Infection au virus de l’hépatite C en Saskatchewan

tête de mât

Volume 44-7/8, le 5 juillet 2018 : Pouvons-nous éliminer l'hépatite C?

Science de la mise en œuvre

Infection par le virus de l'hépatite C dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan : défis et innovations

S Skinner1, G Cote2, I Khan3

Affiliations

1 Regina Infectious Disease Clinic, Département de médecine, Université de la Saskatchewan, Saskatoon (Saskatchewan)

2 Chef de Cote First Nation (Saskatchewan)

3 Bureau de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Regina, ministère des Services aux Autochtones Canada, Région de la Saskatchewan, Regina (Saskatchewan)

Correspondance

ibrahim.khan@canada.ca

Citation proposée

Skinner S, Cote G, Khan I. Infection par le virus de l'hépatite C dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan : défis et innovations. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2018;44(7/8):194-200. https://doi.org/10.14745/ccdr.v44i78a04f

Mots-clés : virus de l'hépatite C, Premières Nations et communautés éloignées, populations carcérales, sensibilisation, dia-gnostic, traitement, prévention

Résumé

Au Canada, l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est devenue un problème majeur de santé publique, en particulier dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan. L’un des défis soulevés par l’élimination de l’hépatite C au Canada est l’accès aux populations difficiles à joindre, comme les membres des Premières Nations vivant dans les réserves. Au Canada, l’infection par le VHC est une maladie à déclaration obligatoire, mais il n’est pas toujours possible d’assurer une surveillance étroite et opportune des données sur le VHC dans les communautés éloignées. En outre, les données nationales de surveillance ne permettent pas, à elles seules, de déterminer le nombre de cas d’hépatite C dans les populations des Premières Nations, car dans bien des provinces, les données ne sont pas recueillies en fonction de l’ethnicité. Des statistiques sur les communautés des Premières Nations sont diffusées au niveau fédéral par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI). De nombreux facteurs expliquent les taux élevés d’infection par le VHC dans les communautés des Premières Nations, notamment l’accès limité à des services de prévention ainsi qu’à un diagnostic et à un traitement précoce. Ces problèmes d’accès sont largement attribuables aux problèmes relatifs à l’éloignement géographique, au transport, à l’éducation et à la sensibilisation, ainsi qu’à un système de soins de santé conçu pour répondre aux besoins en santé des milieux urbains. Des nouveautés et des initiatives novatrices pour offrir de l’information et des services, comme la clinique mobile de l’hépatite C appelée « Journées de la santé du foie » et le programme communautaire de soins du VIH-VHC « Connaissez votre statut sérologique », s’avèrent inestimables dans les communautés des Premières Nations situées en régions éloignées. L’extension de ces programmes axés sur la communauté et mis en œuvre par la communauté à d’autres communautés des Premières Nations et à la population carcérale pourrait s’avérer fort précieuse dans le cadre des efforts en vue d’atteindre l’objectif d’élimination mondiale du virus de l’hépatite C fixé par l’Organisation mondiale de la Santé.

Introduction

Quelque 170 millions de personnes dans le monde souffrent d’une infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC)Note de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Au Canada, ce nombre se situe entre 250 000 et 275 000, et une tendance à la hausse des cas d’infection par le VHC et des maladies du foie associées est rapportée à l’échelle du paysNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Des estimations récentes indiquent que 15 800 personnes vivaient avec une cirrhose et 5 500 avec une insuffisance hépatique en 2017. Selon certaines estimations, la prévalence des cas de cirrhose et de carcinome passera respectivement de 15 814 à 17 570 et de 338 à 379 pour la période de 2007 à 2027Note de bas de page 13. L’impact du VHC et les séquelles de l’infection par le virus de l’hépatite C sur la santé des Canadiennes et des Canadiens sont considérables si l’on considère les cas d’insuffisance hépatique chronique, de greffe du foie et de décès prématuréNote de bas de page 13.

