ARCHIVÉ - Maladies chroniques au Canada
Volume 30, no 1, décembre 2009
Maladies chroniques au Canada
Analyse sociodémographique et géographique d’embonpoint et d’obésité chez les adultes canadiens, qui repose sur l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005
J. Slater, Ph. D. (1); C. Green, Ph. D. (4) ; G. Sevenhuysen, Ph. D. (1); J. O’Neil, Ph. D. (2); B. Edginton, Ph. D. (3)
https://doi.org/10.24095/hpcdp.30.1.03f
Coordonnées des auteurs
- Department of Human Nutritional Sciences, Université de Manitoba
- Faculty of Health Sciences, Simon Fraser University
- Department of Sociology, Université de Winnipeg
- Department of Community Health Sciences, Université de Manitoba
Correspondance : Joyce Slater, Department of Human Nutritional Sciences, Université de Manitoba, Winnipeg, Manitoba, R3T 2N2; Tél. : 204-977-5678; Téléc. : 204-789-3905; Courriel : jslater@mts.net
Résumé
La présente étude, qui repose sur l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005, porte sur la répartition des cas d’embonpoint et d’obésité chez les adultes canadiens parmi les groupes sociodémographiques et géographiques. Les taux de prévalence d’embonpoint et d’obésité ont été calculés en fonction de certains indicateurs sociodémographiques établis à l’aide du modèle de régression de Poisson et ils ont été répartis géographiquement à l’aide de cartes choroplèthes. Le coefficient de Gini a été utilisé pour déterminer la répartition de la prévalence parmi les groupes à risque. Les conséquences possibles des stratégies de prévention axées sur la population à risque élevé par rapport aux stratégies axées sur la population générale sur la prévalence de l’obésité ont aussi été examinées. Parmi les adultes âgées de 25 à 64 ans, 17 % étaient obèses et 53 % faisaient de l’embonpoint ou étaient obèses, les taux les plus élevés ayant été observés chez les groupes d’âge plus vieux ainsi que chez les personnes qui ne font pas d’activité physique, qui sont de race blanche, qui ont le statut de non-immigrant, qui ont un faible niveau de scolarité et qui vivent dans les régions des Prairies et de la côte est. En recalculant les taux d’obésité selon différents scénarios de prévention, nous avons constaté que les stratégies axées sur la population générale pouvaient permettre de réduire quatre fois plus les cas d’obésité que les stratégies axées sur la population à risque élevé, ce qui montre la nécessité d’adopter des stratégies axées sur une plus vaste population pour prévenir l’obésité au Canada.
Mots clés : obésité, prévalence, prévention, politique, population, géographique
Introduction
L’embonpoint et l’obésité constituent toujours des problèmes de santé publique importants au Canada1,2a. Les études menées au cours des dernières décennies montrent que l’indice de masse corporelle (IMC) des adultes et des enfants a augmenté considérablement3a,4. Cette augmentation s’est produite en dépit des nombreuses stratégies mises en œuvre pour régler les problèmes croissants de poids qui ont été observés5a,6a. Cette tendance à la hausse a nécessité une réévaluation des stratégies en vigueur pour mieux comprendre le phénomène de l’embonpoint et de l’obésité au sein de la population. À ce jour, les interventions dans le domaine de la santé publique ont été principalement axées sur les personnes à risque élevé et sur la promotion de « modes de vie sains » visant à susciter un changement de comportement individuel5b,6b,7. En raison de l’augmentation inquiétante du poids corporel de la population au cours des dernières décennies, il convenait d’examiner de nouveau la répartition des cas d’embonpoint et d’obésité au sein de la population. La présente étude porte donc sur la façon dont les cas d’embonpoint et d’obésité sont répartis chez les adultes canadiens parmi les groupes sociodémographiques et géographiques. Les résultats de l’étude fourniront aux planificateurs des programmes et des politiques de santé publique de précieux renseignements qu’ils pourront utiliser pour élaborer des interventions stratégiques efficaces visant à réduire la prévalence de l’embonpoint et de l’obésité au sein de la population.
Méthodes
Sources de données
La présente analyse repose sur des données tirées du fichier de microdonnées à grande diffusion (FMGD) de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2005 (cycle 3.1) obtenues dans le cadre de l’Initiative de démocratisation des données8 mise en œuvre à l’Université du Manitoba. La méthodologie de l’Enquête est décrite de façon détaillée dans un autre document9a. Les IMC ont été calculés à partir de la taille et du poids autodéclarés. Même si l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 comporte un sous-échantillon de cas pour lesquels la taille et le poids avaient été mesurés, celui-ci était trop petit pour permettre le recours au modèle prédictif et à l’analyse géographique utilisés dans le cadre de la présente étude. Cette dernière porte uniquement sur des adultes âgés de 25 à 64 ans : la variable « études secondaires » utilisée pour modéliser les taux d’embonpoint/obésité n’est significative que chez les adultes de 25 ans et plus et la mesure de l’IMC n’est valide que chez les adultes de moins de 65 ans.
Les cartes géographiques ont été établies à l’aide d’un fichier de cartes électroniques (en format « shape file ») importé du site Web de Statistique Canada10. Comme les régions sociosanitaires prises en considération dans le FMGD ont été réduites de 122 à 101 pour protéger la confidentialité des données, le fichier des régions sociosanitaires en format « shape file » a été modifié de la même façon afin d’en arriver à seulement 101 polygones. Cette opération a été effectuée à l’aide du programme ArcGIS 9.111a.
Préparation et analyse des données
Les données de l’ESCC ont été importées à l’aide de la version 9 du logiciel STATA12 et un programme a été élaboré pour extraire les fichiers des personnes âgées de 25 à 64 ans et pour coder les variables de l’enquête en variables nominales nécessaires à l’étude. Les personnes dont l’IMC était supérieur ou égal à 30 ont été classées dans la catégorie « Obèses », tandis que les personnes dont l’IMC était supérieur ou égal à 25 ont été classées dans la catégorie « En surpoids/obèses ».
Tous les calculs statistiques ont été faits à l’aide de la version 9 de STATA12a et du module d’analyse des données de l’Enquête, laquelle utilisait les poids indiqués dans l’ESCC pour déterminer les paramètres estimés exacts pour les statistiques calculées. Comme l’ESCC est fondée sur un plan d’échantillonnage complexe, l’écart-type requis pour évaluer la signification statistique ne pouvait pas être estimé correctement à l’aide des techniques statistiques normalisées qui ne font pas appel à un plan d’échantillonnage complexe9b. Pour déterminer avec exactitude l’écart-type associé aux statistiques, il fallait connaître les détails du plan d’enquête, notamment les identificateurs de strate et d’unité primaire d’échantillonnage. Les conséquences d’un plan d’enquête complexe sur les écarts estimés sont appelées « effet du plan d’enquête », ce qui correspond au rapport entre le véritable écart associé à l’enquête et un écart estimé comparable établi à partir d’un échantillon aléatoire simple de la population13a. Statistique Canada suggère d’utiliser la méthode de rééchantillonnage bootstrap pour calculer les écarts-types exacts pour l’ESCC qui tiennent compte de l’effet du plan d’enquête. Cependant, la méthode bootstrap ne peut pas être utilisée avec le FMGD et ne permet pas d’utiliser deux des routines statistiques utilisées dans le cadre de la présente étude (modèle de régression de Poisson et coefficient de Gini).
