ARCHIVÉ - Relevé des maladies transmissibles au Canada

 

Volume 34 • DCC-5
septembre 2008

Une déclaration d'un comité consultatif (DCC)
Comité consultatif national de l'immunisation*†

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12 Pages - 145 KB

Déclaration sur les usages recommandés du vaccin 23-valent contre le pneumocoque chez les sans-abri et les utilisateurs de drogues par injection

Préambule

Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) donne à l'Agence de santé publique du Canada des conseils constants et à jour liés à l'immunisation dans le domaine de la médecine, des sciences et de la santé publique. L'Agence de la santé publique reconnaît que les conseils et les recommandations figurant dans la présente déclaration reposent sur les connaissances scientifiques les plus récentes et diffuse le document à des fins d'information. Les personnes qui administrent le vaccin doivent également connaître le contenu des monographies de produit pertinentes. Les recommandations d'utilisation et d'autres renseignements figurant dans le présent document peuvent différer du contenu des monographies de produit établies par le(s) fabricant(s) du vaccin au Canada. Les fabricants ont uniquement fait approuver le vaccin et démontré son innocuité et son efficacité lorsqu'il est utilisé selon la monographie du produit. Les membres du CCNI et les agents de liaison doivent se conformer à la politique de l'Agence de santé publique du Canada régissant les conflits d'intérêts, notamment déclarer chaque année les conflits d'intérêts possibles.

Introduction

Entre 2006 et 2007, un certain nombre d'éclosions de pneumococcie invasive (PI) sont survenues dans des agglomérations urbaines de l'Ouest du Canada chez des adultes non agés ayant des antécédents d'itinérance ou d'utilisation de drogues illicites. Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a alors envisagé d'élargir les groupes à risque pour lesquels le vaccin polysaccharidique 23-valent contre le pneumocoque (VPP-23) est recommandé. Les recommandations figurant dans la présente déclaration portent précisément sur ces groupes, et on y présente les données existantes sur les risques de PI courus par ces derniers. En outre, on y discute brièvement de la mise en oeuvre de programmes de vaccination dans ces populations.

Pour les besoins de la présente déclaration, on défi nit les sans-abri comme les personnes vivant une précarité transitoire ou chronique liée à leur logement. Dans les publications, plusieurs termes sont employés pour décrire les consommateurs de drogues, par exemple « utilisateurs de drogues par injection » ou « utilisateurs de drogues illicites ». Dans chaque étude, on établit quelles substances entrent dans la définition employée; les données sont présentées de la façon décrite dans les études de première main. Dans les présentes recommandations, « utilisateurs de drogues illicites » renvoie à la fois aux utilisateurs de crack et de drogues par injection.

Recommandations antérieures du CCNI

Dans les recommandations actuelles, on préconise l'administration du VPP-23 à toutes les personnes de > 65 ans et à celles de ≥ 5 ans à haut risque de contracter une PI; les enfants âgés entre 2 et 5 ans à risque élevé de PI devraient recevoir le vaccin antipneumococcique conjugué suivi du VPP-23 afin d'étendre la protection contre d'autres sérotypes; le VPP-23 devrait être administré aux personnes à risqu eélevé qui présentent des affections concomitantes, comme l'anémie falciforme (drépanocytose) et d'autres hémoglobinopathies à cellules falciformes, une asplénie fonctionnelle ou anatomique, une infection par le VIH, un état d'immunodéficience, une maladie pulmonaire, le diabète, la cirrhose, une néphropathie chronique, une fuite de liquide céphalorachidien, ou qui portent un implant cochléaire; les personnes aux prises avec des facteurs de risque comme l'alcoolisme et le tabagisme devraient aussi recevoir le VPP-23. Pour de plus amples informations sur l'utilisation, la posologie et les contre-indications des vaccins antipneumococciques, le lecteur est prié de consulter le Guide canadien d'immunisation(1) .