L’usage de drogues injectables constitue le plus courant des facteurs de risque de transmission de l’hépatite C au CanadaNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17. Les membres des Premières Nations et les personnes incarcérées sont deux populations difficiles à joindre et au sein desquelles le risque d’infection par le VHC est élevé. Au Canada, les membres des Premières Nations sont sept fois plus susceptibles d’être infectés par le VHC que le reste de la population; le nombre de personnes infectées par le VHC est estimé à 34 900 (ou 3,0 %) chez les membres des Premières Nations et à 6 300 (ou 18,7 %) chez les personnes incarcéréesNote de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20. C’est en Saskatchewan que l’infection par le VHC fait peser le plus lourd fardeau sur les membres des Premières NationsNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. De multiples facteurs sont associés à ce lourd fardeau, dont un accès limité à des tests de dépistage, à des professionnels de la santé et à un traitementNote de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 21Note de bas de page 22. Ces problèmes d’accès ont surtout trait à l’éloignement géographique, à des problèmes de transport, d’éducation et de sensibilisation, et à un système de soins de santé conçu pour répondre aux besoins en santé des milieux urbainsNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23.

En dépit d’importants obstacles à la surveillance du VHC, des rapports font état du fardeau persistant et croissant du VHC dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan et les établissements correctionnels où les membres des Premières Nations sont surreprésentésNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Qui plus est, 21 % à 44 % des personnes présentant une infection chronique ignorent tout de leur statut sérologiqueNote de bas de page 2Note de bas de page 24Note de bas de page 25.

Au cours des dernières années, de nouveaux traitements curatifs à base d’antiviraux à action directe (AAD) ont révolutionné le traitement de l’infection par le HVC et on fait naître l’espoir que le VHC et les maladies du foie associées puissent être éradiqués. Encore faut-il que les personnes infectées par le VHC soient accessibles, identifiées, informées et correctement traitées pour que ces traitements prometteurs tiennent leurs promesses. Cet article aborde le fardeau du VHC en Saskatchewan, décrit les défis et les obstacles aux soins et traite des moyens mis en œuvre par la Saskatchewan pour améliorer l’accès à des services de prévention et de traitement et promouvoir ainsi la santé du foie dans les communautés des Premières Nations établies dans des réserves.

Le VHC et les Premières Nations de la Saskatchewan

La Saskatchewan est une province en croissance rapide qui compte plus d’un million d’habitants. La Saskatchewan abrite 70 communautés distinctes des Premières Nations et un total de 156 828 Indiens inscrits vivant dans 84 communautés géographiquement isolées et dispersées. Chaque communauté regroupe entre 113 et 10 000 personnes. Plus de 50 % des membres des Premières Nations de la Saskatchewan vivent dans des réserves, et 14 % de ces réserves se trouvent en région isolée. Selon les projections démographiques de Statistique Canada, d’ici 2036, une personne sur cinq en Saskatchewan pourrait être autochtoneNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10.

À l’isolement géographique s’ajoute un taux élevé d’incarcération estimé à 1 024 pour 100 000, soit près de neuf fois le taux observé dans le reste de la populationNote de bas de page 14. De fait, en 2000-2001, alors que les membres des Premières Nations ne représentaient que 15 % de la population générale du Manitoba et de la Saskatchewan; ils représentaient 64 % de la population carcérale du Manitoba et 76 % de celle de la SaskatchewanNote de bas de page 14. Parallèlement, les données indiquent que les populations des Premières Nations présentent un risque accru d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le VHC, et qu’elles sont infectées à un plus jeune âge que les personnes non autochtones. Les mouvements fréquents de ces populations entre les quartiers défavorisés des villes et les régions rurales peut entraîner le risque de contracter le VIH et le VHC au sein même des communautés les plus éloignéesNote de bas de page 3Note de bas de page 14Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 24.

