Recherche quantitative originale – Autonomie, compétence et appartenance sociale et consommation de cannabis et d’alcool chez les jeunes au Canada : une analyse transversale
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
Aganeta Enns, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Heather Orpana, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 3
https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.5/6.09f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Correspondance : Aganeta Enns, 136, Jean-Jacques-Lussier Pvt, Ottawa (Ontario) K1N 6N5; tél. : 613-562-5800, poste : 4639; courriel : aenns022@uottawa.ca
Résumé
Introduction. La prévention de la consommation problématique de substances chez les jeunes mobilise de plus en plus d’attention, en lien avec diverses préoccupations autour des taux de consommation et des changements de politiques au Canada. Les approches axées sur les forces qui mettent l’accent sur les facteurs de protection, notamment une santé mentale positive, sont au cœur des recommandations actuelles en matière de prévention. Toutefois, il existe très peu de travaux de recherche sur l’association entre une santé mentale positive et la consommation de substances chez les jeunes. Notre étude porte sur les associations entre consommation de cannabis et d’alcool chez les jeunes et santé mentale positive et utilise le cadre de la théorie de l’autodétermination.
Méthodologie. Nous avons réalisé des analyses secondaires de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE) de 2014-2015. Les élèves de la 7e à la 12e année résidant au Canada qui participaient à l’étude ont rempli l’Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants (Children’s Intrinsic Needs Satisfaction Scale ou questionnaire CINSS), qui mesure l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale et ils ont répondu à des questions portant sur leur consommation de cannabis et d’alcool et leur consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours des 30 derniers jours et la fréquence de ces consommations. Nous avons examiné les associations, stratifiées selon le sexe, entre l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale d’une part et la consommation de substances d’autre part en utilisant une régression logistique.
Résultats. Les modèles entièrement ajustés ont révélé que l’appartenance sociale et la compétence étaient associées à une probabilité plus faible de consommation au cours des 30 derniers jours et de fréquence élevée de consommation pour le cannabis et l’alcool et pour la consommation excessive occasionnelle d’alcool. Une autonomie plus grande était associée à une probabilité plus élevée de ces comportements. Toutes les associations étaient significatives, sauf entre le sentiment de compétence et une fréquence de consommation plus élevée de cannabis chez les garçons, et entre l’autonomie et une fréquence de consommation élevée d’alcool chez les filles.
Conclusion. Ces résultats fournissent de nouvelles données probantes sur les associations entre santé mentale positive et consommation de substances chez les jeunes, en particulier sur la façon dont l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale sont associées à la consommation de cannabis et d’alcool et à la consommation excessive occasionnelle d’alcool. Ces données probantes sont utilisables pour les programmes de promotion de la santé et de prévention de la consommation de substances.
Mots-clés : adolescents, santé mentale positive, consommation de substances, cannabis, alcool
Points saillants
- Dans les modèles à variables multiples, les jeunes ayant fait état d’une meilleure appartenance sociale et d’un sentiment de compétence plus élevé étaient ceux qui présentaient les probabilités plus faibles de consommation (au cours des 30 derniers jours) et de fréquence élevée de consommation pour le cannabis et l’alcool ainsi que pour la consommation excessive occasionnelle d’alcool (sauf en ce qui concerne une fréquence élevée de consommation de cannabis et l’appartenance sociale chez les garçons).
- À l’opposé, dans les modèles entièrement ajustés, les jeunes ayant des degrés d’autonomie plus élevés étaient ceux qui présentaient la plus grande probabilité de consommation de substances (sauf en ce qui concerne une fréquence élevée de consommation d’alcool et l’autonomie chez les filles).
- Une appartenance sociale plus solide était associée à une probabilité plus faible de consommation de substances à la fois chez les filles et chez les garçons, mais on a constaté une interaction significative entre certaines dimensions de la santé mentale positive et la consommation de substances. Ces observations soulignent la nécessité d’examiner de plus près ces associations, et séparément selon le sexe.
Introduction
C’est à l’adolescence que la consommation d’alcool et de substances commence le plus souventNote de bas de page 1. En 2016-2017, près de la moitié (44 %) des élèves de la 7e à la 12e année avaient consommé de l’alcool au cours de la dernière année, et un quart des élèves avaient déclaré avoir bu cinq verres ou plus en une seule occasionNote de bas de page 2. À peine moins d’un élève sur cinq (17 %) avait déclaré avoir consommé du cannabis au cours de la dernière annéeNote de bas de page 2. L’adolescence étant une période cruciale du développement cognitif et psychosocial, la consommation de substances à cet âge est susceptible d’être associée à des modèles de comportements perturbés et à des risques à long terme, comme une consommation problématique de substances plus tard dans la vieNote de bas de page 3. La consommation d’alcool et de cannabis au cours de l’adolescence a été associée à une probabilité accrue de blessures, de conduite avec facultés affaiblies et de conséquences sociales, psychologiques et juridiques négativesNote de bas de page 4Note de bas de page 5.
Les changements de politiques en matière d’alcool et de drogue au Canada et les préoccupations concernant les taux de consommation de substances chez les jeunesNote de bas de page 2 ont accentué le besoin de comprendre et de prévenir la consommation problématique de substances chez les jeunes. Certains changements de politiques récents apportés dans des provinces ou territoires, par exemple l’extension de la vente de certaines formes d’alcool dans les épiceries et la réduction du prix minimum de la bière en Ontario, ont modifié l’accessibilité à l’alcoolNote de bas de page 6Note de bas de page 7. De tels changements de politiques augmentent l’exposition au marketing lié à l’alcool dans les magasins, ce qui est susceptible d’accroître la probabilité de consommation d’alcool chez les adolescentsNote de bas de page 8.
L’interdiction de vendre du cannabis aux jeunes et de le promouvoir auprès des jeunes figurait parmi les objectifs de santé publique de la récente légalisation du cannabis au CanadaNote de bas de page 9. La Loi sur le cannabis constitue le « cadre juridique pour contrôler la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis partout au Canada », mais ce sont les provinces et les territoires qui déterminent comment, où et par qui le cannabis peut être vendu. Après la légalisation de la consommation de cannabis à des fins non médicales dans l’État de Washington, la nocivité perçue du cannabis a diminué et la consommation de cannabis a augmenté chez les jeunesNote de bas de page 10. D’autres données probantes sont nécessaires pour nous permettre de comprendre la consommation de substances chez les jeunes et pour orienter la prévention dans le contexte canadien actuel.
