Rapport du Comité scientifique sur le Plan de gestion des produits chimiques des 18 et 19 novembre 2015

Comité scientifique sur le Plan de gestion des produits chimiques

Le Comité scientifique (le Comité) a reçu le mandat de répondre aux questions stratégiques suivantes :

  1. Les approches écologiques et sanitaires proposées sont-elles adéquates pour déterminer les risques cumulatifs du groupe des phtalates?
  2. Lors d'une évaluation préalable en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)], quels sont les éléments à prendre en considération pour déterminer si une évaluation des risques cumulatifs (ERC) est appropriée?

En fournissant leurs réponses à ces questions aux fins d'examen par les ministères, les membres du Comité ont réorganisé et reformulé les questions comme suit :

  1. Lors d'une évaluation préalable en vertu de la LCPE (1999), quels sont les éléments à prendre en considération pour déterminer si une ERC est nécessaire?
  2. Les approches écologiques et sanitaires proposées sont-elles adéquates pour déterminer les risques cumulatifs du groupe des phtalates?

1) Lors d'une évaluation préalable en vertu de la LCPE (1999), quels sont les éléments à prendre en considération pour déterminer si une ERC est nécessaire?

1.1) D'un point de vue scientifique, l'indéniable exposition à de multiples produits chimiques justifie en soi la réalisation d'une évaluation chimique globale. On constate une aspiration mondiale à faire évoluer l'évaluation des risques dans le sens suivant : la population désire vivre dans un environnement « non toxique », et cette préoccupation stimule l'innovation réglementaire entre territoires de compétence, y compris au Canada, afin d'évaluer les groupes de substances chimiques présentant un risque probable de coexposition. Les membres du Comité sont enthousiasmés par l'objectif à long terme d'inscrire l'évaluation des risques dans l'approche de santé publique et des écosystèmes dite de l'« exposome », qui tient compte de toutes les expositions. Ils sont néanmoins conscients que la réalisation de cette aspiration dépend de l'élaboration d'approches bien évaluées et de la disponibilité des données requises. Dans le présent rapport, le Comité vise donc l'atteinte d'objectifs à plus court terme et cherche à déterminer si la réalisation d'une ERC éclairerait la prise de décision des prochaines années dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC). Autrement dit, le Comité s'est posé les questions suivantes : une ERC évaluerait-elle mieux les risques sanitaires et environnementaux (notamment en prévoyant précisément les risques réels) et serait-elle plus appropriée qu'une évaluation des risques d'une substance unique? L'exécution d'une ERC accroitrait-elle l'efficacité de la phase 3 du PGPC (PGPC3)?

Conceptuellement, la décision d'opter pour une ERC serait éclairée par de nombreux facteurs concernant principalement les substances évaluées (des exemples de ces facteurs sont résumés à la figure 1).

Figure 1. Aperçu des facteurs pouvant justifiant la réalisation d'une ERC

Un diagramme illustrant les possibles facteurs permettant de faire une estimation des risques cumulatifs.

La première question que devraient examiner Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada, en ce qui concerne les substances visées par les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999, est la suivante : est-il essentiel pour ces deux ministères de prendre une décision à l'égard d'une catégorie prédéfinie? La deuxième question que devraient se poser les ministères est la suivante : devrait-il y avoir un niveau de protection similaire pour les substances (comme les substances reprotoxiques par rapport à une classe chimique)?

Les ministères devraient ensuite réfléchir au type d'estimation des risques cumulatifs qui doit être faite :

  1. une estimation des risques cumulatifs pour une catégorie de produits chimiques (comme les phtalates ou les phénols encombrés);
  2. une estimation des risques cumulatifs en fonction de la source (comme les effluents d'usines textiles);
  3. une estimation des risques cumulatifs fondée sur des critères d'effets (comme l'insuffisance androgénique);
  4. une estimation des risques cumulatifs de nature holistique (organisme/écosystème) (comme le système aquatique dans la rivière des Outaouais).

À partir de ces diverses possibilités en matière d'estimation des risques cumulatifs, les ministères devraient ensuite déterminer si le même arbre décisionnel s'applique ou si un arbre différent s'applique, selon le type d'estimation des risques cumulatifs choisie.

