Épidémiologie de la rhinite allergique au Québec d'après une enquête populationnelle de 2008
M. Canuel, M. Sc.; G. Lebel, M. Sc.
https://doi.org/10.24095/hpcdp.34.2/3.11f
Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs :
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Québec (Québec), Canada
Correspondance : Magalie Canuel, INSPQ, 945, avenue Wolfe, 4e étage, Québec (Québec) G1V 5B3; tél. : 418-650-5115, poste 5224; téléc. : 418-654-3144; courriel : magalie.canuel@inspq.qc.ca
Résumé
Introduction : Notre étude avait pour objectif d'estimer la prévalence des symptômes et du diagnostic médical de la rhinite allergique (RA) chez les personnes âgées de 15 ans et plus au Québec.
Méthodologie : L'Enquête québécoise sur la santé de la population de 2008 a fourni les données de la prévalence des symptômes de RA et de la proportion de RA diagnostiquée par un médecin au cours de la vie. La prévalence des symptômes a été définie comme la proportion d'individus qui, en l'absence de rhume ou de grippe, ont eu des symptômes nasaux et oculaires au cours des 12 mois précédant l'enquête.
Résultats : La prévalence des symptômes de RA a été estimée à 17 %, dont 9 % de personnes n'ayant pas reçu de diagnostic. La RA était moins fréquente chez les répondants de 65 ans et plus (12 %) et elle était plus répandue chez les femmes (19 %) que chez les hommes (15 %). La proportion de RA diagnostiquée par un médecin au cours de la vie a été estimée à 17 %.
Conclusion : La RA est fréquente au Québec. En effet, environ une personne sur six en éprouve les symptômes. Cette maladie est sous-diagnostiquée et sans doute aussi sous-traitée.
Mots-clés : adulte, rhinite allergique, allergie, diagnostic, prévalence, rhino-conjonctivite, symptômes
Introduction
La rhinite allergique (RA) est une maladie consécutive à une exposition à des allergènes qui entraîne une inflammation de la muqueuse nasale, laquelle se traduit par des symptômes nasaux (p. ex. éternuements, nez qui coule ou nez bouché). En raison de leur petite taille, certains allergènes (p. ex. les pollens) pénètrent facilement dans la muqueuse de l'œil, ce qui cause des symptômes oculaires (p. ex. démangeaisons, larmoiements).
Plusieurs allergènes sont associés aux symptômes de RA. La sensibilisation à ces allergènes varie d'une région à l'autre. Dans une étude menée aux États-Unis concernant 53 allergènes, les auteurs ont constaté que, chez les personnes atopiques, les résultats positifs étaient plus fréquents pour les graminées, le pollen des arbres, les acariens et l'herbe à pouxNote de bas de page 1. Une enquête semblable menée chez des personnes fréquentant un centre de traitement pour les allergies à Québec a révélé des résultats différents, selon lesquels les réactions allergiques étaient plus souvent liées à des allergènes dans l'air intérieur (p. ex. chiens, chats et acariens)Note de bas de page 2. Les réactions allergiques à plus d'un allergène sont fréquentesNote de bas de page 1, Note de bas de page 2. Dans l'étude de Calabria et collab.Note de bas de page 1 citée ci-dessus, pour les 53 allergènes analysés, le nombre moyen de résultats positifs par personne variait de 5 pour les répondants de 70 à 79 ans, à 13 pour les répondants de 10 à 19 ans.
La prévalence de la RA est à la hausse dans plusieurs pays, en particulier dans ceux qui affichent des taux faibles ou modérésNote de bas de page 3. Nous n'avons pas trouvé d'études fournissant une estimation de la prévalence de la RA chez les adultes du Québec selon les régions. Cependant, une étude de 1995 a établi à 19 % la prévalence des symptômes de RA à MontréalNote de bas de page 4. Au Québec, les principaux allergènes à l'origine des symptômes de RA sont les pollens. L'Enquête sociale et de santé du Québec de 1998 a permis d'estimer à 10 % la proportion de personnes souffrant de rhume des foins (RA causée par le pollen)Note de bas de page 5.
