Aperçu – Abordabilité des cigarettes dans les provinces canadiennes : revue sur 10 ans
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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : octobre 2021
ISSN: 2368-7398
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Melissa Worrell, M.A., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Les Hagen, MSMNote de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3
https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.10.06f
Rattachement des auteurs
Correspondance
Melissa Worrell, Services de santé Alberta, 10101 Southport Road SW, Calgary, (Alberta) T2W 3N2; téléphone : 403 910‑2105; courriel : Melissa.Worrell@ahs.ca
Citation proposée
Worrell M, Hagen L. Abordabilité des cigarettes dans les provinces canadiennes : revue sur 10 ans. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2021;41(10):347-351. https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.10.06f
Résumé
L’association entre le prix des cigarettes et leur consommation est établie depuis longtemps. Toutefois, l’augmentation des revenus relatifs peut diminuer l’impact de la taxation. L’abordabilité est considérée comme un déterminant clé de la demande de cigarettes car elle combine l’impact du changement des prix avec la croissance économique et les hausses de salaire. Cette courte analyse, menée à l’aide de méthodes utilisées par l’Organisation mondiale de la santé, traite de l’abordabilité des cigarettes et de son évolution dans les provinces canadiennes sur 10 ans, soit de 2009 à 2019. Elle illustre comment la surveillance de l’abordabilité au fil du temps peut aider les responsables des politiques provinciales canadiennes à maximiser l’impact de la taxation du tabac.
Mots‑clés : cigarettes, tabagisme, abordabilité, taxation, Canada, gouvernement, provincial
Points saillants
- Cet article porte sur une analyse comparative de l’évolution des taux d’abordabilité des cigarettes dans les provinces canadiennes sur 10 ans, soit entre 2009 et 2019.
- Cet article explique l’importance de prendre en compte l’abordabilité à titre de mesure efficace de l’impact de la taxation du tabac sur la consommation de tabac.
Introduction
L’association entre le prix des cigarettes et leur consommation est établie depuis longtemps. La hausse des prix, principalement par l’augmentation de la taxation, est considérée comme l’un des moyens les plus efficaces pour réduire la demandeNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Les augmentations de prix peuvent dissuader les adolescents et les non‑fumeurs en général de commencer à consommer du tabac, elles peuvent constituer un facteur de motivation pour cesser de fumer, aider à réduire la consommation chez les fumeurs et peut‑être aussi prévenir les rechutes chez les ex-fumeursNote de bas de page 1Note de bas de page 3. Il n’est pas surprenant de constater que les taxes sur le tabac jouent un rôle important dans la mise en œuvre de la Convention‑cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabacNote de bas de page 4.
Toutefois, l’augmentation des revenus relatifs peut diminuer l’impact de la taxation sur les prix. Pour que les mesures de taxation visant à améliorer la santé publique soient efficaces, le prix des cigarettes doit augmenter plus rapidement que le pouvoir d’achat des consommateurs. Autrement dit, la taxation vise à réduire la consommation de tabac en rendant les produits du tabac moins abordables. L’effet de la croissance des revenus sur le pouvoir d’achat est donc un facteur important à considérerNote de bas de page 5.
À titre d’exemple, durant la décennie 2009-2019, les prix des cigarettes ont progressivement augmenté dans l’ensemble des provinces canadienneNote de bas de page *, de façon proportionnelle à la hausse du produit intérieur brut (PIB) par habitantNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. En 2019, le Manitoba a mis en place la taxe sur les cigarettes la plus élevée du pays (60 $ CA par cartouche), devenant la province où le prix des cigarettes était le plus élevé. La taxation en Colombie‑Britannique était comparable, mais le prix y était moins élevé que dans plusieurs provinces imposant des taxes plus basses. Inversement, l’Alberta et Terre‑Neuve‑et‑Labrador se situaient dans la moitié inférieure des provinces au chapitre du prix des cigarettes, même si elles figuraient parmi les trois provinces où les revenus étaient les plus élevés. Ces observations font ressortir des inégalités qui passent inaperçues lorsque les prix ou la taxation des cigarettes sont examinés seuls : les taxes provinciales les plus hautes ne correspondent pas nécessairement aux prix les plus élevés ni aux différences provinciales sur le plan du PIB par habitant.