Recension des publications scientifiques

Tous les articles scientifiques publiés entre le 1er janvier 1966 et le 1er février 2008 ont été recensés au moyen de la base de données Medline. Les articles publiés en anglais, peu importe le plan d'étude, ont été sélectionnés à l'aide des descripteurs MeSH suivants : Streptococcus pneumoniae, pneumococcal infections, pneumococcal vaccines, risk factors, substance abuse, intravenous et homeless persons. Les résultats sont présentés plus loin.

Les sans-abri

Les sans-abri affichent des taux élevés de diverses infections respiratoires, dont celles attribuables à S. pneumoniae(2-4) . Dans une étude de 2000-2002 portant sur des adultes de ≥ 17 ans s'étant présentés dans six hôpitaux et à un service des urgences d'Edmonton, le taux d'attaque de la pneumonie à pneumocoque était de 266,7 pour 100 000 personnes-années chez les sans-abri, contre 9,7 pour 100 000 personnes-années globalement. Toutefois, l'itinérance ne constituait pas un prédicteur de la pneumonie à pneumocoque après prise en compte d'autres facteurs, notamment le tabagisme(5). Une étude récente menée à Toronto à l'aide de données de surveillance en population concernant des adultes indiquait que la PI, définie par l'isolement du micro-organisme dans un site stérile, était plus fréquente chez les sans-abri que chez les personnes ayant un logis (273 pour 100 000 personnes-années contre 9,0 pour 100 000 personnes-années)(6) .

Le surpeuplement dans les refuges et un taux de portage du pneumocoque dans les refuges pouvant atteindre 60 % peuvent favoriser la transmission des maladies et les éclosions(7,8) . Quatre grappes ou éclosions de pneumococcies dans des refuges pour sans-abri ont été décrites dans la littérature (tableau 1). Les facteurs de risque de ces éclosions de pneumococcies comprenaient l'alcoolisme et le fait d'être âgé de < 65 ans(8,10) . Le taux à vie d'alcoolisme chez les sans-abri est estimé à environ 60 %, et les problèmes d'alcool sont environ 6 à 7 fois plus répandus dans cette population que dans la population générale. Les sans-abri sont aussi atteints de façon disproportionnée d'autres affections chroniques pour lesquelles la vaccination à l'aide du VPP-23 est recommandée, par exemple la maladie pulmonaire obstructive chronique(2) .

Usage de drogues illicites

Il est difficile de déterminer le risque de pneumococcie directement associé à la consommation de drogues illicites, puisque les utilisateurs présentent souvent d'autres affections concomitantes telles que l'infection par le VIH. En outre, le type de drogues consommées varie. Le risque accru de pneumonie bactérienne et de PI chez les personnes infectées par le VIH, qu'elles utilisent ou non des drogues illicites, est bien connu(11-18) , et celles-ci font déjà partie des groupes cibles pour lesquels le CCNI recommande le vaccin antipneumococcique(1) . Il existe peu d'études évaluant le risque de PI chez les utilisateurs de drogues illicites non infectés par le VIH (tableau 2). Dans deux études, l'incidence de la pneumonie pneumococcique variait de 1,2 à 3,4 pour 1 000 personnes-années chez les personnes séronégatives qui consommaient des drogues illicites, ce qui était légèrement plus élevé que le taux signalé dans la population générale (0,5 à 1,0 pour 1 000 personnes-années), mais beaucoup plus faible que chez les personnes séropositives consommant des drogues illicites (19 à 35 pour 1 000 personnes-années)(11,14) . Chez des consommateurs de drogues fréquentant un établissement de santé d'Amsterdam, le risque de pneumonie autodéclarée n'avait pas augmenté chez les utilisateurs séronégatifs de drogues par injection pendant la période de suivi comparativement à celles qui ne s'injectaient pas de drogues(13) .

