Prévention et contrôle de la maladie de Lyme

Volume 40-5, le 6 mars 2014 : La maladie de Lyme

Éditorial

Prévention et contrôle de la maladie de Lyme : allons de l’avant

Beard CB1*

Affiliation

1 Division des maladies à transmission vectorielle, U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC), Fort Collins, CO

Correspondance

cbeard@cdc.gov

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v40i05a04f

Introduction

Maladie transmise par les tiques, la borréliose de Lyme est causée par le spirochète Borrelia burgdorferi, qui héberge principalement chez les petits rongeurs et se transmet par les tiques du genre Ixodes. Cette affection a été reconnue cliniquement pour la première fois durant les années 1970, dans une grappe de cas d'arthrite juvénile, au Connecticut Note de bas de page 1. Au cours des 25 dernières années, la maladie de Lyme a connu une hausse constante aux États-Unis, quant au nombre de cas et à sa répartition géographique. Et une tendance similaire voit le jour au Canada, comme on le voit dans les autres articles du présent numéro. En 2012, aux États-Unis, plus de 30 000 cas de la maladie ont été signalés auprès des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) : la maladie de Lyme occupe ainsi le septième rang en importance parmi les maladies à déclaration obligatoire. Ce nombre grandissant de cas fait suite à l'expansion des populations du cerf de Virginie (chevreuil) et de la croissance des zones suburbaines qui ont donné lieu à une abondance d'hôtes réservoir, à des tiques plus nombreuses et à une possibilité accrue d'exposition chez les humains Note de bas de page 2. Par ailleurs, à ne pas passer sous silence le fait que les tendances observées de l'émergence de la maladie de Lyme s'apparentent à celles de plusieurs autres maladies également transmises par les tiques et partageant des écologies communes, notamment l'anaplasmose, la babésiose, l'ehrlichiose et la maladie de Powassan.

Les symptômes de la maladie de Lyme sont multiples : éruption d'érythème migrant au stade précoce de l'infection; névrite (p. ex. paralysie faciale), cardite et arthrite au cours des stades tardifs et disséminés de la maladie. Un traitement rapide à raison de deux à quatre semaines de doxycycline par voie orale permet une guérison des symptômes chez la grande majorité des patients. N'empêche qu'un sous-ensemble de patients, notamment ceux ayant reçu un diagnostic et un traitement à un stade tardif de la maladie, peuvent éprouver une fatigue persistante, des maux musculaires, des problèmes de mémoire à court terme et d'autres symptômes non caractéristiques. Pour ce qui est du recours aux antibiotiques, quatre essais cliniques ne sont pas parvenus à démontrer des avantages soutenus d'un traitement à long terme Note de bas de page 3 Note de bas de page 4 Note de bas de page 5 Note de bas de page 6 Note de bas de page 7. Qui plus est, ces mêmes études ont souligné un risque potentiel associé à un traitement prolongé à base d'antibiotiques. Cela étant, concernant la maladie de Lyme, une des recherches à prioriser consiste à tirer au clair la ou les causes précises des symptômes chez ces patients et à déterminer les options de traitement optimal et sécuritaire. Cette question est l'enjeu principal de plusieurs études en cours ou publiées récemment sur des primates humains et non humains et ayant pour objet d'évaluer la réponse thérapeutique, les issues cliniques et la possibilité de la persistance du spirochète à la suite du traitement Note de bas de page 8 Note de bas de page 9.

Un autre besoin prioritaire en recherche consiste à rendre le diagnostic plus efficace. Les tests de diagnostic validés présentement en usage pour la maladie de Lyme sont tous des tests sérologiques qui dépendent de la réponse aux anticorps détectables. De tels tests ont donc une valeur limitée au stade précoce de l'infection ou chez les patients qui ont déjà contracté l'infection, selon la période écoulée depuis la première infection. Parmi les recherches plus prometteuses qui ont cours dans ce secteur figurent celles qui ont pour objet de définir des cibles diagnostiques directes. Il pourrait s'agir soit d'acides nucléiques, soit de métabolites cellulaires de faible poids moléculaire qui sont des indicateurs d'une infection active ou qui sont une réponse spécifique à l'infection par passage sur hôte.

Un dernier secteur très critique à garder à l'esprit en matière de recherche est l'élaboration et l'évaluation d'outils et de méthodes de contrôle et de prévention sécuritaires et efficaces. Nous reviendrons sur ce sujet un peu plus loin.

