Section 2 : Modélisation de l'incidence et de la prévalence de l'hépatite C et de ses séquelles au Canada, 2007 – Méthodologie
2. Méthodologie
Nous avons procédé à l'étude de modélisation actualisée à l'aide de la méthodologie initialement mise au point en 2003 pour estimer l'incidence et la prévalence du VHC au Canada en 2002. Toutefois, même si l'approche de base utilisée demeure la même, plusieurs améliorations, modifications et mises à jour ont été intégrées dans le présent projet.
2.1 Modèle de l'infection à VHC et de ses issues – survol
Nous avons procédé à l'étude de modélisation de l'infection à VHC en trois étapes à l'aide d'un tableur (Excel 97, Microsoft Corporation, 1999). Au cours de la première étape, nous avons estimé la population à risque stratifiée selon l'âge et le sexe. À la deuxième étape, nous avons modélisé le taux d'incidence du VHC chez les personnes nées au Canada et la prévalence du VHC au moment de l'arrivée au Canada et l'incidence ultérieure chez les personnes ayant immigré au Canada. À la troisième étape, nous avons établi des projections concernant les issues de l'infection chronique à VHC parmi les cas d'infection estimés à la deuxième étape.
Voici d'autres détails concernant les méthodes utilisées à chaque étape :
Première étape
La première étape a été menée en deux phases. Au cours de la première phase, nous avons estimé la population qui pouvait être à risque d'infection à VHC. La population a été divisée en deux segments, soit les personnes nées au Canada et les personnes nées à l'étranger et ayant immigré au Canada. Durant la deuxième phase, nous avons estimé le nombre de personnes dans quatre catégories qui s'excluaient mutuellement, définies en fonction du risque d'infection à VHC pour chacun des deux segments et dans les deux segments réunis. Les quatre catégories d'exposition étaient les suivantes : utilisateurs de drogues par injection (UDI), personnes ayant reçu une transfusion de sang (transfusés), hémophiles et autres. En ce qui concerne les personnes nées au Canada, nous avons modélisé la cohorte de naissance pour la période allant de 1960 à 2027 et avons appliqué les valeurs des tables de survie pour la mortalité en fonction du sexe et de l'âge afin d'estimer le nombre de personnes vivantes selon l'âge et le sexe pour chaque année de 1960 à 2027. Nous nous sommes servis des projections de Statistique Canada pour estimer la population après 20063.
Nous avons eu recours aux données de Statistique Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada pour estimer le nombre d'immigrants qui arrivent au Canada et la distribution selon l'âge et le sexe de ceux qui émigrent des 84 principaux pays ou groupes de pays (données produites régulièrement par Statistique Canada). Nous avons comparé les chiffres obtenus avec les données du recensement du Canada stratifiées selon l'âge, le sexe et le lieu de naissance (au Canada ou ailleurs) et, pour les immigrants, selon le pays de naissance, depuis 1960. Lorsque les écarts par rapport aux statistiques du recensement dépassaient 5 %, nous avons ajusté les paramètres d'inclusion, y compris les naissances, l'immigration et la mortalité selon les tables de survie, pour qu'ils correspondent aux données du recensement.
Durant la deuxième phase, nous avons calculé la population dans chacune des quatre catégories d'exposition au moyen d'une méthode particulière pour chaque catégorie, comme nous l'expliquons plus loin. En général, nous avons inclus le taux d'adoption des comportements associés à un risque d'infection à VHC et les taux de mortalité pour estimer la prévalence du comportement selon l'âge, le sexe et le statut vital. Nous avons ensuite comparé les valeurs obtenues aux données d'études et d'exercices de modélisation antérieurs et avons ajusté les valeurs en conséquence.
Il existe peu de données qui permettent d'estimer le nombre d'UDI au Canada. Dans une étude, on s'est servi de la méthode de capture-recapture pour estimer le nombre d'UDI actifs à Montréal, à Toronto et à Vancouver4. Dans une étude indépendante, on a estimé le nombre d'UDI dans ces trois villes à partir des données du dépistage du VIH5. En 2000, Eric Single a estimé qu'il y avait entre 75 000 et 125 000 UDI au Canada6, estimation comparable aux résultats obtenus dans ces deux études.