Les données tirées de la surveillance de la PI aux États-Unis (É.-U.) indiquent que l'injection de drogues ne semble pas prédisposer ces personnes à une infection par des sérotypes plus fréquemment rencontrés chez les séropositifs (6A, 6B, 9N, 9V, 18C, 19A, 19F et 23F)(19) ou par des types de pneumocoques résistants aux antibiotiques(19) ni à une mortalité causée par la PI(20) . Une étude a permis d'établir que les utilisateurs de drogues par injection couraient un risque deux fois plus grand de PI répétées que ceux qui n'en consommaient pas, après prise en compte du statut à l'égard du VIH et d'autres affections sous-jacentes(20) . En outre, environ le quart des PI récidivantes répertoriées par le programme Active Bacterial Core (ABC) Surveillance des É.-U. en 1998 sont survenues chez les utilisateurs de drogues par injection, mais la possibilité d'une corrélation entre les antécédents d'utilisation de drogues par injection et d'autres affections sous-jacentes possiblement associées avec une réapparition de la maladie n'a pas été examinée(21) .

Les données de surveillance montrent qu'il existe un chevauchement important entre les utilisateurs de drogues illicites et les groupes cibles pour lesquels le vaccin antipneumococcique est recommandé. Dans une étude menée de 2001 à 2003 sur des patients adultes atteints de PI qui étaient soignés dans six centres participant au programme ABC Surveillance, le US Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) recommandait la vaccination antipneumococcique pour 95 % des 38 utilisateurs de drogues par injection actuels et 89 % des 105 anciens utilisateurs(22) . Une surveillance multicentrique accrue portant sur 3031 utilisateurs de drogues par injection vivant dans des grandes villes canadiennes a révélé que 95 % d'entre eux avaient déclaré avoir fumé dans les 6 mois précédents, 13 % étaient séropositifs et 40 % avaient un logement précaire(23) .

Tableau 1. Grappes ou éclosions de pneumococcies associées à l'hébergement dans un refuge

Lieu Période Nbre de cas (Nbre de décès) Sérotype(s) prédominant(s) (%) Facteurs de risque et antécédents de vaccination (si communiqués) % de porteurs vivant dans un refuge (n) Mesures de santé publique Numéro de la référence

États-Unis
(Chicago)

1968-69

23

5 (20%) 12

  • Environ la moitié des cas viennent de quartiers malfamés.
   

9

États-Unis (Boston)

janvier à mai 1978

40 (6)

1 (45%) 8 (20%)

  • 61 % des cas de type 1 et 18 % de cas d'autres types étaient associés à un hébergement récent dans un refuge pour hommes (p < 0,05).
  • 94 % des cas de type 1 et 82 % des cas d'autres types étaient associés à l'alcoolisme (NS).
  • Les cas en excès de 1978 par rapport à 1977 étaient principalement de type 1.

10% type 1 50% autres types
(n = 104)

98 % des 104 sansabri vivant régulièrement dans des refuges ont reçu le VPP 14-valent* le 24 mars 1978; l'éclosion a été circonscrite au bout de 2 mois.

8

France (Paris)

Avril 1998 à mars 1989

39 (1)

1 (74%)

  • Tous les cas avaient été récemment hébergés dans un ou deux refuges.
  • 35 % de tabagisme important
  • 82 % d'alcoolisme
  • 23 % de tuberculose pulmonaire
  • 64 % de bronchite chronique
  • 10 % avaient préalablement reçu le VPP-23 (la période située entre la vaccination et l'apparition des symptômes pour les quatre cas était de 15, 17, 31 et 218 jours)

2% type 1 37% autres types
(n = 57)

 

7

Royaume-Uni

2004

2 (2)

8 (100%)

  • Les deux cas habitaient dans un refuge pour hommes et avaient des longs antécédents de consommation excessive d'alcool.
  • Aucun cas n'avait été préalablement vacciné contre le pneumocoque.
 

Contact étroit avec des cas ayant reçu le VPP; pas d'autres cas signalés.

10

NS = non significatif; VPP = vaccin antipneumococcique polysaccharidique * Le VPP 14-valent (Pneumovax) est dirigé contre les sérotypes 1, 2, 3, 4, 6, 8, 9, 12, 14, 19, 23, 25, 51 et 56.

