Les virus entériques dans l’eau potable
Organisation : Santé Canada
Date publiée : 2017-10-27
Document de consultation publique
Préparé par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable
La période de consultation se termine le
29 décembre 2017
Les virus entériques dans l’eau potable
Document de consultation publique
Table des matières
- Objet de la consultation
- Partie I. Vue d’ensemble et application
- 1.0 Recommandation proposée
- 2.0 Sommaire
- 3.0 Application de la recommandation
- Partie II. Science et considérations techniques
- 4.0 Description et effets sur la santé
- 5.0 Sources et exposition
- 6.0 Méthodes d’analyse
- 7.0 Techniques de traitement
- 8.0 Évaluation des risques
- 8.1 Objectifs en matière de santé
- 8.2 Niveaux de risque de référence
- 8.3 Évaluation quantitative du risque microbien
- 8.4 Considérations internationales
- 9.0 Justification
- 10.0 Références
- Annexe A : Liste d’acronymes
- Annexe B : Tableaux
- Tableau B.1. Caractéristiques des virus entériques humains d’origine hydrique
- Tableau B.2. Présence de virus entériques dans les eaux de surface au Canada et aux États-Unis
- Tableau B.3. Présence de virus entériques dans les eaux souterraines au Canada et aux É.‑U.
- Tableau B.4. Présence de virus entériques dans l’eau potable au Canada et aux É.-U.
- Tableau B.5. Éclosions d’infections virales choisies liées à l’eau potable (1971-2012)
Objet de la consultation
Le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable (CEP) a évalué l’information disponible sur les virus entériques afin de mettre à jour la recommandation actuelle et le document technique de la recommandation sur les virus entériques dans l’eau potable. La présente consultation vise à solliciter des commentaires sur la recommandation proposée, la démarche suivie pour l’élaborer et les coûts possibles de sa mise en œuvre, ainsi qu’à déterminer s’il existe des données supplémentaires sur l’exposition.
La recommandation en vigueur sur les virus entériques, révisée la dernière fois en 2011, a établi un objectif de traitement basé sur la santé qui consiste à réduire la teneur en virus entériques d’au moins 4 log. Le document de 2011 reconnaissait que même s’il existe des méthodes permettant de détecter et de mesurer la présence de virus dans l’eau potable, elles ne sont pas pratiques à des fins de surveillance régulière dans l’eau potable à cause des limites de méthodologie et d’interprétation. Le présent document révisé propose de maintenir l’objectif de traitement basé sur la santé, qui consiste à éliminer ou inactiver les virus entériques dans une proportion d’au moins 4 log, mais il indique aussi qu’une réduction plus importante pourrait s’imposer, selon la qualité de la source d’eau.
Le CEP a demandé que le document soit rendu public aux fins de consultation. Les commentaires, avec justification pertinente le cas échéant, sont les bienvenus. Ils peuvent être envoyés au Secrétariat du CEP par courrier électronique (water_eau@hc-sc.gc.ca) ou au besoin par la poste au Secrétariat du CEP, Bureau de la qualité de l’eau et de l’air, Santé Canada, 3e étage, 269, avenue Laurier Ouest, IA 4903D, Ottawa (Ontario) K1A 0K9. Les commentaires doivent nous parvenir avant le 29 décembre 2017.
Les commentaires reçus dans le cadre de la consultation seront transmis, avec le nom et l’affiliation de leurs auteurs, aux membres concernés du CEP. Les personnes qui ne veulent pas que leur nom et leur affiliation soient communiqués aux membres du CEP doivent joindre à leurs commentaires une déclaration à cet égard.
Il est à noter que le présent document technique sera révisé après l’analyse des commentaires reçus et qu’une recommandation pour l’eau potable sera établie s’il y a lieu. Ce document devrait donc être considéré strictement comme une ébauche pour commentaires.
Partie I. Vue d’ensemble et application
1.0 Recommandation proposée
La recommandation proposée pour les virus entériques dans l’eau potable est un objectif de traitement basé sur la santé correspondant à une élimination et (ou) inactivation d'au moins 4 log des virus entériques. Selon la qualité de la source d'eau, une réduction logarithmique plus importante pourrait être nécessaire. Les méthodes actuellement disponibles pour la détection des virus entériques ne sont pas applicables pour une surveillance régulière. Des techniques de traitement et des mesures de protection des bassins versants ou des têtes de puits reconnues pour leur efficacité à réduire le risque de maladies d'origine hydrique doivent être mises en œuvre et maintenues si la source d'eau est susceptible d'être contaminée par des matières fécales ou si des virus entériques ont déjà causé des éclosions de maladies d’origine hydrique.
2.0 Sommaire
Les virus sont des microorganismes extrêmement petits qui sont incapables de se reproduire à l’extérieur d’une cellule hôte. En général, les virus sont spécifiques à l’hôte, ce qui signifie que les virus qui infectent des animaux ou des végétaux n’infectent habituellement pas les humains, même si quelques virus entériques ont été détectés à la fois chez les humains et chez les animaux. La plupart des virus infectent aussi certains types de cellules seulement chez un hôte. C’est pourquoi, les effets qu’une infection virale a sur la santé varient énormément. Les virus qui peuvent se multiplier dans le tractus gastro-intestinal des humains ou des animaux sont appelés « virus entériques » Il y a plus de 140 sérotypes de virus entériques qui peuvent infecter les humains.
Santé Canada a terminé récemment son examen des risques pour la santé découlant de la présence de virus entériques dans l’eau potable. Ce document technique passe en revue et évalue tous les risques connus pour la santé qui sont associés à la présence de virus entériques dans l’eau potable. Il tient compte des nouvelles études et approches, ainsi que des limites de la méthodologie et de l’interprétation des méthodes d’analyse disponibles pour détecter les virus dans l’eau potable. D’après cet examen, la recommandation proposée pour les virus entériques dans l’eau potable est un objectif de traitement basé sur la santé qui consiste à réduire la teneur en virus entériques d’au moins 4 log (soit 99,99 %) par élimination ou inactivation.
À sa réunion de l’automne 2016, le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable a examiné ce document technique d’orientation et en a autorisé la diffusion à des fins de consultation publique.
2.1 Effets sur la santé
Différentes maladies humaines sont associées aux virus entériques. La maladie gastro-intestinale est le principal effet des virus entériques sur la santé. Les virus entériques peuvent aussi causer des maladies aiguës graves comme la méningite, la poliomyélite et des maladies fébriles non spécifiques. Ils ont aussi été incriminés dans des maladies chroniques, comme le diabète sucré et le syndrome de fatigue chronique.
La période d’incubation et la gravité des effets sur la santé dépendent du virus qui a causé l’infection. La gravité des effets d’une infection virale sur la santé dépendra aussi des caractéristiques de la personne en cause (p. ex. âge, état de santé). En théorie, une seule particule virale infectieuse peut causer une infection, mais il en faut habituellement plus. Pour beaucoup de virus entériques, on sait ou on suppose que le nombre de particules virales infectieuses nécessaires pour causer une infection est faible.
2.2 Exposition
Les virus entériques ne peuvent pas se multiplier dans l’environnement, mais ils peuvent survivre pendant des périodes prolongées (p. ex., deux à trois ans dans les eaux souterraines) et sont plus infectieux que la plupart des autres microorganismes. Les virus entériques sont excrétés dans les selles des personnes ou des animaux infectés et certains virus entériques peuvent aussi être excrétés dans l’urine. Les sources d’eau peuvent être contaminées par des matières fécales humaines qui empruntent toutes sortes de voies, y compris les effluents des usines de traitement des eaux usées, les fuites d’égouts sanitaires, les rejets de lagunes de traitement des eaux usées et des fosses septiques. Les virus peuvent aussi pénétrer dans le réseau de distribution à la suite d’activités d’exploitation ou d’entretien ou à cause de fluctuations de pression dans le réseau.
On a détecté la présence de virus entériques dans les eaux de surface et dans des sources souterraines. Ils semblent très prévalents dans les eaux de surface et leur présence varie en fonction du temps et du lieu. Dans le cas des eaux souterraines, on a détecté des virus à la fois dans des aquifères confinés et des aquifères non confinés, et ils peuvent parcourir des distances importantes (c. à d. des centaines de mètres) en peu de temps (c. à d. en quelques heures, jours ou semaines). Les aquifères confinés comportent une couche géologique sus jacente qui peut bloquer le transport du virus. Ces aquifères peuvent toutefois demeurer quand même vulnérables à la contamination virale à cause de voies comme des fractures, des trous de racines et d'autres interruptions qui permettent au virus de traverser la couche pour pénétrer dans l'aquifère sous-jacent. La présence de virus entériques dans les eaux souterraines n'est généralement pas continue et peut varier considérablement avec le temps. On a établi un lien entre la maladie et la consommation d'eau souterraine contaminée par des matières fécales qui n'est pas traitée ou est mal traitée.
2.3 Analyse et traitement
Une méthode de gestion des risques, comme l’approche à barrières multiples ou un plan de salubrité de l’eau constitue la meilleure façon de réduire les virus entériques et les autres pathogènes d’origine hydrique dans l’eau potable. La détermination de la vulnérabilité d’une source à la contamination par les matières fécales constitue un élément important d’une évaluation d’un système parce que le contrôle régulier de la présence de virus entériques dans l’eau potable n’est pas pratique pour le moment. La collecte d’échantillons de la source d’eau et leur analyse pour détecter la présence de virus entériques sont toutefois importantes pour les services publics de distribution d’eau qui veulent procéder à une évaluation quantitative du risque microbien. Il existe des méthodes moléculaires et de culture cellulaire validées pour la détection des virus entériques.
Une fois établies les caractéristiques de la source d’eau, il est possible de fixer des objectifs d’élimination des pathogènes, par inactivation ou élimination, et de mettre en œuvre des barrières de traitement efficaces pour réduire la concentration de virus entériques dans l’eau potable traitée. En général, il convient de filtrer adéquatement tout approvisionnement tiré de sources d’eaux de surface ou d’eaux souterraines sous l’influence directe des eaux de surface (ESSIDES) ou d’utiliser une technique équivalente et de les désinfecter pour atteindre les objectifs du traitement des virus entériques et des protozoaires. Dans les eaux souterraines jugées vulnérables aux virus, l’élimination ou l’inactivation logarithmiques doivent atteindre un facteur de 4 log.
L’absence de bactéries indicatrices (p. ex. E. coli, coliformes totaux) ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a pas de virus entériques. L’application et le suivi d’une approche à barrières multiples de la source au robinet, y compris le traitement et la surveillance de la conformité (p. ex., turbidité, méthode de désinfection, E. coli), sont importants pour vérifier si l’eau a été traitée adéquatement et si elle est, par conséquent, d’une qualité microbiologique acceptable. Dans le cas des eaux souterraines non traitées, les tests de dépistage de la présence de bactéries indicatrices sont utiles pour évaluer le potentiel de contamination fécale, ce qui peut inclure les virus entériques.
2.4 Évaluation quantitative du risque microbien
L’évaluation quantitative du risque microbien (ÉQRM) emploie les données sur la qualité des sources d’eau, l’information sur les procédés de traitement et les caractéristiques particulières du pathogène présent pour estimer la charge de morbidité liée à l’exposition aux microorganismes pathogènes dans une source d’eau potable. Le processus peut faire partie d’une approche à barrières multiples de la gestion d’un système d’approvisionnement en eau potable ou il peut appuyer l’élaboration d’une recommandation sur la qualité de l’eau potable, comme lorsqu’il s’agit de fixer l’objectif sanitaire minimal de traitement contre les virus entériques. L’ÉQRM tient compte de différents virus entériques dont les caractéristiques en font de bons représentants de tous les virus pathogènes similaires. Un virus de référence est sélectionné parmi ces virus entériques. Idéalement, un virus de référence représentera une combinaison du pire scénario réunissant une fréquence élevée, une concentration élevée et une longue période de survie dans la source d’eau, l’élimination ou la neutralisation peu élevée au cours du traitement et un pouvoir pathogène élevé pour tous les groupes d’âge. Si le virus de référence est contrôlé, on suppose que tous les autres virus préoccupants similaires sont contrôlés eux aussi. De nombreux virus entériques ont été envisagés. Comme il n’y a aucun virus en particulier qui possède toutes les caractéristiques d’un virus de référence idéal, la présente évaluation des risques utilise des caractéristiques de plusieurs différents virus.
3.0 Application de la recommandation
Remarque : Des conseils spécifiques concernant l’application des recommandations pour l’eau potable devraient être obtenus auprès de l’autorité appropriée en matière d’eau potable dans le secteur de compétence concerné.
La mise en œuvre d’une méthode de gestion des risques pour les systèmes d’approvisionnement en eau potable, comme l’approche à barrières multiples ou le plan de salubrité de l’eau, devrait réduire l’exposition aux virus. Ces méthodes obligent à procéder à une évaluation d’un réseau qui consiste à caractériser la source d’eau, décrire les barrières de traitement qui évitent ou réduisent la contamination, mettre en évidence les conditions qui peuvent causer la contamination et définir une mesure de contrôle à prendre pour atténuer les risques par des systèmes de traitement et de distribution au consommateur.
3.1 Évaluations des sources d’eau
Les évaluations des sources d’eau doivent faire partie des évaluations périodiques des systèmes. Elles doivent porter sur la détermination de sources possibles de contamination fécale dans le bassin hydrographique ou l’aquifère, les voies ou les événements possibles (risque faible à élevé) qui font que les virus entériques peuvent se retrouver dans la source d’eau et les conditions susceptibles de produire des concentrations maximales de virus entériques. Il faut évaluer les sources souterraines pour déterminer si l’approvisionnement est exposé à la contamination par des protozoaires entériques (c.-à-d. ESSIDES) et des virus entériques. Ces évaluations doivent inclure idéalement une étude hydrogéologique et au moins une évaluation de l’intégrité du puits et une enquête sur les caractéristiques physiques de la région et les activités qui s’y déroulent. Dans le cas des eaux souterraines jugées vulnérables à la contamination virale, l’élimination ou l’inactivation des virus entériques doit atteindre au moins 4 log. Dans le cas des sources ESSIDES, un traitement supplémentaire peut s’imposer pour contrer d’autres contaminants microbiologiques comme les protozoaires entériques.
Là où il est possible de contrôler les virus, on prélève généralement des échantillons à un endroit représentatif de la qualité de l’eau qui alimente le réseau de distribution d’eau potable, comme à l’admission d’une usine de traitement des eaux, dans les cas des eaux souterraines, à chaque puits. Lorsque l’on contrôle la présence de virus, il faut en déterminer la viabilité et l’infectiosité, ainsi que l’efficience de la méthode utilisée sur le plan de la récupération. Dans le cas des eaux de surface, il est recommandé de procéder à une analyse mensuelle pendant les quatre saisons pour déterminer les niveaux de référence et caractériser au moins deux événements météorologiques afin de comprendre les conditions des pointes. Comme la qualité des eaux de surface varie avec le temps, il peut être nécessaire de procéder à un échantillonnage plus intensif (c.‑à‑d. cinq échantillons par semaine) pour quantifier les concentrations de pointe. Dans le cas des eaux souterraines, y compris des aquifères confinés, la présence d’une contamination virale est difficile à prédire. On recommande une analyse mensuelle pendant les quatre saisons afin de caractériser adéquatement la présence d’une contamination virale.
3.2 Procédés de traitement appropriés
Une élimination ou une inactivation logarithmique d’au moins 4 log des virus entériques est recommandée pour toutes les sources d’eau, y compris les sources souterraines. Pour beaucoup de sources d’eau, une réduction de plus de 4 log peut s’imposer. Une administration peut autoriser une réduction inférieure aux 4 log recommandés pour une source d’eau souterraine si l’évaluation du système d’approvisionnement en eau potable a confirmé que le risque de la présence de virus entériques est minime ou que l’aquifère assure une filtration locale adéquate.
L’élimination mécanique des virus (p. ex., par filtration naturelle ou technique) peut être difficile à cause de leur petite taille et des variations de leur charge superficielle. La désinfection constitue donc une barrière importante pour réduire de façon appropriée la concentration de virus dans l’eau potable. Il est possible de neutraliser efficacement les virus en appliquant différentes techniques de désinfection, individuellement ou en combinaison, à des doses relativement faibles. Pour déterminer le type et le degré de traitement indiqués, il faut tenir compte des fluctuations possibles de la qualité de l’eau, y compris de sa dégradation à court terme, ainsi que de la variabilité de l’efficacité du traitement. Des essais pilotes ou d’autres procédés d’optimisation peuvent aider à déterminer la variabilité du traitement.
Les ménages dotés d’un puits doivent en évaluer la vulnérabilité à la contamination par les matières fécales pour déterminer s’il faut le traiter. Les provinces et les territoires offrent des recommandations générales sur la construction, l’entretien, la protection et l’analyse des puits. Lorsqu’ils veulent déterminer spécifiquement le risque de contamination virale, les propriétaires de puits devraient comprendre la construction des puits, le type de matériau de l’aquifère qui entoure le puits et l’emplacement de celui‑ci par rapport aux sources de contamination fécale (c.‑à‑d. fosses septiques, égouts sanitaires, déchets d’origine animale, etc.).
3.3 Entretien et exploitation appropriés des réseaux de distribution
Des virus peuvent pénétrer dans un réseau de distribution au cours de la construction ou de la réparation de conduites principales ou lorsque les activités périodiques d’exploitation et d’entretien causent des transitoires de pression (p. ex., utilisation de vannes ou de bornes fontaines, démarrage ou arrêt de pompes). On a signalé que les résidus de désinfectants secondaires types sont inefficaces lorsqu’il s’agit de neutraliser des virus dans le réseau de distribution. Il s’ensuit que le maintien de l’intégrité physique et hydraulique du réseau de distribution et la réduction du nombre de phénomènes de pression négative ou de basse pression sont des éléments essentiels d’une approche à barrières multiples ou d’un plan de salubrité de l’eau. Il faut surveiller régulièrement (p. ex., indicateurs microbiens, résidus de désinfectant, turbidité, pH) la qualité de l’eau du réseau de distribution, mettre en place des programmes de fonctionnement et d’entretien (p. ex., nettoyage de la conduite principale, prévention des retours d’eau polluée, gestion des biens) et pratiquer une hygiène rigoureuse durant les réparations de la conduite principale (p. ex., réparation, entretien, installation neuve) afin que l’eau potable soit acheminée jusqu’au consommateur sans perdre beaucoup de sa qualité.
Partie II. Science et considérations techniques
4.0 Description et effets sur la santé
La taille des virus varie de 20 à 350 nm : ce sont donc les microorganismes les plus petits. Ils sont constitués d’un génome d’acide nucléique (soit de l’acide ribonucléique [ARN], ou de l’acide désoxyribonucléique [ADN]) entouré d’une capsule protéique protectrice, la capside. Certains virus ont aussi une enveloppe de lipoprotéines qui entoure la capside. Ce sont les virus enveloppés. Les virus non enveloppés n’ont pas cette enveloppe de lipoprotéines. Les virus peuvent se reproduire seulement dans une cellule hôte vivante. Même si le génome viral code les protéines structurelles virales et d’autres molécules nécessaires à la réplication, les virus doivent compter sur le métabolisme cellulaire de l’hôte pour synthétiser ces molécules.
La réplication virale dans les cellules hôtes entraîne la production de virions infectieux et de nombreuses particules incomplètes non infectieuses (Payment et Morin, 1990). Le rapport entre les particules du virus comme tel et le nombre réel de virions infectieux varie de 10:1 à plus de 1000:1. Dans le contexte des maladies d’origine hydrique, un « virus » est donc défini comme une « particule du virus complet » ou « virion » infectieux avec son génome d’ADN ou d’ARN et son enveloppe protéique tels qu’ils existent hors de la cellule. Il s’agirait de la forme la plus simple dans laquelle un virus peut infecter un hôte. Dans l’environnement, les virions infectieux se dégraderont et perdront leur infectiosité, mais il est quand même possible de les voir au microscope électronique ou de les détecter par des méthodes moléculaires.
En général, les virus sont propres à l’hôte. Par conséquent, les virus qui peuvent infecter les humains n’infectent habituellement pas des hôtes non humains, comme des animaux ou des végétaux. L’inverse est vrai aussi : les virus qui infectent des animaux et des végétaux n’infectent habituellement pas les humains, même si l’on a détecté la présence d’un faible nombre de virus entériques à la fois chez les humains et les animaux (c.‑à‑d. virus zoonotiques). La plupart des virus infectent aussi seulement des types particuliers de cellules dans un hôte. Les types de cellules susceptibles dépendent du virus et, par conséquent, les effets sur la santé découlant d’une infection virale varient beaucoup, selon l’endroit où les cellules susceptibles se trouvent dans le corps. En outre, l’infection virale peut déclencher des réactions immunitaires qui produisent des symptômes non spécifiques. Les virus qui peuvent se multiplier dans le tractus gastro-intestinal des humains ou des animaux sont des « virus entériques ». Les virus entériques sont excrétés dans les selles des personnes infectées et certains virus entériques peuvent aussi être excrétés dans l’urine. Ces excrétions peuvent contaminer les sources d’eau. Les virus non entériques, comme les virus respiratoires, ne sont pas considérés comme des pathogènes d’origine hydrique puisque les virus non entériques ne se transmettent pas facilement des personnes infectées aux sources d’eau.
Il existe plus de 200 virus entériques reconnus (Haas et coll., 2014) dont 140 stéréotypes sont reconnus pour infecter les humains (AWWA, 1999; Taylor et coll., 2001). Les maladies associées aux virus entériques sont variées. En plus de la gastroentérite, les virus entériques peuvent causer des maladies aiguës graves, comme la méningite, la poliomyélite et des maladies fébriles non spécifiques. Ils ont aussi été incriminés dans l’étiologie de certaines maladies chroniques, comme le diabète sucré et le syndrome de la fatigue chronique.
Les virus entériques couramment associés aux maladies humaines d’origine hydrique comprennent les norovirus, le virus de l’hépatite A (VHA), le virus de l’hépatite E (VHE), les rotavirus et les entérovirus. Les caractéristiques de ces virus entériques, ainsi que leurs effets connexes sur la santé, sont abordés ci‑dessous et résumés dans le Tableau B.1 à l’Annexe B. Il est question aussi de quelques virus entériques qui pourraient être émergents.
4.1 Norovirus
Les norovirus sont des virus à ARN monocaténaire sans enveloppe d’un diamètre de 35 à 40 nm appartenant à la famille des Caliciviridae. Les norovirus sont actuellement subdivisés en sept génogroupes (GI à GVII) constitués de plus de 40 génotypes distincts (CDC, 2013a; Vinjé, 2015). On continue toutefois d’identifier de nouvelles variantes de norovirus et l’on en a détecté plus de 150 souches dans les eaux usées seulement (Aw et Gin, 2010; Kitajima et coll., 2012). Les génogroupes GI, GII et GIV contiennent les génotypes de norovirus habituellement associés aux maladies humaines (Verheof et coll., 2015), les norovirus du génogroupe II, et plus précisément le GII.4, causant plus de 90 % du total des cas sporadiques de gastroentérite aiguë chez les enfants (Hoa Tran et coll., 2013).
Même si la plupart des norovirus semblent propres à l’hôte, on a signalé des cas d’animaux infectés par des norovirus humains. On a, par exemple, isolé des variantes du GII chez des animaux de ferme (Mattison et coll., 2007; Chao et coll., 2012) et des chiens (Summa et coll., 2012), et c’est pourquoi on se demande si le norovirus est transmissible entre animaux et humains. On n’a pas signalé la présence de norovirus animaux chez les humains et l’on n’a pas détecté d’autres génogroupes, comme le GII, le GV et le GVI, ailleurs que chez des hôtes non humains (Karst et coll., 2003; Wolf et coll., 2009; Mesquita et coll., 2010).
Les infections norovirales surviennent chez les nourrissons, les enfants et les adultes. La période d’incubation est de 12 à 48 h (CDC, 2013a). Les effets sur la santé des infections norovirales sont résolutifs et durent habituellement de 24 à 48 heures. Les symptômes comprennent les nausées, les vomissements, la diarrhée, les douleurs abdominales et la fièvre. Chez les personnes en santé, les symptômes sont généralement très désagréables, mais ils ne mettent pas la vie en danger. Chez les groupes vulnérables, comme les personnes âgées, la maladie est jugée plus grave. Teunis et coll. (2008) ont signalé que la dose infectieuse du norovirus était faible (≥18 particules virales). Schmidt (2015) a toutefois déterminé des limites de l’étude et conclu qu’il se peut que l’infectiosité soit surestimée (voir la Section 8.3.1). Plusieurs études ont signalé que certaines personnes avaient une résistance naturelle à l’infection aux norovirus. On pense qu’il se peut qu’il manque à ces personnes un récepteur à la surface des cellules nécessaire pour lier le virus ou qu’elles aient une réponse immunitaire anamnestique qui empêche l’infection (Hutson et coll., 2003; Lindesmith et coll., 2003; Cheetham et coll., 2007). L’immunité à l’infection norovirale semble de courte durée, de l’ordre de plusieurs mois. Une estimation récente tirée d’un modèle de transmission indique toutefois que l’immunité peut durer des années (Simmons et coll., 2013).