Les recommandations actuelles priorisent les approches axées sur les forces qui visent à prévenir la consommation problématique de substances chez les jeunesNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Parmi ces approches, citons les programmes de prévention en milieu scolaire et les initiatives ciblant le bien-être global. Au lieu de viser les manques, ces approches axées sur les forces misent sur les facteurs de protection, comme les compétences des individus et divers dimensions d’un développement positif, et dont la santé mentale positive fait partieNote de bas de page 11Note de bas de page 12.
L’Agence de la santé publique du Canada définit la santé mentale positive comme « la capacité qu’a chacun d’entre nous de ressentir, de penser et d’agir de manière à améliorer son aptitude à jouir de la vie et à relever les défis auquel il est confronté. Il s’agit d’un sentiment positif de bien-être émotionnel et spirituel qui respecte l’importance de la culture, de l’équité, de la justice sociale, des interactions et de la dignité personnelle »Note de bas de page 13.
Le rôle potentiel de la santé mentale positive comme facteur de protection contre la consommation de substances chez les jeunes n’a pas été suffisamment étudié. L’approfondissement de nos connaissances au sujet de cette association nous aidera à orienter les programmes de prévention axés sur les forces qui ciblent le soutien à une santé mentale positive.
Dans cette étude, nous mesurons la santé mentale positive en utilisant le cadre de la théorie de l’autodétermination. Cette théorie avance qu’il existe trois besoins psychologiques fondamentaux qui contribuent au bien-être global : la compétence, l’autonomie et l’appartenance socialeNote de bas de page 14. La compétence renvoie au sentiment d’auto-efficacité ou à la maîtrise d’agir dans son environnement. L’autonomie renvoie à l’impression d’avoir le choix et au sentiment de contrôle en ce qui concerne ses propres activités. L’appartenance sociale renvoie au sentiment de proximité avec les autres et d’appartenance collective. Une santé mentale positive, définie par ces trois besoins d’après la théorie de l’autodétermination, se mesure concrètement par les résultats en matière de bien-être psychologique (c.-à-d. autonomie et compétence) et social (c.-à-d. appartenance sociale) issus du Cadre d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positiveNote de bas de page 15.
Il existe très peu de travaux de recherche concernant les répercussions de ces trois besoins en matière de santé mentale positive sur le comportement des jeunes, notamment sur la consommation de substances. Toutefois, certaines dimensions du bien-être psychologique qui recoupent la définition de la santé mentale positive proposée ci-dessus, en particulier la satisfaction de vivre, le sentiment de contrôle (l’autonomie), la résilience et les émotions positives, ont été associés à la consommation de drogues et d’alcool chez les adolescentsNote de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18. Deux études ont porté sur l’épanouissement, qui est une mesure de santé mentale positive globale, chez les élèves de la 9e à la 12e année en Colombie-Britannique et en Ontario. Ces études ont révélé que l’épanouissement était associé à une probabilité moindre de consommation de cannabis mais n’était pas associé de façon significative à une consommation occasionnelle excessive d’alcoolNote de bas de page 19Note de bas de page 20.
Dans l’ensemble, il y a eu peu d’enquêtes sur la santé mentale positive et la consommation de substances, et la plupart des études antérieures ont été menées auprès d’adultes et d’étudiants de niveau postsecondaireNote de bas de page 21Note de bas de page 22. L’objectif de cette étude est d’examiner les associations entre les dimensions de la santé mentale positive issues de la théorie de l’autodétermination (compétence, appartenance sociale et autonomie) et la consommation de substances (consommation d’alcool, consommation excessive occasionnelle d’alcool et consommation de cannabis) chez les jeunes. À notre connaissance, les associations entre compétence, appartenance sociale et autonomie d’une part et consommation de substances d’autre part n’ontt jamais été étudiées auparavant chez les jeunes au Canada, et cette étude a pour objectif de contribuer à combler cette lacune.
Méthodologie
Nous avons analysé des données du fichier de microdonnées à grande diffusion de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE) de 2014-2015Note de bas de page 23. L’ECTADE est une enquête nationale bisannuelle sur la consommation de tabac, d’alcool et de drogues chez les jeunes Canadiens. Cette enquête en milieu scolaire est menée auprès d’un échantillon d’élèves de la 6e à la 12e année (de la 6e année au 5e secondaire au Québec). En 2014-2015, l’échantillon obtenu était représentatif à l’échelle provinciale dans toutes les provinces sauf au Nouveau-BrunswickNote de bas de page 23. La population était composée d’élèves fréquentant des écoles privées ou publiques. Les écoles situées dans les territoires canadiens, les écoles spécialisées (p. ex. les écoles virtuelles, les écoles dans une base militaire ou dans une réserve des Premières Nations, les écoles pour les élèves ayant une déficience visuelle ou auditive ou des besoins particuliers) et les écoles comptant moins de 20 élèves inscrits dans au moins un niveau scolaire reconnu ont été exclues. On a sélectionné les écoles au moyen d’un plan d’échantillonnage en grappes stratifié à un seul degré, en fonction du taux de tabagisme dans les régions sanitaires et du type d’école (primaire ou secondaire). Les écoles ont été choisies par échantillonnage aléatoire au sein de chaque strate. Tous les élèves admissibles de l’ensemble des écoles sélectionnées ont été invités à participer à l’enquêteNote de bas de page 23Note de bas de page 24.
Au total, 336 écoles et 42 094 élèves ont participé à l’ECTADE, ce qui correspond à des taux de participation respectifs de 47 % et de 66 %. La collecte des données a été effectuée entre octobre 2014 et mai 2015Note de bas de page 23Note de bas de page 24. Les participants ont rempli un questionnaire imprimé pendant les heures de cours. Les élèves pouvaient refuser de participer à l’enquête au moment de la collecte des données. Remplir le questionnaire nécessitait environ 30 minutes. Les enseignants ont donné des instructions sur la manière de répondre à l’enquête, mais n’ont pas circulé dans la salle pendant que les élèves remplissaient le questionnaire, afin de préserver la confidentialité des données.
Les questions relatives à la consommation d’alcool et de cannabis ayant été posées seulement aux élèves de la 7e à la 12e annéeNote de bas de page 23Note de bas de page 24, les élèves de 6e année ont été exclus de nos analyses. La taille finale de notre échantillon est de 36 665 élèves.
L’approbation éthique a été obtenue du Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada, de l’Université de Waterloo et des comités d’éthique des conseils scolaires participants.
