Recherche quantitative originale – Accès direct à des traitements en santé mentale pour les travailleurs de la santé : un aperçu des demandes au cours des cinq premières vagues de la pandémie de COVID-19 en Ontario

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : février 2025
ISSN: 2368-7398
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Judith M. Laposa, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Duncan Cameron, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Kim Corace, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5; Heather L. Bullock, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 6Note de rattachement des auteurs 7; Lauren Flavelle, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 8; Natalie Quick, ergothér.Note de rattachement des auteurs 1; Karen Rowa, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 9; Sara de la Salle, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4; Katherin Creighton-Taylor, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 8; Alice Strachan, B. Sc.Note de rattachement des auteurs 10; Stephanie Carter, MBANote de rattachement des auteurs 1; Paul Kurdyak, M.D., Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 11; Vanessa Saldanha, M.G.S.S., PMPNote de rattachement des auteurs 1; Randi E. McCabe, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 9
https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.2.04f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Attribution suggérée
Article de recherche par Laposa JM et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0
Rattachement des auteurs
Correspondance
Judith Laposa, Service des troubles de l’humeur et d’anxiété, Centre de toxicomanie et de santé mentale, 100, rue Stokes, Toronto (Ontario) M6J 1H4; tél. : 416-535-8501 poste 34861; téléc. : 416-979-6853; courriel : Judith.Laposa@camh.ca
Citation proposée
Laposa JM, Cameron D, Corace K, Bullock HL, Flavelle L, Quick N, Rowa K, de la Salle S, Creighton-Taylor K, Strachan A, Carter S, Kurdyak P, Saldanha V, McCabe RE. Accès direct à des traitements en santé mentale pour les travailleurs de la santé : un aperçu des demandes au cours des cinq premières vagues de la pandémie de COVID-19 en Ontario. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2025;45(2):109-119. https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.2.04f
Résumé
Introduction. Les travailleurs de la santé ont fait état d’effets néfastes sur leur santé mentale dus à la pandémie de COVID-19. Nous avons exploré le profil sociodémographique des travailleurs de la santé ayant demandé par eux-mêmes à recevoir des soins de santé mentale, l’évolution des demandes de traitement au fil des vagues de COVID-19, la nature des principaux problèmes ayant motivé les demandes et leurs changements lors de la pandémie.
Méthodologie. Cinq grands établissements de santé de l’Ontario ont fourni du soutien en santé mentale aux travailleurs de la santé pendant la pandémie. Des données ont été recueillies à partir de 2725 demandes de traitement présentées par des travailleurs de la santé entre mai 2020 et mars 2022, à savoir la fréquence des demandes, les principaux problèmes de santé mentale ayant motivé les demandes et divers renseignements sociodémographiques (l’origine ethnique, le sexe, l’âge, le milieu de travail, la profession et l’obtention antérieure d’un diagnostic ou d’un traitement pour un problème de santé mentale).
Résultats. Les travailleurs de la santé qui ont demandé à recevoir du soutien étaient en majorité des femmes et des personnes blanches. Près de la moitié d’entre eux faisaient partie du personnel infirmier. Près de la moitié avaient déjà été traités pour un problème de santé mentale et un pourcentage légèrement plus élevé avait déclaré un diagnostic antérieur de problème de santé mentale. Plus de 60 % des répondants de l’échantillon travaillaient en milieu hospitalier. Le moment des augmentations et des diminutions du nombre mensuel de nouvelles demandes coïncidait approximativement avec respectivement le début et la fin des vagues de COVID-19. Les cinq principaux problèmes à l’origine des demandes de traitement étaient les symptômes d’anxiété généralisée ou d’inquiétude, la dépression, une crise situationnelle ou une réaction aiguë à un facteur de stress, la difficulté à gérer le stress (professionnel ou financier) et des symptômes de stress post-traumatique.
Conclusion. Des travailleurs de la santé ont demandé par eux-mêmes à recevoir du soutien en santé mentale pendant la pandémie de COVID-19 en Ontario. La majorité d’entre eux voulaient obtenir un traitement pour des symptômes d’anxiété généralisée, d’inquiétude ou de dépression. Les résultats de cette étude pourraient éclairer la planification du réseau en vue des pandémies futures, ainsi que la planification des programmes de mieux-être destinés à aider le personnel de santé à faire face au stress en milieu de travail en période post-pandémique.
Mots-clés : travailleurs de la santé, COVID-19, santé mentale, traitement, anxiété, dépression
Points saillants
- Pendant la pandémie de COVID-19, des services de soutien en santé mentale ont été offerts aux travailleurs de la santé en Ontario. Les modalités d’accès à ces services étaient souples et peu contraignantes.
- Les travailleurs de la santé de l’Ontario ont le plus souvent obtenu des services de soutien en santé mentale en raison de symptômes d’anxiété généralisée et de dépression pendant la pandémie de COVID-19.
- Les augmentations et les diminutions du nombre mensuel de nouvelles demandes coïncidaient approximativement avec respectivement le début et la fin des vagues de COVID-19.
- En majorité, les travailleurs qui ont fait appel à ces services faisaient partie du personnel infirmier, travaillaient en milieu hospitalier et ont déclaré être des femmes. Près de 40 % des participants ont indiqué appartenir à un groupe racisé.
Introduction
Outre ses répercussions physiques, la pandémie de COVID-19 a eu des effets négatifs sur la santé mentale d’une grande partie de la population canadienneNote de bas de page 1. Ces effets ont été encore plus marqués chez les travailleurs de la santé. Quatre-vingt-quatre pour cent des travailleurs de la santé du Royaume-Uni ont fait état d’une détresse psychologique plus élevée que celle du grand public pendant la pandémieNote de bas de page 2, et une revue systématique des recherches de divers pays a révélé que les taux de dépression atteignaient 33 % et et les taux d’anxiété 42 % chez les travailleurs de la santéNote de bas de page 3.
