Syndrome oculo-respiratoire après la vaccination antigrippale : examen des données de surveillance post-commercialisation pendant quatre saisons grippales au Canada

Volume 31-21
le 1er novembre 2005

Introduction

Les vaccins antigrippaux ont été homologués au Canada à la fin des années 70. Les vaccins actuels sont des produits inactivés trivalents à virion fragmenté. L'Organisation mondiale de la Santé met à jour le contenu de ces produits chaque année pour assurer la meilleure protection possible contre les virus grippaux qui devraient circuler au cours de la saison grippale suivante dans l'hémisphère Nord. Chaque année, de 10 % à 25 % de la population peut contracter la grippe; il s'agit habituellement de la cause principale de maladies respiratoires graves dans une collectivité, en particulier chez les personnes âgées et les sujets souffrant d'une maladie chronique(1). Au Canada, les programmes de vaccination annuelle ciblent surtout les personnes à risque élevé de complications graves de la grippe et leurs contacts, notamment les travailleurs de la santé(1). Même chez les adultes et les enfants en santé, la mortalité reste malgré tout considérable. Depuis la saison grippale 1998-1999, le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) encourage toutes les personnes qui désirent se protéger contre la grippe à se faire vacciner, qu'elles appartiennent ou non àungroupeàrisqueélevé (2). Depuis 2000-2001, le gouvernement de l'Ontario offre gratuitement le vaccin aux membres de tous les groupes d'âge.

Il est rare que la vaccination antigrippale entraîne des manifestations indésirables (MI) graves(3). Dans le passé, Santé Canada (Agence de la santé publique du Canada) recevait en moyenne 200 rapports de cas de manifestations postvaccinales indésirables (MAPI, autrefois appelées ESAV) durant chaque saison grippale, dont la plupart étaient des réactions locales. Au début de la saison 2000-2001, cependant, deux provinces - l'Alberta et la Colombie-Britannique - ont avisé verbalement Santé Canada de l'existence d'un nombre inhabituel de rapports de MAPI faisant état d'un cortège de symptômes respiratoires accompagnés d'une « rougeur oculaire». Ce phénomène, que l'on a désigné du nom de « syndrome oculo-respiratoire » (SOR), se caractérise par la présence d'au moins un des symptômes suivants : rougeur oculaire, toux, respiration sifflante, oppression thoracique, difficulté à respirer, mal de gorge ou œdème facial, survenant dans les 2 à 24 heures après la vaccination antigrippale et disparaissant dans les 48 heures qui suivent l'apparition des symptômes(4). Par suite de la publicité ayant entouré ces cas et de la surveillance accrue qui a été exercée, 2 450 cas de MAPI ont été signalés durant cette saison, dont 960 (39,2 %) répondaient à la définition établie de cas de SOR cette saison-là(5).

Bien que le SOR ait par la suite été associé à tous les vaccins antigrippaux utilisés au Canada, la grande majorité des cas enregistrés en 2000-2001 étaient liés au produit d'un seul fabricant, des études en microscopie électronique ayant révélé la présence de plus fortes proportions de microagrégats de virions non fragmentés dans ce produit(6). Durant les saisons ultérieures, après que le vaccin mis en cause eut été reformulé avec le même agent de fractionnement utilisé dans d'autres vaccins antigrippaux, des cas de MI qui répondaient à la définition de cas de SOR ont néanmoins continué d'être recensées pour tous les types de vaccins contre la grippe.

Le présent article décrit l'expérience du SOR au Canada entre 2000 et 2004 et les résultats d'une étude rétrospective des cas signalés durant des saisons grippales antérieures (1997-2000) qui peuvent avoir été conformes à la définition de cas de SOR.

Méthodologie

Système de surveillance des manifestations indésirables

Au Canada, la surveillance post-commercialisation des vaccins repose sur la notification des MAPI par les dispensateurs de soins (principalement les infirmières hygiénistes et les médecins) aux autorités sanitaires locales, provinciales ou territoriales. Les rapports, y compris ceux remplis par les fabricants, sont transmis à l'Agence, qui les compile et les analyse.

