Page 10 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le tétrachlorure de carbone
Partie II. Science et considérations techniques - suite
L'exposition aiguë au tétrachlorure de carbone provoque une dépression du système nerveux central (SNC) et des effets gastro-intestinaux tels que les nausées et les vomissements. Le foie et le rein sont les organes cibles les plus sensibles aux effets toxiques du tétrachlorure de carbone (ATSDR, 2005).
Un certain nombre de cas passés d'intoxication au tétrachlorure de carbone par suite d'une exposition orale ont été répertoriés dans les publications scientifiques, et la mort est survenue à des doses très variées (43 à 450 mg/kg p.c. environ) (Phelps et hu, 1924; Umiker et Pearce, 1953; Guild et coll., 1958). L'exposition aiguë au tétrachlorure de carbone par inhalation a provoqué elle aussi divers effets indésirables, tels des maux de tête et des étourdissements, chez des travailleurs exposés à des concentrations de 250 ppm pendant 4 h (Norwood et coll., 1950), une diminution du fer sérique chez des volontaires exposés à des concentrations allant jusqu'à 50 ppm pendant 1 à 3 h (Stewart et coll., 1961) et une irritation gastro-intestinale, des nausées, une protéinurie et une hausse de la bilirubine hépatique chez des travailleurs exposés à des concentrations allant jusqu'à 200 ppm pendant 3 h (Barnes et Jones, 1967).
On a constaté que la consommation d'alcool augmentait la gravité de la toxicité aiguë du tétrachlorure de carbone (ATSDR, 2005). Norwood et coll. (1950) ont signalé la mort d'un homme ayant des antécédents d'alcoolisme (après une exposition de 15 min à du tétrachlorure de carbone à une concentration de 250 ppm) en raison d'une insuffisance hépatique, rénale et pulmonaire. De plus, Folland et coll. (1976) ont fait état de plusieurs cas de lésions hépatiques et rénales chez des travailleurs d'une usine d'emballage d'alcool isopropylique après une exposition accidentelle au tétrachlorure de carbone. Les cas les plus graves présentaient une insuffisance rénale aiguë et ont dû être dialysés.
Chez des humains ayant subi une exposition professionnelle par inhalation pendant 2 à 3 mois, on a observé des effets gastro-intestinaux (nausées, dyspepsie) à des concentrations de 20 à 50 ppm, une dépression du SNC à 40 ppm, et une narcose à 80 ppm, (Heimann et Ford, 1941; Elkins, 1942; Kazantzis et Bomford, 1960). Des effets sur le foie (accumulation de graisses) et le rein (oedème) ont été observés chez des travailleurs après une exposition de courte durée (<3 h) à des concentrations de 200 ppm, effets semblables à ceux observés après une exposition aiguë (Barnes et Jones, 1967).
Six volontaires de sexe masculin par groupe ont été exposés à des vapeurs de tétrachlorure de carbone (3 fois, à 4 semaines d'intervalle) à des concentrations de 49 ppm pendant 70 min, 11 ppm pendant 180 min et 10 ppm (64,1 mg/m³) pendant 180 min. À 49 ppm, tous les sujets pouvaient détecter une odeur sucrée. Une diminution de la concentration du fer sérique chez deux sujets a été le seul effet néfaste observé à la plus forte dose. Du tétrachlorure de carbone a été détecté dans l'air expiré aux trois concentrations (Stewart et coll., 1961). On estime que le seuil auquel sont associés des effets sur le SNC chez l'humain est probablement de l'ordre de 20 à 50 ppm pour une journée de travail de 8 h (ATSDR, 2005).
Lors d'une étude transversale réalisée auprès de travailleurs d'une usine de produits chimiques, on a évalué les effets du tétrachlorure de carbone sur la fonction hépatique après une exposition professionnelle par inhalation. Les données d'échantillonnage individuelles historiques ont été utilisées pour classer les membres du groupe exposé en trois groupes d'exposition : faible, modérée et élevée. Les données sur la consommation d'alcool ont été recueillies dans le groupe témoin et le groupe exposé et se sont révélées équivalentes dans les deux groupes. Une analyse multivariée des taux sériques d'alanine-aminotransférase (ALT), d'aspartate-aminotransférase (AST), de phosphatase alcaline (PA) et de gamma-glutamyltransférase (GGT) a fait ressortir des différences significatives entre le groupe exposé et le groupe témoin, mais aucune différence significative entre les différentes catégories d'exposition. Des analyses univariées ont révélé une augmentation uniquement de la PA et de la GGT dans le groupe exposé, et cette augmentation n'était pas associée à un effet dose-réponse significatif. Bien qu'aucun signe d'effet clinique significatif sur la fonction hépatique des travailleurs exposés au tétrachlorure de carbone n'ait été noté, il est possible que certains des effets observés sur les enzymes hépatiques soient dus à l'exposition au tétrachlorure de carbone. Aucun signe de changement de la fonction hépatique n'a été constaté dans une étude de suivi menée trois ans après l'étude initiale (Tomenson et coll., 1995).
Aucun effet indésirable sur les systèmes ou appareils endocrinien, cardiovasculaire, hématologique ou musculo-squelettique n'a été signalé dans les publications scientifiques après une exposition cutanée au tétrachlorure de carbone chez l'humain (ATSDR, 2005).
Une étude cas/témoins a été menée à Montréal pour évaluer l'association entre 293 substances présentes en milieu de travail (dont le tétrachlorure de carbone) et plusieurs types de cancer. Les sous-groupes de la population ont été classés selon le groupe ethnique afin de tenir compte de l'effet des différentes caractéristiques génétiques ou culturelles qui pourraient constituer des facteurs de confusion en ce qui a trait à la relation entre le cancer et la profession. Environ 4 % de la population (pompiers, mécaniciens et électriciens) avaient été exposés au tétrachlorure de carbone surtout par inhalation. Un risque élevé de cancer rectal a été observé chez tous les sujets (rapport de cotes [RC] = 2,0, intervalle de confiance [IC] à 90 % = 1,2-3,3) et un risque de cancer de la vessie, chez un sous-groupe ethnique (RC = 1,6, IC à 90 % = 0,9-2,8) (Siemiatycki, 1991).
Les décès dus au cancer ont été analysés parmi 330 travailleurs affectés à la lessive et au nettoyage qui ont été exposés par voie cutanée et par inhalation au tétrachlorure de carbone, au trichloroéthylène et au tétrachloroéthylène. Quatre-vingt-sept décès par cancer ont été répertoriés, comparativement aux 67,9 attendus, ce qui indique une augmentation du risque de cancer. Une hausse significative des néoplasmes malins du poumon et du col de l'utérus a été observée, en plus d'une faible hausse de l'incidence de la leucémie et du cancer du foie. Des facteurs de confusion tels que l'exposition à de multiples composés et l'absence de témoins adéquats ont été notés dans cette étude (Blair et coll., 1979). Après des évaluations basées sur trois études portant sur l'exposition en milieu de travail, on a suggéré une association possible entre le tétrachlorure de carbone et un risque accru de lymphome non hodgkinien et/ou de myélome multiple, mais la puissance statistique de cette association n'était pas suffisante, et l'association n'a été observée que chez les femmes (Blair et coll., 1990, 1998; CIRC, 1999).