Mesures
Consommation d’alcool
Deux questions « en chaîne » ont porté sur la consommation d’alcool au cours des 30 derniers jours. La première question était : « As-tu déjà consommé (bu) de l’alcool, c’est-à-dire bu plus d’une gorgée? » (réponses : oui ou non). Les élèves ayant répondu « oui » ont été invités à répondre à la seconde question : « Au cours des 30 derniers jours, à quelle fréquence as-tu consommé (bu) de l’alcool, c’est-à-dire bu plus d’une gorgée? » Les choix de réponse étaient : « Je ne l’ai pas fait au cours des 30 derniers jours » (données ayant reçu le code non), « 1 ou 2 fois », « 1 ou 2 fois par semaine », « 3 ou 4 fois par semaine », « 5 ou 6 fois par semaine », « chaque jour » (données ayant reçu le code oui) et « Je ne sais pas ». En ce qui concerne l’ensemble des questions sur la consommation de substances, les réponses « Je ne sais pas » ont été traitées comme si les participants n’avaient pas répondu aux questions (« not stated »), conformément aux directives du guide de l’utilisateur de l’ECTADENote de bas de page 24, et ont été exclues des analyses. Une seconde variable représentant la fréquence de consommation d’alcool a été créée. Les réponses faisant état d’une ou deux consommations et moins par semaine ont reçu le code « fréquence de consommation faible » et les réponses faisant état de trois ou quatre consommations et plus par semaine ont reçu le code « fréquence de consommation élevée ». L’ECTADE définit une consommation d’alcool comme suit : « 1 bière (format ordinaire, en bouteille, en canette ou dans un verre) ou 1 coupe de vin ou une bouteille de “cooler” ou une dose de spiritueux (rhum, whiskey, BaileysMD, etc.) ou une boisson mixte (une dose de spiritueux mélangée avec une boisson gazeuse, du jus ou une boisson énergisante, etc.). »
Consommation excessive occasionnelle d’alcool
La question suivante a permis de mesurer la consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours des 30 derniers jours : « Au cours des 30 derniers jours, à quelle fréquence as-tu bu 5 consommations d’alcool ou plus en une même occasion? » Les participants avaient le choix entre les réponses suivantes : « Je n’ai jamais bu 5 consommations ou plus d’alcool en une même occasion », « Je n’ai pas bu 5 consommations ou plus d’alcool en une même occasion au cours des 30 derniers jours » (données ayant reçu le code non), « 1 fois », « 2 fois », « 3 fois », « 4 fois », « 5 fois ou plus » (données ayant reçu le code oui) et « Je ne sais pas » (données exclues de l’analyse). Une seconde variable représentant la fréquence de consommation excessive occasionnelle d’alcool a également été créée. Les réponses faisant état d’aucune consommation ou d’une ou deux consommations occasionnelles excessives d’alcool au cours des 30 derniers jours ont reçu le code « fréquence faible » et les réponses faisant état de trois consommations occasionnelles excessives d’alcool ou plus ont reçu le code « fréquence élevée ».
Consommation de cannabis
Deux questions ont porté sur la consommation de cannabis au cours des 30 derniers jours. Tout d’abord, on a posé la question générale suivante aux élèves : « As-tu déjà consommé ou essayé de la marijuana ou du cannabis (un joint, du pot, du hasch, du haschisch ou de l’huile de cannabis)? » Les réponses possibles étaient « oui » ou « non ». Les élèves ayant répondu « oui » ont ensuite été invités à répondre à la question : « Au cours des 30 derniers jours, à quelle fréquence as-tu consommé de la marijuana ou du cannabis? » Les choix de réponses étaient : « Je n’ai pas consommé de marijuana au cours des 30 derniers jours » (données ayant reçu le code non), « 1 ou 2 fois », « 1 ou 2 fois par semaine », « 3 ou 4 fois par semaine », « 5 ou 6 fois par semaine », « tous les jours » (données ayant reçu le code oui) et « Je ne sais pas » (données exclues de l’analyse). Une seconde variable pour rendre compte d’une consommation fréquente de cannabis a également été créée : les réponses faisant état d’aucune consommation de cannabis et celles faisant état d’une ou deux consommations par semaine ont reçu le code « fréquence faible » et les réponses indiquant trois ou quatre consommations par semaine et plus ont reçu le code « fréquence élevée ».
Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants
L’Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants (Children’s Intrinsic Needs Satisfaction Scale ou questionnaire CINSS)Note de bas de page 25 est une échelle à 18 éléments composée de 3 sous-échelles (besoin d’autonomie, besoin de compétence et besoin d’appartenance sociale) comptant chacune 6 éléments. Le questionnaire CINSS comprend des questions permettant d’évaluer la satisfaction de chacun de ces besoins dans trois contextes différents (avec les pairs, à la maison et à l’école), avec deux affirmations par paire contexte/concept. Voici quelques exemples d’affirmations : « Je sens que je fais bien les choses à la maison » (compétence/à la maison) et « Je me sens libre de m’exprimer à l’école » (autonomie/à l’école). Les options de réponse pour chaque énoncé sont : « très faux pour moi », « plutôt faux pour moi », « plutôt vrai pour moi » ou « très vrai pour moi ». Le questionnaire CINSS a été validé parmi un échantillon d’élèves canadiens et montre une bonne cohérence interne ainsi qu’une bonne validité factorielle et critérielleNote de bas de page 26.
Les scores de chaque sous-échelle ont été additionnés et transformés afin d’obtenir un score total par besoin sur un continuum allant de 10 à 40 pour la compétence, pour l’appartenance sociale et pour l’autonomie. Des scores élevés indiquent une plus grande satisfaction à l’égard du besoin mesuré. On a également créé des variables pour mesurer le degré faible ou élevé d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale en attribuant la valeur « élevée » aux répondants ayant un score moyen de 3 ou plus sur les 6 éléments de chaque échelle sur chaque échelle et la valeur « faible » à ceux ayant un score moyen de 0 à moins de 3Note de bas de page 27. On a utilisé les scores continus tout au long des analyses, à l’exception de l’analyse descriptive initiale de prévalence des comportements de consommation, qui utilise le degré élevé ou faible d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale.
Caractéristiques sociodémographiques
Les caractéristiques sociodémographiques étaient l’année scolaire suivie (de la 6e à la 12e année; les 1re, 2e, 3e, 4e et 5e secondaire au Québec ont reçu les codes 7e, 8e, 9e, 10e et 11e année, respectivement) et le sexe (masculin, féminin). Le statut socio-économique a été déterminé par le revenu médian des ménages de la région de chaque école participante. Cette variable a été obtenue à l’aide des données du recensement canadien de 2011 sur le revenu des ménages selon les trois premiers caractères du code postal de chaque école (région de tri d’acheminement). Le milieu urbain ou rural a été défini à partir de la localisation de l’école du participant dans une région urbaine ou dans une région ruraleNote de bas de page 23.