En outre, les membres des Premières Nations sont surreprésentés dans les groupes présentant un risque élevé d’infection par le VIH, en particulier parmi les utilisateurs de drogues injectables. En Saskatchewan, une enquête transversale menée en 2005 par Hennink et ses collaborateurs a révélé que les utilisateurs de drogues injectables contractaient le VHC relativement peu de temps après avoir commencé à s’injecter des droguesNote de bas de page 11. Selon les résultats de cette enquête, 50 % à 80 % des utilisateurs de drogues injectables contractaient une infection par le VHC dans les cinq années suivant le début de l’usage de drogues injectables. Ainsi, les utilisateurs de drogues injectables qui contractent une infection par le VIH sont nombreux à présenter une infection préexistante par le VHC. De même, Klein et ses collaborateurs ont constaté que les personnes co-infectées par le VIH-VHC demeuraient exposées à un risque de décès nettement plus élevé, malgré les traitements antirétrovirauxNote de bas de page 15. Une étude de cohorte canadienne a révélé que l’ethnicité autochtone et le sexe féminin étaient associés à une augmentation des taux de clairance du VHC, tandis que la co-infection VHC-VIH et l’usage de drogues illicites étaient associés à une diminution des taux de clairanceNote de bas de page 3. Pour compliquer davantage l’identification et le traitement des personnes infectées par le VHC, l’état d’environ 50 % à 85 % des personnes qui demeurent infectées évoluera vers l’infection chronique, mais ces personnes pourraient demeurer asymptomatiques pendant des décennies.

Les défis

Surveillance de l’hépatite C

Au Canada, l’hépatite C (VHC) est une maladie à déclaration obligatoire. La surveillance étroite et opportune des données sur l’hépatite C est essentielle pour le dépistage et l’intervention précoces en contexte d’éclosion de cas d’infection par le VHC, afin de réduire au minimum la transmission et de mettre en œuvre des stratégies de prévention qui ont fait leurs preuves. Dans les communautés des Premières Nations, il n’est toutefois pas toujours possible d’exercer une telle surveillance. En outre, les données de surveillance nationale sont insuffisantes pour déterminer le nombre de cas d’hépatite C dans les populations des Premières Nations, essentiellement parce que beaucoup de provinces ne recueillent pas les données selon l’ethnicitéNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15. Il en découle que les données relatives à l’ethnicité ont été confinées à des groupes de population présentant déjà un risque élevé d’infection par des agents pathogènes transmissibles par le sang (comme les détenus et les utilisateurs de drogues injectables)Note de bas de page 3. Les données manquent, mais l’on considère que les peuples des Premières Nations sont les plus touchés.

Certaines statistiques sur les communautés des Premières Nations sont disponibles au niveau fédéral par l’intermédiaire de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI). Selon un rapport publié par la DGSPNI de Santé Canada pour la région de la Saskatchewan, en 2015, les taux d’incidence de l’infection par le VHC dans les communautés des Premières Nations vivant dans les réserves atteignaient respectivement 372,0, 186,7 et 129,0 cas pour 100 000 habitants dans les communautés des Premières Nations du sud, du centre et du nord de la province. En 2015, ces taux étaient respectivement six fois, trois fois et deux fois plus élevés que le taux provincial des cas d’infection par le VHC (62,7 cas pour 100 000 habitants).

En 2016, les taux d’incidence de l’hépatite C (VHC) ont continué de grimper, atteignant respectivement 401,2 cas, 211,6 et 130,0 cas pour 100 000 habitants dans les communautés situées au sud, au centre et au nord de la province (voir figure 1). Au cours des dernières années, les taux d’hépatite C ont aussi augmenté de façon marquée dans les communautés des Premières Nations situées au sud de la Saskatchewan.