Les ministères devaient ensuite utiliser l'arbre décisionnel et déterminer si la conclusion est la même ou si elle est différente.

Selon la conclusion de l'arbre décisionnel, il y aura soit :

  1. un groupe A de substances pour lesquels une estimation des risques cumulatifs est pertinente;
  2. un groupe B de substances pour lesquelles une estimation des risques cumulatifs est pertinente;
  3. un groupe C de substances pour lesquelles une estimation des risques cumulatifs est pertinente;
  4. un groupe X de substances pour lesquelles une estimation des risques cumulatifs est pertinente, etc.

Explication de la figure 1 :

La première rangée de nuages comprend des exemples de questions à poser au moment de décider du type d'ERC le plus approprié.

« La décision de Santé Canada/Environnement Canada sur une classe chimique prédéfinie est-elle essentielle? » signifie « La décision de Santé Canada/Environnement Canada sur la sélection d'une classe chimique prédéfinie est-elle essentielle pour produire une conclusion définitive? »

La boîte « Arbre de décision » et son nuage associé indiquent que l'arbre de décision peut changer en fonction du type d'ERC sélectionné et si le risque cumulatif prévu est significativement plus élevé que les risques individuels des substances constitutives.

La dernière rangée de boîtes comprend le résultat de l'arbre de décision, et son nuage contient une question ouverte : en quoi le choix du type de groupe influe-t-il sur la conclusion définitive?

1.2) Dans les limites d'une ERC dans le cadre du PGPC3, on mettra l'accent sur les évaluations de classe chimique, car c'est généralement le type d'évaluation qui est réalisé lors de la deuxième phase du PGPC et qui est proposé pour les autres priorités dans le cadre de la troisième phase, si une telle évaluation s'avère nécessaire et appropriée; les phtalates ou les phénols encombrés (illustrés dans la partie gauche de la figure 1) en sont des exemples. Par conséquent, les délibérations du Comité ont principalement porté sur une ERC de classe chimique et sur les éléments à prendre en considération pour effectuer une telle ERC en appui aux décisions prises en vertu de la LCPE (1999). Une fois établi que l'on peut raisonnablement s'attendre à une coexposition aux substances incluses dans la classe chimique, voici certains des éléments dont il faut tenir compte :

  1. On prévoit que les substances à l'étude auront un effet ou un signal de paramètre néfaste qui est préoccupant pour une population humaine ou écologique;
  2. On a amélioré la compréhension des risques associés à des coexpositions par rapport à l'exposition à un seul produit chimique;
  3. La valeur ajoutée de l'information d'une ERC a amélioré l'efficacité de la prise de décision en vertu de la LCPE ou de la prise de décision et de la gestion en matière de risques.

1.3) Le Comité a convenu que le volet de la formulation du problème d'une évaluation est l'occasion idéale de déterminer si une ERC est appropriée. Dans le but de fournir une séquence logique aux fins de discussion, le Comité a posé une série de questions du genre « Devons-nous/Pouvons-nous/Comment mener une ERC? » Les résultats sont résumés dans le tableau 1 et dans les notes qui y sont associées.