Outre ces secteurs de recherche qui s'imposent, d'autres besoins critiques se font également sentir pour ce qui est d'établir et de maintenir une intervention efficace en santé publique. Les voici :

  1. une compréhension précise de la répartition et du risque de la maladie;
  2. une sensibilisation à la maladie dans les populations à risque et les choses à savoir pour se protéger;
  3. des fournisseurs de soins de santé informés, capables de reconnaître la maladie et d'assurer un diagnostic et un traitement précoces et appropriés;
  4. des pratiques de contrôle et de prévention validées; et
  5. une collaboration efficace à niveaux multiples au chapitre de la prévention. Les sections suivantes présentent une brève analyse de chacun de ces besoins critiques.

Initiatives futures

Répartition et risque de la maladie

Pour obtenir une réponse de santé publique qui soit efficace, il faut d'abord tenir à jour une information exacte quant à la répartition de la maladie et aux aires et localités particulières à risque. C'est de cette façon que l'on pourra non seulement suivre les tendances de la maladie et prévoir des émergences futures, mais également cibler des actions éducatives en prévention et des ressources aux fins de contrôle de la maladie. Une telle façon de procéder s'applique aux diverses maladies émergentes – et notamment à la maladie de Lyme, qui se répand dans des régions nouvelles et risque ainsi de passer inaperçue. Il est également impératif de connaître l'écologie et l'épidémiologie locales de la maladie, de façon à pouvoir orienter efficacement les interventions vers les endroits particuliers les plus à risque.

Sensibilisation du public

Une fois connues les régions particulières d'activité enzootique et le risque épidémiologique précis, il va falloir plus sensibiliser les gens dans les collectivités à risque. À cette fin, on pourra déployer un éventail de moyens : panneaux de sentiers, annonces de services collectifs et information sur la prévention s'adressant à des groupes à risque particuliers. À cet égard, on dispose de plus en plus de ressources de nos jours, tant au Canada Note de bas de page 10 qu'aux États-Unis Note de bas de page 11. En diffusant des messages de prévention dans les aires où émerge la maladie, il sera plus possible de sensibiliser ces nouvelles populations au danger et aux mesures à prendre. De telles collectivités pourraient également s'engager d'autant plus volontiers.

Formation des fournisseurs de soins de santé

Dans ces aires à risque émergentes, la formation des fournisseurs de soins de santé joue un rôle très important. Malgré la controverse entourant le traitement des patients qui manifestent des symptômes persistants associés à la maladie de Lyme, les experts s'entendent pour reconnaître que la meilleure façon de réduire les issues cliniques graves est de procéder à un diagnostic et un traitement précoces et précis de la maladie (ce que l'on appelle également la prévention secondaire). À cet égard, un rapport récent sur la cardite de Lyme associée à une mort subite d'origine cardiaque souligne la nécessité de faire preuve de vigilance dans les aires endémiques de Lyme, de sorte que l'on puisse déceler rapidement les symptômes de la maladie et recourir sans délai à un traitement Note de bas de page 12. Les fournisseurs de soins de santé sont également appelés à jouer un rôle pédagogique important en matière de prévention : grâce à eux, les patients peuvent être mieux informés sur les moyens à prendre pour réduire leur exposition aux tiques vectrices. En guise de soutien pédagogique, plusieurs cours à crédits sont offerts aux fournisseurs de soins de santé dans le cadre de l'éducation médicale permanente, ainsi que diverses informations pertinentes Note de bas de page 13 Note de bas de page 14.