Figure 1 : Taux d’hépatite C chez les Premières Nations en Saskatchewan vivant dans les réserves, par région, de 2012 à 2016

Figure 1 : Taux d’hépatite C chez les Premières Nations en Saskatchewan vivant dans les réserves, par région, de 2012 à 2016

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Taux d’hépatite C chez les Premières Nations en Saskatchewan vivant dans les réserves, par région, de 2012 à 2016

Figure 1 : Taux d’hépatite C chez les Premières Nations de la Saskatchewan vivant dans les réserves, par région, de 2012 à 2016
Année Communautés des Premières Nations situées au sud Communautés des Premières Nations situées au centre Communautés des Premières Nations situées au nord Province de la Saskatchewan
2012 205 153 104 63
2013 272 224 87 56
2014 231 169 87 53
2015 372 187 132 63
2016 323 154 95 -

En 2016, la majorité des personnes atteintes par l’hépatite C dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan étaient des hommes (66 %), et une bonne proportion (33 %) des personnes diagnostiquées étaient âgées de 30 à 39 ansNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. Ces chiffres font contraste avec les données canadiennes, où les cas d’hépatite C sont associés à une tranche d’âge supérieureNote de bas de page 3Note de bas de page 25.

Accès au traitement anti-VHC et aux programmes de prévention

La plupart des communautés des Premières Nations de la Saskatchewan n’ont pas accès à des services de dépistage du VHC, et nombreuses sont celles qui n’ont même pas accès à des soins primairesNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 26. De plus, lorsqu’un cas d’infection par le VHC est diagnostiqué à l’extérieur de la réserve et qu’une adresse locale est utilisée, il s’ensuit une sous-représentation du fardeau qui pèse sur les réserves. La mobilité entraîne aussi des difficultés de taille lorsqu’il s’agit de localiser des patients, de sorte que beaucoup sont perdus de vue au moment du suivi. En effet, beaucoup ne reçoivent pas de diagnostic de confirmation de la charge virale, tout comme beaucoup ignorent même qu’ils ont contracté le VHC.

Le Programme des services de santé non assurés (SSNA) de Santé Canada a été l’un des premiers régimes à rembourser le traitement antiviral à action directe chez les patients atteints d’hépatite C des Premières Nations et les patients inuits. Des obstacles majeurs liés à la pauvreté, à la communication et à l’éloignement géographique des Premières Nations vivant dans les réserves ont entravé l’accès à tout traitement curatif. Le traitement requiert d’avoir accès à des services d’élastométrie impulsionnelle ultrasonore (FibroScanaMD) ou de détermination du stade de la maladie du foie (normalement offerts uniquement dans des centres de soins tertiaires), ainsi qu’à un fournisseur de traitements anti-VHC (dont les services sont surtout offerts dans les grands centres urbains). Qui plus est, une virémie non traitée, en présence d’un accès limité à des services de réduction des méfaits, ne peut que maintenir les taux à la hausse en raison de la transmission active continue.

La greffe du foie est aussi un problème, car l’accès aux cliniques spécialisées en hépatite et aux traitements est limité en Saskatchewan, de sorte que de plus en plus de patients sont dirigés vers le programme de transplantation hépatique d’EdmontonNote de bas de page 20Note de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29. En Saskatchewan, seulement 28 patients ont reçu une greffe du foie depuis 2008, et 225 autres sont actuellement en attente d’une greffeNote de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 26.

Les innovations

Services de prévention

Les communautés des Premières Nations en sont à différentes étapes sur le plan des capacités et des mesures d’intervention dont elles disposent pour faire face aux taux croissants de cas d’infection par le VHC (et le VIH). À l’heure actuelle, 21 centres de réduction des méfaits (y compris les programmes d’échange de seringues) sont en activité dans les réserves de la Saskatchewan. Ces programmes sont liés à des services de dépistage, de santé mentale et de toxicomanie, ainsi qu’à d’autres programmes d’aide aux familles. La DGSPNI de la région de la Saskatchewan (Services aux Autochtones Canada) travaille en étroite collaboration avec tous les partenaires pour épauler les communautés en train de s’ajuster aux modèles de soins des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) « Connaissez votre statut sérologique ».