Une méthode approximative13b a été utilisée pour tenir compte de l’effet du plan d’enquête dans le calcul des intervalles de confiance estimés de 95 % pour toutes les routines statistiques utilisées dans le cadre de l’étude. Premièrement, le facteur « plan d’enquête » a été déterminé en prenant la racine carrée de l’effet du plan d’enquête moyen pour l’ESCC de 2005, qui est de 2,519c. L’écart réduit (z) utilisé pour calculer les intervalles de confiance de 95 % a ensuite été rééchelonné en fonction de l’effet du plan d’enquête (z = 1,96*√2,51 = 3,10). Pour simplifier ce calcul avec STATA, les intervalles de confiance ont été établis à 0,998, ce qui équivaut sur le plan fonctionnel à utiliser un écart réduit de 3,10.
Pour décrire la répartition démographique et géographique de l’embonpoint et de l’obésité, des taux ont été calculés selon l’âge, le sexe et la région géographique, puis ils ont été normalisés le cas échéant en fonction de l’âge et/ou du sexe en utilisant la population de l’échantillon de l’ESCC de 2005 comme population-type. Des modèles géographiques ont été visualisés grâce à la production de cartes choroplèthes, et les taux d’embonpoint et d’obésité ont été classés en quintiles à l’aide de l’algorithme de séparations naturelles de Jenk présenté dans ArcGIS 9.111b. Pour définir les caractéristiques de la population associées à l’embonpoint et à l’obésité, nous avons utilisé l’analyse de régression de Poisson, ce qui nous a permis d’établir des rapports de taux, plus faciles à interpréter que les anciens ratios générés avec le modèle de régression logistique14,15. Les variables prédictives du modèle comprenaient le groupe d’âge, le sexe, le niveau de scolarité, la consommation de fruits et légumes, le niveau d’activité physique, le statut d’immigrant, le statut de minorité visible, le revenu du ménage et la sécurité alimentaire.
La signification de la variabilité des taux d’embonpoint et d’obésité sur la santé publique selon le statut d’immigrant, le niveau de scolarité, le revenu et la région géographique a été évaluée à l’aide du coefficient de Gini16a, une mesure de l’inégalité allant de 0 (égalité absolue dans les taux) à 1 (inégalité absolue dans les taux). Le coefficient de Gini a été utilisé précédemment pour examiner la variabilité géographique de la mortalité infantile16b, des infections transmissibles sexuellement17 et de la campylobactériose18. Le coefficient de Gini est calculé en classant par ordre les catégories de risque de la plus faible à la plus élevée selon le taux de cas, en calculant une courbe de Lorenz, soit une représentation de la proportion cumulative de la population (axe x) par rapport à la proportion cumulative de cas dans chaque catégorie de risque (axe y), puis en calculant la zone entre l’axe de l’égalité et la courbe de Lorenz en tant que pourcentage de la zone totale sous l’axe de l’égalité (voir les figures 2a et 2b). Plus grand est le pourcentage de cas concentrés dans un petit nombre de catégories de risque (réparties de façon non proportionnelle par rapport à la population à risque), plus grande sera la déviation de la courbe de Lorenz vers le bas par rapport à l’axe de l’égalité et plus élevé sera le coefficient de Gini. Un coefficient de Gini élevé indique que la majorité des cas se trouvent dans une petite proportion de la population et qu’une intervention de santé publique devrait être axée uniquement sur les facteurs affectant cette population à risque élevé pour réussir à traiter ou à prévenir la majorité de ces cas. En revanche, un faible coefficient de Gini indique que les cas sont répartis de façon relativement égale parmi tous les groupes de population (même si certains petits groupes affichent des taux très élevés) et qu’une intervention de santé publique axée sur ces petits groupes à risque élevé permettrait de traiter ou de prévenir seulement un très petit pourcentage du nombre total de cas. Dans le cadre de la présente étude, les coefficients de Gini et les intervalles de confiance connexes ont été calculés à l’aide du programme Ineqerr de Stata12b et des courbes de Lorenz correspondantes établies avec EpiDat, version 3.119. Des coefficients de Gini ont été calculés pour les régions géographiques (régions sociosanitaires), l’immigration, le niveau de scolarité et le revenu pour l’obésité et l’embonpoint/obésité.
Pour comprendre comment le succès des stratégies de prévention axées sur la population à risque élevé par rapport aux stratégies axées sur la population générale peut être freiné ou activé selon la distribution statistique (coefficient de Gini) des cas d’obésité dans la population, deux scénarios de prévention axés sur la population à risque élevé et deux scénarios axés sur la population générale ont été élaborés et leurs conséquences possibles sur la prévalence de l’obésité au sein de la population ont été mesurées. Des scénarios de prévention ont été élaborés pour l’obésité chez les adultes (des deux sexes) dans les régions sociosanitaires et pour l’obésité chez les femmes adultes selon les quintiles de revenu. Les scénarios de prévention axés sur la population à risque élevé avaient pour hypothèse que les interventions de santé publique permettraient de prévenir 50 % des cas d’obésité dans les 10 % de la population affichant le risque d’obésité le plus élevé, le nombre de cas prévenus étant déterminé directement par la représentation de la courbe de Lorenz. Les scénarios de prévention axés sur la population générale avaient pour hypothèse que la prévalence de l’obésité parmi tous les groupes de population pouvait être réduite au même niveau que le taux enregistré chez les groupes ayant obtenu les meilleurs résultats ou affichant le plus faible risque de l’étude. Dans le cadre de l’analyse selon les régions sociosanitaires, les taux d’obésité propres à certains âges dans les trois régions sociosanitaires affichant les taux les plus faibles (représentant 11 % de la population à l’étude) ont été appliqués à la totalité de la population à l’étude; dans le cadre de l’analyse des taux d’obésité chez les femmes selon le revenu, les taux d’obésité propres à certains âges du quintile affichant le taux le plus faible (revenu du ménage > 80 000 $; 35 % de la population) ont été appliqués à la totalité de la population à l’étude. Pour tous les scénarios, le nombre de cas d’obésité prévenus et le pourcentage de réduction de la prévalence de l’obésité ont été calculés.
