Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le tétrachlorure de carbone
Partie II. Science et considérations techniques - suite
Les Canadiens peuvent être exposés au tétrachlorure de carbone présent dans l'air et l'eau potable. De plus, certains segments de la population peuvent y être exposés dans les lieux de travail ou par suite de l'utilisation de certains produits de consommation. Bien qu'il existe certaines données sur l'exposition, elles ne sont pas suffisantes pour justifier une modification du facteur d'attribution par défaut de 20 % pour l'eau potable.
En raison de sa grande volatilisation à partir de l'eau, le tétrachlorure de carbone est généralement présent en faibles concentrations dans les eaux de surface (≤1 µg/L). Toutefois, dans les eaux souterraines où la volatilisation et la biodégradation sont limitées, les concentrations peuvent être plus élevées s'il y a eu contamination à proximité et lessivage.
Les concentrations de tétrachlorure de carbone ont été mesurées dans plusieurs sources d'eau situées à différents endroits au Canada. Au Québec, entre 2001 et 2005, la substance a été détectée dans dix systèmes de distribution à une concentration maximale de 1 µg/L (Tremblay et Robert, 2005).
En Ontario, des niveaux de tétrachlorure de carbone supérieurs à 0,5 µg/L ont rarement été décelés. Sur plus de 5700 échantillons analysés entre 2004 et 2009, seulement deux échantillons ont présenté des niveaux dépassant 0,5 µg/L, le plus élevé étant de 1,2 µg/L (Ministère de l'Environnement de l'Ontario, 2010). Aucune concentration n'a été détectée dans des échantillons d'eau souterraine brute ou traitée ou d'eau de surface des Premières nations prélevés dans le sud et le nord de l'Ontario entre 1996 et 2004 (Santé Canada, 2005).
En Saskatchewan, aucune concentration de tétrachlorure de carbone n'a été détectée (limite de détection de 1 µg/L) dans des échantillons d'eau brute, d'eau de puits ou d'eau traitée prélevés entre 1992 et 2005 (Ministère de l'Environnement de la Saskatchewan, 2005).
La présence de tétrachlorure de carbone dans l'air ambiant résulte de rejets passés et actuels associés à sa production, à son élimination ou à son utilisation (ATSDR, 2005). Des relevés récents effectués dans l'air intérieur et extérieur au Canada ont montré que les concentrations moyennes étaient inférieures à 1 µg/m³.
Dans des échantillons d'air ambiant (6 992 au total) prélevés dans 17 sites ruraux et 40 sites urbains au Canada en 2004-2005, la concentration moyenne globale s'élevait à 0,60 µg/m³ (plage de 0,34 à 1,02 µg/m³) (Dann, 2006). Des concentrations similaires ont été mesurées dans l'air extérieur lors d'une enquête menée en 2005 auprès de 48 foyers à Windsor, en Ontario, durant l'hiver (plage de 0,47 à 0,72 µg/m³; moyenne globale de 0,60 µg/m³) et durant l'été (plage de 0,48 à 0,70 µg/m³; moyenne globale de 0,59 µg/m³) (Santé Canada, 2006a).
Simmonds et coll. (1998) ont mesuré les concentrations atmosphériques mondiales (basse troposphère) de tétrachlorure de carbone dans cinq stations de surveillance côtières entre 1978 et 1996. En 1989-1990, les concentrations ont culminé à 104,4 ppt (0,653 µg/m³). Selon des données moins récentes recueillies en 1976, les concentrations mesurées en Amérique du Nord variaient de 0,33 à 0,99 µg/m³, pour une concentration moyenne de 0,86 µg/m³ (PISSC, 1999). Des concentrations similaires (0,87 µg/m³) ont été mesurées dans l'hémisphère Nord entre 1979 et 1981 (PISSC, 1999). Shah et heyerdahl (1988) ont rapporté une concentration moyenne de tétrachlorure de carbone de 0,168 ppb (1,1 µg/m³) dans l'air ambiant aux États-Unis, d'après 4 913 échantillons d'air ambiant prélevés à divers endroits; depuis, les concentrations ont diminué.