Tableau 1. Formulation du problème de l'ERC
Devons-nous procéder à une ERC? Comment pouvons-nous conclure que l'ERC n'est pas nécessaire? Pouvons-nous procéder à une ERC? (Avons-nous les connaissances techniques et les données appropriées à notre disposition?) Lien vers Comment mener une ERC? Comment mener une ERC?
Valeur ajoutée par une ERC : Potentiel que l'ERC influence/éclaire une décision réglementaire qui soit différente d'une décision portant sur une substance unique :
  • Les substances sont commercialisées
  • Preuve de coexposition potentielle
  • Risque facilement décelé de substitution regrettable de substance
  • « Gravité » des effets
Accessibilité à des données suffisantes (exposition/risques) Niveau 0 (voir le nouveau cadre d'évaluation du PGPC3) - analyse des quotients de danger : Si la somme des quotients de danger est ≥ 1, passer au niveau 1
Mandat public/international Une certaine expérience a-t-elle été accumulée pour ce type d'ERC? Volet 1 :
  • Effets identiques/similaires
  • Écosystème - santé de la population
  • Santé - effets comparables sur la santé, mêmes propriétés physico-chimiques
  • Preuves de coexposition
Nota :
  1. L'hypothèse par défaut dans le tableau 1, sous « Devons-nous? », est qu'il existe un risque de coexposition aux produits chimiques sélectionnés pour le groupe d'évaluation. Le Comité appuie fortement ce concept.
  2. Sous « Comment mener une ERC? » dans l'évaluation du risque de niveau 0, le risque cumulatif est établi à l'aide d'une méthode d'ajout de dose. Ainsi, les quotients de danger pour chaque produit chimique dans le groupe sont additionnés afin de calculer l'indice de danger (ID). Il est reconnu que, même si les composés d'un groupe d'évaluation peuvent avoir des organes cibles ou des modes d'action comparables, on ne dispose d'aucunes données sur certains des composés. À l'occasion, il se peut que ces quotients de danger se fondent sur différents ensembles de données ayant différents effets critiques, mais cette approche fournirait néanmoins une première estimation appropriée (par exemple, Backhaus et Faust, 2012); Environ Sci Technol 46 : 2564 2573). Dans le cadre de la démarche décrite dans le tableau 1, un ID ≥ 1 entraînerait une évaluation de niveau 1 ou une analyse plus fine des risques à l'aide de données supplémentaires sur la relation dose-effet pour les effets critiques courants, si ces données supplémentaires sont disponibles.

Après avoir confirmé l'importance d'effectuer soigneusement une première étape de formulation du problème, le Comité a procédé à la détermination d'autres éléments importants à prendre en considération :

  • 1.3.1) L'ajout de dose ne convient pas à certaines circonstances, notamment si l'analyse des données révèle d'autres interactions d'effets (antagonisme, synergie) ou si certaines des substances individuelles ont des profils pharmacodynamiques divergents; celles-ci peuvent faire en sorte que la réalisation d'une ERC basée sur l'ajout de dose soit impraticable ou dénuée de sens. Il faut élaborer des approches visant les mélanges de substances qui interagissent, et le concept « d'ajout de réponse » pourrait fournir une approche pour des composés ayant des modes d'action différents.
  • 1.3.2) Le Comité s'est demandé si les quotients de danger individuels, basés sur divers modes d'action, pouvaient ou devaient être additionnés afin de créer un ID. Les membres du Comité ne sont pas parvenus à un accord sur cette question, qui est jugée importante et devrait faire l'objet d'autres discussions au fil de l'évolution du PGPC; il se peut que l'on détermine que différentes approches sont applicables pour l'évaluation des risques environnementaux par rapport aux risques pour la santé humaine.
  • 1.3.3) Lors d'une ERC, plus l'ID s'approche de 1, plus il y a matière à préoccupation. Le Comité a discuté du « confort » associé à une valeur seuil élevée par rapport à la marge de sécurité, ainsi que de son incidence possible sur la proportion de la population susceptible d'être touchée. A quel point près de 1 cela peut-il se produire? Il se peut que le niveau d'ambiguïté soit tel qu'il faille effectuer un traitement quantitatif de l'incertitude, mais le niveau global de conservatisme demeure flou, car la manière de calculer la moyenne des composants n'est pas clairement définie. D'autre part, l'incidence des facteurs d'incertitude élevés pour certains produits chimiques sera réduite par l'ajout de quotients de danger afin d'obtenir un ID dans le cadre d'une ERC; cette incidence dépend en partie de la valeur et de la robustesse des quotients de danger individuels. Enfin, la question de la valeur seuil dépend également de considérations politiques. Le Comité a donc conclu qu'aucune orientation générale ne peut être fournie pour l'instant; une approche au cas par cas doit être adoptée jusqu'à ce que l'on ait accumulé suffisamment d'expérience sur les ERC pour dégager certaines lignes directrices.