Des techniques de triangulation ont fait appel aux données sur le diagnostic de l'infection à VIH et aux taux de prévalence estimatifs du VIH dans trois grandes villes (Montréal, Toronto et Vancouver), le reste du territoire des trois provinces (Québec, Ontario et Colombie-Britannique) et les sept autres provinces pour faciliter la convergence de l'estimation.
Dans le cas des UDI, nous avons pris en compte la proportion de la population qui commence à s'injecter de la drogue, exprimée sous forme de taux de la population, et la proportion des utilisateurs qui cessent de s'injecter de la drogue au cours de chacune des années pour déterminer une deuxième population, celle des ex-UDI. Il est important de prendre en compte cette population lorsqu'on estime l'étendue de l'hépatite C, étant donné que l'infection à VHC touche un grand nombre de personnes qui ne s'injectent pas de drogues activement, mais qui peuvent l'avoir fait dans le passé. L'entrepreneur avait déjà élaboré un modèle préliminaire de ce type concernant l'infection à VIH chez les UDI de New York, de Montréal et de Toronto, dont les prévisions correspondaient étroitement aux données obtenues sur la prévalence du VIH. Dans le modèle, on avait déterminé le nombre d'UDI en faisant varier les taux de début et de fin de l'injection de drogues de façon à obtenir des chiffres qui avoisinaient les estimations existantes, bien qu'imprécises, du nombre d'UDI au Canada. Cette analyse tenait compte à la fois des UDI actifs et des ex-UDI.
Les profils de transfusion sanguine s'appuient sur le travail de modélisation effectué par le groupe d'experts en 19981.
En ce qui concerne les hémophiles, nous avons d'abord appliqué une proportion fixe aux naissances de sexe masculin, puis l'avons modifiée pour qu'elle corresponde au nombre connu d'hémophiles au Canada, après avoir pris en considération les taux de mortalité.
La catégorie « autres » renfermait les autres personnes infectées par le VHC, principalement par contact sexuel et par exposition parentérale (p. ex., travailleurs de la santé). Nous l'avons estimée en soustrayant de la population totale les personnes incluses dans les trois principales catégories de risque, soit les UDI, les personnes ayant reçu une transfusion de sang et les hémophiles.
Afin d'estimer correctement la taille de la population pour chaque année, nous avons modélisé spécifiquement les taux de mortalité et les composantes de la mortalité pour chacune des trois principales catégories d'exposition. Dans le cas des UDI, la mortalité a été évaluée en fonction de trois catégories soit : 1) la mortalité selon les tables de survie, 2) la mortalité résultant directement de l'injection de drogues (surdose, infections générales graves, infections et traumatismes, etc.) et 3) la mortalité causée par le VIH. La mortalité liée au VIH chez les UDI a débuté, essentiellement, vers 1985. La surmortalité associée à la surdose et aux autres causes était plus élevée chez les personnes infectées par le VIH, étant donné que ce sont habituellement des UDI plus actifs.
Pour ce qui est des personnes ayant reçu une transfusion de sang, nous avons inclus le taux élevé de mortalité, après une transfusion, associé à la maladie qui a nécessité la transfusion. Les taux de mortalité chez les transfusés sont fondés sur l'étude de 19981, qui incluait une mortalité élevée dans trois années suivant la transfusion et la surmortalité en déclin graduel jusqu'à la dixième année après la transfusion, après quoi, la mortalité d'après les tables de survie a été utilisée. Cependant, pour simplifier la conception du modèle, nous avons utilisé une approche en deux étapes plutôt que trois, en incluant une mortalité suffisamment élevée dans l'année suivant la transfusion et une mortalité pondérée par la suite de façon à obtenir des valeurs équivalentes aux taux de mortalité établis dans l'étude de 1998. Nous avons ensuite généré les chiffres pour chaque année selon l'âge et le sexe, puis les avons comparés aux estimations disponibles des populations de façon que la taille de la population à risque soit plausible.
En ce qui a trait aux hémophiles, les données sur la mortalité ont été établies à partir des études publiées7-9 et incluent les répercussions de la mise au point, durant les années 70, d'un traitement spécifique contre l'hémophilie sur la baisse du taux de mortalité. Dans cette population, la mortalité attribuable à l'infection à VIH contractée entre 1978 et 1985 a été intégrée dans le modèle.
