Lignes directrices : Mesures de prévention et de contrôle des infections à l'intention des travailleurs de la santé dans tous les établissements de soins de santé
L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a élaboré le présent document dans le but de fournir des lignes directrices aux travailleurs de la santé sur la prévention et le contrôle des infections, plus particulièrement sur la gestion des patients Note de bas de page a colonisés ou infectés par un bacille Gram négatif résistant aux carbapénèmes (BGNRC), notamment la New Delhi métallo-bêta-lactamase (NDM-1). Le contenu de ce document repose sur des conseils techniques fournis par des experts en contrôle des infections.
Ces lignes directrices devraient être interprétées en conjonction avec les lois, les règlements et les politiques provinciaux et territoriaux pertinents. Les présentes lignes directrices sont fondées sur les données scientifiques que nous avons présentement à notre disposition et elles pourront être révisées et modifiées au fur et à mesure que de nouvelles informations deviendront disponibles. Ces lignes directrices précisent les pratiques exemplaires à suivre et elles ne sont pas considérées comme obligatoires.
Description
Parmi les espèces de bacilles Gram négatif les plus courantes dans les établissements de soins de santé, on compte Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter spp. et Stenotrophomonas maltophilia, ainsi que des espèces appartenant à la famille des Enterobacteriaceae, comme Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae et Enterobacter cloacae. Note de bas de page 1 Certains événements récents indiquent que la résistance des bactéries Gram négatif aux antimicrobiens est de plus en plus fréquente. Les antimicrobiens du groupe des carbapénèmes sont un traitement sécuritaire et généralement efficace contre les infections bactériennes Gram négatif lorsque la résistance aux autres classes d'antimicrobiens est présente. Lorsque les bactéries sont résistantes aux carbapénèmes, il y a souvent peu de traitements de rechange d'offerts.Note de bas de page 2
La résistance aux carbapénèmes des bactéries Gram négatif peut être due à divers mécanismes. L'identification de la résistance aux carbapénèmes et l'établissement d'une distinction entre les différents mécanismes de résistance peuvent être difficiles pour les laboratoires de microbiologie clinique. La résistance aux carbapénèmes est le résultat de la production d'enzymes hydrolisant le carbapénème. Ces enzymes sont normalement codées par des gènes qui se retrouvent sur des éléments génétiques mobiles, comme les plasmides, lesquels peuvent rapidement se transmettre à des genres de bactéries apparentés. Voici des exemples notables de carbapénémase récemment observés :
- Carbapénémase Klebsiella pneumoniae carbapenemase (KPC), observée principalement dans la bactérie K. pneumoniae, mais aussi dans d'autres Enterobacteriaceae. Les microorganismes producteurs de la carbapénémase KPC ont causé d'importantes éclosions liées aux soins de santé en Grèce, en Israël et dans le nord-est des États-Unis;Note de bas de page 3
- Gènes de résistance de type OXA trouvés dans Acinetobacter spp.Note de bas de page 4 L'Acinetobacter résistant aux carbapénèmes a été observé partout dans le monde, mais il est peu fréquent dans les hôpitaux canadiens à l'heure actuelle.
- Métallo-ß-lactamases trouvées principalement dans P. aeruginosa et Acinetobacter spp., mais rarement dans d'autres Enterobacteriaceae, Note de bas de page 5 notamment la New Delhi métallo-bêta-lactamase (enzyme NDM-1), trouvée dans Escherichia coli et K. pneumoniae, et aussi dans d'autres Enterobacteriaceae. La New Delhi métallo-bêta-lactamase (enzyme NDM-1) a récemment été observée en Inde et au Pakistan et chez des patients hospitalisés dans d'autres pays ayant reçu des soins de santé en Inde ou au Pakistan.Note de bas de page 3
Mesures recommandées pour la prévention et le contrôle des infections
Les lignes directrices qui suivent sont fondées principalement sur les recommandations figurant dans le document « Pratiques de base et précautions additionnelles visant à prévenir la transmission des infections dans les établissements de santé »Note de bas de page 6 de l'Agence de la santé publique du Canada.