Une étude cas/témoins nichée dans une cohorte de travailleurs d'une grande usine de fabrication de caoutchouc et de pneus a été menée afin d'examiner la relation entre l'exposition à 24 solvants (dont le tétrachlorure de carbone) et le risque de cancer. La cohorte était constituée de 6 678 travailleurs de sexe masculin de l'usine (actifs ou à la retraite), et le groupe témoin, d'un échantillon aléatoire de 20 % de la cohorte stratifié selon l'âge (n = 1 350); les cas étaient des personnes atteintes d'un cancer de l'estomac (n = 30), du poumon (n = 101) ou de la prostate (n = 33), d'un lymphosarcome (n = 9) ou d'une leucémie lymphoïde chronique (n = 10) dont l'issue avait été fatale. La leucémie lymphoïde chronique était significativement liée à l'exposition au tétrachlorure de carbone (RC = 15,3). Dans le cas du lymphosarcome, l'association avec l'exposition au tétrachlorure de carbone était similaire mais plus faible. L'exposition concomitante à d'autres produits chimiques (de fortes associations ont aussi été observées entre ces deux types de cancer et le disulfure de carbone) limite la possibilité de tirer des conclusions concernant l'exposition au tétrachlorure de carbone et le cancer (Wilcosky et coll., 1984).
Une deuxième étude cas/témoins a été réalisée pour évaluer l'association entre le décès par leucémie lymphoïde de 11 travailleurs de sexe masculin et l'exposition aux solvants utilisés dans l'industrie du caoutchouc. C'est avec le tétrachlorure de carbone (RC = 14,8) et le disulfure de carbone (RC = 8,7) que les plus fortes associations avec la mortalité par leucémie ont été observées; toutefois, vu la petite taille de l'échantillon et l'exposition à de multiples solvants, il a été impossible d'établir de façon concluante une association entre les solvants individuels et la mortalité par leucémie (Checkoway et coll., 1984).
Une étude cas/témoins nichée dans une cohorte (Bond et coll., 1986), portant sur 308 cas de décès par cancer du poumon dans une cohorte de travailleurs de l'industrie chimique, n'a permis d'établir aucune association entre ce type de cancer et l'exposition au tétrachlorure de carbone (RC < 1).
Bien que plusieurs études épidémiologiques aient examiné une association possible entre le tétrachlorure de carbone et le cancer, ces études sont caractérisées par des expositions mixtes, et un manque de données d'exposition au tétrachlorure de carbone. Le PISSC (1999) a donc conclu que la contribution du tétrachlorure de carbone ne peut être déterminée de façon fiable.
L'effet de la contamination de l'eau potable publique sur l'issue de la grossesse a été évalué dans une région du nord du New Jersey à l'aide des données du registre des malformations congénitales de 1985 à 1988 (80 958 naissances vivantes et 594 cas de mort foetale) (Bove et coll., 1995). Des associations positives ont été établies entre l'exposition à >1 ppb de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable et le faible poids à la naissance à terme (RC = 2,26; IC à 90 % = 1,52-3,36), le faible poids pour l'âge gestationnel (RC = 1,75; IC à 90 % = 1,31-2,32), les anomalies du SNC (RC = 3,80; IC à 90 % = 1,14-10,63) et les anomalies du tube neural (RC = 5,39; IC à 90 % = 1,12-18,95). Les auteurs ont conclu que leur étude ne permettait pas d'établir si les contaminants de l'eau potable étaient responsables des effets néfastes sur la grossesse parce que les bases de données sur l'eau potable ont été conçues en premier lieu à des fins de réglementation et d'application de la loi et que leur usage pour l'évaluation de l'exposition est limité. L'interprétation de cette étude est difficile en raison de l'exposition simultanée à de multiples produits chimiques dans l'eau potable et au petit nombre de cas observés : dans le groupe exposé à >1 ppb de tétrachlorure de carbone, seuls trois cas d'anomalies du SNC et deux cas d'anomalies du tube neural ont été répertoriés.
En Allemagne, aucune association n'a été mise en lumière entre le faible poids pour l'âge gestationnel des bébés et l'exposition au tétrachlorure de carbone chez 3 418 femmes sur 3 946 qui avaient été exposées au produit quand elles étaient enceintes (86,6 %). Le RC pour le tétrachlorure de carbone dans les groupes d'exposition faible et modérée était de 1,2 (IC à 95 % = 0,6-2,7) et 2,4 (IC à 95 % = 0,2-25,2), respectivement, comparativement à 1,0 dans le groupe non exposé (Seidler et coll., 1999).
Croen et coll. (1997) ont étudié l'association entre la proximité de résidence des mères à des sites renfermant des matières dangereuses en Californie et ont choisi des malformations congénitales au moyen de données issues de deux études cas/témoins en population générale. Ils n'ont mis au jour aucune association entre le fait pour les mères d'habiter à proximité de sites contaminés par le tétrachlorure de carbone et les malformations du conotroncus cardiaque ou des fentes buccales.
La toxicité aiguë du tétrachlorure de carbone a été abondamment étudiée chez les animaux. Dans des études de toxicité aiguë chez des rats ayant reçu des doses orales, des valeurs de dose létale 50 (DL50) de 4,7 mL/Kg (equivalent à 7500 mg/kg pc; Pound et coll., 1973), 6,4 mL/kg (équivalent à 10 200 mg/kg p.c.; McLean et McLean, 1966), et 10 054 mg/kg p.c. (Dashiell et Kennedy, 1984) ont été signalées.
Dans une étude menée par Korsrud et coll. (1972), des doses orales uniques de 0, 0,001, 0,005, 0,025, 0,075, 0,125, 0,250, 0,750 ou 2,50 mL/kg p.c. de tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs ont été administrées à des rats Wistar mâles. Les rats ont été sacrifiés 18 h après l'administration de la dose. Aux doses de 0,025 mL/kg p.c. (équivalent de 39,9 mg/kg p.c.) ou plus, on a noté une augmentation du poids et du contenu en graisses du foie, de l'urée sérique et de l'activité des enzymes sériques. Dans une deuxième expérience, des doses orales uniques de 0, 0,0125, 0,0250, 0,0500 ou 0,1000 mL/kg p.c. dans l'huile de maïs ont été administrées à des rats, qui ont aussi été sacrifiés 18 h après l'exposition. Des signes histopathologiques de lésions hépatiques ont été observés chez tous les animaux traités, dont une diminution des ponctuations basophiles dans le cytoplasme, une dégénérescence lipidique et hydropique et une nécrose monocellulaire occasionnelle à la plus forte dose (Korsrud et coll., 1972).
Kim et coll. (1990b) ont étudié l'effet de véhicules de doses orales sur l'hépatotoxicité aiguë du tétrachlorure de carbone. Ils ont administré par gavage à des rats Sprague-Dawley mâles du tétrachlorure de carbone (0, 10, 25, 50, 100, 250, 500 ou 1 000 mg/kg p.c.) dans l'huile de maïs sous forme de produit non dilué, en émulsion aqueuse ou dans l'eau (doses de 10 et 25 mg/kg p.c. seulement). Ils ont observé une augmentation dose-dépendante des enzymes sériques ainsi que des modifications histopathologiques avec chaque véhicule; toutefois, l'hépatotoxicité était invariablement moins prononcée dans les groupes ayant reçu le tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs que dans tout autre véhicule. La dose minimale avec effet nocif observé (LOAEL) pour le tétrachlorure de carbone administré dans l'huile de maïs (25 mg/kg p.c.) était plus élevée que lorsque le produit était donné dans les autres véhicules (10 mg/kg p.c.) (Kim et coll., 1990b).
