Document de référence : Aide médicale à mourir (AMM)

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Organisation : Santé Canada

Date publiée : mars 2023

Table des matières

1. Est-il nécessaire d'évaluer la capacité à consentir à l'AMM?

Oui. Une personne qui souhaite avoir recours à l'AMM doit avoir la capacité décisionnelle pour donner un consentement libre et éclairé pour recevoir l'AMM, ce qui doit être établi avant que l'AMM ne soit administrée. On ne doit pas donner suite au consentement donné par un décideur substitut autorisé d'une personne, même si celui-ci a consenti à d'autres types d'interventions au nom de la personne.

En plus de connaître les exigences légales et réglementaires en matière de capacité, les praticiennes et praticiens devraient se familiariser avec des méthodes et des outils d'évaluation de la capacité rigoureux et éprouvés.

Plus les décisions sont complexes ou risquées, plus le processus d'évaluation de la capacité doit être approfondi.

La capacité à consentir à une intervention dépend du contexte, de la tâche et du moment. Si la personne présente une capacité fluctuante, il faut s'efforcer d'évaluer sa capacité au moment où ses fonctions cognitives sont à leur meilleur. Des efforts raisonnables devraient être faits pour s'assurer que l'évaluation est adaptée aux besoins de la personne. Par exemple, les évaluateurs et les prestataires devraient être attentifs aux déficits sensoriels, de langage et d'élocution ainsi qu'au ralentissement du traitement lié à des situations comme la prise de fortes doses d'analgésiques ou un trouble continu lié à l'utilisation de substances. Ils devraient également fournir des efforts raisonnables pour atténuer ces déficits dans le contexte des discussions sur l'AMM. Dans certains cas, pour être en mesure de disposer d'assez d'informations pour porter un jugement, les évaluateurs et les prestataires pourraient procéder à des évaluations en série de la capacité d'une personne à prendre des décisions par rapport à l'AMM. Il faut aussi veiller à ce que l'approche de l'évaluation soit appropriée sur le plan culturel.

Comme pour tous les soins cliniques, l'évaluation de la capacité dans différents cas peut varier de relativement simple à très difficile. Les évaluateurs et les prestataires devraient être attentifs aux situations qui exigent des connaissances et une expérience supplémentaires en la matière et, dans de tels cas, devraient consulter des collègues pour obtenir de l'aide.

Le fait d'être atteint ou d'avoir des antécédents d'une maladie pouvant nuire à la capacité ou le fait d'avoir déjà été jugé incapable de consentir à un traitement ou à une intervention, y compris l'incapacité à consentir à l'AMM, ne signifie pas automatiquement qu'une personne est actuellement incapable de consentir à l'AMM. De même, si une personne a des antécédents suicidaires, cela ne signifie pas qu'elle est nécessairement incapable de consentir à l'AMM. La capacité doit être évaluée dans le contexte de la demande actuelle.

Les évaluateurs et les prestataires doivent documenter le raisonnement et les preuves sur lesquels ils ont fondé leur évaluation de la capacité, de manière à étayer leur conclusion de capacité ou d'incapacité.

2. Qu'entend-on par « irrémédiable »?

Le terme juridique « irrémédiable » fait partie des critères d'admissibilité de l'AMM : « un problème de santé grave et irrémédiable ». Ce critère est défini dans le Code criminel à l'aide de trois composants : une maladie, une affection ou un handicap grave et incurable; une situation médicale se caractérisant par un déclin avancé irréversible des capacités; et des souffrances persistantes et intolérables qui ne peuvent pas être apaisées dans des conditions jugées acceptables par la personne. L'expression « problèmes de santé graves et irrémédiables » étant déjà définie de cette manière dans le Code criminel, les évaluateurs de l'AMM doivent déterminer si ce critère est rempli en s'assurant que les trois composants sont satisfaits. Ce point est expliqué plus en détail aux questions 4 et 5.

3a) Comment évaluer l'incurabilité?

Une personne qui demande l'AMM peut croire qu'elle est atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave et incurable. Toutefois, c'est l'évaluateur et le prestataire qui doivent être d'avis que la personne est atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave et incurable.

« Incurable » signifie qu'il n'y a plus de traitements raisonnables. Le caractère raisonnable est déterminé par la clinicienne ou le clinicien et le patient qui explorent ensemble les traitements reconnus, disponibles et potentiellement efficaces à la lumière de l'état de santé global de la personne, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs de soins.

Au moment de l'évaluation de l'admissibilité à l'AMM, les évaluateurs et les prestataires devraient se pencher sur les tentatives de traitement effectuées jusqu'à ce moment, ainsi que sur leur durée et leur intensité, les résultats escomptés de ces traitements, et la gravité et la durée de la maladie, de l'affection ou du handicap.