Analyses statistiques
Nous avons généré des statistiques descriptives pour décrire l’échantillon étudié et la prévalence de la consommation de cannabis, de la consommation d’alcool et de la consommation excessive occasionnelle d’alcool pour l’ensemble de l’échantillon, selon l’année scolaire et le sexe. Nous avons examiné la prévalence de la consommation de substances en lien avec un degré faible ou un degré élevé d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale. Nous avons utilisé des tests du chi carré pour repérer les variations dans la consommation de substances en fonction du sexe, et nous avons utilisé le test de tendance de Cochran-Armitage pour vérifier si la consommation de substances augmentait systématiquement avec l’année scolaire. Nous avons appliqué des ajustements de Bonferroni.
Nous avons effectué une série de régressions logistiques pour tester les associations entre les variables d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale et celles de consommation de substances. Le premier modèle de régression reposait sur les scores continus de la sous-échelle du questionnaire CINSS comme variables explicatives et sur la consommation d’alcool au cours du dernier mois comme variable dépendante. Nous avons ensuite répété ce modèle de régression pour chacune des autres variables dépendantes : consommation de cannabis au cours du dernier mois; consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours du dernier mois; fréquence élevée de consommation d’alcool; fréquence élevée de consommation de cannabis et fréquence élevée de consommation excessive occasionnelle d’alcool. Cette série de régressions a ensuite été répétée avec l’année scolaire, le type de milieu (urbain ou rural) et le revenu des ménages de la région comme variables de contrôle. Nous avons également effectué une analyse de sensibilité en utilisant la province comme variable de contrôle mais aucun changement n’a été constaté dans les données.
Pour cerner les différences entre garçons et filles en ce qui concerne les associations entre autonomie, compétence et appartenance sociale et la consommation de substances, des paramètres d’interaction par sexe ont été examinés dans les modèles de régression logistique. Lorsque ces paramètres d’interaction se sont révélés significatifs, les modèles ont été stratifiés selon le sexe. Les paramètres d’interaction en eux-mêmes n’ont pas été interprétés, mais les coefficients sont présentés dans le tableau 3 afin de justifier les analyses stratifiées selon le sexe.
Les analyses ont été réalisées dans le progiciel statistique SAS Enterprise Guide 7.1 (SAS Institute Inc., Cary [Caroline du Nord] États-Unis) au moyen des commandes PROC SURVEY. Nous avons utilis une méthode d’autoamorçage (bootstrap) et des facteurs de pondération pour tenir compte du plan d’échantillonnage complexe de l’ECTADENote de bas de page 23. Nous avons effectué une analyse complète des cas afin d’exclure ceux pour lesquels il manquait des données sur les variables à l’étude.
Résultats
Prévalence de la consommation de cannabis et d’alcool et de la consommation excessive occasionnelle d’alcool
Selon les données de l’ECTADE de 2014-2015, 10,8 % des élèves canadiens de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours (tableau 1). La prévalence de la consommation d’alcool au cours du dernier mois était de 27,0 % et 16,0 % des élèves de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir eu une consommation excessive occasionnelle d’alcool au moins une fois au cours de cette période. Les tests de tendance de Cochran-Armitage ont révélé des associations significatives (valeurs p ≤ 0,001) entre l’augmentation de la consommation de substances et l’année scolaire : les prévalences les plus élevées au cours du dernier mois en ce qui concerne la consommation de cannabis (21,3 %), la consommation d’alcool (47,3 %) et de la consommation excessive occasionnelle d’alcool (32,6 %) ont été observées chez les élèves de 12e année.
Tableau 1. Prévalence des consommations de cannabis et d’alcool au cours des 30 derniers jours et prévalence d’une fréquence élevée de ces consommations selon le sexe, l’année scolaire et le milieu (urbain ou rural), ECTADE, 2014-2015 (n = 36 665)
Description | Consommation (30 derniers jours) | Fréquence élevée de consommation | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Consommation de cannabis % (IC à 95 %) |
Consommation d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation excessive occasionnelle d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation de cannabis % (IC à 95 %) |
Consommation d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation excessive occasionnelle d’alcool % (IC à 95 %) |
|
Ensemble | 10,8 (10,6 à 11,1) | 27,0 (26,5 à 27,6) | 16,0 (15,7 à 16,4) | 3,7 (3,5 à 3,9) | 1,9 (1,8 à 2,0) | 4,9 (4,8 à 5,1) |
Sexe | ||||||
Féminin | 10,2 (9,8 à 10,5) | 27,4 (26,8 à 27,9) | 15,7 (15,3 à 16,1) | 2,9 (2,7 à 3,2) | 1,5 (1,4 à 1,6) | 4,7 (4,5 à 4,9) |
Masculin | 11,5 (11,1 à 11,9)Note * de tableau 1 | 26,7 (26,1 à 27,3)Note * de tableau 1 | 16,4 (15,9 à 16,8)Note * de tableau 1 | 4,5 (4,3 à 4,7)Note * de tableau 1 | 2,4 (2,2 à 2,5)Note * de tableau 1 | 5,2 (4,9 à 5,4)Note * de tableau 1 |
Année scolaire | ||||||
7e | 0,9 (0,8 à 1,1) | 5,8 (5,3 à 6,3) | 1,4 (1,2 à 1,6) | 0,2 (0,1 à 0,2) | 0,2 (0,1 à 0,2) | 0,2 (0,2 à 0,2) |
8e | 3,4 (3,0 à 3,7) | 11,3 (10,6 à 12,0) | 4,4 (4,0 à 4,8) | 1,1 (0,9 à 1,2) | 0,8 (0,1 à 0,9) | 1,1 (0,9 à 1,3) |
9e | 7,4 (6,8 à 8,0) | 21,3 (20,1 à 22,4) | 10,3 (9,7 à 10,9) | 2,4 (2,0 à 2,8) | 1,2 (1,1 à 1,3) | 2,7 (2,5 à 2,9) |
10e | 12,4 (11,8 à 13,0) | 33,1 (32,4 à 33,9) | 19,1 (18,4 à 19,9) | 4,5 (4,2 à 4,8) | 2,0 (1,8 à 2,2) | 4,4 (4,1 à 4,7) |
11e | 18,9 (18,4 à 19,4) | 41,5 (40,4 à 42,7) | 28,0 (27,1 à 28,9) | 5,8 (5,5 à 6,1) | 3,3 (3,0 à 3,6) | 8,8 (8,2 à 9,4) |
12e | 21,3 (20,3 à 22,4)Note ** de tableau 1 | 47,3 (46,0 à 48,7)Note ** de tableau 1 | 32,6 (31,5 à 33,6)Note ** de tableau 1 | 8,1 (7,6 à 8,6)Note ** de tableau 1 | 3,9 (3,3 à 4,5)Note ** de tableau 1 | 12,4 (11,7 à 13,1)Note ** de tableau 1 |
MilieuNote a de tableau 1 | ||||||
Urbain | 10,4 (10,1 à 10,8) | 24,1 (23,2 à 24,9) | 14,1 (13,5 à 14,6) | 3,6 (3,4 à 3,8) | 1,7 (1,6 à 1,9) | 4,2 (4,0 à 4,4) |
Rural | 12,4 (11,7 à 13,1)Note * de tableau 1 | 38,4 (37,0 à 40,0)Note * de tableau 1 | 23,8 (22,7 à 25,0)Note * de tableau 1 | 4,1 (3,6 à 4,6)Note * de tableau 1 | 2,6 (2,4 à 2,8)Note * de tableau 1 | 8,0 (7,5 à 8,5)Note * de tableau 1 |
La prévalence de fréquence élevée de consommation était inférieure à la prévalence de consommation au cours des 30 derniers jours, soit 3,7 % pour le cannabis, 1,9 % pour l’alcool et 4,9 % pour la consommation excessive occasionnelle d’alcool. À l’instar de la prévalence de consommation au cours des 30 derniers jours, la prévalence de fréquence élevée de consommation était la plus forte chez les élèves de la 12e année, soit 8,1 % pour le cannabis, 3,9 % pour l’alcool et 12,4 % pour la consommation excessive occasionnelle d’alcool.
