ARCHIVÉE - Information sur les aliments nouveaux

Vins dérivés de la levure de vin génétiquement modifié Saccharomyces cerevisiae ML-01

Santé Canada a informé le Dr Hennie van Vuuren (Université de la Colombie-Britannique) que le Ministère ne s'objecte pas à l'utilisation alimentaire de la levure génétiquement modifiée Saccharomyces cerevisiae ML-01 dans le processus de vinification au Canada, ainsi qu'aux vins produits à l'aide de cette levure. Le Ministère a effectué une évaluation détaillée de la levure de vin ML-01, en vertu de ses Lignes directrices relatives à l'évaluation de l'innocuité des aliments nouveaux. Ces lignes directrices se fondent sur des principes reconnus à l'échelle internationale en vue de déterminer l'innocuité des aliments nouveaux.

CONTEXTE :

Le texte qui suit résume l'avis que le Dr van Vuuren a fourni à Santé Canada, ainsi que l'évaluation de Santé Canada, et il ne contient aucun renseignement commercial confidentiel.

1. Introduction

Le Dr Hennie van Vuuren a mis au point la levure Saccharomyces cerevisiae ML-01 en transformant le polyéthylèneglycol (P.E.G.) pour introduire, par recombinaison homologue, une cassette d'expression génétique dans la levure Saccharomyces cerevisiae var. bayanus S92 (Société de levures Lesaffre).

La levure de vin malolactique génétiquement modifiée ML-01 vise à retirer, par fermentation malolactique, l'acide malique du vin et ce, sans utiliser de cultures d'amorçage. Ceci a été réalisé grâce à l'ajout de deux gènes dans le génome du vin, notamment le gène mae1 qui code un symport de proton afin de permettre le transport du malate, du malonate et du succinate dans la cellule de la levure et le gène mleA qui code pour l'enzyme malolactique afin de convertir L-malate à L-lactate.
Le fait de ne pas utiliser de cultures d'amorçage prévient la formation d'amines biogènes qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé.

L'évaluation de l'innocuité menée par les spécialistes de la Direction des aliments a été effectuée en tenant compte des points suivants : le mode de mise au point de la levure ML-01, son processus de fabrication, la composition des vins produits à l'aide de cette levure, ainsi que la possibilité de la présence de contaminants toxiques, antinutritionnels, allergisants, chimiques ou microbiologiques dans ces vins.

La Direction des aliments assume, aux termes de la loi, la responsabilité des évaluations pré-commercialisation des aliments nouveaux et des ingrédients d'aliments nouveaux, tels que décrits dans l'article 28 de la partie B du Règlement sur les aliments et drogues (aliments nouveaux). L'utilisation alimentaire de la levure ML-01 fait en sorte que cette dernière est considérée comme un aliment nouveau selon la partie suivante de la définition d'aliments nouveaux :

« c) un aliment dérivé d'un végétal, d'un animal ou d'un micro-organisme qui, ayant été modifié génétiquement, selon le cas :

i) le végétal, l'animal ou le micro-organisme présente des caractères qui n'avaient pas été observés auparavant »

2. Mise au point de la levure modifiée

La levure Saccharomyces cerevisiae ML-01 a été mise au point en par la transformation au polyéthylèneglycol (P.E.G.) pour introduire, par recombinaison homologue, une cassette d'expression génétique dans la levure Saccharomyces cerevisiae var. bayanus S92 (Société de levures Lesaffre). La séquence introduite comprend les gènes mleA et maeI, sous le contrôle des séquences du gène promoteur et terminateur S. cerevisiaePGK1, nécessaires pour l'expression de cette cassette dans la levure. Le requérant a entièrement séquencé et décrit la cassette d'expression malolactique transportée sur le plasmide pJH2, y compris les régions flanquantes 3' et 5' du gène URA3.

Le gène maeI est dérivé de la levure Schizosaccharomyces pombe 972h-; il code pour la perméase du malate, un symport qui permet l'entrée du malate dans la levure du vin. S. pombe est une levure ascomycète présente sur les fruits (pommes et raisins) et dans les aliments (jus de raisin, vin de palme, canne à sucre et sirop); la levure S. pombe est utilisée pour désacidifier le vin et elle ne présente aucun effet néfaste connu pour l'être humain. Le gène mleA est dérivé de la souche de la bactérie lactique Oenococcus oeni Lo8413; il code pour l'enzyme malolactique qui décompose l'acide malique dans la levure. O. oeni est couramment utilisé dans l'industrie vinicole à titre de culture d'amorçage pour extraire le malate et cette culture possède des antécédents d'utilisation sûre. S. cerevisiae AB972 est la source du gène promoteur et terminateur PGK1 (3-phosphoglycérokinase) utilisé dans le gène hybride. S. cerevisiae GC210 est la source des régions flanquantes URA3 utilisées pour l'intégration du gène hybride par recombinaison homologue. S. cerevisiae possède depuis longtemps des antécédents d'utilisation sûre.