1.4) D'autres commentaires s'inscrivent dans le cadre du tableau 1 :

  1. Les éléments d'évaluation de l'exposition à prendre en considération pour ne PAS procéder à une ERC sont les suivants :
    • On manque de données pour quantifier la coexposition (pas de valeur ajoutée de l'information par rapport à des évaluations individuelles).
    • Il existe des preuves suffisantes que les risques de coexposition sont ou seront négligeables.
    • Le potentiel d'une « substitution regrettable » est faible (c'est à dire qu'aucune substance commercialisée ayant des profils chimiques, toxicologiques et d'utilisation comparables n'a été exclue de l'ERC).
  2. La base de l'évaluation des risques pour ne PAS procéder à une ERC comprend les éléments suivants :
    • On manque de données sur les risques ou les modes d'action des composés individuels; le cas échéant, des évaluations individuelles doivent être mises en œuvre avant une ERC.
    • On obtient un ID ≤ 1 après une évaluation de niveau 0 (de combien inférieur? - voir ci-dessus).
    • Une évaluation de niveau 1 comporte des effets, des paramètres, des courbes dose-effet ou des modes d'action différents ou dissemblables (remarque : dans certaines circonstances, cette situation pourrait accroître la nécessité d'une ERC).
    • Il y a des preuves d'effets non additifs ou de courbes dose-effet non monotones (cette situation peut aussi accroître la nécessité de procéder à une ERC ou de diriger une évaluation individuelle détaillée).

La figure 2 représente un arbre de décision décrivant cette approche. Cet arbre ne vise pas à remplacer ceux utilisés par les ministères. Mentionnons que le Comité a eu de la difficulté à dresser cet arbre, car certaines des étapes sont quelque peu circulaires. Par exemple, il est difficile de confirmer si l'on doit procéder à une ERC sans effectuer d'abord une partie du travail associé à une évaluation de niveau 0. On ne peut pas réaliser efficacement une évaluation de niveau 0 sans une formulation du problème comprenant une liste (provisoire?) des substances à l'étude et les concentrations approximatives associées à des coexpositions.

Figure 2. Arbre de décision d'une ERC

A diagram illustrating a proposed cumulative risk assessment decision tree. This decision tree is not intended to be an alternative decision tree to be used by the Departments.

When there is a chemical class of substances for human health and ecological assessments, the first step to consider is whether or not there would be value added in conducting a CRA. If the answer is no, then either no CRA is needed or there is a need to consider new relevant information.

If new relevant information is considered, and there is value added in conducting a CRA, then the next step is to complete a Tier 0 - HQ screen which would consider conservative exposure(s).

Information from individual assessments may contribute to the Tier 0 - HQ screen. The results from the Tier 0 - HQ screen would be either: no concern for cumulative risk (no further CRA work required); or, yes, there is concern for cumulative risk.

If there is a concern for cumulative risk, this is a decision point and refinement is required on hazard and exposure.

The next step in the decision tree after the refinement is completed is problem formulation. As part of this step, consider if there is evidence of the same/similar effect/properties and sources/uses. Both human specific and eco specific information needs to be considered in the problem formulation step. Another consideration is whether or not there is sufficient data. If there is insufficient data, more data need to be collected and considered in the problem formulation step (if possible).

La raison pour laquelle une ERC est appropriée ou nécessaire devrait être indiquée explicitement dans la formulation du problème. La disponibilité de données pertinentes et complètes sur les risques de la plupart des composés à l'étude constitue un élément à prendre en considération pour une ERC, mais pas nécessairement pour une évaluation individuelle du risque. Dans une ERC de niveau 1, la phase de formulation du problème doit clairement indiquer le « paramètre » faisant l'objet de l'exercice. Si l'on ne s'attend pas à ce que ce paramètre soit le plus sensible (par exemple, une étape du cycle de vie dans le développement humain ou un taxon donné pour le risque écologique - ce qui pourrait être le cas si les données disponibles pour l'ERC ne se rapportent pas entièrement au paramètre le plus sensible), la réalisation d'une ERC exige une justification supplémentaire. Si la décision de procéder à une ERC est prise, l'efficacité du PGPC sera accrue, car il en découlera la possibilité de ne pas avoir à effectuer des évaluations de substances uniques.

1.5) Une partie des approches et des outils favorisant l'efficacité d'une ERC est décrite dans le tableau 2. Il pourrait s'avérer utile d'élaborer une version plus complète d'un tel tableau afin d'éclairer le choix de l'approche appropriée visant à procéder à une ERC sur un groupe donné de produits chimiques.