Dans tous les cas, les prévalences de consommation (cannabis, alcool et consommation excessive occasionnelle d’alcool) au cours des 30 derniers jours et de fréquence élevée de consommation étaient plus élevées chez les élèves ayant un faible degré d’autonomie (p ≤ 0,001), d’appartenance sociale (p ≤ 0,001) et de compétence (p ≤ 0,001) que chez les élèves ayant un degré élevé (tableau 2). Cependant, l’ampleur de ces différences variait en fonction de la substance et du besoin mesuré. Par exemple, la prévalence de fréquence élevée de consommation excessive occasionnelle d’alcool était presque deux fois plus élevée chez les élèves ayant une compétence faible (7,9 %) que chez les élèves ayant une compétence élevée (4,1 %), alors que la différence était plus faible entre la prévalence d’une fréquence élevée de consommation de cannabis chez les élèves ayant une autonomie faible (3,4 %) et chez ceux ayant une grande autonomie (3,0 %).
Tableau 2. Prévalence Note a de tableau 2 des consommations de cannabis et d’alcool et de la consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours des 30 derniers jours et prévalence d’une fréquence élevée de ces consommations, en fonction du degré d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale, ECTADE, 2014-2015 (n = 36 665)
Caractéristique | Consommation (30 derniers jours) | Fréquence élevée de consommation | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Consommation de cannabis % (IC à 95 %) |
Consommation d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation excessive occasionnelle d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation de cannabis % (IC à 95 %) |
Consommation d’alcool % (IC à 95 %) |
Consommation excessive occasionnelle d’alcool % (IC à 95 %) |
|
Autonomie | ||||||
FaibleNote b de tableau 2 | 14,1 (13,7 à 14,5) | 29,9 (29,3 à 30,5) | 18,0 (17,5 à 18,6) | 3,4 (3,1 à 3,7) | 5,1 (4,9 à 5,4) | 6,2 (5,8 à 6,6) |
ÉlevéeNote b de tableau 2 | 9,3 (9,0 à 9,6)Note * de tableau 2 | 25,9 (25,2 à 26,5)Note * de tableau 2 | 15,2 (14,8 à 15,6)Note * de tableau 2 | 3,0 (2,8 à 3,2)Note * de tableau 2 | 1,4 (1,3 à 1,5)Note * de tableau 2 | 4,4 (4,3 à 4,6)Note * de tableau 2 |
Compétence | ||||||
FaibleNote b de tableau 2 | 18,5 (17,8 à 19,2) | 35,3 (34,7 à 36,0) | 22,0 (21,7 à 22,7) | 6,6 (6,2 à 7,0) | 3,9 (3,7 à 4,2) | 7,9 (7,5 à 8,3) |
ÉlevéeNote b de tableau 2 | 8,7 (8,5 à 9,0)Note * de tableau 2 | 24,8 (24,2 à 25,5)Note * de tableau 2 | 14,5 (14,0 à 14,9)Note * de tableau 2 | 2,7 (2,6 à 2,9)Note * de tableau 2 | 1,4 (1,3 à 1,5)Note * de tableau 2 | 4,1 (4,0 à 4,3)Note * de tableau 2 |
Appartenance sociale | ||||||
FaibleNote b de tableau 2 | 19,0 (18,4 à 19,7) | 36,2 (35,5 à 36,8) | 23,3 (22,8 à 23,8) | 7,6 (7,2 à 8,0) | 4,2 (3,9 à 4,5) | 7,9 (7,5 à 8,4) |
ÉlevéeNote b de tableau 2 | 8,7 (8,5 à 9,0)Note * de tableau 2 | 25,0 (24,4 à 25,6)Note * de tableau 2 | 14,4 (14,0 à 14,8)Note * de tableau 2 | 2,6 (2,5 à 2,8)Note * de tableau 2 | 1,4 (1,3 à 1,5)Note * de tableau 2 | 4,3 (4,1 à 4,4)Note * de tableau 2 |
Résultats des modèles de régression logistique
Dans les modèles portant sur l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale et la consommation de substances qui intégraient le sexe comme paramètre d’interaction, de nombreuses associations ont montré une interaction significative. Les interactions étaient significatives entre le sexe et la compétence comme l’appartenance sociale pour les trois comportements de consommation au cours des 30 derniers jours (voir le tableau 3 pour les estimations et les erreurs-types sans facteur exponentiel). L’interaction entre le sexe et l’autonomie était également significative en ce qui concerne la consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours des 30 derniers jours. Les interactions étaient significatives entre le sexe et la compétence pour toutes les fréquences élevées de consommation. De plus, l’interaction entre le sexe et l’autonomie était significative pour la fréquence élevée de consommation de cannabis. Aucune interaction entre le sexe et l’appartenance sociale n’était significative pour des fréquences élevées de consommation. Tous les modèles subséquents sont stratifiés selon le sexe.