Notre étude avait pour objectif d'estimer la prévalence des symptômes de RA et la proportion de RA diagnostiquée au sein de la population du Québec âgée de 15 ans et plus.
Méthodologie
L'enquête
L'Enquête québécoise sur la santé de la population (EQSP) de 2008 reposait sur un questionnaire qui visait à recueillir des données dans le cadre du plan national de surveillance. Menée par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), cette enquête portait sur différents aspects de la santé et comprenait 218 questions. Il s'agissait d'un plan d'enquête complexe, et la population cible était constituée de toutes les personnes de 15 ans et plus vivant dans des ménages privés au Québec. La taille de l'échantillon a été fixée en fonction d'une précision acceptable (coefficient de variation inférieur ou égal à 15 %) pour une prévalence faible, soit 2,8 % à l'échelon régional. Le taux de réponse global a été d'environ 58 %. Au total, 38 154 personnes ont répondu au questionnaire téléphonique. Les entrevues ont été effectuées pendant une période de 13 mois (février 2008 à mars 2009) pour tenir compte des variations saisonnières. L'enquête était représentative de 6 326 523 personnes âgées de 15 ans et plus, soit 97 % de la population de ce groupe d'âge (deux régions nordiques ont été exclues)Note de bas de page 6.
Questionnaire
Le tableau 1 présente les questions de l'EQSP sur la RA. Les questions Q2 à Q5 étaient fondées sur le questionnaire validé de l'étude International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC). L'ISAAC est une enquête internationale qui fournit des estimations de la RA chez les enfants à partir des symptômes nasaux (Q2) et oculaires (Q3)Note de bas de page *, Note de bas de page 7. L'EQSP évaluait également les mois pendant lesquels les symptômes étaient survenus (Q4), ainsi que les limitations dans les activités quotidiennes (Q5). Les questions Q6 et Q7, qui ne sont pas tirées de l'ISAAC, fournissaient des renseignements sur les facteurs qui déclenchent les symptômes (pollen, allergènes d'origine animale ou acariens) et sur le diagnostic médical au cours de la vie. Le questionnaire était disponible en français et en anglais et 83 % des répondants de l'échantillon ne parlaient que français à la maisonNote de bas de page 6.
Question | Réponses possibles | |
---|---|---|
Q2 | Au cours des 12 derniers mois, c'est-à-dire la période commençant [date d'il y a 12 mois] et se terminant hier, avez-vous eu des éternuements, le nez qui coule ou le nez bouché alors que vous n'aviez pas de rhume ou de grippe? | Oui / Non (passez à Q7a) / Ne sait pas (passez à Q7a) / Ne répond pas (passez à Q7a) |
Q3 | Au cours des 12 derniers mois, ces problèmes de nez étaient-ils accompagnés de larmoiements (yeux qui coulent) et de démangeaisons (envie de se frotter) aux yeux? | Oui / Non |
Q4 | Pendant lequel ou lesquels des 12 derniers mois avez-vous eu ces problèmes de nez? | Janvier; février; mars; avril; mai; juin; juillet; août; septembre; octobre; novembre; décembre; tous les mois de l'année |
Q5 | Au cours des 12 derniers mois, ces problèmes de nez ont-ils limité vos activités quotidiennes? | Pas du tout / Un peu / Modérément / Beaucoup |
Q6 | Est-ce que les éléments (causes) suivants déclenchent ou augmentent habituellement ces problèmes de nez?
|
Oui / Non |
Q7 | Un médecin vous a-t-il déjà dit que :
|
Oui / Non |
Définitions
La prévalence des symptômes de RA correspond à la proportion de répondants qui ont répondu « oui » à la question Q2 et à la question Q3, c'est-à-dire ceux qui ont déclaré éprouver à la fois des symptômes nasaux (éternuements, nez bouché, nez qui coule) et des symptômes oculaires (démangeaisons, larmoiements) en l'absence de rhume ou de grippe. La prévalence du diagnostic médical de RA correspond aux personnes ayant rapporté un diagnostic médical de RA (Q7a), de rhume des foins (Q7b) ou d'allergie à l'herbe à poux (Q7c) au cours de la vie (voir tableau 1).
