Allocution du Ministre de la Sante devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

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Transcription - Allocution du Ministre de la Sante devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

On peut se demander pourquoi inviter un ministre de la Santé à la Chambre de commerce, ça, ça serait à vous de répondre à la question, Michel. Mais la raison, c'est peut-être que la santé et l'économie, le développement économique ça va de pair. Je suis économiste de formation, donc plusieurs me demandent souvent qu'est-ce qu'un économiste fait comme ministre de la Santé. Comme économiste, évidemment on a souvent un goût, parfois un petit talent pour les chiffres, c'est ce qui m'anime – pas juste ça, là, mais c'est une des choses qui m'anime en santé. Et je vais profiter de l'occasion de ce matin pour faire certains liens entre la santé et l'économiste, et une des raisons c'est que même si on devient politicien et éventuellement même ministre de la Santé, bien on reste quand même économiste dans son fort intérieur. Donc beaucoup de choses à dire là-dessus, en commençant peut-être par la pandémie de la COVID-19, qui nous aurait… si elle n'aurait pas existée, on ne serait peut-être pas ensemble ce matin, et beaucoup de gens ne seraient peut-être autant en relation depuis plusieurs mois si la COVID-19 n'avait pas existé, y compris les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, et je vais y revenir dans quelques instants. On doit aussi reconnaître que les conséquences économiques et sociales de la COVID à long terme ne sont toujours pas comprises vraiment, risquent d'être plus graves que malheureusement on pourrait espérer. Bon, des conséquences immédiates, on les a vécues sur les travailleurs dans les premières semaines, les travailleurs plus marginalisés, plus vulnérables en partant. Toute crise a tendance à exacerber les inégalités existantes et à créer davantage de vulnérabilité. Ça a été vrai pour les jeunes, les femmes, les travailleurs qui étaient déjà fragiles sur le marché du travail, les populations racisées, mais aussi marginalisées pour les peuples autochtones qui vivent dans des communautés nordiques et pour lesquelles l'accès à des soins de santé est déjà difficile en l'absence de crise.

Il y a aussi de plus en plus des connaissances sur ce qu'on appelle la « COVID longue ». La COVID longue, c'est un effet, comme on le sait, de la COVID qui se répercute approximativement 1,4 million de Canadiens, et donc sur-… beaucoup de travailleurs, et un impact, évidemment, sur la main d'œuvre et les entreprises. Selon l'économiste David Cutler, qui est un économiste du travail que je connais bien, il y aurait à peu près 10 millions de personnes aux États-Unis qui présentent au moins trois symptômes du syndrome post-COVID, ce qui représenterait un fardeau – quand on inclut tous les indicateurs sociaux, qualité de vie et santé – de près de 3,7000 milliards de dollars. Donc, beaucoup d'impacts réels, même s'ils ne sont pas totalement documentés. Ceci étant dit, on sait que la COVID-19 aurait pu être beaucoup pire, et la raison pour laquelle ça a été moins pire, mieux que dans la plupart des pays comparables, y compris tous les pays du G7, c'est qu'il y a existé au Canada en raison du leadership, entre autres de la communauté ici à Montréal, un grand partenariat, rapide, efficace qui a permis de fournir des biens et services, mais aussi de rassurer les gens. Dans un-… dans des crises comme ça. Souvent un des enjeux c'est de rassurer et d'informer les personnes. Il y a, parlant d'interventions rapides, il y a une étude de l'Institut C.D. Howe qui est sortie il y a quelques mois, qui dit que chaque jour de retard additionnel en matière de vaccination des Canadiens contre la COVID-19 aurait coûté 1 milliard de dollars par jour. Et par conséquent, oui, ça a coûté des sous de se mettre en branle, mais d'un point de vue économique, les conséquences auraient été très sérieuses si on se serait retrouvé comme dans d'autres pays, dans des contextes où la vaccination aurait tardé beaucoup davantage. Ceci étant dit, à nouveau, les conséquences continuent de se manifester, en particulier sur nos systèmes de santé qui étaient déjà à bout de souffle avant la COVID-19. On a connu des retards majeurs en matière de diagnostics, en matière d'interventions chirurgicales. Il y a une étude de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, qui dit que il y aurait à peu près 1 million d'interventions chirurgicales de toutes sortes, y compris en oncologie, en cardiovasculaire et ailleurs, qui ont été ou bien retardées ou annulées, ce qui représente à peu près 14 % du total des interventions chirurgicales qui auraient dues avoir lieu mais qui n'ont pas eu lieu. Et on en voit les effets, dans certains cas dans nos familles proches, des gens qui n'ont pas été diagnostiqués suffisamment rapidement et dont les traitements sont plus difficiles à faire mais présentement.