3b) Existe-t-il un nombre précis de tentatives de traitement qu'une personne doit avoir effectuées avant de pouvoir être considérée comme souffrant d'un problème de santé incurable?

Non. Il n'est pas possible de fixer un nombre précis de traitements qu'une personne doit avoir essayés et qui soit applicable à tous les problèmes de santé menant à une demande d'AMM. Chaque problème de santé a sa propre approche thérapeutique, qui comprend les traitements standards ou reconnus pour ce problème. Pour comprendre l'éventail des options de traitement disponibles, les cliniciennes et cliniciens peuvent se référer aux lignes directrices cliniques reconnues pour le problème de santé qui est à l'origine de la demande d'AMM d'une personne, ou faute de directives, à la littérature scientifique et aux cliniciennes et cliniciens expérimentés dans le traitement de ce problème.

L'incurabilité d'une maladie, affection, ou handicap n'exige pas que la personne ait essayé toutes les options d'intervention possibles, quels que soient les inconvénients potentiels, ni qu'elle ait tenté des interventions qui sont disponibles quelque part dans le monde, mais qui lui sont inaccessibles. Toutefois, une personne apte ne peut pas refuser toutes ou la plupart des interventions et se déclarer automatiquement incurable en vue d'accéder à l'AMM. Un évaluateur ou un prestataire ne peut pas se prononcer sur l'admissibilité à l'AMM s'il ne dispose pas des preuves nécessaires, à savoir qu'il n'existe pas de traitements raisonnables restants. Le caractère raisonnable est déterminé par un processus dans lequel la clinicienne ou le clinicien et le patient examinent ensemble les traitements reconnus, disponibles et potentiellement efficaces selon l'état de santé global du patient, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs en matière de soins.

4. Comment évaluer un état caractérisé par un déclin irréversible des capacités?

Une personne qui demande l'AMM peut penser qu'elle se trouve dans un état avancé caractérisé par un déclin irréversible de ses capacités. Cependant, ce sont l'évaluateur et le prestataire qui doivent être d'avis que la situation médicale de la personne se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités.

« Capacités » fait référence au fonctionnement d'une personne (physique, social, professionnel ou autres domaines importants) et non aux symptômes de son problème de santé. Le fonctionnement doit être compris comme l'habileté d'entreprendre les activités qui ont un sens pour la personne. Un « déclin avancé et irréversible » signifie que la diminution du fonctionnement est grave.

Par exemple, une personne peut présenter des symptômes incurables d'une maladie, mais cela ne signifie pas qu'elle est en état de déclin ou, si elle est en état de déclin, que celui-ci est avancé et irréversible. En revanche, l'inverse est également vrai : une personne peut être dans un état caractérisé par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, mais avoir encore une possibilité de voir ses symptômes s'améliorer.

« Irréversible » signifie qu'il n'y a plus d'interventions raisonnables. Le caractère raisonnable est déterminé par la clinicienne ou le clinicien et le patient qui explorent ensemble les interventions reconnues, disponibles et potentiellement efficaces selon l'état de santé global du patient, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs de soins.

Au moment de l'évaluation de l'admissibilité pour l'AMM, les évaluateurs et les prestataires devraient se pencher sur les tentatives d'intervention effectuées jusqu'à ce moment, les résultats de ces interventions, ainsi que la gravité et la durée de la maladie, de l'affection ou du handicap. Le nombre d'interventions, les types d'interventions et la durée de celles-ci varient selon la fonction de base du demandeur et ses objectifs fonctionnels.

L'irréversibilité du déclin n'exige pas qu'une personne ait essayé toutes les interventions possibles, quels que soient les inconvénients potentiels, ni qu'elle ait tenté des interventions disponibles quelque part dans le monde, mais qui lui sont inaccessibles. Toutefois, une personne apte ne peut pas refuser toutes ou la plupart des interventions et déclarer automatiquement que sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités en vue d'accéder à l'AMM. Un évaluateur ou un prestataire ne peut pas se prononcer sur l'admissibilité à l'AMM s'il ne dispose pas des preuves nécessaires pour le faire, à savoir qu'il n'existe pas d'interventions raisonnables restantes. Le caractère raisonnable est déterminé par un processus dans lequel la clinicienne ou le clinicien et le patient examinent ensemble les interventions reconnues, disponibles et potentiellement efficaces selon l'état de santé global du patient, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs en matière de soins.