Nous avons distingué les proportions de répondants souffrant de symptômes saisonniers (c.-à-d. pendant un à six mois, de façon continue ou non) et de répondants dont les symptômes étaient chroniques (c.-à-d. pendant 7 mois ou plus) en utilisant les réponses à la question Q4.
Analyse statistique
Les données ont été obtenues à partir du portail informationnel de l'Infocentre de santé publique du Québec qui utilise le logiciel statistique SAS, version 9.1 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, É.-U.) et la base de données de l'EQSP 2008. L'Infocentre fournit aux intervenants en santé publique un accès en ligne à des résultats normalisés des indicateurs définis dans le plan de surveillance.
L'ISQ a utilisé la méthode hot deck pour faire l'imputation de l'âge de certains des répondants (3 % de données manquantes), ainsi que d'un modèle de régression linéaire pour faire l'imputation de la catégorie de revenu du ménage manquante (32 % de données manquantes). Tous les pourcentages ont été pondérés de manière à être représentatifs des estimations de la population. Par conséquent, nous n'indiquons pas de taille d'échantillon dans cet article. Les proportions étaient assorties de coefficients de variation de 15 % ou moins, sauf indication contraire. Étant donné que le plan d'échantillonnage était complexe, les poids bootstrap, fournis par l'ISQ, ont été utilisés pour obtenir une estimation non biaisée des proportionsNote de bas de page 8 et pour construire des intervalles de confiance (IC) à 95 % en utilisant les 2,5e et 97,5e percentiles de la distribution des 2000 poids bootstrap. Les poids bootstrap ont également été employé pour comparer deux proportions. La différence entre les deux proportions a d'abord été calculée pour les 2000 poids bootstrap. Ces 2000 différences ont été ensuite ordonnées, puis un IC à 95 % a été construit en utilisant les 2,5e et 97,5e percentiles de la distribution des différences. La différence entre deux proportions a été jugée statistiquement significative si l'IC n'incluait pas la valeur zéro.
Le taux de non-réponse a été estimé comme étant le rapport pondéré entre le nombre de non-répondants et le nombre total de répondants. Les données contenues dans le présent article sont principalement descriptives : aucun ajustement n'a été fait selon l'âge ou le sexe.
Résultats
Prévalence des symptômes de rhinite allergique
En 2008, 17 % de la population du Québec de 15 ans et plus ont eu des symptômes de RA au cours des 12 derniers mois. La prévalence était significativement moindre (12 %) chez les aînés (65 ans et plus) et significativement plus élevée chez les femmes (19 %) que chez les hommes (15 %) pour tous les groupes d'âge (tableau 2).
Caractéristiques | Symptômes de RA au cours des 12 derniers mois | Diagnostic médical de RA au cours de la vie | ||
---|---|---|---|---|
% (IC à 95 %) | Non-réponse (%) | % (IC à 95 %) | Non-réponse (%) | |
Âge (ans)Tableau 2 - Note a | ||||
15 à 24 | 16,1 (14,2 à 18,3) | 0,8 | 17,3 (15,3 à 19,5) | 1,6 |
25 à 44 | 19,6 (18,3 à 20,9) | 0,9 | 20,9 (19,5 à 22,2) | 1,7 |
45 à 64 | 16,8 (15,8 à 17,9) | 0,9 | 16,2 (15,2 à 17,3) | 1,9 |
65 et plus | 11,8 (10,5 à 13,0) | 1,6 | 9,2 (8,1 à 10,4) | 2,5 |
SexeTableau 2 - Note b | ||||
Femmes | 19,1 (18,1 à 20,0) | 0,9 | 18,3 (17,4 à 19,3) | 2,1 |
Hommes | 14,5 (13,5 à 15,5) | 1,1 | 15,3 (14,3 à 16,3) | 1,6 |
Total | 16,8 (16,2 à 17,5) | 1,0 | 16,8 (16,1 à 17,5) | 1,9 |
Abréviations : IC, intervalle de confiance; RA, rhinite allergique.