La toxicité aiguë par suite de l'inhalation de tétrachlorure de carbone a aussi fait l'objet d'études chez l'animal. Svirbely et coll. (1947) ont signalé des valeurs de concentration létale 50 (CL50) de 9 526 ppm (60 mg/L) chez des souris suisses mâles et femelles après une inhalation pendant 7 h (période d'observation de 8 h). Adams et coll. (1952) ont fait état d'un pourcentage de mortalité de 100 % chez des rats Wistar après une exposition unique par inhalation à 19 000 ppm de tétrachlorure de carbone pendant 2,2 h, à 12 000 ppm pendant 4 h et à 7 300 ppm pendant 8 h. L'exposition de rats mâles à 3 000 ppm pendant 0,1 h, à 800 ppm pendant 0,5 h et à 50 ppm pendant 7 h n'a provoqué aucun effet indésirable. Dans la même étude, des rats ont été exposés de façon répétée à du tétrachlorure de carbone 7 h par jour. À la concentration de 10 ppm, 13 expositions dans une période de 17 jours ont provoqué une dégénérescence lipidique du foie, dont l'étendue et la gravité augmentaient de pair avec la concentration. Une cirrhose a aussi été observée aux concentrations de 200 et 400 ppm après 10 expositions sur une période de 12 ou 13 jours.
Brondeau et coll. (1983) ont exposé pendant 4 h des rats Sprague-Dawley mâles à du tétrachlorure de carbone par inhalation à des concentrations de 259, 531, 967 et 1 459 ppm. Vingt-quatre heures après l'exposition, l'activité de la glutamate-déshydrogénase (GDH) sérique était augmentée à la plus faible concentration. À la plus forte concentration, l'activité sérique de la sorbitol-déshydrogénase (SDH), de l'AST et de l'ALT était aussi à la hausse. Dans le cadre d'une étude, Boyd et coll. (1980) ont exposé par inhalation des souris suisses à du tétrachlorure de carbone à des concentrations de 0,46 ou 0,92 mmol/L pendant 1 h, de 1,84 mmol/L pendant 12 min ou de 3,68 mmol/L pendant 2 min. Toutes les expositions se sont soldées par des lésions marquées des cellules de Clara dans le poumon et par une nécrose hépatique.
Une toxicité aiguë après l'exposition cutanée au tétrachlorure de carbone a aussi été observée chez l'animal. Des valeurs de DL50 > 9,4 mL/kg ont été signalées pour des lapins et des cobayes après une exposition cutanée unique au tétrachlorure de carbone (Roudabush et coll., 1965). Chez le cobaye, une modification centro-lobulaire hydropique et une nécrose ont été notées dans le foie 16 h après l'application de 1 mL de tétrachlorure de carbone sur une surface cutanée de 3,1 cm² (Kronevi et coll., 1979). Une dose de 0,5 mL appliquée sur la peau de cobayes (3,1 cm²) a entraîné la mort de 25 % des animaux dans les 14 jours; un taux de mortalité de 65 % a été signalé 21 jours après l'application de 2,0 mL (Wahlberg et Boman, 1979).
Plusieurs études ont été réalisées pour évaluer l'effet de l'exposition orale de courte durée au tétrachlorure de carbone chez l'animal. Dans une étude, Bruckner et coll. (1986) ont administré par gavage à cinq rats Sprague-Dawley mâles (300 à 350 g) par dose (0, 20, 40 ou 80 mg/kg p.c. par jour) du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs 5 jours consécutifs, suivis de 2 jours sans aucune dose, puis de 4 autres jours avec une dose par jour. Dans une deuxième étude, des groupes de cinq rats (200 à 250 g) pour chaque dose ont reçu par gavage 0, 20, 80 ou 160 mg/kg p.c. par jour selon le même schéma posologique. Dans les deux études, un groupe de rats de chaque dose a été sacrifié 1, 4 et 11 jours après la première dose. Une dose unique de 20 ou 40 mg/kg p.c. n'a eu aucun effet toxique apparent après 1 jour. Une hausse significative des taux d'enzymes sériques et de la vacuolisation hépatique a été observée 1 jour après les doses uniques de 80 et 160 mg/kg p.c.; une nécrose hépatique a aussi été notée à la dose de 160 mg/kg p.c. Une hépatotoxicité progressivement sévère à chaque dose a été observée sur une période de 11 jours.
Dans une expérience d'exposition sous-chronique, Bruckner et coll. (1986) ont administré par gavage du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs à 15 ou 16 rats Sprague-Dawley mâles par dose (0, 1, 10 ou 33 mg/kg p.c. par jour), 5 jours par semaine, pendant 12 semaines. À la fin des 12 semaines, 7 à 9 rats par groupe ont été sacrifiés; les autres animaux ont été sacrifiés 13 jours après la dernière dose. La plus faible dose (1 mg/kg p.c. par jour) n'a eu aucun effet indésirable apparent. À la dose de 10 mg/kg p.c. par jour, les taux sériques de SDH étaient un peu augmentés et une légère vacuolisation centro-lobulaire a été observée dans le foie. Une hépatotoxicité marquée a été notée à la plus forte dose (33 mg/kg p.c. par jour). Les taux sériques de SDH, d'ornithine-carbamyl-transférase et d'ALT étaient significativement augmentés durant la période d'administration de 12 semaines, mais sont revenus à la normale dans les 13 jours suivant la dernière dose. Chez les rats sacrifiés après 12 semaines, des lésions hépatiques ont été observées, dont la vacuolisation, l'hyperplasie du canal biliaire, la fibrose périporte, la distorsion lobulaire, la régénération parenchymateuse, des nodules hyperplasiques et la nécrose monocellulaire. La gravité de la fibrose et de l'hyperplasie du canal biliaire chez les rats sacrifiés 13 jours après la dernière dose était équivalente à celle notée chez les rats sacrifiés après 12 semaines. La dose sans effet nocif observé (NOAEL) était de 1 mg/kg p.c. par jour et la LOAEL, de 10 mg/kg p.c. par jour, d'après l'augmentation de la SDH sérique et la légère vacuolisation centro-lobulaire observées à cette dose.
Koporec et coll. (1995) ont étudié l'effet de véhicules de doses orales sur l'hépatotoxicité subchronique du tétrachlorure de carbone chez le rat. Ils ont administré 5 fois par semaine pendant 13 semaines par gavage à des rats Sprague-Dawley du tétrachlorure de carbone à des doses de 0, 25 ou 100 mg/kg p.c. par jour dans l'huile de maïs ou dans une émulsion aqueuse à 1 % d'Emulphor. Des hausses dose-dépendantes de l'activité sérique de la SDH et de l'ALT ont été constatées dans les deux groupes de véhicules. L'incidence et la gravité des modifications histopathologiques hépatiques étaient proportionnelles à la dose reçue, mais aucune différence entre les groupes de véhicules n'a été relevée. Chez la majorité des rats ayant reçu la dose de 25 mg/kg p.c. par jour, la vacuolisation était minime ou légère. À la dose de 100 mg/kg p.c. par jour, les lésions hépatiques comprenaient la vacuolisation, la cytomégalie, l'hyperplasie nodulaire et la nécrose.
Smialowicz et coll. (1991) ont administré par gavage à des rats Fischer 344 mâles du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs à des doses de 0, 5, 10, 20 ou 40 mg/kg p.c. par jour pendant 10 jours consécutifs. Les rats ont été sacrifiés 2 jours après la dernière dose. Le poids relatif du foie atteignait 40 mg/kg p.c. par jour. Des hausses des taux sériques d'AST et d'ALT ont été observées aux doses de 20 et 40 mg/kg p.c. par jour. L'examen histopathologique du foie a révélé une dégénérescence vacuolaire minime à modérée à toutes les doses autres que le témoin. Une nécrose hépatocellulaire minime à légère a été décelée aux doses de 10 mg/kg p.c. par jour et plus.
