ARCHIVÉ - Recommandations Relatives au Programme de Vaccination Contre le Virus du Papillome

 

5. Rentabilité de la vaccination contre le VPH

Bien que des études cliniques suffisent pour homologuer des vaccins, elles ne fournissent pas d'information sur les conséquences épidémiologiques et économiques à long terme de la vaccination. Lorsqu'il n'existe pas d'études cliniques de suivi sur une longue période, les modèles mathématiques constituent une autre source d'information. Des modèles mathématiques ont été élaborés pour prévoir les avantages et les coûts à long terme de la vaccination et évaluer les autres stratégies de vaccination contre le VPH. Deux types de modèles mathématiques sont utilisés : les modèles de Markov (aussi appelés modèles de cohortes) ou les modèles dynamiques de transmission. Les modèles de Markov sont probabilistes et linéaires. La progression de la maladie due au VPH est simulée pour une seule cohorte pendant toute sa durée de vie, un peu comme on suit une cohorte dans la méthode de la table de survie. Les modèles dynamiques sont déterministes et non linéaires; les sujets entrent continuellement dans le modèle lorsqu'ils naissent et en sortent lorsqu'ils meurent. Un modèle dynamique ne suit pas simplement une seule cohorte mais plutôt le changement de la population avec le temps. Il rend compte de la façon dont l'administration du vaccin contre le VPH réduit la prévalence de l'infection dans la population avec le temps, évaluant l'impact de l'immunité collective(25). Toutefois, l'ajustement des paramètres dans les modèles dynamiques est souvent plus ardu que dans les modèles de Markov, en raison du grand nombre de calculs à faire.

Pour le moment, les coûts directs du programme d'immunisation incluent les frais suivants : le coût du vaccin (trois doses du vaccin quadrivalent contre les VPH 6/11/16/18 et la dose de rappel si la protection offerte par la primovaccination ne dure pas toute la vie; 134,95 $/dose) et le coût de l'administration de chaque dose (environ 10 à 13 $/dose si le vaccin est administré par une infirmière dans le cadre d'un programme scolaire). Un programme scolaire de vaccination entraînerait peu de coûts indirects alors que pour un programme administré par des médecins, il faudrait inclure le temps consacré par le patient ou un parent aux 3 consultations (ou 4 si une dose de rappel est requise). Au Canada, le coût total du programme comprendrait les frais suivants : le vaccin, sa distribution, le maintien de la chaîne du froid, l'éducation, l'obtention du consentement éclairé et l'administration du vaccin par des infirmières hygiénistes dans le cadre d'un programme scolaire. Le BC Centre for Disease Control en Colombie Britannique a estimé que le coût du programme oscillerait entre 9 et 10 millions de dollars par cohorte de filles d'âge scolaire en C. B. (environ 30 000 filles/cohorte).

Les essais cliniques publiés jusqu'à maintenant ont mis en évidence une diminution de l'incidence des infections par les VPH 16 et 18, des CIN 1 et 2/3, des cancers du vagin et de la vulve ainsi que des verrues génitales après la vaccination contre le VPH(26-28). Aucune de ces études n'a examiné l'impact de la vaccination sur les cancers de l'anus, du pénis, de la tête et du cou ni sur la papillose respiratoire récurrente. La plus longue période de suivi après la vaccination était de 5,5 années dans ces essais cliniques(18). Comme l'intervalle entre l'infection à VPH et le cancer du col utérin est long dans la plupart des cas (des décennies habituellement), aucun de ces essais n'a signalé jusqu'à présent des carcinomes épidermoïdes infiltrants du col utérin, des adénocarcinomes ou des décès.

Étant donné qu'on ne dispose pas encore de données sur l'efficacité à long terme du vaccin contre le VPH, des modèles mathématiques sont utilisés pour prévoir l'impact d'un vaccin sur la prévalence du VPH, l'incidence des CIN et du cancer du col utérin. Chacune des études publiées jusqu'à maintenant comportait diverses hypothèses dans leurs modèles en ce qui concerne la couverture vaccinale, l'efficacité et la durée de la protection (Annexe 2).