Nous avons appliqué les taux de mortalité fondés sur les tables de survie à toutes les catégories d'exposition. Dans la catégorie d'exposition « autres », ces taux de mortalité sont les seuls qui ont été appliqués.
Il importe de noter que l'incidence du VIH n'a été incluse dans le modèle que pour tenir compte de la mortalité concurrente liée à l'infection à VIH. Par conséquent, l'infection à VIH a été limitée à des catégories d'exposition associées à des taux relativement élevés d'infection à VIH, c'est-à-dire les UDI et les hémophiles. De plus, pour simplifier le modèle et en raison de l'incidence et de la prévalence plus élevées du VHC dans ces groupes, les cas incidents d'infection à VIH surviennent uniquement chez des personnes déjà infectées par le VHC. L'estimation finale relative au VIH chez les personnes infectées par le VHC ne constitue donc pas une estimation précise de la co-infection VHC-VIH au Canada, étant donné qu'elle n'englobe pas les hommes co-infectés qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes. L'estimation de la co-infection VHC-VIH déborde du cadre du présent projet.
Deuxième étape
Nous avons utilisé les taux d'incidence du VHC provenant d'études publiées et d'études de modélisation antérieures pour estimer le nombre de personnes infectées par le VHC dans chacun des quatre groupes susmentionnés. En ce qui concerne les immigrants, nous nous sommes servis de la prévalence dans le pays d'origine, stratifiée selon le sexe et adaptée à l'âge au moment de l'arrivée au Canada, pour déterminer le nombre de cas prévalents d'infection à VHC au moment de l'arrivée. Les populations immigrantes étaient également exposées au risque de contracter le VHC associé à l'injection de drogues, aux transfusions sanguines et aux « autres » modes de transmission, mais non au risque associé à l'hémophilie.
En effet, de nombreux hémophiles pourraient ne pas être admis au Canada en tant qu'immigrants. Mais surtout, le nombre d'hémophiles nés à l'étranger est probablement faible en raison du taux de mortalité élevé dans les pays qui offrent peu de soins spécialisés et des possibilités réduites d'immigration. De toute façon, on ne disposait d'aucune donnée sur les hémophiles selon la région de naissance. Pour ces raisons et à des fins de simplification, les patients hémophiles ont été modélisés au sein de la population née au Canada.
Nous avons eu recours à deux méthodes pour déterminer les taux initiaux d'incidence globale de l'infection à VHC. En premier lieu, nous avons utilisé les taux d'incidence du VHC du Système de surveillance améliorée des souches d'hépatite (SSASH)10,11 ajustés pour la sous-déclaration et l'infection asymptomatique. En deuxième lieu, nous nous sommes servis des données contenues dans les quelques études épidémiologiques existantes. Dans cette deuxième approche, nous n'avons appliqué les taux d'incidence qu'aux personnes susceptibles, ce qui est particulièrement important dans le cas des UDI. Nous avons ensuite comparé les chiffres relatifs à la prévalence de l'infection à VHC aux données disponibles provenant d'études spéciales et d'exercices de modélisation antérieurs pour les faire correspondre aux données sur la prévalence du VHC observées12-43.
Troisième étape
Nous avons évalué l'évolution de l'infection chez les personnes atteintes selon le stade de l'infection à l'aide des paramètres annuels de transition d'un modèle de Markov fondé sur les données d'observation et les études de modélisation publiées antérieurement. En ce qui a trait à l'histoire naturelle de l'infection à VHC, les probabilités véritables de transition et les covariables importantes ne sont pas encore totalement caractérisées, mais un consensus est en train de s'établir concernant les valeurs probables d'un bon nombre de ces paramètres. Dans plusieurs études, on a examiné ou revu l'évolution de l'infection à VHC jusqu'aux séquelles graves44-49. Une revue critique d'un grand nombre d'études de l'histoire naturelle, publiée récemment par Freeman50, était particulièrement intéressante à cet égard, tout comme l'étude de modélisation menée par Salomon51, qui s'est servi des valeurs observées pour dégager les vraies valeurs de ces paramètres d'évolution. Finalement, le rapport de Krahn et ses collaborateurs52,53 s'est aussi avéré extrêmement utile, car il renfermait un examen systématique des paramètres de transition et des facteurs modificateurs importants comme l'âge, le sexe et la consommation d'alcool.