Les norovirus sont excrétés à la fois dans les matières fécales et dans les vomissures des personnes infectées et ils peuvent être transmis par l’eau contaminée. Les personnes infectées peuvent excréter le norovirus avant d’avoir des symptômes et pendant deux semaines ou plus après leur disparition (Atmar et coll., 2008; Aoki et coll., 2010). Les norovirus se transmettent aussi facilement par contact de personne à personne. On a associé un grand nombre des cas de gastroentérite norovirale à des groupes de personnes vivant dans un milieu fermé comme des écoles, des camps de vacances, des établissements et des bateaux de croisière. L’ingestion de particules en aérosol peut aussi causer l’infection (CDC, 2011; Repp et Keene, 2012). Les infections sont très saisonnières et les infections à norovirus atteignent leur sommet le plus souvent au cours des mois d’hiver (Ahmed et coll., 2013).
4.2 Virus de l’hépatite
On a identifié jusqu’à maintenant six types de virus de l’hépatite (A, B, C, D, E et G), mais deux types seulement, soit l’hépatite A (VHA) et l’hépatite E (VHE) semblent transmis par la voie oro-fécale et sont donc associés à la transmission d’origine hydrique. Même si le VHA et le VHE peuvent tous deux causer l’hépatite, il s’agit de deux virus distincts.
4.2.1 Virus de l’hépatite A
Le VHA est un petit virus à ARN monocaténaire de 27 nm à 32 nm de diamètre, sans enveloppe et à symétrie icosaédrique. Le VHA appartient à la famille des Picornaviridae et il avait été placé à l’origine dans le genre entérovirus, mais comme le VHA présente certaines propriétés particulières sur les plans de la structure génétique et de la réplication, on l’a placé dans un nouveau genre, Hepatovirus, dont il est le seul membre (Carter, 2005).
La période d’incubation d’une infection à VHA varie de 15 à 50 jours, la moyenne s’établissant à environ 28 jours (CDC, 2015a). La dose médiane pour le VHA est inconnue, mais on suppose qu’elle est faible (c.‑à‑d. 10 à 100 particules virales) (FDA, 2012). Les infections à VHA, communément appelées hépatites infectieuses, provoquent de nombreux symptômes, dont la fièvre, des malaises (fatigue), l’anorexie, des nausées et de la gêne abdominale, suivis de quelques jours de jaunisse. L’infection à VHA peut aussi causer au foie des dommages qui découlent de la réponse immunitaire de l’hôte à l’infection des hépatocytes par le VHA. Dans certains cas, les dommages au foie peuvent être mortels.
L’infection à VHA survient chez les enfants et les adultes. La maladie est habituellement résolutive, mais sa gravité augmente avec l’âge. Par exemple, on observe seulement des symptômes minimes ou aucun symptôme chez les plus jeunes enfants (Yayli et coll., 2002), mais dans une étude portant sur des cas d’infection à VHA chez des personnes âgées de 50 ans et plus, on a observé un taux de mortalité six fois plus élevé que le taux moyen de 0,3 % (Fiore, 2004). Le virus est excrété dans les selles des personnes infectées pendant jusqu’à deux semaines avant l’apparition des symptômes de l’hépatite et le virus se propage par la voie oro-fécale (Chin, 2000; Hollinger et Emerson, 2007; CDC, 2015a). Le VHA est aussi excrété dans l’urine des personnes infectées (Giles et coll., 1964; Hollinger et Emerson, 2007; Joshi et coll., 2014). La convalescence peut être prolongée (huit à dix semaines) et dans certains cas d’infection à VHA, les personnes infectées peuvent avoir des rechutes pendant jusqu’à six mois (CDC, 2015a).
L’incidence de l’infection à VHA est la plus élevée en Asie, en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient (Jacobsen et Wiersma, 2010). Au Canada, l’incidence de l’infection à VAH a diminué considérablement depuis l’introduction du vaccin contre le VHA en 1996 (ASPC, 2015a). Des études sur la séroprévalence ont signalé une prévalence nationale de 2 % et 20 % chez les enfants et les adultes d’origine canadienne non vaccinés, respectivement (Pham et coll., 2005; ASPC, 2015b). L’infection à VHA non liée aux voyages est rare au Canada.
4.2.2 Virus de l’hépatite E
Le VHE est un virion sans enveloppe d’un diamètre de 27 à 34 nm à ARN polyadénylé monocaténaire qui appartient à la famille des Hepeviridae. Même si la plupart des virus entériques humains n’ont pas de réservoir non humain, on a signalé que le VHE est zoonotique (transmis des animaux aux humains, avec des réservoirs naturels non humains) (AWWA, 1999; Meng et coll., 1999; Wu et coll., 2000; Halbur et coll., 2001; Smith et coll., 2002; Smith et coll., 2013, 2014). Il y a quatre génotypes de souches de VHE infectieux pour les humains. Les génotypes 1 et 2 sont transmis entre humains, tandis que les génotypes 3 et 4 semblent zoonotiques (transmis aux humains par le chevreuil, le porc et le sanglier) (Smith et coll., 2014). Ces génotypes ont été subdivisés de nouveau en au moins 24 sous-types (Smith et coll., 2013), mais cette classification est en révision (Smith et coll., 2014).
Sur le plan clinique, il est impossible de distinguer l’infection à VHE de l’infection à VHA. Les symptômes comprennent les malaises, l’anorexie, des douleurs abdominales, l’arthralgie, la fièvre et la jaunisse. La dose médiane de VHE est inconnue. Sa période d’incubation varie de 15 à 60 jours, la moyenne s’établissant à 42 jours (CDC, 2015b). L’infection à VHE se résorbe habituellement d’une à six semaines après son apparition. Les virions sont excrétés dans les selles pendant une semaine ou plus après l’apparition des symptômes (Percival et coll., 2004). La maladie est le plus souvent déclarée chez les jeunes adultes et les adultes d’âge moyen (15 à 44 ans). Le taux de mortalité est de 0,5 à 3 %, sauf chez les femmes enceintes dont le taux de mortalité peut atteindre presque 20 à 25 % (Matson, 2004). Les maladies associées au VHE sont rares dans les pays industrialisés, où la plupart des infections sont liées aux voyages à l’étranger.
4.3 Rotavirus
Les rotavirus sont des virus à ARN bicaténaire non enveloppés d’environ 70 nm de diamètre appartenant à la famille des Reoviridae. Ces virus ont été subdivisés en huit groupes sérologiques (A à H) (Marthaler et coll., 2012), dont trois (A, B et C) infectent les humains. Les rotavirus du groupe A sont subdivisés en sérotypes selon les caractéristiques de leurs protéines de surface, VP7 et VP4. Il y a 28 types de VP7 (appelés types G) et quelque 39 types de VP4 (les types P) qui produisent une grande diversité antigénique (Mijatovic-Rustempasic et coll., 2015, 2016). Même si la plupart des rotavirus semblent propres à l’hôte, des études révèlent leur potentiel de transmission zoonotique (Cook et coll., 2004; Kang et coll., 2005; Gabbay et coll., 2008; Steyer et coll., 2008; Banyai et coll., 2009; Doro et coll., 2015; Mijatovic-Rustempasic et coll., 2015, 2016), mais on croit que c’est plutôt rare et que la transmission n’est probablement pas pathogène (CDC, 2015c).
En général, les rotavirus causent la gastroentérite, y compris des vomissements et de la diarrhée. Le sujet peut vomir pendant une période qui peut atteindre 48 heures avant l’apparition de la diarrhée. La gravité de la gastroentérite peut varier de bénigne, durant moins de 24 heures, à grave, dans certains cas, qui peuvent être mortels. Chez les jeunes enfants, les manifestations extra-intestinales possibles, comme des symptômes respiratoires et des convulsions, sont attribuables au fait que l’infection est systémique plutôt que localisée à la muqueuse jéjunale (Candy, 2007). La période d’incubation dure généralement moins de 48 heures (CDC, 2015c). La maladie dure généralement de cinq à huit jours. La dose infectieuse médiane de rotavirus est de 5,597 (Haas et coll., 1999). Le virus est excrété en nombre exceptionnellement élevé par les personnes infectées, jusqu’à 1011/g de selles (Doro et coll., 2015). Certains rotavirus peuvent aussi produire une protéine toxique qui peut provoquer la diarrhée lors du contact avec les cellules virales (Ball et coll., 1996; Zhang et coll., 2000). Le phénomène est inhabituel puisque la plupart des virus n’ont pas d’effet toxique.
Le rotavirus du groupe A est endémique dans le monde entier et constitue le groupe le plus courant et le plus répandu de rotavirus. C’est la principale cause de diarrhée aiguë (et de la déshydratation qui en découle) chez les humains et chez plusieurs espèces animales (Estes et Greenberg, 2013). On qualifie les infections qu’il cause de diarrhée infantile, diarrhée hivernale, gastroentérite infectieuse non bactérienne aiguë et gastroentérite virale aiguë. Les enfants de six mois à deux ans, les nouveau-nés prématurés, les personnes âgées et les sujets dont le système immunitaire est compromis sont particulièrement vulnérables aux symptômes plus graves causés par l’infection à rotavirus du groupe A. Ce dernier est la principale cause de diarrhée grave chez les nourrissons et les enfants et il cause environ la moitié des cas qui nécessitent une hospitalisation, habituellement à cause de la déshydratation. Aux États-Unis, avant le lancement d’un vaccin antirotavirus, il y avait près de 3,5 millions de cas par année (Glass et coll., 1996). Des infections asymptomatiques peuvent survenir chez des adultes, ce qui donne au virus un autre moyen de se propager dans la collectivité. Dans les régions tempérées, la maladie associée au rotavirus se manifeste principalement au cours de l’hiver, tandis que sous les tropiques, elle est présente pendant toute l’année (Moe et Shirley, 1982; Nakajima et coll., 2001; Estes et Kapikian, 2007). Les maladies causées par le rotavirus du groupe B, aussi appelé rotavirus de la diarrhée chez l’adulte, ont été limitées surtout à la Chine, où l’on a signalé des éclosions de diarrhée grave touchant des milliers de personnes (Ramachandran et coll., 1998). On a établi un lien entre le rotavirus du groupe C et des cas rares et sporadiques de diarrhée chez les enfants dans de nombreux pays et régions, dont l’Amérique du Nord (Jiang et coll., 1995). Les premières éclosions ont été signalées au Japon et en Angleterre (Caul et coll., 1990; Hamano et coll., 1999).
4.4 Entérovirus
Les entérovirus (EV) constituent un grand groupe de (plus de 250) virus appartenant au genre Entérovirus et à la famille des Picornaviridae. Au nombre des plus petits virus, ils sont constitués d’un ARN monocaténaire sans enveloppe, de 20 à 30 nm de diamètre et à symétrie icosaédrique. Le genre Entérovirus comporte 12 espèces dont sept ont été associées à la maladie humaine : EV‑A à EV‑D et rhinovirus (RV)‑A, B et C (Tapparel et coll., 2013; Faleye et coll., 2016; The Pirbright Institute, 2016). On continue d’identifier d’autres sérotypes d’entérovirus.
La période d’incubation et les effets sur la santé des infections à entérovirus sont variés. La période d’incubation des entérovirus varie de deux à 35 jours, la médiane s’établissant de sept à 14 jours. Beaucoup d’infections à entérovirus sont asymptomatiques. Lorsque des symptômes sont présents, leur gravité peut toutefois varier de bénigne à mortelle. La virémie (c.-à-d. le passage du virus dans le sang) est fréquente, offrant un moyen de transporter les entérovirus jusqu’à différents organes cibles et provoquant un éventail de symptômes. Les symptômes bénins comprennent la fièvre, les malaises, l’irritation de la gorge, les vomissements, les éruptions et des maladies des voies respiratoires supérieures. La gastroentérite aiguë est peu courante. Les complications les plus graves comprennent la méningite, l’encéphalite, la poliomyélite, la myocardite et des maladies fébriles non spécifiques chez les nouveau-nés et les jeunes enfants (Rotbart, 1995; Roivainen et coll., 1998). Il y a d’autres complications comme la myalgie, le syndrome de Guillain-Barré, l’hépatite et la conjonctivite. Les entérovirus ont aussi été incriminés dans l’étiologie de maladies chroniques comme la myosite inflammatoire, la myocardiopathie dilatée, la sclérose latérale amyotrophique, le syndrome de la fatigue chronique et l’atrophie musculaire postpoliomyélite (Pallansch et Roos, 2007; Chia et Chia, 2008). Des études appuient aussi l’existence d’un lien entre l’infection à entérovirus et l’apparition du diabète insulinodépendant (Type 1), du diabète sucré (Nairn et coll., 1999; Lönnrot et coll., 2000; Latinen et coll., 2014; Oikarinen et coll., 2014). Même si de nombreuses infections à entérovirus sont asymptomatiques, on estime qu’environ 50 % des infections à coxsackievirus A et 80 % des infections à coxsakievirus B provoquent la maladie (Cherry, 1992). On a aussi signalé que le coxsackievirus B est l’entérovirus non poliomyélitique qui a été associé le plus souvent à des maladies graves (Mena et coll., 2003). On signale que les infections à entérovirus atteignent leur sommet au cours de l’été et au début de l’automne (Nwachuku et Gerba, 2006; Pallansch et Roos, 2007).
Les entérovirus sont endémiques dans le monde entier, mais on a signalé peu d’éclosions d’origine hydrique (Amvrosieva et coll., 2001; Mena et coll., 2003; Hauri et coll., 2005; Sinclair et coll., 2009). Le nombre élevé de sérotypes, la nature habituellement bénigne des infections et le fait qu’ils soient très transmissibles dans une collectivité par contact direct entre personnes, dissimulent probablement le rôle que l’eau joue dans la transmission (Lodder et coll., 2015).
4.5 Adénovirus
Les adénovirus sont membres de la famille des Adenoviridae et incluent les virus icosaédriques sans enveloppe d’un diamètre de 70 à 100 nm à ADN linéaire bicaténaire. Il existe actuellement sept espèces reconnues (A à G) d’adénovirus humains qui regroupent plus de 60 (séro)types (Robinson et coll., 2013). La plupart des isolats d’origine hydrique sont des types 40 et 41 (Mena et Gerba, 2009), mais on a isolé aussi d’autres sérotypes (Van Heerden et coll., 2005; Jiang, 2006; Hartmann et coll., 2013). La période d’incubation varie de 3 à 10 jours (Robinson et coll., 2007).
Les adénovirus peuvent causer tout un éventail de symptômes. Les sérotypes 40 et 41 causent la majorité des gastroentérites liées à des adénovirus. Les adénovirus sont une cause courante de gastroentérite virale aiguë chez les enfants (Nwachuku et Gerba, 2006). Les infections sont généralement limitées aux enfants de moins de cinq ans (FSA, 2000; Lennon et coll., 2007) et sont rares chez les adultes. L’infection cause une diarrhée et des vomissements qui peuvent durer une semaine (ASPC, 2010).
La charge virale des selles des personnes infectées est élevée (~106 particules/g de matières fécales) (Jiang, 2006). Cela contribue à la transmission par la voie oro-fécale, que ce soit par contact direct avec des objets contaminés ou par les eaux utilisées à des fins récréatives et, peut-être, par l’eau potable. On a déjà incriminé des adénovirus dans des éclosions liées à l’eau potable, mais ils n’étaient pas la cause principale des éclosions (Kukkula et coll., 1997; Divizia et coll., 2004). L’eau potable ne constitue pas la principale voie d’exposition aux adénovirus.
4.6 Astrovirus
Les astrovirus font partie de la famille des Astroviridae. Il y en a huit sérotypes (HAst1-8) et l’on continue d’en découvrir de nouveaux types (Finkbeiner et coll., 2009a,b; Kapoor et coll., 2009; Jiang et coll., 2013). Les astrovirus regroupent deux génogroupes (A et B) capables d’infecter des êtres humains (Carter, 2005). Les membres de cette famille comprennent des virus sans enveloppe de 28 à 30 nm de diamètre à ARN monocaténaire. L’infection à astrovirus provoque habituellement une diarrhée durant deux à trois jours et la période d’incubation initiale varie de un à cinq jours (Lee et coll., 2013). L’infection provoque généralement une diarrhée moins forte que celle que causent les rotavirus et ne cause pas de déshydratation importante. Les autres symptômes observés à la suite d’une infection à astrovirus comprennent les maux de tête, les malaises, les nausées, les vomissements et une fièvre légère (Percival et coll., 2004; Méndez et Arias, 2007). Les sérotypes 1 et 2 sont courants durant l’enfance (Palombo et Bishop, 1996). Il se peut que les autres sérotypes (4 et plus) surviennent à l’âge adulte seulement (Carter, 2005). Les éclosions d’astrovirus chez les adultes sont rares, mais possibles (Oishi et coll., 1994; Caul, 1996; Gray et coll., 1997). En général, les personnes en santé acquièrent une bonne immunité contre la maladie et la réinfection est donc rare. Les infections à astrovirus atteignent généralement leur point culminant au cours de l’hiver et du printemps (Gofti-Laroche et coll., 2003).
4.7 Virus émergents possibles dans l’eau potable
Les sapovirus ont été identifiés la première fois chez des jeunes enfants au cours d’une éclosion de gastroentérite à Sapporo, au Japon (Chiba et coll., 1979) et sont de plus en plus reconnus comme cause d’éclosions de gastroentérite dans le monde entier (Chiba et coll., 2000; Farkas et coll., 2004; Johansson et coll., 2005; Blanton et coll., 2006; Gallimore et coll., 2006 : Phan et coll., 2006; Pang et coll., 2009). Comme les norovirus, ils font partie de la famille des Caliciviridae (Atmar et Estes, 2001). On a détecté la présence de sapovirus dans des eaux environnementales et des eaux usées non traitées et traitées au Japon (Hansman et coll., 2007; Kitajima et coll., 2010a), en Espagne (Sano et coll., 2011) et au Canada (Qui et coll., 2015). On n’en a toutefois pas détecté dans l’eau potable (Sano et coll., 2011).
Les aichivirus font partie de la famille des Picornaviridae. Comme les sapovirus, on les a identifiés pour la première fois dans des échantillons de selles provenant de patients atteints de gastroentérite au Japon (Yamashita et coll., 1991). On en a détecté depuis la présence dans les selles de personnes de plusieurs pays, y compris la France, le Brésil et la Finlande (Reuter et coll., 2011). Même si l’on a détecté la présence d’aichivirus dans des eaux usées non traitées et traitées (Sdiri-Loulizi et coll., 2010), on sait très peu de choses de leur présence dans les sources d’eau.
Les polyomavirus sont membres de la famille des Polymaviridae qui inclut des espèces infectant les humains, y compris le polyomavirus BK et le polyomavirus JC. Même si l’on a détecté la présence de ces virus dans des eaux environnementales et des eaux usées (Vaidya et coll., 2002; Bofill-Mas et Girones, 2003; AWWA, 2006; Haramoto et coll., 2010), on n’en a pas encore documenté la transmission par l’eau. Le fait que le polyomavirus JC est aussi excrété dans l’urine appuie la possibilité de transmission par l’eau contaminée. On a associé les polyomavirus à des maladies chez des personnes dont le système immunitaire est compromis, par exemple, la gastroentérite, des maladies respiratoires et d’autres maladies plus graves, y compris le cancer (AWWA, 2006).
Il importe de signaler que l’on continue de détecter et de reconnaître de nouveaux virus entériques.
5.0 Sources et exposition
5.1 Sources
5.1.1 Sources de contamination
Les matières fécales humaines constituent la principale source des virus entériques humains présents dans l’eau. Les virus entériques sont excrétés en grande quantité dans les selles des personnes infectées (symptomatiques et asymptomatiques). Ils se diffusent facilement dans l’environnement par les matières fécales et sont transmissibles à d’autres personnes par la voie oro-fécale. Les personnes infectées peuvent excréter plus d’un billion (1012) de virus/g de matières fécales (Bosch et coll., 2008; Tu et coll., 2008). La présence de ces virus dans une population humaine est variable et reflète la conjoncture épidémique et endémique (Fields et coll., 1996). On a signalé que les concentrations de virus entériques atteignent leur maximum dans les échantillons d’eaux usées au cours de l’automne et de l’hiver, ce qui donne à penser que le taux endémique de la maladie est plus élevé pendant cette période de l’année ou que les virus entériques survivent mieux à des températures froides. La contamination de sources d’eau par des matières fécales peut emprunter diverses voies, y compris les effluents d’usines de traitement des eaux usées, l’élimination des eaux usées domestiques ou de boues sur la terre, les fuites d’égouts sanitaires, les effluents de fosses septiques et l’infiltration d’eaux de surface dans des aquifères souterrains (Vaughn et coll., 1983; Bitton, 1999; Hurst et coll., 2001; Powell et coll., 2003; Borchardt et coll., 2004; Bradbury et coll., 2013). Certains virus entériques (p. ex., VHA) peuvent aussi être excrétés dans l’urine (voir la Section 4.7).
On détecte couramment la présence de virus entériques d’origine humaine dans les eaux usées non traitées et traitées. Bradbury et coll. (2013) ont signalé des concentrations dans les eaux usées qui varient de 1,3 × 104 copies génomiques (CG)/L à 3,6 × 107 CG/L pour une concentration moyenne de 2,0 × 106 GC/L. Au cours d’une récente étude canadienne (Qiu et coll., 2015), les chercheurs ont analysé la présence de multiples virus entériques de source humaine dans tout le procédé de traitement des eaux usées : les concentrations moyennes dans les eaux usées non traitées ont varié de 46 à 70 copies d’équivalent génomique/L pour les entérovirus et les adénovirus respectivement. Même si les concentrations virales diminuent considérablement dans tout le procédé de traitement des eaux usées, on a quand même repéré des virus dans les rejets (Qui et coll., 2015). Ces constatations concordent avec celles d’autres chercheurs (Sedmak et coll., 2005; He et coll., 2011; Li et coll., 2011; Simmons et coll., 2011; Edge et coll., 2013; Hata et coll., 2013; Kitajima et coll., 2014; Kiulia et coll., 2015) et mettent en évidence le rôle que les rejets d’eaux usées peuvent jouer dans la contamination des eaux de surface.