La cassette d'expression malolactique a été coupée de pJH2 pour produire le fragment utilisé dans la transformation de S. cerevisiae et elle a été introduite dans la levure conjointement avec le plasmide pUT332, par transformation au P.E.G. Le plasmide pUT332 transporte un gène de résistance à l'antibiotique phléomycine (Tn5Ble) utilisé durant l'étape de présélection initiale, et à l'ampicilline (Ampr). Deux mille colonies résistantes à la phléomycine ont été sélectionnées et soumises à une sélection préliminaire pour le phénotype souhaité; seulement quatre (4) souches ont démontré une positivité pour le nouveau phénotype et seulement une a confirmé l'intégration de la cassette dans le gène URA3. Cette souche porte l'appellation ML-01.

Le plasmide pUT332 a été éliminé de la souche ML-01 en la sous-cultivant sur plusieurs générations sur un milieu non sélectif; la souche a été confirmée négative pour ce plasmide en sondant l'ADN total de la levure à l'aide d'une sonde Tn5Ble et d'une sonde du squelettique plasmidique de pUT332 et de Ampr.

3. Caractérisation de l'organisme modifié

Le transfert de Southern et le séquençage de l'ADN de l'événement ML-01 ont démontré l'insertion d'une seule copie intacte de la cassette d'expression malolactique au locus URA3 du génome de la levure. De plus, les données de l'analyse séquentielle et du transfert de Southern n'ont démontré aucun réarrangement de l'ADN, car tous les sites internes d'enzyme de restriction sont demeurés intacts dans la production des fragments d'hybridation de la taille escomptée. Le séquencage de l'insert a démontré que certaines substitutions de base (15) ont eu lieu, comparativement à la séquence publiée; ces substitutions ont principalement été causées par les artefacts du processus de construction (7 sur 15); les autres substitutions résultent des modifications introduites durant l'amplification des diverses sources de gènes. Une seule modification a produit une substitution d'acide aminé (Asp à Glu) dans la protéine mleA. Cette modification de la protéine n'a pas été considérée significative et elle n'a pas soulevé de préoccupation.

La stabilité génétique de l'ADN inséré a été évaluée par transfert de Southern sur plus de 100 générations de levure ML-01. Le requérant a démontré, en utilisant EcoRI et une sonde appropriée qui ont produit 3 bandes distinctes, que l'insert est stable sur au moins 100 générations.

L'expression des deux gènes a été confirmée par transcriptase inverse (RT-PCR). La levure ML-01 a été cultivée dans un moût synthétique; l'ARNm a été extrait du moût 2 jours et 6 jours après le début de la fermentation et le produit a été soumis à la transcriptase inverse (RT-PCR). L'expression des deux gènes (maeI et mleA) a été démontrée durant cette période. De plus, la dégradation du malate a été suivie (le phénotype souhaité) durant les 6 jours; la dégradation a été complète.

Le requérant a fourni des données génomiques pour déterminer l'incidence de l'événement d'insertion sur l'expression générale du gène. La souche mère S92 et la souche ML-01 ont été cultivées dans le moût synthétique, l'ARNm total a été extrait et il a été soumis à des analyses quadruplées. Seulement quinze (15) des 6 200 cadres de lecture ouverts (ORF) ont présenté un changement d'expression de plus de 2 fois l'expression contrôle, comparativement à la ligne de base généré avec la souche S-92, avec un changement maximal d'expression de 6 fois le contrôle. Six (6) des quinze (15) ORF ont été surexprimées et neuf (9) ont été sous-exprimées. Certains ORF touchés ne possèdent aucune fonction connue, d'autres ORF sont des protéines de biosynthèse du ribosome ou des protéines de choc thermique qui sont souvent influencées par le pH intracellulaire (il est bon de préciser que le pH devrait diminuer lorsque le malate entre dans la cellule de la levure ML-01). BTN2 est un ORF particulier qui peut hypothétiquement coder une protéine impliquée dans le contrôle du pH dans les cellules de la levure. La majorité de ces changements seraient attribués à une réduction du pH intracellulaire en raison de l'entrée du malate dans la cellule. En règle générale, l'introduction de la cassette d'expression malolactique au locus URA3 n'a pas influencé le transcriptome global de la levure.

