Page 4 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les trihalométhanes
Les trihalométhanes sont un groupe de composés qui se forment par réaction entre le chlore utilisé pour désinfecter l'eau potable et des matières organiques présentes naturellement dans l'eau (p. ex., des feuilles et de la végétation en décomposition). L'utilisation du chlore dans le traitement de l'eau potable a presque éliminé les maladies d'origine hydrique, car le chlore peut détruire ou inactiver la plupart des micro-organismes couramment trouvés dans l'eau. La majorité des usines de traitement de l'eau potable au Canada utilisent des produits chlorés pour désinfecter l'eau potable : pour traiter l'eau directement dans l'usine de traitement et/ou pour maintenir du chlore résiduel dans le réseau de distribution afin d'empêcher une recroissance bactérienne. Les risques pour la santé posés par les sous-produits de désinfection, dont les trihalométhanes, sont bien moindres que ceux posés par la consommation d'une eau qui n'a pas été désinfectée. Les usines de traitement d'eau potable ne doivent épargner aucun effort pour maintenir les concentrations de tous les sous-produits de désinfection au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre sans compromettre l'efficacité de la désinfection.
Les trihalométhanes que l'on retrouve le plus couramment dans l'eau potable sont le chloroforme, le bromodichlorométhane (BDCM), le dibromochlorométhane (DBCM) et le bromoforme. Parmi ces composés, c'est le chloroforme qui a fait l'objet du plus grand nombre d'études; il existe également un certain nombre de données scientifiques disponibles sur le BDCM. Par contre, les données disponibles sur le DBCM et le bromoforme sont insuffisantes et ne permettent pas d'élaborer des recommandations pour ces deux composés. Pour ces raisons, et comme le chloroforme est le trihalométhane le plus répandu dans l'eau potable et qu'il s'y trouve en concentrations généralement plus élevées que les autres THM, on a fondé la recommandation relative aux trihalométhanes sur les risques pour la santé liés au chloroforme. Cette recommandation s'applique aux concentrations totales de chloroforme, de BDCM, de DBCM et de bromoforme.
Ce document technique examine tous les risques pour la santé associés à la présence de trihalométhanes dans l'eau potable, en tenant compte des diverses voies d'exposition aux THM par l'eau potable, à savoir l'ingestion, ainsi que l'inhalation et l'absorption cutanée qui se produisent au cours de la douche et du bain. Il évalue tous les risques définis pour la santé, tient compte des études et approches nouvelles et applique des facteurs de sécurité appropriés. En se fondant sur cet examen, la recommandation pour les trihalométhanes totaux dans l'eau potable est établie à une concentration maximale acceptable de 0,1 mg/L.
Bien que la concentration de BDCM soit comprise dans la recommandation pour les trihalométhanes, une recommandation distincte est également nécessaire pour le BDCM dans l'eau potable. La recommandation pour le bromodichlorométhane dans l'eau potable est établie à une concentration maximale acceptable de 0,016 mg/L.
Le chloroforme est considéré comme possiblement cancérogène pour les humains, compte tenu de preuves de cancérogénicité limitées chez les animaux de laboratoire et insuffisantes chez les humains. Des études effectuées sur les animaux ont montré l'existence d'un lien entre une exposition à des trihalométhanes donnés et l'apparition de tumeurs du foie chez la souris ainsi que de tumeurs rénales chez le rat et la souris; certaines études portant sur des humains viennent appuyer ces observations. Les études sur les humains suggèrent l'existence d'un lien entre l'exposition aux trihalométhanes et les cancers colorectaux.
Des études effectuées sur les humains suggèrent également un lien entre l'exposition à des concentrations élevées de trihalométhanes et des effets en matière de reproduction. Toutefois, aucun lien n'a pu être établi entre une augmentation de la concentration des trihalométhanes et une augmentation du risque, d'où le besoin d'études plus poussées.
Des études préliminaires sur les animaux montrent que le BDCM et les autres trihalométhanes qui contiennent du brome peuvent être plus toxiques que les trihalométhanes chlorés, tels que le chloroforme. Puisque des données scientifiques sur le BDCM sont disponibles, une recommandation distincte a été élaborée pour celui-ci. Le BDCM est considéré comme un composé probablement cancérogène pour les humains, compte tenu de preuves suffisantes dans le cas des animaux et insuffisantes dans le cas des humains. Les études sur les animaux ont mis en évidence l'apparition de tumeurs du gros intestin chez le rat. Parmi les quatre trihalométhanes les plus couramment trouvés dans l'eau potable, le BDCM semble être le composé le plus cancérogène pour les rongeurs, puisqu'il cause des tumeurs à des doses moins élevées et dans un plus grand nombre de sites cibles que les trois autres THM.
On a également établi un lien entre une exposition à des concentrations de BDCM supérieures à la valeur de la recommandation et une augmentation possible des effets sur la reproduction (risque accru de fausses couches ou de mortinatalité) qui dépasserait les niveaux auxquels on pourrait s'attendre normalement. Des études plus poussées sont nécessaires pour confirmer ces effets.
Les concentrations de trihalométhanes, y compris le BDCM, sont généralement plus élevées dans les eaux de surface traitées que dans les eaux souterraines traitées, parce que l'eau des lacs et des rivières contient plus de matières organiques. Elles sont aussi plus élevées au cours des mois chauds, parce que l'eau brute a une teneur plus élevée de précurseurs organiques et surtout parce que la formation de sous-produits de désinfection augmente à des températures plus élevées. Les concentrations de trihalométhanes sont également affectées par le choix et la conception des procédés de traitement. Des données récentes indiquent qu'en général, les concentrations moyennes de trihalométhanes dans les approvisionnements d'eau potable du Canada sont inférieures à la valeur de la recommandation. Toutefois, certains systèmes présentent des concentrations moyennes bien au-dessus de la recommandation; ces systèmes desservent une petite partie seulement de la population canadienne (moins de 4 %) et sont généralement de petits systèmes de traitement dotés de capacités limitées d'élimination des matières organiques avant l'ajout de désinfectant chloré. Il faut noter que la présence de sous-produits bromés tels que le BDCM dépend également de la présence de brome dans la source d'eau.
Les trihalométhanes et les acides haloacétiques constituent les deux principaux groupes de sous-produits de désinfection que l'on trouve dans l'eau potable, et leurs concentrations y sont en général les plus élevées. Ensemble, ces deux groupes peuvent être utilisés comme indicateurs de la présence de tous les types de sous-produits de désinfection dans les approvisionnements d'eau potable et on estime que leur contrôle entraînera une réduction des concentrations de tous les sous-produits de désinfection et des risques qu'ils posent pour la santé. Une recommandation sur les acides haloacétiques devrait être disponible en 2006-2007.
L'approche adoptée pour réduire l'exposition aux trihalométhanes consiste en général à réduire la formation de sous-produits chlorés de désinfection. Les concentrations de trihalométhanes et d'autres sous-produits chlorés de désinfection dans l'eau potable peuvent être réduites au niveau de l'usine de traitement en éliminant les matières organiques de l'eau avant d'y ajouter du chlore, en optimisant le procédé de désinfection ou en utilisant d'autres stratégies de désinfection ou une autre source d'eau. Les méthodes employées pour contrôler les concentrations de trihalométhanes ne doivent en aucun cas compromettre l'efficacité de la désinfection de l'eau. Le comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable recommande également de déployer tous les efforts possibles non seulement pour atteindre les concentrations recommandées, mais également pour maintenir les concentrations de trihalométhanes au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre.
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