Les virus entériques d’origine humaine peuvent aussi survivre au traitement dans les fosses septiques (Hain et O’Brien, 1979; Vaughn et coll., 1983). Scandura et Sobsey (1997) ont ensemencé des entérovirus dans quatre fosses septiques situées dans des sols sablonneux. On a détecté la présence de virus dans les eaux souterraines moins d’un jour après l’ensemencement et leur présence a persisté jusqu’à 59 jours (la plus longue période d’étude). Les concentrations ont varié de huit à 908 unités formant plage/L. Les auteurs ont signalé une réduction des virus pouvant atteindre 9 log dans des conditions optimales (non précisées) et une contamination importante causée par les eaux usées dans les systèmes à sable à gros grains et à nappe phréatique élevée. Borchardt et coll. (2011) ont mesuré la concentration de norovirus dans les déchets de fosse septique (79 600 CG/L) et dans l’eau du robinet (34 à 70 CG/L) au cours d’une enquête sur une éclosion survenue à un restaurant. La fosse septique et le puits du restaurant étaient tous deux conformes aux codes du bâtiment de l’État mais situés dans un environnement hydrogéologique très vulnérable (c.‑à‑d. aquifère de dolomite fracturé). Des essais au colorant ont confirmé que l’effluent de la fosse septique passait de la fosse (à cause d’un accessoire qui fuyait) et du champ d’infiltration au puits en six et 15 jours respectivement. Bremer et Harter (2012) ont procédé à une analyse probabiliste pour évaluer les effets de fosses septiques sur des puits privés. On a calculé que la probabilité que des puits étaient rechargés par des effluents de fosse septique variait de 0,6 % dans le cas des parcelles importantes (c.‑à‑d. 20 acres) à faible conductivité hydraulique à presque 100 % dans le cas des petites parcelles (c.‑à‑d. 0,5 acre) à conductivité hydraulique élevée. Dans le cas des terrains d’une acre, la probabilité a varié de 40 à 75 % pour des conductivités hydrauliques faibles à moyennes respectivement. Kozuskanich et coll. (2014) ont évalué la vulnérabilité d’un aquifère du substratum rocheux à la pollution produite par les fosses septiques dans un village de 500 personnes comptant sur les services locaux et ils ont constaté que la contamination des eaux souterraines par des eaux usées était omniprésente. Morrissey et coll. (2015) ont signalé que l’épaisseur du sol sous le champ d’infiltration de la fosse septique est un facteur critique qui joue sur la contamination des eaux souterraines. Plusieurs études d’occurrence ont révélé la présence de virus entériques dans toutes sortes d’approvisionnements en eau comptant sur les services locaux (c.‑à‑d. puits et fosses septiques privés et semi-publics) (Banks et coll., 2001; Banks et Battigelli, 2002; Lindsey et coll., 2002; Borchardt et coll., 2003; Francy et coll., 2004; Allen, 2013). Banks et coll. (2001) ont analysé 27 alimentations en eau semi-publiques dans un aquifère sablonneux semi-confiné et ont détecté la présence de virus dans trois puits (11 %). Banks et Battigelli (2002) ont signalé la présence de virus dans une source d’eau semi-publique sur 90 située dans un aquifère de roche cristalline confiné en utilisant des méthodes moléculaires. Aucun puits n’a produit de résultats positifs aux tests effectués au moyen de méthodes de culture cellulaire. Lindsey et coll. (2002) ont analysé 59 sources d’eau semi-publiques dans divers aquifères du substratum rocheux non confinés (54 puits) et aquifères de sable et gravier non confinés (5 puits) : ils ont détecté la présence de virus entériques dans cinq puits (8 %) en utilisant des méthodes de culture cellulaire. Borchardt et coll. (2003) ont analysé 50 puits privés dans sept districts hydrogéologiques, selon la saison, au cours d’une période d’un an. Ils ont détecté, au moyen de méthodes moléculaires, la présence de virus dans quatre puits (8 %) situés à proximité d’une fosse septique : un puits était situé dans un aquifère de sable et de gravier perméable, tandis que les trois autres se trouvaient dans un substratum rocheux fracturé recouvert d’un mort-terrain minime. Francy et coll. (2004) ont analysé, dans le sud-est du Michigan, 20 puits semi-publics à cinq ou six reprises au cours d’une période de deux ans situés dans des aquifères de sable et de gravier non confinés et confinés. Ils ont repéré la présence de virus entériques dans sept puits (35 %) en utilisant des méthodes moléculaires ou de culture cellulaire. L’étude a aussi inclus le prélèvement d’échantillons dans des secteurs urbains. Les auteurs ont noté que les échantillons contenaient des virus plus souvent aux sites desservis par des fosses septiques qu’aux endroits desservis par des égouts sanitaires.
Les fuites d’égouts sanitaires constituent aussi une importante source de virus entériques. On considère que les puits situés dans des secteurs sous lesquels passe un réseau souterrain d’égouts sanitaires sont exposés à un risque accru de contamination virale à cause des fuites des égouts sanitaires (Powell et coll., 2003). Borchardt et coll. (2004) ont analysé quatre puits municipaux dans un aquifère de sable et de gravier tous les mois de mars 2011 à février 2002 et déterminé que l’on détectait plus souvent la présence de virus entériques dans des puits situés dans des zones sous lesquelles passait un réseau d’égouts sanitaires que dans ceux qui sont situés dans un secteur sans égout sanitaire. Borchardt et coll. (2007) ont signalé des constatations semblables : deux puits municipaux sur trois tirant leur eau d’un aquifère du substratum rocheux confiné ont produit un résultat positif dans sept échantillons sur 20 analysés par des méthodes moléculaires. Les trois puits positifs pour le virus étaient situés dans une zone urbaine contenant de nombreuses conduites d’égouts proches tandis que le troisième puits était ouvert à des aquifères tant non confinés que confinés mais n’était pas situé à proximité d’une source de matières fécales humaines, ne contenait pas de virus tout au long de la période d’étude. Bradbury et coll. (2013) ont signalé un lien temporel entre les sérotypes de virus présents dans les eaux usées et ceux qui se trouvent dans un aquifère confiné, ce qui semble indiquer que le transport entre les égouts et les réseaux d’eaux souterraines est très rapide, soit de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Hunt et coll. (2014) ont attribué ce phénomène à des voies privilégiées comme les fractures dans la couche semi-perméable, des puits alimentés par de multiples aquifères et un coulis mal posé dans les puits.
Les animaux peuvent être une source de virus entériques, mais ceux qu’on détecte chez les animaux ne sont généralement pas pathogènes pour les êtres humains, à quelques exceptions près. Comme nous l’avons vu plus haut, le VHE en est une puisque ce virus peut avoir un réservoir non humain. Jusqu’à maintenant, le VHE a posé problème dans les pays en développement et, par conséquent, la plupart des renseignements sur la présence du VHE dans des sources d’eau proviennent d’études réalisées dans ces pays. Il y a peu d’information sur la présence du VHE dans l’eau et les eaux usées des pays industrialisés (Clemente-Casares et coll., 2003; Kasorndorkbua et coll., 2005). Gentry-Shields et coll. (2015) ont signalé récemment la présence de VHE dans un seul échantillon d’eau de surface prélevé à un endroit situé à proximité du champ pulvérisé d’une exploitation intensive d’engraissement d’animaux produisant surtout du porc en Caroline du Nord (2015), ce qui laisse entendre qu’il y a peut-être un lien entre ces activités et la propagation du VHE.
5.1.2 Présence dans l’eau
Comme on l’a signalé ci‑dessus, les virus entériques peuvent contaminer des sources d’eau en empruntant toutes sortes de voies. La section qui suit décrit en détail les études d’occurrence portant sur les eaux de surface et les eaux souterraines, ainsi que sur l’eau potable. Il importe de signaler que ces données sur l’occurrence proviennent en grande partie d’études ciblées, puisque l’on ne soumet pas l’eau de source et l’eau potable à des analyses de routine pour détecter la présence de virus entériques et qu’elles ne représentent peut-être pas la situation actuelle. Il importe aussi de tenir compte du fait qu’on a utilisé diverses méthodes de détection (c.‑à‑d. à base de culture, moléculaires) (voir la Section 6.0) et que l’on n’a pas toujours évalué l’infectiosité des virus détectés. Étant donné ces méthodes d’études qui varient, il n’est pas facile de comparer les données sur l’occurrence.
Plusieurs études ont signalé la présence de virus entériques dans les eaux de surface dans le monde entier, y compris au Canada (Sattar, 1978; Sekla et coll., 1980; Payment et coll., 1984, 2000; Raphael et coll., 1985a,b; Payment, 1989, 1991, 1993; Payment et Franco, 1993; Pina et coll., 1998, 2001; Sedmak et coll., 2005; Van Heerden et coll., 2005; EPCOR, 2010, 2011; Gibson et Schwab, 2011; Edge et coll., 2013; Corsi et coll., 2014; Pang et coll., 2014). Le Tableau B.2 de l’Annexe B présente une sélection d’études sur la présence de virus entériques dans des sources d’eau de surface au Canada et aux États-Unis. Les virus entériques semblent très prévalents dans les eaux de surface et leur présence révèle une importante variabilité spatiotemporelle. Cette variabilité indique en grande partie si la source de pollution est continue ou découle d’un apport soudain de contamination fécale (voir la Section 5.5). La prévalence des virus dans les eaux de surface dépend aussi de facteurs environnementaux comme l’ensoleillement, la température et la prédation (Lodder et coll., 2010) (voir la Section 5.2.1).
On a détecté la présence de virus entériques dans tout un éventail de sources d'eaux souterraines, en utilisant des techniques moléculaires ou de culture cellulaire, les taux de prévalence variant de moins de 1 % à 46 % (Abbaszadegan et coll., 1999, 2003; Banks et coll., 2001; Banks et Battigelli, 2002; Lindsey et coll., 2002; Borchardt et coll., 2003; Fout et coll., 2003; Francy et coll., 2004; Locas et coll., 2007, 2008; Hunt et coll., 2010; Gibson et Schwab, 2011; Borchardt et coll., 2012; Allen, 2013; Bradbury et coll., 2013; Pang et coll., 2014). Le Tableau B.3 de l'Annexe B présente une sélection d'études sur la présence de virus entériques dans des sources d'eaux souterraines du Canada et des États-Unis. On a détecté la présence de virus dans différents types d'aquifères, y compris des puits semi-publics dans un aquifère sablonneux semi-confiné (Banks et coll., 2001) et un aquifère de roche cristalline confiné (Banks et Battigelli, 2002), ainsi que dans des puits municipaux profonds (220 à 300 m) dans un aquifère de grès et de dolomite confiné (Borchardt et coll., 2007; Bradbury et coll., 2013). Bradbury et coll. (2013) ont signalé que les concentrations de virus dans les puits municipaux profonds étaient en général aussi élevées sinon plus élevées que les concentrations de virus dans l'eau de lac. En général, il est possible de caractériser la présence de virus dans les eaux souterraines comme transitoire, intermittente ou éphémère, parce qu'il arrive souvent que les puits ne contiennent pas de virus dans deux échantillons séquentiels prélevés et la fréquence de détection est faible selon le nombre d'échantillons (Borchardt et coll., 2003; Allen, 2013).
Des études ciblées réalisées aux États-Unis ont permis de détecter la présence de virus entériques dans l’eau potable, y compris des eaux souterraines désinfectées aux rayons UV (Borchardt et coll., 2012; Lambertini et coll., 2011). Le Tableau B.4 de l’Annexe B présente certaines de ces études. Borchardt et coll. (2012) ont fait état de la présence de virus entériques dans presque 25 % des 1 200 échantillons d’eau du robinet et plus analysés provenant de 14 communautés comptant sur des eaux souterraines non traitées. L’adénovirus était le plus prévalent (157/1 204) des virus détectés, même si l’on en a constaté la présence à des concentrations d’un ou deux ordres de grandeur de moins que celles du neurovirus et de l’entérovirus. L’entérovirus est celui qui présentait la concentration la plus élevée, qui atteignait en moyenne et au maximum 0,8 CG/L et 851 CG/L respectivement. Les auteurs ont pu montrer l’existence d’un lien entre la concentration moyenne de tous les virus et la présence de l’affection gastro-intestinale aiguë (GIA) dans la communauté (voir la Section 5.4.1). Au cours d’une étude d’accompagnement, Lambertini et coll. (2011) ont démontré que les virus entériques peuvent pénétrer dans des réseaux de distribution à la suite d’événements courants (p. ex., installation de tuyaux). On a dénombré la présence d’entérovirus, de neurovirus GI et GII, d’adénovirus, de rotavirus et de virus de l’hépatite A à la tête de puits après la désinfection aux UV (dose minimale = 50 mJ/cm2) et aux robinets domestiques. On a détecté la présence de virus dans 10,1 % des échantillons désinfectés aux UV (95e centile de la concentration de virus ≤ 1,1 CG/L). Par ailleurs, on a détecté la présence de virus dans 20,3 % des échantillons prélevés à des robinets domestiques (95e centile de concentration de virus ≤ 8,0 CG/L). Cette augmentation de la détection de la concentration entre la désinfection aux UV et les robinets domestiques a été attribuée au fait que les virus pénètrent directement dans le réseau de distribution (voir la Section 5.4.1). Des études antérieures réalisées au Canada n’ont pas permis de détecter la présence de virus entériques dans l’eau traitée (Payment et Franco, 1993; Payment et coll., 1984).
5.2 Survie
Comme on l’a signalé ci‑dessus, les virus ne peuvent se reproduire en dehors des tissus de leur hôte et ne peuvent donc se multiplier dans l’environnement. Ils peuvent toutefois survivre pour de longues périodes (c.-à-d. de 2 à 3 ans; Banks et coll., 2001; Cherry et coll., 2006) et être transportés sur de longues distances (tel qu’indiqué ci-dessous; Keswick et Gerba, 1980).
La survie des virus dépend du temps qu’il leur faut pour perdre leur capacité d’infecter des cellules hôtesses (c.‑à‑d., phénomène d’inactivation) et du taux auquel un virus se fixe en permanence aux particules de sol ou y sont absorbés (Gerba, 1984; Yates et coll., 1985, 1987, 1990; Yates et Yates, 1988; Bales et coll., 1989, 1991, 1997; Schijven et Hassanizadeh, 2000; John et Rose, 2005). Les deux processus sont propres au virus (Goyal et Gerba, 1979; Sobsey et coll., 1986) et généralement indépendants l’un de l’autre (Yates et coll., 1987; Schijven et Hassanizadeh, 2000; John et Rose, 2005). Même si l’on sait que les concentrations de virus diminuent dans l’environnement, les phénomènes d’inactivation et d’adsorption sont très complexes et ne sont pas bien compris (Schijven et Hassanizadeh, 2000; Azadpour-Keeley et coll., 2003; Gordon et Toze, 2003; Johnson et coll., 2011a; Hunt et coll., 2014; Bellou et coll., 2015). Un des grands défis à relever réside dans le fait que les virus sont des particules colloïdales qui peuvent se déplacer comme particules en suspension indépendante ou en se fixant à d’autres particules colloïdales non vivantes comme l’argile ou à des macromolécules organiques (Robertson et Edberg, 1997). Il y a une autre difficulté : les vitesses de dégradation ne sont pas toujours linéaires (Pang, 2009). On a observé que la vitesse de dégradation des virus les plus résistants ralentit avec le temps (Page et coll., 2010). Selon des rapports, l’adsorption constitue le processus dominant dans le cas des sources d’eaux souterraines (Gerba, 1984; Schijven et Hassanizadeh, 2000; Schijven et coll., 2006), mais elle joue aussi un rôle important dans la filtration sur berge des cours d’eau et des étendues d’eau (voir la Section 7.1.2) (Schijven et coll., 1998; Harvey et coll., 2015).
Dans beaucoup des études d’évaluation des vitesses d’inactivation ou des caractéristiques d’adsorption des virus, y compris celles dont il est question ci‑dessous, les chercheurs ont utilisé des substituts. Les substituts peuvent être un organisme, une particule ou une substance qu’on utilise pour étudier le sort d’un pathogène dans un environnement naturel (c.‑à‑d. phénomènes d’inactivation ou d’adsorption) ou dans un environnement de traitement (c.‑à‑d. filtration ou désinfection) (Sinclair et coll., 2012). On a suggéré d’utiliser des bactériophages ou des coliphages comme substituts des virus (Stetlar, 1984; Havelaar, 1987; Payment et Franco, 1993). Le bactériophage PRD1 et le coliphage MS2, par exemple, ressemblent au rotavirus et au poliovirusNote de bas de page 1 respectivement par la forme et la grosseur (Azadpour-Keeley et coll., 2003). Les deux survivent longtemps et ont une faible tendance à l’adsorption (Yates et coll., 1985). Par contre, LeClerc et coll. (2000) ont signalé de nombreuses lacunes que présente l’utilisation de bactériophages ou de coliphages comme substituts de virus. Comme l’inactivation et l’adsorption varient considérablement selon le type de virus, on reconnaît généralement qu’aucun virus ou substitut ne peut servir à lui seul à décrire les caractéristiques de tous les entérovirus. Les méthodes moléculaires ou de culture cellulaire (voir la Section 6.1.2) causent aussi de la confusion dans l’interprétation des résultats (de Roda Husman et coll., 2009). Une solution consiste à utiliser un éventail de microorganismes tirés d’eaux usées (Schijven et Hassanizadeh, 2000). Sinclair et coll. (2012) décrivent un processus de sélection de substituts représentatifs de systèmes naturels ou d’origine humaine.
5.2.1 Inactivation dans l’environnement
Les virus sont inactivés par des perturbations des protéines de leur enveloppe et la dégradation de leurs acides nucléiques. Des analyses critiques des facteurs qui jouent sur l’inactivation des virus indiquent que les facteurs les plus importants sont la température, l’adsorption à des particules et l’activité microbienne (Schijven et Hassanizadeh, 2000; Gordon et Toze, 2003; John et Rose, 2005).
L’inactivation des virus augmente en général à mesure que la température monte, mais cette tendance se produit principalement à des températures de plus de 20 °C (John et Rose, 2005). Le poliovirus incubé dans un milieu de conservation a été réduit de deux log après 1 022 jours à 4 °C par rapport à quatre log après 200 jours à 22 °C (de Roda Husman et coll., 2009). Des expériences menées en laboratoire ont démontré l’infectiosité à long terme de certains virus dans des eaux souterraines stockées dans l’obscurité : rotavirus, jusqu’à sept mois (période d’analyse la plus longue) et astrovirus humain, au moins 120 jours, gardés dans les deux cas à 15 °C (Espinosa et coll., 2008); poliovirus et coxsackievirus, au moins 350 jours à 4 °C (de Rosa Husman et coll., 2009); adénovirus, 364 jours à 12 °C (Charles et coll., 2009) et norovirus, au moins 61 jours à 12 °C (Seitz et coll., 2011). Il est possible de détecter des génomes de virus pendant des périodes beaucoup plus longues, soit : au moins 672 jours dans le cas de l’adénovirus gardé à 12 °C (Charles et coll., 2009) et au moins 1 266 jours dans celui du norovirus conservé à la température ambiante (Seitz et coll., 2011).
Gerba (1984) a signalé que les virus associés à des particules persistent en général plus longtemps. Cet effet dépend du type de virus et de la nature de la particule. Les particules d’argile sont particulièrement efficaces pour protéger les virus contre la décroissance naturelle (Carlson et coll., 1968; Sobsey et coll., 1986). On signale que certains types de matières organiques (c.‑à‑d. protéines) protègent mieux les virus contre l’inactivation (Gordon et Toze, 2003).
Herrmann et coll. (1974) ont signalé que les virus sont inactivés plus rapidement en présence de microflore indigène, en particulier de bactéries protéolytiques comme Pseudomonas aeruginosa. Les auteurs ont observé une réduction de cinq log de la concentration de coxsackievirus et de poliovirus dans un lac naturel après neuf et 21 jours respectivement. Par contre, on a observé une réduction de moins de deux log dans le cas des deux virus, pendant la même période, dans de l’eau de lac stérile. Gordon et Toze (2003) ont constaté que la présence de microflore indigène constituait la principale raison de l’inactivation du virus dans les eaux souterraines. On n’a observé aucune décroissance du poliovirus dans des eaux souterraines stériles à 15 ºC, tandis que l’on en a constaté une d’un log après cinq jours dans des eaux souterraines non stériles. Dans le cas du coxsackievirus, on a observé une réduction d’un log après 528 et 10,5 jours dans des eaux souterraines stériles et non stériles respectivement.
Les virus ont tendance à survivre plus longtemps dans les eaux souterraines parce que les températures y sont plus basses, qu’ils y sont protégés contre les rayons du soleil et que l’activité microbienne est moindre (Keswick et coll., 1982; John et Rose, 2005). Banks et coll. (2001) indiquent que la survie des virus dans les eaux souterraines est estimée de façon conservatrice à trois ans, tandis que Cherry et coll. (2006) indiquent qu’une estimation raisonnable s’établit à un à deux ans. Hunt et coll. (2014) affirment que la présence de génomes de virus dans les eaux souterraines démontre des temps de déplacement dans les aquifères de deux à trois ans entre la source de contamination fécale et le puits. On a observé que les concentrations de virus dans les eaux de surface varient selon les saisons, les concentrations les plus élevées se présentant à des températures plus basses. Schijven et coll (2013) laissent entendre que le phénomène peut être lié à la diminution de l’activité biologique attribuable à la température plus basse.
5.2.2 Adsorption et migration
De nombreuses recherches ont porté sur les mécanismes du phénomène d’adsorption (Carlson et coll., 1968; Bitton, 1975; Duboise et coll., 1976; Goyal et Gerba, 1979; Keswick et Gerba, 1980; Gerba et coll., 1981; Vaughn et coll., 1981; Gerba, 1984; Gerba et Bitton, 1984; Yates et coll., 1987; Yates et Yates, 1988; Bales et coll., 1989, 1991, 1995, 1997; Powelson et coll., 1991; Rossi et coll., 1994; Song et Elimelech, 1994; Loveland et coll., 1996, Pieper et coll., 1997; Sinton et coll., 1997; DeBorde et coll., 1998, 1999; Ryan et coll., 1999; Schijven et coll., 1999, 2002; Schijven et Hassanizadeh, 2000; Woessner et coll., 2001; Borchardt et coll., 2004; Pang et coll., 2005; Michen et Graule, 2010; Bradbury et coll., 2013; Harvey et coll., 2015). Le processus d’adsorption dans des environnements souterrains est contrôlé principalement par les interactions électrostatiques et hydrophobes (Bitton, 1975; Gerba, 1984). Les caractéristiques hydrologiques de l’aquifère, les caractéristiques de surface du virus en fonction de la chimie de l’eau et les propriétés physiques et chimiques des particules de sol individuelles (DeBorde et coll., 1999) sont tous des facteurs qui jouent un rôle dans la dynamique de l’adsorption.
Un pH bas et une force ionique élevée, conditions qui réduisent les forces de répulsion électrostatique entre le virus et la particule de sol, favorisent en général l’adsorption des virus (Bitton, 1975; Duboise et coll., 1976; Gerba, 1984). Les phases minérales à charge positive (p. ex., oxydes de fer, d’aluminium ou de manganèse) favorisent l’adsorption des virus parce que la plupart portent une charge négative dans les eaux naturelles (Bitton, 1975; Goyal et Gerba, 1979; Keswick et Gerba, 1980). Les particules d’argile offrent aussi des sites de liaison à forte charge positive qui augmentent considérablement la surface disponible pour l’adsorption du virus (Carlson et coll., 1968). Par contre, les sols argileux risquent de se contracter et de se fissurer, ce qui permet l’apparition de fractures qui favorisent le transport rapide des virus (Pang, 2009). On croit que la présence de matières organiques est à l’origine d’un grand nombre des incertitudes qui règnent au sujet du processus d’adsorption (Schijven et Hassanizadeh, 2000). La matière organique peut à la fois perturber les interactions hydrophobes et fournir des sites d’adsorption hydrophobes : tout dépend de la combinaison du sol et du type de virus (Gerba, 1984; Schijven et Hassanizadeh, 2000). Les substances humiques, par exemple, portent une charge négative comme les virus et leur font donc concurrence pour les mêmes sites d’adsorption (Powelson et coll., 1991; Pieper et coll., 1997).
Les conditions hydrauliques jouent aussi un rôle important dans l’adsorption des virus (Berger, 1994; Azadpour-Keeley et coll., 2003). L’eau souterraine doit s’écouler assez lentement pour permettre au virus d’entrer en contact avec la particule de sol et d’y adhérer. Sinon, le virus reste dans l’eau et est transporté vers l’aval. Plusieurs chercheurs ont signalé que les virus peuvent parcourir des distances importantes en peu de temps, en empruntant des voies privilégiées, à cause de l’exclusion liée aux dimensions des pores. Ce phénomène signifie que des particules, comme les virus, sont transportées plus rapidement que la vitesse moyenne des eaux souterraines parce qu’elles doivent traverser des pores de plus grandes dimensions où les vitesses sont plus élevées (Bales et coll. 1989; Sinton et coll., 1997; Berger, 1994; DeBorde et coll., 1999; Cherry et coll., 2006; Bradbury et coll., 2013; Hunt et coll., 2014). Les conditions de pompage des puits peuvent aussi créer d’importants gradients hydrauliques et des vitesses élevées dans les eaux souterraines. Bradbury et coll. (2013) ont signalé un transport de virus de l’ordre de quelques semaines à partir d’une source de contamination jusqu’à des puits municipaux dont la profondeur variait de 220 à 300 mètres. En utilisant un essai colorimétrique, Levison et Novakowski (2012) ont trouvé que dans les puits situés dans un substratum rocheux fracturé recouvert d’une couche minime de mort-terrain, la pénétration du soluté avait lieu en moins de 4 heures à des profondeurs variant entre 19 et 35 mètres. Cela démontre que le transport de soluté, et par conséquent, de virus, est seulement rapide dans un substratum rocheux fracturé recouvert d’une couche minime de mort-terrain.
