ARCHIVÉ - Éclosion de cas de gastro-entérite à Salmonella Heidelberg associée à un préposé à la manipulation des aliments dans un restaurant et relevée à la suite d'appels à un service de télésanté local - Edmonton (Alberta), 2004
Introduction
Le 22 juin 2004, le service local de santé publique de la communauté urbaine d'Edmonton (Capital Health-Public Health Division), en Alberta, a été avisé de plusieurs cas de maladie gastro-intestinale parmi des personnes ayant, quelques heures avant l'apparition des symptômes, mangé dans un restaurant de type buffet d'Edmonton, spécialisé dans la cuisine sud-asiatique. Les premiers cas de maladie liés au restaurant ont été notés lors de deux appels téléphoniques distincts faits à un service de télésanté local (Capital Health Link). Des transcriptions de ces appels ont été transmises au service local de santé publique, à la suite de quoi une enquête a été entreprise sur cette éclosion.
Méthodologie
La présence de Salmonella dans les échantillons de selles des personnes désignées dans les premiers cas déclarés a été confirmée en laboratoire. Tous les cas de gastro-entérite à Salmonella confirmés en laboratoire décelés parmi les habitants de la région sanitaire d'Edmonton sont déclarés au médecin hygiéniste, comme le requiert la Public Health Act. Des agents d'hygiène du milieu communiquent avec ces personnes, au nom du médecin hygiéniste, afin de leur administrer un questionnaire relatif à l'exposition à des fins de surveillance de la maladie. Bien que des liens possibles avec d'autres expositions aient également fait l'objet d'une enquête, les agents d'hygiène du milieu ont posé des questions détaillées aux autres cas d'infection à Salmonella (dont d'autres cas ayant pris part au même repas) liés au restaurant en cause, pour établir le tableau clinique de leur maladie et les aliments consommés au restaurant.
Le Provincial Laboratory for Public Health - Microbiology (PLPH) de l'Alberta effectue un sérotypage pour tous les cas d'infection à Salmonella relevés en Alberta. Des analyses par électrophorèse en champ pulsé (PFGE) ont été effectuées à la demande de la région sanitaire au moment où la grappe d'infection à Salmonella a été décelée. Un profil PFGE de la souche de Salmonella à l'origine de la grappe d'infection a été établi et inclus à la définition de cas après sa confirmation au moyen d'un deuxième enzyme de restriction.
Deux autres méthodes de recherche de cas ont été utilisées. Un avis au sujet de l'éclosion a été affiché dans le système en ligne protégé d'information relative à la surveillance administré par l'Agence de santé publique du Canada (anciennement Santé Canada) (Centre canadien de surveillance des éclosions entériques ou CCSEE), auquel ont accès les épidémiologistes locaux, provinciaux et fédéraux. Le profil PFGE du type de Salmonella à l'origine de la grappe d'infection a aussi été affiché dans deux systèmes d'information relative à la surveillance administrés par des laboratoires (PulseNet Canada et CDC PulseNet).
À partir du 22 juin 2004, des agents d'hygiène du milieu ont visité le restaurant concerné pour mener des inspections et interroger les propriétaires et gérants du restaurant au sujet des pratiques de manipulation des aliments. On a demandé aux employés de fournir des échantillons de selles afin d'effectuer un dépistage de Salmonella; ces échantillons ont été recueillis les 24 et 25 juin 2004, puis remis au PLPH pour analyse. Le service de télésanté local, l'hôpital pédiatrique régional et le service des urgences d'un hôpital d'Edmonton ont été avisés d'autres cas de maladie liés au restaurant pendant la durée de l'éclosion, et les cas signalés ont été transmis au service local de santé publique pour enquête.
Résultats
Séries de cas
Pour cette éclosion, la définition de cas était restreinte aux habitants et aux visiteurs de la région sanitaire (communauté urbaine d'Edmonton, en Alberta) atteints d'une infection à Salmonella Heidelberg dont le profil PFGE ne pouvait être distingué du profil SheXAI 0.0001 (désignation nationale) isolé à partir d'un échantillon clinique recueilli entre le ler juin et le 15 juillet 2004 inclusivement. Au total, 32 cas liés à ce type de Salmonella Heidelberg ont été relevés dans la région pendant l'éclosion, dont l'un était un employé du restaurant concerné. Un des cas était un habitant de l'Alberta se trouvant à l'extérieur de la région sanitaire d'Edmonton et un autre cas habitait dans une autre province canadienne. L'âge moyen et l'âge médian des cas étaient respectivement de 26 et de 29 ans, et les âges variaient entre 10 mois et 59 ans. Treize personnes qui avaient pris part au même repas qu'un des cas liés à l'éclosion et qui ont signalé une maladie gastro-intestinale à la suite de ce repas ont aussi été interrogées, mais elles n'ont pas été comptées comme des cas aux fins de cette enquête en l'absence d'une confirmation en laboratoire que leur maladie était liée au même type de Salmonella Heidelberg que celui à l'origine de l'éclosion.
