboré avec les PT pour recenser les cas signalés de VIH associés à un diagnostic antérieur positif au VIH d’une autre province, d’un autre territoire ou d’un autre pays. Une nouvelle analyse des données de la période 2014 à 2017 fondée sur une définition et une méthode communes a mis en évidence une augmentation de 9 % dans les nouveaux cas signalés de VIH au lieu d’une augmentation de 16 %. Cela montre que les cas de VIH précédemment signalés comptent pour un peu plus de la moitié de l’augmentation des cas de VIH signalés à l’ASPC par les PT au cours des quatre années précédentes. Par ailleurs, en 2017, alors que les PT employaient la méthodologie traditionnelle, une légère hausse avait été enregistrée dans le nombre de nouveaux diagnostics par rapport à 2016. Après que les PT aient utilisé une définition et une méthode communes, une légère baisse avait été enregistrée en 2017 par rapport à 2016. Cela laisse à penser qu’en 2017 l’augmentation rapportée du nombre de nouveaux diagnostics était imputable à une hausse des cas de VIH précédemment diagnostiqués plutôt qu’à un accroissement de la transmission du VIH au Canada ou à d’autres facteurs.
L’Ontario a entrepris un travail similaire à l’échelle provinciale et a également constaté que l’augmentation du nombre de nouveaux diagnostics de VIH ces dernières années était en grande partie due à des diagnostics antérieurs « hors province »Note de bas de page 6Note de bas de page 7. De plus, plusieurs provinces séparent déjà les cas de VIH précédemment diagnostiqués du nombre annuel de nouveaux diagnostics de VIH dans leurs rapports de surveillanceNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. Dans l’ensemble, les diverses approches utilisées pour comptabiliser les diagnostics antérieurs positifs dans les systèmes nationaux de surveillance du VIH illustrent bien la complexité du problème et mettent en évidence les différences qui existent dans la définition de « diagnostics antérieurs positifs » et dans les pratiques de signalementNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5.
Plusieurs limitations doivent être prises en compte dans cette analyse et l’interprétation de ses résultats. D’une part, le nombre de diagnostics antérieurs positifs pourrait être sous-estimé, puisqu’il se fonde en bonne partie sur l’autodéclaration de diagnostics antérieurs de VIH. D’autre part, les personnes qui ont d’abord été soumises à un test de dépistage anonyme puis ont reçu un diagnostic nominal pourraient occasionner la création de diagnostics positifs en double qui ne peuvent être recensés ni supprimés. Enfin, la capacité de l’ASPC à repérer les cas précédemment diagnostiqués est limitée, car elle ne dispose pas de renseignements personnels suffisamment détaillés pour repérer les cas en double.
Prochaines étapes
La surveillance et le signalement des cas de VIH est un processus complexe et décentralisé. À l’avenir, l’ASPC surveillera :
- le nombre total de diagnostics de VIH signalés au Canada (comme pour les rapports de surveillance précédents) pour évaluer le fardeau que représente le VIH dans le pays
- le nombre total de nouveaux diagnostics de VIH (non précédemment diagnostiqués) pour mieux déceler les tendances dans la transmission du VIH au Canada
Les migrants qui ont reçu un diagnostic de VIH en dehors du Canada continueront à être inclus dans les estimations de la prévalence du VIH que l’ASPC publie à l’échelle nationale dans le but de connaître avec précision le nombre de personnes vivant avec le VIH ayant besoin de soins. L’ASPC travaillera également avec les PT pour recueillir des renseignements géographiques complémentaires sur les cas de VIH précédemment diagnostiqués en dehors du Canada et ainsi éclairer les efforts en matière de santé publique, de contrôle et de prévention à l’intention de ce groupe.
Conclusion
L’ASPC continuera de travailler avec les autorités PT de santé publique pour uniformiser le signalement des personnes précédemment diagnostiquées ayant récemment déménagé. Plus de la moitié de l’augmentation des cas de VIH au cours des quatre années précédentes est imputable à l’utilisation d’une approche commune pour signaler les diagnostics antérieurs de VIH. Les prochains rapports de surveillance nationale incluront les données recueillies à l’aide de cette nouvelle définition/méthodologie, ce qui permettra de décrire avec plus de précision les tendances dans la transmission du VIH au Canada.
Déclaration des auteurs
Ces travaux ont été réalisés par les employés de l’Agence de la santé publique du Canada. Les contributions des auteurs sont précisées ci-dessous :
- N. P. — Conceptualisation, organisation des données, interprétation des données, rédaction de la version préliminaire, examen, édition, validation, rédaction de la version définitive, visualisation
- Q. Y. — Interprétation des données, contribution à la version préliminaire
- N. H. — Contribution à la version préliminaire
- A. W. — Contribution à la version préliminaire
- C. A. — Conceptualisation, examen/révision du document, approbation finale
Conflit d’intérêts
Aucun.
Remerciements
L’Agence de la santé publique du Canada tient à remercier l’ensemble des programmes provinciaux et territoriaux sur le VIH/sida pour leur contribution et leur participation.
Financement
Ces travaux ont été soutenus par l’Agence de la santé publique du Canada dans le cadre de son mandat de base.
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