Résultats
En 2005, presque trois millions (17,31 %) d’adultes canadiens âgés de 25 à 64 ans étaient obèses, tandis que près de neuf millions d’adultes canadiens (52,74 %) étaient en surpoids/obèses (tableau 1). Les taux d’obésité et d’embonpoint/obésité les plus élevés ont été observés chez les hommes et augmentaient considérablement avec l’âge chez la population des deux sexes.
L’analyse de régression de Poisson a révélé que les taux d’obésité et d’embonpoint/obésité étaient définis dans une large mesure par les caractéristiques démographiques de la population à l’étude. Cette corrélation était plus prononcée pour l’obésité que pour l’embonpoint/obésité ainsi que pour les femmes comparativement aux hommes. Les tableaux 2a et 2b montrent les résultats de l’analyse de régression de Poisson sous forme de rapports de taux. Un rapport de taux (RT) correspond au ratio du taux de prévalence dans la catégorie d’intérêt par rapport au taux de prévalence dans la catégorie de référence ou de comparaison. Comme le montre le tableau 2a, les taux d’obésité étaient 1,52 fois plus élevés chez les femmes du groupe d’âge le plus vieux (de 55 à 64 ans) que chez les femmes du groupe d’âge le plus jeune (de 25 à 34 ans) et ils étaient 2,01 fois plus élevés dans le groupe des personnes faisant le moins d’activité physique que dans celui de celles qui en faisaient le plus. De la même façon, comparativement à la catégorie de référence, des taux considérablement plus élevés d’obésité ont été observés chez les femmes de race blanche (RT = 1,35), qui n’étaient pas des immigrantes (RT = 1,98), qui n’avaient pas de diplôme d’études secondaires (RT = 1,69), dont le revenu annuel du ménage était inférieur à 15 000 $ (RT = 1,95) et dont le niveau d’insécurité alimentaire était modéré (RT = 1,99). Chez les hommes, on a observé que les taux d’obésité variaient considérablement et étaient similaires à ceux des femmes, mais uniquement pour ce qui est de l’âge (RT = 1,43), du niveau d’activité physique (RT = 1,48), du statut de non-immigrant (RT = 2,09) et du fait d’être de race blanche (RT = 1,53). Pour les deux sexes combinés, des rapports de taux significatifs ont été observés pour l’âge, le sexe, l’activité physique, le statut de non-immigrant et de race blanche, le niveau de scolarité, le revenu du ménage et la sécurité alimentaire. Paradoxalement, la relation entre l’obésité et le niveau de scolarité ne variait pas de façon linéaire, des taux d’obésité plus élevés (RT = 1,32) ayant été observés chez les personnes ayant fait certaines études post-secondaires que chez les participants ayant fait seulement des études secondaires. Des tendances semblables, quoique moins marquées, ont été observées dans les cas d’embonpoint/obésité (tableau 2b).
OBÈSES | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Femmes | Hommes | Deux sexes | ||||
Groupe d’âge | Cas | Cas/100 (95 % IC) |
Cas | Cas/100 (95 % IC) |
Cas | Cas/100 (95 % IC) |
25-34 | 242 903 | 12,81 (11,45, 14,18) |
312 594 | 15,42 (13,81, 17,02) |
555 497 | 14,16 (13,10, 15,22) |
35-44 | 329 047 | 13,83 (12,32, 15,34) |
453 461 | 17,76 (16,11, 19,41) |
782 508 | 15,86 (14,74, 16,99) |
45-54 | 410 160 | 17,55 (15,64, 19,46) |
474 471 | 20,36 (18,20, 22,52) |
884 630 | 18,95 (17,51, 20,40) |
55-64 | 333 358 | 19,42 (17,74, 21,10) |
388 590 | 21,98 (19,88, 24,08) |
721 948 | 20,72 (19,37, 22,07) |
Tous âges | 1 315 467 | 15,79 (14,96, 16,63) |
1 629 116 | 18,77 (17,82, 19,72) |
2 944 583 | 17,31 (16,68, 17,95) |
EN SURPOIDS ET OBÈSES | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Femmes | Hommes | Deux sexes | ||||
Groupe d’âge | Cas | Cas/100 (95 % IC) |
Cas | Cas/100 (95 % IC) |
Cas | Cas/100 (95 % IC) |
25-34 | 637 572 | 33,63 (31,57, 35,68) |
1 090 256 | 53,78 (51,51, 56,05) |
1 727 828 | 44,05 (42,47, 45,62) |
35-44 | 922 299 | 38,76 (36,53, 40,98) |
1 585 951 | 62,11 (58,95, 64,27) |
2 508 250 | 50,85 (49,26, 52,44) |
45-54 | 1 080 994 | 46,25 (43,61, 48,89) |
1 511 101 | 64,83 (62,21, 67,45) |
2 592 095 | 55,53 (53,63, 57,44) |
55-64 | 955 247 | 55,65 (53,37, 57,93) |
1 187 170 | 67,10 (64,68, 69,63) |
2 142 417 | 61,50 (59,80, 63,19) |
Tous âges | 3 596 112 | 43,17 (41,98, 44,36) |
5 374 478 | 61,92 (60,72, 63,13) |
8 970 590 | 52,74 (51,88, 53,61) |
* IMC ≥ 30
† IMC ≥ 25
Abréviations : IMC, indice de masse corporelle; IC, intervale de confiance
Les taux d’obésité (figure 1a) varient selon la région sociosanitaire, le plus faible étant de 8,90 % et le plus élevé, de 32,24 %. Les taux d’obésité les plus élevés ont été observés en Saskatchewan, dans le centre-sud du Manitoba et sur la côte est (Terre-Neuve-et-Labrador et Nouveau-Brunswick), tandis que les taux les plus faibles ont été observés dans le sud de la Colombie-Britannique, dans le centre de l’Alberta, dans le sud de l’Ontario et au Québec. Les grands centres urbains de Vancouver et de la région du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, de Calgary, d’Ottawa, de Montréal et de Toronto font partie des régions affichant les taux les plus bas. Des profils géographiques similaires ont été observés pour les taux d’embonpoint/obésité (figure 1b), le taux le plus faible étant de 36,28 % et le taux le plus élevé, de 71,11 %.