Les travailleurs de la santé ont dû composer avec des facteurs de stress spécifiques. Au Canada, les événements stressants dont ils ont fait mention se rattachent à huit thèmes, soit les soins aux patients mourant seuls; l’administration de soins jugés futiles; l’absence perçue de prise en compte de leurs opinions professionnelles; l’observation de préjudices subis par les patients; l’intimidation, la violence et les divergences d’opinions professionnelles; l’inadéquation des ressources et de l’équipement de protection individuelle; l’augmentation de la charge de travail en raison des pénuries de personnel et enfin les situations de conflit entre les valeurs personnelles et organisationnellesNote de bas de page 4. Ces mêmes thèmes sont ressortis chez les travailleurs de la santé à l’échelle mondialeNote de bas de page 5. Outre le fait de devoir composer avec les règles de distanciation sociale, de nombreux travailleurs de la santé ont dit être l’objet de discrimination ou de stigmatisation du fait qu’ils travaillaient auprès de patients infectés par la COVID-19Note de bas de page 6. De plus, certains se sont sentis mal préparés à accomplir les nouvelles tâches leur incombant à la suite du redéploiement dans les milieux de soins.
De nombreuses sources détaillent les symptômes psychologiques qu’ont présentés les travailleurs de la santé pendant la pandémie de COVID-19, soit l’anxiété, la détresse, le stress, l’insomnie, la dépression, la somatisation et l’anxiété par rapport à la santé, les symptômes de stress post-traumatique et les craintes au sujet de la COVID-19Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. De plus, de nombreux corrélats des symptômes psychologiques sont spécifiques au travail du personnel de santé, comme un risque élevé de contracter la COVID-19Note de bas de page 11, la crainte d’exposer sa famille à la COVID-19Note de bas de page 7, l’augmentation de la charge de travail et la séparation d’avec les membres de sa familleNote de bas de page 12.
Des caractéristiques individuelles et sociodémographiques ont également été associées à la santé mentale des travailleurs de la santé pendant la pandémie. Le personnel infirmier a été plus durement touché que les autres groupes professionnels et a affiché le niveau d’épuisement professionnel le plus élevéNote de bas de page 12. Les femmes tendent à être surreprésentées dans les études sur la détresse des travailleurs de la santé pendant la pandémieNote de bas de page 7 et dans les études sur les traitementsNote de bas de page 8Note de bas de page 13. Ce n’est toutefois pas surprenant, si l’on considère que la profession infirmière reste majoritairement féminine (les femmes comptaient pour 91 % du personnel infirmier réglementé au Canada en 2021Note de bas de page 14) et que le personnel infirmier est le principal groupe de travailleurs de la santé dans la plupart des étudesNote de bas de page 8. Le jeune âge s’est révélé un prédicteur de gravité des symptômes d’une mauvaise santé mentale chez les travailleurs de la santé pendant la pandémieNote de bas de page 15, tout comme les antécédents de trouble de santé mentaleNote de bas de page 8, le travail en première ligne et le fait d’être une femmeNote de bas de page 16. Ces résultats soulignent la variété des effets néfastes en matière de santé mentale concernant un éventail de variables individuelles.
La nature des problèmes de santé mentale a également varié pendant la pandémie, car chaque vague de COVID-19 a apporté son lot particulier de mesures de santé publique, de facteurs liés au contexte individuel et d’effets sur le travail en milieu de soins. De juillet à décembre 2021, par exemple, on a observé une aggravation de la situation des travailleurs de la santé en ce qui concerne les symptômes de fatigue, le stress ou l’épuisement professionnel, l’insomnie, l’absentéisme, la déficience fonctionnelle et la qualité de vieNote de bas de page 17. La dépression, la somatisation et l’anxiété par rapport à la santé étaient plus fréquentes chez le personnel de santé au plus fort de la pandémie de COVID-19 que dans la phase initialeNote de bas de page 10, et les symptômes de dépression et d’anxiété signalés par le personnel se sont atténués à mesure que l’épidémie régressaitNote de bas de page 18. Selon une étude dans laquelle des travailleurs de la santé ont été évalués quatre fois sur une période de 12 mois, l’épuisement émotionnel et la détresse psychologique ont atteint un sommet au printemps 2021, et aucune de ces deux variables n’a augmenté de façon monotoneNote de bas de page 9. L’épuisement émotionnel a diminué pendant les périodes où l’on dénombrait peu d’hospitalisations liées à la COVID-19 et peu de nouveaux cas dans la collectivitéNote de bas de page 9. Le nombre de travailleurs de la santé qui ont demandé des soins psychiatriques a été le plus élevé au début de la pandémie, tandis que le nombre de demandes de soins psychologiques a augmenté à l’été 2020Note de bas de page 19. Une étude indique que les vagues de demandes de traitement ont coïncidé avec les vagues de cas de COVID-19 dans la collectivité : les nombres de demandes ont ainsi culminé en mai 2020, en janvier 2021 et en mai 2021Note de bas de page 19.
D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre comment les problèmes de santé mentale signalés par les travailleurs de la santé, ainsi que la propension de ces derniers à demander des traitements, ont fluctué selon les phases de la pandémie de COVID-19. La majorité des recherches susmentionnées ont été effectuées en dehors de l’Amérique du Nord, peu d’études ayant porté sur des travailleurs de la santé canadiens et de nombreuses études longitudinales se limitant à des périodes de 6 à 18 mois. De plus, une grande partie des recherches ne portait pas spécifiquement sur les travailleurs de la santé qui entreprennent une démarche de traitement, une population vraisemblablement différente de celle interrogée dans les enquêtes générales sur la santé mentale. La recherche dans les domaines ci-dessus pourrait éclairer la planification du réseau en vue des pandémies futures, ainsi que la planification du mieux-être des travailleurs dans les milieux de soins où subsistent des facteurs de stress dans la période post-pandémique (pénuries critiques de personnel, perturbations de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et de l’équipement, etc.).
Dans cette étude, nous abordons les questions suivantes au sujet des travailleurs de la santé de l’Ontario sur une période de 22 mois :
- Données sociodémographiques. Quel est le profil sociodémographique des travailleurs de la santé qui ont présenté une demande de traitement (origine ethnique ou raciale, sexe, âge, milieu de travail, profession et diagnostics ou traitements antérieurs pour un problème de santé mentale)?
- Tendances en matière de recherche d’aide. Combien de travailleurs de la santé ont demandé à recevoir du soutien en santé mentale, et le degré de recherche d’aide a-t-il varié au fil du temps en fonction des vagues de COVID-19? Les milieux de travail et les professions ont-ils varié au fil du temps?