|
La prévalence des symptômes de RA augmentait significativement selon le niveau de scolarité, allant de 13 % chez les personnes sans diplôme d'études secondaires à 16 % chez celles avec diplôme d'études secondaires, et à 19 % chez celles avec diplôme d'études collégiales ou universitaires (19 % et 20 % respectivement) (tableau 3).
Symptômes de RA au cours des 12 derniers mois | ||
---|---|---|
% (IC à 95 %) | Non-réponse (%) | |
ScolaritéTableau 3 - Note a | ||
Niveau inférieur au diplôme d'études secondaires | 12,8 (11,7 à 13,9) | 1,4 |
Diplôme d'études secondaires | 15,6 (14,4 à 16,8) | 1,1 |
Diplôme d'études collégiales | 19,2 (17,8 à 20,7) | 0,8 |
Diplôme d'études universitaires | 19,8 (18,2 à 21,5) | 0,6 |
Revenu | ||
1er quintile (faible) | 16,4 (14,8 à 18,2) | 1,0 |
2e quintile | 16,0 (14,6 à 17,5) | 1,5 |
3e quintile | 17,6 (16,0 à 19,2) | 0,9 |
4e quintile | 17,0 (15,4 à 18,6) | 0,5 |
5e quintile (élevé) | 18,0 (16,4 à 19,7) | 0,5 |
Total | 16,8 (16,2 à 17,5) | 1,9 |
Abréviations : IC, intervalle de confiance; RA, rhinite allergique.
|
Il n'y avait pas de différence statistiquement significative de la prévalence des symptômes de RA selon les quintiles de revenu (tableau 3).
Autres caractéristiques de la rhinite allergique chez les personnes éprouvant des symptômes
Dans l'enquête, on demandait aux répondants d'identifier les mois pendant lesquels ils avaient éprouvé des symptômes de RA. La proportion de personnes ayant eu des symptômes en été (juin, juillet ou août) était la plus élevée (50 %), suivie de celle ayant éprouvé des symptômes au printemps (mars, avril ou mai, 41 %). La proportion la plus faible (12 %) correspondait à l'hiver (décembre, janvier ou février) (tableau 4).
Distribution de la population ayant eu des symptômes de RA | ||
---|---|---|
% (IC à 95 %) | Non-réponse (%) | |
SaisonTableau 4 - Note a | 6,9 | |
Été (juin, juillet, août) | 49,9 (47,5 à 52,1) | |
Printemps (mars, avril, mai) | 41,3 (39,1 à 43,5) | |
Automne (septembre, octobre, novembre) | 30,2 (28,1 à 32,3) | |
Hiver (décembre, janvier, février) | 12,1 (10,6 à 13,5) | |
Facteurs déclenchantsTableau 4 - Note a | ||
Pollen | 75,5 (73,4 à 77,5) | 6,0 |
Acariens | 55,5 (53,1 à 57,7) | 8,8 |
Allergènes d'origine animale | 40,0 (37,7 à 42,4) | 5,2 |
Nombre de facteurs déclenchantsTableau 4 - Note b,Tableau 4 - Note c | 15,2 | |
1 | 31,0 (28,7 à 33,3) | |
2 | 29,6 (27,5 à 31,8) | |
3 ou plus | 34,7 (32,3 à 37,0) | |
Limitation dans les activités quotidiennesTableau 4 - Note d | 1,3 | |
Pas du tout | 77,2 (75,3 à 79,0) | |
Un peu | 13,6 (12,1 à 15,3) | |
Modérément | 6,3 (5,3 à 7,3) | |
Beaucoup | 2,9 (2,2 à 3,7) | |
DuréeTableau 4 - Note d | 6,9 | |
Saisonnière (1 à 3 mois) | 60,5 (58,3 à 62,6) | |
Saisonnière (4 à 6 mois) | 16,2 (14,7 à 17,9) | |
Annuelle (7 à 12 mois) | 23,3 (21,6 à 25,2) | |
Abréviations : IC, intervalle de confiance; RA, rhinite allergique.