La séquence de l'événement d'insertion a été analysée pour la présence de cadres de lecture ouverts de plus de 90 paires de bases comportant une séquence TATA dans la direction 5'. Les résultats démontrent sept (7) ORF avec une longueur variant entre 108 bp et 660 bp. Basé sur les séquences de ces ORF, des amorces ont été conçues pour effectuer le test de la transcriptase inverse (RT-PCR) afin de déterminer si ces ORF ont été transcrits. Les résultats de cette analyse démontrent que tous les ORF ont produit un transcrit. Il est peu probable que les transcrits plus courts (inférieurs à 150 bp : ORF 2,3,5 et 7) seraient traduits en nouvelle protéine, en raison de l'instabilité des ARNm courts et de leur courte demi-vie. Les quatre (4) autres transcrits, s'ils ont été traduits, partageraient une grande homologie avec les protéines mae1 et mleA exprimées; par conséquent, ils n'ont pas été considérés comme des éléments préoccupants.

4. Information concernant le produit

La levure de vin malolactique ML-01 se distingue de ses homologues conventionnels en raison de l'insertion des deux gènes mleA et maeI sous le contrôle du gène promoteur et terminateur S. cerevisiaePGK1 nécessaire pour l'expression dans la levure. L'insertion de ces gènes dans la levure produit respectivement l'expression de l'enzyme malolactique et du perméase du malate. L'expression de ces protéines dans la levure permet d'extraire l'acide malique durant la production vinicole et ce, sans culture d'amorçage.

5. Exposition alimentaire

Le processus de fabrication lui-même fait en sorte qu'il reste très peu de levure dans le vin; par conséquent, l'exposition à la levure est minimale. Le vin est normalement exposé à l'étape de sédimentation pour le clarifier, produisant ainsi une numération finale de 1 000 à 10 000 CFU/mL de vin. Le vin peut en plus être traité sur filtre à diatomées pour réduire la numération à moins de 1 000 CFU/100 mL, et davantage sur filtre en cellulose pour obtenir une numération de (50 CFU/100 mL). Les producteurs vinicoles filtrent aujourd'hui le vin blanc sur des filtres de 0,45 microns et le vin rouge sur des filtres de 0,65 microns pour éliminer toutes les cellules de levure. La consommation du vin devrait en soi demeurer la même.

6. Nutrition

Le vin n'est pas consommé pour sa valeur nutritive. Par conséquent, Santé Canada conclut qu'il est inutile de demander, d'une perspective nutritionnelle, des données de composition qui comparent le vin fabriqué à l'aide de la nouvelle levure ML-01 et celles du vin fabriqué à l'aide de méthodes conventionnelles.

7. Chimie

Il existe des lignes directrices canadiennes sur le carbamate d'éthyle dans les vins. Les lignes directrices précisent une concentration de 30 ppb pour le vin de table et 100 ppb pour le vin viné. Le requérant a comparé les concentrations du précurseur de carbamate d'éthyle dans trois vins Merlot : (1) un vin produit à l'aide de la levure ML-01; (2) un vin produit à l'aide de la levure de la souche mère S92; et (3) un vin soumis à la fermentation alcoolique à l'aide de la souche S92 et à la fermentation malolactique à l'aide de la bactérie lactique Oenococcus ni. Les précurseurs de carbamate d'éthyle ont été indirectement mesurés en chauffant les échantillons de vin à une température de 72oC pendant 48 heures pour accélérer la formation de carbamate d'éthyle avant de mesurer les concentrations de carbamate d'éthyle à titre d'indicateur des concentrations des précurseurs. Les échantillons de vin chauffé de la souche ML-01 et de la souche S92 ont respectivement démontré des concentrations de carbamate d'éthyle de l'ordre de 12,0 et 13,0 ppb. Les échantillons de vin produit à l'aide des souches S92 et O. ni ont démontré une concentration de carbamate d'éthyle de l'ordre de 20,3 ppb. Ces concentrations sont inférieures au seuil précisé dans les lignes directrices pour le vin de table; par conséquent, elles ne posent pas de préoccupations pour la santé.

La présence de concentrations supérieures de précurseurs de carbamate d'éthyle dans le vin soumis à la fermentation malolactique bactérienne est cohérente avec la formation normale de ces précurseurs par les bactéries durant la fermentation malolactique. La présence de concentrations semblables dans les échantillons de vin de souches ML-01 et S92 soumis à une fermentation alcoolique indique que les vins produits à l'aide de la levure ML-01 ne devraient pas produire des concentrations de carbamate d'éthyle supérieures à celles des vins fermentés à l'aide de microorganismes conventionnels.