Les augmentations des taxes sur le tabac qui entraînent des modifications observables des prix ont toujours un effet à la baisse sur la consommation de tabacNote de bas de page 5. Toutefois, pour mesurer l’impact relatif des taxes sur la réduction de la consommation, l’effet des modifications des revenus est un facteur important à considérerNote de bas de page 5. On sait que, lorsque l’impact des modifications des prix est combiné à la croissance économique ou aux hausses de salaire, l’abordabilité est un déterminant clé de la demande de cigarettesNote de bas de page 10. Cette analyse comparative décrit l’évolution des taux d’abordabilité dans les provinces canadiennes sur 10 ans, entre 2009 et 2019.
Méthodologie
Conformément aux méthodes utilisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans ses rapports mondiaux biennaux sur l’usage du tabacNote de bas de page 11, nous avons défini l’abordabilité sous forme de pourcentage du PIB par habitant nécessaire pour l’achat de 2 000 cigarettes. C’est ce que nous appelons dans cet article l’indice d’abordabilité (IA).
Prix de détail provincial de 2 000 cigarettes
Pour calculer l’IA, il a d’abord fallu déterminer le prix de détail de 2 000 cigarettes dans chaque province. Des données non publiées sur le prix de gros unitaire des cigarettes ont été fournies par Santé Canada (article 13 du Règlement sur les rapports relatifs au tabac). Le prix unitaire de l’industrie repose sur une moyenne calculée en divisant le volume unitaire par les ventes totales de cigarettes dans chaque province. Ce prix moyen a ensuite été additionné au taux de la taxe d’accise fédérale par unité pour arriver à un prix unitaire de gros pour chaque province. Ces prix unitaires ont été utilisés (multipliés par 200) pour établir les prix de gros provinciaux par cartouche de 200 cigarettes.
Les données sur les taxes d’accise provinciales ont été établies à l’aide des taux publiés par le Centre pour l’avancement de la santé des populations PropelNote de bas de page 6, de données de la Fondation pour la lutte contre le tabacNote de bas de page 7 et de tableaux des taux d’imposition non publiés (pour 2019) compilés par la Société canadienne du cancer (courriel du 28 octobre 2019 de R. Cunningham, analyste principal des politiques). Ces données ont été ajoutées aux prix unitaires de gros des cartouches dans chaque province.
Les prix de détail provinciaux ont pour leur part été établis en calculant, selon les provinces, la taxe de vente provinciale (TVP) et la taxe sur les produits et services (TPS) ou la taxe de vente harmonisée (TVH). Des résumés des taux d’imposition et de leur évolution au fil du temps ont été établis à l’aide des données fournies par le Centre pour l’avancement de la santé des populations PropelNote de bas de page 6 et des tableaux des taux d’imposition de la Société canadienne du cancer. Ces prix de détail provinciaux par cartouche ont ensuite été convertis en prix de détail de 2 000 cigarettes (c.‑à‑d. multipliés par 10).
PIB par habitant
Les PIB provinciaux, fondés sur les revenus et correspondant aux prix du marché, sont publiés tous les ans par Statistique Canada : ce sont ces taux qui ont été utilisés dans les calculs par habitantNote de bas de page 8. Pour déterminer le PIB par habitant, nous avons divisé le PIB de chacune des provinces par sa population respective pendant le premier trimestre (T1) de chaque année civileNote de bas de page 9.
Indice d’abordabilité
L’indice d’abordabilité (IA) a été construit en divisant le prix de détail de 2 000 cigarettes par le PIB par habitant et s’exprime en pourcentages. Plus la valeur de l’IA est élevée, moins les cigarettes sont abordables et vice versa.