Dans une étude, Allis et coll. (1990) ont administré par gavage à 24 rats F344 mâles par groupe de dose du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs (0, 20 ou 40 mg/kg p.c. par jour), 5 jours par semaine, pendant 12 semaines. Six rats de chaque groupe ont été sacrifiés 1, 3, 8 et 15 jours après l'exposition. Au jour 1 après l'exposition, une hausse significative, dose-dépendante du poids relatif du foie et des taux sériques d'AST, d'ALT et de lactatedéshydrogénase (LDH) a été notée aux deux doses. Les taux sériques de PA et de cholestérol étaient significativement augmentés à la plus forte dose. Aux deux doses, les lésions hépatiques observées comprenaient la dégénérescence vacuolaire hépatocellulaire, une légère nécrose et la cirrhose; la cirrhose était plus sévère à la plus forte dose. La disparition des effets hépatotoxiques était relativement rapide, les taux d'enzymes sériques étant revenus à la normale et la nécrose n'était plus visible 8 jours après l'exposition. La cirrhose et la dégénérescence vacuolaire étaient toujours évidentes 15 jours après l'exposition, mais étaient moins graves.
Hayes et coll. (1986) ont donné par gavage à des souris CD-1 (20 mâles et 20 femelles par dose) du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs à des doses de 0, 625, 1 250 ou 2 500 mg/kg p.c. par jour pendant 14 jours. Une diminution dose-dépendante du poids corporel a été notée chez les souris mâles. La mortalité était proportionnelle à la dose, et les femelles semblaient moins sensibles que les mâles. Les taux sériques de LDH, d'ALT et d'AST étaient significativement augmentés à toutes les doses autres que le témoin chez les deux sexes; les taux sériques de PA étaient significativement augmentés à la plus forte dose seulement. On a aussi noté une hausse significative du poids du foie à toutes les doses autres que le témoin chez les mâles et les femelles. De plus, la DL50 de tétrachlorure de carbone signalée pour la souris (12 000 à 14 000 mg/kg p.c.) a été confirmée par l'administration par gavage d'une dose de tétrachlorure de carbone de 14 000 mg/kg dans l'huile de maïs à 10 souris CD-1 de chaque sexe.
Dans une autre expérience, Hayes et coll. (1986) ont donné par gavage à des souris CD-1 (20 mâles et 20 femelles par dose) du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs (0, 12, 120, 540 ou 1 200 mg/kg p.c. par jour) pendant 90 jours. Une augmentation du poids du foie et de la rate ainsi que des taux sériques de LDH, d'ALT, d'AST et de PA a été constatée à toutes les doses chez les deux sexes. L'examen histopathologique du foie a révélé des signes d'hépatotoxicité chez toutes les souris traitées. Des lésions hépatiques, dont la nécrose, l'hépatite chronique, l'hépatocytomégalie et des modifications lipidiques, étaient évidentes à toutes les doses autres que le témoin et étaient plus sévères aux fortes doses. Aucune NOAEL n'a été obtenue dans cette étude.
Guo et coll. (2000) ont administré par gavage à huit souris B6C3F1 femelles par dose (0, 50, 100, 500 ou 1 000 mg/kg p.c. par jour) du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs pendant 14 jours. Le poids du foie était significativement augmenté à toutes les doses autres que le témoin. L'examen histopathologique du foie a révélé des changements hydropiques et une nécrose. Une hausse significative des taux sériques d'ALT a été observée à toutes les doses autres que le témoin. Le tétrachlorure de carbone était immunotoxique à toutes les doses autres que le témoin, entraînant une baisse de la réponse immunitaire humorale, altérant le système phagocytaire mononucléaire et diminuant la résistance de l'hôte aux bactéries pathogènes.
Condie et coll. (1986) ont réalisé une étude d'exposition subchronique chez la souris visant à comparer les effets de différents véhicules de gavage sur l'hépatotoxicité du tétrachlorure de carbone. Du tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs ou dans du Tween-60 à 1 % a été administré par gavage à des souris CD-1 (12 mâles et 12 femelles) à raison de 0, 1,2, 12 ou 120 mg/kg p.c. par jour, 5 jours par semaine, pendant 90 jours. Le poids du foie et le rapport poids du foie/poids corporel étaient augmentés à la plus forte dose chez les deux sexes avec les deux véhicules. Chez les souris ayant reçu l'huile de maïs, une hausse de l'activité des enzymes sériques (ALT, AST, LDH) a été notée dans les groupes à dose moyenne, et des hausses substantielles, dans les groupes à dose élevée. Une hausse significative de l'activité des enzymes sériques a été enregistrée uniquement dans les groupes à dose élevée ayant reçu le tétrachlorure de carbone dans le Tween-60. Une hépatocytomégalie a été observée à la dose moyenne chez les souris ayant reçu de l'huile de maïs et chez les souris ayant reçu la plus forte dose dans les deux véhicules. Une accumulation modérée des graisses dans le foie a été relevée à la dose moyenne, mais uniquement chez les souris ayant reçu de l'huile de maïs. Une nécrose hépatique était présente chez les souris mâles ayant reçu la dose moyenne ou la dose élevée avec l'huile de maïs et la dose élevée seulement avec le Tween-60. Chez les souris femelles, la nécrose s'est manifestée à la plus forte dose avec les deux véhicules. La nécrose et l'infiltration lipidique étaient plus fréquentes chez les souris mâles et femelles ayant reçu le tétrachlorure de carbone dans l'huile de maïs. Une fibrose a été détectée chez les deux sexes à la plus forte dose avec les deux véhicules. La NOAEL était de 1,2 mg/kg p.c. par jour avec l'huile de maïs et de 12 mg/kg p.c. par jour avec le Tween-60.
La toxicité du tétrachlorure de carbone après une inhalation de courte durée a aussi fait l'objet d'études chez l'animal. Prendergast et coll. (1967) ont exposé des groupes de rats Long-Evans ou Sprague-Dawley (15 par groupe), des cobayes Hartley (15 par groupe), des singes-écureuils (3 par groupe), des lapins albinos de Nouvelle-Zélande (3 par groupe) et des chiens beagles (2 par groupe) à du tétrachlorure de carbone par inhalation, soit de façon continue (6,1 ou 61 mg/m³) pendant 90 jours, soit de façon répétée (515 mg/m³), 8 h par jour, 5 jours par semaine, pendant 6 semaines. Chez les animaux exposés de façon continue à la concentration de 6,1 mg/m³, aucun signe visible de toxicité n'a été décelé, et tous les animaux ont survécu à l'exposition. Toutes les espèces, à l'exception du rat, ont vu diminuer leur gain de poids corporel. Après l'exposition continue à la concentration de 61 mg/m³, trois cobayes sont morts, aux jours 47, 63 et 71. On a noté chez toutes les espèces une baisse du gain de poids corporel et, chez tous les singes, une perte de poils et une émaciation. Chez toutes les espèces, les modifications hépatiques notées comprenaient un changement lipidique associé à des infiltrats de mononucléaires, une prolifération de fibroblastes, des dépôts de collagène, une dégénérescence et une régénération des cellules hépatiques ainsi qu'une altération lobulaire; ces changements étaient plus sévères chez les rats et les cobayes. Après une exposition répétée à une concentration de 515 mg/m³, un singe est mort à la 7e exposition, et trois cobayes sont morts après la 20e, la 22e et la 30e expositions. Une perte de poids corporel a été constatée chez toutes les espèces sauf le rat. Toutes les espèces présentaient une inflammation pulmonaire interstitielle ou une pneumopathie inflammatoire. L'examen histopathologique a révélé des changements lipidiques dans le foie de toutes les espèces. Dans le foie des cobayes, on a pu observer une fibrose, une prolifération canalaire biliaire, une dégénérescence et une regénération hépatocellulaires, une infiltration cellulaire inflammatoire focale, une altération lobulaire et une cirrhose portale à un stade précoce.