Pratique de contrôle et de prévention

Pour prévenir la borréliose de Lyme, l'outil par excellence pourrait être un vaccin humain sécuritaire et efficace ayant été suffisamment évalué tant chez les enfants que chez les adultes. Un tel vaccin n'existe pas à l'heure actuelle. Les recommandations en prévention de la maladie de Lyme misent donc notamment sur des activités propres à réduire l'exposition aux tiques infectées. À cet égard, on fait appel à un éventail de pratiques : recours aux pesticides, gestion du milieu, gestion des chevreuils, application d'insectifuges ou de substances toxiques sur la peau ou les vêtements, vérification des tiques, douche prise de retour d'un habitat de tiques et interventions ciblant les hôtes Note de bas de page 15. Pour ce qui est de telles interventions, nommons : les vaccins ciblant les réservoirs, les dispositifs d'appât pour chevreuils infestés de tiques (« 4-poster deer device ») et les boîtes d'appât contenant des acaricides qui tuent les tiques sur les rongeurs hôtes. De façon générale, si de telles méthodes peuvent effectivement réduire le nombre de tiques, les preuves sont insuffisantes pour affirmer que leur utilisation peut réduire le nombre de cas de maladie humaine. L'utilisation du vaccin humain LYMErixMC est la seule intervention à avoir été déployée pour réduire la maladie de Lyme dans le cadre de vastes essais de collectivité Note de bas de page 16. Faute d'un vaccin humain, l'option qui semble la plus viable pour se protéger contre les tiques infectieuses est un ensemble de mesures personnelles et d'activités locales coordonnées visant à réduire la densité des tiques infectées là où les gens risquent le plus d'y être exposés. Pour ce qui est d'évaluer de telles mesures préventives, il s'agira avant tout de voir dans quelle mesure on a effectivement obtenu des résultats. Bon nombre d'études examinent la réduction du risque entomologique (c.-à-d. la réduction de l'abondance des tiques nymphales infectées), mais peu mesurent la réduction réelle de la maladie telle que diagnostiquée par le médecin, ou un indice approprié tel que le nombre de tiques repérées sur des personnes dans les groupes traités par rapport aux groupes non traités Note de bas de page 17.

Collaboration à niveaux multiples

Cinquième et dernier besoin critique : une collaboration à niveaux multiples s'impose pour l'élaboration et la mise en œuvre d'initiatives de prévention de la maladie. Des méthodes de contrôle efficaces, cela commence au niveau local : dans les arrière-cours, les quartiers, les parcs et les espaces verts où les tiques peuvent se trouver. Les solutions de prévention optimales, ce sont probablement des solutions locales qui tiennent compte des variations dans l'écologie locale de la maladie, les tendances uniques du risque correspondant à ces variations et les préférences de la population. Quant aux organismes de santé publique aux niveaux fédéral, provincial et des États, ce sont eux qui sont les plus à même de mener ou de financer des études d'évaluation, et de tirer parti de l'expérience de localités multiples sur de vastes aires géographiques. Ayant défini et validé des pratiques exemplaires de prévention, ces organismes peuvent ensuite mettre cette information à la portée des citoyens sous forme de lignes directrices et de recommandations fondées sur des données probantes. Grâce à leur influence, ils sont en mesure de mousser la communication et la collaboration parmi les principaux partenaires de santé publique, tels que les autorités sanitaires locales et les groupes communautaires, notamment les groupes de défense des droits des patients. Les gens peuvent fort bien trouver des tiques infectées dans de multiples endroits : leur propre cour, celle du voisin, les aires publiques, etc. Aussi, pour asseoir les mesures de contrôle sur une base solide, les principaux partenaires en prévention se doivent d'assurer à des niveaux multiples une collaboration et une coordination efficaces. Pour sa part, l'Agence de la santé publique du Canada vient de lancer au niveau national un Plan d'action sur la maladie de Lyme, qui saura sûrement encadrer ces initiatives Note de bas de page 18.

Conclusion

La maladie de Lyme et d'autres maladies transmises par les tiques sont en hausse au Canada et aux États-Unis. Nombre de besoins criants font présentement l'objet de recherche : tests de diagnostics améliorés, compréhension de la cause des symptômes persistants et options de traitement optimal correspondant, vaccin sécuritaire et efficace, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous serons en mesure d'élaborer une réponse appropriée en santé publique pourvu que nous parvenions à relever un certain nombre de défis que voici : une compréhension exacte du problème; une connaissance et une sensibilisation de la part des fournisseurs de soins de santé et des populations à risque; des méthodes de contrôle et de prévention propres à réduire la maladie humaine; enfin, l'élaboration et la coordination d'un plan d'action national dont l'application locale tient compte du risque de la maladie sous ses aspects épidémiologiques et écologiques uniques.

Remerciements

Je tiens à remercier les Drs Paul Mead et Lyle Peterson, ainsi que Mme Anna Perea, de m'avoir fait bénéficier de leurs commentaires et d'avoir effectué une critique constructive du contenu du présent article. Les observations et conclusions de ce texte n'ont pas fait l'objet d'une publication formelle de la part des CDC; elles ne devraient donc pas être interprétées comme étant des décisions ou une politique de la part de cet organisme.

Conflits d'intérêts

L'auteur n'a pas de conflit d'intérêts à signaler.

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