Le modèle de soins du VIH « Connaissez votre statut sérologique », initialement mis en œuvre par deux communautés des Premières Nations de la Saskatchewan, fait intervenir 1) la mobilisation communautaire, l’éducation, la prévention et la réduction des méfaits, et 2) la prise en charge clinique, ainsi que la surveillance et l’évaluation. Le personnel clé du programme pour le VIH-VHC « Connaissez votre statut sérologique » regroupe des professionnels spécialisés dans les domaines suivants : santé communautaire, travail de proximité sur la réduction des méfaits, services de laboratoire, soins primaires, maladies infectieuses, prévention et sensibilisation, et appui aux dirigeantsNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 21Note de bas de page 26Note de bas de page 30. Le programme pour le VIH « Connaissez votre statut sérologique » s’est révélé être un modèle de soins pour le VIH très efficace pour les communautés habitant dans les réserves. En 2015, le programme a atteint la cible 90-90-90 fixée par les Nations Unies (90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologiqueNote de bas de page 31 90 % des personnes qui se savent atteintes du VIH reçoivent un traitement, et 90 % des personnes traitées voient leur charge virale supprimée)Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 21Note de bas de page 26Note de bas de page 30. En partenariat avec les Premières Nations de la Saskatchewan, des programmes similaires sont actuellement mis en œuvre dans plus de 50 autres communautés. Ce modèle de soins est en ce moment même élargi pour inclure le VHC.

Pour appuyer les 84 communautés des Premières Nations de la Saskatchewan, il existe actuellement 12 postes de soins infirmiers dans les réserves de la région du nord, 23 centres offrant des services de dépistage du VIH et du VHC aux points de service dans les communautés des régions du centre et du sud, et 13 équipes mobiles de sensibilisation ou spécialisées en soins infirmiers qui parcourent la Saskatchewan.

Cliniques mobiles de dépistage et de traitement de l’hépatite C

Ces deux dernières années, un changement d’approche à l’égard du traitement de l’hépatite C a pu être observé dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan. Un partenariat a été établi entre la santé publique, les communautés des Premières Nations, leurs dirigeants, les laboratoires et les fournisseurs de soins cliniques, afin que des tests et des soins soient directement offerts dans les communautés des Premières Nations situées en région éloignée. Pour ce faire, des cliniques mobiles de l’hépatite C se rendront dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan qui auront ainsi directement accès à des tests (y compris l’élastométrie impulsionnelle ultrasonore), de l’éducation et des traitements à base d’AAD.

Ces cliniques mobiles sont par nature multidisciplinaires. Leur présence est annoncée à l’avance et une invitation à participer à la clinique est lancée aux membres de la communauté atteints d’hépatite C ou à ceux qui ont des comportements à risque. Les participants ont accès à des séances individuelles d’éducation et de counselling approfondi. Des tests et une évaluation de l’état de santé et du foie du patient sont aussi réalisés et, s’il y a lieu, un plan est élaboré pour l’administration de soins intégrés et l’orientation vers un traitement en milieu communautaire le même jour. Par ailleurs, la sensibilisation et l’expertise acquises à l’échelle locale ont permis aux communautés de s’approprier cette approche globale à l’égard de l’infection par le VHC, de ses facteurs de risque sous-jacents et de la santé de leurs membres en offrant dans le cadre d’équipes des soins culturellement adaptés et accessibles.

Ces cliniques communautaires mobiles du VHC sont appelées « Journées de la santé du foie ». Non seulement ont-elles suscité l’intérêt des membres des Premières Nations touchés par le VHC, mais elles ont aussi amélioré la mise en œuvre des traitements, les résultats pour la santé et les taux d’observance. Le nombre de ces cliniques mobiles s’accroît à mesure que les communautés des Premières Nations s’approprient et prennent en charge les programmes de prévention. Cette réussite repose sur les éléments essentiels que sont le leadership communautaire et l’administration de soins liés au VHC par un personnel (p. ex. infirmières et infirmiers en santé communautaire, infirmières et infirmiers autorisés et infirmières et infirmiers praticiens) formé en santé du foie et en sécurisation culturelle. L’administration de soins culturellement sûrs ou appropriés signifie que tous les intervenants du système de soins de santé sont conscients de l’histoire et de l’incidence des traumatismes intergénérationnels vécus par les Premières Nations et des obstacles (comme le racisme) que ces communautés doivent actuellement surmonter lorsqu’elles tentent d’avoir accès à des soins de santé, et que, par conséquent, ils font tout leur possible pour offrir aux Premières Nations des soins respectueux, complets et holistiques.