5. Qu'entend-on par « demande volontaire »?

Comme dans le cadre de tous les soins cliniques, les évaluateurs et les prestataires de l'AMM doivent être convaincus que la décision de la personne de demander l'AMM a été prise librement, sans influence indue (contemporaine ou passée) des membres de la famille, des prestataires de soins de santé ou d'autres personnes.

Il est question d'influence indue lorsqu'une personne n'est pas en mesure d'agir dans son propre intérêt en raison de l'interférence d'autres personnes.

Cette influence indue peut résulter d'une pression actuelle ou passée. Par exemple, les relations abusives passées peuvent avoir été suffisamment graves pour que la personne ne soit pas capable de faire ce qui est bon pour elle, mais prend plutôt des décisions en fonction de ce que l'agresseur pense ou pensait être bénéfique pour elle. Cependant, le fait d'avoir vécu un traumatisme ne signifie pas que l'on ne peut pas faire une demande volontaire.

La praticienne ou le praticien doit évaluer si le caractère volontaire de la demande de la personne a été compromis (p. ex. par des incitations ou des menaces). Les praticiennes et praticiens devraient s'entretenir seuls avec le demandeur dans le cadre du processus d'évaluation. Si cela n'est pas possible parce que le demandeur a besoin de soutien (qu'il s'agisse de soutien physique ou pour communiquer), la personne qui lui apporte ce soutien ne devrait pas être quelqu'un qui pourrait être une source d'influence indue. La praticienne et le praticien devrait poser des questions qui permettront de déceler toute influence indue, comme des dépendances interpersonnelles ou des mauvais traitements passés qui peuvent rendre le demandeur vulnérable. La praticienne ou le praticien devrait prendre des mesures pour écarter les menaces au caractère volontaire, ce qui peut nécessiter de procéder à des évaluations en série.

La demande d'une personne peut ne pas être volontaire à un moment donné, mais l'être à un moment ultérieur et vice versa. L'évaluateur et le prestataire doivent être convaincus que la demande est volontaire lorsqu'elle est faite et le prestataire doit être convaincu qu'elle est volontaire lorsque l'AMM est administrée.

6. Comment puis-je évaluer si la demande d'AMM d'une personne représente une idée suicidaire?

Il est important de se rappeler que des tendances suicidaires (pensées ou souhaits de mourir, intentions, notes) peuvent survenir à tout moment de la vie, y compris en fin de vie. Le suicide n'est pas réservé aux personnes atteintes de troubles mentaux, mais en tant que groupe, les personnes atteintes de troubles mentaux sont plus à risque de se suicider, tout comme certains autres groupes démographiques, notamment les Autochtones et les anciens combattants. Il est également important de se rappeler que toutes les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas suicidaires, même celles pour lesquelles les tendances suicidaires sont un symptôme potentiel de leur état (une personne peut être atteinte d'un tel problème de santé sans présenter ce symptôme).

Sur le plan individuel, toute personne qui a des idées suicidaires peut nécessiter des efforts actifs de prévention du suicide, qu'elle appartienne ou non à un groupe à risque élevé. Par ailleurs, on ne devrait pas supposer qu'une demande d'AMM présentée par une personne appartenant à un groupe à risque élevé constitue une preuve de tendances suicidaires. La question de savoir s'il faut considérer une demande d'AMM comme une forme d'idée suicidaires est source de débat. Toutefois, sans qu'il soit nécessaire de trancher sur cette question, la gestion clinique d'autres situations de vie ou de mort peut orienter les praticiennes et praticiens vers une gestion appropriée des demandes d'AMM présentées par des personnes atteintes de troubles mentaux.

Par exemple, si une personne indique qu'elle souhaite interrompre un traitement qui la maintient en vie (p. ex. la dialyse rénale), les cliniciennes et cliniciens traitants entreprendront plusieurs mesures complémentaires et simultanées. Ils évalueront la capacité de la personne à consentir à recevoir une dialyse ou à la refuser. Ils peuvent demander une consultation psychiatrique (incluant de manière urgente) s'ils ont des raisons de croire qu'un trouble psychiatrique influence la capacité décisionnelle de la personne. Si la personne a soudainement cessé d'aller à ses traitements de dialyse sans préavis, en particulier s'il s'agit d'une décision impulsive ou apparemment incompatible avec les souhaits exprimés au préalable par la personne, la praticienne ou le praticien peut demander à la personne de se rendre à l'hôpital ou de s'y faire amener par sa famille. Si la personne refuse de s'y rendre, la praticienne ou le praticien peut demander à la police de l'amener à l'hôpital contre sa volonté en raison de la menace qu'elle représente pour elle-même dû à son état mental ou de ses troubles mentaux, conformément aux lois provinciales/ territoriales. Les cliniciennes et cliniciens tenteront enfin, et en parallèle, d'explorer les problèmes qui rendent la dialyse difficile à supporter et de proposer des solutions susceptibles de remédier à ces problèmes. Cette dernière démarche sera entreprise sans égard à la volonté de la personne, qu'elle soit apte ou non. Ces différentes mesures seront guidées par la connaissance des comportements passés de la personne, sur la présence ou non d'un trouble psychiatrique non traité ou instable et sur le fait que la personne ait fait des références ou des allusions à son désir de mettre fin à sa vie, qu'elle ait fait des plans pour mettre fin à sa vie, ou qu'elle ait entrepris des démarches pour concrétiser ces plans tel que chercher des moyens et adopter des comportements autodestructeurs.