En général, le processus d’adsorption n’inactive pas les virus et l’adsorption est réversible (Carlson et coll., 1968; Bitton, 1975). Comme les interactions entre les virus et le sol sont très sensibles à la charge superficielle, tout changement de la qualité de l’eau qui suffit pour causer une inversion de charge entraînera la désorption de virus qui peuvent être infectieux (Song et Elimelech, 1994; Pieper et coll., 1997). Les changements de la qualité de l’eau qui peuvent provoquer une désorption comprennent une augmentation du pH, une diminution de la force ionique et la présence de matières organiques en quantités suffisantes (Carlson et coll., 1968; Duboise et coll., 1976; Bales et coll., 1993; Loveland et coll., 1996). Par exemple, lorsqu’un effluent septique alcalin se mélange à des eaux souterraines, l’élévation du pH permet le transport rapide des virus, particulièrement lorsque le débit est sous-saturé (Scandura et Sobsey, 1997). L’apport de pluie après une tempête peut réduire la force ionique, entraîner la désorption de virus et leur transport d’amont en aval. Les virus infectieux résorbés peuvent ainsi continuer à contaminer les sources d’eau longtemps après la contamination initiale (Sobsey et coll., 1986; DeBorde et coll., 1999) (voir la Section 5.5). La matière organique réduit la capacité des milieux souterrains d’adsorber des pathogènes par fixation aux sites d’adsorption disponibles, ce qui bloque l’adsorption des pathogènes. (Pang, 2009).
Les documents publiés signalent une plage importante de distances de transport de virus (U.S. EPA, 2006d). On a signalé des distances de transport d’environ 400 m dans le cas d’aquifères de sable et de gravier tandis qu’on a observé la distance la plus éloignée (1 600 m) dans une formation karstique. Les puits d’approvisionnement en eau s’alimentant dans des aquifères karstiques et de substratum rocheux fracturés sont très vulnérables à la contamination parce que le débit des eaux souterraines et le transport des pathogènes peuvent être extrêmement être rapides, de l’ordre de quelques heures (Amundson et coll., 1988; Scandura et Sobsey, 1997; Powell et coll., 2003; Borchardt et coll., 2011; Levison et Novakowski, 2012; Kozuskanich et coll., 2014). Il ne faut pas gérer les ressources en eaux souterraines dans les formations karstiques et de substratum rocheux fracturés de la même façon que les aquifères de sable et de gravier (Crowe et coll., 2003).
5.3 Exposition
Les virus entériques sont transmis par la voie oro-fécale. Les vecteurs peuvent comprendre l’eau, les aliments (en particulier les crustacés et les salades), les aérosols, les vecteurs passifs (objets inanimés comme les poignées de porte qui, une fois contaminés par un virion infectieux, facilitent le transfert du pathogène à un hôte) et le contact de personne à personne. Les virus entériques peuvent aussi se propager par les aérosols. Le norovirus, par exemple, devient aérosolisé au cours de vomissements qui peuvent entraîner le rejet de jusqu’à 30 millions de virus au cours d’un seul épisode de vomissements (Caul, 1994; Marks et coll., 2000; Marks et coll., 2003; Lopman et coll., 2012; Tung-Thompson et coll., 2015). Une mauvaise hygiène est également un facteur qui contribue à la propagation des virus entériques. De plus, l’incidence élevée d’infections à rotavirus, surtout chez les jeunes enfants, porte certains chercheurs à croire que les rotavirus peuvent aussi se propager par la voie respiratoire (Kapikian et Chanock, 1996; Chin, 2000). Pour beaucoup des virus entériques susmentionnés, des éclosions sont survenues à la fois par transmission de personne à personne et par des sources communes, soit des aliments contaminés, des approvisionnements en eau potable contaminée ou des eaux employées à des fins récréatives.
5.4 Maladies d’origine hydrique
Comme on le signale à la Section 4.0, certains sérotypes ou génotypes de virus entériques sont associés le plus couramment à des maladies humaines. Dans le cas des norovirus, on associe les génogroupes GI, GII et GIV aux maladies humaines et les infections atteignent habituellement leur point culminant au cours de l’hiver. Le rotavirus du groupe A est endémique dans le monde entier et constitue le groupe le plus courant et le plus répandu. Le rotavirus du groupe B existe principalement en Chine. On a établi un lien entre celui du groupe C et des cas rares et sporadiques de diarrhée chez les enfants dans beaucoup de pays, y compris en Amérique du Nord (Jiang et coll., 1995). Dans le cas des entérovirus, on a incriminé plusieurs types infectieux pour les humains dans les maladies humaines. Les infections à entérovirus atteindraient leur point culminant au cours de l’été et au début de l’automne (Nwachuku et Gerba, 2006; Pallansch et Roos, 2007). Les sérotypes 40 et 41 causent la majorité des gastroentérites liées à des adénovirus. On associe les deux génogroupes A et B d’astrovirus aux maladies humaines (Carter, 2005) et les infections atteignent leur point culminant l’hiver et le printemps.
L’exposition aux virus entériques par l’eau peut produire à la fois un taux endémique de maladies dans la population et des éclosions de maladies d’origine hydrique.
5.4.1 Maladie endémique
Le fardeau de l’affection gastro-intestinale aiguë (GIA) endémique au Canada provenant de toutes les sources (c.‑à‑d. aliments, eau, animaux, de personne à personne) est estimé à 20,5 millions de cas par année (0,63 cas/année-personne) (Thomas et coll., 2013). On estime qu’environ 1,7 % (334 966) de ces cas, soit 0,015 cas/année-personne, sont associés à la consommation d’eau du robinet des réseaux municipaux qui desservent plus de 1 000 personnes au Canada (Murphy et coll., 2016a). Plus de 29 millions (84 %) de Canadiens comptent sur de tels réseaux, 73 % (environ 25 millions) comptant sur une source d’eau de surface, 1 % (0,4 million) sur une source d’eau souterraine soumise à l’influence directe des eaux de surface (ESSIDES) et les 10 % restants (3,3 millions), sur une source souterraine (Statistique Canada, 2013a,b). Murphy et coll. (2016a) ont calculé que les systèmes comptant sur des sources d’eau de surface traitée seulement au chlore ou au dioxyde de chlore, ou sur des sources ESSIDES non traitées ou traitées au minimum, ou sur des sources d’eau souterraine non traitée, causent la majeure partie du fardeau des affections GIA (0,047 cas/année-personne). Par contre, on a établi un lien entre quelque 0,007 cas/année-personne et des systèmes comptant sur des sources d’eau subissant peu d’effet et dotées de multiples barrières de traitement. Les auteurs ont aussi calculé que plus de 35 % des 334 966 cas d’affections GIA étaient attribuables au réseau de distribution.
On calcule que 103 230 (0,51 %) cas d’affections GIA par année, soit 0,003 cas/année-personne, sont attribuables à la présence d’agents pathogènes dans l’eau potable provenant de réseaux privés et de petits réseaux communautaires d’alimentation en eau au Canada (Murphy et coll., 2016b). Les puits privés sont à l’origine de plus de 75 % (78 073) de ces cas estimatifs, ce qui représente 0,027 cas/année-personne. Les systèmes d’eau de petites collectivités qui sont alimentés par des eaux souterraines ont causé 13 034 cas supplémentaires d’affections GIA par année, l’incidence la plus élevée, soit 0,027 cas/année-personne, se produisant dans des réseaux où l’eau n’est pas traitée. On a par contre attribué à des systèmes d’eau de petites collectivités alimentés par des sources d’eaux de surface 12 123 cas annuels estimatifs d’affections GIA, l’incidence la plus élevée, soit 0,098 cas/année-personne, étant signalée dans le cas des systèmes sans traitement. Les auteurs ont calculé que ces cas prédits d’affections GIA sont attribués en majorité au norovirus. Plus précisément, sur les 78 073 cas calculés d’affections GIA/année causés par la consommation d’eau potable provenant de puits privés non traités au Canada, on estime que le norovirus a causé plus de 70 % des cas symptomatiques (c.‑à‑d. 55 558). Tout comme dans le cas des puits privés, le norovirus a causé la grande majorité des cas calculés associés à la consommation d’eau potable provenant de systèmes d’eau de petites collectivités, ce qui représente 83 % (10 869) des cas calculés, ainsi que de systèmes d’eau de petites collectivités alimentés par des eaux de surface (9 003 cas, >74 %). Au total, ces estimations indiquent que les Canadiens desservis par des systèmes d’eau de petites collectivités alimentés en eaux de surface non traitées ou mal traitées risquent davantage d’être exposés à des agents pathogènes, en particulier au norovirus, et risquent donc davantage d’être victimes d’une affection GIA d’origine hydrique.
Des études ont révélé la présence de virus entériques dans toutes sortes de sources d’eaux souterraines (voir la Section 5.1.2), mais on sait toutefois peu de choses au sujet de la contribution de ces virus aux maladies d’origine hydrique dans la communauté. Borchardt et coll., (2012) ont estimé l’incidence d’affections GIA dans 14 communautés, desservant de 1 300 à 8 300 personnes, alimentées par des eaux souterraines non traitées. On a analysé des échantillons d’eau du robinet pour détecter la présence d’adénovirus, d’entérovirus et de norovirus (voir la Section 5.1.2) et les ménages ont consigné les symptômes d’affections GIA dans des journaux de santé. On a déclaré plus de 1 800 épisodes d’affections GIA et 394 057 jours-personne de suivi. L’incidence des affections GIA pour tous les âges s’est établie à 1,71 épisode/année-personne et elle a été la plus élevée chez les enfants de ≤ 5 ans (2,66 épisodes/année-personne). Borchardt et coll. (2012) ont déterminé qu’il y avait un lien entre trois mesures sommaires de contamination virale et l’incidence d’affections GIA, soit la concentration moyenne, la concentration maximale et le pourcentage d’échantillons positifs. Ces liens étaient particulièrement solides dans le cas du norovirus et l’on n’a pas établi de lien entre l’exposition à l’adénovirus et une affection GIA. Afin d’essayer de caractériser encore davantage le lien entre la présence de virus et les affections entériques, les auteurs ont calculé la fraction d’affections GIA attribuables aux virus présents dans l’eau du robinet des communautés en se basant sur l’évaluation quantitative du risque microbien (ÉQRM) (voir la Section 8.0). Ils ont déterminé que de 6 à 22 % des cas d’affections GIA dans ces communautés étaient attribuables aux virus entériques (Borchardt et coll., 2012).
Lambertini et coll. (2011, 2012) ont calculé le risque d’affections GIA causées par la contamination virale du réseau de distribution dans les 14 réseaux municipaux d’approvisionnement en eaux souterraines étudiés par Borchardt et coll. (2012). Au cours de leur étude, les chercheurs ont mis en œuvre la désinfection par rayons UV (sans résidu de chlore). Les virus entériques ont été dénombrés à la tête de puits, après la désinfection par UV (dose minimale = 50 mJ/cm2) et aux robinets domestiques. Les auteurs ont observé une augmentation de la détection et de la concentration des virus entre la désinfection par UV et le robinet domestique et ils ont attribué cette constatation aux virus pénétrant dans le réseau de distribution. Ils ont calculé le risque d’affections GIA à cause de la contamination du réseau de distribution et ils ont déterminé qu’il variait de 0,0180 à 0,0611 épisode/année-personne.
5.4.2 Éclosions
Des éclosions d’origine hydrique causées par les virus entériques ont été signalées au Canada et dans le monde entier (Hafliger et coll. 2000; Boccia et coll. 2002; Parshionikar et coll. 2003; Hoebe et coll. 2004; Nygard et coll. 2004; Kim et coll. 2005; Yoder et coll. 2008; Larsson et coll. 2014). Certaines de ces éclosions sont décrites en détail au Tableau B.5 de l’Annexe B. On ne connaît pas la prévalence réelle des éclosions, principalement à cause de la sous-déclaration et du sous-diagnostic. Des systèmes intégrés de surveillance des éclosions et d’intervention sont essentiels à la compréhension de ces éclosions.
Le norovirus est un des virus entériques les plus souvent signalés en Amérique du Nord et dans le monde entier. L’infection à norovirus liée à une éclosion est devenue une maladie à déclaration obligatoire au Canada en 2007 (ASPC, 2015a). Il n’y a toutefois pas de renseignements sur les sources et c’est pourquoi on ne sait pas trop combien de cas déclarés sont attribuables à l’eau.
Au Canada, entre 1974 et 2001, on a signalé 24 éclosions et 1 382 cas confirmés de maladies d’origine hydrique causées par des virus entériques (Schuster et coll., 2005). Dix de ces éclosions ont été attribuées au VHA, 12 à des norovirus et deux à des rotavirus (O’Neil et coll., 1985; Santé et Bien-être social Canada, 1990; Santé Canada, 1994, 1996; INSPQ, 1994, 1998, 2001; Boettger, 1995; Beller et coll., 1997; De Serres et coll., 1999; Todd, 1974-2001; BC Provincial Health Officer, 2001). Il y a aussi eu 138 éclosions d’étiologie inconnue, dont une partie pourrait être attribuable à des virus entériques, ainsi qu’une seule éclosion mettant en cause de multiples pathogènes viraux. Sur les dix éclosions attribuées au VHA d’origine hydrique, quatre ont été causées par la contamination de sources publiques d’approvisionnement en eau potable, deux par la contamination de sources d’approvisionnement semi-publiquesNote de bas de page 2 et les quatre autres, par la contamination d’approvisionnements en eau privés. Seulement quatre des 12 éclosions d’origine hydrique déclarées attribuables à des infections à norovirus au Canada sont survenues dans des approvisionnements en eau publics et les autres ont été attribuées à des approvisionnements semi-publics. Les deux éclosions à rotavirus ont découlé de la contamination d’approvisionnements en eau potable semi-publics. La contamination des sources d’eau par les eaux usées et le traitement inadéquat (p. ex., eaux de surface non filtrées ou mal filtrées, utilisation exclusive du chlore) constitue un des principaux facteurs qui expliquent ces éclosions (Schuster et coll., 2005). Des événements météorologiques ont eu tendance à exacerber ces problèmes. Aucune éclosion virale d’origine hydrique n’a été déclarée au Canada depuis 2001.
Aux États-Unis, entre 1991 et 2002, on a signalé 15 éclosions et 3 487 cas confirmés de maladies virales d’origine hydrique, dont 12 éclosions et 3 361 cas ont été attribués à des norovirus, une éclosion et 70 cas, à un « petit virus rond », et deux éclosions et 56 cas, au VHA (Craun et coll., 2006). Pendant cette période, on a déclaré aussi 77 éclosions représentant 16 036 cas d’étiologie inconnue. Des virus entériques ont probablement causé un pourcentage important de ces éclosions (Craun et coll., 2006). Entre 2003 et 2012, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont déclaré 138 éclosions de maladies infectieuses liées à la consommation d’eau potable (Blackburn et coll., 2004; Liang et coll., 2006; Yoder et coll., 2008; Brunkard et coll., 2011; CDC, 2013b, 2015d) qui ont causé 8 142 cas de maladie. Les virus entériques ont été incriminés comme la seule cause dans 13 (9,4 %) de ces éclosions, causant 743 cas de maladie. Le norovirus a causé 10 éclosions (sur 13) tandis que le VHA a été incriminé dans les autres. On a aussi incriminé le norovirus dans trois éclosions mixtes (c.‑à‑d. éclosions comportant de multiples causes). On a établi un lien entre ces éclosions et 1 818 cas de maladie. Les éclosions virales ont été attribuées en grande majorité à la consommation d’eaux souterraines non traitées ou mal traitées, comme l’ont signalé d’autres chercheurs (Hynds et coll., 2014a,b; Wallender et coll., 2014).
Les éclosions d’origine hydrique attribuables à des norovirus sont courantes dans le monde entier (Brugha et coll., 1999; Brown et coll., 2001; Boccia et coll., 2002; Anderson et coll., 2003; Carrique-Mas et coll., 2003; Maunula et coll., 2005; Hewitt et coll., 2007; Gunnarsdóttir et coll., 2013; Giammanco et coll., 2014). Il se produit aussi des éclosions de VHA partout dans le monde (De Serres et coll., 1999; Hellmer et coll., 2014). On signale aussi fréquemment des liens entre des sources d’eaux souterraines et des éclosions de norovirus et de VHA (Häfliger et coll., 2000; Maurer et Stürchler, 2000; Parchionikar et coll., 2003). De grandes épidémies de VHE d’origine hydrique sont survenues dans des pays en développement (Guthmann et coll., 2006), mais aucune n’a été signalée au Canada ni aux États-Unis (Purcell, 1996; Chin, 2000). Des astrovirus et des adénovirus ont aussi été incriminés dans des éclosions causées par l’eau potable même s’ils n’en étaient pas la cause principale (Kukkula et coll., 1997; Divizia et coll., 2004).
5.5 Effet des conditions environnementales
La concentration de virus dans une source d’eau dépend d’un grand nombre de conditions et de phénomènes environnementaux dont beaucoup ne sont pas bien définis ou ne sont pas transférables entre bassins hydrographiques. Les conditions environnementales qui peuvent faire varier la qualité de l’eau comprennent les précipitations, la fonte des neiges, la sécheresse, les incidents en amont (dans le cas des eaux de surface), l’agriculture et la faune (Dechesne et Soyeux, 2007).
Plusieurs études ont signalé l’occurrence d’éclosions de maladies d’origine hydrique après des précipitations extrêmes. Curriero et coll. (2001) ont évalué le lien entre les précipitations et les maladies d’origine hydrique aux États-Unis et ils ont constaté que les éclosions étaient précédées de précipitations dépassant le 90e centile. Les éclosions attribuables à la contamination des eaux de surface étaient les plus significatives en cas de précipitations extrêmes survenant au cours du mois de l’éclosion, tandis que les éclosions attribuables aux eaux souterraines montraient que les précipitations extrêmes étaient les plus significatives deux mois avant l’éclosion. Au Canada, Thomas et coll. (2006) ont déclaré que les précipitations dépassant le 93e centile augmentaient le risque d’éclosion d’un facteur de 2,3. Une étude réalisée en Angleterre a conclu que le risque d’éclosion était lié à deux situations : de faibles précipitations au cours des trois semaines précédentes et des précipitations excessives au cours de la semaine précédant l’éclosion (Nichols et coll., 2009).
Drayna et coll. (2010) ont signalé un lien important entre les précipitations et les visites à l’urgence pédiatrique dans une communauté desservie par des eaux de surface traitées : le nombre de visites augmentait de 11 % quatre jours après une pluie. Uejio et coll. (2014) ont constaté qu’il y avait un lien entre une précipitation extrême et une augmentation des cas d’affection GIA chez les enfants buvant de l’eau souterraine municipale non traitée. Le risque relatif d’avoir une affection GIA augmentait pour passer en moyenne de 1 à 1,4 au cours des semaines pendant lesquelles les précipitations atteignaient 3,3 cm comparativement aux semaines sans précipitation. Au cours des semaines où les précipitations ont dépassé 9 cm, le risque relatif passait à 2,4. On n’a constaté aucun lien dans le cas des eaux municipales traitées ou des collectivités desservies par des puits privés. Les auteurs ont posé en hypothèse que la zone de capture des puits domestiques non traités comportait plusieurs fosses septiques desservant une population peu nombreuse, tandis que la zone de capture des puits municipaux non traités subissait l’effet de fuites provenant d’égouts sanitaires contenant des matières fécales d’une population importante, ce qui accroîtrait la probabilité d’une contamination virale.
On a établi un lien entre les précipitations et la détection des virus dans les eaux de surface (Fong et Lipp, 2005; Fong et coll., 2005; Rijal et coll., 2009; Edge et coll., 2013; Corsi et coll., 2014; Hata et coll., 2014), une diminution des concentrations (Dorner et coll., 2007) ou l’absence de changement (Choi et Jiang, 2005; Sidhu et coll., 2012). Les causes de l’incohérence de ces constatations ne sont pas claires. Des études ont signalé que les retombées sont propres aux sites et liées à divers facteurs, dont l’hydromorphologie et les sources de contamination fécale (Westrell et coll., 2006a; Dechesne et Soyeux, 2007; Corsi et coll., 2014). Corsi et coll. (2014) ont aussi posé en hypothèse que ces différences sont attribuables à la façon dont les auteurs de diverses études ont défini des variables prédictrices des précipitations.
On reconnaît de plus en plus que des virus entériques peuvent contaminer les eaux souterraines (Schijven et coll., 2010). On a détecté des virus entériques dans divers types d’aquifères : aquifères de sable semi-confinés (Banks et coll., 2001); aquifères de roche cristalline confinés (Banks et Battigelli, 2002); aquifères du substratum rocheux non confinés (Lindsey et coll., 2002; Borchardt et coll., 2003; Allen, 2013); aquifères de sable et gravier perméables (Lindsey et coll., 2002; Borchardt et coll., 2003); aquifères du substratum rocheux fracturé confinés (Powell et coll., 2003; Borchardt et coll., 2007; Bradbury et coll., 2013); aquifères de sable et de gravier alluvionnaires (Borchardt et coll., 2004); aquifères de sable et de gravier confinés (Francy et coll., 2004); et aquifères karstiques (Johnson et coll., 2011b). La capacité d’une unité géologique subjacente de faible perméabilité (c.‑à‑d. couche semi-perméable) de protéger les puits d’approvisionnement en eau contre la contamination virale dépend de l’intégrité de la couche semi-perméable. Les voies préférées comme les fractures, les trous de racines ou d’autres ruptures, compromettent l’intégrité de beaucoup de couches semi-perméables. Il est possible de détecter la présence de virus dans des aquifères confinés parce que la taille extrêmement petite des virus entériques (<100 nm) comparativement à la taille probable des fractures de la couche semi-perméable (5 à 50 µm) limite la capacité d’une couche semi-perméable de jouer le rôle de barrière qui bloque le transport des virus (Cherry et coll., 2006). Bradbury et coll. (2013) ont démontré la vulnérabilité d’un aquifère de grès confiné aux conditions environnementales, car ils ont constaté qu’il y avait un lien entre la détection de virus et les précipitations et la fonte des neiges. Gleeson et coll. (2009) ont aussi signalé le rechargement extrêmement rapide et localisé d’un aquifère du substratum rocheux fracturé recouvert d’une mince couche de mort-terrain à cause de la fonte des neiges.
Il y a de nombreux facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si les eaux souterraines risquent d’être contaminées par des virus (Banks et coll., 2001; Cherry et coll., 2006; Schijven et coll., 2010; Hynds et coll., 2012). Le Tableau 1 en résume une partie (sans ordre en particulier). Cherry et coll. (2006) ont signalé que le scénario de la pire éventualité au sujet du risque possible est celui d’un puits situé à proximité d’une source de matières fécales, proximité conjuguée à des taux de charge élevés, à une nappe phréatique peu profonde dans un sol sablonneux, à des eaux souterraines dont le pH est neutre ou alcalin et à une forte concentration de matières organiques dissoutes, à des précipitations importantes dont la force ionique est faible et à la fraîcheur des eaux souterraines. Dans le cas des aquifères confinés, il est difficile de prédire si une couche semi-perméable protège contre la contamination virale. Les auteurs ont recommandé de procéder à des études hydrogéologiques et techniques dans le contexte de la mise en valeur de sources d’eaux souterraines afin de réunir suffisamment d’information pour établir et caractériser les voies préférées à grande vitesse qui traversent la couche semi-perméable. Des outils d’échantillonnage et de contrôle sont disponibles, mais ce travail est toutefois difficile et coûteux (Bardbury et coll., 2006). Borchardt et coll. (2007) ont conclu qu’en l’absence de modèles robustes de transport microbien, il est préférable de supposer que l’eau souterraine tirée d’un aquifère confiné est aussi vulnérable à la contamination microbienne que celle d’un aquifère non confiné. Hynds et coll. (2012) ont conclu qu’à cause de l’importance des voies de contamination localisée, les évaluations hydrogéologiques ne suffisent pas à elles seules pour évaluer le risque de contamination, particulièrement dans le cas des puits mal conçus, construits ou entretenus. Les évaluations complètes de systèmes demeurent importantes pour comprendre les facteurs qui contribuent à la contamination de l’eau par tous les entéropathogènes – bactéries et protozoaires aussi bien que virus.