Même si on a constaté que les taux d’obésité et d’embonpoint/obésité variaient considérablement selon le statut d’immigrant, le niveau de scolarité, le revenu et la région géographique, les très faibles valeurs du coefficient de Gini observées (tableau 3) donnent à penser que, pour l’ensemble de la population, le nombre cumulatif de cas d’obésité et d’embonpoint sont répartis de façon relativement égale par rapport à la population cumulative dans chaque catégorie de risque. Dans le cadre de l’étude, les coefficients de Gini les plus élevés ont été observés pour le taux d’obésité selon la région géographique (0,153-0,169) et le taux d’obésité chez les femmes selon le revenu (0,129), mais ces valeurs se rapprochent davantage du 0 (égalité absolue) que du 1 (inégalité absolue). Les courbes de Lorenz (figures 2a et 2b) montrent que, dans le cas des régions géographiques (pour les deux sexes), avec un coefficient de Gini de 0,153, seulement 18 % des cas d’obésité se trouvent dans les 10 % de la population qui, selon la région géographique, affiche le taux le plus élevé de risque d’obésité; dans le cas du revenu, avec un coefficient de Gini de 0,129, seulement 13 % des cas d’obésité se trouvent dans les 10 % de la population qui, selon le revenu, affiche le risque d’obésité le plus élevé.
Femmes | Hommes | Deux sexes | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Prédicteur | RT (95 % IC) |
Cas | RT (95 % IC) |
Cas | RT (95 % IC) |
Cas |
Groupe d’âge† | ||||||
25-34‡ | 1,00 | 242 903 | 1,00 | 312 549 | 1,00 | 555 497 |
35-44 | 1,08 (0,93, 1,26) |
329 047 | 1,15 (1,10, 1,32)§ |
453 461 | 1,12 (1,04, 1,24)§ |
782 508 |
45-54 | 1,37 (1,17, 1,60)§ |
410 160 | 1,32 (1,14, 1,53)§ |
474 471 | 1,34 (1,20, 1,49)§ |
884 630 |
55-64 | 1,52 (1,32, 1,74)§ |
333 358 | 1,43 (1,24, 1,64)§ |
388 590 | 1,46 (1,32, 1,62)§ |
721 948 |
Sexe|| | ||||||
Homme‡ | – | – | – | – | 1,00 | 1 629 116 |
Femme | – | – | – | – | 0,84 (0,78, 0,91)§ |
1 315 467 |
Fruits et légumes||,# | ||||||
< 5x/jour | 1,15 (0,78, 1,69) |
423 385 | 1,22 (0,78, 1,91) |
667 688 | 1,19 (0,88, 1,59) |
1 091 073 |
5-10x/jour | 1,02 (0,69, 1,52) |
317 615 | 0,98 (0,62, 1,55) |
246 134 | 1,00 (0,74, 1,35) |
563 749 |
> 10x/jour‡ | 1,00 | 29 008 | 1,00 | 20 571 | 1,00 | 49 579 |
Activité physique||,# | ||||||
Actif‡ | 1,00 | 181 269 | 1,00 | 303 724 | 1,00 | 484 992 |
Moyennement actif | 1,39 (1,16, 1,66)§ |
300 577 | 1,23 (1,05, 1,45)§ |
383 320 | 1,29 (1,14, 1,45)§ |
683 896 |
Inactif | 2,01 (1,72, 2,36)§ |
823 720 | 1,48 (1,29, 1,70)§ |
916 999 | 1,68 (1,52, 1,87)§ |
1 740 719 |
Immigration||,# | ||||||
≤ 9 ans‡ | 1,00 | 39 324 | 1,00 | 48 298 | 1,00 | |
≥ 10 ans | 1,47 (0,90, 2,41) |
173 104 | 1,29 (0,75, 2,21) |
179 361 | 1,37 (0,95, 1,99) |
87 622 |
Non-immigrant | 1,98 (1,24, 3,15)§ |
1 103 039 | 2,09 (1,26, 3,47)§ |
1 401 458 | 2,04 (1,44, 2,89)§ |
352 465 |
Culture/Race||,# | ||||||
Minorité visible‡ | 1,00 | 160 140 | 1,00 | 180 998 | 1,00 | 341 138 |
Blanc | 1,35 (1,12, 1,64)§ |
1 138 427 | 1,53 (1,25, 3,47)§ |
1 410 287 | 1,45 (1,26, 1,66)§ |
2 548 713 |
Études||,# | ||||||
< Dipl. études sec. | 1,69 (1,44, 1,99)§ |
108 941 | 1,15 (0,96, 1,38) |
85 064 | 1,40 (1,24, 1,58)§ |
194 005 |
Dipl. études sec. | 1,42 (1,21, 1,66)§ |
154 345 | 1,18 (1,02, 1,37)§ |
166 622 | 1,29 (1,15, 1,43)§ |
320 967 |
Certaines ét. sec. | 1,53 (1,25, 1,87)§ |
90 428 | 1,15 (0,93, 1,43) |
88 776 | 1,32 (1,14, 1,52)§ |
179 204 |
Études post-sec.‡ | 1,00 | 883 344 | 1,00 | 1 132 957 | 1,00 | 2 016 301 |
Revenu du ménage||,# | ||||||
< 15 000 $ | 1,95 (1,59, 2,39)§ |
89 606 | 0,92 (0,73, 1,15) |
51 960 | 1,33 (1,15, 1,54)§ |
141 566 |
15-29 999 $ | 1,72 (1,44, 2,06)§ |
158 826 | 0,98 (0,82, 1,17) |
106 427 | 1,27 (1,13, 1,44)§ |
265 253 |
30-49 999 $ | 1,69 (1,42, 2,00)§ |
288 184 | 0,97 (0,84, 1,12) |
248 683 | 1,23 (1,11, 1,37)§ |
536 866 |
50-79 999 $ | 1,39 (1,18, 1,64)§ |
337 446 | 1,10 (0,97, 1,25) |
457 773 | 1,20 (1,08, 1,32)§ |
795 219 |
≥ 80 000 $‡ | 1,00 | 301 465 | 1,00 | 597 414 | 1,00 | 898 879 |
Sécurité alimentaire||,# | ||||||
Sécurité‡ | 1,00 | 972 905 | 1,00 | 1 286 838 | 1,00 | 2 259 743 |
Insécurité-sans faim | 1,76 (1,40, 2,22)§ |
67 940 | 0,98 (0,70, 1,38) |
33 550 | 1,39 (1,15, 1,69)§ |
101 490 |
Insécurité-modérée | 1,99 (1,52, 2,60)§ |
40 183 | 1,00 (0,68, 1,48) |
15 296 | 1,56 (1,24, 1,95)§ |
55 479 |
Insécurité-grave | 1,73 (0,90, 3,33) |
7 858 | 1,11 (0,57, 2,15) |
6 312 | 1,39 (0,88, 2,19) |
14 170 |
* IMC ≥ 30
† ajusté en fonction du sexe pour la catégorie « Deux sexes » seulement
‡ groupe de référence
|| ajusté en fonction de l’âge
# ajusté en fonction de l’âge et du sexe pour la catégorie « Deux sexes » seulement
§ significatif à p < 0,002
Abréviations : IMC, indice de masse corporelle; IC, intervalle de confiance; RT, rapport de taux
Femmes | Hommes | Deux sexes | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Prédicteur | RT (95 % IC) |