On peut adopter une approche similaire à l'égard d'une personne (y compris une personne dont le trouble mental est le seul problème médical invoqué) qui fait une demande d'AMM. La décision de demander une consultation psychiatrique urgente et de déployer des efforts de prévention du suicide (volontairement ou involontairement) dépendra de la mesure dans laquelle le trouble mental de la personne n'est pas traité ou est instable, ainsi que leurs comportements à risque connexes tel que mentionnés ci-dessus.

Les cliniciennes et cliniciens devraient toujours être attentifs à la possibilité de tendances suicidaires aiguës et déployer des efforts individuels de prévention du suicide, le cas échéant. Ces mesures comprennent souvent l'orientation vers des ressources de santé mentale pour des fins d'évaluation et de suivi. Les évaluations d'admissibilité pour l'AMM ne doivent pas être entrepris dans des circonstances de tendances suicidaires aiguës.

Veuillez consulter l'annexe de ce document, Ressources utiles, pour obtenir de plus amples renseignements sur la gestion des tendance suicidaires.

7. Si une personne atteinte de troubles mentaux fait une demande d'AMM, cela pourrait-il constituer un motif pour une demande d'hospitalisation involontaire motivée par le danger que représente la personne pour elle-même?

En soi, une demande d'AMM par une personne atteinte d'un trouble mental ne devrait pas être interprétée comme la dangerosité envers elle-même au sens des lois provinciale/territoriale sur la santé mentale. La majorité des demandes d'AMM présentées par des personnes atteintes de troubles mentaux (y compris lorsqu'il s'agit du seul problème médical invoqué) relèveront de la voie 2 et nécessiteront une période minimale de 90 jours entre le début de l'évaluation et l'administration de l'AMM (si la personne est admissible). Par conséquent, l'exigence de dangerosité immédiate à soi-même dans les lois sur la santé mentale de la plupart de provinces et territoires n'est pas remplie par le simple fait de faire une demande pour l'AMM.

Les personnes hospitalisées involontairement ou soumises à des ordonnances de traitement en milieu communautaire ne sont pas automatiquement exclues des demandes d'AMM. Les praticiennes et praticiens devraient se tenir au courant des politiques pertinentes concernant la manière de traiter les demandes d'AMM dans ces contextes au sein de leur province ou territoire.

8. Que se passe-t-il si un demandeur refuse d'autoriser les évaluateurs à obtenir des renseignements supplémentaires et/ou l'accès aux dossiers de santé de la personne?

L'obtention des « renseignements supplémentaires » (discussions avec les personnes qui connaissent la personne et interagissent avec elle, comme les membres de son réseau social et les cliniciennes et cliniciens traitants actuels ou anciens) et l'examen des dossiers de santé antérieurs constituent souvent une partie essentielle des évaluations cliniques. Les évaluateurs et les prestataires doivent obtenir des renseignements sur les antécédents fournis par les proches et examiner les dossiers de santé, si nécessaire, afin d'effectuer une évaluation approfondie de l'admissibilité à l'AMM. Les évaluateurs et les prestataires doivent obtenir le consentement du demandeur pour obtenir des renseignements supplémentaires auprès des proches de la personne et dans la plupart des juridictions, pour obtenir les dossiers de santé antérieurs, y compris les documents relatifs aux évaluations d'AMM antérieures.