Il n'existe pas de ligne directrice canadienne sur l'histamine ou tout autre amine biogène dans le vin. La formation d'amines biogènes dans le vin est associée aux voies métaboliques dans la bactérie lactique, même si certaines bactéries n'effectuent pas ce type d'activité. Même si le requérant n'a pas effectué d'analyses d'amines biogènes sur les échantillons de vin produit à l'aide de la levure ML-01, il est entendu « que rien ne porte à croire que la souche ML-01 produira plus d'amines biogènes que la souche mère S92 ». Plusieurs raisons sont invoquées : (1) dans la levure ML-01, le gène bactérien qui code l'enzyme malolactique n'aurait pas d'activité qui mènerait à la formation d'amines biogènes dans le vin; (2) il n'a pas été démontré que le Saccharomyces cerevisiae participe à la synthèse des amines biogènes dans le vin. Par conséquent, le requérant prévoit que les vins soumis à une fermentation malolactique à l'aide de la souche ML-01 contiendront des niveaux inférieurs d'amines biogènes que les vins soumis à une fermentation malolactique à l'aide d'une bactérie lactique.

8. Microbiologie

La levure ML-01 sera produite de la même façon que toute autre levure de vin; le requérant a fourni un schéma qui décrit le processus de fermentation par lots. Étant donné que le Codex des produits chimiques alimentaires (FCC) n'offre pas de spécification pour la levure de vin, le requérant a produit les spécifications Springer Oenologie pour le produit. Ces spécifications précisent que la levure ML-01 contient : (1) au plus dix levures sauvages par million de cellules de levure, (2) au plus dix cellules bactériennes par million de cellules de levure, et (3) aucune bactérie de type Salmonella dans 25 g de produit.

9. Toxicologie

Le requérant a fourni la composition chimique des trois vins Merlot : (1) un vin produit à l'aide de la levure ML-01; (2) un vin produit à l'aide de la levure de la souche mère S92; et (3) un vin soumis à la fermentation alcoolique à l'aide de la souche S92 et à la fermentation malolactique à l'aide de la bactérie lactique Oenococcus oeni. Sauf pour le lactate d'éthyle, les concentrations des autres composants sont semblables pour les trois (3) lots de vin. Compte tenu de l'activité métabolique de la levure ML-01, Santé Canada ne prévoit pas de concentrations supérieures de lactate d'éthyle dans le vin produit à l'aide de la levure ML-01, car la fermentation malolactique bactérienne était incomplète. Aucun produit chimique unique n'a été décelé dans le vin produit à l'aide de la levure ML-01.

Le requérant a précisé que le processus de clarification fera en sorte que le vin contiendra seulement les plus petits polypeptides et acides aminés des deux séquences des gènes introduits et qu'il ne restera aucune séquence intacte. De plus, le vin qui a été soumis à une fermentation malolactique bactérienne contiendra les produits protéiques du gène qui code l'enzyme malolactique, mais non les produits protéiques du gène qui code le perméase du malate. Pour ce qui est du perméase du malate intact, le requérant prévoit qu'il ne sera plus présent à la fin de la fermentation alcoolique et ce, pour deux raisons : (1) le renouvellement rapide soupçonné du perméase (donc, une demi vie courte de la perméase); et (2) l'absence observée de dégradation du malate à la fin de la phase de croissance exponentielle de la levure.

CONCLUSION:

Après avoir examiné les renseignements présentés à l'appui de l'utilisation alimentaire de la levure de vin Saccharomyces cerevisiae ML-01, Santé Canada a conclu que l'utilisation alimentaire de cette levure ne soulève aucune préoccupation relative à l'innocuité alimentaire. Santé Canada est d'avis que le vin dérivé de la levure ML-01 est aussi sûr que celui des souches de levure de vin commerciales actuelles.

Cette opinion se limite exclusivement au caractère convenable de la levure de vin ML-01 pour utilisation dans la production vinicole. Il incombera toujours au Dr van Vuuren et aux producteurs de vins de veiller à ce que leurs produits respectent toutes les exigences législatives et réglementaires applicables. Toute nouvelle information obtenue à l'égard de produits qui pourraient influencer la santé humaine et l'innocuité alimentaire devra être acheminée à Santé Canada pour considération et ce, afin d'assurer l'innocuité et l'intégrité continues de tous les aliments disponibles sur le marché canadien. La vente d'un aliment qui pose un danger pour la santé du consommateur enfreint les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues.


Le présent document sur les aliments nouveaux résume l'avis sur le produit visé par la Direction des aliments, Direction générale des produits de santé des aliments, Santé Canada. Cet avis est fondé sur l'analyse détaillée des renseignements soumis par le pétitionnaire conformément aux Lignes directrices sur l'évaluation de l'innocuité des aliments nouveaux.

(Also available in English)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :

Section des aliments nouveaux
Direction des aliments
Direction générale des produits de santé et des aliments
Santé Canada
Parc Tunney
Ottawa (Ontario) K1A 0L2
Téléphone : (613) 941-5535
Télécopieur : (613) 952-6400

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