Analyse des tendances
L’analyse de l’évolution de l’IA pour chaque province sur la décennie 2009-2019 a été approfondie afin de déterminer si l’abordabilité moyenne avait varié au fil du temps. Le pourcentage de variation annuelle moyenne de l’abordabilité a été utilisé comme taux de croissance selon la méthode des moindres carrés pour déterminer si l’abordabilité avait changé. Ce taux a été établi en apposant une droite de régression linéaire sur les valeurs logarithmiques de l’IA. L’abordabilité des cigarettes a été jugée inchangée si la droite de l’IA selon la méthode des moindres carrés n’était pas significative au niveau de 5 %. Les cigarettes ont été considérées comme devenues plus abordables si la droite de l’IA était positive (et moins abordables si la droite était négative) et significativement différente de zéro au niveau de 5 %.
Résultats
La figure 1 révèle une tendance globale à la hausse de l’indice d’abordabilité, et ce, dans toutes les provinces, ce qui indique que les cigarettes sont devenues moins abordables au fil du temps. Selon la comparaison des prix et du PIB par habitant pendant la décennie à l’étude, la Nouvelle‑Écosse et l’Île‑du‑Prince‑Édouard ont été les provinces où les cigarettes étaient le moins abordables de façon intermittente, tandis que l’Alberta a toujours été la province où elles étaient le plus abordables.
Figure 1 - Équivalent textuel
Province | Année | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | |
C.-B. | 1,69 % | 1,75 % | 1,68 % | 1,64 % | 1,68 % | 1,81 % | 1,90 % | 1,88 % | 1,85 % | 2,05 % | 2,15 % |
Alb. | 1,18 % | 1,09 % | 1,00 % | 0,98 % | 0,92 % | 0,91 % | 1,28 % | 1,43 % | 1,36 % | 1,41 % | 1,51 % |
Sask. | 1,35 % | 1,39 % | 1,20 % | 1,15 % | 1,12 % | 1,34 % | 1,51 % | 1,65 % | 1,72 % | 1,78 % | 1,86 % |
Man. | 1,92 % | 1,94 % | 1,94 % | 1,96 % | 2,09 % | 2,17 % | 2,27 % | 2,31 % | 2,29 % | 2,40 % | 2,52 % |
Ont. | 1,42 % | 1,43 % | 1,38 % | 1,33 % | 1,31 % | 1,46 % | 1,49 % | 1,55 % | 1,61 % | 1,74 % | 1,76 % |
Qc | 1,43 % | 1,37 % | 1,33 % | 1,40 % | 1,37 % | 1,52 % | 1,57 % | 1,55 % | 1,54 % | 1,59 % | 1,62 % |
N.-B. | 1,66 % | 1,57 % | 1,79 % | 1,72 % | 1,83 % | 1,94 % | 1,98 % | 2,26 % | 2,46 % | 2,53 % | 2,58 % |
N.-É. | 2,34 % | 2,25 % | 2,21 % | 2,15 % | 2,22 % | 2,31 % | 2,48 % | 2,61 % | 2,61 % | 2,69 % | 2,72 % |
Î.-P.-É. | 2,39 % | 2,25 % | 2,36 % | 2,48 % | 2,23 % | 2,35 % | 2,60 % | 2,58 % | 2,54 % | 2,67 % | 2,72 % |
T.-N.-L. | 1,55 % | 1,39 % | 1,22 % | 1,24 % | 1,22 % | 1,43 % | 1,61 % | 1,82 % | 1,77 % | 1,83 % | 1,81 % |
Canada | 1,69 % | 1,64 % | 1,61 % | 1,60 % | 1,60 % | 1,72 % | 1,87 % | 1,96 % | 1,97 % | 2,07 % | 2,12 % |
Abréviations : Alb., Alberta; C.-B., Colombie‑Britannique; Î.-P.-É., Île‑du‑Prince‑Édouard;
Man., Manitoba; N.-B., Nouveau‑Brunswick; N.-É., Nouvelle‑Écosse; Ont.,
Ontario; Qc, Québec; Sask., Saskatchewan; T.-N.-L., Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Remarque : L’abordabilité est exprimée sous forme d’indice (IA) correspondant
au pourcentage du PIB provincial par habitant nécessaire pour l’achat de
2 000 cigarettes au prix de détail provincial moyen. Plus la valeur
de l’IA est élevée, moins les cigarettes sont abordables, et vice versa.