 

Programmes de vaccination à l'intention des sans-abri ou des utilisateurs de drogues illicites

Comme de nombreux sans-abri et utilisateurs de drogues illicites n'ont pas toujours accès à des services de santé sur une base régulière, il peut être nécessaire de déployer d'autres stratégies pour rejoindre ces populations. Par exemple, des campagnes de vaccination de masse ont été mises en oeuvre dans l'est du centre-ville de Vancouver, un quartier aux prises avec des problèmes de pauvreté, de logements surpeuplés, d'itinérance, de malnutrition, d'hygiène déficiente et de maladies chroniques. On estime que 12 000 utilisateurs de drogues par injection vivent dans ce quartier. Des campagnes de vaccination antipneumococcique ont été menées en novembre 1999 (7 575 doses), en novembre 2000 (1 086 doses) et en juin 2002 (1 205 doses); on a également administré des vaccins contre la grippe, les hépatites A et B pendant certaines ou toutes ces campagnes. Les endroits visités comprenaient les hôtels à chambres individuelles, les soupes populaires et les banques d'alimentation, les organismes communautaires, les lieux fixes d'échange de seringues, les centres de dépannage, les brasseries, les cliniques médicales, les parcs, les rues et les ruelles. Le vaccin était offert aux personnes visées par les recommandations du CCNI. Peu d'événements indésirables ont été officiellement signalés même s'il était probable que certaines personnes avaient préalablement reçu une dose du vaccin(24,25) . Il n'est pas possible de déterminer le risque inhérent aux divers vaccins antipneumococciques, car les événements indésirables qui leur sont associés n'ont pas été étudiés comme il se doit. Comparativement à l'année précédant la campagne de novembre 1999, l'année d'ensuite a été marquée par une grande baisse du nombre de consultations pour la pneumonie dans les services des urgences (863 et 646 consultations, respectivement; p < 0,001). Le taux d'admission à l'hôpital après une consultation au service des urgences local pour une pneumonie a aussi diminué de 25 %(26) .

Éclosion causée par le sérotype 5 de S. pneumoniae dans des centres urbains de l'Ouest du Canada, de 2006 à 2007

De 2005 à 2007, des éclosions de PI attribuable au sérotype 5 de S. pneumoniae (ST5) sont apparues dans l'Ouest du Canada, surtout en Alberta et en Colombie Britannique (C.-B.). Les deux éclosions survenues à Vancouver et à Calgary seront présentées en détail.

Alberta

De 2000 à 2004, entre 0 et trois cas de PI attribuable au ST5 ont été signalés chaque année par l'Alberta Health and Wellness, ce qui représente < 1 % des cas de PI déclarés dans la province. En 2005, en raison de l'apparition plus hâtive des cas signalés (février), le nombre de cas de PI causée par le ST5 en Alberta a grimpé à 40 (10 % des 383 cas de PI, tous sérotypes confondus). En 2006, l'augmentation a été considérable, la province ayant enregistré 204 cas de PI attribuable au ST5 (38 % des 539 cas totaux de PI). En 2007, 220 cas signalés se sont ajoutés (37 % des 597 cas totaux de PI). Les cas ont été signalés dans l'ensemble des neuf régions sanitaires, la plupart étant apparus à Calgary et à Edmonton (K. Simmonds, Alberta Health and Wellness, 12 mars 2008, communication personnelle).