En octobre 2000, Santé Canada, en consultation avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales, a renforcé la surveillance de l'innocuité du vaccin antigrippal après avoir été avisé d'une augmentation du nombre de MI faisant suite à la vaccination antigrippale. Un questionnaire supplémentaire visant à recueillir des données plus détaillées sur les SOR signalés a été élaboré et diffusé durant les trois saisons grippales suivantes (de 2000-2001 à 2002-2003). Bien que la pratique ait été interrompue au cours de la saison 2003-2004 en raison de la diminution du nombre de rapports, le SOR a continué de faire l'objet d'une surveillance étroite par le biais du formulaire standard de déclaration des MAPI.

Les données tirées des formulaires standard et supplémentaires ont été entrées dans la base de données sur les MAPI. Les données sur la distribution des vaccins, ventilées selon la province et le numéro de lot, ont été fournies par les fabricants de vaccins. Parmi ces données figurait le nombre de doses retournées à la fin de chaque saison grippale, ce qui donne une idée approximative du nombre de doses administrées (doses nettes distribuées) et qui a permis d'estimer les taux de déclaration des cas de SOR.

Définition de cas de SOR

Durant la période étudiée, la définition de cas de SOR a été modifiée. Pendant la saison 2001-2002, le CCNI a révisé la définition de cas pour inclure un plus grand nombre de symptômes et en étendre la durée, car il se peut que la définition plus restrictive ait empêché de détecter des cas potentiels de SOR au cours de la première saison. Le SOR a été redéfini comme étant caractérisé par la présence d'un ou plusieurs des signes et symptômes énumérés dans la définition de 2000, mais avec les deux ajouts suivants : 1) difficulté à avaler et voix rauque et 2) survenant dans les 24 heures qui suivent la vaccination antigrippale, mais sans restriction quant à la durée des symptômes(7). Le CCNI a recommandé que la même définition de cas soit appliquée durant les saisons subséquentes(7). Pour toutes les saisons grippales, nous avons appliqué cette définition, c.-à-d. la « définition de cas de 2001 », aux données relatives au SOR figurant dans le présent article.

Nous l'avons également utilisée pour estimer le nombre de cas potentiels de SOR pendant les saisons grippales 1997 à 2000.

Sujets et variables sélectionnés

Les rapports de cas répondant à la définition de cas de SOR de 2001 ont été tirés de la base de données sur les MAPI. Nous avons extrait certaines données démographiques - notamment l'âge au moment de la vaccination et le sexe, de même que d'autres variables, telles que les vaccins administrés en même temps, la consultation d'un médecin et le résultat clinique. Nous avons obtenu la fréquence et les taux de déclaration de chacun des neuf symptômes liés au SOR. Ces symptômes ont été classés en cinq grands groupes : 1) symptômes oculaires seulement (rougeur oculaire), 2) symptômes respiratoires seulement, 3) œdème facial seulement, 4) symptômes tant oculaires que respiratoires avec ou sans œdème facial et 5) autres combinaisons. Les taux de déclaration ont été estimés pour un million de doses nettes de vaccin distribuées lors de chaque saison. Le nombre total de rapports de MI après une vaccination antigrippale a également été extrait et employé pour estimer la proportion de cas de SOR par rapport à toutes les MI signalées après la vaccination anti-grippale au cours de chaque saison. Les données additionnelles qui ont été analysées, le cas échéant, étaient les suivantes : antécédents de SOR, gravité des symptômes et facteurs de risque possibles. Les valeurs manquantes ont été incluses dans le calcul en pourcentage des variables, à moins d'indications contraires. Les résultats ont été regroupés pour les quatre saisons grippales (de 2000-2001 à 2003-2004), sauf si des différences importantes entre les saisons avaient été observées. Nous présentons, en outre, les plus fréquents symptômes non liés au SOR qui ont été signalés en même temps et décrivons la fréquence et les estimations du taux de déclaration des cas de SOR non détectés durant les saisons 1997 à 2000.

Enfin, nous résumons le contenu de publications récentes sur le SOR au Canada, notamment des essais cliniques, des enquêtes téléphoniques, des tests cutanés, des études sur les animaux et des études d'observation prospectives et rétrospectives.