- Tableau clinique. Quels sont les principaux problèmes qui ont motivé les travailleurs de la santé à obtenir des soins, et ces problèmes ont-ils varié au fil du temps?
Méthodologie
Approbation éthique
Cette recherche a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche des hôpitaux (CER CAMH no 086/2020, exemption de l’obligation d’un formulaire de consentement; CER SJHH no 12842, consentement écrit obtenu) ou une exemption a été fournie (Ontario Shores, Royal, Waypoint).
Soutien en santé mentale offert aux travailleurs de la santé : recrutement
Le gouvernement de l’Ontario a financé cinq grands établissements de santé pour qu’ils fournissent des services de santé mentale au personnel de première ligne travaillant dans les établissements de santé et de soins communautaires de la province. Ces cinq hôpitaux ont offert un accès rapide et direct à des services gratuits, confidentiels et principalement virtuels, fournis par une équipe multidisciplinaire de professionnels de la santé mentale. Les services devaient aider à faire face au stress lié à la COVID-19 et à ses répercussions sur le bien-être personnel, et ils ont été offerts aux personnes qui indiquaient travailler dans un milieu de soins de santé ou de soins communautaires. Les cinq hôpitaux ont adopté des méthodes communes d’admission et d’évaluation, et leurs représentants se sont réunis régulièrement au sein d’un groupe de travail pour trouver des façons de répondre aux besoins du programme.
Cette initiative était complémentaire des autres programmes et services locaux, régionaux et nationaux. Elle a fait l’objet d’une vaste publicité dans les établissements et à l’externe (dans les médias sociaux, sur les sites Web des hôpitaux et auprès des partenaires et intervenants régionaux). Les travailleurs de la santé pouvaient accéder au programme en communiquant avec l’un des cinq hôpitaux sur le site Web de l’hôpital ou par téléphone. Le traitement était offert virtuellement et en personne, en anglais, en français ou dans d’autres langues, avec des services d’interprétation au besoin.
Participants
Les données recueillies comprennent 2725 demandes de traitement faites par des travailleurs de la santé de tout l’Ontario pour un problème lié à leur santé mentale pendant la pandémie. Les cinq hôpitaux qui ont participé à l’initiative étaient le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH, n = 1124), St. Joseph’s Healthcare Hamilton (SJHH, n = 595), le Centre de santé mentale Royal Ottawa (Royal, n = 585), le Centre de soins de santé mentale Waypoint (Waypoint, n = 261) et le Centre des sciences de la santé mentale Ontario Shores (Ontario Shores, n = 160). Les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs qui ont demandé un traitement sont présentées par hôpital dans le tableau 1, et les résultats globaux sont présentés dans la section des résultats.
Chaque hôpital a offert une variété de services de santé mentale aux travailleurs de la santé : thérapie cognitivo-comportementale par Internet, psychothérapie en une seule séance, psychothérapie brève axée sur l’adaptation (4 à 8 séances selon l’établissement), consultation relative aux médicaments et divers autres services. Les données incluses dans cet article se rapportent aux travailleurs de la santé qui ont fait appel à ces services quel que soit le type de traitement reçu.
Mesures
Fréquence des demandes
Chaque établissement a calculé le nombre cumulatif total de demandes, ainsi que le nombre mensuel de nouvelles demandes.
Données sociodémographiques
Les participants ont fourni leur origine ethnique ou raciale, leur sexe, leur âge, leur milieu de travail, leur profession, ont mentionné s’ils avaient déjà reçu un diagnostic de problème de santé mentale (oui/non) et s’ils avaient déjà été traités pour un problème de santé mentale (oui/non). Le clinicien procédant à l’évaluation indiquait le principal problème ayant motivé la consultation (sélectionné à partir d’une liste), seul le Royal spécifiant tous les problèmes applicables.
Procédure
Les données ont été recueillies séparément par chaque établissement et transmises une fois par mois à la personne responsable d’alimenter une base de données centrale pour le stockage et l’analyse. Les cinq établissements ont lancé leurs initiatives pour les travailleurs de la santé à différentes dates entre le début d’avril 2020 (CAMH, Waypoint, Ontario Shores) et mai 2020 (SJHH, Royal). Cette analyse utilise les données recueillies de mai 2020 à la fin de mars 2022, ce qui correspond au début de la 6e vague de COVID-19 en Ontario. En Ontario, la 1re vague s’est déroulée de la mi-mars à la mi-juillet 2020; la 2e vague, de la mi-octobre 2020 à la mi-février 2021; la 3e vague, du début d’avril à la mi-juillet 2021; la 4e vague, de la mi-août à la fin d’octobre 2021 et la 5e vague, de la mi-décembre 2021 à la fin de février 2022Note de bas de page 20.
Analyse des données
Les données ont été recueillies cumulativement et sans identifiants uniques, ce qui rend impossible l’analyse portant sur un individu ou entre individus. Par conséquent, toutes les analyses présentées sont de nature descriptive.
Résultats
Les principales variables sociodémographiques sont présentées dans le tableau 1 pour chacun des cinq établissements.