Cas | RT (95 % IC) |
Cas | RT (95 % IC) |
Cas |
Groupe d’âge† | ||||||
25-34‡ | 1,00 | 637 572 | 1,00 | 1 090 256 | 1,00 | 1 727 828 |
35-44 | 1,15 (1,06, 1,25)§ |
922 299 | 1,15 (1,09, 1,22)§ |
1 585 951 | 1,15 (1,10, 1,21)§ |
2 508 250 |
45-54 | 1,38 (1,27, 1,50)§ |
1 080 994 | 1,21 (1,14, 1,28)§ |
1 511 101 | 1,26 (1,20, 1,32)§ |
2 592 095 |
55-64 | 1,65 (1,54, 1,78)§ |
955 247 | 1,25 (1,18, 1,32)§ |
1 187 170 | 1,39 (1,33, 1,46)§ |
2 142 417 |
Sexe|| | ||||||
Homme‡ | – | – | – | – | 1,00 | 5 374 478 |
Femme | – | – | – | – | 0,70 (0,67, 0,72)§ |
3 596 112 |
Fruits et légumes||,# | ||||||
< 5x/jour | 1,02 (0,84, 1,25) |
1 139 785 | 1,09 (0,91, 1,29) |
2 154 975 | 1,05 (0,92, 1,20) |
3 294 758 |
5-10x/jour | 0,97 (0,80, 1,19) |
913 057 | 1,04 (0,87, 1,24) |
940 696 | 1,00 (0,87, 1,14) |
1 853 753 |
> 10x/jour‡ | 1,00 | 87 329 | 1,00 | 74 918 | 1,00 | 162 246 |
Activité physique||,# | ||||||
Actif | 1,00 | 647 576 | 1,00 | 1 268 731 | 1,00 | 1 916 308 |
Moyennement actif | 1,18 (1,08, 1,28)§ |
910 129 | 1,04 (0,99, 1,10) |
1 351 167 | 1,09 (1,04, 1,14)§ |
2 261 296 |
Inactif | 1,37 (1,27, 1,48)§ |
2 009 411 | 1,04 (0,99, 1,09) |
2 679 689 | 1,15 (1,11, 1,20)§ |
4 689 100 |
Immigration||,# | ||||||
≤ 9 ans‡ | 1,00 | 145 252 | 1,00 | 249 879 | 1,00 | 395 130 |
≥ 10 ans | 1,21 (0,97, 1,50) |
533 770 | 1,13 (0,97, 1,31) |
776 447 | 1,16 (1,02, 1,31)§ |
1 310 217 |
Non-immigrant | 1,40 (1,15, 1,71)§ |
2 917 090 | 1,29 (1,13, 1,48)§ |
4 348 153 | 1,33 (1,19, 1,49)§ |
7 265 242 |
Culture/Race||,# | ||||||
Minorité visible‡ | 1,00 | 475 260 | 1,00 | 710 468 | 1,00 | 1 185 728 |
Blanc | 1,21 (1,10, 1,34)§ |
3 049 991 | 1,27 (1,18, 1,37)§ |
4 534 480 | 1,25 (1,17, 1,33)§ |
7 584 470 |
Études||,# | ||||||
< Dipl. études sec. | 1,36 (1,25, 1,47)§ |
255 474 | 0,98 (0,91, 1,05) |
241 266 | 1,15 (1,09, 1,21)§ |
496 740 |
Dipl. études sec. | 1,21 (1,12, 1,31)§ |
379 298 | 1,03 (0,97, 1,10) |
495 401 | 1,11 (1,05, 1,16)§ |
874 699 |
Certaines ét. sec. | 1,23 (1,10, 1,37)§ |
207 534 | 0,99 (0,90, 1,08) |
260 348 | 1,08 (1,01, 1,16)§ |
467 882 |
Études post-sec.‡ | 1,00 | 2 524 264 | 1,00 | 3 874 291 | 1,00 | 6 398 556 |
Revenu du ménage||,# | ||||||
< 15 000 $ | 1,27 (1,14, 1,43)§ |
195 229 | 0,76 (0,68, 0,86)§ |
154 021 | 0,97 (0,89, 1,05) |
349 250 |
15-29 999 $ | 1,21 (1,10, 1,33)§ |
371 437 | 0,79 (0,73, 0,87)§ |
309 627 | 0,96 (0,90, 1,02) |
681 064 |
30-49 999 $ | 1,25 (1,15, 1,36)§ |
706 962 | 0,86 (0,81, 0,92)§ |
792 320 | 1,00 (0,95, 1,05) |
1 499 283 |
50-79 999 $ | 1,15 (1,06, 1,24)§ |
911 915 | 0,97 (0,92, 1,01) |
1 444 676 | 1,02 (0,98, 1,07) |
2 356 590 |
≥ 80 000 $‡ | 1,00 | 985 790 | 1,00 | 2 140 754 | 1,00 | 3 126 544 |
Sécurité alimentaire||,# | ||||||
Sécurité‡ | 1,00 | 2 782 467 | 1,00 | 4 341 777 | 1,00 | 7 124 244 |
Insécurité-sans faim | 1,31 (1,15, 1,49)§ |
145 053 | 0,94 (0,81, 1,08) |
110 069 | 1,12 (1,01, 1,23)§ |
255 122 |
Insécurité-modérée | 1,45 (1,25, 1,68)§ |
83 672 | 0,90 (0,75, 1,07) |
46 576 | 1,18 (1,05, 1,33)§ |
130 248 |
Insécurité-grave | 1,39 (1,01, 1,93)§ |
17 943 | 0,85 (0,63, 1,13) |
16 371 | 1,07 (0,84, 1,35) |
34 314 |
* IMC ≥ 25
† ajusté en fonction du sexe pour la catégorie « Deux sexes » seulement
‡ groupe de référence
|| ajusté en fonction de l’âge
# ajusté en fonction de l’âge et du sexe pour la catégorie « Deux sexes » seulement
§ significatif à p < 0,002
Abréviations : IMC, indice de masse corporelle; IC, intervalle de confiance; RT, rapport de taux
Figure 1a
Prévalence de l’obésité (IMC ≥ 30) chez les adultes, selon la région sociosanitaire, l’âge et le sexe normalisés de la population canadienne de 2005 (de 25 à 64 ans), Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2005
Figure 1b
Prévalence de l’embonpoint et de l’obésité (IMC ≥ 25) chez les adultes, selon la région sociosanitaire, l’âge et le sexe normalisés de la population canadienne de 2005 (de 25 à 64 ans), Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2005
|
OBÈSES | EN SURPOIDS/OBÈSES | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Femmes (95 % IC) |
Hommes (95 % IC) |
Deux sexes (95 % IC) |
Femmes (95 % IC) |
Hommes (95 % IC) |
Deux sexes (95 % IC) |
|
Immigration | 0,060 (0,000, 0,160) |
0,078 (0,000, 0,170) |
0,070 (0,000, 0,167) |
0,032 (0,000, 0,107) |
0,026 (0,000, 0,065) |
0,029 (0,000, 0,082) |
Études | 0,086 (0,003, 0,169) |
0,030 (0,000, 0,064) |
0,055 (0,000, 0,113) |
0,049 (0,000, 0,102) |
0,004 (0,000, 0,016) |
0,022 (0,001, 0,043) |
Revenu | 0,129 (0,011, 0,247) |
0,026 (0,000, 0,057) |
0,052 (0,000, 0,104) |
0,056 (0,006, 0,106) |
0,040 (0,003, 0,077) |
0,011 (0,000, 0,024) |
Géographie | 0,169 (0,134, 0,204) |
0,156 (0,105, 0,207) |
0,153 (0,120, 0,186) |
0,094 (0,069, 0,119) |
0,066 (0,043, 0,089) |
0,076 (0,053, 0,099) |
* IMC ≥ 30
† IMC ≥ 25
Abréviations : IMC, indice de masse corporelle; IC, intervalle de confiance
Analyse : région géographique (région sociosanitaire) |