En plus d'être visés par les pratiques de base, les patients colonisés ou infectés par un bacille Gram négatif résistant aux carbapénèmes (BGNRC) dans les établissements de soins de santé, y compris par les bactéries abritant la New Delhi métallo-bêta-lactamase (NDM-1), devraient être soumis à des précautions contre la transmission par contact. Cela devrait inclure les patients soupçonnés d'héberger un BGNRC (p. ex. en raison d'un contact prolongé avec une personne reconnue comme infectée par un BGNRC ou si les résultats des analyses en laboratoire préliminaires suggèrent la présence possible d'un BGNRC), jusqu'à la confirmation de l'étiologie. Une attention particulière devrait être accordée aux analyses en laboratoire/à la surveillance active, au dépistage, à l'hygiène des mains, à l'hébergement, à l'équipement de protection individuelle, à l'équipement servant aux soins des patients, au nettoyage de l'environnement, à la gestion de la buanderie/des déchets, à la déclaration des cas, à l'arrêt des précautions contre la transmission par contact et à la gérance des antimicrobiens.
Nota : Pour les patients asymptomatiques dont la colonisation par un BGNRC est connue ou soupçonnée, il n'est pas recommandé d'appliquer les précautions contre la transmission par contact dans les milieux de soins préhospitaliers ou de soins à domicile.
1. Analyse en laboratoire/surveillance active
Assurez-vous que le laboratoire de l'établissement de soins de santé fait appel à des méthodes de laboratoire appropriées pour détecter les BGNRC, notamment à un processus de notification rapide des professionnels et des cliniciens responsables de la prévention et du contrôle des infections,Note de bas de page 2 ainsi que des autorités de santé publique régionales et provinciales/territoriales, au besoin.
Lorsqu'on découvre qu'un patient a été colonisé ou infecté par un BGNRC plus de 48 heures après son admission, il faut prévoir ce qui suit :
- Soumettre les personnes avec qui le patient a partagé sa chambre durant son hospitalisation à un dépistage clinique (c.-à-d. évaluer la présence de l'infection) au moyen d'une analyse en laboratoire d'échantillons pertinents sur le plan clinique (p. ex. urine s'il s'agit d'une infection des voies urinaires ou présence d'une sonde vésicale à demeure; plaie dans le cas d'une infection de la peau et des tissus mous ou d'une plaie ouverte).
- Réaliser un examen rétrospectif (de 6 à 12 mois)Note de bas de page 2 des dossiers de laboratoire pour déterminer si le BGNRC circulait dans l'établissement de soins de santé avant l'identification de ce patient.
- Dans les situations où l'on découvre que deux patients ou plus d'un même établissement sont infectés par un BGNRC ou sont porteurs de la même souche (espèce) de BGNRC, l'établissement devrait, après une consultation auprès d'experts (y compris les professionnels responsables de la prévention et du contrôle des infections, de la microbiologie clinique et de la santé publique), envisager sérieusement de réaliser une surveillance active par mise en culture des autres patients qui pourraient avoir eu des contacts avec les cas index.
- Il n'est pas nécessaire d'effectuer une surveillance active par mise en culture des fournisseurs de soins de santé, de la famille du patient et des visiteurs ou, s'il ne s'agit pas d'une éclosion d'importance, de prélever des échantillons dans l'environnement.
2. Dépistage
Les données sont insuffisantes pour recommander un dépistage de routine (y compris en ce qui concerne le risque épidémiologique et la surveillance active par mise en culture) de la colonisation par un BGNRC chez les patients. L'analyse en laboratoire des porteurs asymptomatiques d'un BGNRC n'est pas systématiquement recommandée. Dans le cas de tous les patients présentant des symptômes d'infection, des échantillons devraient être prélevés pour culture. Il faudrait maintenir un indice de suspicion élevé de la présence d'un BGNRC chez les patients à risque d'une infection par ces bactéries, en particulier les patients transférés à partir d'établissements dont les taux de prévalence des BGNRC est très élevé, les compagnons de chambre des patients colonisés ou infectés par un BGNRC, et les patients dont on sait qu'ils ont été infectés ou colonisés par un BGNRC antérieurement.Note de bas de page7
3. Hygiène des mains
Les travailleurs de la santé devraient pratiquer l'hygiène des mains fréquemment (tel qu'il est recommandé dans les lignes directrices de l'ASPC « Pratiques en matière d'hygiène des mains dans les établissements de santé »Note de bas de page 8 et la politique de l'établissement de soins de santé), de préférence en utilisant un désinfectant pour les mains à base d'alcool (de 60 à 90 %) ou de l'eau et du savon lorsque les mains sont visiblement sales.Note de bas de page 8 Les désinfectants pour les mains à base d'alcool sont efficaces contre ces bacilles Gram négatif.