Aux fins de la présente étude, nous avons retenu les stades de morbidité liée au VHC suivants : cirrhose, cirrhose décompensée (insuffisance hépatique), carcinome hépatocellulaire, greffe de foie et décès par maladie hépatique. Nous avons comparé les estimations finales aux chiffres signalés et aux chiffres modélisés relatifs aux décès par maladie hépatique et à l'incidence du carcinome hépatocellulaire publiés par des chercheurs de Santé Canada54-56. Veuillez consulter les sections 2.6 et 2.7 pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée pour la modélisation des séquelles de l'infection à VHC.
L'exercice de modélisation susmentionné ne tenait pas compte des conséquences du traitement, principalement étant donné que les nombres de personnes suivant un traitement sont mal définis et seraient peu élevés par comparaison au réservoir des infections à VHC au Canada.
2.2 Modélisation de la prévalence du VHC
Pour estimer la prévalence du VHC au Canada en 2007, année de référence, nous avons étudié séparément chaque strate de la population définie par catégorie d'exposition et lieu de naissance (Canada ou ailleurs). Nous avons examiné les résultats des études menées au Canada12-43, y compris celles qui ont été effectuées en milieu carcéral et qui étaient disponibles en septembre 200821-31. Nous avons utilisé les taux de prévalence et d'incidence du VHC chez les UDI observés dans le cadre d'études de surveillance chez les jeunes de la rue32, menées à Montréal33, à Vancouver34,35 et à Toronto36, et d'études réalisées à l'étranger. Nous avons également examiné les résultats d'I-Track37 et ceux du réseau SurvUDI, un projet de surveillance sentinelle des UDI recrutés principalement dans les nombreux centres d'échange de seringues au Québec et à Ottawa38,39.
Les données qui ont servi à la modélisation de l'infection à VHC contractée par transfusion sanguine étaient fondées sur des travaux menés dans une étude antérieure1 et ont été intégrées dans le modèle de prévalence et d'incidence du VHC.
Nous avons adapté pour la présente étude un modèle élaboré par l'entrepreneur dans le but d'estimer l'infection à VHC et la co-infection VHC-VIH chez les hémophiles. Des données tirées de deux études portant sur des patients hémophiles du Royaume-Uni ont aussi été utiles7,8.
Nous avons divisé de façon proportionnelle le nombre de cas de transmission du VHC inclus dans la catégorie « autres » pour établir le pourcentage des infections liées à l'usage de drogues d'administration non parentérale, à la transmission sexuelle et à la transmission dans un établissement de santé en nous fondant sur les données du SSASH et sur des études menées aux États-Unis.
2.3 Infection à VHC chez les personnes nées à l'étranger
Nous avons mené des analyses approfondies pour déterminer la part des infections à VHC au Canada liée à des infections contractées avant l'arrivée au Canada parmi les personnes nées à l'étranger qui ont immigré au pays. Nous avons élaboré un premier modèle pour chaque pays du monde à l'aide des données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les taux de prévalence du VHC dans chaque pays et l'avons appliqué à la population immigrante correspondante. Nous avons procédé aux ajustements nécessaires afin que la prévalence mondiale totale du VHC corresponde aux 170 millions de personnes infectées selon les estimations de l'OMS. Nous avons ensuite appliqué les données du recensement 2001 de Statistique Canada concernant les personnes vivant au Canada selon le pays d'origine aux taux de prévalence du VHC dans le pays correspondant, afin de déterminer le nombre de personnes infectées par le VHC qui vivent au Canada et de caractériser de façon préliminaire l'ampleur de l'infection à VHC parmi les immigrants des pays d'origine les plus importants.