Lorsqu'un demandeur refuse de consentir à ce que les évaluateurs communiquent avec d'autres cliniciennes et cliniciens, des membres de la famille ou d'autres personnes-ressources importantes, ou encore à ce qu'ils aient accès aux dossiers de santé, les raisons de ce refus devraient être explorées. Il peut y avoir de bonnes raisons qui ont mené au refus. Par exemple, il peut y avoir des antécédents de conflit grave ou d'abus dans la relation, de sorte que le demandeur peut craindre que demander des renseignements supplémentaires à ses proches puisse raviver le conflit ou l'abus. Dans ce cas, la praticienne ou le praticien peut collaborer avec le demandeur pour trouver d'autres sources d'information. Il se peut également que le demandeur comprenne mal les droits conférés à un proche qui donne des renseignements supplémentaires. Par exemple, il se peut que la personne pense que le proche qui fournit les renseignements supplémentaires soit autorisé à s'opposer à la demande d'AMM (ce qui n'est pas le cas). Dans ce cas, la praticienne ou le praticien devrait clarifier l'objectif d'obtenir des renseignements supplémentaires et la manière dont ces informations seront utilisées.

Toutefois, si un demandeur refuse de consentir à l'accès aux renseignements supplémentaires et/ou dossiers de santé sans motif suffisant et que l'évaluateur estime de bonne foi que ces renseignements sont nécessaires pour se forger une opinion sur l'admissibilité à l'AMM, l'évaluateur doit expliquer au demandeur que l'évaluation ne peut pas être achevée en raison de ce refus et que, par conséquent, il ne peut pas être jugé admissible à l'AMM.

9a) L'une des mesures de sauvegarde de la voie 2 exige une praticienne ou un praticien doit s'assurer que la personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances avant d'administrer l'AMM. En quoi cela consiste-t-il?

Cette exigence est une mesure de sauvegarde législative qui s'applique uniquement aux demandes de la voie 2. Elle constitue donc un moyen de protection important pour ce groupe de demandeurs.

Le Code criminel comporte une liste d'exemples de moyens susceptibles de soulager les souffrances d'une personne. Il s'agit notamment de services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins et les soins palliatifs. Les services communautaires doivent englober le soutien au logement et l'aide au revenu.

Cette liste n'est pas exhaustive et les praticiennes et praticiens ou les programmes d'AMM sont susceptibles de disposer d'informations sur d'autres moyens disponibles dans leurs régions ou leurs réseaux professionnels qui pourraient soulager les souffrances. Les moyens disponibles qui doivent faire l'objet d'une discussion avec le demandeur sont ceux qui sont raisonnables et reconnus.

Le Code criminel exige également que le demandeur se voie offrir des consultations avec des professionnels compétents qui fournissent ces services ou ces soins. Les prestataires ont la responsabilité de s'assurer que cette exigence soit respectée, mais ils peuvent travailler au sein d'un réseau ou d'une équipe multidisciplinaire dans lequel leurs collègues contribuent à ce processus. Les évaluateurs et les prestataires devraient eux-mêmes s'efforcer de connaître les ressources qui existent et d'être compétents pour naviguer dans le système.

9b) L'une des mesures de sauvegarde de la voie 2 exige qu'une personne doit avoir « sérieusement envisagé » les moyens disponibles pour soulager ses souffrances. Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce différent de la personne qui est apte?

Cette exigence est une mesure de sauvegarde législative qui s'applique uniquement aux demandes de la voie 2. Elle constitue donc un moyen de protection important pour ce groupe de demandeurs.

La capacité de fournir un consentement éclairé afin d'avoir recours à l'AMM est une exigence législative distincte de l'exigence pour la personne d'avoir sérieusement envisagée les moyens disponibles pour soulager la souffrance.

Une réflexion sérieuse exige non seulement de posséder la capacité de prise de décision, mais aussi d'exercer une telle capacité. Autrement dit, une personne doit réellement comprendre et apprécier les différents éléments de la décision, et non pas simplement avoir la capacité de comprendre et d'apprécier. « Sérieux » signifie que la réflexion doit être minutieuse et non impulsive. Le fait d'envisager sérieusement la question implique une véritable ouverture aux moyens disponibles pour soulager la souffrance.

Dans les cas où un trouble mental est la principale source de souffrance d'une personne, établir que cette personne a « sérieusement envisagé » les moyens disponibles pour soulager ses souffrances nécessite une prise de conscience de la manière dont les symptômes du trouble mental peuvent affecter la capacité de la personne à envisager les options de cette manière.

10. Est-ce que j'ai besoin d'une formation spéciale pour évaluer l'admissibilité à l'AMM et administrer l'AMM?

Comme pour toute autre pratique nouvelle, les praticiennes et praticiens devraient suivre la formation nécessaire pour acquérir les compétences professionnelles requises. Dans le cas de l'AMM, cela devrait inclure une formation relative à l'évaluation de la capacité, aux soins tenant compte des traumatismes et à la sécurité culturelle et à l'humilité culturelle. Les cliniciennes et cliniciens devraient également s'assurer qu'ils ont reçu une formation adaptée aux types de cas d'AMM qui leur sont confiés.