L'analyse des cas de PI recensés par le système de surveillance CASPER (Calgary Area S. pneumoniae Epidemiology Research) de 2006 à 2007 a révélé que les cas de PI attribuable au ST5 étaient associés à une tableau clinique et à de multiples facteurs de risques qui différaient de ceux d'autres cas de PI (non causés par le ST5) survenus chez des personnes âgées de ≥ 16 ans. Par rapport aux personnes atteintes de PI non attribuables au ST5, celles présentant une PI attribuable au ST5 étaient moins nombreuses à être atteintes d'empyème (20 % contre 9 %, rapport de cotes [RC] 2,5; intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,4 à 4,6) et à s'être fait poser un drain thoracique (19 % contre 9 %; RC 2,5; IC à 95 % 1,3 à 4,8); on a également constaté une tendance en faveur d'une mortalité plus faible (2 % contre 9 %; RC 0,3; IC à 95 % 0,06 à 1,13). Selon une analyse multidimensionnelle, un nombre significativement plus élevé de cas de PI attribuable au ST5 avaient entre 16 et 64 ans (98 % contre 66 %; RC 9,5; IC à 95 % 2,2 à 41,4), étaient des sans-abri (63 % contre 12 %; RC 3,5; IC à 95 % 1,8 à 6,6) et consommaient des drogues illicites (57 % contre 11 %; RC 6,5; IC à 95 % 3,6 à 12,0)(27) . En août 2006, le programme de vaccination de la population à haut risque à l'aide du VPP-23 en Alberta a été étendu à toute la province pour inclure les sans-abri et les personnes défavorisées. Le programme de vaccination a aussi été élargi pour inclure de manière explicite les personnes infectées par le virus de l'hépatite C, infection qui faisait précédemment partie des maladies hépatiques chroniques. Les autorités sanitaires régionales vaccinent ces groupes depuis. En outre, une campagne de vaccination ciblant les refuges pour sans-abri de Calgary a été mise en oeuvre du 19 au 22 décembre 2006 afin d'accroître la couverture vaccinale dans cette population.

Vancouver, Colombie-Britannique

La pneumococcie invasive attribuable au ST5 était auparavant peu fréquente en C.-B. (un cas par année en 2004 et en 2005). En août 2006, une augmentation des cas de PI a été décelée au St. Paul's Hospital, qui dessert l'est du centre-ville de Vancouver. Quarante-six cas de PI ont été admis en novembre comparativement au nombre habituel de 0 à 10 cas par mois. Les entrées à l'hôpital ont atteint un sommet en décembre 2006. Entre le 1er août 2006 et le 12 mars 2007, 163 cas de PI causée par le ST5 ont été signalés au BC Centre for Disease Control, y compris les 125 cas de Vancouver et les 27 cas relevant de la Fraser Health Authority, et on a relevé au moins trois décès. La plupart des personnes (78 %) habitaient ou fréquentaient l'est du centre-ville de Vancouver (J. Dhaliwal, BC Centre for Disease Control, 23 mars 2007, communication personnelle). Parmi les cas dus au sérotype 5, 25,6 % étaient des sans-abri. Le fait de fréquenter ou d'habiter dans ce quartier a été utilisé comme un indicateur de la précarité liée au logement. Dans les analyses unidimensionnelles, l'exposition à ce quartier était statistiquement significative (RC 10,25; IC à 95 % 4,07 à 25,8; p < 0,001), mais après correction pour tenir compte d'autres facteurs, elle ne l'était plus (RC 7,79; IC à 95 % 0,9 à 66,8; p = 0,06). L'analyse multidimensionnelle a révélé que seule la consommation de crack était un facteur de risque (RC 12,4; IC à 95 % 2,22 à 69,5; p < 0,01) (R. Gustafson, 1er février 2008, communication personnelle).

À la suite de l'éclosion, on a lancé des campagnes de vaccination antipneumococcique ciblant les démunis et les utilisateurs de drogues illicites dans les zones urbaines touchées. En novembre et en décembre 2006, des équipes d'infirmières de terrain de la Vancouver Coastal Health ont administré le VPP-23 à plus de 4 000 personnes du centre-ville en ciblant les refuges, les banques d'alimentation et d'autres lieux communautaires. On a aussi accéléré la vaccination des démunis et des utilisateurs de drogues illicites habitant dans les régions avoisinantes.

Tableau 2. Pneumococcies chez les utilisateurs de drogues illicites

Mesure

Description de la population

Période

Résultats

Réf.