Tableau 3. Estimations, erreurs-types et valeurs p sans facteur exponentiel pour les paramètres d’interaction de régression logistique entre le sexe et l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale concernant les consommations de cannabis et d’alcool et la consommation excessive d’alcool au cours des 30 derniers jours ainsi qu’une fréquence élevée de ces consommations, ECTADE, 2014-2015 (n = 36 665)
Comportement et caractéristique | Cannabis | Alcool | Consommation excessive occasionnelle d’alcool | ||||||
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Estimation | ET | Valeur p | Estimation | ET | Valeur p | Estimation | ET | Valeur p | |
Consommation (30 derniers jours) | |||||||||
Autonomie | 0,002 | 0,003 | 0,38 | 0,000 | 0,002 | 0,94 | -0,009 | 0,003 | < 0,001 |
Compétence | -0,030 | 0,002 | < 0,0001 | -0,014 | 0,002 | < 0,0001 | -0,021 | 0,003 | < 0,0001 |
Appartenance sociale | 0,009 | 0,003 | 0,01 | 0,006 | 0,002 | 0,01 | 0,015 | 0,003 | < 0,0001 |
Fréquence élevée de consommation | |||||||||
Autonomie | 0,016 | 0,004 | < 0,0001 | 0,007 | 0,008 | 0,36 | 0,002 | 0,004 | 0,65 |
Compétence | -0,042 | 0,006 | < 0,0001 | 0,008 | 0,009 | < 0,0001 | -0,010 | 0,003 | 0,01 |
Appartenance sociale | 0,009 | 0,005 | 0,07 | -0,031 | 0,007 | 0,36 | -0,005 | 0,004 | 0,24 |
Dans les modèles non ajustés portant sur l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale (données prises séparément) en lien avec la consommation au cours des 30 derniers jours de cannabis et d’alcool et la consommation excessive occasionnelle d’alcool, tous les rapports de cotes sont significatifs chez les filles et chez les garçons et des scores élevés sont associés à des probabilités faibles pour chaque comportement (tableau 4). La même tendance a été observée pour la fréquence élevée de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool (tableau 5).
Tableau 4. Rapports de cotes non ajustés et entièrement ajustés liés à la consommation de cannabis et d’alcool et à la consommation ocassionnelle excessive d’alcool au cours des 30 derniers jours en fonction de l’autonomie, de la compétence et de l’appartenance sociale, stratifiés selon le sexe, ECTADE, 2014-2015 (n = 36 665)
Caractéristiques | Consommation de cannabis (30 derniers jours) RC (IC à 95 %)Note * de tableau 4 |
Consommation d’alcool (30 derniers jours) RC (IC à 95 %)Note * de tableau 4 |
Consommation excessive occasionnelle d’alcool (30 derniers jours) RC (IC à 95 %)Note * de tableau 4 |
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Rapports de cotes non ajustés | |||||||
Filles | Autonomie | 0,95 | (0,94 à 0,95) | 0,97 | (0,97 à 0,98) | 0,97 | (0,96 à 0,97) |
Compétence | 0,91 | (0,91 à 0,92) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | 0,94 | (0,94 à 0,95) | |
Appartenance sociale | 0,91 | (0,90 à 0,91) | 0,94 | (0,94 à 0,94) | 0,94 | (0,93 à 0,94) | |
Garçons | Autonomie | 0,97 | (0,97 à 0,98) | 0,98 | (0,98 à 0,99) | 0,99 | (0,99 à 0,99) |
Compétence | 0,94 | (0,94 à 0,95) | 0,95 | (0,95 à 0,96) | 0,96 | (0,96 à 0,96) | |
Appartenance sociale | 0,93 | (0,93 à 0,94) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | 0,95 | (0,95 à 0,96) | |
Rapports de cotes entièrement ajustés | |||||||
Filles | Autonomie | 1,06 | (1,05 à 1,06) | 1,04 | (1,03 à 1,05) | 1,04 | (1,03 à 1,04) |
Compétence | 0,92 | (0,91 à 0,93) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | 0,94 | (0,94 à 0,95) | |
Appartenance sociale | 0,93 | (0,92 à 0,94) | 0,96 | (0,95 à 0,97) | 0,96 | (0,95 à 0,97) | |
Garçons | Autonomie | 1,05 | (1,04 à 1,06) | 1,04 | (1,03 à 1,05) | 1,06 | (1,05 à 1,06) |
Compétence | 0,98 | (0,97 à 0,99) | 0,97 | (0,97 à 0,98) | 0,98 | (0,97 à 0,99) | |
Appartenance sociale | 0,91 | (0,90 à 0,92) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | 0,93 | (0,93 à 0,94) | |
Tableau 5. Rapports de cotes non ajustés et ajustés liés à des fréquences élevées de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool en fonction de l’autonomie, de la compétence et de l’appartenance sociale, stratifiés selon le sexe, ECTADE, 2014-2015 (n = 36 665)
Caractéristiques | Fréquence élevée de consommation de cannabis RC (IC à 95 %) |
Fréquence élevée de consommation d’alcool RC (IC à 95 %) |
Fréquence élevée de consommation excessive occasionnelle RC (IC à 95 %) |
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Rapports de cotes non ajustés | |||||||
Filles | Autonomie | 0,94 | (0,93 à 0,94) | 0,92 | (0,91 à 0,93) | 0,96 | (0,95 à 0,97) |
Compétence | 0,91 | (0,90 à 0,91) | 0,90 | (0,89 à 0,91) | 0,93 | (0,93 à 0,94) | |
Relation à autrui | 0,90 | (0,89 à 0,90) | 0,89 | (0,88 à 0,90) | 0,93 | (0,92 à 0,93) | |
Garçons | Autonomie | 0,96 | (0,95 à 0,96) | 0,94 | (0,93 à 0,95) | 0,97 | (0,97 à 0,98) |
Compétence | 0,94 | (0,93 à 0,94) | 0,92 | (0,92 à 0,93) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | |
Appartenance sociale | 0,92 | (0,92 à 0,93) | 0,91 | (0,91 à 0,92) | 0,95 | (0,94 à 0,95) | |
Rapports de cotes entièrement ajustés | |||||||
Filles | Autonomie | 1,07 | (1,05 à 1,08) | 1,03 | (1,00 à 1,07)Note ** de tableau 5 | 1,04 | (1,03 à 1,06) |
Compétence | 0,93 | (0,92 à 0,94) | 0,92 | (0,90 à 0,94) | 0,93 | (0,93 à 0,94) | |
Appartenance sociale | 0,91 | (0,90 à 0,92) | 0,94 | (0,91 à 0,96) | 0,95 | (0,94 à 0,96) | |
Garçons | Autonomie | 1,03 | (1,02 à 1,05) | 1,02 | (1,00 à 1,03) | 1,04 | (1,03 à 1,05) |
Compétence | 1,01 | (0,99 à 1,03)Note ** de tableau 5 | 0,98 | (0,96 à 1,00) | 0,95 | (0,94 à 0,96) | |
Appartenance sociale | 0,89 | (0,88 à 0,90) | 0,92 | (0,91 à 0,94) | 0,96 | (0,95 à 0,98) | |
Après ajustement pour l’année scolaire, le revenu, la localisation de l’école (milieu urbain ou rural) et après l’inclusion simultanée des scores continus d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale dans le modèle, des degrés élevés de compétence et d’appartenance sociale étaient encore associés à des probabilités beaucoup plus faibles de consommation au cours des 30 derniers jours alors que l’autonomie était associée à une probabilité beaucoup plus élevée de consommation, tant chez les garçons que chez les filles (tableau 4). Pour chaque augmentation d’une unité du sentiment d’appartenance sociale, une diminution connexe de la probabilité de consommation de cannabis, de consommation d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool était observable, soit une diminution respective de 8 %, de 5 % et de 4 % chez les filles et de 2 %, de 3 % et de 2 % chez les garçons. Pour chaque augmentation d’une unité du sentiment de compétence, une diminution connexe de la probabilité de consommation de cannabis, de consommation d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool était observable, soit une diminution respective de 7 %, de 4 % et de 4 % chez les filles et de 9 %, de 5 % et de 7 % chez les garçons. En revanche, pour chaque augmentation d’une unité du sentiment d’autonomie, une augmentation connexe de la probabilité de consommation de cannabis, de consommation d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool était observable, soit une augmentation respective de 6 %, de 4 % et de 4 % chez les filles et de 5 %, de 4 % et de 6 % chez les garçons (tableau 4).