Facteur (sans ordre particulier) | Commentaire |
---|---|
Emplacement de la source de matières fécales | Pour qu’un puits devienne contaminé par des virus entériques, il doit y avoir une source de matières fécales. Les sources de contamination par matières fécales comprennent notamment les égouts sanitaires qui fuient, les effluents de fosses septiques, les décharges, les boues ou boues d’épuration épandues sur le terrain, les bassins de retenue des effluents, les sites d’irrigation d’eaux usées, les puits d’injection, les sites de recharge d’eau remis en état, les infiltrations des eaux de surface. Plus la source est proche, plus le risque est élevé. |
Profondeur de la nappe phréatique | Les virus rejetés par une source de contamination fécale directement dans la zone saturée ou à une profondeur où la nappe phréatique monte en saison seront les moins atténués. Les sources souterraines de contamination fécale, comme les égouts sanitaires ou les fosses septiques qui fuient, produisent souvent des rejets très près de la nappe phréatique. |
pH des eaux souterraines | Les virus sont en général moins atténués dans l’eau dont le pH est neutre ou alcalin que dans l’eau acide. |
Matériaux constituant l’aquifère | Les virus sont en général moins atténués dans des matières à grains plus grossiers (continuum de la grosseur = gravier > sable > limon > glaise) même si les phases minérales positives comme les oxydes de fer, d’aluminium et de manganèse, ou les argiles, peuvent adsorber les virus électrostatiquement. Dans le cas des aquifères confinés, il importe d’évaluer l’intégrité de la couche semi-perméable (c.‑à‑d. profondeur maximale des fractures ouvertes et épaisseur), de déterminer les voies préférentielles qui traversent la couche semi-perméable et de les caractériser (c.‑à‑d., locales, étendues avec fenêtre, étendues avec fracture ou sans fracture). On considère que les puits d’approvisionnement en eau dans des aquifères karstiques et du substratum rocheux fracturés sont très vulnérables à la contamination. Il ne faudrait pas gérer les ressources en eaux souterraines dans le karst ou le substratum rocheux fracturé de la même façon que les aquifères de sable et de gravier. |
Force ionique et précipitation | Les précipitations peuvent favoriser le transport des virus à cause de sa faible force ionique. |
Matières organiques dissoutes | Les sources de contamination fécales comportant de fortes concentrations de matières organiques dissoutes (c.‑à‑d. effluents de fosse septique, égouts sanitaires qui fuient) offrent un plus grand potentiel de transport des virus que les sources de contamination fécale comportant de plus faibles concentrations de matières organiques dissoutes. |
Survie des virus | La température et le temps sont d’importants facteurs déterminants de la survie des virus. Les virus survivent beaucoup plus longtemps aux températures fraîches des eaux souterraines. Si la durée du trajet dans les eaux souterraines dépasse celle de la survie des virus, il est peu probable que ceux‑ci soient infectieux lorsqu’ils parviennent au puits. Il est raisonnable de supposer que l’eau dont le temps de déplacement s’établit à deux à trois ans ou moins est susceptible de transporter des virus infectieux. La durée du trajet est toutefois difficile à calculer avec précision, particulièrement dans les formations du substratum rocheux fracturé ou les formations karstiques. |
Taux de pompage | Les puits à grande capacité peuvent produire d’importants gradients hydrauliques et des vélocités des eaux souterraines locales qui attirent la contamination ou empêchent les virus de se fixer aux matériaux qui constituent l’aquifère. |
Épaisseur du mort-terrain | Les virus sont moins susceptibles d’être atténués là où la couche de mort-terrain est mince ou peu profonde. Une augmentation de la distance verticale entre une source de contamination fécale et un puits (c.‑à‑d. l’épaisseur du mort-terrain) atténue le risque possible. |
Conception et construction des puits | Il faut tenir compte des facteurs suivants, notamment : profondeur du puits, âge du puits, prévention de la pénétration (p. ex., dégagement adéquat de l’élévation du terrain, bouchon/couvercle approprié, aucune fissure dans le tubage, injection de coulis dans l’espace annulaire, condition du sol dans un rayon de 10 m de la tête du puits), puits en contact avec de multiples aquifères. |
5.6 Liens avec les organismes indicateurs
Aux fins du présent document, le terme indicateur s’entend d’un microorganisme dont la présence dans l’eau indique la présence probable de pathogènes. Un substitut s’entend d’un organisme, d’une particule ou d’une substance qu’on utilise pour étudier le sort d’un pathogène dans un environnement naturel (p. ex., processus d’adsorption) ou de traitement (p. ex., désinfection de l’eau potable).
E. coli et les coliformes totaux sont les organismes indicateurs qui, selon l’approche à barrières multiples de la source au robinet, font régulièrement l’objet au Canada d’une surveillance visant à vérifier la qualité de l’eau potable. La présence d’E. coli dans l’eau indique que celle-ci est contaminée par des matières fécales et qu’elle représente donc un risque élevé pour la santé, que l’on y observe ou non la présence d’organismes pathogènes particuliers, comme les protozoaires entériques. L’absence d’E. coli n’indique toutefois pas nécessairement qu’il n’y a pas de virus entériques. Les coliformes totaux ne sont pas propres aux matières fécales et ne peuvent donc pas servir à révéler une contamination fécale (ni la présence possible d’entéropathogènes). On utilise plutôt les coliformes totaux pour révéler des problèmes généraux liés à la qualité de l’eau. Les documents techniques des recommandations les concernant (Santé Canada, 2012a,b) renferment plus de renseignements sur le rôle d’E. coli et des coliformes totaux dans la gestion de la qualité de l’eau.
Le contrôle régulier des virus entériques n’est pas possible actuellement pour de nombreuses raisons (voir la Section 6.1). On contrôle plutôt régulièrement des organismes indicateurs pour révéler la contamination par des matières fécales et la présence possible de virus entériques. Les indicateurs couramment utilisés comprennent des bactéries, comme E. coli, des entérocoques et des spores de Clostridium perfringens. Les virus de bactérie, appelés bactériophages, sont aussi des indicateurs d’usage courant. On a étudié d’autres indicateurs qui sont abordés ci‑dessous.
5.6.1 Sources d’eau de surface
Plusieurs études ont porté sur le lien entre les microorganismes indicateurs et la présence ou l’absence de virus entériques de source humaine dans des sources d’eau de surface et ont présenté des résultats contradictoires. Dans certains cas, on a établi un lien entre la présence d’E. coli ou de C. perfringens et celle de virus entériques dans des eaux de surface polluées par des matières fécales humaines (Payment et Franco, 1993; Payment et coll., 2000; Ashbolt et coll., 2001; Hörman et coll., 2004), tandis que dans d’autres, on n’a observé aucun lien entre l’un ou l’autre des indicateurs et les virus entériques (Griffin et coll., 1999; Jiang et coll.,2001; Dorner et coll., 2007; Edge et coll., 2013). Le même phénomène vaut dans le cas des bactériophages. Des études ont signalé un lien entre les bactériophages et la présence de virus entériques dans les eaux de surface (Skraber et coll., 2004; Ballester et coll., 2005; Haramoto et coll., 2005a), tandis que d’autres ne l’ont pas fait (Hot et coll., 2003; Hörman et coll., 2004; Choi et Jiang, 2005). Des chercheurs ont aussi observé à la fois un lien (Haramoto et coll., 2005) et une absence de lien avec des bactéries coliformes. (Skraber et coll., 2004; Ballester et coll., 2005; Choi et Jiang, 2005). On a aussi signalé, dans le cas des entérocoques, des constatations résumées par Lin et Ganesh (2013).
Wu et coll. (2011) qu’ils ont étudié les données publiées pendant 40 ans sur les liens entre les indicateurs et les pathogènes et ont conclu que sauf dans le cas des coliphages F‑spécifiques et des adénovirus, aucune autre paire d’indicateurs pathogènes n’a démontré de lien statistiquement significatif. Cette absence générale de lien est attribuable à tout un éventail de facteurs, notamment aux taux de survie différentiels dans l’environnement, au point d’échantillonnage et aux différences méthodologiques de l’analyse de l’eau (Payment et Pintar, 2006). Les caractéristiques des bassins hydrographiques, notamment les sources et les degrés de contamination fécale, ainsi que des facteurs géochimiques, peuvent aussi jouer sur le lien entre les indicateurs fécaux et les virus, ce qui explique les différences propres à chaque site (Wilkes et coll., 2009; Payment et Locas, 2011). Ces observations ont soulevé des questions importantes au sujet du bien-fondé d’utiliser des indicateurs traditionnels comme prédicteurs de la contamination des eaux de surface par les virus et ont souligné qu’il faillait exercer une surveillance régulière des virus dans les eaux de surface afin de mieux comprendre le risque pour la santé publique.
5.6.2 Sources d’eau souterraine
Des études ciblées ont porté sur la présence de virus entériques dans des eaux souterraines (voir la Section 5.1.2). Dans le contexte de la surveillance des virus, certaines de ces études ont porté aussi sur la présence de divers microorganismes indicateurs fécaux. Une étude portant sur des puits privés aux États-Unis a révélé que 8 % des puits analysés par réaction en chaîne de la polymérase (PCR) étaient positifs pour un virus entérique ou plus, mais aucun des puits contaminés ne contenait d’indicateurs de contamination fécale (c.‑à‑d., E. coli, entérocoques, coliphages) et 25 % seulement des puits touchés par les virus étaient positifs sur le plan des coliformes totaux (Borchardt et coll., 2003). Plusieurs autres études réalisées aux États-Unis n’ont signalé aucun lien entre la détection d’un organisme indicateur et celle de virus entériques dans un échantillon d’eaux souterraines (Abbaszadegan et coll., 1998, 2003; Borchardt et coll., 2004). Abbaszadegan et coll., (2003), par exemple, ont signalé la présence de virus entériques dans environ 15 % des échantillons d’eau, mais ils n’ont détecté aucun indicateur. On a établi plus souvent un lien entre les indicateurs non fécaux (c.‑à‑d. coliformes totaux et endospores aérobies) et des échantillons contenant des virus qu’avec E. coli et les entérocoques (Abbaszadegan et coll., 2003). Au cours d’une enquête portant sur une importante éclosion d’affections gastro-intestinales attribuables aux eaux souterraines sur l’île South Bass, en Ohio, on n’a observé aucun lien entre virus et indicateur, mais on a détecté des entérocoques et E. coli à des fréquences et en quantités presque identiques (Fong et coll., 2007; O’Reilly et coll., 2007). Borchardt et coll. (2007) ont signalé la présence de virus entériques dans un aquifère confiné au Wisconsin (É.‑U.), mais on n’a pas détecté de bactéries de coliformes fécaux dans les échantillons d’eau positifs pour le virus.
Une méta-analyse a démontré que les bactériophages (coliphages somatiques et à ARN‑F) étaient de mauvais indicateurs de la présence ou de l’absence de virus, qu’ils étaient peu nombreux et moins souvent présents que les indicateurs bactériens (Payment et Locas, 2011), ce qui donne à penser que les coliphages sous-estiment la présence de virus entériques. Une méta-analyse plus récente (Hynds et coll., 2014b) a appuyé cette constatation et n’a démontré aussi aucun lien entre les virus entériques et E. coli ou bien les coliformes totaux, mais de faibles liens entre les virus entériques et d’autres indicateurs (p. ex., entérocoques).
Comme il n’y a pas de lien constant entre les indicateurs et les virus entériques dans les eaux souterraines et comme on a détecté la présence de virus entériques dans toutes sortes de sources d’eaux souterraines, y compris des aquifères confinés, il importe d’évaluer les systèmes pour déterminer la vulnérabilité de tous les aquifères à la contamination virale.
5.6.3 Eau potable
En général, la surveillance d’organismes indicateurs dans l’eau potable traitée doit servir à vérifier l’efficacité du traitement. Comme on l’a dit ci‑dessus, il n’y a pas (toujours) de lien entre les organismes indicateurs d’usage courant (p. ex., E. coli, coliformes totaux, entérocoques) et la présence de virus entériques dans les sources d’eau. La même affirmation vaut pour l’eau potable. Il est difficile d’utiliser ces indicateurs bactériens pour prédire la présence ou l’absence de virus entériques dans l’eau potable traitée puisqu’ils ont des taux d’élimination différents par des procédés mécaniques et résistent moins aux désinfectants que les virus entériques (Havelaar et coll., 1985; Payment et coll., 1985; Hijnen et Medema, 2010; Santé Canada, 2012a). En dépit de ces limites, il est possible d’utiliser les indicateurs bactériens de concert avec des données sur l’efficacité du traitement (Section 7.0) pour fournir de l’information sur le caractère adéquat du traitement de l’eau potable. La présence d’E. coli dans l’eau sortant de l’usine de traitement signifie en particulier que le traitement est inadéquat et que des pathogènes, y compris des virus entériques, risquent davantage d’être présents dans l’eau potable traitée.
5.6.4 Autres indicateurs
Comme on l’a décrit en détail ci‑dessus, il n’y a pas d’indicateur constamment fiable de la présence de virus dans des sources d’eau ou dans l’eau potable. C’est pourquoi on a proposé la détection directe de virus en particulier comme indicateur de la présence possible de virus entériques dans l’eau. L’adénovirus, le polyvirus de marbrure commun du poivre (PMMV) et le virus Torque Teno (TTV) sont au nombre des virus dont on a évalué la capacité prédictive. Pour une analyse d’autres virus, consulter Lin et Ganesh (2013).
Étant donné leurs concentrations élevées et constantes et leur grande résistance à la désinfection par rayons UV (voir la Section 7.1.3.2), on a proposé d’utiliser les adénovirus comme indicateur possible (Albinana-Gimenez et coll., 2009). Leur faible concentration dans les sources d’eau et leur détection difficile limitent toutefois leur utilité comme indicateur (Symonds et Breitbart, 2015). Comme l’adénovirus, le PMMV, pathogène du poivrier, est aussi présent en grandes concentrations dans les eaux usées, ainsi que dans les eaux usées traitées, et c’est pourquoi on a proposé de l’utiliser comme indicateur possible de risque de présence de virus entériques dans les sources d’eau (Rosario et coll., 2009). On ne sait toutefois pas trop s’il y a un lien entre leur présence et celle de virus entériques infectieux (Symonds et Breitbart, 2015). Le TTV est très prévalent chez les humains, même s’il ne semble pas pathogène (Biagini, 2004). Le TTV a de nombreux traits en commun avec les virus entériques, y compris des modes de transport et des voies de transmission semblables (Nishizawa et coll., 1997; Abe et coll., 1999; Bendinelli et coll., 2001; Vaidya et coll., 2002; Haramoto et coll., 2005b; Diniz-Mendes et coll., 2008). On a donc suggéré de l’utiliser comme indicateur possible de la présence de virus entériques (Griffin et coll., 2008; Plummer et Long, 2013; Plummer et coll., 2014). Des études récentes ont signalé une faible occurrence de TTV dans des échantillons d’eaux usées, ainsi que des fluctuations de leur présence (Plummer et Long, 2013; Plummer et coll., 2014), ce qui indique qu’il se peut que le TTV ne soit pas un indicateur convenable.
6.0 Méthodes d’analyse
6.1 Détection des virus entériques
Il existe des méthodes normalisées de récupération et de détection des virus entériques (APHA et coll., 1998; U.S. EPA, 1996, 2001c, 2012; ASTM, 2004). Elles exigent toutefois de l’équipement de laboratoire spécialisé et du personnel qui a reçu une formation poussée. Le traitement des échantillons coûte aussi relativement cher, et c’est pourquoi la surveillance routinière des virus entériques dans l’eau n’est pas possible. Ces méthodes ont quand même été validées et les laboratoires qui ont la capacité de surveiller les virus entériques peuvent les utiliser. Dans les sections qui suivent, nous présentons un aperçu de ces méthodologies, ainsi que des renseignements sur des progrès récents de la détection des virus qui ont servi en contexte de recherche.
6.1.1 Concentration de l’échantillon
Dans le cas des eaux non traitées, on prélève les échantillons le plus souvent en profondeur et à proximité de la prise d’eau potable afin d’obtenir un échantillon représentatif de la source d’eau. Les échantillons d’eau sont filtrés sur le terrain et ensuite expédiés sur de la glace à un laboratoire qui les traitera le plus rapidement possible (idéalement, dans les 24 heures). Le volume d’eau filtrée dépend de la quantité prévue de virus dans l’eau (c.‑à‑d. propre à un site) : plus la densité prévue des virus est faible, plus le volume des échantillons doit être important. Les méthodes actuelles recommandent de filtrer quelques centaines de litres d’eau de surface et 1 500 litres ou plus d’eau souterraine (U.S. EPA, 2012; Cashdollar et coll., 2013; Fout et coll., 2015).
Deux méthodes de filtration traditionnelles servent à déterminer la concentration initiale des virus, soit la filtration par adsorption et la filtration par exclusion (ultrafiltration). La filtration par adsorption peut utiliser des filtres électropositifs comme ceux que prescrit la méthode 1615 (U.S. EPA, 2012) de l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, des filtres chargés négativement (Beuret, 2003; Haramoto et coll., 2004; Fuhrman et coll., 2005; Villar et coll., 2006), des membranes de nitrocellulose (Hsu et coll., 2006) ou des filtres en laine de verre (Lambertini et coll., 2008). Au pH ambiant, la plupart des virus entériques sont chargés négativement et par conséquent, ils sont capturés par un support filtrant électropositif. Pour adsorber des virus au moyen d’un support filtrant chargé négativement, il faut ajouter à l’échantillon un cation, comme du chlorure de magnésium, et il peut être nécessaire de rajuster le pH de l’échantillon pour obtenir un pH acide. Comme les virus s’adsorbent au support filtrant, il faut les éluer par la suite du filtre à l’aide d’une solution alcaline qui modifie la charge superficielle des particules virales de telle façon qu’elles seront éluées dans la solution. Les éluants contiennent couramment de l’extrait de bœuf, de la glycine, du bouillon tryptose-phosphate ou de l’hydroxyde de sodium dans les solutions (Katayama et coll., 2002; Hörman et coll., 2004; Brassard et coll., 2005; Villar et coll., 2006).
Les méthodes d’exclusion par la taille, comme l’ultrafiltration, sont indépendantes du pH et ont l’avantage de ne pas nécessiter d’étape d’élution (Olszewski et coll., 2005). À cause de la taille extrêmement petite des pores du filtre requis, l’encrassement est toutefois fréquent. D’habitude, on peut filtrer environ 20 litres d’eau seulement à la fois (Griffin et coll., 2003), même si certains laboratoires en filtrent jusqu’à 200 litres (Francy et coll., 2013). On continue d’optimiser les méthodes d’ultrafiltration, notamment pour récupérer simultanément des protozoaires, des bactéries et des virus (Morales-Morales et coll., 2003; Hill et coll., 2005, 2007; Liu et coll., 2012; Kahler et coll., 2015).
On a signalé un vaste éventail de taux de récupération pour différents virus tirés de l’eau, selon les méthodes de filtration et de concentration utilisées (Albinana-Gimenez et coll., 2009; Karim et coll., 2009). Dans le cas de la filtration par absorption utilisant différents filtres électropositifs, les taux de récupération déclarés varient de 0,016 % à 182 % (Huang et coll., 2000; Kittigul et coll., 2001; Albinana-Gimenez et coll., 2009; Karim et coll., 2009; Li et coll., 2010). De même, les taux de récupération varient lorsqu’on utilise des systèmes d’ultrafiltration différents (Paul et coll., 1991; Juliano et Sobsey, 1998; Soule et coll., 2000; Jiang et coll., 2001; Winona et coll., 2001; Olszewski et coll., 2005). Il s’ensuit qu’il est généralement recommandé de traiter en parallèle des échantillons d’eau dopés afin de mieux comprendre la présence réelle de virus. La concentration initiale de l’échantillon d’eau est habituellement suivie d’une concentration secondaire pour ramener le volume de l’échantillon à 1 à 2 ml de manière à produire un concentré suffisant pour détecter des virus. Les méthodes de concentration secondaires comprennent la floculation organique, la précipitation par polyéthylèneglycol et l’ultracentrifugation.
6.1.2 Méthodes de détection
Après la concentration de l’échantillon, il est possible d’utiliser tout un éventail de méthodes de détection. La plupart des méthodes de détection courantes comprennent des méthodes de culture cellulaire, des méthodes moléculaires (c.‑à‑d. basées sur la réaction PCR) ou une combinaison des deux [p. ex., test intégré de culture cellulaire et PCR quantitative (ICC-qPCR)]. Le choix de la méthode de détection à utiliser dépend de tout un éventail de facteurs propres au site, ainsi que du virus préoccupant. Certains virus sont difficiles ou impossibles à cultiver et c’est pourquoi on ne peut utiliser la méthode de culture cellulaire. La section qui suit décrit d’autres facteurs dont il faut tenir compte.
6.1.2.1 Culture cellulaire
Dans le passé, la culture cellulaire était la technique la plus répandue pour détecter des virus et elle demeure la meilleure méthode pour déterminer la présence de virus infectieux dans l’eau. La capacité de détecter des virus infectieux dans des échantillons d’eau est importante si l’on veut prédire les risques pour la santé du public. Les virus entériques ne se reproduisent toutefois pas tous en culture cellulaire ou ne produisent pas tous un effet cytopathogénique (ECP) clair (c.‑à‑d. une plaque) nécessaire à la détection visuelle de l’infectiosité. Cette méthode peut sous-estimer la concentration virale dans un échantillon. Si certains virus se développent rapidement (p. ex., en quelques jours), la culture cellulaire prend de quelques semaines à plusieurs pour confirmer les résultats négatifs et pour détecter les virus à croissance lente. De plus, l’agrégation des virus dans un échantillon peut entraîner l’infection d’une plage donnée par plus d’un virus, ce qui sous-estime la concentration virale (Teunis et coll., 2005). D’autres problèmes méthodologiques ont aussi une incidence sur le dosage par culture cellulaire, comme l’incapacité de préserver la couche monocellulaire assez longtemps pour que certains virus à croissance lente produisent une plage visible, et la présence de virus entériques à croissance rapide, qui peuvent entraîner une sous-estimation de la concentration des virus à croissance lente (Irving et Smith, 1981; Fong et Lipp, 2005). Il n’y a actuellement pas de lignée cellulaire universelle qu’il est possible d’utiliser pour effectuer des cultures de tous les virus entériques.
6.1.2.2 Méthodes moléculaires
On a aussi utilisé des méthodes moléculaires pour détecter les virus entériques. Une brève description de certaines de ces méthodes suit.
La plupart des méthodes moléculaires de détection des virus entériques reposent sur la réaction PCR. Cette technique consiste à provoquer la lyse des virus pour libérer leur acide nucléique (ADN ou ARN) et ensuite introduire des amorces ciblant des régions codantes précises et amplifier ces régions. L’électrophorèse en gel d’agarose, la coloration au bromure d’éthidium et l’examen visuel à la lumière ultraviolette servent à déterminer la présence d’un signal PRC positif. Les résultats sont habituellement déclarés sous forme de nombre de copies génomiques (cg) d’un virus/L.
Les méthodes de détection par PCR offrent des avantages importants par rapport aux méthodes de culture cellulaire : elles sont rapides (résultats connus en moins de 24 heures), très sensibles et si elles sont bien conçues, elles sont très spécifiques comparativement à la culture cellulaire. On a mis au point des méthodes de détection par PCR pour la plupart des principaux virus entériques d’intérêt dans le cas de la transmission d’origine hydrique. Il est possible de les appliquer à la détection simultanée de nombreux virus, par la réaction PCR multiplex (Fout et coll., 2003, Lee et coll., 2008). Le principal inconvénient des méthodes basées sur la PCR réside dans le fait qu’elles ne permettent pas de déterminer si les virus sont viables ou infectieux. Cela signifie qu’il ne faudrait pas interpréter les copies génomiques comme une mesure de la viabilité ou de l’infectiosité du virus. Les méthodes basées sur la PCR peuvent aussi être inhibées par des composés environnementaux courants, comme des acides humiques et fulviques, des métaux lourds et des composés phénoliques (Fong et Lipp, 2005). Il est possible d’extraire les inhibiteurs des échantillons, mais il faut à cette fin procéder à un traitement supplémentaire qui entraîne une perte de sensibilité. Il faut tenir compte de ces limites dans l’interprétation des résultats de la réaction PCR. On a mis au point des variantes de la méthode classique qui servent à détecter des pathogènes, la plus courante étant la PCR quantitative (q)PCR (aussi appelée PRC en temps réel). La réaction qPCR est une PCR modifiée utilisant des sondes oligonucléotidiques et des colorants qui provoquent la fluorescence lorsqu’ils sont liés à un acide nucléique de virus. La région cible d’un oocyste étant amplifiée, la fluorescence est mesurée en temps réel, ce qui permet de quantifier les produits de la PCR. Cette méthode comporte plusieurs avantages par rapport à la PCR classique, dont l’élimination de l’analyse consécutive à la réaction (c.‑à‑d. que l’électrophorèse sur gel n’est pas nécessaire), un plus grand débit, la diminution de la probabilité de contamination (c.‑à‑d. système de tubes fermés) et la capacité de quantifier les virus au moyen d’une courbe standard (Smith et Osborn, 2009). La qPCR offre d’autres avantages uniques, dont sa capacité de différencier les types de virus, et la détection simultanée de différents microorganismes (c.‑à‑d. multiplexage) (Marion et coll., 2014; Bonilla et coll., 2015).