5.1 Études de modélisation internationales

Les modèles dynamiques publiés, qui partent de l'hypothèse que la protection offerte par le vaccin durerait soit dix ans ou toute la vie, prédisent une réduction d'environ 95 % des infections à VPH, une réduction de 62 à 93 % des cas de cancer du col utérin (si on vaccine les filles seulement) et une réduction de 64 à 91 % des cas de cancer du col utérin si on vaccine les filles et les garçons(29-34). Les études ayant recours à un modèle de Markov ont montré que l'usage du vaccin contre le VPH chez les filles de 12 ans réduirait l'incidence des infections à VPH d'environ 13 %, celle des CIN1 de 20 à 30 % et celle des CIN2/3 de 46 à 66 %. Kulasingam et Myers(35) de même que Sanders et Tairs(36) ont démontré qu'il y aurait une réduction de 15 et de 20 %, respectivement, dans le nombre de cas de cancer du col utérin lorsque la durée de protection est estimée à 10 ans, alors que d'autres études présument que la réduction serait de 50 à 75 % si le vaccin protège pendant toute la vie(37-40).

Des études publiées sur la rentabilité de la vaccination ont porté entre autres sur les coûts médicaux directs tels que le coût du vaccin, de même que sur les coûts liés à la prise en charge et au traitement de lésions précancéreuses et du cancer du col utérin (Annexe 2). Aucune de ces études n'a tenu compte des coûts associés à certains cancers autres que ceux du col utérin (vagin, vulve, anus et tête/cou). Les modèles dynamiques(30,32,34) ont abouti à un rapport coût efficacité différentiel plus faible pour le vaccin bivalent, qui variait entre environ 15 000 et 25 000 $ dans le cas d'un programme destiné aux filles seulement. L'administration d'un vaccin quadrivalent aux filles seulement entraîne un coût différentiel par année de survie ajustée pour la qualité de vie (QALY ) qui varie entre environ 3 000 et 37 000 $ selon le modèle utilisé, la durée de l'immunité et d'autres hypothèses(34,40). Le coût d'un programme universel de vaccination des filles de 14 ans et moins s'élèverait à quelque 15 000 $ à 31 000 $ par QALY si le vaccin est efficace pendant toute la vie et s'il coûte environ 400 $ par personne vaccinée. Ce seuil pourrait être considéré acceptable pour une intervention sanitaire. Le coût par QALY augmente progressivement après l'âge de 14 ans, de même que la proportion de filles infectées par l'un des types contenus dans le vaccin. Les études basées sur un modèle de Markov(35,36,38,40) ont produit des résultats similaires à ceux des modèles dynamiques, aboutissant à un coût différentiel par année de vie gagnée qui variait entre 32 000 $ et 93 000 $ lorsque le vaccin bivalent était administré aux filles de 12 ans comparativement aux programmes actuels de dépistage, alors que le coût par QALY dans ces études variait entre 23 000 $ et 31 000 $.

Le coût différentiel de l'introduction du vaccin contre le VPH pour les filles et les garçons était estimé entre 170 000 $(34) et 440 000 $(30) environ par QALY.

Des modèles mathématiques publiés ont montré que la rentabilité de la vaccination contre le VPH est très sensible à la durée de la protection vaccinale. La variation de la couverture vaccinale de 70 à 100 % avait toutefois peu d'impact sur les prédictions relatives à la rentabilité.

5.2 Études de modélisation canadiennes

Pourbohloul et Günther(42) ont élaboré un modèle dynamique de transmission et effectué une analyse approfondie de la sensibilité afin de prédire la prévalence et l'incidence des maladies associées aux VPH 16/18 en Colombie Britannique. Le modèle dynamique de transmission évalue les conséquences épidémiologiques d'autres stratégies d'immunisation à l'aide des vaccins contre le VPH en Colombie Britannique, de même qu'au Canada.

La figure 1 montre le nombre prévu de nouveaux cas de cancer du col utérin en fonction de différents paramètres relatifs au vaccin (immunité pendant 10 ans, 25 ans ou la vie entière) lorsqu'on vaccine les femmes de 14 ans et est basée sur les données de la Colombie Britannique.