Les résultats des modèles sur la fréquence élevée de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool étaient semblables aux résultats sur la présence de consommation au cours des 30 derniers jours (tableau 5). Des degrés élevés de compétence et d’appartenance sociale étaient associés à une probabilité considérablement plus faible de fréquence élevée de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool, tant chez les filles que chez les garçons. La seule exception était l’association entre compétence et fréquence élevée de consommation de cannabis, qui n’était pas significative chez les garçons (tableau 5). Des degrés élevés d’autonomie étaient associés à une probabilité considérablement plus élevée de fréquence élevée de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool chez les garçons et chez les filles, à l’exception de la fréquence élevée de consommation d’alcool chez les filles, où l’association n’était pas significative.
Analyse
Cette étude fournit des estimations nationales chez les jeunes concernant la fréquence de consommation de cannabis et d’alcool et de consommation excessive occasionnelle d’alcool au cours des 30 derniers jours par rapport à leur degré d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale. Des degrés plus élevés de compétence, à savoir un sentiment d’auto-efficacité ou la maîtrise d’agir dans son environnement, étaient associés à une probabilité plus faible de ces 3 types de consommation au cours des 30 derniers jours et à une probabilité plus faible de fréquence élevée de ces types de consommation (sauf pour la fréquence élevée de l’un d’entre eux).
Ces résultats concordent avec ceux des études qui portent à penser qu’il existe une association entre un plus grand sentiment d’auto-efficacité et des taux plus faibles de consommation de substances chez les adolescentsNote de bas de page 28Note de bas de page 29. Notre conclusion – selon laquelle l’appartenance sociale, soit un plus grand sentiment de proximité avec les autres et d’appartenance collective, est associée à une probabilité plus faible de consommation au cours des 30 derniers jours et de fréquence élevée de cette consommation – est conforme aux travaux de recherche antérieurs qui ont relevé l’importance des relations sociales avec les pairs et avec la famille dans la prévention de la consommation de substances chez les jeunesNote de bas de page 30Note de bas de page 31. Les résultats concernant l’appartenance sociale et la compétence concordent avec les études montrant un lien entre des scores globaux plus élevés en matière de santé mentale positive, comme l’épanouissement, et des taux de consommation de substances plus faiblesNote de bas de page 19Note de bas de page 21Note de bas de page 22.
Étant donné le grand nombre d’interactions significatives entre les dimensions de santé mentale positive et le sexe quant aux comportements de consommation, l’examen de ces différences est un domaine de recherche important pour l’avenir : les quelques travaux de recherche déjà publiés sur le sujet ne font pas mention de différences en matière de sexe ou de genreNote de bas de page 19Note de bas de page 21Note de bas de page 22.
Avant contrôle pour l’année scolaire, le type de milieu (urbain ou rural), le revenu, la compétence et l’appartenance sociale, une autonomie plus élevée était associée à une plus faible prévalence de consommation de substances. Cependant, après contrôle pour ces covariables, une autonomie plus élevée était liée de façon significative à une probabilité plus élevée de tous les types de consommation, à l’exception d’une fréquence élevée de consommation d’alcool chez les filles.
Ce changement de direction dans l’association, soit d’une association entre un degré élevé d’autonomie et une probabilité plus faible de consommation de substances dans les résultats non ajustés à une association entre un degré élevé d’autonomie et une probabilité plus élevée de consommation de substances dans le modèle ajusté, était inattendu. Les conclusions sont mitigées quant à savoir si l’autonomie et la consommation de substances chez les jeunes sont associées de façon significative en général ou si c’est un degré élevé d’autonomie qui est associé à une plus forte ou à une plus faible consommation de substancesNote de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34. L’impression d’avoir le choix et d’exercer un contrôle sur ses activités relève de la santé mentale positive et favorise une transition saine de l’adolescence à l’âge adulte. Le moment où un adolescent acquière davantage d’autonomie semble être ici d’importance : d’après une étude, ce serait un développement précoce qui serait lié à une consommation accrue de substances chez les jeunesNote de bas de page 34. L’autonomie pourrait cependant constituer un facteur qui pourrait être également mis à profit dans la prévention de la consommation de substances.