Les méthodes intégrant la culture cellulaire et la réaction PCR permettent de raccourcir le temps de traitement (comparativement à la culture cellulaire seule), d’améliorer la détection des virus qui ne forment pas l’EPC ou en forment en partie seulement (au moyen de la culture cellulaire traditionnelle) et de détecter des virus infectieux. Il est aussi possible de combiner des méthodes de culture cellulaire à des méthodes immunologiques (p. ex., cytométrie de débit) pour améliorer la détection des virus (Bosch et coll., 2004; Cantera et coll., 2010; Li et coll., 2010). L’amélioration de la sensibilité de l’analyse est un autre avantage qu’offre la combinaison de la culture cellulaire à des méthodes immunologiques ou moléculaires (Payment et Trudel, 1993; Jothikumar et coll., 2000; Hurst et coll., 2001; Payment, 2001, 2007; Reynolds et coll., 2001; Greening et coll., 2002; Ko et coll., 2003), car les cellules infectées amplifient la quantité de virus et offrent ainsi davantage de matière cible à détecter. Dans le cas de la réaction ICC-qPCR, par exemple, il y a amplification de l’acide nucléique du virus après que les virus ont été cultivés dans la culture cellulaire pendant une période variant d’à peine cinq heures jusqu’à quelques jours. La culture vise à produire plus de virus pour l’amplification par la réaction PCR et à accroître ainsi la sensibilité. En outre, comme les échantillons sont dilués au moyen de milieux de culture cellulaire, on croit que l’inhibition de la réaction PCR est réduite au minimum. On croit aussi que la toxicité de la culture cellulaire (effets cytotoxiques causés par la présence de toxines plutôt que de virus qui inactivent habituellement la monocouche cellulaire) est réduite au minimum puisqu’il est possible d’interrompre les dosages par congélation et de détecter les virus avant la mort cellulaire (Reynolds, 2004). Tout comme la culture cellulaire traditionnelle, la réaction ICC-qPCR est limitée à la détection des virus qui se reproduisent en culture cellulaire (c.‑à‑d. des virus cultivables). La réaction ICC-qPCR a été appliquée avec succès à la détection de virus entériques infectieux dans des échantillons environnementaux (Xagoraraki et coll., 2007; Balkin et coll., 2010; Dong et coll., 2010; Rigotto et coll., 2010; Ming et coll., 2011; Pang et coll., 2012; Fongaro et coll., 2013, 2015; Ogorzaly et coll., 2013a). Cette méthode a été utilisée aussi au cours d’études portant sur la désinfection, et en particulier celles qui visaient à évaluer l’impact des rayons UV sur l’adénovirus (Gerrity et coll., 2008; Li et coll., 2009; Mayer et coll., 2010; Ryu et coll., 2015). Certaines études signalent des estimations comparables de l’inactivation logarithmique au moyen de la culture cellulaire et de la réaction ICC-qPCR (Gerrity et coll., 2008; Ryu et coll., 2015), mais dans d’autres cas, les chercheurs ont observé des taux beaucoup plus élevés (p. ex., d’un facteur de trois) d’inactivation par culture cellulaire (Li et coll., 2009; Mayer et coll., 2010).
On a aussi étudié des méthodes indépendantes de la culture cellulaire pour détecter la présence de virus infectieux. L’immunocapture-qPCR, par exemple, a été appliquée avec succès à la détection de particules virales intactes (c.‑à‑d. qui peuvent être infectieuses) (Haramoto et coll., 2010; Ogorzaly et coll., 2013b). D’autres recherches s’imposent toutefois pour évaluer l’utilité de cette méthode.
6.2 Détection d’indicateurs viraux
Comme on l’a indiqué ci‑dessus, les méthodes de détection des virus dans l’eau ne sont pas pratiques à des fins de contrôle régulier et l’on a proposé d’utiliser divers microorganismes pour révéler la présence de virus entériques dans l’eau (Deere et coll., 2001; OMS, 2004). Les indicateurs utilisés le plus couramment sont E. coli, les coliformes totaux, les entérocoques et les spores de Clostridium perfringens.
6.2.1 E. coli
Escherichia coli est l’indicateur microbien le plus souvent utilisé pour révéler la contamination fécale de sources d’eau. Le document de Santé Canada (2006a) fournit plus de détails sur les méthodes de détection d’E. coli.
6.2.2 Coliformes totaux
Ils ne constituent pas un indicateur de la contamination fécale, mais les coliformes totaux sont utiles comme indicateurs de la qualité globale de l’eau. Le document de Santé Canada (2006b) fournit plus de détails sur les méthodes de détection des coliformes totaux.
6.2.3 Entérocoques
Les entérocoques peuvent servir d’indicateur de la contamination fécale et, indirectement, de la présence de virus (U.S. EPA, 2000; Ashbolt et coll., 2001). Des méthodes normalisées de détection des entérocoques dans l’eau ont été publiées (APHA et coll., 1998; U.S. EPA, 2002a,b). Il existe des trousses commerciales pour la détection de ces indicateurs.
6.2.4 Clostridium perfringens
Les spores de Clostridium perfringens sont des indicateurs de contamination fécale récente et passée, mais elles ne sont pas aussi nombreuses que les coliformes dans les matières fécales ou dans l’eau contaminée. Les spores servent aussi d’indicateurs de l’efficacité du traitement (voir la section 7.0). Des méthodes de détection normalisées pour C. perfringens ont été publiées (ASTM, 2002; HPA, 2004).
6.3 Détection de substituts
On a proposé divers paramètres substituts pour évaluer le sort et le transport des virus dans l’environnement (voir la Section 5.2) et l’efficacité du traitement (c.‑à‑d., réduction des virus entériques par filtration naturelle ou artificielle). Les spores de C. perfringens et les bactériophages sont les substituts les plus courants. On utilise généralement trois types de bactériophages comme indicateurs : les coliphages somatiques, les bactériophages à ARN-F propres au mâle (aussi appelés coliphages F‑spécifiques) et les phages Bacteroides (c.-à-d. les phages qui infectent Bacteroides fragilis, B. thetaiotaomicron et la souche GB-124 de Bacteroides). Aux États-Unis, des méthodes normalisées de détection des coliphages somatiques et propres au mâle ont été mises au point (U.S. EPA, 2001a,b). L’Organisation internationale de normalisation (ISO) a aussi publié des méthodes normalisées (série ISO 10705) pour la détection des bactériophages (Mooijman et coll., 2001, 2005).
7.0 Techniques de traitement
Le traitement vise principalement à réduire le nombre d’organismes pathogènes et les facteurs de risque connexes pour les ramener à un niveau acceptable ou sécuritaire. Il est possible d’y parvenir grâce à une ou à plusieurs méthodes de traitement qui les éliminent mécaniquement ou les inactivent. Pour optimiser l’élimination ou l’inactivation des pathogènes microbiens, il faut comprendre l’importance relative de chacun des procédés. Certains systèmes d’approvisionnement en eau utilisent plusieurs procédés redondants, de sorte que le traitement reste adéquat même en cas de défaillance d’un des procédés. Dans d’autres cas, tous les procédés en place doivent bien fonctionner pour produire le degré de traitement requis. Puisque les méthodes d’analyse disponibles rendent difficile le contrôle régulier des pathogènes microbiens dans l’eau potable traitée, il faut se concentrer sur la caractérisation des risques associés aux sources d’approvisionnement en eau et veiller à ce que des barrières de traitement efficaces soient en place afin d’assurer la salubrité de l’eau potable. Il faut aussi mettre en place si possible des mesures de protection des sources d’eau, notamment assurer le traitement des eaux usées domestiques, afin de réduire au minimum la contamination fécale.
L’approche à barrières multiples, y compris la protection des bassins hydrographiques ou des têtes de puits, est une méthode universellement acceptée de réduction des virus entériques et des autres pathogènes d’origine hydrique dans l’eau potable (O’Connor, 2002; CCME, 2004; OMS, 2012). Il faut aussi que les opérateurs aient reçu de la formation pour assurer en tout temps le bon fonctionnement des procédés de traitement (Smeets et coll., 2009).
La Section 7.1 traite des technologies de traitement à l’échelon municipal qui peuvent éliminer ou inactiver les virus entériques dans l’eau potable. Les systèmes résidentiels peuvent avoir une capacité nominale de traiter des volumes plus importants que ceux qui sont nécessaires à une seule résidence et peuvent donc servir ainsi dans de petits systèmes. Il faut obtenir de l’autorité compétente chargée de la protection de l’eau potable de l’information précise sur les technologies applicables aux petits réseaux.
7.1 Échelle municipale
Il existe tout un éventail de technologies d’élimination mécanique et d’inactivation disponibles pour réduire efficacement les virus entériques afin d’atteindre les objectifs du traitement approprié de l’eau potable. Nous abordons brièvement dans ce document des méthodes possibles de traitement des virus, mais d’autres renseignements figurent déjà dans d’autres sources (U.S. EPA, 1991; Deere et coll., 2001; LeChevallier et Au, 2004; Hijnen et Medema, 2010; AWWA, 2011a). Il est essentiel que les objectifs du traitement soient atteints avant que l’eau ne parvienne au premier consommateur dans le réseau de distribution.
Les procédés d’élimination mécanique, comme la filtration, reçoivent un crédit d’« élimination logarithmique » pour la réduction des niveaux de virus entériques lorsqu’ils atteignent des limites prescrites de turbidité de l’eau à la sortie des filtres, comme l’explique la Section 7.1.2. Les procédés de désinfection primaire font partie des méthodes d’inactivation. Les crédits d’inactivation logarithmique sont calculés à l’aide des concepts de la désinfection présentés à la Section 7.1.3. On fait le total de l’élimination logarithmique et du crédit d’inactivation logarithmique pour calculer la réduction logarithmique totale des virus dans le cas du procédé de traitement évalué. La désinfection secondaire sert à maintenir dans le réseau de distribution, un résidu de désinfectant qui le protège contre la revivification microbienne et sert de sentinelle pour les changements de la qualité de l’eau. Aucun crédit d’inactivation logarithmique n’est accordé pour les procédés de désinfection secondaire.
À cause des difficultés causées par l’analyse routinière des virus entériques, on a déterminé que d’autres microorganismes, comme les spores de Clostridium perfringens et les bactériophages, pourraient servir de substitut pour évaluer l’efficacité des procédés de traitement (Payment et Franco, 1993; Havelaar et coll., 1995; Nasser et coll., 1995; Hijnen et Medema, 2010). On utilise souvent des substituts dans des épreuves de provocation et des études pilotes pour calculer l’élimination logarithmique ou l’inactivation des virus entériques par un procédé de traitement précis. Plusieurs études ont démontré que les bactériophages remplacent bien les virus entériques et qu’on a utilisé autant les bactériophages somatiques que les bactériophages à ARN F-spécifique dans tout un éventail d’évaluations du traitement de l’eau potable. Ces microorganismes comprennent notamment les bactériophages MS2, Qß, F2, PRD-1 et ɸX174 (Mesquita et Emelko, 2012). L’utilisation de ces microorganismes comme substituts pour évaluer l’efficacité d’usines de traitement pleine grandeur a toutefois été limitée, car leur concentration dans les sources d’eau est généralement insuffisante pour qu’ils soient utiles afin de vérifier régulièrement l’efficacité du traitement (Payment et Locas, 2008). Sinclair et coll. (2012) ont signalé que le choix d’un substitut approprié dépend de tout un éventail de facteurs, dont le type de virus entériques trouvé dans l’eau de source et le procédé de traitement à évaluer. Il importe de signaler que l’utilisation de différentes méthodes (voir la Section 6.0) peut produire différentes évaluations de l’efficacité du traitement.
Étant donné l’incertitude associée à l’utilisation de l’élimination logarithmique et les crédits d’inactivation logarithmique calculés à partir de publications scientifiques, il est recommandé que chaque réseau de distribution d’eau potable procède à une évaluation propre au site de l’efficacité du traitement (Smeets, 2011). Hijnen (2011) a mis au point une méthode générique qu’il est possible d’utiliser pour effectuer une évaluation propre au site de la capacité de réduction logarithmique du procédé de traitement d’une usine en particulier. La méthode repose sur l’établissement du rapport entre la réduction logarithmique des virus entériques (ou d’un virus en particulier) et la réduction logarithmique d’indicateurs/substituts contrôlés de façon routinière comme E. coli ou les spores de C. perfringens à partir des données recueillies à une usine de traitement pleine grandeur. Comme il est impossible dans beaucoup de cas de contrôler directement les virus, l’auteur a proposé d’utiliser la détermination de la réduction logarithmique des indicateurs fécaux bactériens (basée sur l’analyse de volumes importants) comme estimation approximative de la réduction logarithmique des virus. On peut aussi utiliser des épreuves de provocation et des essais pilotes simulant des conditions pleine grandeur pour réunir des données quantitatives sur la réduction logarithmique propre au site des virus entériques ou des substituts.
7.1.1 Degré de traitement requis
Pour déterminer le degré de traitement nécessaire, il faut caractériser adéquatement les sources d’eau. La caractérisation des sources d’eau inclut en général un certain nombre d’étapes, dont la délimitation de la zone où se trouve la source d’eau, le repérage des menaces à la source d’eau et des risques qu’elle court, ainsi que la mesure de sa qualité microbiologique, physique, chimique et radiologique (OMS, 2011, 2012). Il est important aussi de surveiller les changements saisonniers afin que les services publics de distribution d’eau produisent constamment de l’eau traitée de grande qualité pour l’éventail complet des conditions de l’eau non traitée (Valade et coll., 2009; Huck et Sozański, 2011).
Dans la mesure du possible, il faut caractériser les concentrations de virus dans les sources d’approvisionnement en eau en s’appuyant sur un échantillonnage et une analyse à l’échelle réelle. Il faut tenir compte des conditions normales, comme de la surveillance guidée par les événements, notamment le ruissellement printanier, les tempêtes et les déversements d’eaux usées. Les résultats de l’analyse doivent tenir compte des efficiences de la récupération pour la méthode d’analyse et de la viabilité des pathogènes afin de produire l’évaluation la plus précise de la présence de pathogènes infectieux dans les sources d’eau (Emelko et coll., 2008, 2010; Schmidt et Emelko, 2010; Schmidt et coll., 2010). À de nombreux endroits, il se peut qu’il soit impossible de prélever des échantillons pour détecter la présence de virus entériques et l’on peut recourir à la caractérisation des sources, y compris les paramètres de la qualité de l’eau qui peuvent renseigner sur le risque ou le niveau de contamination fécale, pour déterminer le degré de traitement nécessaire. On trouve ailleurs (OMS, 2012) plus de renseignements sur la caractérisation des risques dans les petits systèmes. Étant donné l’incertitude reliée à ces estimations, il faut toutefois appliquer des facteurs de sécurité technique ou effectuer des traitements supplémentaires afin d’assurer la salubrité microbiologique de l’eau potable. Pour déterminer le procédé de traitement le plus approprié, il faut procéder à une évaluation du site et effectuer un essai pilote ou une analyse convenables. Des situations météorologiques plus instables associées aux changements climatiques rendront le choix d’un procédé adéquat encore plus important (Huck et Coffey, 2004).
Il faut évaluer les sources d’eau souterraine pour déterminer si l’approvisionnement peut être contaminé par des virus entériques et des protozoaires. Les sources jugées vulnérables aux virus devraient éliminer ou inactiver les virus d’un facteur d’au moins quatre log. Les sources vulnérables aux protozoaires entériques (c.‑à‑d. ESSIDES) devraient atteindre les buts du traitement pour tous les pathogènes (c.‑à‑d., protozoaires, bactéries et virus) décrits dans le document technique sur les protozoaires entériques (Santé Canada, 2012c).
Des technologies de traitement devraient être en place pour obtenir une élimination ou une inactivation des virus entériques d’au moins 4 log (99,99 %) dans le cas des sources vulnérables à la contamination virale. Un tel traitement permet de ramener une concentration de 1 virus/100 L d’eau d’une source d’approvisionnement à 1 × 10−4 virus/100 L, ce qui satisfait à l’objectif sanitaire de 10−6 années de vie corrigées du facteur invalidité (AVCI)/personne par année (voir la Section 8.0 pour en savoir davantage sur les AVCI). L’eau non traitée peut toutefois contenir une concentration beaucoup plus élevée de virus et un traitement supplémentaire peut s’imposer pour éliminer ou inactiver ces virus et assurer ainsi la salubrité de l’eau potable. Il importe de surveiller le procédé (p. ex., turbidité, dose de désinfectant et résidu, pH, température et débit) pour vérifier que l’eau a été convenablement traitée et qu’elle est, par conséquent, d’une qualité microbiologique acceptable.
7.1.2 Élimination mécanique
Il est possible d’éliminer mécaniquement les virus par diverses technologies, dont la filtration avec procédé chimique, la filtration lente sur sable, la filtration à diatomées et la filtration sur membrane ou une autre technique de filtration qui a fait ses preuves. La filtration sur berge est une méthode de filtration passive d’élimination des microorganismes que l’autorité qui a compétence sur l’eau potable pourrait peut-être aussi envisager d’utiliser.
En général, l’élimination mécanique des virus entériques peut être difficile à cause de leur petite taille (20 à 350 nm) et des variations du point isoélectrique et de l’hydrophobicité des différents virus qui peuvent être présents dans la source d’eau (Boudaud et coll., 2012). À cause des différences au niveau de la taille, de la forme et du point isoélectrique entre les virus entériques et leurs substituts, leur élimination peut varier selon le procédé de traitement. Mayer et coll. (2015) et Michen et Graule (2010) ont signalé des points isoélectriques de certains virus entériques et substituts.
La surveillance aux usines de traitement pleine grandeur indique que l’élimination mécanique des virus entériques varie et que la désinfection constitue par conséquent une importante barrière de traitement des virus entériques d’origine hydrique (Bell et coll. 1998). Hijnen et Medema (2010) présentent une critique détaillée des études réalisées sur l’élimination mécanique des virus.
7.1.2.1 Filtration avec procédé chimique
La coagulation vise à déstabiliser (c.‑à‑d. à en neutraliser la charge) les particules colloïdales (y compris les organismes pathogènes) afin qu’elles s’agglomèrent bien pendant la floculation et soient par la suite éliminées par clarification (sédimentation ou flottation à l’air dissous). Les appareils à contact de boues, y compris les procédés de floculation lestée de sable, combinent la coagulation, la floculation et la clarification en un seul procédé. La filtration sur milieu granulaire peaufine le travail en éliminant d’autres petites particules colloïdales que la clarification n’a pas éliminées. Pour que la filtration soit efficace, les particules colloïdales doivent être déstabilisées pendant la coagulation. C’est pourquoi la combinaison coagulation, clarification et filtration sur milieu granulaire est reconnue comme un procédé de traitement physico-chimique et couramment appelée filtration avec procédé chimique (p. ex., filtration conventionnelle). Les usines de filtration directe n’ont pas d’étape de clarification et les usines de filtration en ligne n’ont pas d’étape de floculation ni de clarification (AWWA, 2011a; MWH, 2012). Outre l’élimination physique des virus par filtration avec procédé chimique, une recherche récente a montré que les virus peuvent aussi perdre leur infectiosité après une exposition à des espèces hydrolysant l’aluminium au cours de la coagulation (Matsushita et coll., 2011).
Les publications ont décrit des études à grande échelle analysant l’élimination des virus entériques ou des substituts par filtration avec procédé chimique (Stetler et coll., 1984; Payment et coll., 1985, Payment et Franco, 1993; Havelaar et coll., 1995). On a aussi réalisé plusieurs études pilotes et des études en laboratoire au cours desquelles on a injecté des virus entériques ou des substituts dans l’eau non traitée pour déterminer l’efficience de l’élimination (Rao et coll., 1988; Bell et coll., 1998; Gerba et coll., 2003; Hendricks et coll., 2005; Abbaszadegan et coll., 2007, 2008; Mayer et coll., 2008; Shin et Sobsey, 2015). Ces études ont analysé l’élimination de tout un éventail de virus entériques, y compris les entérovirus, les norovirus, les rotavirus, l’adénovirus et les virus de l’hépatite, ainsi que des substituts. L’élimination logarithmique mentionnée pour ces études a démontré que le procédé de clarification réalisait une élimination logarithmique de 0,6 à 3,2, suivie d’une élimination supplémentaire de 0,5 à 3,8 par le procédé de filtration. L’élimination totale (c.‑à‑d. par clarification et filtration) a varié de 1,0 à 5,1, la majorité des usines de traitement parvenant à réaliser une élimination logarithmique de 2,2 à 3,8. En général, l’élimination des virus entériques au moyen de la filtration avec procédé chimique peut varier énormément selon le degré d’optimisation du procédé et le type de virus présent dans la source d’eau (Bell et coll., 1998; LeChevallier et Au, 2004). Hijnen et Medema (2010) ont effectué une analyse détaillée des études mentionnées ci‑dessus, ainsi que d’autres études (2010). Les auteurs ont procédé à une analyse statistique des données sur l’élimination des virus entériques, notamment en pondérant les données basées sur l’ordre de grandeur du procédé et le type de microorganisme, et ils ont déterminé que la filtration avec procédé chimique peut produire une élimination logarithmique moyenne de 3,0. Cette étude a toutefois mis aussi en évidence la variation importante observée dans l’élimination des virus entre les études analysées, ce qui indique les limites de l’application des valeurs moyennes d’élimination logarithmique pour estimer l’efficacité des procédés de traitement de l’eau potable.
Du point de vue opérationnel, on a signalé que la dose de coagulant, le type de coagulant, le pH et la température constituent des variables importantes dans l’élimination des virus (LeChevallier et Au, 2004, Hendricks et coll., 2005; Hijnen et Medema, 2010). Hendricks et coll. (2005) ont signalé une diminution de la dose d’alun de 26 mg/L à 13 mg/L dans une usine pilote de filtration avec procédé chimique afin de diminuer l’élimination logarithmique de MS2, qui est tombée de 3,0 à 1,0, et une diminution de l’élimination logarithmique de ɸX174 qui est passée de 5,10 à 1,5. Les auteurs ont signalé que les éliminations logarithmiques étaient presque nulles dans le cas du MS2 et du ɸX174 lorsque le procédé n’était pas dosé à l’alun. Ces résultats correspondent à ceux d’autres études qui ont signalé l’élimination minime ou nulle des virus ou des substituts lorsque la filtration n’est pas précédée d’une coagulation (Nasser et coll., 1995; Hijnen et coll., 2010). On a aussi étudié l’élimination des virus entériques dans des conditions de coagulation améliorées au moyen de doses de coagulant plus élevées. Abbaszadegan et coll. (2007) et Mayer et coll. (2008) ont signalé des éliminations logarithmiques maximales variant de 1,75 à 3,0 dans le cas des adénovirus, du calicivirus félin, du coxsackievirus, de l’échovirus et du poliovirus dans le cadre d’essais de floculation au cours desquels on a optimisé l’élimination du COD en utilisant 40 mg/L de FeCl3 à un pH variant de 5 à 6. Les auteurs ont signalé que l’élimination des virus s’est améliorée en général à mesure que la dose de coagulant augmentait et que le pH diminuait. La température a aussi un effet sur l’élimination des particules, y compris les virus. En général, le taux de floculation et l’efficience de l’élimination des particules diminuent à mesure que la température baisse (AWWA, 2011a).
Des études ont aussi démontré qu’il faut un effluent de filtration de 0,1 UTN ou moins pour maximiser la réduction des pathogènes (Harrington et coll., 2001, 2003; Xagoraraki et coll., 2004). Dans le cadre d’études pilotes réalisées par Xagoraraki et coll. (2004), on a maximisé l’élimination logarithmique moyenne du bactériophage MS2 (médiane 3,2, plage de 2,5 à 3,6) lorsque la turbidité de l’eau était inférieure à 0,2 UTN comparativement aux éliminations (médiane de 2,4, plage de 0,25 à 3,5) obtenues lorsque la turbidité était inférieure à 0,3 UTN. Les périodes de maturation du filtre et de fin de vie du filtre sont aussi considérées comme des périodes de vulnérabilité à l’apparition des pathogènes dans l’eau filtrée (Amburgey et coll., 2003; Soucie et Sheen, 2007). C’est pourquoi il faut surveiller les filtres de près et les laver soigneusement à contre-courant pour optimiser leur efficacité. Il est recommandé de ne pas faire circuler de nouveau l’eau du lavage à contre-courant des filtres dans l’usine de traitement sans d’abord lui faire subir un traitement supplémentaire (Di Giovanni et coll., 1999; Cornwell et MacPhee, 2001).