4. Hébergement
Les patients colonisés ou infectés par un BGNRC devraient être soignés dans une chambre individuelle ou dans une chambre partagée avec d'autres patients colonisés ou infectés par un BGNRC de même souche, selon la compatibilité du patient. Il est recommandé de placer une affiche à propos du contrôle des infections sur la porte de la chambreNote de bas de page b indiquant les précautions contre la transmission par contact à prendre lorsqu'on entre dans la chambre.
5. Équipement de protection individuelle
Il faudrait porter des gants et une blouse lorsqu'on entre dans la chambre d'un patient colonisé ou infecté par un BGNRC. Il faudrait mettre une blouse si l'on prévoit que les vêtements ou les avant-bras seront en contact direct avec le patient, des surfaces de l'environnement ou des objets dans l'environnement où sont dispensés les soins au patient. Il faudrait retirer les gants avant de quitter la chambre et les jeter dans une poubelle mains libres. Il faudrait aussi retirer la blouse avant de quitter la chambre et la jeter dans un récipient à linge ou une poubelle mains libres, selon le cas. Les travailleurs de la santé devraient pratiquer l'hygiène des mains après avoir retiré la blouse et les gants et après avoir quitté la chambre.
6. Équipement servant aux soins des patients
L'ensemble de l'équipement (p. ex. thermomètre, brassard et oxymètre de pouls, etc.) devrait servir aux soins d'un seul patient et il faudrait le nettoyer et le désinfecter conformément aux pratiques de base avant de pouvoir le réutiliser pour un autre patient. On peut aussi utiliser de l'équipement à usage unique et le jeter dans la poubelle après l'avoir utilisé. Aucun jouet, jeu électronique ou effet personnel ne devrait être partagé entre les patients.
7. Nettoyage de l'environnement
Les agents de nettoyage et de désinfection habituellement utilisés dans les hôpitaux conviennent au nettoyage de l'environnement dans le contexte de la colonisation ou de l'infection par un BGNRC. Il faudrait nettoyer toutes les surfaces horizontales et les surfaces touchées fréquemment au moins deux fois par jour ou lorsqu'elles sont sales. Le nettoyage de l'environnement devrait se faire conformément au protocole de nettoyage final de l'établissement de soins de santé, pour ce qui a trait au nettoyage de la chambre du patient après son congé ou son transfert, ou après l'arrêt des précautions contre la transmission par contact.
8. Gestion de la buanderie/des déchets
Aucune mesure de prévention spéciale n'est requise; les pratiques de base conviennent.
9. Déclaration
Il faudrait aviser les professionnels de la prévention et du contrôle des infections conformément à la politique/aux règlements de l'établissement de soins de santé.
10. Arrêt des précautions contre la transmission par contact
Les critères fondés sur des preuves relativement à l'arrêt des précautions contre la transmission par contact dans le contexte du BGNRC dans les milieux de soins de courte durée n'ont pas été définis. Compte tenu de la possibilité que la présence des BGNRC dans le tractus gastro-intestinal soit de longue durée et du risque de transmission de ces microorganismes, les établissements de soins de santé devraient être prudents quant à l'arrêt des précautions contre la transmission par contact. Dans la plupart des cas, il faudrait continuer à appliquer les précautions contre la transmission par contact tout au long de l'hospitalisation au cours de laquelle le BGNRC a été isolé. Les patients réadmis dans les 12 mois suivant cette hospitalisation devraient être considérés comme étant probablement colonisés et les précautions contre la transmission par contact doivent être prises à leur égard.
11. Gérance des antimicrobiens
L'établissement de soins de santé devrait avoir un programme de gérance des antimicrobiens relatif à l'utilisation judicieuse des antibiotiquesNote de bas de page 7
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