Usage de drogues injectables : agir sur les déterminants de la santé

Comme l’usage de drogues injectables est l’un des principaux facteurs de risque d’infection par le VHC ou de transmission du VHC, la prise en charge de la toxicomanie et des problèmes de santé mentale associés est cruciale pour lutter contre le VHC. La surveillance communautaire des tendances en matière de drogues et de toxicomanie est un outil efficace. Au moment d’offrir des services communautaires liés à l’infection par le VHC, la sensibilisation aux facteurs qui favorisent la résilience ainsi que la prise en compte des déterminants de la santé, tels que les traumatismes intergénérationnels engendrés par un passé de colonisation et de pensionnats, le racisme, le surpeuplement, l’éducation et l’alphabétisation, l’exclusion sociale et l’inégalité entre les sexes, pourrait faciliter l’accès des Premières Nations aux services de santéNote de bas de page 16Note de bas de page 17.

Discussion

Le VHC est devenu un enjeu mondial majeur de santé publique, comme en témoigne le fardeau croissant qu’il impose aux membres des Premières Nations de la Saskatchewan vivant dans les réserves. Il n’y a pas si longtemps, les membres des Premières Nations vivant dans les réserves en Saskatchewan n’avaient pas accès à un traitement. Des innovations récentes sous forme de programmes communautaires, notamment les cliniques mobiles pour l’hépatite C (« Journées de la santé du foie ») et le programme pour le VIH-VHC « Connaissez votre statut sérologique », qui offrent des tests et du counselling sur place, ainsi que des services de réduction des méfaits, de diagnostic et de traitement, sont des atouts de plus en plus précieux pour s’attaquer au problème du VHC dans les réserves des Premières NationsNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 21Note de bas de page 26Note de bas de page 30Note de bas de page 32.

Le Canada, de concert avec les États membres de l’Organisation mondiale de la Santé, a adopté en 2016 la toute première Stratégie mondiale de lutte contre l’hépatite virale, qui vise l’élimination, d’ici 2030, de cette maladie en tant que menace importante pour la santé publique, ainsi que l’accès à un traitement sûr, abordable et efficace pour toutes les personnes qui en sont atteintesNote de bas de page 33. La stratégie cible le sous-diagnostic comme un obstacle important à l’éradication du VHCNote de bas de page 2Note de bas de page 6Note de bas de page 34. Il est crucial d’adopter des pratiques exemplaires et des modèles novateurs qui encouragent les clients à jouer un rôle actif dans la prévention, le diagnostic et le traitement précoces de l’infection par le VHC afin de mettre un terme à la transmission de la maladie dans tous les milieux, dans les réserves et hors des réserves. Compte tenu de la forte proportion de cas d’infection par le VHC chez les utilisateurs de drogues injectables, l’attention est dirigée vers ce sous-groupe de la population. Une méta-analyse récente des stratégies permettant de réduire la séroconversion anti-VHC a révélé que le recours à une combinaison d’interventions s’avérait le moyen le plus efficace pour réduire la transmission du VHC chez les utilisateurs de drogues injectablesNote de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 32Note de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41 avant que la cirrhose ne se manifeste (stades de fibrose F0 à F3), et pour limiter les complications à long terme liées au VHC, par comparaison avec l’obtention d’une réponse virologique soutenue (RVS) une fois la cirrhose installée (stade de fibrose F4)Note de bas de page 2Note de bas de page 4. Une intervention thérapeutique précoce s’est avérée efficace, non seulement pour prévenir la progression de la maladie du foie, mais aussi pour mettre un terme à la transmission de l’infection dans les communautés.