En résumé, la plupart des usines de filtration avec procédé chimique qui fonctionnent bien et sont optimisées pour éliminer les particules et les matières organiques naturelles (MON) devraient pouvoir produire une élimination moyenne de 2 log dans le cas des virus entériques (Payment et coll., 1985, Payment et Franco, 1993; Hendricks et coll., 2005; Santé Canada, 2012d). Pour y parvenir, il est essentiel que les étapes de coagulation et de floculation qui précèdent soient optimisées. Il faut procéder à des essais de floculation pour optimiser le procédé de coagulation (U.S. EPA, 2004; AWWA, 2011b). Il peut aussi être utile de surveiller la charge de particules nettes de la surface après la coagulation lorsque la qualité de la source d’eau varie beaucoup (Conio et coll., 2002; Newcombe et Dixon, 2006; AWWA, 2011b; Kundert, 2014; McVicar et coll., 2015; Sharp, 2015).
7.1.2.2 Filtration lente sur sable
Au cours de la filtration lente sur sable, l’eau non traitée traverse lentement par gravité un lit de sable poreux submergé. Pendant la filtration, il y a croissance biologique dans le lit de sable et le substrat de gravier. Des bactéries et d’autres matières provenant de la source d’eau s’accumulent de plus à la surface pour former un « film biologique ». Lorsque l’eau non traitée traverse le lit de sable, des mécanismes physiques, chimiques et biologiques éliminent les virus de l’eau (Anderson et coll., 2009). La fixation des virus au milieu de filtrage et aux biofilms, ainsi que l’inactivation des virus par des procédés biologiques comme la prédation, sont reconnues comme principaux mécanismes d’élimination (Anderson et coll., 2009; Hijnen et Medema, 2010). Il est recommandé de procéder à un essai pilote pour vérifier que la filtration lente sur sable parviendra à traiter une source d’eau (Bellamy et coll., 1985a, 1985b; Logdon et coll., 2002).
De nombreuses études pilotes, ainsi qu’un nombre limité d’études grandeur réelle portant sur des substituts ou des virus entériques, ont démontré que la filtration lente peut produire des éliminations de l’ordre de 0,6 à 4,0 log (Poytner et Slade, 1977; Slade, 1978; McConnell et coll., 1984; Hijnen et coll., 2004a; Anderson et coll., 2009; Hijnen et Medema, 2010; Bauer et coll., 2011; Schijven et coll., 2013).
Des études pilotes ont démontré que la température, l’âge du film biologique et les charges hydrauliques constituent des paramètres opérationnels importants qui ont une incidence sur l’élimination des virus par filtration lente sur sable. Poynter et Slade (1977) ont signalé une élimination du poliovirus 1 pouvant atteindre un facteur de quatre log dans un filtre contenant 600 mm de sable, où le taux de charge hydraulique atteint 4,8 m/jour (0,2 m/h) et les températures varient de 16 à 18 °C. L’élimination est tombée à moins de 1 log lorsque le taux de charge a atteint 12 m/jour (0,5 m/h) et les températures ont oscillé entre 5 et 9 °C. Anderson et coll. (2009) ont signalé des taux d’élimination de MS2 variant de 1,5 à 2,2 log à la fois à l’eau froide (3 à 10 °C) et à l’eau chaude (21 à 22 °C) lorsque le taux de charge hydraulique s’établissait à 0,1 m/h (épaisseur du lit = 0,4 m). Les éliminations sont tombées entre 0,2 et 1,3 log lorsque le taux de charge hydraulique est passé à 0,4 m/h. Schijven et coll. (2013) ont montré récemment que l’âge du film biologique constitue aussi un important paramètre opérationnel dans l’élimination des virus par filtration lente sur sable. Des essais pilotes réalisés à des températures se situant entre 10 et 16 °C et à un taux de filtration de 30 cm/h (0,03 m/h) ont révélé que l’élimination du MS2 passait de 1,6 log lorsque le film biologique avait 4 jours à 3,1 log après 553 jours. Le contrôle des concentrations de virus entériques dans les eaux brutes et traitées provenant de deux filtres de sable pleine grandeur et à filtration lente a révélé des efficiences d’élimination semblables à celles qu’ont indiquées les études pilotes mentionnées ci‑dessus. Slade (1978) a déclaré des éliminations de virus entériques (coxsackievirus et poliovirus) variant de 1 à 2 log dans des filtres où l’épaisseur du lit variait de 0,3 à 0,45 m, les débits s’établissaient entre 1,12 et 4,15 m/jour (0,05 et 0,17 m/h) et les températures oscillaient entre 6 et 11 °C. On a observé une élimination de moins de 2 log dans plusieurs conditions, y compris aux températures plus basses et à des débits plus élevés.
En résumé, des filtres à sable à filtration lente conçus et exploités comme il se doit peuvent produire efficacement une élimination moyenne de 2,0 log dans le cas des virus entériques. Il faut toutefois suivre de près au cours de la filtration les effets possibles de températures plus basses, d’une augmentation des taux de charge hydraulique et de l’élimination par le filtre.
7.1.2.3 Filtration sur membrane
On utilise actuellement quatre types de membranes sous pression pour traiter l’eau potable : la microfiltration (MF), l’ultrafiltration (UF), la nanofiltration (NF) et l’osmose inverse (OI). Les membranes sont en général classées selon le type de substances qu’elles éliminent, la pression de fonctionnement et le diamètre des pores ou le seuil de rétention des molécules (SRM). Les membranes pour la MF et l’UF sont des membranes à basse pression qui sont utilisées habituellement pour éliminer des particules et des organismes pathogènes. La petite taille des virus entériques peut toutefois réduire l’élimination comparativement à d’autres pathogènes microbiens plus gros (p. ex., Cryptosporidium et Giardia). Les membranes NF et OI sont des membranes haute pression qui servent à éliminer des matières organiques (p. ex. MON dissoutes) et inorganiques (p. ex. sodium, chlorure, calcium et magnésium). Les grandes catégories de membranes, leurs dimensions et les substances éliminées sont analysées dans Kawamura (2000), AWWA (2005, 2011a) et MWH (2012).
Les mécanismes d’élimination des virus au moyen de membranes MF et UF comprennent l’exclusion en fonction de la taille, la répulsion électrostatique entre le virus et la membrane et l’adsorption du virus sur la membrane (Jacangelo et coll., 1995). L’exclusion en fonction de la taille constitue le principal mécanisme d’élimination lorsque les pores de la membrane sont plus petites que les virus présents dans la source d’eau. Lorsque les pores de la membrane sont plus grosses que le virus, la répulsion électrostatique et l’adsorption dominent. L’efficience de l’élimination dépendra à la fois des caractéristiques du virus et de celles de la membrane, y compris la charge superficielle, l’hydrophobicité, ainsi que la taille et la forme du virus (ElHadidy et coll., 2013). La filtration et l’adsorption attribuées à la présence d’une couche de particules qui se forme sur les membranes au cours du fonctionnement (agglutination) et l’encrassement irréversible jouent aussi un rôle dans l’élimination des virus au moyen de membranes MF/UF (Jacangelo et coll., 1995; ElHadidy et coll., 2013).
Les différences aux niveaux de la solubilité ou de la diffusivité constituent le principal mécanisme d’élimination des virus entériques à l’aide de membranes NF et OI. Comme les membranes NF et OI ne sont pas poreuses, elles peuvent toutefois filtrer aussi les microorganismes et les éliminer de l’eau d’alimentation (U.S. EPA, 2005). Il convient de signaler que les systèmes NF et OI ne sont pas conçus pour éliminer les particules solides et ne représentent pas une barrière absolue contre les virus à cause des imperfections de la fabrication et des variations inhérentes au niveau de la surface des membranes. Il en découle des fuites de faibles quantités d’eau non traitée dans le volume total d’eau traitée (Owen, 1999; Antony et coll., 2012).
On détermine habituellement le potentiel d’élimination des virus entériques au moyen d’un système de filtration à membrane en particulier en soumettant le système à une épreuve de provocation avec des substituts dans des conditions où l’élimination peut se rapprocher de celle des virus entériques. Les bactériophages MS2, PRD1 et Qß sont les substituts utilisés le plus souvent pour soumettre les membranes à des épreuves de provocation et ils ont produit le gros des données sur l’élimination présentées ci‑dessous. Les efficiences de l’élimination tirées d’essais pilotes et pleine grandeur menés à l’aide de substituts sont résumées dans U.S. EPA (2001d, 2005), AWWA (2005) et Antony et coll. (2012) et nous les abordons brièvement ci‑dessous. Des données limitées sur l’élimination des virus entériques de l’eau potable au moyen de procédés à membrane sont aussi disponibles (Jacangelo et coll., 2006).
Les membranes MF ne constituent pas une barrière physique définitive pour les virus en raison du diamètre de leurs pores, qui varie habituellement de 0,05 à 5 µm. Des études pilotes ont toutefois révélé des éliminations de virus substituts (c.‑à‑d. MS2, Qß et PRD1) des eaux de surface, des eaux souterraines et de l’eau déionisée tamponnée qui variaient de 0,2 à 3,0 log en utilisant tout un éventail de membranes MF (Adham et Jacangelo, 1994; Jacangelo et coll., 1995; Jacangelo et coll., 1997; Kruithof et coll., 1997). À cause du manque d’uniformité dans l’élimination des virus par MF, plusieurs chercheurs ont étudié l’utilisation de la coagulation avant la MF afin d’améliorer l’élimination des virus. Des études ont démontré qu’il est possible d’éliminer les substituts à un niveau de 4 log ou plus lorsque la microfiltration est précédée d’une coagulation (Zhu et coll., 2005a, b; Fiksdal et Leiknes, 2006; Matsushita et coll., 2005, 2013).
Les membranes UF ont des pores d’un diamètre de 0,005 à 0,05 µm et peuvent, dans la plupart des cas, produire un niveau élevé (> 4 log) d’élimination des virus. On a décrit dans les publications un grand nombre d’études pilotes au cours desquelles on a utilisé tout un éventail de sources d’eau, de matériaux pour les membranes et de modes d’exploitation. Les données présentées dans ces études indiquent que les membranes UF (SRM 10 à 500 kilodaltons) peuvent produire une élimination variant de 3 à > 7 log de MS2 (Jacangelo, 1991; Jacangelo et coll., 1991; Adham et coll., 1995; Kruithof et coll., 1997; Jacangelo et coll., 2006). Se basant sur des données tirées de plus de 17 études pilotes, l’U.S. EPA (2001d) a signalé que des systèmes UF à membrane SRM de plus de 100 kilodaltons (kD) pouvaient souvent réduire les concentrations des MS2 au‑dessous de la limite de détection. Kruithof et coll. (2001) ont soumis à une épreuve de provocation une usine de traitement des eaux de surface par ultrafiltration pleine grandeur (15 MGD) et ont démontré des éliminations logarithmiques de MS2 variant de 4,8 à >5,4 log. Jacangelo et coll. (2006) ont constaté que le MS2 constituait un bon substitut du poliovirus, du VHA et du calicivirus félin au cours de l’essai de membranes UF sur banc d’essai. Ces tests ont démontré que les membranes UF qui ont un SRM de 10 kD et 100 kD pouvaient éliminer de 3 à >5 log de poliovirus 1, de VHA et de calicivirus félin. Les données sur l’élimination pleine grandeur des virus entériques par UF sont limitées. Qui et coll. (2015) ont signalé une élimination de 4,6 à 7,0 log dans le cas de plusieurs virus entériques, y compris le norovirus, le rotavirus, l’entérovirus et l’adénovirus, au moyen de membranes UF (pores de 0,04 µm de diamètre) dans une usine de traitement des eaux usées pleine grandeur.
On n’utilise pas habituellement les membranes NF et OI pour éliminer les particules et c’est pourquoi il y a moins de données disponibles pour démontrer leur capacité d’élimination des virus. Lovins et coll. (2002) ont indiqué une élimination variant de 5,4 à 6,8 log du MS2 au moyen de membranes NF (SRM : 100 à 300 daltons) dans une usine pilote. De même, des essais pilotes réalisés par Lozier et coll. (2003) ont démontré une élimination de >6 log du MS2 au moyen de membranes OI (SRM non disponible) et variant de 3 à 5,5 log au moyen de membranes NF. Kruithof et coll. (2001) ont démontré une élimination de 3,0 à 4,8 log des MS2 au moyen de membranes OI au cours d’une épreuve de provocation réalisée dans une usine de traitement pleine grandeur.
Comme on l’a dit ci‑dessus, des membranes NF et OI intactes peuvent éliminer les virus dans une proportion de plus de 4 log. Des défaillances de l’intégrité peuvent toutefois compromettre l’efficacité des membranes et c’est pourquoi il est crucial d’en contrôler régulièrement l’intégrité. Plusieurs études ont démontré que des membranes endommagées (p. ex., piqûre dans la membrane, joint torique fissuré, etc.) peuvent réduire de 0,4 à 3,8 log l’élimination logarithmique du MS2 (Kruithof et coll., 2001; Kitis et coll., 2003; ElHadidy et coll., 2014). On a aussi signalé que des couches d’encrassement peuvent réduire en partie la capacité des membranes d’éliminer les virus même en présence de fissures (Kitis et coll., 2003; ElHadidy et coll., 2014). On trouve dans Guo et coll. (2010a) et Antony et coll. (2012) des analyses détaillées de méthodes de surveillance de l’intégrité du procédé à membrane.
En pratique, l’utilisation de la filtration à membrane pour produire des crédits d’élimination logarithmique des virus est limitée à cause des difficultés que pose l’utilisation de méthodes courantes de tests d’intégrité directs afin de détecter une défaillance de la grosseur du virus (U.S. EPA, 2005; Antony et coll., 2012). On trouve dans d’autres sources (Jacangelo et coll., 1997; Lozier et coll., 2003; U.S. EPA, 2005; Kumar et coll., 2007; Guo et coll., 2010a, Pype et coll., 2016) une analyse des diverses méthodes de vérification directe et indirecte de l’intégrité dans les systèmes à membrane à basse et à haute pression. Il existe en outre des méthodes d’analyse normalisées (ASTM, 2010, 2014). Une minuscule défaillance de l’intégrité non détectée par des méthodes existantes de vérification de l’intégrité pourrait laisser passer des virus, ce qui a une incidence sur la qualité du filtrat. Des méthodes existantes de vérification de l’intégrité donnent de bons résultats dans le cas des systèmes à membrane à basse ou à haute pression, mais seulement dans le cas des particules dont la taille dépasse 0,4 à 1 μm (c.‑à‑d. bactéries et protozoaires) (U.S. EPA, 2005; Antony et coll., 2012). Par exemple, pour qu’un essai d’étanchéité ait une résolution suffisante pour détecter une défaillance de la taille du virus dans une membrane à fibre creuse de polymère, la pression transmembranaire qu’il faudrait appliquer provoquerait la rupture de la membrane (U.S. EPA, 2005). Même si l’élimination des virus démontrée par des épreuves de provocation auxquelles on soumet des systèmes à membrane peut être très efficiente, il est difficile de vérifier cette élimination pendant l’utilisation des membranes. C’est pourquoi Antony et coll. (2012) ont déterminé que dans la plupart des cas, il est difficile d’attribuer aux membranes une élimination de > 2 log dans le cas des virus.
Des technologies émergentes comme les tests d’intégrité à impulsions utilisant un colorant fluorescent ou des sondes nanométriques peuvent permettre de vérifier l’élimination de > 2 log dans le cas des virus (Pyper et coll., 2016). Il convient de signaler que toutes les membranes s’encrassent lorsqu’elles sont utilisées et que, par conséquent, le flux (débit par unité de surface) pour une différence de pression donnée peut diminuer considérablement (AWWA, 2005; MWH, 2012). Pour éliminer les salissures accumulées, il faut procéder à un lavage à contre-courant régulier et à un nettoyage chimique périodique, réalisé à l’aide de produits spécialement formulés pour venir à bout de l’encrassement des membranes. Lorsqu’il n’est plus possible de ramener le flux à des conditions acceptables, il faut remplacer les membranes (Alspach et coll., 2014). L’importance de l’encrassement dépend d’un certain nombre de facteurs, dont le type de membrane et la répartition du diamètre des pores, la matière dont elle est faite, la quantité de substances encrassantes et leur nature, le prétraitement appliqué, le régime de nettoyage utilisé pour entretenir la membrane et les conditions de fonctionnement, en particulier le flux (Huck et Sozański, 2011). Les interactions colloïdales et la présence de MON dissoutes, en particulier de biopolymères, sont des causes importantes d’encrassement et de baisse de la productivité (Peldszus et coll., 2011). Il s’ensuit qu’un traitement préalable peut être nécessaire (Siembida-Lösch et coll., 2014).
7.1.2.4 Filtration in situ
Le passage dans le sol par filtration in situ naturelle est considéré comme une barrière importante pour les microorganismes. Si l’on suppose que la trajectoire de l’écoulement et le temps de transport sont suffisants, la filtration in situ naturelle peut améliorer la qualité microbienne de l’eau suffisamment pour protéger la santé publique (Schijven et coll., 2002). Des études publiées font état de réductions logarithmiques des virus dans différents contextes naturels, y compris les suivants : filtration sur berge de cours d’eau, film biologique au fond d’un étang (c.‑à‑d. filtration sur berge d’étendue d’eau) et diverses formations d’aquifères naturels. La filtration sur berge de rivière ou de lac oblige à installer des puits d’approvisionnement en eau verticaux ou horizontaux près d’une rivière ou d’un lac afin d’utiliser la berge et l’aquifère adjacent comme filtre naturel pour éliminer les particules, les pathogènes et d’autres contaminants (Kuehn et Mueller, 2000; Ray et coll., 2002a, 2002b; Sharma et Amy, 2011; Harvey et coll., 2015). Dans le cas de beaucoup d’études, on a utilisé des coliphages ou des bactériophages non pathogènes pour mesurer les distances de transport (voir la Section 5.2). Ces substituts ont tendance à ne pas adsorber aussi fermement que les virus pathogènes parce que leur point isoélectrique est en général plus bas. Ils sont aussi faciles à mesurer et il est possible de les injecter dans l’environnement (Bales et coll., 1989; Havelaar et coll., 1993; Schijven et Hassanizadeh, 2000; Tufenkji et Emelko, 2011).
Filtration sur berge de rivière et de lac : Havelaar et coll. (1995) ont signalé une réduction de 4 log des entérovirus et des réovirus dans des puits situés de 25 à 30 m des rivières. Les auteurs ont signalé que la réduction était plus importante que prévu dans le cas des déplacements sur de courtes distances et de brève durée (2 à 10 semaines). L’effet bénéfique a été attribué à l’élimination de solides en suspension qui adsorbent la majorité des virus. Schijven et coll. (1998) ont fait état d’une réduction de 3,8 log de bactériophages à ARN F‑spécifiques dans des puits situés à 2 m de bassins d’infiltration des eaux de surface. Les auteurs ont attribué la réduction à la petite taille des grains de sable et à une grande efficience de collision. Schijven et coll. (1999) ont fait état d’une réduction de 3 log des bactériophages PRD1 et des coliphages MS2 dans des puits situés à 2,4 m de bassins d’infiltration des eaux de surface et une réduction supplémentaire de 5 log dans le cas des puits situés à moins de 30 m. Les auteurs ont signalé que l’adsorption constituait le principal procédé à cause de la présence de fer extractible par oxalate et d’une forte concentration de cations divalents. Les auteurs ont conclu qu’il serait possible de porter la réduction à 8 log à moins de 30 m, ce qui correspond à un temps de déplacement d’environ 25 jours. Borchardt et coll. (2004) n’ont pu établir de lien entre la présence de virus et l’apport en eau de surface dans des puits situés à diverses distances de la rivière Mississippi parce que tous les puits contenaient des virus sans égard à la contribution des eaux de surface. Le puits situé le plus près de la rivière et recevant le plus fort volume d’eau de surface a produit des échantillons contenant des virus dans quatre cas sur 12 échantillons prélevés en un an tandis que deux puits situés plus loin de la rivière auxquels les eaux de surface n’ont apporté aucune contribution détectable ont produit des échantillons contenant des virus dans cinq et six échantillons sur 12 respectivement. Dans le cas d’un autre puits recevant un volume intermédiaire d’eau de surface, neuf échantillons sur 12 contenaient des virus. On a signalé que le puits situé le plus près de la rivière se trouvait dans un secteur non résidentiel tandis que les autres se trouvaient dans des secteurs résidentiels contenant un réseau souterrain d’égouts sanitaires. Les auteurs ont conclu que le transport du virus dans les puits était probablement attribuable à l’infiltration des eaux de surface et à des fuites des égouts sanitaires. Ils ont prévenu qu’il se peut que les puits situés dans les secteurs urbains risquent davantage d’être contaminés par des virus à cause de fuites des égouts sanitaires.
Harvey et coll. (2015) ont signalé une réduction de >3 log du coliphage MS2 dans un film biologique de 25 cm d’épaisseur au fond d’un étang. Les auteurs ont conclu que le film biologique réussissait très efficacement à éliminer les virus. Dizer et coll. (2004) ont tiré des conclusions semblables au sujet des bienfaits d’un film biologique.
Aquifères naturels : Pang (2009) a passé en revue les publications sur le transport des virus dans les milieux souterrains et a calculé des taux d’élimination à partir d’expériences menées sur le terrain et de grosses carottes de sol intactes dans toutes sortes de conditions (voir le Tableau 2). L’auteur a souligné que les taux d’élimination sont liés à la durée de la contamination, sans compter le débit et les caractéristiques particulières du microbe et des milieux souterrains. Comme le démontrent les données contenues dans le Tableau 2, la capacité d’élimination des pathogènes des aquifères contaminés diminue considérablement en grande partie parce que la matière organique se fixe aux sites d’adsorption disponibles, ce qui bloque l’adsorption des pathogènes. L’auteur a prévenu qu’il faut faire preuve de prudence lorsqu’on calcule des marges de recul, car les taux d’élimination peuvent ralentir en fonction de la distance, en particulier dans le cas des aquifères de sable à grain fin et des aquifères où il y a apport continu d’effluents (p. ex., fosses septiques, égouts sanitaires qui fuient, apport artificiel géré). Schijven et Hassanizadeh (2002) ont calculé des marges de recul pour une réduction de 9 log afin de protéger six aquifères sablonneux anoxiques contre des fuites d’égouts sanitaires. Les marges de recul calculées ont varié de 153 à 357 m (moyenne = 228 m). Yates et Yates (1989) ont encouragé une approche basée sur les marges de recul afin d’éviter de supposer que les caractéristiques hydrogéologiques d’un secteur sont constantes. Par contre, DeBorde et coll. (1999) ont signalé que la détermination des marges de recul dans tout un éventail de conditions hydrogéologiques a généralement échoué à cause de l’incertitude liée aux caractéristiques de l’aquifère et aux caractéristiques de chaque virus. L’approche de rechange vise avant tout à appliquer un traitement approprié pour réduire le risque au lieu de quantifier les réductions logarithmiques.
On recommande des évaluations hydrogéologiques propres au site pour déterminer si les sources souterraines sont vulnérables à la contamination par des pathogènes microbiens. Ces évaluations doivent au moins répertorier les sources de matières fécales dans le secteur de la source d’eau (p. ex., déchets animaux humains et domestiques, faune, pressions exercées par les activités récréatives) et définir le sous-sol (p. ex., profondeur de l’aquifère, zones de protection, composition des couches souterraines, conditions de la trajectoire d’écoulement préférée, risques liés aux précipitations). Dans le cas des sources jugées vulnérables aux protozoaires pathogènes, il faut consulter le document technique de la recommandation sur les protozoaires entériques (Santé Canada, 2012c). Dans celui des sources vulnérables au virus, l’élimination des virus entériques doit atteindre au moins 4 log. L’autorité responsable peut obliger à contrôler des indicateurs/substituts comme E. coli ou les bactériophages à ARN F‑spécifiques dans le cadre de l’évaluation du risque (Mesquita et Emelko, 2015). Dans les aquifères du substratum rocheux fracturé, de calcaire karstique et de gravier, le transport des virus est habituellement rapide et il se peut que l’autorité responsable doive leur accorder une attention spéciale.