En plus de ça, on sait que cette pandémie n'est pas la dernière, mais qu'il y aura d'autres pandémies, ce que l'on sait déjà, et que le vieillissement de la population continue à aggraver les impacts sur la population, la main d'œuvre, sur nos systèmes de soins de santé. Évidemment, le vieillissement, c'est une super bonne nouvelle. L'alternative au vieillissement est une très mauvaise nouvelle, donc on devrait s'en réjouir. Mais en même temps, vieillir en santé et en dignité, c'est un défi personnel et individuel. Il y a les changements climatiques qui nous forcent à mieux nous préparer pour l'avenir. J'y reviens dans quelques instants. Mais avant de parler de ça, les économistes ont aussi évaluer l'impact macroéconomique, l'impact agrégé de la santé sur la croissance économique au cours du dernier siècle, ça serait à peu près le tiers de la croissance économique qui est due à une amélioration de la santé des populations. Et c'est parce que ça l'a pu augmenter la capacité de la main d'œuvre à être active, à augmenter aussi la productivité des gens actifs, à les protéger de maladies chroniques qui réduirait à la fois la participation et la productivité en milieu de travail. Donc, on a des défis, mais on a aussi des bonnes nouvelles. Une des bonnes nouvelles, c'est notre capacité de réagir au cours des prochaines années à des urgences sanitaires, en particulier par des campagnes de vaccination plus rapides, et aussi par le développement de techniques thérapeutiques, de produits, de techniques de prévention, de diagnostics qui seront plus efficaces et plus rapides en raison de ce qu'on a fait durant la COVID-19. On a des bonnes nouvelles aussi en matière de ce qu'on connaît sur la prévention en santé. Beaucoup des maladies chroniques qui coûtent très chères aux gens et à la société, peuvent être prévenues et les effets peuvent être amoindris en raison d'investissements en santé publique. On parle aussi de politiques sociales progressistes qui jouent sur les déterminants sociaux. Il y a 80 % des résultats en matière de santé qui n'ont rien à voir avec les soins de santé, 80 % qui ont tout à voir avec des conditions de vie, avec des styles de vie, avec des choix de vie. Et ces conditions de vie, ces styles de vie et les choix de vie, bien ils sont meilleurs quand les gens vivent dans des conditions décentes et ça inclut, entre autres, des conditions de vie hors de la pauvreté. Or des investissements comme l'Allocation canadienne pour enfants qui, dans des quartiers de Montréal, en fait dans tous les quartiers de Montréal, l'Allocation canadienne pour les enfants réduit de 40 % la pauvreté à chaque mois.

Une petite anecdote. Ma circonscription est peut-être une des plus pauvres au pays, c'est 317 sur 338, donc pas loin d'être la plus pauvre. Et les quartiers centraux de ma circonscription de la Basse-Ville, Saint-Roch, Saint-Sauveur, Saint-Malo, Vanier, où les gens des milieux communautaires me disent qu'il y a un effet visible et discret entre le 20 de chaque mois et le 21, 22, 23 de chaque mois. Pourquoi ? Bien c'est parce que c'est le 20 de chaque mois que neuf parents sur dix dans ma circonscription reçoivent l'Allocation canadienne pour enfants. Ce que les éducateurs en milieux de garde, les enseignants en milieu scolaire nous disent, c'est que le lendemain ou le surlendemain, du moment où les gens reçoivent l'allocation dans leur compte de banque, les parents arrivent avec des boîtes à lunch remplies de fruits et de légumes, avec des sourires davantage visibles sur leurs visages, avec un stress financier qui est amoindri, du moins durant quelques semaines. Donc c'est pas scientifique, tu sais, il y a pas d'étude qui a été faite, mais c'est très-… non seulement c'est anecdotique, mais c'est très qualitatif. Donc l'investissement dans la lutte contre la pauvreté, les investissements dans les services de garde abordables et de qualité, ça fait une grande différence pour la qualité du développement des enfants, certainement dans des milieux plus vulnérables. Ça fait aussi une grande différence pour la participation des femmes, pour l'augmentation du revenu pour les parents et pour aussi la réduction de la pauvreté. L'investissement dans le logement, bon, on sait que c'est la crise présentement. Mais le logement, c'est pas juste un toit, c'est aussi un lieu où on vit. Et ça, ça a un impact sur le stress des gens, sur la qualité des relations dans les couples et éventuellement aussi sur la santé physique des personnes. Donc, ce sont des investissements structurants qui peuvent, à première vue, n'avoir rien à voir avec la santé mais en fait, ça a beaucoup à voir avec la santé.