La formation peut prendre la forme d'une participation à des cours offerts dans le cadre de programmes de formation professionnelle en santé de premier cycle ou de cycles supérieurs. Ils peuvent également être dispensés par des associations professionnelles, des autorités sanitaires régionales, des ministères de la santé provinciaux et territoriaux ou par des évaluateurs ou des prestataires de l'AMM expérimentés.

11a) Y-a-t-il une exigence que des médecins spécialistes agissent à titre d'évaluateur pour certaines demandes d'AMM?

Non. Le Code criminel exige que les évaluateurs et les prestataires qui n'ont pas d'expertise dans le domaine du problème de santé qui cause les souffrances de la personne consultent un ou une médecin ou une infirmière ou un infirmier praticien possédant une telle expertise. En d'autres termes, si aucun des évaluateurs ne possède eux-mêmes cette expertise, ils doivent s'assurer de consulter quelqu'un qui la possède. Selon le cas, ils peuvent avoir besoin de cette expertise en matière de diagnostic, d'options de traitement, d'évaluation de la capacité, entre autres.

Le choix de la personne qui possède l'expertise (ou des personnes, si plusieurs types d'expertise sont nécessaires) devrait être directement lié aux connaissances et à l'expérience que requièrent le cas. La personne qui possède l'expertise n'est pas légalement tenue d'être un ou une médecin spécialiste, cependant les avis cliniques demandés exigent souvent des connaissances et une expérience qui relève de la spécialisation médicale. Par exemple, dans la majorité des cas où le demandeur présente un trouble mental comme seul problème médical invoqué (TM-SPMI), un psychiatre ou même un sous-spécialiste en psychiatrie sera probablement la personne qui possède l'expertise. Cependant, il peut y avoir des demandes de TM-SPMI pour lesquelles les particularités de l'état de la personne exigent que la personne qui possède l'expertise soit un gériatre, un neurologue ou un consultant en médecine de la toxicomanie.

Il est essentiel que toutes les personnes impliquées comprennent que l'on ne demande pas à la personne qui possède l'expertise d'évaluer l'admissibilité de la personne à l'AMM.

11b) Qu'entend-on par « consulter » un ou une médecin ou une infirmière ou un infirmier praticien ayant une expertise?

Si aucun des deux cliniciennes et cliniciens qui participent à l'évaluation de la demande d'AMM d'une personne possède une expertise dans le problème de santé à l'origine des souffrances de la personne, ils doivent consulter un ou une médecin ou une infirmière ou un infirmier praticien ayant cette expertise. Dans ce contexte, on entend par « consulter » le fait de rechercher de l'expertise dans des domaines où l'évaluateur ou le prestataire n'ont pas le degré nécessaire de connaissances et d'expérience. Plusieurs éléments peuvent être nécessaires, par exemple l'élaboration d'options thérapeutiques, la clarification du diagnostic ou l'évaluation de l'adéquation des traitements antérieurs. Le terme « consulter » ne se limite pas au sens du terme « consultation » tel qu'il est défini, par exemple, selon les règles de facturation pour les médecins. En fonction de la question clinique posée, cela peut nécessiter une ou plusieurs réunions avec la personne demandant l'AMM ou une ou plusieurs discussions de cas avec l'évaluateur et/ou le prestataire.

12. Que se passe-t-il si une personne admissible souhaite recourir à l'AMM sans en informer sa famille ou ses amis?

Les évaluateurs et les prestataires ne doivent pas divulguer qu'une personne a demandé ou reçu l'AMM à sa famille ou à ses amis sans le consentement exprès de cette personne. Cela dit, les proches d'une personne risquent d'être blessés s'ils ne savent pas que leur proche a demandé ou reçu l'AMM. Les évaluateurs et les prestataires devraient expliquer à la personne les inconvénients potentiels de la non-divulgation de cette information, mais doivent respecter le droit d'un patient apte à la vie privée et à la confidentialité.

13a) Que sont les déterminants sociaux de la santé et qu'est-ce que la vulnérabilité structurelle?

Les facteurs déterminants sociaux de la santé sont les facteurs non médicaux qui influencent les résultats en matière de santé.Note de bas de page 1 Il s'agit notamment du revenu, de l'éducation, de l'emploi, de la situation en matière de logement, de la race et de l'origine ethnique parmi plusieurs d'autres. Pourquoi les différences dans ces facteurs qui ne sont pas liés à la santé influencent-elles les résultats en matière de santé? Cela est dû aux structures sociales, politiques et économiques.