Variable | CAMH | Royal | Ontario Shores | SJHH | Waypoint | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
N | Fréquence (%) |
N | Fréquence (%) |
N | Fréquence (%) |
N | Fréquence (%) |
N | Fréquence (%) |
|
Nombre total de demandes | 1124 | s.o. | 585 | s.o. | 160 | s.o. | 595 | s.o. | 261 | s.o. |
Âge, moyenne (É.-T.)Note de bas de page a | 1087 | 34,2 (10,7) | 539 | 35,4 (12,6) | 158 | 37,2 (11,4) | 514 | 36,7 (10,7) | 243 | 39,7 (11,4) |
Donnée inconnue | 37 | s.o. | 0 | s.o. | 2 | s.o. | 81 | s.o. | 18 | s.o. |
Sexe ou genre déclaré | 1124 | s.o. | 431 | s.o. | 116 | s.o. | 520 | s.o. | 242 | s.o. |
Femme | 978 | 87,0 | 365 | 84,7 | 107 | 92,2 | 455 | 87,5 | 211 | 87,2 |
Homme | 136 | 12,1 | 57 | 13,2 | 9 | 7,8 | 62 | 11,9 | 29 | 12,0 |
Genre queer/non binaire | 1 | 0,8 | 1 | 0,2 | s.o. | s.o. | 3 | 0,6 | 2 | 0,8 |
Préfère ne pas répondre | 9 | 0,1 | 8 | 1,9 | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. |
Donnée inconnue | 0 | s.o. | 108 | s.o. | 44 | s.o. | 75 | s.o. | 19 | s.o. |
Origine ethnique | 366 | s.o. | 427 | s.o. | 116 | s.o. | 511 | s.o. | 176 | s.o. |
Asiatique (Est, Sud, Sud-Est) | 95 | 26,0 | 16 | 3,7 | 21 | 18,1 | 34 | 6,7 | 5 | 2,8 |
Noir(e) | 14 | 3,8 | 14 | 3,2 | 2 | 1,8 | 8 | 1,6 | 4 | 2,3 |
Autochtone | s.o. | s.o. | 7 | 1,6 | 1 | 0,9 | s.o. | s.o. | 3 | 1,7 |
Latino-Américain(e) | s.o. | s.o. | 2 | 0,4 | 1 | 0,9 | 8 | 1,6 | 3 | 1,7 |
Moyen-Oriental(e) | 16 | 4,4 | 4 | 0,9 | 5 | 4,3 | 7 | 1,3 | 1 | 0,6 |
Ascendance mixte | 20 | 5,6 | 11 | 2,6 | 5 | 4,3 | 7 | 1,3 | 4 | 2,3 |
Blanc(he) | 200 | 54,6 | 341 | 79,9 | 80 | 69,0 | 216 | 42,3 | 146 | 83,0 |
Autre | 21 | 5,7 | 32 | 7,5 | 1 | 0,9 | 231 | 45,2 | 10 | 5,7 |
Donnée inconnue | 758 | s.o. | 112 | s.o. | 44 | s.o. | 84 | s.o. | 85 | s.o. |
Diagnostic antérieur de problème de santé mentale | 1123 | s.o. | 432 | s.o. | s.o. | s.o. | 375 | s.o. | 138 | s.o. |
Oui | 530 | 47,2 | 216 | 50,0 | s.o. | s.o. | 198 | 52,8 | 95 | 68,8 |
Non | 593 | 52,8 | 216 | 50,0 | s.o. | s.o. | 177 | 47,2 | 43 | 31,2 |
Donnée inconnue | 1 | s.o. | 107 | s.o. | s.o. | s.o. | 220 | s.o. | 123 | s.o. |
Traitement antérieur | 1123 | s.o. | 431 | s.o. | s.o. | s.o. | 361 | s.o. | 132 | s.o. |
Oui | 579 | 51,6 | 292 | 67,7 | s.o. | s.o. | 143 | 39,6 | 96 | 72,7 |
Non | 544 | 48,4 | 139 | 32,3 | s.o. | s.o. | 218 | 60,4 | 36 | 23,3 |
Donnée inconnue | 1 | s.o. | 108 | s.o. | s.o. | s.o. | 234 | s.o. | 129 | s.o. |
L’échantillon global était principalement composé de femmes (87,0 %) et de personnes blanches (61,6 %). L’âge moyen était de 36,33 ans (écart-type [É-T] : 10,49 ans). Environ la moitié (50,2 %) des personnes qui ont demandé à recevoir du soutien avaient déjà été traitées pour un problème de santé mentale, et 54,2 % avaient précédemment reçu un diagnostic officiel de trouble de santé mentale. Le tableau 1 présente la répartition des demandes de services par hôpital, pour la période de mai 2020 à mars 2022.
Nombre total de demandes
La figure 1 montre le nombre cumulatif de demandes présentées aux cinq établissements de mai 2020 à mars 2022, et la variation du nombre mensuel de nouvelles demandes pendant la pandémie de COVID-19, de la fin du sommet de la première vague jusqu’au début de la sixième vague en Ontario. Le nombre mensuel moyen de demandes pour la période complète a été de 118,5 (É-T : 80,64), l’intervalle allant de 13 (en septembre 2021) à 334 (en mai 2021). Comme l’illustre la figure 1, les augmentations et les diminutions du nombre mensuel de nouvelles demandes coïncident approximativement avec respectivement le début et la fin des vagues de COVID-19. Ainsi, les professionnels de la santé ont davantage eu recours aux services de santé mentale lorsque le nombre de cas de COVID-19 augmentait.

Figure 1 : Texte descriptif
Demandes | Mai 2020 | Juin 2020 | Juil. 2020 | Août 2020 | Sept. 2020 | Oct. 2020 | Nov. 2020 | Déc. 2020 | Janv. 2021 | Fév. 2021 | Mars 2021 | Avr. 2021 | Mai 2021 | Juin 2021 | Juil. 2021 | Août 2021 | Sept. 2021 | Oct. 2021 | Nov. 2021 | Déc. 2021 | Janv. 2022 | Fév. 2022 | Mars 2022 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Moment approximative de la vague | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 5 | Vague 5 | Vague 5 | Sans objet |
Nouvelles demandes | 49 | 248 | 91 | 88 | 106 | 102 | 81 | 140 | 81 | 266 | 197 | 52 | 334 | 51 | 204 | 34 | 13 | 82 | 126 | 74 | 133 | 114 | 59 |
Nombre cumulatif de demandes | 49 | 297 | 388 | 476 | 582 | 684 | 765 | 905 | 986 | 1252 | 1449 | 1501 | 1835 | 1886 | 2090 | 2124 | 2137 | 2219 | 2345 | 2419 | 2552 | 2666 | 2725 |
Problème ayant motivé la demande
Les données sur le problème ayant motivé la demande étaient disponibles pour 1266 demandes au total. La figure 2 présente la fréquence des nouvelles demandes mensuelles pour les cinq problèmes ayant le plus souvent motivé la demande initiale dans l’ensemble des établissements. Comme l’illustre la figure 2, les symptômes d’anxiété généralisée ou d’inquiétude étaient les plus fréquents : ils concernaient 414 personnes, soit 32,7 % du nombre total de demandes. La dépression arrivait au deuxième rang, avec 214 personnes (16,9 % du nombre total cumulatif de demandes). Les autres problèmes les plus courants étaient les crises situationnelles et les réactions aiguës à des facteurs de stress (n = 180; 14,2 %), la difficulté à gérer le stress professionnel ou financier (n = 150; 11,9 %) et les symptômes de stress post-traumatique (n = 60; 4,7 %). Les principaux problèmes présents sont restés les mêmes pendant toute la période étudiée.