Je voudrais aussi dire que le vieillissement de la population, c'est pas seulement le vieillissement de la population en général, c'est aussi le vieillissement de la population des travailleurs de la santé. C'est un très gros enjeu. Selon RBC, il va y avoir, au cours des cinq prochaines années, une pénurie d'environ 44 000 médecins au pays. 44 000 médecins, dont 70 % vont être des médecins généralistes qui sont souvent les premiers à prodiguer des soins. C'est, la plupart du temps, la porte d'accès aux soins de santé dans un système qui fonctionne bien. Il y a aussi, selon une étude réalisée il y a quelques années à peine, une pénurie d'environ 100 000 infirmières d'ici 2030. C'est une pénurie mondiale, à l'échelle du monde. D'ici 2030, des dizaines de millions de travailleurs de la santé, la plupart d'entre eux, beaucoup d'entre eux des infirmiers et des infirmières qui ne seront tout simplement pas disponibles, donc pour lesquels il va y avoir une pénurie. Donc c'est une pénurie qui va nous amener, comme vous l'avez dit un peu plus tôt, Michel, à devoir innover. Alors, comment est-ce qu'on va innover ? Ben là, je vais vendre un petit peu ma salade. Il y a quelques mois, le 7 février pour être plus précis, le premier ministre a fait une offre aux provinces et aux territoires – moi, j'étais dans la salle – une offre d'un investissement additionnel de 200 milliards de dollars aux provinces et aux territoires en matière de soins de santé. Il y a cinq domaines prioritaires qui sont rattachés à cette offre. Le premier, c'est un investissement dans un meilleur accès au service de médecine familiale, en particulier en région rurale et éloignée. À nouveau parce que la médecine familiale, pas nécessairement un médecin de famille, mais la médecine familiale est clé pour que notre système soit à la fois efficace et équitable. Deuxièmement, soutenir nos travailleurs de la santé, en particulier mieux les retenir. C'est un trou sans fond. Si on pense seulement au recrutement et à la formation de nouveaux travailleurs, il faut tout d'abord s'assurer que ceux et celles qui sont là puissent vouloir poursuivre leur carrière dans le système de santé qui les appuie. Et en même temps, bien ça nous permet de réduire les listes d'attente pour les interventions chirurgicales. La troisième, c'est des investissements en santé mentale et en consommation de substances, en particulier pour les Canadiens plus jeunes. C'est de la santé mentale, ça a été longtemps un angle mort sur notre système de soins de santé.

En quatrième lieu, et je sais qu'il y a d'autres gens comme moi qui sont intéressés par les données, c'est un meilleur usage des données au Canada. On est en retard par rapport à la plupart des pays dans le monde. On n'a pas un système de soins de santé de classe mondiale, on a plus un système de données de soins de santé de classe médiocre. Donc on est heureusement capable de regarder ce qui se fait de bon ailleurs, et ça veut dire reconnaître que à peu près-… il y à peine un tiers des Canadiens présentement qui peuvent accéder, s'ils le souhaitent, à leurs données de santé. Il y a à peu près un tiers seulement des médecins, des médecins généralistes qui sont capables de partager les informations cliniques sur leurs patients en dehors de leur pratique. Ça veut dire que si je vais voir mon médecin à la clinique privée demain, il y a deux-tiers de chances que ce médecin-là ne puisse pas partager les informations cliniques qu'il va récolter avec mon pharmacien, avec l'urgence et avec le paramédic. Donc, c'est beaucoup, beaucoup de données dont la perte coûte énormément au système de soins de santé. Pour les travailleurs, il faut aussi reconnaître – et ça, c'est un exercice qui relève essentiellement à nouveau des provinces et des territoires – que on prend trop de temps à reconnaître les compétences de ceux et celles qui ont été formés à l'étranger ou ailleurs au pays. Bon, au Québec, on est un petit peu plus sensible à ça. À la mobilité de la main d'œuvre, on y croit peut être un petit peu moins, bon, on est un peu plus tiède par rapport à ça, mais on a aussi au Québec, comme partout ailleurs au Canada, on a intérêt à s'assurer que quand les gens viennent, veulent venir habiter et vivre et grandir à Québec – mais pas à Québec, à Québec – au Québec et à Montréal, mais qui peuvent rapidement mettre leur talent et leur expertise et leur formation parfois acquise ailleurs au pays ou dans le monde, rapidement, ces talents au service des gens. Sinon ils viendront pas, ils vont aller ailleurs ou le conjoint va venir, ou la conjointe va venir, puis le conjoint, bien après quelques semaines ou quelques mois va dire, bien écoute mon chéri-là, ou ma chérie, j'ai rien à faire ici. J'ai été formé comme infirmière ou comme médecin puis je ne vois pas de possibilité pour moi, alors allons ailleurs. Ça va être facile pour moi de m'intégrer aussi. Donc la mobilité de la main d'œuvre, ça repose par une meilleure reconnaissance des compétences, et ça, c'est quelque chose qu'on doit reconnaître. Le gouvernement canadien peut aider en facilitant et en accélérant l'immigration au Québec. On sait c'est plus sensible, que le gouvernement du Québec a une responsabilité majeure en matière d'immigration. On travaille très bien ensemble, ça va de mieux en mieux. On peut aider, mais c'est sûr que beaucoup des travaux difficiles qui doivent être faits, doivent être faits par les provinces et les territoires.