Tableau 2. Éléments à prendre en considération sur les approches possibles visant à procéder à une ERC efficace
Méthode Conditions préalables Mesures d'atténuation Avantages Inconvénients/ faiblesses
Méthode des unités toxiques Données d'exposition disponibles pour tous les substances du groupe d'évaluation. Une lecture croisée peut servir à combler les besoins en matière de données. Pour les évaluations environnementales, QR fondé sur le niveau trophique le plus sensible. ECx préférés aux CSEO/CMEO [pas un inconvénient, mais probablement un problème pour de nombreuses ERC environnementales].
Hypothèse : aucune interaction toxicodynamique ou toxicocinétique.
Données de toxicité sur le même organisme pour chaque substance.
Paramètre et durée d'exposition identiques pour toutes les données de toxicité.
Méthode des unités toxiques internes Toutes ces réponses. Modélisation supplémentaire d'un FBA (peut être très incertaine). S.O. Nécessite un FBA pour chaque substance.
Facteur de bioaccumulation (FBA) ou concentration tissulaire interne requis pour chaque substance.
Somme des CEE/CESE ou de l'ID Données d'exposition disponibles pour tous les composants. S.O. Des DNEL et CESE documentés à partir des évaluations de substances uniques peuvent servir directement à une ERC (autrement dit, aucune collecte de données précises n'est nécessaire). La CESE ou l'ID peuvent être calculés à partir des données sur les dangers provenant de différents tissus, organes ou organismes.
Effet de la CESE et QD disponibles pour tous les composants. Pas besoin d'examiner différents facteurs d'évaluation. Par conséquent, l'ID et les sommes CEE/CESE en résultant peuvent être difficiles à interpréter.
Hypothèse : aucune interaction toxicodynamique ou toxicocinétique. Méthode conservatrice, sans être trop surprotectrice.
Ajout de réponse (action indépendante) Données d'exposition disponibles pour tous les composants. S.O. Concept scientifiquement valable pour l'évaluation de l'action conjointe de composés ayant des modes d'action différents (sites, tissus, organes et organismes cibles) qui influe toujours sur le paramètre (éco)toxicologique d'intérêt. Exigences les plus élevées en termes de données d'(éco)toxicité disponibles pour chaque composé.
Hypothèse : aucune interaction toxicodynamique ou toxicocinétique. Les CSEO et les DSENO ne peuvent pas être utilisés.
Courbes concentration-effet complètes pour chaque composant disponible pour le paramètre (éco)toxicologique d'intérêt.
Abréviations utilisées dans le tableau 2 :
FBA
Facteur de bioaccumulation
DNEL
niveaux dérivés sans effet ou niveau d'une substance au-dessus duquel un être humain ne doit pas être exposé
ECx
concentration d'une substance causant x % d'effet
ID
indice du danger
CSEO/CMEO
concentration sans effet observé/concentration minimale avec effet observé
DSENO
dose sans effet nocif observé
CESE
concentration estimée sans effet
QD
quotient de danger
QR
quotient du risque cumulatif

Les éléments à considérer énumérés dans le tableau 2 pourraient faciliter le choix de l'approche d'ERC la plus appropriée pour les évaluations environnementales. Chaque approche d'ERC a des conditions préalables nécessaires ou des éléments d'information requis pour sa réussite; si les conditions préalables énumérées ne sont pas remplies, certaines techniques d'évaluation (telles que les relations quantitatives structure-activité) peuvent « atténuer » les lacunes en matière de données. Les avantages et les inconvénients de chaque approche doivent être examinés à la lumière des renseignements et des ressources disponibles et du degré de certitude requis en fonction d'une évaluation de niveau 0, entre autres.

Le Comité a indiqué que les techniques présentées dans des tableaux 1 et 2 pouvaient aider les évaluateurs à déterminer l'utilité associée à la réalisation d'une ERC.

1.6) Le Comité a passé quelque temps à examiner deux versions d'une proposition d'arbre de décision préparé par les ministères. Il n'a pas conclu qu'une des versions était meilleure que l'autre, pas plus qu'il n'a élaboré un autre arbre pour les ministères. Le Comité a néanmoins convenu que le concept était solide et qu'un arbre de décision serait utile aux évaluateurs lors des premières discussions visant à décider de procéder ou non à une ERC; l'arbre contribuerait également à la communication du concept dans la section de la formulation du problème du rapport d'évaluation des risques.