Figure 2 : Texte descriptif
Problème de santé mentale | Mai 2020 | Juin 2020 | Juil. 2020 | Août 2020 | Sept. 2020 | Oct. 2020 | Nov. 2020 | Déc. 2020 | Janv. 2021 | Fév. 2021 | Mars 2021 | Avr. 2021 | Mai 2021 | Juin 2021 | Juil. 2021 | Août 2021 | Sept. 2021 | Oct. 2021 | Nov. 2021 | Déc. 2021 | Janv. 2022 | Fév. 2022 | Mars 2022 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Moment approximative de la vague | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 5 | Vague 5 | Vague 5 | Sans objet |
Anxiété généralisée/inquiétude | 21 | 53 | 24 | 14 | 31 | 13 | 10 | 9 | 25 | 29 | 39 | 20 | 33 | 15 | 19 | 8 | 21 | 4 | 11 | 4 | 2 | 7 | 2 |
Dépression ou symptômes dépressifs | 17 | 11 | 10 | 9 | 8 | 3 | 6 | 7 | 20 | 32 | 11 | 13 | 22 | 9 | 6 | 4 | 13 | 3 | 3 | 2 | 2 | 1 | 2 |
Crise situationnelle/reaction aiguë à un facteur de stress | 10 | 16 | 9 | 9 | 17 | 14 | 12 | 8 | 4 | 13 | 10 | 13 | 13 | 1 | 3 | 4 | 9 | 0 | 4 | 3 | 4 | 1 | 3 |
Difficulté à gérer le stress professionnel ou financier | 4 | 1 | 10 | 2 | 15 | 0 | 1 | 4 | 5 | 12 | 8 | 8 | 16 | 3 | 7 | 4 | 12 | 8 | 13 | 5 | 3 | 7 | 2 |
Symptômes de stress post-traumatique | 1 | 2 | 0 | 2 | 3 | 3 | 2 | 7 | 1 | 9 | 1 | 7 | 6 | 1 | 3 | 0 | 5 | 2 | 4 | 0 | 1 | 0 | 0 |
Parmi les problèmes signalés, les symptômes d’anxiété par rapport à la santé (1,2 % de l’échantillon) et la difficulté à gérer le stress associé à la COVID-19 ou aux tests positifs (2,0 % de l’échantillon) sont demeurés relativement peu fréquents. Les autres problèmes peu fréquents ont été les symptômes obsessionnels compulsifs (signalés par 0,9 % de l’échantillon), les troubles d’adaptation (2,2 % de l’échantillon), les symptômes de troubles liés à l’usage d’une substance (1,8 % de l’échantillon), les symptômes de troubles liés à la consommation d’alcool (1,0 % de l’échantillon), l’évitement dû aux symptômes d’anxiété (0,5 % de l’échantillon), les symptômes de deuil et de perte (0,6 % de l’échantillon) et les symptômes d’anxiété sociale (1,0 % de l’échantillon). Enfin, 105 personnes, soit 8,3 % de l’échantillon, ont signalé des symptômes divers ou autres (p. ex. insomnie, symptômes de troubles de l’alimentation, difficultés relationnelles/familiales).
Profession
Des données sur la profession étaient disponibles pour 2311 demandes sur l’ensemble des demandes. La figure 3 fournit le nombre de nouvelles demandes mensuelles pour chacune des cinq professions les plus courantes parmi les demandes. Comme l’illustre la figure 3, le personnel infirmier était fortement représenté dans l’échantillon par rapport aux autres professions, comptant pour 1129 (48,9 %) du total cumulatif des demandes, les autres groupes professionnels courants étant les professionnels de la santé (n = 221; 9,6 %), les médecins (n = 159; 6,9 %), les préposés aux bénéficiaires (n = 158; 6,8 %) et le personnel administratif/de bureau (n = 158; 6,8 %). Les travailleurs sociaux étaient relativement bien représentés dans l’échantillon, avec 103 demandes (4,5 %) sur l’ensemble des demandes. Les aides sociaux et travailleurs des services communautaires (n = 96; 4,2 %) et les employés des installations et des services environnementaux (n = 48; 2,1 %) étaient aussi représentés, dans une moindre proportion. Enfin, 239 personnes ayant présenté une demande provenaient d’autres secteurs des établissements de soins (10,3 %; aumôniers, techniciens de laboratoire, personnel de recherche ou autres professions).