|
L'allergène le plus fréquemment signalé parmi les trois facteurs déclenchant énumérés était le pollen (76 %), suivi des acariens (55 %) et des allergènes d'origine animale (40 %). Plus de 64 % des personnes ont déclaré au moins deux facteurs déclenchant, tandis que 31 % en ont signalé seulement un (tableau 4).
Pour une majorité de personnes souffrant de RA (77 %), les symptômes ne nuisaient pas à leurs activités quotidiennes. Toutefois, 9 % se considéraient comme modérément ou très limités dans leurs activités quotidiennes (tableau 4).
La majorité des personnes souffrant de RA éprouvaient des symptômes saisonniers pendant un à trois mois (61 %) ou 4 à 6 mois (16 %), consécutifs ou non. Pour un peu moins du quart (23 %) des personnes, les symptômes étaient chroniques (7 à 12 mois) (tableau 4).
Prévalence du diagnostic médical de rhinite allergique au cours de la vie
Au Québec, on a estimé que 17 % de la population de 15 ans et plus a reçu, au cours de sa vie, un diagnostic médical de RA. Cette proportion était plus élevée chez les femmes (18 %) que chez les hommes (15 %), et elle était également plus élevée chez les 25 à 44 ans (21 %) et moins élevée chez les 65 ans et plus (9 %) (tableau 2).
Comparaison entre la prévalence des symptômes et celle du diagnostic médical de rhinite allergique
Nous avons constaté que ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui ont eu des symptômes de RA (17 %) et qui ont reçu un diagnostic médical de RA (17 %) (figure 1). Seulement 7 % des répondants à l'étude éprouvaient des symptômes et avaient reçu un diagnostic médical de RA, 9 % des répondants avaient éprouvé des symptômes mais n'avaient pas reçu de diagnostic médical, et 10 % des répondants avaient reçu un diagnostic médical mais n'avaient pas déclaré de symptômes au cours des 12 derniers mois. Si on combine ces proportions, la prévalence réelle de la RA pourrait donc atteindre 26 % (9 % + 7 % + 10 %) (figure 1).
FIGURE 1
Prévalence combinée de la rhinite allergique : personnes ayant éprouvé des symptômes au cours des 12 derniers mois et ayant reçu un diagnostic médical de rhinite allergique au cours de leur vie, Québec, 2008

[FIGURE 1, Texte équivalent]
Maladies chroniques et blessures au Canada - Volume 34, numéro 2-3, juillet 2014
FIGURE 1
Prévalence combinée de la rhinite allergique : personnes ayant éprouvé des symptômes au cours des 12 derniers mois et ayant reçu un diagnostic médical de rhinite allergique au cours de leur vie, Québec, 2008
Nous avons constaté que ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui ont eu des symptômes de RA (17 %) et qui ont reçu un diagnostic médical de RA (17 %). Seulement 7 % des répondants à l’étude éprouvaient des symptômes et avaient reçu un diagnostic médical de RA, 9 % des répondants avaient éprouvé des symptômes mais n’avaient pas reçu de diagnostic médical, et 10 % des répondants avaient reçu un diagnostic médical mais n’avaient pas déclaré de symptômes au cours des 12 derniers mois. Si on combine ces proportions, la prévalence réelle de la RA pourrait donc atteindre 26 % (9 % + 7 % + 10 %).
Abréviation : Dx, diagnostic.
Analyse
L'EQSP de 2008 est l'enquête la plus complète concernant la RA au Québec. Les résultats sont représentatifs de la population de 15 ans et plus de la province. Toutefois, l'enquête n'englobait pas les personnes vivant dans un établissement de santé, qui sont généralement en moins bonne santé. Il pourrait en résulter une sous-estimation de la prévalence de certaines maladies. Néanmoins, rien n'indique que la prévalence de la RA serait supérieure au sein de la population exclue.