Analyse : revenu des femmes | |
---|---|---|
Pas de prévention (selon l’ESCC) | ||
Cas observés | 2 944 583 | 1 315 467 |
Taux observé | 17,3/100 | 15,8/100 |
Scénarios de prévention | ||
Risque élevé† | ||
Cas prévenus | 265 012 | 85 505 |
Cas restants | 2 679 571 | 1 229 961 |
Taux | 15,8/100 | 14,8/100 |
% de diminution du taux | 9 % | 6,5 % |
Population générale‡ | ||
Cas prévenus | 1 064 341 | 333 040 |
Cas restants | 1 880 242 | 982 426 |
Taux | 11,1/100 | 11,8/100 |
% de diminution du taux | 36,1 % | 25,3 % |
* IMC ≥ 30
† Prévention de 50 % des cas d’obésité dans 10 % de la population à risque élevé
‡ Réduction de la prévalence de l’obésité chez tous les groupes de population au taux du groupe le moins à risque
Le recalcul des taux d’obésité selon les différents scénarios de prévention montre que les scénarios axés sur la population générale permettraient de réduire les cas d’obésité quatre fois plus que les scénarios axés sur la population à risque élevé. Comme le montre le tableau 4, la stratégie de prévention axée sur la population générale permettrait de réduire de 1 064 341 et de 330 040 les cas d’obésité selon la région géographique et le revenu des femmes respectivement, comparativement à 265 012 et à 85 505 cas avec le scénario de prévention axé sur la population à risque élevé. Seules de modestes diminutions de la prévalence ont été observées pour les scénarios axés sur la population à risque élevé (région géographique : de 17,3 % à 15,8 %; revenu des femmes : de 15,8 % à 14,8 %), tandis que des diminutions plus considérables ont été observées avec les scénarios axés sur la population générale (région sociosanitaire : de 17,3 % à 11,1 %; revenu des femmes : de 15,8 % à 11,8 %).
Analyse
La présente étude montre qu’il existe une variabilité significative dans les taux d’embonpoint et d’obésité parmi les groupes géographiques et sociodémographiques. L’âge, l’inactivité physique, le revenu, le niveau de scolarité, le statut de non-immigrant, le statut racial (race blanche) et l’insécurité alimentaire modérée constituent des prédicteurs des divers degrés d’embonpoint et d’obésité observés chez les hommes et chez les femmes. Les taux les plus faibles d’embonpoint et d’obésité ont été observés dans les grands centres urbains.
Tant chez les hommes que chez les femmes, l’augmentation de l’âge constitue un important prédicteur du taux élevé d’embonpoint et d’obésité, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné que le métabolisme ralentit avec l’âge, ce qui accroît le risque de gain de poids20,21. Il convient toutefois de noter que des taux d’obésité et d’embonpoint nettement plus élevés que par le passé ont été observés chez les groupes d’âge plus jeunes3b,22. Katzmarzyk23 a aussi montré qu’il y a maintenant un plus grand nombre d’hommes et de femmes qui se classent dans les catégories d’obésité supérieures, c’est-à-dire la classe II (IMC = 35-39,99) ou la classe III (IMC ≥ 40), par rapport aux années précédentes. Ces données montrent que les Canadiens prennent du poids de façon accélérée à un âge plus jeune, une conclusion étayée par les taux d’obésité de plus en plus élevés actuellement observés chez les enfants au Canada2b.
Même si le revenu du ménage est un important prédicteur de l’embonpoint et de l’obésité chez les femmes, où les taux d’obésité les plus élevés ont été observés dans le quartile de revenu le plus faible, paradoxalement, chez les hommes, le faible revenu n’est pas associé à des taux élevés d’embonpoint et d’obésité et semble avoir une fonction de protection. La raison de cette différence n’est pas claire et doit faire l’objet d’une étude plus poussée.
L’insécurité alimentaire est aussi un prédicteur de l’embonpoint et de l’obésité, mais seulement chez les femmes. L’insécurité alimentaire est directement liée au faible revenu24 et la situation des femmes pauvres est souvent exacerbée par le fait d’être parent unique. Paradoxalement, ce facteur semble contribuer à augmenter l’IMC. Le faible revenu et l’insécurité alimentaire peuvent obliger les femmes à recourir à une aide alimentaire, comme les banques alimentaires. Les aliments offerts dans les banques alimentaires ont souvent une haute teneur énergétique et une faible valeur nutritionnelle et ils peuvent contribuer à l’embonpoint et à l’obésité ainsi qu’à des problèmes de santé25.
Figure 2a
Coefficient de Gini, obésité (IMC ≥ 30) chez les adultes (hommes et femmes, 25-64 ans), selon la région sociosanitaire
Figure 2b
Coefficient de Gini, obésité (IMC ≥ 30) chez les adultes (femmes, 25-64 ans), selon le revenu
Le faible niveau de scolarité est un prédicteur de l’embonpoint et de l’obésité chez les femmes uniquement, ce qui peut s’expliquer par le faible revenu étant donné que les femmes ayant un faible niveau de scolarité gagnent beaucoup moins d’argent que les hommes ayant des niveaux de scolarité similaires26.