Figure 3 : Texte descriptif
Profession | Mai 2020 | Juin 2020 | Juil. 2020 | Août 2020 | Sept. 2020 | Oct. 2020 | Nov. 2020 | Déc. 2020 | Janv. 2021 | Fév. 2021 | Mars 2021 | Avr. 2021 | Mai 2021 | Juin 2021 | Juil. 2021 | Août 2021 | Sept. 2021 | Oct. 2021 | Nov. 2021 | Déc. 2021 | Janv. 2022 | Fév. 2022 | Mars 2022 |
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Moment approximative de la vague | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 5 | Vague 5 | Vague 5 | Sans objet |
Personnel infirmier | 12 | 94 | 27 | 26 | 27 | 36 | 34 | 56 | 38 | 101 | 59 | 74 | 104 | 52 | 27 | 17 | 80 | 31 | 56 | 35 | 57 | 53 | 33 |
Professionnels de la santé | 5 | 37 | 15 | 9 | 0 | 1 | 33 | 9 | 8 | 18 | 6 | 12 | 9 | 5 | 4 | 5 | 12 | 0 | 6 | 3 | 10 | 13 | 1 |
Médecins | 1 | 11 | 8 | 7 | 9 | 8 | 6 | 11 | 11 | 10 | 3 | 13 | 18 | 4 | 7 | 2 | 6 | 7 | 6 | 8 | 3 | 0 | 0 |
Préposés aux bénéficiaires | 3 | 26 | 8 | 6 | 10 | 10 | 5 | 5 | 3 | 6 | 10 | 8 | 13 | 4 | 5 | 2 | 10 | 4 | 5 | 1 | 10 | 1 | 3 |
Personnel administratif/de bureau | 4 | 16 | 9 | 4 | 5 | 5 | 13 | 6 | 1 | 11 | 8 | 8 | 16 | 5 | 0 | 1 | 11 | 4 | 5 | 4 | 13 | 6 | 3 |
Milieu de travail
Les données sur le milieu de travail des participants étaient disponibles pour 2124 personnes. La figure 4 expose les nouvelles demandes mensuelles en fonction des cinq milieux de soins les plus fréquemment déclarés comme lieu de travail au moment de la demande. Comme l’illustre la figure 4, les demandes proviennent dans une large mesure du personnel des hôpitaux, avec 1322 personnes (62,2 %) du total cumulatif des demandes. De ce nombre, 570 (43,1 %) travaillaient dans des unités d’hospitalisation et 291 (22,0 %), dans des unités de soins intensifs. La majorité des autres travailleurs de la santé qui ont eu recours aux services travaillaient dans des établissements de soins de longue durée (n = 255; 12,0 %), des centres de soins communautaires (n = 212; 10,0 %), des centres de soins primaires (n = 127; 6,0 %) ou des foyers pour aînés (n = 51; 2,4 %). Quelques personnes seulement travaillaient dans le domaine des soins à domicile et en milieu communautaire (n = 13; 0,6 %) ou de la santé publique (n = 4; 0,2 %). Les personnes restantes provenaient d’autres milieux de soins de santé ou de milieux connexes (n = 140; 6,6 %).

Figure 4 : Texte descriptif
Milieu de travail | Mai 2020 | Juin 2020 | Juil. 2020 | Août 2020 | Sept. 2020 | Oct. 2020 | Nov. 2020 | Déc. 2020 | Janv. 2021 | Fév. 2021 | Mars 2021 | Avr. 2021 | Mai 2021 | Juin 2021 | Juil. 2021 | Août 2021 | Sept. 2021 | Oct. 2021 | Nov. 2021 | Déc. 2021 | Janv. 2022 | Fév. 2022 | Mars 2022 |
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Moment approximative de la vague | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 1 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 2 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 3 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 4 | Vague 5 | Vague 5 | Vague 5 | Sans objet |
Hôpital | 19 | 114 | 45 | 42 | 46 | 44 | 34 | 82 | 42 | 142 | 153 | 66 | 191 | 49 | 6 | 23 | 15 | 6 | 8 | 34 | 70 | 62 | 29 |
Soins de longue durée | 10 | 33 | 13 | 10 | 14 | 12 | 14 | 8 | 10 | 18 | 13 | 14 | 17 | 7 | 6 | 2 | 6 | 5 | 22 | 5 | 7 | 4 | 5 |
Milieu communautaire | 14 | 25 | 4 | 9 | 17 | 8 | 6 | 8 | 11 | 25 | 1 | 2 | 15 | 12 | 6 | 2 | 14 | 4 | 6 | 6 | 6 | 8 | 3 |
Soins primaires | 1 | 6 | 8 | 9 | 4 | 6 | 6 | 12 | 3 | 13 | 3 | 8 | 14 | 4 | 3 | 2 | 2 | 5 | 4 | 2 | 7 | 5 | 0 |
Foyer pour aînés | 2 | 10 | 4 | 1 | 1 | 2 | 2 | 3 | 2 | 3 | 3 | 5 | 2 | 0 | 0 | 0 | 4 | 0 | 2 | 2 | 2 | 1 | 0 |
Analyse
Nous avons étudié le profil sociodémographique des travailleurs de la santé qui ont demandé à recevoir des services de traitement pendant la pandémie de COVID-19, le problème de santé mentale pour lequel ils ont demandé ces services et la façon dont le nombre de demandes a fluctué au cours des 22 mois de la pandémie. La préoccupation la plus courante portait sur les symptômes d’anxiété généralisée ou d’inquiétude. Les augmentations et les diminutions du nombre mensuel de nouvelles demandes ont coïncidé approximativement avec respectivement le début et la fin des vagues de COVID-19.
Les données sociodémographiques ont révélé que les demandes de services provenaient principalement de femmes, de personnes blanches et de membres du personnel infirmier, ce qui n’est pas spécifique au contexte canadien. Ces constatations rejoignent celles d’un ensemble de recherches selon lesquelles le personnel infirmier a subi davantage de répercussions négatives pendant la pandémie que les autres groupes professionnelsNote de bas de page 12, a présenté des taux supérieurs d’épuisement professionnelNote de bas de page 9 et, à l’instar des femmes en général, a demandé plus fréquemment à recevoir des soinsNote de bas de page 8Note de bas de page 13. Cependant, il est également vrai que le personnel infirmier constitue la majorité du personnel soignant des hôpitaux et que la profession est majoritairement féminineNote de bas de page 14. Les médecins ont été à l’origine d’un nombre restreint mais non négligeable de demandes de services.
L’âge moyen des travailleurs de la santé qui ont demandé à recevoir un traitement correspond au milieu de la trentaine, ce qui rejoint les résultats de plusieurs études montrant une association entre un âge plus jeune et des symptômes plus importants sur le plan de la santé mentale chez les travailleurs de la santé pendant la pandémieNote de bas de page 7. Environ la moitié des travailleurs qui ont fait appel au programme avaient déjà été traités pour un problème de santé mentale et ont signalé un diagnostic antérieur de problème de santé mentale. Cette constatation est également conforme aux travaux antérieursNote de bas de page 8Note de bas de page 21Note de bas de page 22 et met par ailleurs en lumière qu’un grand nombre de travailleurs de la santé ont demandé des soins pour la première fois pendant la pandémie. Près des deux tiers des demandes de services venaient du personnel hospitalier, un résultat qui rappelle la forte charge émotionnelle du travail de première ligneNote de bas de page 16. Environ 10 % des demandes de traitement sont venues du personnel hospitalier de soutien (administration/travail de bureau, installations/services environnementaux), ce qui souligne l’importance d’intégrer divers groupes professionnels aux programmes de soins de santé mentale destinés aux travailleurs de la santé. Dans l’ensemble, ces résultats sont tout à fait conformes aux conclusions de recherches antérieures, et ils soulignent qu’un large éventail de variables individuelles a une influence la survenue d’effets néfastes sur la santé mentale.