Prochaines étapes

Compte tenu du succès des programmes modèles de la Saskatchewan pour le VIH (« Connaissez votre statut sérologique ») et le VHC, la mise en œuvre de programmes communautaires similaires et culturellement appropriés dans d’autres réserves des Premières Nations de cette province contribuera à améliorer le traitement et à freiner la transmission du VHC. Indirectement, cela pourrait aussi améliorer l’information sur la surveillance et générer de bonnes données sur les résultats.

Des partenariats entre les programmes, dans les réserves et hors des réserves, doivent être créés afin que des soins optimaux, un soutien de proximité et des campagnes de sensibilisation soient offerts par diverses administrations, à l’échelle nationale et des provinces. Il sera important de corriger les attitudes susceptibles de compromettre les activités de prévention, de traitement et de soins, de même que de réduire les préjugés et la discrimination associés au VHC et au VIH dans l’ensemble des services.

Compte tenu des taux alarmants d’infection par le VHC dans les populations carcérales, en particulier chez les détenus des Premières Nations, des initiatives anti-VHC ciblées, conçues par et pour les détenus des Premières Nations, sont nécessaires en Saskatchewan. Les programmes mis en place dans les communautés des Premières Nations afin de lutter contre le VHC pourraient être liés aux soins en milieu carcéral. Des interventions ciblant les facteurs de risque modifiables (p. ex. la consommation de drogues et le tabagisme), l’observance du traitement antirétroviral et l’administration en temps opportun du traitement contre l’hépatite C pourraient limiter considérablement les complications et réduire les taux de décès.

D’autres recherches doivent être menées afin d’évaluer l’ampleur de l’infection par le VHC et les déterminants connexes, obtenir des estimations représentatives de la prévalence et de l’incidence de l’infection par le VHC dans la population des Premières Nations de la Saskatchewan, élaborer des programmes communautaires dirigés par les Premières Nations pour prévenir de nouveaux cas d’infection, approfondir les connaissances sur l’infection par le VHC et mettre en œuvre des méthodes d’une efficacité accrue pour la prise en charge de la toxicomanie chez les patients atteints par le VHC.

Conclusion

De multiples facteurs sont associés aux taux élevés d’infection par le VHC dans les communautés des Premières Nations, notamment l’accès limité à des services de prévention, de diagnostic précoce et de traitement. Ces problèmes d’accès sont surtout liés à l’éloignement, au transport, à l’éducation et à la sensibilisation, ainsi qu’à un système de santé conçu pour répondre aux besoins en santé des milieux urbains. Les méthodes novatrices instaurées pour offrir de l’information et des services, comme la clinique mobile de l’hépatite C et le modèle communautaire de soins des infections transmissibles sexuellement et par le sang « Connaissez votre statut sérologique », se révèlent d’une valeur inestimable dans les communautés éloignées des Premières Nations. L’extension de ces programmes aux autres communautés des Premières Nations et à la population carcérale, qui regroupe bien souvent un nombre disproportionné de membres des Premières Nations et de personnes infectées par le VHC, pourrait s’avérer des plus précieuses pour lutter contre l’infection par le VHC et aider le Canada à atteindre l’objectif mondial d’élimination du VHC.

Déclaration des auteurs

Le Dr Skinner et le Dr Khan ont collaboré avec le chef Cote, et tout le contenu de cet article est issu des programmes offerts en partenariat direct avec les communautés des Premières Nations.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Financement

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Services aux Autochtones Canada accorde des fonds pour différents programmes et services destinés aux Premières Nations de la Saskatchewan vivant dans les réserves. En particulier, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits appuie le Dr Skinner et la prestation de ses programmes dans les réserves.

Remerciements

Nous aimerions remercier de leur appui Mustafa Andkhoie, épidémiologiste, et le Dr Tom Wong, médecin hygiéniste en chef à la Direction générale des Premières nations et des Inuits, Santé Canada.

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