Dans une étude d'inhalation de courte durée, des souris BDF1 et des rats F-344 (10 par sexe par groupe) ont été exposés par inhalation (exposition du corps entier) à du tétrachlorure de carbone (0, 10, 30, 90, 270 ou 810 ppm) 6 h par jour, 5 jours par semaine, pendant 13 semaines. Chez les souris mâles, le gain de poids corporel était réduit aux doses de 30 ppm et plus, et une diminution du taux d'hémoglobine et une hausse du volume plaquettaire moyen ont été constatées à la plus forte dose (810 ppm). Aux deux plus fortes doses, les souris femelles présentaient une diminution de l'hémoglobine, de l'hématocrite et des globules rouges. Aux doses de 90 ppm et plus, les enzymes hépatiques dans le sang étaient augmentées chez les souris des deux sexes. Un examen microscopique a révélé chez les mâles des changements hépatiques légers à modérés, proportionnels à la dose, et ce, même à la plus faible dose. Aux doses les plus élevées, on a noté des changements plus graves : collapsus, dépôts de céroïde, prolifération canalaire, augmentation de la mitose, pléomorphisme et foyers. Chez les rats, une diminution du gain de poids corporel a été notée à la plus forte dose (810 ppm). Des changements hématologiques ont été observés à 90 ppm et plus chez les rats mâles et à 30 ppm et plus chez les femelles. On a aussi constaté une hausse des enzymes hépatiques dans le sang et des changements dans l'analyse d'urine chez les rats mâles à la dose de 270 ppm et plus et chez les femelles à la dose de 90 ppm et plus. L'examen microscopique a mis en évidence des changements légers à marqués dans le foie à toutes les doses, dont des changements lipidiques, des altérations cytologiques, des dépôts de céroïde, une prolifération canalaire, une augmentation de la mitose, un pléomorphisme, une cirrhose et des foci. Aux deux plus fortes doses, des changements vacuolaires dans les tubules, une dégénérescence hyaline du glomérule et des cylindres de protéines ont été observés dans le rein (Japan Bioassay Research Centre, 1998).
Dans une étude d'inhalation de courte durée, Nagano et al. (2007) ont étudié la toxicité sous-chronique du tétrachlorure de carbone dans des groupes de 10 rats F344 et de souris BDF1 (des deux sexes) exposés à 0, 10, 30, 90, 270 ou 810 ppm (v/v) de vapeur de tétrachlorure de carbone pendant 13 semaines (6h/jour et 5 jour/sem). Dans les groupes à exposition élevée de 270 et 810 ppm, des foyers cellulaires altérés dans le foie des rats et souris ont été observés, ainsi que de la fibrose et de la cirrhose dans le foie des rats. Chez les rats, des foyers cellulaires altérés colorés à l'éosine et l'hématoxyline ont été reconnus comme des foyers positifs des formes de Gluthation-S-Transférase placentaires (GST-P), qui sont des lésions pré-néoplasiques de l'hépato-cancérogénicité. L'effet le plus sensible lié à la toxicité du tétrachlorure de carbone était caractérisé par des modifications graisseuses avec grosses gouttelettes dans les rats des deux sexes et chez les souris mâles, des globules cytoplasmiques chez les souris mâles, ainsi qu'une augmentation relative du poids du foie des rats mâles. Ces effets se sont produits à 10 ppm et le LOAEL a été établi à 10 ppm pour les effets hépatiques chez les rats et les souris. À des niveaux moyens et élevés d'exposition par inhalation, une augmentation du relâchement cytolitique de transaminases hépatiques dans le plasma des rats et souris a été observée, associée avec un effondrement hépatique chez les souris. De l'hématotoxicité et de la néphrotoxicité ont été observés chez les rats et les souris, mais se manifestaient à des niveaux d'exposition plus élevés que l'hépatotoxicité. Une exposition par inhalation de 6 heures chez les rats et les souris à 10 ppm de vapeurs de tétrachlorure de carbone correspond à un apport de 13 et 29 mg/kg pc, respectivement, assumant un volume d'inhalation de 561 mL/min/kg pc pour les rats (Mauderly et al., 1979) et 1239 mL/min/kg pc pour les souris (Guyton, 1947) et un ratio d'absorption pulmonaire de 100% chez les rats et les souris.
Dans des études de longue durée, une hépatotoxicité et l'apparition de tumeurs du foie ont été signalées chez des souris, des rats et des hamsters après une exposition orale ou par inhalation au tétrachlorure de carbone.
Della Porta et coll. (1961) ont administré par gavage à des hamsters dorés (10 femelles et 10 mâles) du tétrachlorure de carbone à raison de 6,25 à 12,5 µL par semaine (équivalent d'environ 100 à 200 mg/kg p.c./semaine), pendant 30 semaines. Le foie des neuf animaux morts durant la période de traitement et d'une femelle morte 11 semaines après le traitement présentait une cirrhose post-nécrotique accompagnée de nodules de régénération hyperplasiques. Tous les animaux morts dans les 13 à 24 semaines après le traitement (deux femelles) ou sacrifiés 25 semaines après le traitement (trois femelles et cinq mâles) présentaient un hépatome ou plus. Aucun groupe témoin n'a été utilisé dans cette étude; toutefois, les auteurs ont indiqué qu'aucun hépatome n'avait été observé dans les groupes témoins historiques.
Le tétrachlorure de carbone a servi de substance témoin positive dans des essais biologiques de cancérogénicité du chloroforme et du trichloroéthylène menés par le National Cancer Institute. Des doses quotidiennes de 47 et 94 mg/kg p.c. (mâles) et de 80 et 159 mg/kg p.c. (femelles) ont été administrées par gavage dans l'huile de maïs 5 jours par semaine à des groupes de rats Osborne-Mendel (50 mâles et 50 femelles) pendant 78 semaines. Les rats survivants ont été sacrifiés à 110 semaines. Le traitement par le tétrachlorure de carbone a causé une hépatotoxicité marquée qui s'est soldée par une fibrose, une prolifération canalaire biliaire et une régénération. Une diminution de la survie a aussi été notée chez les rats traités. On a aussi enregistré une incidence accrue du carcinome hépatocellulaire et des nodules néoplasiques aux deux doses chez les deux sexes. Dans la même étude, on a administré par gavage à des groupes de souris B6C3F1 (50 mâles et 50 femelles) des doses quotidiennes de 1 250 mg/kg p.c. et de 2 500 mg/kg p.c. dans l'huile de maïs 5 jours par semaine, pendant 78 semaines. Les souris survivantes ont été sacrifiées à 90 semaines. Seules 14 % des souris traitées ont survécu jusqu'à 78 semaines, et moins de 1 %, jusqu'à 90 semaines; en comparaison, 66 % des souris du groupe témoin non traité ont survécu jusqu'à 90 semaines. Un carcinome hépatocellulaire a été détecté chez presque (>98 %) toutes les souris traitées, y compris celles qui sont mortes avant la fin de l'étude (NCI, 1976a,b).