Des entreprises membres de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques ont indiqué que, depuis 1992, les émissions de tétrachlorure de carbone au Canada avaient diminué de plus de 99 %, passant de 58,190 tonnes en 1992 à 0,024 tonne en 2004 (ACFPC, 2006).
Selon l'ATSDR (2005), le tétrachlorure de carbone serait également un contaminant courant de l'air intérieur; les sources d'exposition semblent être les matériaux de construction ou des produits, comme des agents de nettoyage, utilisés dans les foyers. Toutefois, il convient de préciser que le tétrachlorure de carbone n'est plus fabriqué, importé ni exporté au Canada et qu'il figure sur la liste des substances d'usage restreint aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE). Les sources au Canada devraient donc être limitées.
Les concentrations de tétrachlorure de carbone dans l'air ambiant de 48 résidences à Windsor, en Ontario, ont été mesurées durant l'hiver et l'été de 2005 (Santé Canada, 2006a). Durant l'hiver, les concentrations variaient de 0,035 à 3,31 µg/m³, s'établissant en moyenne à 0,60 µg/m³; durant l'été, elles variaient de 0,24 à 7,30 µg/m³, s'établissant en moyenne à 0,72 µg/m³.
Aux États-Unis, des échantillons d'air ambiant prélevés dans 600 résidences de plusieurs États contenaient habituellement 1 µg/m³ de tétrachlorure de carbone (Wallace, 1986); des concentrations moyennes légèrement plus élevées (2,6 µg/m³) ont été rapportées dans une autre étude au cours de laquelle 2 120 échantillons d'air ambiant avaient été prélevés (bien que la substance ait été détectée dans moins de la moitié des échantillons) (Shah et heyerdahl, 1988).
Aucune donnée sur les résidus de tétrachlorure de carbone dans les denrées au Canada n'était disponible. Le tétrachlorure de carbone a déjà été utilisé comme fumigant pour les céréales; par conséquent, des résidus sont présents dans des céréales ou des produits alimentaires comme le pain confectionné avec des céréales fumigées. Au Canada, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA, 2006) n'encourage plus l'emploi de substances qui appauvrissent la couche d'ozone, tel le tétrachlorure de carbone, comme produits de formulation dans les pesticides; par conséquent, aucun pesticide qui en contient ne sera homologué. Comme le tétrachlorure de carbone n'est plus utilisé pour fumiger les céréales au Canada et que son emploi dans d'autres pays est limité, l'exposition à cette substance par cette voie n'est guère préoccupante.
Aucune quantité significative de tétrachlorure de carbone n'a été trouvée dans les aliments aux États-Unis (U.S. FDA, 2003; ATSDR, 2005). Dans le résumé d'une étude de la diète totale réalisée entre 1991 et 2001 (U.S. FDA, 2003), il est mentionné que la présence de résidus de tétrachlorure de carbone a rarement été détectée. Les concentrations détectées variaient de 0,0040 à 0,0310 mg/kg. L'alimentation n'est donc pas une source importante d'exposition au tétrachlorure de carbone.
On n'a trouvé aucune étude sur l'exposition humaine au tétrachlorure de carbone par inhalation de la fraction volatilisée à partir de l'eau du robinet pendant des activités comme la douche ou le bain (PISSC, 1999). Toutefois, vu la grande volatilité du tétrachlorure de carbone, l'inhalation et l'absorption cutanée durant la douche et le bain peuvent aussi constituer des voies d'exposition importantes. Tancrède et coll. (1992) ont étudié la volatilisation de divers COV à partir de l'eau du robinet lors d'activités domestiques, comme la douche et le bain. Ils ont constaté qu'à une température de 25 °C, la part de tétrachlorure de carbone volatilisé était d'environ 40 % et dépassait 70 % à une température de 33 °C ou de 42 °C (une augmentation d'environ 50 % de la volatilisation).