Alors je vais aller un peu plus rapidement parce que j'aurais tellement de choses à dire, mais aussi,-surtout, tellement de choses à entendre. je vais mentionner un exemple de la valeur de la prévention en santé, ce sont des investissements en santé buccodentaire. Les soins dentaires précoces, surtout pour les enfants, peuvent sauver énormément d'argent aux familles, oui, mais aussi au système de santé surtout. Il y a la grande majorité des hospitalisations sous anesthésie générale pour les jeunes enfants au Canada sont reliés à des conditions bucco-dentaires qui n'ont pas été traitées suffisamment rapidement par les familles, dans la grande majorité des cas parce que les familles avaient pensé de ne pas avoir les moyens d'aller voir une hygiéniste dentaire ou un dentiste. Donc on va voir au cours des prochains mois, les prochaines années, un investissement ciblé du gouvernement canadien qui va toucher à peu près 9 millions de Canadiens. On va dire c'est pas ciblé, bien c'est, au contraire, très ciblé parce que ce sont des familles à revenus modestes ou revenus moyens, modestes. Quand même, on parle d'un revenu maximal de 90 000 $ par année pour la famille, et des familles qui n'ont pas accès à une assurance dentaire de la part de leur employeur. Donc, on parle beaucoup d'investissements parce que ce sont des investissements en bonne partie préventif, mais je m'en voudrais de ne pas parler aussi de la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie dans laquelle beaucoup d'entre vous êtes très impliqués, on en est très reconnaissants. Donc 2,2 milliards de dollars sur sept ans qui nous aident, entre autres, à nous préparer contre les futures pandémies. Moderna, évidemment, dont on est très fier du partenariat, GSK à Québec qui a une usine cruciale, AstraZeneca, Sanofi ici dans la région et ailleurs au pays. En raison de ce partenariat, bien on assiste à des innovations qui sont vraiment palpitantes dans le domaine des nanotechnologies, mais aussi dans le domaine de l'intelligence artificielle, comme on a déjà entendu.

Presque en conclusion, je dirais que de plus en plus, on s'aperçoit… puis vous, comme gens d'affaires, vous le voyez encore mieux que la majorité des Canadiens, que tout est connecté. L'économie, l'énergie, l'environnement, la sécurité géopolitique, la confiance dans les institutions, tout ça c'est relié. Et non seulement on le voit, mais on le reconnaît de plus en plus. On reconnaît aussi que quand, comme dans les dernières semaines, on vit à Montréal des effets réels des feux de forêt et des changements climatiques, bien ce n'est pas aussi abstrait que quand c'est juste les populations nordiques de l'Alberta qui le connaissent depuis déjà plusieurs années. Quand on dit qu'il y a au Canada 15 000 personnes qui meurent prématurément par année en raison de la mauvaise qualité de l'air, et une partie de cette mauvaise qualité de l'air, c'est pas la majeure partie, mais une bonne partie c'est relié à ce qu'on voit autour du Québec présentement, les feux de forêt, bien ça rend l'impact de la pollution et des changements climatiques très concrets pour les gens. Quand on parle du fait que des centaines de milliers de Canadiens ont probablement survécu à la COVID en raison de notre capacité au Canada de réagir rapidement en matière d'interventions de santé publique, en matière de distribution d'équipement de protection, de tests diagnostiques, en matière, évidemment, de vaccination et de produits thérapeutiques, bien ça donne aux Canadiens une compréhension tangible de pourquoi tout ça, c'est connecté. Alors pour que tout ça puisse continuer à être connecté, on a besoin de nous rester connectés et c'est pour ça que j'apprécie beaucoup cette chance que nous avons ce matin grâce à votre leadership, Michel et celui de toute votre équipe. Et j'arrête là-dessus pour maintenant avoir une vraie discussion.

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