Dans une étude d'exposition par inhalation, des groupes de souris BDF1 et de rats F-344 (50 mâles et 50 femelles) ont été exposés à des doses de 0, 5, 25 ou 125 ppm de tétrachlorure de carbone 6 h par jour, 5 jours par semaine, pendant 104 semaines. Chez les souris, on a noté une diminution significative de la survie aux doses de 25 et 125 ppm. Une baisse du gain de poids corporel, ainsi que des changements dans les paramètres hématologiques et biochimiques sanguins, dont les enzymes hépatiques, et dans l'analyse d'urine ont été observés aux deux plus fortes doses. Chez les souris mâles, des cylindres de protéines dans le rein ainsi que des changements hépatiques, dont des dépôts de céroïde, des kystes et une dégénérescence, ont été notés aux doses de 25 et 125 ppm. Dans la rate, il y avait une augmentation des dépôts d'hémosidérine à la dose de 25 ppm, et une hématopoïèse extramédullaire a été observée à 125 ppm. Chez les souris femelles, les changements hépatiques comprenaient des dépôts de céroïde, des thrombus, une nécrose, une dégénérescence et des kystes aux doses de 25 et 125 ppm. À la dose de 25 ppm, on a noté une augmentation des dépôts d'hémosidérine dans la rate, alors qu'à celle de 125 ppm, on a vu des dépôts de céroïde dans l'ovaire. L'incidence de l'adénome hépatocellulaire était significativement accrue aux doses de 25 et 125 ppm chez les mâles et de 5 et 25 ppm chez les femelles. L'incidence du carcinome hépatocellulaire était significativement augmentée aux doses de 25 et de 125 ppm chez les souris mâles et femelles. Quant à l'incidence du phéochromocytome des surrénales, elle était plus élevée chez les souris mâles aux doses de 25 et 125 ppm et chez les souris femelles à la dose de 125 ppm (Japan Bioassay Research Centre, 1998; Nagano et coll., 1998).
Chez les rats, la survie était significativement réduite à la plus forte dose, et le gain de poids corporel était réduit aux deux plus fortes doses. Des changements dans les paramètres hématologiques et biochimiques sanguins, dont les enzymes hépatiques, et dans l'analyse d'urine ont été observés à la dose de 25 ppm; une modification des concentrations de nitrates et de protéines dans l'urine a aussi été constatée à la dose de 5 ppm. Les changements hépatiques observés chez les deux sexes aux deux plus fortes doses comprenaient des changements lipidiques, des dépôts de céroïde, la fibrose, la granulation et la cirrhose. Chez les mâles, une hausse des dépôts d'hémosidérine dans la rate a été observée à toutes les doses autres que le témoin. Une néphropathie chronique (glomérulonéphrose progressive) a été observée chez les femelles à la dose de 25 ppm et chez les deux sexes à celle de 125 ppm. À la dose de 125 ppm, des dépôts de céroïde et une granulation des ganglions lymphatiques ont été notés chez les deux sexes. L'incidence de l'adénome hépatocellulaire et du carcinome hépatocellulaire était significativement plus élevée à la dose de 125 ppm chez les deux sexes (Japan Bioassay Research Centre, 1998; Nagano et coll., 1998).
Les résultats d'études chroniques réalisées chez des rongeurs exposés par voie orale ou par inhalation indiquent que des tumeurs hépatiques ont été induites aux doses hépatotoxiques. La cancérogénicité du tétrachlorure de carbone semble découler de ses effets hépatotoxiques, ce qui laisse croire à l'existence possible d'un seuil de cancérogénicité pour le tétrachlorure de carbone.
Diverses épreuves in vitro et in vivo ont été exécutées pour évaluer les effets génotoxiques possibles du tétrachlorure de carbone. Les dommages à l'ADN ou aux chromosomes ont été évalués chez des bactéries, des champignons, des levures, des insectes, des rongeurs et l'humain.
Des résultats négatifs ont été signalés dans la majorité des essais de mutagénicité avec le tétrachlorure de carbone chez des bactéries. Étant donné que le tétrachlorure de carbone est volatil, dans certains cas, l'utilisation de contenants non scellés peut entraîner des résultats faussement négatifs. De plus, le tétrachlorure de carbone doit faire l'objet d'une activation métabolique, et les métabolites réactifs produits par les systèmes d'activation exogènes pourraient ne pas avoir pu traverser les membranes cellulaires et atteindre l'ADN.
Bien que quelques résultats positifs aient été signalés, la majorité des essais de réversion chez Salmonella typhimurium avec le tétrachlorure de carbone ont donné des résultats négatifs avec et sans activation métabolique (McCann et coll., 1975; Uehleke et coll., 1977; Barber et coll., 1981; De Flora, 1981; De Flora et coll., 1984; Brams et coll., 1987; Araki et coll., 2004). Une réversion plus fréquente a été obtenue avec les souches d'Escherichia coli WP2uvrA/pKM101 et WP2/pKM101, avec et sans activation (Araki et coll., 2004). Des résultats négatifs ont été signalés pour le test Ara (mutation directe) chez les souches de S. typhimurium BA13 et BAL13 ainsi que pour l'induction du système de réparation SOS chez la souche de S. typhimurium TA1535/psK1002 et la souche d'E. coli PQ37 (Brams et coll., 1987; Nakamura et coll., 1987; Roldán-Arjona et coll., 1991). Le tétrachlorure de carbone n'a pas induit une réparation différentielle de l'ADN chez les souches d'E. coli K-12 343/113 (Hellmér et Bolcsfoldi, 1992). L'induction de la réparation différentielle de l'ADN a été observée chez les souches d'E. coli WP2, WP67 et CM871 lorsque des boîtes scellées ont été utilisées sans activation; toutefois, les essais dans lesquels on a utilisé des boîtes scellées avec activation, de même que les tests ponctuels sans activation, ont donné des résultats négatifs (De Flora et coll., 1984).
L'induction d'une recombinaison interchromosomique et intrachromosomique mitotique a été observée chez différentes souches de la levure Saccharomyces cerevisiae exposées à des concentrations toxiques de tétrachlorure de carbone (Callen et coll., 1980; Schiestl et coll., 1989; Galli et Schiestl, 1995, 1996; Brennan et Schiestl, 1998). Le tétrachlorure de carbone n'a pas induit d'aneuploïdie chez S. cerevisiae (Whittaker et coll., 1989). Les essais chez la moisissure Aspergillus nidulans ont donné des résultats faiblement positifs pour la mutation directe et positifs pour la ségrégation somatique aux concentrations cytotoxiques (Gualandi, 1984; Benigni et coll., 1993).
Des résultats divergents ont été obtenus lors des essais de génotoxicité in vitro dans des cellules de mammifères. Le tétrachlorure de carbone n'a pas induit de synthèse d'ADN non programmée (UDS, ou unscheduled DNA synthesis) dans des hépatocytes de rat (Selden et coll., 1994); cependant, des résultats faiblement positifs ont été signalés pour la synthèse d'ADN non programmée dans des lymphocytes humains exposés à des doses cytotoxiques de tétrachlorure de carbone (Perocco et Prodi, 1981). Une augmentation des coupures d'ADN simple brin a été observée dans des hépatocytes de rat et des cellules de lymphome de souris exposés à des concentrations cytotoxiques de tétrachlorure de carbone (Sina et coll., 1983; Garberg et coll., 1988; Beddowes et coll., 2003). Des résultats négatifs ont été signalés en ce qui concerne l'induction de lésions de l'ADN dans des lymphocytes humains (Tafazoli et coll., 1998). Dans une étude, des aberrations chromosomiques ont été détectées à l'anaphase dans des cellules CHO (cellules d'ovaire de hamster chinois) après une exposition au tétrachlorure de carbone; toutefois, les résultats d'autres essais réalisés avec des cellules CHO, des lymphocytes ovins, des lymphocytes humains et la lignée cellulaire d'hépatocytes de rat RL1 ont donné des résultats négatifs pour les aberrations chromosomiques (Coutino, 1979; Dean et Hodson-Walker, 1979; Garry et coll., 1990; Loveday et coll., 1990; Šiviková et coll., 2001). Le tétrachlorure de carbone n'a pas augmenté la fréquence des échanges entre chromatides soeurs (SCE, ou sister chromatid exchanges) dans les cellules CHO ni dans les lymphocytes humains; cependant, des SCE ont été induits dans des lymphocytes ovins après l'exposition au tétrachlorure de carbone pendant 48 h (Garry et coll., 1990; Loveday et coll., 1990; Šiviková et coll., 2001). Le tétrachlorure de carbone a aussi provoqué une aneuploïdie dans des cellules pulmonaires V79 de hamster chinois (Önfelt, 1987). Il a induit la formation de micronoyaux dans des lymphocytes ovins ainsi que dans des lymphocytes humains issus de un ou deux donneurs (Tafazoli et coll., 1998; Šiviková et coll., 2001). Le tétrachlorure de carbone a provoqué la formation de micronoyaux dans les lignées cellulaires lymphoblastoïdes humaines MCL-5, qui exprime l'ADNc humain pour CYP1A2, 2A6, 3A4, 2E1 et l'époxyde-hydrolase microsomique, et h2E1, qui exprime l'ADNc pour le CYP2E1 humain (Doherty et coll., 1996).