Incidence de pneumonie pneumococcique

Utilisateurs de drogues par injection recrutés pour une enquête longitudinale menée sur l'infection par le VIH dans un contexte de traitement d'entretien à la méthadone prodigué en consultation externe, New York
n = 433

Anciens utilisateurs de drogues par injection d'une communauté thérapeutique fermée du Nord de l'Italie.
n = 4 236

1985-1986 (période de suivi de 12 mois)

  • Utilisateurs de drogues par injection séropositifs (n = 144) : 35 pour 1 000 personnes-années
  • Utilisateurs de drogues par injection séronégatifs (n = 289) : 3,4 pour 1 000 personnes-années
11

Risque de pneumonie autodéclarée ou nécessitant une hospitalisation, peu importe l'étiologie

Utilisateurs de drogues faisant des visites de suivi dans un établissement de santé d'Amsterdam
n = 640

1989-1993 (période de suivi moyenne de 4,7- 4,8 mois)

  • Utilisateurs de drogues par injection séropositifs (n = 203) : l'injection de drogue depuis la précédente visite était liée de manière signifi cative à la pneumonie autodéclarée (RR corrigé 2,13; IC à 95 % 1,16 à 3,92); aucun lien signifi catif avec une pneumonie nécessitant une hospitalisation
  • Utilisateurs de drogues par injection séronégatifs (n = 437) : l'injection de drogue depuis la précédente visite n'était pas liée de manière signifi cative à la pneumonie autodéclarée; le nombre de pneumonies nécessitant une hospitalisation chez les personnes séronégatives était trop faible pour permettre l'étude des associations
 

Risque d'infection par les sérotypes « dépendants de l'état immunitaire »*

Surveillance par le programme américain Active Bacterial Core (ABC) Surveillance des cas de PI apparus chez des adultes de 18 à 64 ans dans 6 centres participants.
n = 2346

1998-1999

  • Les utilisateurs de drogues par injection n'étaient pas significativement plus nombreux à être infectés par les sérotypes « dépendants de l'état immunitaire »* après correction pour tenir compte de la présence du VIH/sida ou d'autres immunodéficiences et de l'origine ethnique (race noire) (RC corrigé 1,05; IC à 95 % 0,77 à 1,44; p = 0,75)
  • Les utilisateurs de drogues par injection n'étaient pas significativement plus nombreux à être infectés par le pneumocoque non sensible au TMP-SMZ (RR brut 0,98; IC à 95 % 0,94 à 1,01; p = 0,17)
 

Risque d'infection par un pneumocoque non sensible au TMP-SMZ

   
  • Les utilisateurs de drogues par injection n'étaient pas signifiativement plus nombreux à être infectés par les sérotypes « dépendants de l'état immunitaire » après correction pour tenir compte de la présence du VIH/sida ou d'autres immunodéficiences et de l'origine ethnique (race noire) (RC corrigé 1,05; IC à 95 % 0,77 à 1,44; p = 0,75)
  • Les utilisateurs de drogues par injection n'étaient pas significativement plus nombreux à être infectés par le pneumocoque non sensible au TMP-SMZ selon les analyses unidimensionnelles (RR 0,98; IC à 95 % 0,94 à 1,01; p = 0,17)
 

Risque de PI récidivante

Surveillance active en population et en laboratoire des cas de PI chez des adultes de 18 à 64 ans du comté de San Francisco.
n = 399

1994-1996

  • Les utilisateurs de drogues par injection étaient significativement plus nombreux à présenter une PI récidivante après correction pour tenir compte de l'état à l'égard du VIH, de la présence d'un abus d'alcool, de maladies chroniques et d'une immunodéficience autre que l'infection par le VIH (RR corrigé 2,3; IC à 95 % 1,0 à 5,3)
  • Les utilisateurs de drogues par injection n'étaient pas significativement plus nombreux à mourir d'une PI (RR corrigé non communiqué)
 
RR = rapport de risque; IC = intervalle de confiance; PI = pneumococcie invasive; RC = rapport de cotes; TMZ-SMZ = triméthoprime-sulfaméthoxazole * Les sérotypes 6A, 6B, 9N, 9V, 18C, 19A, 19F et 23F sont appelés sérotypes « dépendants de l'état immunitaire », car ils sont à l'origine d'un grand nombre de maladies chez les adultes infectés par le VIH et atteints d'autres troubles(19).