Notre étude a permis de cerner les types de problèmes de santé mentale pour lesquels les travailleurs de la santé ont demandé à recevoir un traitement. De même que les revues systématiques ont établi l’omniprésence des symptômes d’anxiété et de dépression chez les travailleurs de la santé pendant la pandémieNote de bas de page 3, notre étude a montré que les deux premiers motifs pour lesquels les travailleurs de la santé ont demandé un traitement sont les symptômes d’anxiété généralisée ou d’inquiétude et la dépression, ces deux catégories comptant pour la moitié des demandes de services prises en compte. Ce résultat obtenu au Canada diverge des résultats d’autres recherches menées à l’étranger, où la dépression (MexiqueNote de bas de page 10) et la détresse (États-UnisNote de bas de page 7) – plutôt que l’anxiété – ont motivé le plus souvent l’obtention d’un traitement. Une métarevue des revues systématiques a révélé que pendant la pandémie au Royaume-Uni, les travailleurs de la santé ont le plus souvent indiqué que l’anxiété était la raison pour laquelle ils voulaient se faire traiter, tandis que dans la région de la Méditerranée orientale, le motif de consultation le plus fréquent était le stress et, au Moyen-Orient, la dépression a été le premier motif de consultation indiqué par les travailleurs de la santéNote de bas de page 23.
Il est à noter que, dans notre étude, les traitements demandés pour des symptômes d’inquiétude ont atteint un sommet pendant la première vague de COVID-19, tandis que le premier pic de demandes de traitement pour des symptômes de dépression n’est survenu qu’à la fin de la deuxième vague. Au cours des 22 mois, il est arrivé très rarement que les demandes de traitement liées à la dépression surpassent celles liées à l’anxiété généralisée ou à l’inquiétude. Pendant la pandémie, il y a eu une augmentation marquée de la recherche sur la santé mentale des travailleurs de la santé. Avant la pandémie, la majorité de la recherche dans ce domaine portait sur les médecins, le personnel infirmier et le personnel des services d’urgence. Dans une étude menée avant la pandémie auprès de plus de 37 000 travailleurs de la santé (de diverses professions) aux États-Unis, le manque de sommeil (41 %) et la dépression (18,9 %) étaient les problèmes les plus courants, mais l’anxiété n’a pas été évaluéeNote de bas de page 24. Il est néanmoins intéressant de comparer ces données à notre observation selon laquelle, pendant la pandémie, 32,7 % des traitements demandés concernaient l’anxiété généralisée ou l’inquiétude et 16,9 %, la dépression.
Les trois autres problèmes les plus courants étaient les crises situationnelles et les réactions aiguës à des facteurs de stress, la difficulté à gérer le stress professionnel ou financier et les symptômes de stress post-traumatique. Ces résultats s’ajoutent à ceux des études transversales sur les symptômes signalés par les travailleurs de la santé et fournissent des précisions sur les problèmes pour lesquels les travailleurs de la santé ont effectivement demandé un traitement. Ces connaissances sont indispensables, car de nombreux travailleurs de la santé ne cherchent pas à se faire traiter en présence de symptômes. Les prochaines études pourraient inclure l’épuisement professionnel et les blessures morales comme motifs spécifiques de consultation.
Au-delà des variations du nombre de demandes au fil du temps, en moyenne, plus de 100 travailleurs de la santé par mois ont demandé à recevoir un traitement au cours de la pandémie. L’amplitude a cependant été très forte, avec un maximum de 334 demandes en mai 2021 et un minimum de 13 demandes en septembre 2021. Les augmentations et les diminutions du nombre mensuel de nouvelles demandes coïncident approximativement avec respectivement le début et la fin des vagues de COVID-19, ce qui montre un recours plus important aux services de santé mentale lorsque le nombre de cas de COVID-19 a augmenté.
Il existe des points de convergence entre nos résultats et certaines études antérieures sur les travailleurs de la santé au Canada, notamment le fait que la détresse psychologique et l’épuisement émotionnel ont atteint un sommet au printemps 2021 et que l’épuisement émotionnel a diminué pendant les périodes où l’on dénombrait peu d’hospitalisations liées à la COVID-19 et peu de cas dans la collectivitéNote de bas de page 9, et également que deux des trois plus hauts taux de demandes de traitement des travailleurs de la santé ont été enregistrés en mai 2020 et en mai 2021Note de bas de page 19. Contrairement à Sheehan et à ses collaborateursNote de bas de page 19, qui ont constaté un pic élevé de demandes en janvier 2021, nous avons constaté que le deuxième taux de demandes en importance a été enregistré en mars 2021, peu après la fin de la deuxième vague de la pandémie.
Parce que la pandémie se poursuivait, il est étonnant de voir une forte baisse des demandes au cours de la quatrième et de la cinquième vague, avec des taux de demandes inférieurs à ceux des trois premières vagues. Cette baisse pourrait en partie s’expliquer par la disponibilité croissante des vaccins contre la COVID-19, une meilleure connaissance de la COVID-19 et de sa prise en charge ainsi que l’assouplissement des restrictions de distanciation physique imposées par le gouvernement et les hôpitaux.
Plusieurs leçons peuvent être tirées, à l’échelle du réseau, de cette initiative mise en place dans plusieurs hôpitaux quelques semaines après le début de la pandémie. Tout d’abord, comme le programme couvrait l’ensemble de la province et que le processus d’admission était normalisé, les ressources des cinq établissements pouvaient être partagées ou être réparties dans la province. Deuxièmement, la prestation de services virtuels a facilité encore plus le partage des ressources et a eu deux avantages notables. Le premier est que les travailleurs de la santé ont eu accès à des services en dehors de leur établissement d’attache, ce qui garantissait une plus grande confidentialité. Les travailleurs de la santé ont souvent préféré obtenir ses services à l’extérieur de leur région (même de façon virtuelle), et le personnel des cinq hôpitaux a souvent demandé les soins d’un autre établissement que le sien. Le second avantage qu’ont rendu possible la collaboration des hôpitaux et le partage des admissions a été la rapidité d’accès aux soins, même lorsque la demande a augmenté. Les délais d’attente ont été diminués au maximum en mettant en commun les ressources et en surveillant les délais d’attente, de sorte que l’accès au traitement a toujours été rapide (immédiat ou presque). Le format virtuel implique que, peu importe où les gens vivaient, s’ils avaient accès au téléphone ou à Internet, ils pouvaient accéder aux services de façon équitable. Troisièmement, le fait de demander directement à bénéficier de ces services éliminait un obstacle à l’accès.