La majorité des essais de génotoxicité in vivo réalisés avec le tétrachlorure de carbone ont donné des résultats négatifs. Bien que certains résultats positifs aient été signalés, les effets n'ont été observés qu'à des doses cytotoxiques. Dans des études réalisées chez Drosophila melanogaster, aucune mutation récessive liée au sexe n'a été induite par l'exposition des mâles au tétrachlorure de carbone dans l'alimentation ou par injection avant l'accouplement (Foureman et coll., 1994). Il n'y a pas eu d'UDS dans les hépatocytes isolés de rats Fischer 344 mâles 2 à 48 h après l'exposition par gavage au tétrachlorure de carbone (Mirsalis et Butterworth, 1980; Mirsalis et coll., 1982). Cependant, dans une étude menée par Craddock et Henderson (1978), une UDS a été observée chez des rates Wistar 17 h après l'exposition orale au tétrachlorure de carbone. Les auteurs ont émis l'hypothèse que les lésions de l'ADN ont pu être causées par un processus indirect, telle l'activité de la DNase résultant des dommages aux lysosomes (Craddock et Henderson, 1978). Dans la plupart des études, aucune lésion de l'ADN n'a été observée chez les souris ou les rats après l'administration par gavage ou injection de tétrachlorure de carbone (Schwarz et coll., 1979; Stewart, 1981; Bermudez et coll., 1982; Barbin et coll., 1983; Brambilla et coll., 1983). Des résultats positifs ont été déclarés pour les lésions de l'ADN dans le foie de souris CD-1; toutefois, ces lésions n'ont été observées qu'à des doses ayant également provoqué une nécrose du foie (Gans et Korson, 1984; Sasaki et coll., 1998). Aucune augmentation des aberrations chromosomiques, des SCE ni des micronoyaux n'a été détectée dans le foie de rats F-344 mâles ayant été exposés par voie orale (gavage) à une dose de tétrachlorure de carbone de 1 600 mg/kg p.c. 4 à 72 h avant d'être sacrifiés (Sawada et coll., 1991). Dans plusieurs études, aucune formation de micronoyaux n'a été induite dans la moelle osseuse ou le sang périphérique de souris CD-1 ou BDF1 ayant reçu des doses de tétrachlorure de carbone allant jusqu'à 3 000 mg/kg p.c. (Morita et coll., 1997; Suzuki et coll., 1997; Crebelli et coll., 1999).
Même si les résultats des essais de génotoxicité in vivo étaient pour la plupart négatifs, il a été établi que le tétrachlorure de carbone entraîne une augmentation des adduits de l'ADN après une exposition in vivo. Des liaisons covalentes entre les métabolites réactifs du tétrachlorure de carbone et les protéines nucléaires et l'ADN du foie ont été détectées chez des souris, des rats et des hamsters après une exposition au tétrachlorure de carbone (Castro et coll., 1989). L'exposition au tétrachlorure de carbone a aussi provoqué une hausse des adduits de l'ADN induits par la peroxydation des lipides. Après l'injection de tétrachlorure de carbone chez des rats F344, on a noté une augmentation des adduits hydroxynonénal-désoxyguanosine dans le foie, le préestomac, le poumon et le côlon (Chung et coll., 2000; Wacker et coll., 2001). Une hausse des adduits malondialdéhyde-ADN a aussi été observée dans le foie de rats Sprague-Dawley ainsi que le foie et le rein de hamsters dorés ayant reçu du tétrachlorure de carbone par gavage (Chaudhary et coll., 1994; Wang et Liehr, 1995). Des adduits de l'ADN ont aussi été détectés dans des cellules de mammifères après une exposition in vitro au tétrachlorure de carbone. Dans des hépatocytes de rats traités par le tétrachlorure de carbone, on a pu détecter une augmentation dose-dépendante des adduits malondialdéhyde-désoxyguanosine, de même qu'une hausse des adduits 8-oxo-désoxyguanosine à la plus forte dose, qui était aussi cytotoxique (Beddowes et coll., 2003). In vitro, il a été démontré que des métabolites réactifs du tétrachlorure de carbone pouvaient établir des liaisons covalentes avec la guanine, la cytosine et la thymine, produisant les bases altérées 2,6-diamino-4-hydroxy-5-formamidopyrimidine, 5-hydroxycytosine et 5-hydroxyméthyluracile (Castro et coll., 1997). Une augmentation des liaisons covalentes entre les métabolites du tétrachlorure de carbone et l'ADN de thymus de veau a aussi été observée après l'activation métabolique in vitro (DiRenzo et coll., 1982).
En résumé, bien que les données sur la génotoxicité ne soient pas entièrement concluantes, certaines d'entre elles laissent croire que le tétrachlorure de carbone aurait un effet génotoxique faible, découlant probablement de sa cytotoxicité.
Les effets du tétrachlorure de carbone sur la reproduction et le développement ont été étudiés chez le rat et la souris. Dans une étude sur l'exposition par inhalation, Adams et coll. (1952) ont exposé des rats à des doses de 5, 10, 25, 50, 100, 200 ou 400 ppm de tétrachlorure de carbone 7 h par jour, 5 jours par semaine, pendant 24 à 29 semaines. À la dose de 200 ppm, le poids des testicules était abaissé et certains tubules montraient une atrophie complète des éléments germinaux. Une dégénérescence modérée à marquée des éléments germinaux des testicules a été observée à 400 ppm (Adams et coll., 1952). Dans une étude multigénérationnelle, des groupes de rats mâles et femelles ont été exposés par inhalation à des doses de 50, 100, 200 ou 400 ppm de tétrachlorure de carbone 8 h par jour, 5 jours par semaine, jusqu'à 10,5 mois. Une baisse de la fertilité a été constatée aux doses de 200 et 400 ppm; toutefois, comme les deux sexes ont été exposés, on n'a pu établir clairement si cette baisse découlait d'effets sur les mâles ou les femelles (Smyth et coll., 1936).
Dans une étude menée par Alumot et coll. (1976), des rats mâles et femelles ont été nourris pendant 2 ans de pâtée fumigée dans laquelle la concentration de tétrachlorure de carbone résiduelle pouvait atteindre 200 ppm (10 à 18 mg/kg p.c.). Les chercheurs n'ont détecté aucun effet sur la fertilité, le nombre de petits par portée, le poids des petits à la naissance ni la mortalité des petits. L'administration orale de tétrachlorure de carbone à des souris B6D2F1 gravides à des doses de 82,6 ou 826 mg/kg p.c. par jour pendant 5 jours à partir du 1er, 6e ou 11e jour de gestation n'a eu aucun effet sur le poids corporel, le poids du foie et des reins ni la gestation chez les mères. Aucune malformation ni effet sur le poids des petits ni sur la longueur vertex-coccyx n'a été observée, et le développement des petits était normal (Hamlin et coll., 1993).