Tableau clinique de la maladie
Les symptômes signalés par les cas de cette éclosion étaient notamment les suivants : diarrhée (100 %), fièvre (93 %), crampes abdominales (85 %), nausées (82 %), vomissements (59 %), courbatures (59 %) et diarrhée sanglante (19 %). Six des cas (19 %) auraient été hospitalisés en raison de leur maladie, dont trois avaient < 5 ans au moment où les symptômes sont apparus. Les dates d'apparition des symptômes vont du 15 au 30 juin 2004 (figure 1). La durée moyenne de la maladie était de 7,4 jours. Un des cas était asymptomatique.
Antécédents d'exposition
Vingt-sept des 31 cas de l'éclosion (87 %), à l'exclusion de l'employé infecté, on dit avoir mangé au restaurant concerné dans les 72 heures, ou environ, précédant la maladie (c.-à-d. à l'intérieur de la période d'incubation pour une infection à Salmonella(1)). Les périodes d'incubation (soit le temps écoulé entre la consommation du repas en cause et l'apparition des symptômes) allaient de 7 à 74 heures; les périodes moyenne et médiane étaient de 22 et 16 heures respectivement. Aucun lien avec un aliment en particulier (que ce soit un mets du buffet ou un ingrédient utilisé) n'a pu être établi à partir des antécédents d'exposition. Les dates auxquelles les cas de l'éclosion ont mangé dans le restaurant concerné allaient du 15 au 25 juin 2004.
Résultats de l'analyse des échantillons de selles des employés
Des échantillons de selles ont été recueillis auprès de cinq employés du restaurant concerné. L'échantillon de l'un d'entre eux s'est avéré contenir le même type de Salmonella Heidelberg que celui à l'origine de l'éclosion.
Résultats de l'inspection et des entretiens avec le personnel du restaurant
Au cours de l'enquête, aucune pratique inadéquate de manipulation des aliments n'a été décelée. L'on préparerait chaque jour chacun des plats offerts au menu. Un agent d'hygiène du milieu a interrogé les employés dans leur langue maternelle (le punjabi); aucun (y compris l'employé infecté par Salmonella) n'a indiqué avoir souffert de diarrhée au cours des semaines qui ont précédé. Il a été confirmé que l'employé infecté par Salmonella prenait part aux activités de manipulation des aliments dans le cadre de ses fonctions normales.
Mesures de santé publique
Le 29 juin 2004 (soit le jour où l'Environmental Public Health Services a reçu le résultat de laboratoire positif), le médecin hygiéniste a écarté l'employé du restaurant infecté par Salmonella des tâches nécessitant la manipulation d'aliments, et ce, jusqu'à ce que les analyses de deux échantillons consécutifs s'avèrent négatives. Les agents d'hygiène du milieu se sont rendus au restaurant concerné à plusieurs reprises pendant l'éclosion pour s'assurer que l'employé en question se tenait à l'écart des tâches visées et que des pratiques sûres de manipulation des aliments étaient employées.
Analyse
Cette enquête a permis de confirmer qu'une éclosion d'infection à Salmonella Heidelberg (dont le profil PFGE ne pouvait être distingué de SheXAI 0.0001) a bien eu lieu dans la région sanitaire d'Edmonton en juin 2004, et que 32 cas d'infection par ce type particulier de Salmonella sont survenus parmi des habitants ou des visiteurs de la région au cours d'une période relativement courte. Les données épidémiologiques suggèrent fortement que les aliments servis dans un restaurant d'Edmonton étaient la source de l'éclosion : la plupart des cas ont été exposés pendant la période d'incubation de Salmonella, et aucun autre lien épidémiologique significatif n'a été décelé parmi les cas. La cause première de l'éclosion n'a pas été confirmée. Toutefois, l'information recueillie pendant l'enquête est conforme à l'hypothèse qu'il s'agirait d'une éclosion due à la contamination d'aliments par un employé de restaurant infecté par Salmonella.
Le fait que l'on ait isolé le même sous-type spécifique de Salmonella dans l'échantillon de l'employé infecté et dans les échantillons des clients du restaurant, le fait que les repas concernés aient été consommés au cours d'une période de 10 jours (lorsque les aliments servis étaient préparés quotidiennement) et l'absence d'un lien entre la maladie et un aliment en particulier soutiennent également l'hypothèse de la contamination par un employé. Il a été confirmé que l'employé infecté par Salmonella était contagieux le 24 juin (le jour où l'échantillon de selles positif a été recueilli), et il est probable qu'il ait propagé l'infection à Salmonella tout au long de la période de 10 jours au cours de laquelle les cas de l'éclosion ont consommé le repas qui les a contaminés. L'infection à Salmonella provoque habituellement une gastroentérite; les personnes infectées ont excrété le pathogène dans leurs selles tout au long de la période symptomatique et pendant une moyenne de 4 à 5 semaines, parfois plusieurs mois, après la disparition des symptômes(2). Il est important de mentionner qu'aucun des cas n'aurait consommé le repas qui les a contaminés après que l'on a mis à l'écart l'employé infecté, soit à compter du 29 juin. Ce fait appuie également l'hypothèse voulant que l'employé infecté ait été le réservoir de l'infection, étant donné que le retrait de ce réservoir a coïncidé avec la fin de l'éclosion.