Malgré l’existence d’autres programmes de soutien, comme les programmes d’aide aux employés, les initiatives des hôpitaux ont enregistré de bons taux d’utilisation. La prestation de soins destinés à un secteur particulier (en l’occurrence, le secteur de la santé) était un atout important et devrait faire partie des programmes de soutien en santé mentale auxquels ont accès les travailleurs de la santé. Le succès a beaucoup tenu à la capacité des cliniciens de comprendre le contexte de travail et les difficultés rencontrées par les travailleurs de la santé. Dans les faits, il est probable que les services de ce programme ont permis aux travailleurs de continuer à travailler plutôt que de prendre un congé, et ceux qui ont pris un congé ont tout de même eu besoin de soutien à leur retour au travail. Comme pour les autres services de santé, les ressources humaines ont représenté un défi, et la contribution des cliniciens d’autres secteurs a parfois été requise pour répondre aux besoins du programme de traitement des travailleurs de la santé.
Points forts et limites
Les points forts de cette étude reposent sur sa nature multiétablissement, sur le vaste échantillon de travailleurs de la santé ayant fait une demande de traitement, sur la collecte de données sur une période de 22 mois et sur la capacité à analyser les demandes de traitement en fonction des vagues de COVID-19 dans la collectivité.
Les limites proviennent du fait que les données ont été recueillies sans identifiants uniques, ce qui a empêché l’analyse ou les comparaisons de données individuelles. L’étude combinait donc tous les travailleurs de la santé ayant fait une demande de traitement, alors que des identifiants uniques auraient permis de déterminer quels travailleurs de la santé ont demandé quels types d’aide en santé mentale, les raisons de leurs choix de traitement et les résultats associés aux diverses modalités thérapeutiques (voir Laposa et ses collaborateursNote de bas de page 8 pour une évaluation de la thérapie brève auprès des travailleurs de la santé).
Bien que l’échantillon de l’étude soit important, certaines données sont absentes, et de nombreux travailleurs de la santé dont la santé mentale a été affectée par la pandémie ne se sont sans doute pas prévalus de ce programme ou d’autres formes de traitement. En principe, alors qu’un travailleur de la santé pouvait soumettre plusieurs demandes de traitement, des rapports du personnel indiquent que cette situation ne serait survenue que très rarement, parce qu’après leur admission, les personnes ayant besoin d’un suivi au-delà de l’intervention brève ont été dirigées vers les trajectoires habituelles des programmes cliniques ou vers d’autres ressources communautaires. Enfin, la majorité des établissements hospitaliers ont constaté que seulement 12 % des demandes de traitement ont été présentées par des hommes, ce qui fait que les résultats pourraient ne pas être représentatifs pour ce groupe.
Il reste du travail à faire pour comprendre quels travailleurs de la santé ne demandent pas de traitement et pourquoi, ce qui permettrait d’intégrer les besoins de ces travailleurs aux programmes.
Conclusion
Cette étude dresse le profil des travailleurs de la santé qui ont demandé par eux-mêmes à obtenir du soutien en santé mentale pendant la pandémie au moyen d’un service d’accès rapide, coordonné par cinq grands hôpitaux de l’Ontario. La majorité des travailleurs de la santé qui ont eu recours à ce service étaient des femmes (comme la plupart des travailleurs de la santé), travaillaient en soins infirmiers et avaient déjà reçu un diagnostic ou un traitement pour un problème de santé mentale. La prochaine fois que des services semblables seront mis en place, compte tenu des tendances en matière d’obtention de soins, ces groupes pourraient en être le public cible.
La structure du programme a permis un accès plus équitable et rapide aux services, grâce à la mise en commun virtuelle des ressources des cinq établissements. La prestation virtuelle de soins implique que l’accès et les délais d’attente ne dépendent pas du lieu de résidence dans la province. Cela a également permis d’offrir le traitement en priorité dans le lieu choisi par la personne, ce qui s’est révélé particulièrement important lorsque cette dernière travaillait dans l’un des établissements et préférait s’adresser ailleurs pour des raisons de confidentialité.
Enfin, comme notre étude a fait ressortir les principaux motifs pour lesquels les travailleurs de la santé ont demandé du soutien – à savoir l’anxiété généralisée ou l’inquiétude, la dépression, une crise situationnelle ou une réaction aiguë à un facteur de stress, la difficulté à gérer le stress professionnel ou financier et les symptômes de stress post-traumatique –, ces données peuvent être utiles à la planification des services de soutien en santé mentale que l’on va continuer à offrir au personnel de santé en période post-pandémique. Les résultats de notre étude indiquent que les travailleurs de la santé voudront probablement recevoir des soins de santé mentale pendant une éclosion, d’où la nécessité de leur offrir des mesures de soutien en conséquence pendant cette période.
Remerciements
Nous tenons à remercier les travailleurs de la santé participants pour l’excellence des services offerts pendant la pandémie. Nous remercions également les administrations des hôpitaux d’avoir mis en place des mesures de soutien pour les travailleurs de la santé peu après l’apparition de la COVID-19, ainsi que le gouvernement de l’Ontario d’avoir financé ces services essentiels pour les travailleurs de la santé.
Financement
Ces travaux de recherche n’ont reçu aucune subvention particulière de la part d’un organisme de financement des secteurs public, commercial ou sans but lucratif.
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
- JL, RM, DC : conception.
- JL, RM, DC, KC, KR, SDLS, LF, T, NQ, VS, SC : mise en œuvre.
- JL, RM, DC : analyse.
- JL, RM, DC : rédaction de la première version du manuscrit.
- JL, RM, DC, KC, KR, SDLS, LF, KCT, NQ, VS, SC, PK, HB, AS : relectures et révisions.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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