Par exemple, un revenu plus élevé peut être associé à de meilleurs indicateurs de santé, mais les efforts d'une personne pour augmenter son revenu (en poursuivant ses études) peuvent être limités par des obstacles systémiques difficiles à surmonter (comme les frais de scolarité, le manque d'accessibilité à la garde d'enfants ou la médiocrité des moyens de transport en commun). Une personne est « structurellement vulnérable » en matière de santé, lorsque des obstacles systémiques l'empêchent d'obtenir de meilleurs résultats en matière de santé.

En outre, les gens en situation de vulnérabilité structurelle peuvent faire l'objet de conclusions négatives ou de stéréotypes. Par exemple, on peut dire d'une personne qu'elle a fait de mauvais choix (ne pas poursuivre ses études) plutôt que de se concentrer sur les forces sociales qui ont mené à ces choix.

13b) Quelles sont les responsabilités des praticiennes et praticiens en ce qui concerne les vulnérabilités structurelles dans le contexte des demandes d'AMM?

Étant donné que les obstacles et les préjugés systémiques font partie du tissu de notre société, ils ne peuvent être éliminés par une seule praticienne ou un seul praticien au cours d'une évaluation individuelle de l'AMM. Quelles sont donc les responsabilités des praticiennes et praticiens?

Comme dans toute pratique clinique, les praticiennes et praticiens devraient s'efforcer d'être conscients de la vulnérabilité structurelle et de la façon dont les obstacles systémiques connexes et les préjugés à l'égard des demandeurs d'AMM peuvent avoir influé sur leurs interactions dans le cadre du système de soins de santé et sur leur habileté à accéder aux ressources appropriées. Par exemple, certains groupes, comme les personnes vivant avec un handicap, les personnes racialisées et les Autochtones, sont depuis longtemps victimes de discrimination au sein du système de santé et par celui-ci. Dans leur évaluation des personnes demandant l'AMM, les praticiennes et praticiens doivent s'efforcer de ne pas tenir compte des préjugés systémiques.

Il peut y avoir des situations où une praticienne ou un praticien se retrouve dans le dilemme suivant : une personne remplit les critères d'admissibilité à l'AMM, mais les moyens qui pourraient soulager la souffrance ne sont pas disponibles en raison d'obstacles systémiques. D'une part, administrer l'AMM peut amener la praticienne ou le praticien à croire qu'il est complice des échecs de la société. D'autre part, ne pas administrer l'AMM à une personne qui souhaite y avoir recours et qui remplit les critères d'admissibilité pourrait amener la praticienne ou le praticien à croire qu'il oblige le demandeur à vivre dans un état de souffrance intolérable. Comme dans toute pratique clinique, les praticiennes et praticiens doivent surmonter ces tensions en s'efforçant d'informer les demandeurs de toutes les options disponibles et en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour éliminer les obstacles et les préjugés rencontrés par les demandeurs individuels. Bien entendu, une clinicienne ou un clinicien n'est jamais tenu d'administrer l'AMM face à un tel dilemme.

13c) Que se passe-t-il si un demandeur est obligé d'attendre pour accéder un traitement ou soin visant le soulagement de ses souffrances?

Si un demandeur peut avoir accès dans un délai raisonnable à une intervention éprouvée et efficace visant à soulager la souffrance motivant la demande d'AMM, l'évaluateur devrait informer le demandeur qu'il ne peut pas se prononcer sur l'admissibilité de la personne à l'AMM (le caractère raisonnable est déterminé par un processus dans lequel la clinicienne ou le le clinicien et la personne examinent ensemble le temps que la personne peut attendre compte tenu de son état de santé global général, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs en matière de soins).

14. Quand est-il approprié d'entamer une discussion sur l'aide médicale à mourir (AMM) comme option?

Cette question a été soulevée parce que l'on craint que, dans certaines situations, les gens ne sachent pas que l'AMM est légale et ignorent qu'ils peuvent se renseigner à ce sujet ou se voient refuser des informations sur l'AMM lorsqu'ils les cherchent. D'un autre côté, on craint également que si les cliniciennes et cliniciens abordent eux-mêmes le sujet, cela puisse laisser transparaître un manque d'espoir quant à la santé future de la personne ou constituer une pression pour envisager l'AMM alors que la personne ne veut pas y avoir recours.

Comme dans toutes les situations liées aux soins cliniques, les praticiennes et praticiens ont la responsabilité de répondre aux questions et aux demandes d'information des patients, soit par eux-mêmes, soit en établissant un contact avec une personne ou un programme de l'AMM qui peut fournir ces informations. Une praticienne ou un praticien doit soit répondre aux questions et fournir des informations, soit veiller à ce que la personne puisse obtenir des réponses et des informations auprès d'autres sources d'information appropriées en temps opportun.

