Utilisation d’analgésiques opioïdes et troubles de l’humeur au Canada : une analyse descriptive des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes
Le Canada connaît une crise de la toxicomanie. Plus que 26 000 Canadiens sont décédés des suites d’une intoxication apparemment liée aux opioïdes entre janvier 2016 et septembre 2021Footnote 1. Les médicaments opioïdes, tels que la codéine et l’oxycodone, sont couramment prescrits et utilisés pour traiter et gérer la douleur physiqueFootnote 2. Des recherches internationales ont montré que les troubles de l’humeur sont plus fréquents chez les personnes qui utilisent des médicaments analgésiques opioïdes, ainsi que chez celles qui utilisent ces médicaments pour des raisons autres que le soulagement de la douleurFootnote 3Footnote 4Footnote 5Footnote 6Footnote 7. Cependant, cette relation n’a pas été explorée dans un échantillon représentatif de la population nationale au Canada. L’objectif de cette analyse est de décrire la relation entre l’utilisation de médicaments analgésiques opioïdes et les diagnostics d’un trouble de l’humeur chez les Canadiens adultes 18 ans et plus. Les résultats présentés dans ce document utilisent des données provenant d’adultes de toutes les provinces canadiennes ayant répondu à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2018.
Définitions incluses dans ce rapport
Utilisation de médicaments analgésiques opioïdes: Dans cette analyse, les répondants qui ont déclaré avoir utilisé des médicaments analgésiques opioïdes au cours des 12 mois précédant l’enquête ont été considérés comme ayant utilisé des médicaments opioïdes. Selon l’ESCC, les médicaments analgésiques opioïdes sont tous les produits qui contiennent des opioïdes, tels que la codéine, la morphine, ou les médicaments apparentés. Si la plupart de ces produits nécessitent une ordonnance, certains produits à base de codéine sont disponibles sans ordonnance (p. ex. Tylenol no 1 ou les 222).
Utilisation de médicaments analgésiques opioïdes non conforme aux instructions ou pour des raisons autres que le soulagement de la douleur: Il s’agissait notamment d’avoir indiqué la prise du médicament selon une dose supérieure à celle prescrite ou plus souvent qu’indiqué; la consommation intentionnelle pour l’expérience, pour l’effet qu’il cause ou pour se geler; la consommation pour d’autres raisons que le soulagement de la douleur, par exemple, pour se sentir mieux (améliorer l’humeur) ou pour faire face au stress ou à des problèmes; et l’altération du produit avant la consommation (p. ex. écraser les comprimés pour les avaler, les renifler ou les injecter, mais pas pour les avaler plus facilement ni pour prendre une plus faible dose).
Trouble de l’humeur: Les troubles de l’humeur ont été relevés au moyen d’une seule question qui demandait aux répondants s’ils avaient déjà reçu un diagnostic de trouble de l’humeur (p. ex. dépression, dysthymie, trouble bipolaire, manie) par un professionnel de la santé.
Affections liées aux douleurs chroniques (arthrite ou cancer): Ce rapport a examiné deux affections chroniques qui peuvent être associées aux douleurs chroniquesFootnote 8Footnote 9, c’est-à-dire les cas d’arthrite (p. ex. arthrose, polyarthrite rhumatoïde, goutte, mais à l’exclusion de la fibromyalgie) et de cancer auto-déclarés. Étant donné qu’il n’y avait pas de question concernant d’autres affections associées aux douleurs chroniques (p. ex. fibromyalgie, autres problèmes de dos, migraines) dans l’ESCC de 2018, ces affections n’étaient pas incluses dans l’analyse.
Principales constatations
Utilisation de médicaments analgésiques opioïdes et troubles de l’humeur chez les adultes canadiens
Parmi les adultes canadiens en 2018, 13,1 % avaient utilisé des médicaments analgésiques opioïdes (ci-après, médicaments opioïdes) au cours des 12 derniers mois et 9,1 % ont déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble de l’humeur. Le type de médicaments opioïdes le plus utilisé au cours des 12 derniers mois était les produits à base de codéine (76,2 %).
Les adultes ayant reçu un diagnostic de trouble de l’humeur présentaient une prévalence plus élevée d’utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois (27,8 %) par rapport à ceux n’ayant pas un tel diagnostic (11,7 %) (figure 1a). Lorsqu’on examine la prévalence des troubles de l’humeur, 19,1 % des adultes ayant utilisé des médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois ont indiqué avoir un diagnostic de trouble de l’humeur, par rapport à 7,5 % de ceux n’ayant pas utilisé de médicaments opioïdes (figure 1b).