Certaines données présentées dans cet article concernant les MI après la vaccination antigrippale qui ont été signalées en 2000-2001 et 2001-2002 peuvent différer de celles publiées précédemment et ce, pour les raisons suivantes :

  • Différentes définitions de cas ont été utilisées au cours des diverses saisons, qui tenaient compte des nouvelles connaissances relatives à ce syndrome récemment identifié.
  • L'Agence continue de recevoir et d'accepter des rapports de MI pour des vaccins administrés au cours des années antérieures, et ces rapports reçus après la saison grippale et, partant, non inclus dans les analyses précédentes ont été pris en compte dans la présente étude.
  • D'autres rapports en double de MI ont été décelés et éliminés.

Figure 1. Distribution par âge (ans) des cas de syndrome oculo-respiratoire pour les saisons grippales 2000-2001 à 2003-2004(n = 3 264)

Distribution par âge (ans) des cas de syndrome oculo-respiratoire pour les saisons grippales 2000-2001 à 2003-2004

Figure 2. Nombre de cas répondant à la définition du syndrome oculo-respiratoire et taux pour un milion de doses du vaccin (de 1997-1998 à 2003-2004)

Nombre de cas répondant à la définition du syndrome oculo-respiratoire et taux pour un milion de doses du vaccin (de 1997-1998 à 2003-2004)

Résultats

SOR signalés durant les saisons grippales 2000-2001 à 2003-2004

Au cours des quatre saisons grippales, 3 264 rapports de MI après la vaccination antigrippale répondaient à la définition de cas de SOR. La plupart des sujets étaient âgés entre 45 et 64 ans (1 424, 44 %) (figure 1). L'âge médian et l'âge moyen étaient de 49 ans (intervalle : 6 mois à 97 ans). La plupart des sujets étaient des femmes (2 448, 75 %). Une prédominance féminine a été observée dans tous les groupes d'âge, sauf chez les enfants de < 15 ans (qui ne représentaient que 3 % des cas), pour lesquels le ratio femmes-hommes s'élevait à 1:1. Parmi ces sujets, 93 % n'avaient reçu que le vaccin antigrippal. Ceux auxquels on avait administré en même temps d'autres vaccins avaient reçu le plus souvent le vaccin contre le pneumocoque (75 %).

Parmi tous les sujets qui ont signalé un SOR (n = 3 264), 986 (30 %) ont consulté un médecin : 17 (0,5 %) se sont rendus aux urgences; 30 (0,9 %) ont été hospitalisés et 939 (29 %) ont été examinés en consultation externe. Au nombre de ceux qui ont été admis à l'hôpital, 15 (50 %) présentaient uniquement des symptômes respiratoires, 10 (33 %) manifestaient des symptômes tant oculaires que respiratoires et trois (10 %) se sont plaints d'un œdème facial seulement. Un plus grand nombre d'hommes que de femmes ont été hospitalisés (1,5 % c. 0,8 %). Le pourcentage et le taux d'hospitalisation (par rapport au nombre total de personnes dans chaque groupe d'âge) étaient le plus élevés chez les personnes âgées (37 %, 2 % des personnes âgées). Deux cas de SOR se sont soldés par un décès. Le premier cas était un homme de 72 ans qui avait des antécédents de réaction fébrile au vaccin antigrippal et qui a présenté une rougeur oculaire et des symptômes respiratoires, une fièvre, une céphalée, de la fatigue et une myalgie 12 heures après la vaccination, mais n'a pas consulté de médecin. Il est demeuré fébrile pendant 8 jours, a reçu un diagnostic de pneumonie et est décédé des suites de complications 54 jours après la vaccination, malgré les soins médicaux qu'il a reçus. Le deuxième cas mortel était un homme de 66 ans qui a manifesté une irritation oculaire, un mal de gorge, une rhinite et une dyspnée dans la journée qui a suivi la vaccination et qui est mort subitement 8 jours plus tard. On ne disposait pas de données suffisantes pour déterminer l'existence d'une association causale dans aucun des deux cas.