Certains efforts de prévention se sont axés sur le soutien à l’autonomie chez les jeunes quant à la prise de décision concernant la consommation de substances. D’après une revue systématique des campagnes médiatiques visant à prévenir la consommation de substances, quatre interventions ont eu des effets bénéfiquesNote de bas de page 35. Deux d’entre elles mettaient l’accent sur le fait de ne pas consommer de drogues comme moyen d’appuyer l’autonomie. Ces deux interventions étaient les campagnes médiatiques « Be Under Your Own Influence » et « Above the Influence » aux États-Unis, qui ont été associées à une moindre consommation de cannabisNote de bas de page 36. Cependant, une autre campagne médiatique ayant mis l’accent sur l’auto-efficacité (« My Anti Drug ») et également mentionnée dans la revue systématique d’Allara et ses collaborateurs a été classée parmi les interventions associées à des effets néfastesNote de bas de page 35. Dans l’ensemble, les éléments de preuve appuyant l’efficacité des campagnes médiatiques visant à prévenir la consommation de drogues sont faiblesNote de bas de page 35. L’association entre autonomie et consommation de substances chez les jeunes semble être nuancée, impliquant des facteurs contextuels et de développement, ce qui nécessite la réalisation d’autres travaux de recherche.
Les résultats présentés dans cet article fournissent un nouvel éclairage sur les associations entre les sentiments d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale et la consommation de substances chez les jeunes, et ce, à partir de l’analyse d’une vaste enquête représentative. Cette information est particulièrement pertinente dans le contexte actuel des changements de politiques en matière d’alcool et de drogues et des tendances de consommation de substances chez les jeunes.
Dans le Rapport de l’administratrice en chef de la santé publique 2018, on a souligné le rôle de la prévention dans la lutte contre la consommation problématique de substances chez les jeunes, notamment l’importance de promouvoir la résilience et les facteurs de protectionNote de bas de page 37. Les approches de prévention axées sur les forces sont au premier plan de nombreuses recommandations, ce qui met l’accent sur la nécessité de mieux comprendre ces facteurs de protection en lien avec la consommation problématique de substances chez les jeunes au CanadaNote de bas de page 12Note de bas de page 38. Les résultats de notre étude confortent le rôle potentiel de la compétence et de l’appartenance sociale comme facteurs de protection contre la consommation de substances. Ces résultats concordent, entre autres, avec la Directive de prévention de la toxicomanie et de réduction des méfaits du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’OntarioNote de bas de page 38, qui fournit, parmi les exemples de facteurs de protection susceptibles de diminuer la probabilité de la consommation de substances et des méfaits connexes, la compétence et des facteurs en lien avec l’appartenance sociale (relations parentales positives, relations avec l’enseignant positives et liens sociaux positifs à l’école).
Une analyse documentaire systématiqueNote de bas de page 39 des programmes de développement des jeunes axés sur les forces qui favorisent le développement positif des habiletés, des attitudes, des relations et de l’identité et qui comprennent des facteurs du type de l’appartenance sociale et de la compétence a récemment été réalisée. Elle a permis d’identifier plusieurs stratégies utilisables par ces programmes pour réduire la consommation de substances : renforcement global des facteurs de protection pour atténuer les facteurs de risque associés à la consommation de substances, renforcement d’un facteur de protection particulier pour réduire un comportement à risque particulier et combinaison de multiples facteurs de protectionNote de bas de page 39. D’autres recherches devront toutefois être menées pour déterminer si l’appartenance sociale et la compétence font réellement partie des stratégies mises en place.
Points forts et limites
Plusieurs limites doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats de notre étude.
Les résultats présentés étant fondés sur l’observation, d’autres travaux de recherche sont nécessaires pour que l’on puisse tirer des conclusions sur le rôle causal de l’autonomie, de la compétence et de l’appartenance sociale dans la prévention de la consommation problématique de substances. Notre étude n’incluant que les scores combinés des trois contextes (à la maison, à l’école et avec les pairs) pour chacune des trois sous-échelles, des travaux de recherche approfondis pourraient s’avérer utiles sur les associations entre consommation de substances et autonomie en fonction des contextes.
La portée de cette étude a été limitée à la consommation de cannabis et d’alcool, en incluant la consommation excessive occasionnelle d’alcool, les autres formes de consommation de substances n’ayant pas été examinées.
Pour gérer les données manquantes, nous avons eu recours à l’analyse des cas complets, méthode conduisant à ce que les analyses soient restreintes aux cas comportant toutes les données requises, ce qui a pu entraîner un biais lié à la perte d’information.
Les analyses ont reposé sur le cycle 2014-2015 de l’ECTADE, plutôt que sur le cycle 2016-2017, en raison de la disponibilité des données au moment du lancement du projet. Toutefois, nos analyses portant sur les associations et non sur la prévalence, nous nous attendons à ce qu’il n’y ait pas de changements notables dans les associations entre variables en fonction des différents cycles de collecte des données. Dans le cadre de travaux de recherche ultérieurs, les chercheurs pourraient vérifier si ces associations évoluent avec le temps.
Les questions relatives à la consommation de substances et à la santé mentale positive reposaient sur l’autodéclaration et ont pu être sujettes à un biais de désirabilité sociale. Le recours au consentement actif a pu aussi avoir introduit un biais dans l’échantillon ou avoir eu une incidence sur les réponses des participantsNote de bas de page 40.
Moins de la moitié des écoles ont participé, ce qui peut également avoir faussé l’échantillon. Comme cette analyse repose sur une enquête transversale, il est impossible de tirer des conclusions en matière de causalité. À notre connaissance, il s’agit tout de même de la première recherche reposant sur un vaste échantillon représentatif de jeunes Canadiens et examinant l’association entre santé mentale positive et consommation de substances, et ce, à l’aide d’une mesure validée dans ce groupe d’âgeNote de bas de page 26.
Conclusion
Ces résultats fournissent des données probantes offrant une meilleure compréhension des associations entre certaines dimensions de la santé mentale positive et la consommation de substances chez les jeunes au Canada. Les résultats de notre étude fournissent des données probantes contextuelles utilisables pour approfondir notre compréhension des facteurs de risque et de protection associés à la consommation de substances, pour orienter les programmes de promotion de la santé et de prévention de la consommation de substances et pour prévenir ou réduire la consommation problématique de substances chez les jeunes.
Remerciements
Les données utilisées dans cette étude ont été tirées de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE) de Santé Canada, qui a été réalisée par le Centre Propel pour l’avancement de la santé des populations de l’Université de Waterloo pour le compte de Santé Canada. Santé Canada n’a ni revu ni approuvé cette étude. Les opinions exprimées ou les conclusions tirées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de Santé Canada ou de l’Agence de la santé publique du Canada.
Nous tenons à remercier Katelyn Godin pour ses commentaires pertinents sur une version antérieure du manuscrit ainsi qu’Adena Pinto et Matthew Hunt pour leur aide à propos des tableaux et de la vérification des données.
Conflits d’intérêts
Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteures et avis
AE et HO ont conçu le projet. AE a effectué les analyses. AE et HO ont interprété les résultats. AE a rédigé le manuscrit et HO a effectué la révision critique de l’article.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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