En examinant la tendance générale sur la décennie, nous avons constaté dans toutes les provinces une hausse de l’IA (c.‑à‑d. une diminution de l’abordabilité des cigarettes) significative au niveau de 5 %.
Le tableau 1 permet de comparer par province les taux des taxes d’accise provinciales et les IA correspondants pour chaque année. Le tableau montre que la taxation contribue à modifier l’abordabilité, bien qu’elle ne soit pas le seul facteur en cause. Par exemple, en Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario, où les hausses de taxes ont été rares pendant la première moitié de la décennie, l’abordabilité des cigarettes a progressivement augmenté, révélant la nécessité d’augmenter les taxes pendant cette période. Inversement, l’abordabilité des cigarettes a diminué dans un grand nombre de provinces entre 2017 et 2019, malgré l’absence de hausse des taxes provinciales, indiquant une réduction du pouvoir d’achat due à des facteurs autres que la taxation, en particulier l’augmentation des prix par les fabricants de tabac.
Province | Taxe et IA | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
C.-B. | Taxe ($) | 37,00Note de bas de page b | 37,00 | 37,00 | 37,00 | 44,60Note de bas de page b | 47,80Note de bas de page b | 47,80 | 47,80 | 47,80 | 55,00Note de bas de page b | 59,00Note de bas de page b |
IA (%) | 1,69 | 1,75 | 1,68 | 1,64 | 1,68 | 1,81 | 1,90 | 1,88 | 1,85 | 2,05 | 2,15 | |
AlNote de bas de page b. | Taxe ($) | 40,00Note de bas de page b | 40,00 | 40,00 | 40,00 | 40,00 | 40,00 | 50,00Note de bas de page b | 50,00 | 50,00 | 50,00 | 55,00Note de bas de page b |
IA (%) | 1,18 | 1,09 | 1,00 | 0,98 | 0,92 | 0,91 | 1,28 | 1,43 | 1,36 | 1,41 | 1,51 | |
Sask. | Taxe ($) | 36,60 | 42,00Note de bas de page b | 42,00 | 42,00 | 50,00Note de bas de page b | 50,00 | 50,00 | 50,00 | 54,00Note de bas de page b | 54,00 | 54,00 |
IA (%) | 1,35 | 1,39 | 1,20 | 1,15 | 1,12 | 1,34 | 1,51 | 1,65 | 1,72 | 1,78 | 1,86 | |
Man. | Taxe ($) | 37,00Note de bas de page b | 41,00Note de bas de page b | 45,00Note de bas de page b | 50,00Note de bas de page b | 58,00Note de bas de page b | 58,00 | 59,00Note de bas de page b | 59,00 | 59,00 | 59,00 | 60,00Note de bas de page b |
IA (%) | 1,92 | 1,94 | 1,94 | 1,96 | 2,09 | 2,17 | 2,27 | 2,31 | 2,29 | 2,40 | 2,52 | |
Ont. | Taxe ($) | 24,70 | 24,70 | 24,70 | 24,70 | 24,70 | 27,95Note de bas de page b | 27,95 | 30,95Note de bas de page b | 32,95Note de bas de page b | 36,95Note de bas de page b | 36,95 |
IA (%) | 1,42 | 1,43 | 1,38 | 1,33 | 1,31 | 1,46 | 1,49 | 1,55 | 1,61 | 1,74 | 1,76 | |
Qué. | Taxe ($) | 20,60 | 20,60 | 21,20Note de bas de page b | 25,80Note de bas de page b | 25,80 | 29,80Note de bas de page b | 29,80 | 29,80 | 29,80 | 29,80 | 29,80 |
IA (%) | 1,43 | 1,37 | 1,33 | 1,40 | 1,37 | 1,52 | 1,57 | 1,55 | 1,54 | 1,59 | 1,62 | |
N.-B. | Taxe ($) | 23,50 | 23,50 | 34,00Note de bas de page b | 34,00 | 38,00Note de bas de page b | 38,00 | 38,00 | 44,52Note de bas de page b | 51,04Note de bas de page b | 51,04 | 51,04 |
IA (%) | 1,66 | 1,57 | 1,79 | 1,72 | 1,83 | 1,94 | 1,98 | 2,26 | 2,46 | 2,53 | 2,58 | |
N.-É. | Taxe ($) | 43,04Note de bas de page b | 43,04 | 43,04 | 43,04 | 47,04Note de bas de page b | 47,04 | 51,04Note de bas de page b | 55,04Note de bas de page b | 55,04 | 55,04 | 55,04 |