En tout, 43 195 187 doses nettes du vaccin ont été distribuées dans les secteurs public et privé de tout le Canada au cours des quatre saisons grippales (taux général de déclaration de cas de SOR de 76 pour un million de doses [tableau 1 et figure 2]). La fréquence et le taux de déclaration pour un million de doses du vaccin antigrippal ont été estimés pour chacun des neuf symptômes liés au SOR (tableau 1). La fréquence relative de certains de ces symptômes variait au cours des quatre saisons grippales, mais la rougeur oculaire et la toux étaient les symptômes les plus fréquemment signalés durant toutes les saisons. De plus, la fréquence et les taux de déclaration de cas de SOR ont été évalués pour cinq grands groupes : symptômes oculaires seulement, symptômes respiratoires seulement, œdème facial seulement, syndrome oculo-respiratoire et autres combinaisons (tableau 1). Seulement 29 % (955) des sujets ont signalé des symptômes tant oculaires que respiratoires.

Le temps écoulé entre la vaccination et l'apparition des symptômes de SOR variait de 1 minute à 24 jours (moyenne de 8,5 heures, médiane de 5 heures). La durée des symptômes variait de 1 minute à 3 mois (moyenne de 2,7 jours, médiane de 1 jour).

Au nombre des renseignements additionnels, tirés du questionnaire supplémentaire distribué au cours des trois saisons grippales (de 2000-2001 à 2002-2003), figuraient la gravité autodéclarée des symptômes, les antécédents de vaccination antigrippale et le groupe à risque (comme principale raison de l'immunisation). Parmi les personnes qui ont indiqué la gravité des symptômes (1 078, 33 % du total), 363 (34 %) ont décrit leurs symptômes comme étant mineurs (facilement tolérés); 408 (38 %) comme étant modérés (nuisaient à leurs activités quotidiennes régulières); et 307 (28 %) comme étant graves (incapacité de s'adonner à leurs activités quotidiennes régulières). Trente-cinq pour cent (1 142) ont dit avoir déjà reçu le vaccin antigrippal. De ce nombre, 16 % (178) avaient reçu le vaccin ≥ 2 fois dans le passé. Dans 51 % (1 662) des rapports, le groupe à risque était consigné, 50 % (825) de ces sujets appartenaient à un groupe à risque élevé, 6 % (91) étaient en contact avec une personne à risque élevé, et 34 % (569) étaient des travailleurs de la santé. Parmi les membres de groupes à risque élevé, 64 % (528) avaient ≥ 65 ans. La moitié des contacts des groupes à risque élevé (46) étaient âgés entre 25 et 44 ans.

Les 10 plus fréquentes MI signalées en même temps que les symptômes de SOR étaient les suivantes : fièvre (609), céphalée (608), fatigue (593), rhinite (498), myalgie (435), frissons (432), réactions allergiques (341), réactions locales (262), nausées (239) et étourdissements (193). Les taux de déclaration de ces symptômes variaient entre 14 (fièvre) et quatre (étourdissements) pour un million de doses nettes du vaccin distribuées.

Cas potentiels de SOR avant la saison 2000-2001 (de 1997-1998 à 1999-2000)

Lorsque la définition de cas de SOR de 2001 était appliquée aux cas dans la base de données sur les MAPI pour la période 1997-2000, 21 rapports en 1997-1998, 10 en 1998-1999 et 27 en 1999-2000 répondaient à la définition de cas de SOR. Les taux de déclaration pour un million de doses du vaccin distribuées s'élevaient, respectivement, à quatre, deux et cinq (figure 2).

Tableau 1. Fréquence des MAPI et des cas de SOR signalés et taux pour un million de doses du vaccin selon la saison grippale
Variables
2000-2001
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2000-2001 à 2003-2004
Fréquence/taux pour un million de doses
#
Taux
#
Taux
#
Taux
#
Taux
#
Taux
Nombre net de doses du vaccin antigrippal distribuées
12,199,380
9,330,555
10,477,216
11,188,036
43,195,187
Nombre total de rapports de cas de MI après la vaccination antigrippale
2,991
245
1,988
213
1,347
129
921
82
7,247
168
SOR
1,517
124
964
103
565
54
218
19
3,264
76
MAPI = manifestations post-vaccinales indésirables
MI = manifestations indésirables
SOR = syndrome oculo-respiratoire
SOR
1997-
1998
1998-
1999
1999-
2000
2000-
2001
2001-
2002
2002-
2003
2003-
2004
Nombre
21
10
27
1,517
964
565
218
Taux pour un million de doses du vaccin
4
2
5
124
103
54
19