1.7) L'étude de cas sur les phénols encombrés a été plus difficile à discuter que l'ERC pour les phtalates, parce que :

  1. il n'existe pas de précédent pour ce groupe de structures chimiques,
  2. il existe un degré élevé de diversité structurelle et
  3. il s'agit d'un groupe de produits chimiques mal documenté, dont la plupart des données sont modélisées.

Les renseignements sur les modes et les mécanismes d'action des substances dans les organismes types sont particulièrement rares. Selon le Comité, cette situation pourrait être typique de nombreuses tentatives d'ERC dans un proche avenir et constitue donc un bon exemple de la difficulté, en pratique, de décider de procéder ou non à une ERC. Il semble tout à fait possible qu'un effort substantiel soit nécessaire afin de déterminer si l'ERC est faisable et, dans la mesure du possible, si elle apporte une valeur ajoutée par rapport à une évaluation conventionnelle.

Compte tenu du manque de données sur de nombreux phénols encombrés, il serait utile de s'entendre rapidement sur un mode d'action critique (par exemple, une narcose non polaire par rapport à une perturbation endocrinienne). On peut néanmoins « mélanger » les valeurs de l'ID découlant de divers modes d'action pour les membres individuels du groupe, de manière à créer une évaluation de pire cas réaliste de niveau 0 ou un quotient de danger (voir la discussion dans Backhaus et Faust, 2012, Environ Sci Technol 46 : 2564-2573). Cette approche pourrait s'avérer très utile pour vérifier s'il y a un « cas à répondre », à savoir si, même en formulant des hypothèses prudentes, il existe un risque pour l'environnement ou pour la santé humaine. Si oui, une évaluation plus détaillée est requise. Dans le cas contraire, on peut mettre fin à l'ERC. La méthode de l'ID (somme des CEE/CESE) facilite donc la prise de mesure dans les situations de grande incertitude. Il convient, cependant, de souligner que la validité globale d'une telle évaluation de niveau 0 repose sur une évaluation valide de l'exposition, qui sera souvent plus complexe qu'une seule évaluation. Une évaluation de niveau 0 réussie permet également de classer et de hiérarchiser des composants du groupe d'évaluation à des fins de collecte d'autres données expérimentales ou de gestion et d'atténuation des risques. Le Comité n'a pas pu fournir d'autres conseils aux ministères sur cette étude de cas ou, par extension, sur d'autres ERC potentielles aux prises avec de graves lacunes en matière de données, si ce n'est pour leur dire que ces évaluations constituent de bons exemples d'« apprentissage par la pratique », et ce, même si la réalisation d'une ERC s'avère impossible dans certaines circonstances.

2) Les approches écologiques et sanitaires proposées sont-elles adéquates pour déterminer les risques cumulatifs du groupe des phtalates?

Le Comité a reconnu l'importance de l'ERC sur les risques pour la santé associés à l'exposition aux phtalates. En réponse à cette question stratégique, et relativement au groupe de substances des phtalates, le Comité a suggéré que la coexposition, plutôt que la cible ou l'action, soit le facteur déterminant du choix des produits chimiques qui se prêtent à une ERC d'un groupe de substances. Selon ce scénario, les 28 phtalates seraient soumis au filtre d'exposition pour évaluer la coexposition. Si des produits chimiques sont retirés du groupe pour manque d'information sur la coexposition, il importe de faire la distinction entre ceux pour lesquels il n'y a pas de données et ceux pour lesquels il existe des données indiquant l'absence de coexposition. L'ERC en cours a « enlevé » 10 phtalates à courte et longue chaîne du groupe en raison du manque de données probantes sur l'insuffisance androgénique comme mode d'action commun avec les autres membres du groupe.