Figure 1a - Texte équivalent
Utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
Intervalle de confiance à 95 % |
|
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Diagnostic de troubles de l’humeur |
27,8 % |
25,5 %, 30,1 % |
Pas de diagnostic de troubles de l’humeur |
11,7 % |
11,2 %, 12,2 % |
Source de données : |
Figure 1b - Texte équivalent
Diagnostic de troubles de l’humeur |
Intervalle de confiance à 95 % |
|
---|---|---|
Utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
19,1 % |
17,4 %, 20,9 % |
Aucune utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
7,5 % |
7,1 %, 8,0 % |
Source de données : |
Schéma d’utilisation
Les répondants qui ont indiqué avoir utilisé des médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois ont ensuite été interrogés sur la fréquence d’utilisation de ces médicaments. Les adultes ayant reçu un diagnostic de trouble de l’humeur ont déclaré une utilisation quotidienne ou quasi quotidienne d’opioïdes plus élevée au cours des 12 derniers mois (24,0 %), par rapport à ceux n’ayant pas reçu de diagnostic de trouble de l’humeur (13,4 %) (figure 2).
Figure 2 - Texte équivalent
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Schéma d’utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
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Tous les jours ou presque |
Intervalle de confiance à 95 % |
Chaque semaine |
Intervalle de confiance à 95 % |
Tous les mois |
Intervalle de confiance à 95 % |
Trois à onze fois par année |
Intervalle de confiance à 95 % |
Une ou deux fois |
Intervalle de confiance à 95 % |
Au besoin après une intervention chirurgicale |
Intervalle de confiance à 95 % |
|
Pas de diagnostic de troubles de l’humeur |
13,4 % |
11,9 %, 15,0 % |
5,3 % |
4,3 % 6,2 % |
8,9 % |
7,5 %, 10,3 % |
13,9 % |
12,4 %, 15,3 % |
30,5 % |
28,3 %, 32,7 % |
28,0 % |
25,9 %, 30,2 % |
Diagnostic de troubles de l’humeur |
24,0 % |
20,1 %, 27,9 % |
9,0 % E |
6,7 %, 11,3 % |
9,6 % |
6,3 %, 12,8 % |
12,8 % |
10,1 %, 15,5 % |
24,7 % |
20,8 %, 28,6 % |
20,0 % |
16,1 %, 23,8 % |
Source de données : Notes de bas de page |
Sexe et âge
La prévalence d’utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois parmi les adultes avec et sans diagnostic de trouble de l’humeur était similaire chez les hommes et les femmes (figure 3a). Pour tous les âges, l’utilisation de médicaments opioïdes était plus élevée parmi les adultes qui ont déclaré un diagnostic de trouble de l’humeur; toutefois, cette différence était plus prononcée dans les groupes d’âge de 35 à 49 ans et de 50 à 64 ans (figure 3b).
Figure 3a - Texte équivalent
|
Utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
|||
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Hommes |
Intervalle de confiance à 95 % |
Femmes |
Intervalle de confiance à 95 % |
|
Diagnostic de troubles de l’humeur |
28,4 % |
24,2 %, 32,7 % |
27,5 % |
24,8 %, 30,1 % |
Pas de diagnostic de troubles de l’humeur |
10,8 % |
10,1 %, 11,5 % |
12,6 % |
11,9 %, 13,3 % |
Source de données : |
Figure 3b - Texte équivalent
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Utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
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|
De 18 à 34 ans |
Intervalle de confiance à 95 % |
De 35 à 49 ans |
Intervalle de confiance à 95 % |
De 50 à 64 ans |
Intervalle de confiance à 95 % |
65 ans et plus |
Intervalle de confiance à 95 % |
Diagnostic de troubles de l’humeur |
23,3 % |
19,1 %, 27,1 % |
32,4 % |
27,3 %, 37,5 % |
30,4 % |
26,3 %, 34,4 % |
23,5 % |
19,3 %, 27,8 % |
Pas de diagnostic de troubles de l’humeur |
10,4 % |
9,4 %, 11,5 % |
10,8 % |
9,8 %, 11,8 % |
13,8 % |
12,8 %, 14,8 % |
11,8 % |
10,9 %, 12,7 % |
Source de données : |
Affections liées aux douleurs chroniques sélectionnées
La prévalence d’utilisation de médicaments opioïdes déclarée était plus élevée parmi ceux déclarant des affections liées aux douleurs chroniques, par rapport à ceux qui n’ont pas déclaré de telles affections. Parmi les adultes déclarant souffrir d’affections liées aux douleurs chroniques, 43,3 % de ceux ayant reçu un diagnostic de trouble de l’humeur ont déclaré utiliser des médicaments opioïdes, contre 20,9 % de ceux n’ayant pas reçu de diagnostic de trouble de l’humeur (figure 4).