Pour connaître l'exposition globale au tétrachlorure de carbone dans l'eau potable, on détermine la contribution attribuable à chaque voie d'exposition au moyen d'une évaluation de l'exposition par des voies multiples (Krishnan, 2004). Les contributions obtenues sont exprimées en litres équivalents (Leq) par jour. Pour un COV, l'exposition cutanée et l'inhalation sont des voies d'exposition jugées significatives si elles représentent au moins 10 % de la consommation d'eau potable (Krishnan, 2004).
Exposition cutanée
Pour savoir si l'exposition cutanée est une voie significative d'exposition au tétrachlorure de carbone, on détermine à la première étape de l'évaluation si cette voie équivaut à au moins 10 % de la consommation d'eau potable (10 % de 1,5 L = 0,15 L). L'objectif de 0,15 Leq fixé à l'étape 1 est associé à un coefficient de perméabilité cutanée (Kp) pour les COV de plus de 0,024 cm/h. Comme la valeur Kp pour le tétrachlorure de carbone, qui est de 0,16 cm/h, est supérieure à 0,024 cm/h, l'absorption cutanée est considérée comme significative durant la douche et le bain. À la deuxième étape, on calcule ce que devrait être la valeur Leq au moyen de la formule suivante (Krishnan, 2004) :
Où :
- Kp est le coefficient de perméabilité cutanée de 0,16 cm/h (Krishnan, 2004);
- t est la durée de la douche ou du bain (0,5 h);
- Fabs est la fraction de la dose absorbée, estimée à 0,7 (Krishnan, 2003a,b);
- A est la surface cutanée exposée, estimée à 18 000 cm² pour les adultes; et
- Cf est le facteur de conversion des cm³ en litres.
Exposition par inhalation
Une évaluation en deux étapes a aussi été utilisée pour évaluer la voie d'exposition par inhalation. Tout comme pour l'exposition cutanée, on détermine à l'étape 1 si l'inhalation du tétrachlorure de carbone lors du bain ou de la douche équivaut à au moins 10 % de l'apport par la consommation d'eau potable. Pour un objectif de 0,15, la valeur de la concentration air-eau (Fair:eau) de COV doit être supérieure à 0,00063. À l'aide la constante de la loi de henry estimée au moyen du programme EPI Suite de l'U.S. EPA (2000), la valeur Fair:eau pour le tétrachlorure de carbone a été établie à 0,0075, ce qui indique que l'exposition au tétrachlorure de carbone par inhalation durant la douche ou le bain est significative. À la deuxième étape, on calcule la valeur Leq au moyen de la formule suivante (Krishnan, 2004) :
Où :
- Fair:eau est le ratio (partage) entre l'air et l'eau de la concentration de tétrachlorure de carbone;
- Qalv est la ventilation alvéolaire estimée à 675 L/h;
- t est la durée de l'exposition estimée à 0,5 h; et
- Fabs est la fraction absorbée, soit 0,7 (d'après Krishnan, 2003a,b).
Il convient de préciser que cette évaluation de l'exposition par des voies multiples est une méthode prudente utilisée pour estimer la contribution attribuable à l'absorption cutanée et à l'inhalation par rapport à l'exposition totale. Lorsqu'on emploie un modèle pharmacocinétique à base physiologique (PBPK) pour estimer la contribution des Leq attribuable à l'absorption cutanée et à l'inhalation, on ne prend pas en considération l'exposition aux métabolites du tétrachlorure de carbone. Par conséquent, cette méthode ne met pas d'emphase « toxicologique » sur une voie d'exposition donnée liée à la production de métabolites.
À l'aide de la méthode susmentionnée, l'exposition en Leq a été établie à 1,0 Leq/jour pour la voie cutanée et à 1,8 Leq/jour pour l'inhalation. Si l'on additionne ces valeurs à la consommation type d'eau potable au Canada, qui est de 1,5 L/jour, on obtient une exposition quotidienne totale de 4,3 Leq/jour.
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