Comme dans toutes les situations de soins cliniques, les praticiennes et praticiens ont la responsabilité de se familiariser avec les valeurs des patients et de discuter de leurs objectifs en matière de soins. Les praticiennes et praticiens devraient toujours fournir des informations sur les options de traitement et les services qui sont appropriés à l'état du patient, en tenant compte de ses valeurs et de ses objectifs en matière de soins. Si une praticienne ou un praticien a déterminé que l'AMM est compatible avec les valeurs et les objectifs en matière de soins d'un patient et qu'il a de bonnes raisons de croire que la personne pourrait être admissible à l'AMM, la praticienne ou le praticien doit en informer le patient. La praticienne ou le praticien doit également se montrer ouvert à la discussion sur le sujet et se montrer attentif aux souhaits du patient quant à la suite du dialogue. Le moment choisi pour entamer une conversation sur l'AMM devrait être déterminé par la praticienne ou le praticien, qui doit se fonder sur son jugement professionnel, et faire preuve de diligence, de professionnalisme et de sensibilité. Si une praticienne ou un praticien n'est pas prêt à entamer une discussion sur l'AMM, il doit effectuer [une référence/un transfert de soins] efficace vers [un ou une autre médecin/une autre infirmière ou infirmier praticien] ou un autre programme qui est prêt à entamer la discussion.

Si une praticienne ou un praticien sait que l'AMM n'est pas compatible avec les valeurs et les objectifs en matière de soins d'un patient, il ne devrait pas entamer une discussion sur l'AMM.

Dans les deux cas, la praticienne ou le praticien devrait documenter le fait que la conversation a ou n'a pas eu lieu et justifier sa décision.

15. Que faire si je reçois des menaces de la part des demandeurs ou des membres de sa famille?

Il est arrivé que des évaluateurs et des prestataires reçoivent des menaces de la part de demandeurs ou de membres de leur famille, les menaçant de déposer des plaintes auprès des autorités réglementaires ou des responsables des plaintes de l'hôpital et d'entamer des poursuites judiciaires, voire de se montrer violents envers eux ou leurs collègues.

Si un demandeur fait des menaces, l'évaluateur ou le prestataire devrait leur indiquer clairement que les évaluations d'admissibilité pour l'AMM ne peuvent pas avoir lieu dans des circonstances caractérisées par l'agressivité et la peur.

En ce qui concerne les menaces émanant des membres de la famille, les évaluateurs et les prestataires devraient demeurer dans une position non-défensive, mais devraient demander conseil aux institutions, aux assureurs et à des collègues de confiance.

Annexe – Ressources Utiles

Schéma d'évaluation et de prestation (Ontario)

Centre for Effective Practice : Medical Assistance in Dying (en anglais seulement)

Entamer une discussion sur l'AMM

Association Canadienne des Évaluateurs et Prestataires de l'AMM (ACEPA) : Mentionner l'AMM en tant qu'option de soins cliniques

Association canadienne de protection médicale (ACPM) : Communication axée sur le patient

Aptitude à consentir et consentement éclairé

ACPM : Consentement éclairé

ACEPA : Évaluation de l'aptitude à consentir de manière éclairée à l'AMM

Sécurité culturelle et humilité

Centre de collaboration nationale de la santé autochtone : Collection sur la sécurité culturelle

Ministère de la santé et des services sociaux du Québec : La sécurisation culturelle en santé et en services sociaux

Gestion des tendances suicidaires

Centre for Addition and Mental Health: Managing Suicidality (en anglais seulement)

UpToDate: Suicidal ideation and behaviour in adults (en anglais seulement)

Sadek, Joseph (2019): A Clinician's Guide to Suicide Risk Assessment and Management (en anglais seulement)

Lebel, G., Ste-Marie, R., Boudrias, N., & Montreuil, M. (2018). Cadre de référence du Guide d'évaluation de la personne à risque suicidaire (GÉRIS). CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal.

Soigner des patients d'une manière sensible aux traumatismes

Klinic Community Health Centre: Manuel sur les traumatismes, deuxième édition

BC Mental Health & Substance Use Services: Trauma-informed Practice (en anglais seulement)

Les soins tenant compte des traumatismes et le suicide

Vulnérabilité structurelle

Structural Vulnerability: Operationalizing the Concept to Address Health Disparities in Clinical Care – PubMed (nih.gov) (en anglais seulement)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

https://www.who.int/health-topics/social-determinants-of-health#tab=tab_1

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