Le statut d’immigrant récent semble être un facteur de protection contre l’embonpoint et l’obésité, peut-être parce qu’un grand nombre de nouveaux arrivants sont originaires de pays où les taux d’embonpoint et d’obésité sont faibles. Ainsi, 57,7 % des nouveaux arrivants au Canada en 2001 étaient originaires de pays asiatiques qui viennent d’entrer dans la « transition nutritionnelle »27a, phénomène qui décrit l’adoption rapide par un pays d’un régime alimentaire de style occidental comportant une grande quantité d’aliments d’origine animale à forte teneur énergétique et d’aliments transformés28. Dans ces pays, l’indice de masse corporelle des habitants augmente rapidement, mais il n’a pas encore atteint le niveau actuellement observé au Canada. Ce profil d’immigration peut expliquer les faibles taux d’embonpoint et d’obésité observés dans les grands centres urbains de Vancouver et de la région du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, de Calgary, de Toronto, d’Ottawa et de Montréal, étant donné que la majorité des nouveaux arrivants au Canada (80 % en 2001) s’établissent dans ces centres27b.
Le statut de minorité visible constitue aussi un important prédicteur d’un faible IMC. Cette constatation contredit les conclusions d’études menées ailleurs, qui révèlent que les membres des minorités visibles comme les populations noire et hispanique des États-Unis présentent un risque élevé d’embonpoint et d’obésité29. Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’un plus grand nombre de nouveaux arrivants non blancs au Canada ont des IMC moins élevés et des habitudes alimentaires qui précèdent la transition nutritionnelle dans leurs pays d’origine. Les populations noires et hispaniques habitent aux États-Unis depuis beaucoup plus longtemps et elles affichent généralement des taux de pauvreté plus élevés.
On a aussi observé qu’un faible taux d’activité physique constituait un prédicteur de l’embonpoint et de l’obésité chez les deux sexes, ce qui n’est pas étonnant étant donné que la sédentarité est associée à la prise de poids30,31. Cependant, la faible consommation de fruits et légumes n’est pas associée à un IMC plus élevé. D’autres études devront être menées pour déterminer le rôle des fruits et légumes dans le maintien du poids corporel.
Même si la présente étude a montré qu’il existait des variations entre les groupes sociodémographiques et les régions géographiques, l’analyse de Gini donne à penser que ces différences sont moins significatives qu’elles ne le paraissent à première vue. Même s’il semble y avoir des groupes plus susceptibles d’afficher des taux très élevés d’obésité et d’embonpoint, les taux élevés observés parmi tous les groupes sociodémographiques et géographiques donnent à penser que les « causes » de l’embonpoint et de l’obésité sont aussi largement dispersées et touchent tous les groupes de population. Cette observation est compatible avec la stratégie axée sur la population de Rose32. En effet, Rose affirme qu’il est impératif de savoir dans quelle mesure la charge de morbidité (nombre absolu de cas) est comprimée dans un groupe identifiable où une exposition accrue augmente le risque personnel. Si la charge n’est pas fortement concentrée dans des sous-populations à risque élevé identifiables de petite taille (associées à un faible coefficient de Gini), alors une stratégie de prévention axée sur la population à risque élevé aura peu d’effets sur la santé de la population, étant donné que la plupart des cas se trouvent à l’extérieur du groupe à risque élevé. Dans le contexte canadien actuel, cette théorie a été confirmée de façon empirique par les résultats de l’étude. Comme nous l’avons montré, les scénarios de prévention axés sur les populations à risque élevé, même s’ils donnent de bons résultats (50 % des cas prévenus), permettraient de réduire beaucoup moins la prévalence de l’obésité que les stratégies plus vastes axées sur la population générale. L’absence de profils d’obésité clairs et souvent paradoxaux observés (taux d’embonpoint/obésité élevés chez les hommes ayant un revenu élevé) vient aussi appuyer la notion selon laquelle les programmes de prévention axés sur des groupes à risque élevé identifiables (personnes à faible revenu, p. ex.) ne réussiront vraisemblablement pas à réduire de façon significative la prévalence de l’obésité au sein de la population.
Il pourrait être utile d’examiner les tendances à long terme et d’étudier la variabilité transversale (comme on l’a fait dans la présente étude) pour comprendre la dynamique de l’épidémie d’obésité et déterminer les possibilités d’intervention. Comme nous l’avons mentionné, les taux d’embonpoint et d’obésité observés dans le cadre de cette étude étaient élevés dans toutes les sous-populations et ils étaient considérablement plus élevés que ceux qui ont été observés par le passé. Ces importantes tendances à la hausse temporelles de la prévalence de l’obésité donnent à penser qu’il y a vraisemblablement des forces puissantes et fondamentales qui s’exercent dans le temps et qui font augmenter les taux dans presque tous les groupes de population. Cette idée n’est pas étonnante, étant donné l’environnement obésogène qui a émergé au Canada au cours des dernières décennies et qui favorise la consommation abusive d’aliments et réduit les possibilités de faire de l’activité physique33,34,35. Il est devenu très facile d’obtenir et de consommer des kilocalories excédentaires dans les plats cuisinés, les grignotines et les aliments prêts à manger, y compris les boissons gazeuses. Ces produits alimentaires ont tendance à être faibles en fibres et élevés en kilocalories, en sodium, en sucre et en gras36,37. L’apport énergétique excédentaire qui en découle jumelé à la diminution de l’activité constituent des circonstances appropriées pour promouvoir l’embonpoint et l’obésité.38
Même si les résultats de la présente étude correspondent aux résultats d’autres études ayant montré une relation modérément marquée entre les prédicteurs sociodémographiques et l’obésité/embonpoint39,40,41a,42, quand on les interprète selon une plus vaste perspective, ils remettent en question l’importance accordée aux sous-populations à risque élevé et aux mauvais choix de styles de vie comme principales explications de l’embonpoint et de l’obésité ainsi que des maladies chroniques connexes43,44,45,46. Ces analyses font ressortir les raisons pour lesquelles il est important de voir plus loin que les différences statistiquement significatives en matière de risque dans les enquêtes sur la santé de la population générale pour traduire les facteurs pertinents liés aux politiques et aux programmes en stratégies de prévention. Comme les résultats de la présente étude l’ont montré, déterminer la mesure dans laquelle les cas sont répartis entre les groupes à risque à l’aide d’outils comme le coefficient de Gini et les scénarios de prévention peut contribuer à vérifier si les efforts de prévention proposés sont susceptibles d’atteindre de façon réaliste leurs objectifs au fil du temps.
Les résultats de l’étude remettent donc en question l’importance accordée aux stratégies d’intervention axées sur les personnes et les groupes à risque élevé. Ils montrent que les efforts de prévention devraient au contraire être axés sur l’environnement obésogène émergent qui affecte tous les groupes de population. Cette perspective ne contredit pas et ne nie pas le fait que certains groupes sociaux identifiables (p. ex. les femmes à faible revenu) présentent un risque élevé d’obésité; elle prétend plutôt que la principale cause de l’épidémie d’obésité est l’environnement obésogène auquel tous les groupes de population sont exposés, certaines populations étant plus vulnérables que d’autres et ce, pour diverses raisons. Cette nouvelle conception de l’argument des disparités, étayée sur le plan empirique par les résultats de la présente étude, permet de croire qu’une stratégie de prévention de l’embonpoint et de l’obésité axée sur la population générale est justifiée. D’autres recherches devront être effectuées pour étudier les mécanismes efficaces en matière d’élaboration de programmes et de politiques.