 

Recommandations

En résumé, les études de cohortes, les études transversales, les enquêtes sur les éclosions et les rapports de cas indiquent que l'incidence de la PI chez les sans-abri est plus élevée que dans la population générale. En outre, une forte proportion de ceux-ci présentent des affections concomitantes ou des facteurs de risque pour lesquels le vaccin antipneumococcique est indiqué. Pour les sans-abri qui vivent dans des refuges, il existe un plus grand risque d'éclosion de pneumococcie en raison du surpeuplement et du taux élevé de portage. En ce qui concerne la maladie endémique, il est difficile du point de vue méthodologique de déterminer s'il existe un lien de cause à effet entre l'itinérance et la PI. Il est reconnu que l'itinérance peut être une variable de confusion, c'est-à-dire qu'elle révèle la présence d'autres facteurs de risque trop souvent associés aux sans-abri et qu'elle favorise la PI plutôt que d'être un facteur indépendant. Il ressort des données relatives aux éclosions de Calgary et de Vancouver présentées ci-dessus que l'itinérance est un facteur de risque indépendant de la PI attribuable au sérotype 5. Les données indiquant un risque accru de pneumococcie chez les utilisateurs de drogues illicites sont limitées. Le risque accru pourrait être causé par la forte corrélation qui existe entre la consommation de crack et des problèmes sous-jacents comme le tabagisme et l'infection par le VIH.

Par conséquent, le CCNI recommande que :

  • le vaccin polysaccharidique 23 valent contre le pneumocoque soit administré aux sans-abri;
  • l'on envisage aussi d'administrer le vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23 valent aux utilisateurs de drogues illicites.

Facteurs à prendre en considération dans le cadre de travaux futurs :

  • Il est nécessaire de trouver des solutions créatives pour administrer le vaccin antipneumococcique aux personnes indiquées dans les refuges pour sans-abri, les centres d'échange de seringues et autres lieux fréquentés par les sans-abri et les utilisateurs de drogues illicites afin d'accroître le taux de couverture vaccinale de ces populations.
  • D'autres travaux devraient être entrepris chez ces populations pour résoudre des questions liées aux programmes, notamment :
    • évaluer les programmes de vaccination chez les sans-abri et les utilisateurs de drogues illicites de Vancouver, de Calgary et de Toronto.
    • retracer l'information relative à l'état de la couverture vaccinale chez les personnes ayant eu divers contacts avec des fournisseurs de soins de santé, notamment au moyen de registres d'immunisation.
    • déterminer plus précisément le risque d'événements indésirables en cas d'administration de doses multiples du vaccin.
    • comprendre la dynamique de l'itinérance au Canada ainsi que ses liens avec la prestation d'une immunisation efficace et efficiente aux individus à risque.
    • trouver des moyens efficaces et efficients d'offrir des programmes de vaccination aux sans-abri.

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*Membres : Dre J. Langley (présidente), Dre B. Warshawsky (vice-présidente), Dr S. Virani (secrétaire exécutive), Dr S. Dobson, Mme A. Hanrahan, Dr J. Kellner, Dr K. Laupland, Dre A. McGeer, Dre S. McNeil, Dre M.-N. Primeau, Dr B. Seifert, Dre D. Skowronski, Dr B. Tan.

Représentants de liaison : Dre B. Bell (CDC), Dre P. Orr (AMMI Canada), Mme K. Pielak (CNCI), Dre S. Rechner (CMFC), Dre M. Salvadori (SCP), Dr D. Scheifele (CAIRE).

Représentants d'offi ce : Mme M. FarhangMehr CIMRI – Comité canadien d'immunisation), Major P. Laforce (MDN), Dre B. Law (DIIR), Dr H. Rode (DPBTG), DM. Nsungu (DGSPNI – Northern Intertribal Health Authority-Saskatchewan), comme expert externe.

†La présente déclaration a été préparée par Mme Christine Navarro, le Dr James D. Kellner et le Dr Shalini Desai et a été approuvée par le CCNI.

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