Figure 1: Incidence du cancer du col utérin après la vaccination des filles de 14 ans, si l'immunité conférée par le vaccin dure 10 ans, 25 ans ou toute la vie

Figure 1

Pour chaque scénario de programme, l'impact de la vaccination des filles seulement, plutôt que des garçons et des filles, sur le nombre estimatif de nouveaux cas de cancer du col utérin était modeste, si l'on pense notamment que deux fois plus de vaccins seront nécessaires pour appliquer la dernière stratégie.

Lorsqu'on présumait que le vaccin conférait une protection pour toute la vie, toutes les stratégies entraînaient une baisse significative de l'incidence annuelle du cancer sur 50 ans, après le délai initial attribuable au long intervalle entre l'infection à VPH et le développement d'un cancer déclaré du col utérin. On peut par ailleurs observer que la réduction de l'incidence du cancer après 50 ans est plus marquée lorsque le vaccin est administré à un jeune âge et plus faible lorsqu'il est donné plus tard. Si la protection dure toute la vie, l'immunité conférée par le vaccin ne s'estompera pas; la vaccination des filles le plus tôt possible est associée à la meilleure performance, en particulier lorsqu'elle est combinée à un programme de rattrapage de 3 ans destiné aux filles de 14 ans. En revanche, lorsqu'on présumait que la protection offerte par le vaccin ne durerait que 10 ans, les résultats étaient qualitativement différents (courbes en rouge dans la Figure 1). Même si l'incidence annuelle du cancer a diminué pour toutes les stratégies après un délai initial, la réduction a été beaucoup plus faible dans le scénario où la protection durait toute la vie, et une remontée a été observée vers l'année 2030.

La figure 2 illustre le nombre prévu de nouveaux cas de cancer du col utérin par année si l'on vaccine les filles seulement à différents âges (11, 14 ou 17 ans) et si l'immunité assurée par le vaccin dure toute la vie.

Figure 2: Incidence prévue du cancer selon diverses stratégies d'immunisation contre le VPH(42)

Figure 2

Le modèle a été utilisé pour évaluer le rapport coût efficacité en $CAN par QALY de trois stratégies en milieu scolaire : 1) un programme destiné seulement aux filles de 11 ans (F11); 2) un programme destiné seulement aux filles de 14 ans (F14); 3) un programme combiné F11 et F14 pour les filles seulement pendant 3 ans, suivi d'un programme F11. Par rapport au programme de dépistage, les 3 stratégies avaient un rapport coût efficacité similaire : 24 530 $/QALY pour la vaccination des filles de 14 ans, 24 945 $/QALY pour la vaccination des filles de 11 ans et 25 417 $/QALY pour le programme combiné(34).

Des résultats similaires ont été obtenus avec le modèle déterministe à compartiments élaboré par Brisson et ses collaborateurs(40,43). Ces derniers ont estimé que le nombre de filles de 12 ans qu'il fallait vacciner pour prévenir un épisode de verrues génitales serait de 8, et pour prévenir un cas de cancer du col utérin, de 324(43). Au Canada, ce modèle a estimé que la vaccination des filles de 12 ans entraînerait une diminution de 62 % du nombre de cas de cancer du col utérin, à un coût variant entre 20 512 $ et 31 060 $ par QALY(40). Le modèle déterministe à compartiments et le modèle dynamique de transmission ont produit des estimations similaires pour l'impact sur l'incidence de la maladie de la durée de la protection assurée par le vaccin.


*Les QALY tiennent compte à la fois du nombre d'années et de la qualité de vie associés à des interventions sanitaires. Il s'agit du produit arithmétique de l'espérance de vie et d'une mesure de la qualité des années de vie qui restent. Les QALY fournissent une mesure commune pour évaluer l'ampleur des bienfaits obtenus grâce à diverses interventions sanitaires. Lorsqu'on les combine aux coûts des interventions, on obtient des rapports coûts utilité; ces derniers indiquent les coûts additionnels requis pour produire une année de vie en parfaite santé (une QALY)(41).

*Hypothèses : efficacité du vaccin de 100 %, taux de réception du vaccin de 85 % et de 80 % chez les 11 et 14 ans, respectivement, durée de l'immunité pendant toute la vie, coût du vaccin de 135,95 $ et coût d'administration de 12,66 $ par dose, et coût du test de Pap et de la cytologie de 74 $.

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