La présente étude comporte plusieurs limites. Premièrement, la recherche a été effectuée à l’aide de données transversales et elle ne modélise pas les facteurs dans le temps. Les études transversales peuvent ne pas tenir compte de facteurs étiologiques importants pouvant être apparus au fil du temps. L’analyse de Gini, cependant, fait ressortir les limites des explications et des prédicteurs exclusivement transversaux associés à l’épidémie d’obésité.
Deuxièmement, l’ESCC comporte un nombre limité de variables sociodémographiques se prêtant à l’analyse. Il peut exister d’autres prédicteurs importants de l’IMC élevé, comme la structure familiale, les caractéristiques du voisinage ou la situation relative à l’emploi, qui ne sont pas couverts par l’enquête.
Troisièmement, des tailles et des poids autodéclarés ont été utilisés, de sorte que les taux d’obésité et d’embonpoint déclarés dans le cadre de la présente étude ont probablement été sous-estimés47,48. Dans le cas de l’ESCC de 2005, en comparant les tailles et les poids autodéclarés aux tailles et aux poids mesurés, on a constaté que l’IMC avait été sous-estimé de 1,3 kg/m2(49). Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, l’échantillon de cas où la taille et le poids avaient été mesurés était trop petit pour permettre le recours au modèle prédictif et à l’analyse géographique utilisés dans le cadre de la présente étude.
Une quatrième limite était la taille des régions géographiques utilisées dans les analyses, qui peuvent avoir masqué la variabilité des taux d’embonpoint et d’obésité dans les régions géographiques. Cependant, ce problème était inévitable étant donné que les échantillons de l’ESCC de 2005 étaient trop petits pour déterminer des estimations valables pour les petites régions. D’autres études ont utilisé des régions encore plus vastes, qui ont donné lieu à une analyse géographique de l’IMC à l’échelle provinciale41b,50.
Une cinquième limite est le fait que l’ESCC de 2005 ne comporte pas de données sur la population autochtone des réserves, un groupe considéré comme présentant un risque élevé d’obésité51. Cette omission peut avoir biaisé les profils géographiques observés, en particulier dans les régions du Nord, où il y a un grand nombre de réserves.
Enfin, les hypothèses inhérentes aux scénarios de prévention axés sur la population à risque élevé et la population générale élaborées pour la présente étude étaient vraisemblablement trop optimistes. Il est peu probable qu’une stratégie de prévention axée uniquement sur les populations à risque élevé permette de réduire de 50 % la prévalence de l’obésité, étant donné l’environnement obésogène dans lequel vivent les groupes à risque élevé (et la majorité de la population canadienne). Deux facteurs ayant une grande incidence sur le poids corporel, le système alimentaire et l’environnement connexe, sont difficiles à modifier au niveau individuel ou communautaire local, et les initiatives qui ont tenté de le faire n’ont pas vraiment réussi à réduire l’IMC52. Même dans le scénario axé sur la population générale, dans lequel on estimait que tous les groupes de population pouvaient atteindre les taux de prévalence déjà atteints dans les groupes géographiques et démographiques affichant les taux les plus faibles, une « augmentation graduelle » des processus de prévention axés sur l’ensemble de la population canadienne serait nécessaire, ce qui exigerait une volonté politique importante pour traiter les vastes déterminants associés à un IMC élevé. En conséquence, l’efficacité à court terme des scénarios de prévention axés sur la population à risque élevé et sur la population générale serait probablement inférieure à celle qui a été enregistrée dans le cadre de la présente étude. Cependant, les hypothèses de nos scénarios pourraient devenir plus réalistes à long terme si les gouvernements commençaient à faire des efforts sérieux et concertés pour prévenir l’obésité, même si nous ne savons pas quels seraient les résultats concrets de tels efforts. À ce jour, aucun pays n’a encore mis en œuvre une stratégie de prévention de l’obésité sérieuse et efficace, la plupart des efforts étant limités à des campagnes de marketing social, à la réglementation de l’étiquetage et à l’adoption volontaire de directives alimentaires par les écoles et d’autres institutions5c,6c. Nous croyons que ces scénarios peuvent fournir une orientation stratégique aux processus d’élaboration des politiques en quantifiant les contraintes qui influent sur le succès éventuel des initiatives de prévention de remplacement. En outre, ces scénarios constituent une base permettant d’analyser les études qui visent à souligner l’importance des sous-populations présentant un risque statistiquement plus élevé d’obésité, sans examiner également la répartition de l’obésité chez la population et l’incidence que cela peut avoir sur le succès des efforts de prévention.
On pourrait reprocher aux scénarios décrits dans le présent document de prévoir des résultats trop modestes pour les groupes à risque élevé, ce qui aurait pour effet d’orienter l’analyse en faveur des stratégies de prévention axées sur la population générale. Cependant, comme le montre le tableau 4, les scénarios axés sur la population à risque élevé prévoient un taux de succès beaucoup plus élevé (diminution de 50 % de cas) que les scénarios axés sur la population générale (36,1 % et 25,3 %, respectivement). Si nous modifions l’analyse de façon à ce que les scénarios axés sur la population à risque élevé aient le même taux de succès que les scénarios axés sur la population générale en matière de prévention, les scénarios axés sur la population à risque élevé obtiendraient des résultats encore plus faibles comparativement aux scénarios de prévention axés sur la population générale.
Malgré ces limites, la présente recherche fait ressortir la nécessité d’examiner les conséquences des différentes stratégies de prévention au moyen de méthodes qui ne se contentent pas d’établir une signification statistique entre les groupes à risque. L’analyse de Gini et les scénarios de prévention utilisés dans la présente étude se sont avérés des outils heuristiques utiles pour étudier les effets possibles de différentes stratégies de prévention et pour montrer de façon empirique quelles sont les stratégies susceptibles de faire une différence à long terme et quelles sont celles qui sont moins susceptibles de le faire.
L’étude révèle que des recherches plus poussées sont requises pour comprendre les dimensions de cet environnement obésogène et la façon dont elles ont évolué au fil du temps pour influer sur le poids corporel des Canadiens. À cette fin, il faudra surveiller étroitement le régime et le niveau d’activité physique des Canadiens et mener des enquêtes permanentes sur le poids de la population au moyen de mesures de la taille et du poids. La présente recherche permettra de justifier plus solidement les efforts de prévention axés sur la population générale afin de pouvoir tourner cette page plutôt sombre de la santé publique canadienne.
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