2.4 Utilisation des données du Système de surveillance améliorée des souches d'hépatite (SSASH)
L'Agence de la santé publique du Canada nous a gracieusement fourni les données recueillies dans huit unités sentinelles du Canada depuis 1998 sur les cas aigus et les cas chroniques d'infection à VHC. L'Agence de la santé publique du Canada nous a gracieusement fourni des données sur mesure concernant la distribution des cas en fonction des facteurs de risque mutuellement exclusifs selon l'année, le pays de naissance ainsi que le caractère aigu ou chronique de la maladie pour chaque unité sentinelle. Nous avons effectué une tabulation croisée des facteurs de risque selon le pays de naissance. Le but de l'analyse était de comparer, pour chaque unité sentinelle, les données du SSASH aux données du recensement afin de déterminer à quel point la prévalence du VHC pouvait être différente chez les personnes nées à l'étranger. Nous désirions également valider les résultats initiaux de l'analyse de la prévalence du VHC par pays dont il a été question à la section 3.3, afin de déterminer les pays où cette prévalence est la plus élevée. Finalement, nous voulions tester notre hypothèse initiale selon laquelle la majorité des cas d'infection à VHC parmi les personnes nées à l'étranger étaient liés à des expositions autres que l'injection de drogues, exposition la plus fréquente chez les personnes nées au Canada.
2.5 Incidence du VHC
On ne connaît pas l'incidence du VHC dans la plupart des groupes au Canada, à l'exception peut-être des UDI à Montréal et à Vancouver. Nous avons eu recours à deux méthodes pour obtenir des estimations plausibles du nombre annuel de cas incidents d'infection à VHC au Canada. En premier lieu, nous avons examiné le taux d'incidence des cas cliniquement apparents et des cas déclarés d'infection aiguë confirmée à VHC à l'aide des données recueillies par le SSASH. L'incidence « réelle » a été obtenue en divisant ce taux par la proportion d'infections à VHC aiguës associées à un ictère (et, par conséquent, présumées assez graves pour inciter les personnes atteintes à obtenir des soins médicaux et un diagnostic sérologique) qui ont été déclarées. La proportion des cas qui seraient symptomatiques a été établie à 20 %, et la proportion des cas d'infection symptomatique qui seraient signalés a été fixée à 75 %, étant donné que la plupart des cas seraient diagnostiqués en laboratoire et, par le fait même, signalés.
En deuxième lieu, nous avons utilisé une méthode indépendante pour estimer l'incidence du VHC. Nous avons estimé la proportion et le nombre d'UDI actifs au Canada qui pourraient contracter une infection à VHC (c.-à-d. qui ne sont pas déjà infectés par le VHC) et multiplié ce nombre par le taux d'incidence du VHC relevé au cours d'études épidémiologiques parmi les UDI55, 56. Nous avons ensuite divisé ce nombre de cas incidents d'infection chez les UDI par la proportion estimative de cas incidents d'infection à VHC qui sont présumés survenir chez les UDI, principalement à la lumière des observations effectuées dans les huit unités sentinelles du SSASH entre 1998 et 2002.
La méthode employée pour estimer l'incidence du VHC est fondée sur des travaux concertés menés en 2001 par le Dr Shimian Zou, qui travaillait à l'époque à Santé Canada.
2.6 Modélisation des issues de l'infection à VHC
Nous avons procédé à un examen approfondi de la littérature médicale pour déterminer les taux annuels de transition du stade initial de l'infection à VHC aux stades plus avancés de la maladie et à ses séquelles. Nous avons pris en compte la proportion des personnes récemment infectées par le VHC dont la virémie persistait (c.-à-d. chez qui il était possible de détecter de l'ARN du VHC) et, ultérieurement, le taux annuel de disparition de l'ARN du VHC et le taux de disparition des anticorps anti-VHC. Ainsi, le modèle intégrait trois stades sérologiques de l'infection à VHC : ARN+ Ac+, ARN- Ac+ et ARN- Ac-. Après l'infection à VHC, nous avons simulé à l'aide d'un modèle de Markov l'histoire naturelle de l'infection à VHC à travers les stades suivants : infection (précirrhose), cirrhose, décompensation, greffe, carcinome hépatocellulaire et décès. Les valeurs des probabilités annuelles de transition ont été tirées d'études et de rapports publiés44-53. Le modèle schématique et les probabilités de transition utilisés sont montrés à la figure 1.