IA (%) | 2,34 | 2,25 | 2,21 | 2,15 | 2,22 | 2,31 | 2,48 | 2,61 | 2,61 | 2,69 | 2,72 | |
Î.-P.-É. | Taxe ($) | 39,10 | 39,10 | 45,00Note de bas de page b | 45,00 | 45,00 | 45,00 | 50,00Note de bas de page b | 50,00 | 50,00 | 50,00 | 50,00 |
IA (%) | 2,39 | 2,25 | 2,36 | 2,48 | 2,23 | 2,35 | 2,60 | 2,58 | 2,54 | 2,67 | 2,72 | |
T.-N.-L. | Taxe ($) | 36,00 | 38,00Note de bas de page b | 38,00 | 38,00 | 41,00Note de bas de page b | 47,00Note de bas de page b | 47,00 | 49,00Note de bas de page b | 49,00 | 49,00 | 49,00 |
IA (%) | 1,55 | 1,39 | 1,22 | 1,24 | 1,22 | 1,43 | 1,61 | 1,82 | 1,77 | 1,83 | 1,81 | |
Canada | IA (%) | 1,69 | 1,64 | 1,61 | 1,60 | 1,60 | 1,72 | 1,87 | 1,96 | 1,97 | 2,07 | 2,12 |
Abréviations : Alb., Alberta; C.-B., Colombie-Britannique; IA, indice d’abordabilité; Î.-P.-É., Île-du-Prince-Édouard; Man., Manitoba; N.-B., Nouveau-Brunswick; N.-É., Nouvelle-Écosse; Ont., Ontario; Qué., Québec; Sask., Saskatchewan; T.-N.-L., Terre-Neuve-et-Labrador.
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Analyse
En dix ans, l’abordabilité des cigarettes a diminué dans toutes les provinces canadiennes, malgré une hausse générale du PIB. En moyenne, elle a diminué de 26 % entre 2009 et 2019 pour l’ensemble du pays. L’ampleur des variations de l’abordabilité s’est révélée très variable entre les provinces : la plus importante a été constatée au Nouveau‑Brunswick, où l’abordabilité des cigarettes a diminué de 55 % sur la décennie à l’étude. Ce changement important de l’abordabilité correspond à une augmentation de 117 % de la taxation des cigarettes au cours de cette période (tableau 1), soit la plus élevée de toutes les provinces. Inversement, la plus faible variation de l’abordabilité a été observée au Québec, où elle a diminué de 13 %. Il importe de souligner que cette diminution est survenue malgré une augmentation de 45 % de la taxation des cigarettes au cours de la même période, soit davantage qu’en Alberta, en Nouvelle‑Écosse, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Cette analyse met en relief l’importance de prendre en compte les différences sur le plan du PIB entre les diverses entités admistratives à l’échelle infranationale pour élaborer des politiques de taxation fonctionnelles ou faire des comparaisons interrégionales. Cette observation est validée par le fait que les trois économies et marchés du tabac les plus importants au Canada – l’Ontario, le Québec et l’Alberta – sont aussi les provinces à l’IA le moins élevé, c’est‑à‑dire où les cigarettes sont le plus abordables. Alors que le programme de politiques MPOWER de l’OMS recommande une taxation représentant au moins 75 % du prix de détail des cigarettesNote de bas de page 11, l’analyse approfondie de la taxation dans ces provinces en 2019 a révélé que seulement 66 à 69 % du prix des cartouches de cigarettes était constitué de taxes. Cependant, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, une des provinces où les cigarettes sont le moins abordables, les taxes sur le tabac constituent également 69 % du prix de détail des cartouches de cigarettes. L’indice d’abordabilité décrit dans cet article fournit donc un complément essentiel à la mesure des prix et de la taxation, qui donne une idée plus exacte de la situation afin d’orienter les politiques en matière de taxation en fonction du contexte.