L'infection à Salmonella se transmet par voie fécale-orale, la nourriture étant le véhicule de transmission habituel(2). Les préposés à la manipulation des aliments infectés par Salmonella sont souvent présentés dans la documentation comme étant le réservoir en cause dans les éclosions de toxi-infections alimentaires à Salmonella(3-5). L'on sait depuis longtemps que Salmonella peut survivre sur le bout des doigts pendant plusieurs heures, et que les aliments peuvent être contaminés par contact avec des doigts inoculés par < 100 micro-organismes(6). Aussi, de légères lacunes dans l'hygiène des mains de la part des personnes infectées, entraînant une contamination des doigts - même microscopique - par des matières fécales, peuvent être à l'origine d'une telle éclosion.
L'analyse PFGE a été utilisée pour établir une définition de cas rigoureuse relativement à cette éclosion. On a ainsi pu exclure les isolats humains de Salmonella Heidelberg identifiés dans la région sanitaire d'Edmonton pendant l'éclosion qui n'étaient pas du même profil que ceux à l'origine de l'éclosion, ce qui a permis de renforcer le lien des différents cas avec l'exposition. L'analyse PFGE a aussi été utilisée pour identifier des cas d'infection à Salmonella Heidelberg à l'extérieur de la région sanitaire d'Edmonton, cas qui autrement n'auraient peut-être pas été reliés à cette enquête épidémiologique. L'utilité de l'analyse PFGE comme outil de surveillance épidémiologique des pathogènes entériques tels que Salmonella et Escherichia coli O157:H7 a été démontrée à plusieurs reprises(7).
La surveillance des infections entériques dans la région sanitaire d'Edmonton se fait à l'aide d'information provenant de plusieurs sources, dont la plus récente est un service de télésanté local. Capital Health Link est un service téléphonique de consultation en matière de santé, où des infirmières autorisées répondent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, aux questions de toute personne se trouvant dans la région sanitaire d'Edmonton. On a mis en place un processus grâce auquel les cas soupçonnés de toxi-infection alimentaire qui communiquent avec le service de télésanté sont immédiatement signalés au service de santé publique local pour enquête. C'est ce processus qui a permis de déceler rapidement cette éclosion. La collaboration entre les services de télésanté et les services de santé publique en matière de surveillance des maladies au Canada, décrite autre part(8), a donc été bénéfique dans le cadre de cette enquête.
Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier de leur aide les personnes suivantes : S. Letourneau, Capital Health Link, Edmonton (Alberta); S. Sihota, Santé Canada, région de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, Edmonton (Alberta); et S. Tawfik, Capital Health-Public Health Division, Edmonton (Alberta).
Références
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Chin J (éd.) Control of communicable diseases manual, 17e éd. Washington DC: American Public Health Association, 2000;440-1.
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Miller SI, Pegues DA. Salmonella species, including Salmonella typhi. Dans : Mandell GL, Bennett JE, Dolin R, éds. Mandell, Douglas, and Bennett's principles and practice of infectious diseases, 5e éd. Philadelphie: Churchill Livingstone, 2000;2345-63.
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Hundy RL, Cameron S. An outbreak of infections with a new Salmonella phage type linked to a symptomatic food handler. Commun Dis Intell 2002;26:562-67.
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Khuri-Bulos NA, Abu Khalaf M, Shehabi A et coll. Foodhandler-associated Salmonella outbreak in a university hospital despite routine surveillance cultures of kitchen employees. Infect Control Hosp Epidemiol 1994;15:311-4.
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Hedberg CW,White KE, Johnson JA et coll. An outbreak of Salmonella enteritidis infection at a fast-food restaurant: implications for foodhandler-associated transmission. J Infect Dis 1991;164:1135-40.
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Pether JV, Gilbert RJ. The survival of salmonellas on finger-tips and transfer of the organisms to foods. J Hyg (Lond) 1971;69:673-81.
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Swaminathan B, Barrett TJ, Hunter SB et coll. CDC PulseNet Task Force. PulseNet: the molecular subtyping network for foodborne bacterial disease surveillance, United States. Emerg Infect Dis 2001;7:382-89.
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Moore K. Real-time syndrome surveillance in Ontario, Canada: the potential use of emergency departments and Telehealth. Eur J Emerg Med 2004;11:3-11.
Source : L Honish, BSc, N Hislop, BSc, I Zazulak, CISP(C), Capital Health-Public Health Division, Edmonton (Alberta); L Chui, MSc, G Tyrrell, PhD, Provincial Laboratory for Public Health - Microbiology, Edmonton (Alberta).
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