Figure 1 : Modèle Markov des transitions de phases pour l'infection à VHC
Légende
Inf = Infection à VHC
Ci = Cirrhose
De = Insuffisance rénale décompensée
H = Carcinome Hépatocellulaire
Tr = Transplantation hépatique
D = Décès relié au VHC
De - À: | HCV neg. | HCV pos | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Femmes | Hommes | Femmes | Hommes | ||||||
<40 | 40+ | <40 | 40+ | <40 | 40+ | <40 | 40+ | ||
Inf - Ci | 0,0025 | 0,0038 | 0,0035 | 0,0052 | 0,0036 | 0,0054 | 0,0050 | 0,0075 | |
Ci - De | 0,0450 | 0,0450 | 0,0450 | 0,0450 | 0,1350 | 0,1350 | 0,1350 | 0,1350 | |
Ci - H | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | 0,0170 | |
De - H | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | 0,0300 | |
De - Tr | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | 0,0330 | |
De - D | 0,1380 | 0,1380 | 0,1380 | 0,1380 | 0,4526 | 0,4526 | 0,4526 | 0,4526 | |
H - D | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | 0,8600 | |
Tr - D | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 | 0,0730 |
2.7 Modèle analytique intégré pour le VHC
Le modèle complet a été traité comme un modèle de Markov dans un continuum qui intègre toutes les étapes : l'entrée, marquée par la naissance ou l'immigration, la transition vers les comporte-ments ou les expériences liés à l'exposition, l'infection à VHC, l'évolution de l'infection et le décès.
Tous les tableaux et les taux ont été conçus au moyen du tableur Excel. Les paramètres requis ont été réunis dans deux feuilles de saisie des données Excel selon un modèle de présentation uniforme et utilisable.
Le moteur du modèle a été écrit dans le langage de programmation APL+Win Version 4.0.03 fourni par APL2000 Inc. Nous avons copié les données des deux feuilles de calcul renfermant les paramètres dans l'espace de travail APL et les avons sauvegardées. Nous avons recopié et sauvegardé tous les changements ultérieurs. Nous avons mis au point des paramètres d'ajustement et de contrôle et les avons stockés directement dans l'espace de travail APL.
Le produit brut du modèle consistait en une série de tableaux des sous-populations déjà définies et en décréments de chaque type auquel les différentes populations sont soumises. Par exemple, le tableau « Male Results » est un arrangement de 63 (années 1960 à 2027) sur 111 (0 à 110 ans) sur 386 (colonnes des valeurs des populations et des décréments). Il faut noter qu'à l'exception de la colonne décès, chaque colonne de nombres décrémentés constitue la nouvelle colonne avant décrémentation de la sous-population suivante.
Des programmes accessoires ont condensé et regroupé les données brutes de différentes façons, telles des périodes de 5 ans, additionnant l'âge et combinant certaines colonnes. Finalement, certaines données condensées et regroupées ont été exportées directement par le programme vers le tableur Excel. Dans le tableur, nous avons effectué d'autres calculs simples, comme des additions et des rapports, et procédé au formatage.
En ce qui concerne les immigrants, nous avons mis au point un « super modèle » qui contenait le modèle de base pour chaque pays et région et additionnait les résultats. Les seules différences avec le modèle de base étaient les suivantes :
- au lieu d'être intégrés au modèle à la naissance (0 an), les nouveaux immigrants étaient intégrés à l'âge d'arrivée au pays;
- une proportion de nouveaux immigrants étaient considérés comme infectés par le VHC à leur arrivée au Canada;
- les hémophiles ont tous été modélisés au sein de la population des personnes nées au Canada pour les raisons mentionnées à la section 3.1 et parce qu'il était plus simple de modéliser ce groupe en une population plutôt qu'en deux.
Pour tenir compte de la mortalité concurrente, nous avons incorporé au modèle l'infection à VIH (y compris l'incidence du VIH et la mortalité associée au VIH). Cependant, nous n'avons effectué cette opération que pour les UDI et les hémophiles, étant donné que la contribution de la mortalité était très faible chez les personnes ayant reçu une transfusion de sang (probablement moins de 100 personnes aussi infectées par le VIH parmi les quelque 35 000 transfusés infectés par le VHC) et les autres personnes (probablement moins de 1 000 personnes co-infectées par le VIH et le VHC parmi les quelque 74 000 personnes infectées par le VHC dans la catégorie « autres »). Parmi les ex-UDI, l'incidence du VIH était considérée comme nulle, car la totalité de leur risque d'infection par le VIH est pour ainsi dire liée à l'injection active de drogues.