Points forts et limites
La comparaison de l’abordabilité des cigarettes à l’aide du PIB par habitant entre les provinces canadiennes fournit des données de référence utilisables pour établir des politiques efficaces en matière de taxation. Les droites de tendance montrent quelles sont les hausses de taxes qui ont brusquement modifié l’abordabilité, comme les fortes taxes mises en place en Alberta en 2015, qui se sont traduites par une augmentation de 41 % de l’IA, c’est‑à‑dire une chute de l’abordabilité annuelle. Notre étude fournit aussi un autre résultat important : l’existence de différences entre provinces ayant une frontière commune, par exemple entre le Manitoba et les provinces voisines. En 2019, l’abordabilité annuelle au Manitoba était moins élevée qu’en Saskatchewan et en Ontario de respectivement 36 % et 43 %. Les études sur les répercussions de ces différences infranationales sur le plan de l’abordabilité peuvent permettre de tirer de nouvelles conclusions éclairantes.
Cette analyse comporte néanmoins des limites. Notre objet d’étude était l’abordabilité dans les provinces canadiennes au fil du temps. Les observations sont donc le fruit d’une analyse rétrospective d’une tendance ou d’un impact mais ne peuvent fournir aucune valeur d’IA recommandable en vue d’un plan prospectif. Les auteurs n’ont d’ailleurs pas trouvé d’études recommandant une valeur optimale pour l’IA. L’OMS, qui surveille l’évolution de l’abordabilité, exhorte les pays à réduire l’abordabilité au fil du temps. Bien que les gouvernements nationaux et infranationaux puissent établir leurs propres cibles en matière de réduction de l’abordabilité en se fondant sur l’évolution de l’IA, une recommandation uniformisée concernant l’IA serait utile. Des recherches sur l’IA optimal pour réduire de façon notable la consommation de cigarettes seraient aussi utiles pour la lutte contre le tabagisme.
Conclusion
Les augmentations des taxes provinciales sur les cigarettes ont réduit l’abordabilité au fil du temps et elles ont contribué à réduire la prévalence du tabagisme et de la consommation de tabac. Toutefois, les provinces doivent s’assurer que les augmentations de taxes sur les cigarettes continuent à être supérieures à la croissance économique et aux hausses des salaires pour arriver au résultat souhaité, c’est‑à‑dire une réduction de la consommation. Les provinces peuvent mettre en place une taxe additionnelle sur le tabac, indexée sur l’indice des prix à la consommation, sur l’augmentation des salaires relatifs ou sur la hausse du PIB, afin d’empêcher l’abordabilité de progresser. La surveillance de l’évolution de l’abordabilité produit aussi des données utiles aptes à orienter les structures de taxation du tabac à l’échelle infranationale au Canada.
Conflits d’intérêts
LH est employé par un organisme dont le financement provient des secteurs public et privé, mais non des entreprises qui fabriquent des produits du tabac ou de vapotage. MW déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
MW et LH ont participé à la conception de l’étude et à l’acquisition des données. Les données ont été analysées par MW et validées par LH. Les deux auteurs ont participé à l’interprétation des données, à la rédaction et à la révision de l’article ainsi qu’à l’approbation de sa version finale.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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