Narotsky et coll. (1997a) ont administré par gavage à des rates Fischer 344 gravides du tétrachlorure de carbone à raison de 0, 25, 50 ou 75 mg/kg p.c. par jour du 6e au 15e jour de gestation, soit dans l'huile de maïs, soit dans un véhicule aqueux. Aucune toxicité pour la mère ni pour le développement n'a été notée à la dose de 25 mg/kg p.c. par jour. Une résorption complète de la portée a été observée aux doses de 50 et 75 mg/kg p.c. par jour avec les deux véhicules, et l'incidence de la résorption complète de la portée était significativement plus élevée à la dose de 75 mg/kg p.c. par jour avec l'huile de maïs qu'avec le véhicule aqueux. Aucun effet sur la durée de la gestation, la survie pré- ou postnatale ni la morphologie des petits n'a été constaté chez les petits ayant survécu (Narotsky et coll., 1997a). Lorsqu'on a administré une dose unique de tétrachlorure de carbone (150 mg/kg p.c.) à des rates Fischer 344 gravides au 6e, 7e, 8e, 10e ou 12e jour de gestation, on a pu observer une résorption complète de la litière chez 36 à 72 % des rates traitées entre le 6e et le 10e jour de gestation, mais aucune chez celles traitées au 12e jour de gestation. Aucune toxicité pour le développement n'a été notée chez les petits ayant survécu (Narotsky et coll., 1997b).
L'exposition par inhalation chez des rates Sprague-Dawley gravides à des doses de 330 ou 1 000 ppm de tétrachlorure de carbone 7 h par jour entre le 6e et le 15e jour de gestation s'est soldée par une hépatotoxicité maternelle et une réduction significative de la consommation alimentaire et du poids corporel des mères. On n'a détecté aucun effet sur le taux de conception, le nombre d'implantations, le nombre de petits par portée ni le nombre de résorptions. Aucune anomalie macroscopique n'a été signalée; toutefois, des réductions significatives du poids corporal foetal et de la longueur vertex-coccyx ont été notées aux deux concentrations, et l'incidence des anomalies des sternèbres était significativement augmentée à la dose de 1 000 ppm (Schwetz et coll., 1974).
Chez l'humain et les animaux de laboratoire, le principal effet de l'exposition au tétrachlorure de carbone est l'hépatotoxicité, notamment la dégénérescence lipidique, la nécrose, la fibrose et la cirrhose. Des tumeurs hépatiques sont aussi observées chez les rongeurs après une exposition chronique au tétrachlorure de carbone. Le mécanisme de la cancérogénicité du tétrachlorure de carbone pourrait faire intervenir à la fois des processus génotoxiques et des processus non génotoxiques. Les tumeurs hépatiques apparaissent à des doses plus élevées que celles qui induisent l'hépatotoxicité; par conséquent, la cancérogénicité du tétrachlorure de carbone pourrait découler de ses effets toxiques (ATSDR, 2005).
Le foie est particulièrement sensible aux effets toxiques du tétrachlorure de carbone en raison des fortes concentrations de CYP2E1 qu'il contient, cette enzyme étant la principale responsable de la bioactivation du tétrachlorure de carbone et de la formation subséquente de métabolites réactifs (Raucy et coll., 1993; Wong et coll., 1998; Zangar et coll., 2000). Par suite de sa bioactivation, le tétrachlorure de carbone forme le radical trichlorométhyle, qui peut réagir avec l'oxygène et former le radical trichlorométhylperoxyle (Pohl et coll., 1984). La toxicité pour le foie induite par le tétrachlorure de carbone a fait l'objet de nombreuses études, mais on pourrait s'attendre à ce que des lésions cellulaires semblables surviennent dans d'autres tissus contenant une grande quantité de CYP2E1 (ATSDR, 2005).
Les métabolites réactifs du tétrachlorure de carbone provoquent des lésions hépatiques par deux processus initiaux : l'haloalkylation et la peroxydation des lipides (Weber et coll., 2003). L'haloalkylation de macromolécules cellulaires telles que les acides nucléiques, les protéines et les lipides peut entraver les processus cellulaires. Le métabolisme du tétrachlorure de carbone in vitro, par les microsomes hépatiques du rat, et in vivo provoque la formation de liaisons covalentes entre les radicaux trichlorométhyle et les lipides (Link et coll., 1984); l'haloalkylation des lipides intervient aux premières étapes de la sécrétion de lipides altérés par l'appareil de Golgi, ce qui peut entraîner une dégénérescence lipidique (Poli et coll., 1990). On a déjà décelé chez le rat, la souris et le hamster la formation de liaisons covalentes entre les métabolites réactifs du tétrachlorure de carbone et l'ADN et les protéines nucléaires hépatiques (Castro et coll., 1989).
La peroxydation des lipides peut être induite par le radical trichlorométhylperoxyle et se solder par la destruction des acides gras polyinsaturés, particulièrement les phospholipides membranaires. Cette destruction a un effet sur la perméabilité des mitochondries, du réticulum endoplasmique et des membranes plasmatiques, ce qui altère les fonctions cellulaires qui dépendent de l'intégrité de la membrane (Weber et coll., 2003). La peroxydation des lipides provoque aussi la formation d'aldéhydes réactifs tels que le 4-hydroxynonénal et le malondialdéhyde, qui peuvent se lier aux protéines et à l'ADN (Weber et coll., 2003). Des adduits 4-hydroxynonénal-protéine et malondialdéhyde-protéine ont été détectés dans le foie de rats exposés au tétrachlorure de carbone (Hartley et coll., 1999). Une hausse des adduits 4-hydroxynonénal-désoxyguanosine a aussi été observée dans l'ADN hépatique de rats exposés au tétrachlorure de carbone (Chung et coll., 2000; Wacker et coll., 2001).
Plusieurs études laissent croire que l'élévation des concentrations de calcium dans le cytosol notée après une exposition au tétrachlorure de carbone pourrait jouer un rôle central dans l'induction de la cytotoxicité. Une longue élévation des concentrations du calcium cytosolique pourrait activer des enzymes hydrolytiques calcium-dépendantes pouvant causer des lésions cellulaires irréversibles ou la mort. Les premières études montraient que l'exposition au tétrachlorure de carbone était associée à une diminution du stockage du calcium par le réticulum endoplasmique et que cet effet était bien corrélé avec la diminution de l'activité des pompes à calcium (Long et Moore, 1986). Plus récemment, on a établi que l'exposition au tétrachlorure de carbone inhibait les pompes à calcium dans les mitochondries et la membrane plasmatique (Hemmings et coll., 2002).
La cancérogénicité du tétrachlorure de carbone semble découler de ses effets hépatotoxiques, ce qui laisse croire à l'existence possible d'un seuil de cancérogénicité du tétrachlorure de carbone. Des données laissent croire que le mécanisme ferait intervenir à la fois des processus génotoxiques et des processus non génotoxiques. La capacité des métabolites réactifs du tétrachlorure de carbone de se lier à l'ADN (Castro et coll., 1989) indique que le tétrachlorure de carbone pourrait être génotoxique. Cependant, dans la plupart des études in vivo chez l'animal, les effets génotoxiques ne survenaient qu'à des doses cytotoxiques. Comme les produits de la peroxydation des lipides tels que le 4-hydroxynonénal et le malondialdéhyde peuvent aussi former des adduits avec l'ADN (Chaudhary et coll., 1994; Chung et coll., 2000; Wacker et coll., 2001), l'effet génotoxique du tétrachlorure de carbone pourrait être indirect et découler de la peroxydation des lipides. Le tétrachlorure de carbone pourrait aussi causer le cancer par un mécanisme non génotoxique comportant une hyperplasie régénératrice. La nécrose hépatique stimule la régénération cellulaire; la prolifération cellulaire accrue qui en résulte augmente la possibilité que des lésions de l'ADN non réparées deviennent des mutations permanentes et puissent former une cellule prénéoplasique initiée (ATSDR, 2005).
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