Les taux de non-réponse à la plupart des questions étaient inférieurs à 5 %. Dans cette situation, le risque de biais est jugé faible. Le taux de non-réponse était supérieur pour les questions concernant les mois de survenue des symptômes (saison et durée) et les facteurs déclenchants. Le fait de ne pas répondre à une question concernant le mois de survenue de la RA pourrait être attribuable à un biais de mémoire, étant donné que le répondant devait se rappeler ses symptômes au cours des 12 derniers mois. En ce qui concerne les facteurs déclenchants, incluant le nombre d'allergènes, il se pourrait que les non-répondants ne les connaissent pas. Ce phénomène pourrait s'expliquer par le fait qu'une forte proportion de répondants n'avait pas reçu de diagnostic médical et que c'est souvent au cours des tests cliniques consécutifs au diagnostic médical que sont identifiés les facteurs déclenchants.
Même si la prévalence des symptômes et celle du diagnostic médical au cours de la vie étaient semblables (17 %), notre analyse révèle que seulement 7 % des personnes ayant eu des symptômes de RA avaient déjà reçu un diagnostic médical de RA. La proportion de RA non diagnostiquée a été estimée à 56 % parmi les personnes avec des symptômes, ce qui équivaut à 9 % de personnes non diagnostiquées dans notre population à l'étude (15 ans et plus). Cette situation s'explique en partie par le fait qu'on peut facilement se procurer des médicaments en vente libre pour traiter les symptômes de RA et obtenir des conseils de son pharmacien à ce sujet.
Environ 10 % des personnes de 15 ans et plus n'avaient pas éprouvé de symptômes au cours des 12 derniers mois, mais avaient reçu un diagnostic médical de RA. Cette absence de symptômes pourrait être due au fait que leur médecin leur ait conseillé des mesures de prévention et de protection, notamment une réduction de l'exposition aux allergènes, ou au fait qu'ils aient été sous traitement (p. ex. glucocorticostéroïdes intranasaux, immunothérapie)Note de bas de page 9.
La mesure de la proportion de personnes ayant reçu un diagnostic de RA constitue une sous-estimation de la prévalence véritable de la RA, dans la mesure où 9 % des répondants avaient éprouvé des symptômes sans jamais avoir reçu de diagnostic positif. La mesure de la prévalence des symptômes constitue également une sous-estimation de la prévalence véritable de la RA, étant donné que 10 % de la population étudiée avait reçu un diagnostic, mais n'avait pas déclaré de symptômes. La combinaison de ces deux proportions pourrait fournir un portrait plus exact de la RA au Québec. Comme la proportion de RA diagnostiquée par un médecin était de 17 % dans notre population, la prévalence réelle de la RA pourrait donc atteindre 26 % si l'on inclut les personnes avec des symptômes mais sans diagnostic médical. Cette proportion se rapproche des résultats d'une enquête effectuée dans cinq pays européensNote de bas de page 10 combinant la RA auto-rapportée et des tests cliniques, qui l'estimait entre 17 % et 29 % (selon le pays). Toutefois, certaines affections non allergiques, par exemple des infections, un déséquilibre hormonal ou une exposition à des agents physiques, peuvent causer des symptômes oculaires et nasaux semblablesNote de bas de page 9, ce qui donne à penser que la prévalence de RA, symptomatique ou non, n'atteint probablement pas 26 %.
D'après nos résultats, la prévalence des symptômes de RA augmente avec le niveau de scolarité. La raison de ce phénomène est inconnue. Au Canada, le revenu est associé au niveau de scolaritéNote de bas de page 11, mais la prévalence des symptômes de RA ne varie pas de façon significative en fonction du revenu. La plupart des études tiennent compte du statut socio-économique et l'une d'entre elles, menée aux États-Unis en 1978, a permis d'observer une prévalence d'allergies plus faible chez les personnes moins scolariséesNote de bas de page 12. Une mauvaise compréhension des questions n'est sans doute pas la raison d'erreurs de la part des répondants, étant donné que nos questions étaient basées sur les versions française et anglaise du questionnaire de l'ISAAC à l'intention des enfants et que les répondants étaient âgés de 15 ans et plus.