Le Comité a suggéré que les données sur les phtalates pour lesquels il existe une coexposition soient examinées au niveau 0 par ajout de dose, en tant que scénario de la pire éventualité, et ce, quel que soit le paramètre critique. Selon ce scénario, les 28 phtalates seraient inclus dans le niveau 0, en ajoutant tous les paramètres et en prenant en compte le point de départ le plus bas, et ce, quel que soit le mode d'action spécifique. La prise d'autres mesures dépendrait alors de l'issue de cette première étape. Si le niveau 0 indique un risque possible pour la santé humaine ou pour l'environnement, des analyses plus détaillées devraient suivre, y compris des évaluations axées sur les modes d'action (ce qui pourrait entraîner l'utilisation d'un ajout de réponse comme autre approche d'évaluation des effets de la combinaison de composés ayant des modes d'action dissemblables, ou d'une combinaison d'ajout de dose et d'ajout de réponse). Sachant que les évaluations de niveau supérieur nécessitent un important investissement en ressources, il serait souhaitable d'analyser le gain potentiel sur le plan de l'efficacité de l'évaluation (notamment par rapport aux incertitudes liées à l'estimation de l'exposition) avant d'entreprendre pareilles activités.

En outre, certains membres du Comité ont suggéré que, puisque la méthodologie d'ERC est relativement nouvelle, il serait souhaitable – au lieu de dépendre de l'approche traditionnelle reposant sur « un effet critique, un groupe vulnérable » généralement adoptée pour les évaluations de substance unique – d'élargir à la fois les paramètres examinés et les taxons et groupes de population vulnérables (voir nos commentaires précédents relatifs à la formulation du problème). Nous reconnaissons que cette approche puisse être très difficile à appliquer en pratique.

La méthodologie et l'approche en matière de santé écologique, soit la méthode des unités toxiques internes, incluaient l'ensemble des phtalates et des narcoses utilisées comme mode d'action commun. Cette méthode a été proposée parce que les phtalates ont un seuil de solubilité, de sorte que les phtalates à plus longue chaîne ne montrent pas d'effets à des concentrations inférieures à leurs limites de solubilité dans l'eau. Il se peut qu'aucune donnée de toxicité ne soit disponible pour certaines des substances si des tests écotoxicologiques ont été effectués à des concentrations dépassant leur solubilité. Il a été suggéré d'adopter des approches d'ERC comportant l'utilisation d'outils (comme la boîte à outils de l'Organisation de coopération et de développement économiques) pour estimer un paramètre plus sensible (peut-être l'œstrogénicité). De plus, l'utilisation de la lecture croisée à partir des études toxicologiques devrait être envisagée pour les modes d'action des phtalates. Cette suggestion est particulièrement importante, car la narcose est le mécanisme de base de l'écotoxicité, et le fait d'omettre d'autres modes d'action plus spécifiques pourrait entraîner une sous-estimation du potentiel écotoxicologique de certains phtalates et, cela étant, une sous-estimation de l'écotoxicité cumulative.

3) Conclusions générales

Le Comité a éprouvé beaucoup de difficultés à répondre aux questions stratégiques, car plusieurs sujets nécessitaient une évaluation approfondie. Il a reconnu la motivation de mener une ERC, étant donné l'exposition des humains et des écosystèmes à de multiples produits chimiques. Dans le cadre du PGPC, la motivation spécifique serait la preuve d'une coexposition à un groupe de produits chimiques. L'ERC étant une évaluation réglementaire du risque encore peu pratiquée, le processus visant à procéder à une ERC permettra aux évaluateurs d'acquérir une précieuse expérience. Les phtalates sont l'un des rares groupes de substances dans le cadre du PGPC qui ont une base bien justifiée (y compris des données suffisantes) pour une telle approche, alors que les phénols encombrés sont un groupe plus difficile à évaluer de cette façon. Une expérience précieuse sera acquise en réalisant une ERC, et il en découlera un enrichissement de la base de connaissances de la « réglementation scientifique »; il faudra néanmoins prendre des décisions sur les circonstances se prêtant à une ERC en vue de renforcer la capacité d'atteindre les objectifs de santé et de protection de l'environnement du PGPC, compte tenu des délais associés à l'exécution du PGPC3.

Respectueusement soumis au nom des membres du Comité scientifique sur le PGPC. Le Comité tient à remercier le membre ad hoc Thomas Backhaus pour ses précieuses contributions.

Barbara Hales et Geoff Granville (coprésidents)

8 janvier 2016

Détails de la page

Date de modification :