Figure 4 - Texte équivalent
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Utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois |
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|
Affections liées aux douleurs chroniques |
Intervalle de confiance à 95 % |
Pas d’affection liée aux douleurs chroniques |
Intervalle de confiance à 95 % |
Diagnostic de troubles de l’humeur |
43,3 % |
38,8 %, 47,9 % |
21,2 % |
18,8 %, 23,6 % |
Pas de diagnostic de troubles de l’humeur |
20,9 % |
19,6 %, 22,2 % |
9,5 % |
9,0 %, 10,0 % |
Source de données : Remarques |
Utilisation de médicaments opioïdes non conforme aux instructions ou pour des raisons autres que le soulagement de la douleur
En 2018, 11,2 % des répondants qui ont indiqué avoir utilisé des médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois ont aussi déclaré avoir utilisé ces médicaments de façon non conforme aux instructions ou pour des raisons autres que le soulagement de la douleur. Ce pourcentage était plus élevé parmi les adultes ayant un diagnostic de trouble de l’humeur (22,7 %; IC à 95 % : 17,6 %, 27,9 %) par rapport à ceux n’ayant pas de tel diagnostic (8,5 %; IC à 95 % : 7,1 %, 9,9 %).
En résumé
Améliorer notre compréhension des liens entre l’utilisation de médicaments analgésiques opioïdes et les troubles de santé mentale est essentiel pour éclairer les mesures cliniques et de santé publique globales visant à contrer les méfaits des opioïdes au Canada. L’analyse présentée ici indique que l’utilisation de médicaments analgésiques opioïdes et les troubles de l’humeur coïncident souvent chez les adultes canadiens. De plus, certains adultes ayant un diagnostic de trouble de l’humeur ont indiqué une plus grande utilisation de médicaments analgésiques opioïdes non conforme aux instructions ou pour des raisons autres que le soulagement de la douleur. En collaboration avec des intervenants, l’Agence de la santé publique du Canada continuera de travailler à l’amélioration des données et des analyses afin d’orienter les stratégies et les interventions visant à réduire les méfaits associés aux opioïdes dans tout le pays.
Remerciements
Nous tenons à remercier Statistique Canada d’avoir recueilli les données et d’avoir donné accès à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2018.
Citation proposée
Utilisation d’analgésiques opioïdes et troubles de l’humeur au Canada : une analyse descriptive des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes Ottawa, Agence de la santé publique du Canada, mars 2022. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/opioids/data-surveillance-research/utilisation-analgesiques-opioides-troubles-humeur.html
Notes techniques
Méthodologie
Les analyses dans ce rapport utilisent les données du cycle 2018 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada. L’ESCC est une enquête transversale annuelle qui vise à recueillir des renseignements liés à la santé d’un échantillon représentatif à l’échelle nationale. Les données utilisées dans ce rapport comprenaient de l’information fournie par des répondants des dix provinces canadiennes, mais pas d’information de participants des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut ou du Yukon.
La variable relative à l’utilisation de médicaments opioïdes au cours des 12 derniers mois était une variable déduite, selon que les répondants avaient indiqué avoir utilisé des analgésiques contenant des opioïdes au cours des 12 derniers mois (y compris de la codéine, de l’oxycodone, du fentanyl ou d’autres produits opioïdes). Si les répondants ont indiqué avoir utilisé de tels médicaments dans les 12 derniers mois, ils ont ensuite été interrogés sur la fréquence de leur utilisation ainsi que sur l’utilisation de médicaments opioïdes non conforme aux instructions ou pour des raisons autres que le soulagement de la douleur. On a demandé à tous les répondants si un professionnel de la santé leur avait diagnostiqué un trouble de l’humeur, comme la dépression, le trouble bipolaire, la manie ou la dysthymie.
La pondération des données de l’enquête a été appliquée pour toutes les analyses. Tous les intervalles de confiance (IC) à 95 % et les tests statistiques ont été estimés à partir de poids de répliques bootstrap fournis par Statistique Canada. On peut trouver plus d’information sur le questionnaire de l’ESCC de 2018 et sur la méthodologie utilisée sur le site Web de Statistique Canada.
Dans ce rapport, quand on dit que deux estimations sont différentes ou plus fréquentes, cela indique que la différence était statistiquement significative au niveau de 5 % (où la valeur de p est inférieure à 0,05), selon un test du chi carré de Rao-Scott pour la différence de proportions.
Limites
Remarques générales
L’ESCC exclut certaines personnes, y compris les personnes vivant en établissement, les membres à temps plein des Forces canadiennes, les personnes vivant dans les réserves et autres peuplements autochtones dans les provinces, ainsi que les personnes vivant dans des régions rurales ou éloignées. Ensemble, ces exclusions représentent moins de 3 % de la population canadienne âgée de 12 ans et plus. On peut trouver plus d’information sur la population cible de l’ESCC de 2018 sur le site Web de Statistique Canada.
Données sur le sexe et le genre
Dans le cycle de 2018 de l’ESCC, aucune donnée n’a été recueillie en lien avec l’identité de genre. Dans cette enquête, une question sur le sexe a été incluse.
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