Analyse

Des symptômes oculaires et respiratoires ont été signalés dans le passé après la vaccination grippale au Canada, aux É.-U. et dans plusieurs pays d'Europe mais n'ont été reconnus qu'en 2000, année où un nombre excédentaire de rapports de tels symptômes au Canada a amené les autorités à considérer le SOR comme une MI potentiellement distincte. Des rapports de cas de ce syndrome ont par la suite été découverts dans la base de données canadienne sur les MAPI avant la saison 2000-2001. Un groupe similaire de MI a été relevé durant les campagnes de vaccination antigrippale de 1995-1996 en Italie et dans plusieurs autres pays européens(8). À l'époque, une multiplication par dix du nombre de rapports de MI a été observée en Italie en association avec deux lots d'un vaccin antigrippal à virion fragmenté largement utilisé en Europe. Par la suite, une étude d'observation prospective a été menée en Italie pour comparer la réactogénicité de neuf vaccins antigrippaux différents (à virus entier, à virion fragmenté ou sous-unitaires) chez 16 714 sujets âgés de ≥ 65 ans(8).Bien que des réactions locales et des symptômes généraux aient été le plus souvent signalés, de nombreux rapports font état d'une conjonctivite et de symptômes respiratoires, classés comme « de type allergique ». Les sujets qui ont reçu les vaccins à virus entier couraient un plus grand risque de présenter des MI que ceux qui avaient reçu le vaccin à virion fragmenté ou le vaccin sous-unitaire. La plupart des MI étaient cependant légères ou modérées, et aucune réaction grave n'a été associée au vaccin.

Aux É.-U., une recherche dans le Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS) pour la période 1990-2002, à l'aide des termes de codage adaptés à la définition de cas canadienne, a permis de retrouver un certain nombre de rapports satisfaisant aux critères du SOR(9). Comme au Canada - du fait que les symptômes constitutifs étaient non spécifiques et relativement bénins et qu'ils n'ont pas incité les autorités à faire enquête - le SOR n'a pas été reconnu comme syndrome potentiellement unique.

Au Canada, les rapports de cas de SOR représentaient environ la moitié de tous les rapports de MI après la vaccination antigrippale durant les quatre dernières saisons grippales. En général, le SOR est considéré comme bénin et évolue spontanément vers la guérison. Parmi les sujets qui ont été hospitalisés ou examinés aux urgences, la plupart étaient âgés; au nombre des symptômes fréquemment mentionnés figuraient la difficulté à respirer et l'oppression thoracique. Les malades externes et les personnes qui n'ont pas consulté de médecin étaient plus nombreux à mentionner une rougeur oculaire et une toux. Seulement 29 % de tous les cas de SOR se sont plaints à la fois d'une rougeur oculaire et de symptômes respiratoires. Parmi les autres MI déclarées par les cas de SOR, de légers symptômes généraux et réactions locales étaient, tel que prévu, le plus souvent signalés.

Plusieurs études cliniques ont tenté de mieux évaluer le risque de SOR, montrant que les personnes qui recevaient pour la première fois le vaccin antigrippal développaient plus souvent un SOR que celles qui avaient déjà été vaccinées(10). De même, les sujets qui avaient déjà souffert d'un SOR couraient un plus grand risque d'être atteints du syndrome après une revaccination que les vaccinés sans antécédents de SOR(11,12) ; par ailleurs, les personnes qui avaient déjà été atteintes présentaient en général un plus grand nombre de symptômes de SOR à la revaccination que les nouveaux cas(12). Le risque de récurrence du SOR était d'à peine 5 % dans une étude(13) et atteignait 45 % dans d'autres(11,12). Heureusement, la plupart des patients ont décrit leur récurrence comme étant bénigne(14) ou moins grave que l'épisode original(13). Le risque de SOR semblait plus élevé chez les vaccinés de 40 à 59 ans(15,16). Ce groupe d'âge moyen signalait plus souvent un SOR, mais les récurrences étaient moins fréquentes que chez les personnes de ≥ 60 ans(14). Les symptômes duraient habituellement longtemps (> 48 heures) chez celles qui avaient déjà reçu le vaccin, qui avaient des antécédents de maladie pulmonaire et d'allergies(17).