Comme nous l'avons indiqué dans la description de la première étape à la section 1, nous avons aussi intégré au modèle final la mortalité attribuable à d'autres causes que les infections à VHC et à VIH. À cette fin, nous nous sommes servis des valeurs des tables de survie se rapportant spécifiquement à l'âge et au sexe.
Pour modéliser les populations à risque ainsi que la prévalence et l'incidence du VHC, nous avons ajusté les paramètres du modèle de façon que les estimations ne s'écartent pas de plus de 2 % des estimations des modèles épidémiologiques pour ces valeurs.
2.8 Prévalence de l'infection à VHC par province et territoire
Nous avons utilisé le nombre de cas déclarés d'infection à VHC et la population de chaque province et territoire au Canada – données qui ont été obtenues du système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire, en date de septembre 2008 – les résultats du modèle provincial et territorial sur le VHC de 1998 et le nombre de cas d'infections à VHC modélisés par catégorie d'exposition en 2007, afin d'imputer le nombre et le taux de personnes infectées par le VHC dans chaque province et territoire par catégorie d'exposition en 2007.
2.9 Prévalence de l'infection à VHC dans les populations incarcérées
Pour déterminer le nombre de cas et le taux d'infection à VHC chez les personnes incarcérées, nous avons examiné les résultats des études épidémiologiques sur l'infection à VHC dans cette population. Les taux d'infection à VHC ont été examinés en fonction des antécédents d'injection de drogues dans les prisons fédérales et provinciales, séparément. Nous nous sommes concentrés sur les études portant sur les établissements pénitentiaires au Canada et avons examiné les principales études et recensions qui étaient disponibles en septembre 200821-31. Nous nous sommes également penchés sur des études spéciales réalisées à Montréal33 et à Vancouver34,35 et sur un rapport de situation sur les infections transmises par le sang chez les UDI en Ontario36.
Les études susmentionnées et d'autres études indiquent clairement que les antécédents d'injection de drogue d'un détenu sont de loin le plus important facteur de risque de contracter une infection à VHC. L'injection de drogues pendant l'incarcération pourrait être à l'origine de certains cas d'infection à VHC. Il y a tout lieu de croire, toutefois, que ce type de transmission pendant l'incarcération est relativement rare et qu'il concernerait principalement les détenus qui se sont injecté des drogues avant leur incarcération et qui, par conséquent, seraient inclus dans les résultats des études séro-épidémiologiques.
À la lumière de notre examen, nous avons estimé qu'environ 30 % des détenus s'étaient injecté des drogues à un moment quelconque de leur vie. Nous avons également conclu qu'au Canada, la prévalence du VHC chez les détenus ayant des antécédents d'injection de drogues s'établissait à 56 % dans les établissements provinciaux et à 70 % dans les établissements fédéraux. Chez les détenus n'ayant pas de tels antécédents, la prévalence du VHC dans les établissements provinciaux et les établissements fédéraux s'établissait à 0,10 % et à 1,0 %, respectivement.
2.10 Prévalence de l'infection à VHC dans les populations autochtones
Les études sur l'infection à VHC dans les populations autochtones40-43 sont rares, et elles se sont habituellement intéressées à des populations à risque élevé non représentatives. Minuk et coll.41 ont toutefois publié récemment une recension sur l'hépatite virale dans les populations autochtones, qui repose à la fois sur des études publiées et des études inédites et qui a été extrêmement utile au départ pour quantifier le risque d'infection à VHC dans cette population. Une étude43 réalisée auprès de personnes de la rue à Winnipeg, dont 63 % étaient d'origine autochtone, a observé une prévalence du VHC de 22,3 % chez les Métis, de 19,4 % chez les membres des Premières nations et de 14,4 % chez les sujets non autochtones. Dans l'ensemble, la prévalence du VHC était de 47,7 % chez les UDI, mais seulement de 3,7 % chez les non-UDI.