Bien que la plupart des études aient révélé une prévalence de RA supérieure chez les enfants et les jeunes (répondants de 16 à 24 ans)Note de bas de page 13, d'autres études ont conclu à une prévalence supérieure chez les groupes plus âgésNote de bas de page 1,Note de bas de page 14, résultat qui coïncide avec nos observation touchant le groupe des 25 à 44 ans.
Le pollen (76 %) était l'allergène le plus souvent signalé à titre de facteur déclenchant les symptômes chez les répondants. De même, SchatzNote de bas de page 15 a constaté que le pollen était le facteur déclenchant chez 78 % des répondants ayant reçu un diagnostic médical de RA aux États-Unis. Dans notre étude, 64 % des personnes ayant éprouvé des symptômes de RA signalaient plus d'un facteur déclenchant, ce qui correspond aux résultats d'une autre étude menée au Québec, dans laquelle 53 % des répondants souffrant d'allergies avaient eu des réactions cutanées à plus d'un allergèneNote de bas de page 2.
Nous avons relevé que la proportion de personnes qui ont été limitées dans leurs activités quotidiennes par leurs symptômes de RA (23 %) était similaire à celle estimée dans une étude américaine (15 % à 25 %)Note de bas de page 16, laquelle avait également permis de constater que 38 % des répondants souffrant de RA ne pouvaient tolérer leurs symptômes sans avoir recours à des médicamentsNote de bas de page 16. Selon SchatzNote de bas de page 15, la moitié des répondants ayant reçu un diagnostic de RA ne pouvaient pas contrôler leurs symptômes, alors que la plupart prenaient pourtant au moins deux médicaments différents. Au Québec, le coût associé à la RA associée à l'herbe à poux a été estimé à 156 millions de dollars, dont 33 millions pour des médicamentsNote de bas de page 17.
Conclusion
La RA est fréquente au Québec : elle touche au moins 17 % de la population de 15 ans et plus. Cette maladie est sous-diagnostiquée et sans doute sous-traitée, étant donné que 16 % des personnes qui ont eu des sympômes avaient souffert de ces symptômes sur une période de 4 à 6 mois. Il s'agit de la première enquête portant sur la prévalence de la RA au Québec, et nos résultats se distinguent de ceux des autres enquêtes menées au Québec, qui portaient principalement sur le rhume des foins. La combinaison de la prévalence des symptômes et de celle du diagnostic médical de RA au cours de la vie estimées dans cette étude devrait servir de référence pour toute étude à venir portant sur la même population.
Remerciements
Les auteurs remercient Marc-André Dubé et Suzanne Gingras de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour les analyses statistiques et pour leur soutien. Ils remercient également toutes les personnes ayant travaillé à l'EQSP qui ont contribué à ce projet.
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- Note de bas de page 14
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>Nathan RA, Meltzer EO, Derebery J et collab. The prevalence of nasal symptoms attributed to allergies in the United States: findings from the burden of rhinitis in an America survey. Allergy Asthma Proc. 2008;29:600-8.
- Note de bas de page 15
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Schatz M. A survey of the burden of allergic rhinitis in the USA. Allergy. 2007;62 Suppl 85:9-16.
- Note de bas de page 16
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Allergies in America: a landmark survey of nasal allergy sufferers: adults – executive summary. PDF (4,16 Mo) Mississauga (Ont.) : Nycomed; 2006.
- Note de bas de page 17
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Tardif I. Portrait des coûts de santé associés à l'allergie au pollen de l'herbe à poux. Montérégie (Québec) : Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie; 2008.
- Note de bas de page *
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L' ISAAC inclut les symptômes oculaires dans l'évaluation de la RA.