Le vaccin mis en cause durant la saison 2000-2001 a été reformulé de façon à réduire la proportion de virions non fragmentés. Par la suite, la fréquence du SOR était similaire à celle enregistrée après l'administration d'autres vaccins antigrippaux offerts au Canada(12). Il s'ensuit donc que les symptômes oculo-respiratoires peuvent survenir en association avec tout type de vaccin contre la grippe(10,12).

Les mécanismes physiopathologiques du SOR demeurent obscurs, bien que certaines études effectuées au Canada aient proposé ce qui suit :

  • le système complémentaire peut jouer un rôle dans la rougeur oculaire(18) ;
  • le SOR n'est pas une réaction anaphylactique(18) ;
  • une teneur plus élevée en agrégats de virions peut accroître l'immunogénécité du vaccin antigrippal, comparativement aux vaccins qui renferment une plus faible proportion d'agrégats(19).

Les résultats tirés de la base de données de surveillance doivent être interprétés avec prudence. Le système de surveillance des MAPI repose principalement sur la déclaration volontaire, qui diffère dans chaque province et territoire. En outre, le formulaire supplémentaire, visant à fournir des renseignements additionnels sur les caractéristiques du SOR, n'a pas été rempli pour la majorité des cas. Dans les formulaires remplis, les données ont été fournies par les répondants. Autrement dit, une MI grave peut sembler bénigne pour certains sujets mais grave pour d'autres, et le biais de rappel peut avoir influé sur les résultats, selon le laps de temps écoulé. La sous-déclaration, en particulier des symptômes plus légers, est une autre source de biais. Enfin, le caractère non spécifique de la définition de cas de SOR, même s'il vise à permettre la saisie de cas problématiques, présente d'importantes limites. Un essai clinique contrôlé a montré que la fréquence de la déclaration d'une seule MI liée au SOR était plus élevée (mais non significative) chez les sujets qui avaient reçu un placebo que chez les vaccinés(10). De même, la fréquence de déclaration de multiples symptômes du SOR était plus élevée chez les personnes qui avaient connu un épisode récurrent de SOR (et qui couraient un plus grand risque de développer un SOR) que chez celles qui signalaient ce problème pour la première fois(12).L'emploid'une définition de cas plus spécifique - association d'une rougeur oculaire et d'au moins un symptôme respiratoire - qui définit mieux le SOR comme un syndrome peut faciliter la réalisation future d'enquêtes plus ciblées sur l'étiologie et la pathogenèse du SOR (tableau 1).

En conclusion, le SOR n'est probablement pas une MI nouvelle mais plutôt une MI qui a été sous-déclarée dans le passé, à cause de son caractère bénin, et il a été découvert uniquement lorsque sa fréquence a augmenté durant la saison grippale 2000-2001 dans deux provinces. Une modification du procédé de fabrication d'un des vaccins en 2000-2001 qui avait eu pour effet d'accroître le nombre de virions non fragmentés dans le produit final par rapport à la normale peut avoir été à l'origine de l'intensification de la « réactogénécité » du vaccin durant cette saison. La publicité subséquente entourant ce phénomène et le renforcement de la surveillance ont contribué depuis à amplifier le nombre de rapports de cas de SOR, de même que de toutes les MI, après la vaccination antigrippale. L'impact de cette « stimulation de la déclaration » de MAPI s'est estompé petit à petit durant les saisons subséquentes, les taux de déclaration n'étant revenus que maintenant aux taux qu'ils étaient avant la reconnaissance du SOR.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier toutes les personnes qui ont participé à la surveillance des MI après la vaccination antigrippale, notamment les vaccinés, les dispensateurs de soins, les autorités sanitaires provinciales et territoriales et les fabricants de vaccins, ainsi que le personnel de l'Agence s'intéressant à l'innocuité des vaccins. Nous sommes également redevables aux scientifiques et experts nationaux et internationaux qui ont participé aux rencontres et aux ateliers sur le SOR et nous ont fourni des conseils. Enfin, nous tenons à souligner le travail de Barbara Law, qui a examiné le manuscrit.

Références

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Source : Dr Nooshin Ahmadipour, MSc, Dre Theresa Tam, FRCPC, Mme Wikke Walop, PhD, Dre Arlene King, MHSc, Division de l'immunisation et des infections respiratoires, Dr Robert Pless, MSc, Division de la formation et applications de la santé publique, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario).

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