Nous avons également utilisé une analyse récente réalisée dans le cadre du programme de surveillance du sida en Ontario qui portait sur les cas de sida chez les UDI autochtones58, afin d'aider à faire la lumière sur le risque relatif dans cette population. Nous avons examiné chaque catégorie d'exposition, mais en accordant une attention spéciale aux cas de sida chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes et qui s'injectent des drogues (HSH-UDI) et aux UDI. Parmi les HSH-UDI, six des 219 cas de sida enregistrés avant 2004 et dont l'origine ethnique était connue (2,7 %) étaient des personnes autochtones, et parmi les UDI, 18 des 236 cas de sida enregistrés avant 2004 et dont l'origine ethnique était connue (7,6 %) étaient des personnes autochtones. Les Autochtones sont donc surreprésentés parmi les cas de sida liés à l'injection de drogues, étant donné qu'ils ne représentaient que 1,5 % de la population de l'Ontario en 2004 (188 000 sur 12 407 000). Dans les autres catégories d'exposition prises globalement, 0,7 % des cas de sida étaient enregistrés chez des personnes autochtones. Par conséquent, le nombre de cas d'infection à VHC chez les UDI autochtones était cinq fois plus élevé que dans le reste de la population. Cette situation reflète probablement les taux plus élevés d'injection de drogues dans les populations autochtones, bien qu'il soit difficile d'exclure la possibilité qu'une plus forte prévalence du VIH chez les UDI autochtones soit un facteur contributif. Ces deux facteurs pourraient entraîner une hausse de la prévalence du VHC dans cette population.
À la lumière de cet examen des données publiées et des données inédites, Minuk et coll. ont conclu que la prévalence du VHC dans les populations autochtones au Manitoba était environ trois fois plus élevée que chez les Manitobains non autochtones. En revanche, Calzavara et coll.27 ont constaté que la prévalence du VHC chez des détenus d'une prison provinciale de l'Ontario était semblable chez les participants autochtones et non autochtones.
Il est donc difficile de tirer une conclusion définitive concernant la prévalence du VHC chez les personnes autochtones, en raison du caractère limité et discordant des données. Nous croyons néanmoins que la prévalence du VHC est plus élevée dans les populations autochtones et qu'un écart de trois ordres de grandeur est plausible.
2.11 Proportion des infections à VHC diagnostiquées et déclarées
L'un des objectifs de la présente étude était d'estimer la proportion des personnes infectées par le VHC vivant au Canada en 2007 dont l'état a été diagnostiqué jusqu'à cette année-là. À cette fin, l'Agence de la santé publique du Canada nous a fourni les données sur les cas d'infection à VHC (chroniques et aigus) qui ont été déclarés de 1991 à 2007 et qui figuraient dans le Registre national des maladies à déclaration obligatoire en septembre 2008. Dans le cas des administrations où les données sur l'infection à VHC depuis 1991 ne pouvaient être obtenues du Registre national des maladies à déclaration obligatoire, nous avons estimé le nombre de diagnostics d'infection à VHC avant que les données de déclaration ne soient compilées en effectuant une pondération relative entre les provinces en fonction des années où les données sur les cas signalés étaient disponibles.
2.12 Nombre de personnes toujours vivantes ayant reçu un diagnostic d'infection à VHC
Certaines personnes qui ont reçu un diagnostic d'infection à VHC et qui ont fait l'objet d'une déclaration entre 1991 et 2007 sont décédées au cours de cette période, soit d'une cause liée à leur maladie ou d'une autre cause. Ces décès peuvent représenter une proportion importante des cas diagnostiqués au cours de cette période de 18 ans. Nous avons donc utilisé les taux annuels de mortalité obtenus au moyen du modèle actuariel au cours de cette période pour estimer le nombre de décès au cours de chacune des années qui ont suivi le diagnostic. Ainsi, nous avons pu estimer le nombre de cas diagnostiqués d'infection à VHC toujours vivants en décembre 2007 et, de la sorte, calculer plus précisément la proportion de personnes infectées par le VHC modélisées toujours vivantes en 2007 et dont l'état avait été diagnostiqué.
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