Aquifère | Vélocité | Taux d’élimi-nation (log/m) |
Distance calculée pour produire une réduction de 4 logTableau 2 - Note a (m) | Conditions de l’étude |
---|---|---|---|---|
Sable | < 2 m/j | 100 | 4 | Aquifères de sable de pierre ponce |
Sable | < 2 m/j | 10-1 – 10-2 | 40 – 400 | Non indiquées |
Sable et gravier | < 3 m/j | 10-1 | 40 | Distance < 17 m |
Sable et gravier, y compris FB | < 3 m/j | 10-1 – 10-2 | 40 – 400 | Distance < 177 m |
Sable et gravier | < 3 m/j | 10-3 | 4 000 | Distance = 183 à 970 m; contaminationTableau 2 - Note b |
Sable et gravier | < 3 m/j | 10-4 | 40 000 | Distance = 210 à 2 930 m; contaminationTableau 2 - Note b |
Gravier sablonneux | > 11 m/j | 10-2 – 10-3 | 400 – 4 000 | Distance < 163 m; propreTableau 2 - Note c |
Gros gravier | > 50 m/j | 10-2 | 400 | PropreTableau 2 - Note c |
Gros gravier | > 50 m/j | 10-3 | 4 000 | ContaminationTableau 2 - Note b |
Till argileux fracturé et saprolite de schiste fracturé | Tableau 2 - Note d | 100 – 10-1 | 4 – 40 | PropreTableau 2 - Note c |
Gneiss fracturé | Tableau 2 - Note d | 10-1 – 10-2 | 40 – 400 | PropreTableau 2 - Note c |
Calcaire fracturé | Tableau 2 - Note d | 10-2 | 400 | ContaminationTableau 2 - Note b |
Craie fissurée | Tableau 2 - Note d | 10-2 – 10-3 | 400 – 4 000 | ContaminationTableau 2 - Note b |
Calcaire karstique | Tableau 2 - Note d | 10-1 – 10-2 | 40 – 400 | Distance < 85 m |
Calcaire karstique | Tableau 2 - Note d | 10-3 | 4 000 | Distance = 1 250 m; contaminationTableau 2 - Note b |
Calcaire karstique | Tableau 2 - Note d | 10-4 | 40 000 | Distance - 5 000 m; contaminationTableau 2 - Note b |
7.1.2.5 Crédits d’élimination logarithmique mécanique pour les barrières de traitement
Les usines de traitement de l’eau potable qui respectent les limites de turbidité établies dans le document technique de la recommandation sur la turbidité (Santé Canada, 2012d) peuvent appliquer les crédits d’élimination moyenne des virus entériques figurant au tableau 3. On peut aussi fonder les taux d’élimination logarithmique sur l’efficacité observée ou des études pilotes. En ce qui concerne la filtration in situ, il faudrait consulter l’administration compétente pour connaître les exigences propres au site.
Il est possible d’atteindre les objectifs globaux du traitement des virus en combinant l’élimination logarithmique mécanique et les crédits de désinfection (voir la Section 7.1.3). Par exemple, s’il faut réduire globalement les virus de 6 log (99,9999 %) dans le cas d’un approvisionnement en eau de surface et si la filtration classique en élimine 2 log, il faut alors obtenir la réduction de 4 log qui reste en utilisant un autre procédé comme la désinfection, tout en cherchant à atteindre les objectifs du traitement dans le cas des protozoaires entériques. De même, une source ESSIDES devrait atteindre les objectifs de traitement dans le cas des virus entériques et des protozoaires entériques en combinant l’élimination logarithmique mécanique (naturelle ou technique) et les crédits de désinfection. Les sources d’alimentation souterraines jugées vulnérables aux virus seulement parviendraient habituellement à une réduction de 4 log des virus basée sur les crédits de désinfection (voir la Section 7.1.3).
Barrière de traitement | Crédit d’élimination de virusTableau 3 - Note a (log10) |
---|---|
Filtration conventionnelle | 2,0 |
Filtration directe | 1,0 |
Filtration lente sur sable | 2,0 |
Filtration à diatomées | 1,0 |
Microfiltration | Les membranes de microfiltration peuvent être admissibles au crédit d’élimination des virus lorsqu’elles sont précédées d’une étape de coagulation. L’efficacité de l’élimination est démontrée par des tests de provocation et vérifiée par des tests de vérification directe de l’intégrité |
Ultrafiltration | Démonstration au moyen de l’épreuve de provocationTableau 3 - Note b |
Nanofiltration et osmose inverse | Démonstration au moyen de l’épreuve de provocationTableau 3 - Note b |
Filtration in situ | Détermination propre au siteTableau 3 - Note c |
7.1.3 Inactivation
Il est possible d’utiliser la désinfection primaire pour produire une réduction logarithmique des virus entériques et elle est en général effectuée après les traitements qui retirent les particules et les MON. Cette stratégie aide à assurer l’inactivation efficiente des pathogènes et réduit au minimum la formation de sous-produits de désinfection (SPD). Il est important de signaler que, dans la description de la désinfection microbienne de l’eau potable, le terme « inactivation » indique que le pathogène n’est pas infectieux et ne peut se répliquer dans un hôte convenable, mais qu’il peut encore être présent. L’inactivation des virus par désinfection subit l’effet de tout un éventail de facteurs, dont le type et l’état physiologique du virus et le type de désinfectant. En outre, les paramètres chimiques et physiques de la qualité de l’eau comme le pH, la température, les éléments constituants inorganiques et organiques, sans oublier les conditions hydrauliques comme la conception du réacteur et les conditions de mélangeage, ont aussi un effet sur l’efficience de la désinfection (Sobsey, 1989).
Cinq désinfectants sont utilisés couramment pour traiter l’eau potable : le chlore libre, la monochloramine, l’ozone, le dioxyde de chlore et les rayons UV. À l’exception de ces derniers, basés sur la radiation électromagnétique, ce sont tous des agents oxydants. Les désinfectants chimiques inactivent les microorganismes en détruisant ou en endommageant la structure de leurs cellules, leur métabolisme, leur biosynthèse et leur croissance, alors que les rayons UV endommagent l’acide nucléique des pathogènes, ce qui les empêche de se reproduire et les rend par conséquent incapables de compléter des cycles infectieux.
Le chlore libre est le produit chimique le plus souvent utilisé pour la désinfection primaire, parce qu’il est facile de s’en procurer, qu’il est relativement peu coûteux et qu’il fournit un résidu qu’il est possible d’utiliser pour la désinfection secondaire afin de maintenir la qualité de l’eau dans le réseau de distribution. Le chlore libre est un oxydant efficace pour l’inactivation minimale des virus entériques (U.S. EPA, 1991). À titre exemple, une concentration moyenne de chlore de 0,5 mg/L et un temps de contact de 15 minutes peuvent produire une inactivation des virus supérieure à 4 log à 20 °C. L’utilisation de la monochloramine est en général limitée à la désinfection secondaire (c.-à-d. l’entretien résiduel) parce que son pouvoir oxydant est faible. L’ozone et le dioxyde de chlore sont des désinfectants efficaces contre les virus entériques, mais ils coûtent habituellement plus cher et sont plus difficiles à appliquer, en particulier dans les petits systèmes. L’ozone se dégrade toutefois facilement après l’application et ne produit pas de résidu pour la désinfection secondaire (Santé Canada, 2008). La désinfection aux UV est efficace pour inactiver la plupart des virus entériques à l’exception de l’adénovirus, dont l’inactivation nécessite une forte dose.
7.1.3.1 Désinfection chimique
Il est possible de prédire l’efficacité des désinfectants chimiques en fonction de la concentration résiduelle d’un désinfectant en particulier et des facteurs qui jouent sur son efficacité, surtout la température, le pH, le temps de contact et le degré de désinfection requis (U.S. EPA, 1991). Cette relation est appelée couramment « concept CT », où CT représente le produit de « C » (concentration résiduelle d’un désinfectant, en mg/L) par « T » (temps de contact avec le désinfectant, en minutes) pour un microorganisme en particulier dans des conditions définies (p. ex., température et pH). Pour refléter la décroissance du désinfectant, on préfère habituellement déterminer la concentration résiduelle à la sortie de la zone de contact au lieu d’utiliser la dose appliquée ou la concentration initiale.
On calcule habituellement le temps de contact T en utilisant une valeur T10 qui est définie comme le temps de séjour durant lequel l’eau atteint ou dépasse le temps de contact requis dans une proportion de 90 %. On peut estimer cette valeur T10 en multipliant le temps de séjour (c.‑à‑d. le volume du réservoir divisé par le débit) par le facteur de déflexion de la chambre de contact. L’U.S. EPA (1991) fournit les facteurs de déflexion pour des exemples de chambres de contact. Un essai de traçage hydraulique peut aussi déterminer le temps de contact réel dans les conditions de débit de l’usine. La valeur T dépend des caractéristiques hydrauliques de l’usine de traitement des eaux. Il est plus efficace d’améliorer les caractéristiques hydrauliques (c.-à-d. augmenter le facteur de déflexion) que d’augmenter la dose de désinfectant pour respecter les exigences relatives au facteur CT, ce qui peut se faire par des modifications physiques, comme l’ajout de déflecteurs dans la chambre ou le bassin de contact. Il est important de tenir compte des caractéristiques hydrauliques de la chambre de contact lorsqu’on procède à une évaluation quantitative du risque pour un site en particulier. Il existe trois stratégies d’évaluation du risque : l’exposition réglementaire à la désinfection (CT10), l’exposition médiane à la désinfection (CT50) et les réacteurs à fonctionnement continu reliés en série (N-CSTR, N représentant le nombre de réacteurs à fonctionnement continu en série). La méthode N-CSTR permet d’obtenir des estimations des risques plus fiables que celles d’autres approches, en particulier pour l’ozone (Smeets et coll., 2006; Tfaily et coll., 2015).
Le document de l’U.S. EPA (1991) présente des tableaux CT pour l’inactivation de 2 log, 3 log et 4 log des virus. Le tableau 4 présente certaines valeurs CT pour l’inactivation de 4 log (99,99 %) des virus entériques avec le chlore, la chloramine, le dioxyde de chlore et l’ozone. Ces valeurs indiquent que la chloramine est un désinfectant beaucoup plus faible que le chlore libre, le dioxyde de chlore et l’ozone, puisqu’il faut des concentrations ou des temps de contact beaucoup plus élevés pour atteindre le même taux d’inactivation. La chloramine n’est donc pas recommandée comme désinfectant primaire.
Température (°C) | Valeurs CT (mg-min/L) pour une inactivation de 99,99 % (4 log) | |||
---|---|---|---|---|
Chlore libre (Cl2) |
Chloramine (NH2Cl) |
Dioxyde de chlore (ClO2) |
Ozone (O3) |
|
5 | 8 | 1988 | 33,4 | 1,2 |
20 | 3 | 746 | 12,5 | 0,5 |
Des études portant sur plusieurs virus entériques révèlent des degrés différents de résistance aux désinfectants chimiques (Engelbrecht et coll., 1980; Payment et coll., 1985; Hoff, 1986; Sobsey et coll., 1988; Payment et Armon, 1989; U.S. EPA, 1989; AWWA, 1999, 2011a; Thurston-Enriquez et coll., 2003a, 2005a,b). Ces études ont révélé que le VHA résistait davantage à l’inactivation au dioxyde de chlore et à l’ozone que d’autres types de virus. Le VHA résistait plus au chlore libre que le rotavirus et l’adénovirus 40, mais la vulnérabilité du coxsackievirus B5 et du poliovirus de type 1 variait considérablement d’une étude à l’autre et l’on a indiqué à l’occasion qu’ils étaient plus résistants que le VAH. Les objectifs de désinfection et les tableaux des valeurs CT sont donc fondés sur des valeurs s’appliquant au VHA à l’exception de l’ozone, qui repose sur l’inactivation du poliovirus (U.S. EPA, 1991). Le Tableau 5 présente les valeurs CT tirées de diverses études où divers désinfectants chimiques ont produit une inactivation de 2 log (99 %) de plusieurs virus.
Comme il est impossible de cultiver le norovirus humain, on a utilisé des substituts comme le calcivirus félin et le norovirus murin pour calculer les valeurs CT requises afin d’inactiver efficacement le norovirus humain dans l’eau potable. Lim et coll. (2010) ont signalé des valeurs CT de 0,141 et de 0,071 mg-min/L dans le cas du norovirus murin lorsqu’on utilise du chlore et du dioxyde de chlore (5 °C et pH de 7,2). Les auteurs ont signalé que ces résultats indiquent que le norovirus murin est beaucoup moins résistant que d’autres virus entériques (p. ex., poliovirus de type 1). Ils ont de plus laissé entendre que les valeurs CT recommandées couramment pour l’inactivation du virus au moyen du chlore et du dioxyde de chlore (Tableau 5) suffisent pour produire une réduction de 4 log du norovirus humain. Des dosages RT-PCR qui ont démontré que le norovirus est moins résistant à la désinfection au chlore que le poliovirus type 1 appuient ces conclusions (Shin et Sobsey, 2008; Kitajima et coll., 2010b).
Virus | Valeurs CT pour une inactivation de 2 log (99 %) | |||
---|---|---|---|---|
Chlore libre (Cl2) pH 6–7 |
Chloramine (NH2Cl) pH 8–9 |
Dioxyde de chlore (ClO2) pH 6–7 |
Ozone (O3) pH 6–7 |
|
Poliovirus 1Tableau 5 - Note a,Tableau 5 - Note b,Tableau 5 - Note c | 1,1–6 | 768–3740 | 0,2–6,7 | 0,1–0,2 |
RotavirusTableau 5 - Note c | 0,01–0,05 | 3806–6476 | 0,2–2,1 | 0,006–0,06 |
Virus de l’hépatite ATableau 5 - Note d | 0,7–1,18 | 428–857 | <0,17–2,8 | 0,5 |
Coxsackievirus B5Tableau 5 - Note a,Tableau 5 - Note b,Tableau 5 - Note d,Tableau 5 - Note f | 1,7–12 | 550 | n.d. | n.d. |
Adénovirus 40Tableau 5 - Note e,Tableau 5 - Note f | 0,02–2,4 | 360 | 0,25 | 0,027 |
n.d. = non disponible |
Les caractéristiques physiques de l’eau, comme la température, le pH et la turbidité, peuvent avoir un effet important sur l’inactivation et l’élimination des pathogènes. Les taux d’inactivation, par exemple, doublent ou triplent par tranche de 10 °C d’élévation de la température. Lorsque les températures approchent 0 °C, comme c’est souvent le cas en hiver au Canada, l’efficacité de la désinfection diminue et il faut augmenter la concentration de désinfectant ou le temps de contact (CT) avec celui‑ci, ou les deux, pour atteindre le même degré d’inactivation. L’efficacité de certains désinfectants varie également selon le pH. Lorsque l’on emploie du chlore libre, une augmentation du pH de 6 à 10 réduit de 8 à 10 fois le taux d’inactivation (U.S. EPA, 1991). De même, la désinfection par la chloramine diminue à mesure que le pH augmente (Cromeans et coll., 2010; Kahler et coll., 2011). Par contre, Thurston-Enriquez et coll. (2005a) ont signalé que le dioxyde de chlore est 1,9 et 19,3 fois plus efficace à un pH de 8 qu’à un pH de 6 pour l’adénovirus 40 et le calicivirus félin, respectivement. On a fait état de résultats semblables pour d’autres virus entériques désinfectés au dioxyde de chlore (Alvarez et O’Brien, 1982; Moss et Olivieri, 1985). On a démontré que le pH avait peu d’effet sur l’efficacité de l’inactivation des virus par l’ozone, même si un pH plus élevé a un effet sur la stabilité de l’ozone et, par conséquent, augmente la demande en ozone.
La réduction de la turbidité est un préalable important pour l’inactivation des virus et d’autres microorganismes. La désinfection chimique peut être inhibée, car les particules auxquelles ils sont liés peuvent protéger les virus et d’autres microorganismes. On a observé des effets négatifs des virus liés à des particules sur les procédés de désinfection au cours de plusieurs études (Templeton et coll., 2008). Le document technique de la recommandation sur la turbidité (Santé Canada, 2012d) traite plus en détail de l’effet de la turbidité sur l’efficience du traitement.
La désinfection chimique peut entraîner la formation de sous-produits, dont certains présentent un risque pour la santé. Le chlore, le désinfectant utilisé le plus couramment, réagit avec la MON pour former des trihalométhanes (THM) et des acides haloacétiques (AHA), ainsi que d’autres composés organiques halogénés (Rook, 1976; Krasner et coll., 2006). Les systèmes qui utilisent la monochloramine et, dans une moindre mesure, ceux qui utilisent le chlore libre peuvent aussi former de la N‑diméthylnitrosamine (NDMA). Du bromate peut se former dans les systèmes qui utilisent des solutions d’hypochlorite produites sur les lieux ou achetées dans le commerce (Santé Canada, 2016). L’utilisation de dioxyde de chlore et d’ozone peut aussi entraîner la formation de SPD inorganiques, comme le chlorite/chlorate et le bromate respectivement. Il faut tenir compte de l’effet éventuel des SPD lorsqu’on choisit un désinfectant chimique, mais il est essentiel que les tentatives de réduction de la formation de sous-produits ne nuisent pas à l’efficacité de la désinfection. Les recommandations appropriées offrent plus de renseignements à ce sujet (Santé Canada, 2006, 2008a, 2008b, 2011, 2016).
7.1.3.2 Désinfection aux rayons ultraviolets
Dans le cas de la désinfection aux rayons UV, le produit de la multiplication de l’intensité lumineuse « I » (mesurée en mW/cm2 ou W/cm2) et du temps « T » (mesuré en secondes) est la dose calculée (fluence) en mJ/cm2 pour un microorganisme donné. Cette relation est appelée concept IT. La désinfection aux rayons UV s’effectue à l’aide de lampes à basse pression (BP) qui émettent des rayons UV essentiellement sur une seule longueur d’onde (~254 nm) (monochromatiques), ou de lampes à pression moyenne (PM), qui émettent des rayons sur un spectre plus large (polychromatiques). Les diodes électroluminescentes aux ultraviolets (DEL-UV) constituent une nouvelle technologie pour le traitement des eaux aux rayons UV (Wright et coll., 2012). Dans une critique d’études publiées sur l’application des DEL-UV, Song et coll. (2016) ont toutefois conclu qu’il faut une méthode normalisée de détermination de la dose de rayons UV émise par les DEL-UV afin de réduire les données incohérentes et incomparables sur la dose-réponse actuellement disponible dans les publications.
On a effectué de nombreuses études en laboratoire dans des conditions bien précises pour déterminer la sensibilité des virus aux rayons UV monochromatiques (BP). Le Tableau 11 résume la plage des doses de rayons UV requises pour produire divers niveaux d’inactivation au moyen de lampes BP. Les données indiquent que dans la plupart des cas, sauf dans celui de l’adénovirus, il est possible de produire une inactivation de 4 log des virus en appliquant une dose de rayons UV BP de 40 mJ/cm2 (Chang et coll., 1985; Arnold et Rainbow, 1996; Meng et Gerba, 1996; AWWA, 2011a; U.S. EPA, 2000; Cotton et coll., 2001; Hofmann, 2015). En se fondant sur une analyse de données dose-réponse UV BP publiées, Hijnen et Medema (2010) ont signalé, pour le poliovirus, le rotavirus, le calicivirus, le virus de l’hépatite A et le coxsackievirus, des constantes du taux d’activation variant de 0,10 à 0,19 mJ/cm2. Ils ont aussi signalé des inactivations maximales de 4,1 à 5,7 log à des doses de rayons UV de 28 à 50 mJ/cm2 (Hijnen et Medema, 2010). Chevrefils et coll., Hijnen et Medema (2010) et Hofmann (2015) présentent des tableaux détaillés sur les doses de rayons UV et les constantes du taux d’inactivation pour divers virus.
Comme l’indique le Tableau 6, les adénovirus résistent beaucoup plus que d’autres virus entériques à la désinfection aux rayons UV monochromatiques (BP) (Eischeid et coll., 2009; Cotton et coll., 2001; Thurston-Enriquez et coll., 2003b; Nwachuku et coll., 2005; Guo et coll., 2010b; Rochelle et coll., 2011; Beck et coll., 2014; Sangsanont et coll., 2014). Les données tirées de ces études indiquent qu’il faut des doses variant de 82 à 261 mJ/cm2 pour produire une inactivation de 4 log (99,99 %) de l’adénovirus 2, 5, 40 et 41 dans une eau tamponnée sans demande de chlore. Il semble que les virus à ADN bicaténaire, comme les adénovirus, résistent davantage aux rayons UV que les virus à ARN monocaténaire (comme le VHA) (Meng et Gerba, 1996; Calgua et coll., 2014). Guo et coll. (2010b) ont remarqué que la résistance de l’adénovirus aux rayons UV est attribuable non pas à la résistance aux dommages initiaux causés à l’ADN par les rayons UV, mais plutôt à la capacité de la cellule infectée de réparer l’ADN de l’adénovirus pour le rendre de nouveau virulent.
Plusieurs études ont démontré une inactivation plus importante de l’adénovirus, du rotavirus et des calicivirus par les rayons UV à PM comparativement aux rayons à BP (Malley et coll., 2004; Linden et coll., 2009; Beck et coll., 2014). Linden et coll. (2007) ont produit une inactivation de 3 log de l’adénovirus 40 au moyen d’une source de rayons UV polychromatiques à une dose d’environ 30 mJ/cm2 et à des longueurs d’onde de 220 et 228 nm. On a obtenu une inactivation de 4 log des rotavirus à une dose moyenne de rayons UV de 40 mJ/cm2. Beck et coll. (2014) ont démontré que des doses variant de 9 à 25 mJ/cm2 à des longueurs d’onde de 210, 220 et 230 nm pouvaient produire une inactivation de 4 log de l’adénovirus 2. D’autres études ont montré qu’il faut des doses variant de 22 à 117 mJ/cm2 pour inactiver l’adénovirus 2, 5, 40 ou 41 au moyen de lampes à PM (Eischeid et coll., 2009; Linden et coll., 2007, 2009; Shin et coll., 2009; Guo et coll., 2010b; Sangsanont et coll., 2014).
Il est démontré que l’adénovirus est plus sensible que des microbes de validation types (c.‑à‑d. MS2) aux rayons UV à faible longueur d’onde (Linden et coll., 2015). Il peut donc être utile pour les services publics qui utilisent des lampes à PM d’inclure de basses longueurs d’onde dans leur calcul de l’efficacité de la désinfection aux rayons UV. Beck et coll. (2014) ont calculé des facteurs de correction des spectres d’intervention et des méthodes de mise en œuvre pour aider ces services publics à atteindre les objectifs d’inactivation des virus nécessaires pour se conformer à la réglementation, mais les technologies actuelles à capteurs UV ne permettent pas de surveiller les basses longueurs d’onde dans un réacteur UV. On est en train de mettre au point une technologie pour faciliter la surveillance de basses longueurs d’onde UV.
Dans les réseaux d’approvisionnement en eau au Canada, on applique habituellement une dose de rayons UV de 40 mJ/cm2, souvent combinée à une désinfection au chlore ou à d’autres barrières physiques (Ministère de l’Environnement de l’Ontario, 2006). Cette dose suffit pour produire une inactivation de 4 log de nombreux virus entériques, y compris le poliovirus, le rotavirus, les calicivirus, le virus de l’hépatite A et les coxsackievirus. Une de rayons UV de 40 mJ/cm2 administrée à l’aide de lampes à BP produit toutefois une inactivation de 0,5 log seulement des adénovirus. Il est possible de combiner les rayons UV à d’autres technologies d’inactivation (c.‑à‑d. stratégie à désinfectants multiples) pour produire une réduction de 4 log des virus. Au cours d’une étude en laboratoire, par exemple, Baxter et coll. (2007) ont constaté qu’une concentration de 0,22 mg/L de chlore conjuguée à une période de contact variant d’une à 10 minutes dans une eau sans demande de chlore (pH = 8,5, T = 5 oC) produisait une inactivation de 4 log de l’adénovirus. Rattanakul et coll. (2015) ont signalé qu’il est possible de produire une inactivation de 4 log de l’adénovirus 5 à des doses de rayons UV de lampes à BP pouvant atteindre 50 mJ/cm2 suivies d’une dose de chlore de 0,15 mg/L combinée à une durée de contact de 40 secondes (pH = 7,2, T = 20 oC).
Par ailleurs, une autorité responsable peut choisir un virus entériques comme le rotavirus comme organisme cible (c.‑à‑d. celui qu’on trouve au Tableau 6) parce que même si l’adénovirus a été détecté dans l’eau, on n’a pas établi de lien avec l’affection GIA (Borchardt et coll., 2012). Il convient de signaler que même si les rayons UV peuvent produire une inactivation de 4 log (à une dose de 40 mJ/cm2) de la plupart des virus entériques, beaucoup de réseaux de distribution d’eau potable exigent une inactivation logarithmique plus importante et une stratégie à désinfectants multiples s’impose.
Doses de rayons UV requises (mJ/cm2) | ||||
---|---|---|---|---|
Virus | 1-log | 2-log | 3-log | 4-log |
Virus de l’hépatite A | 4,1–5,5 | 8,2–13,7 | 12,3–22 | 16,4–29,6 |
Coxsackievirus B5, B6 | 6,9–9,5 | 13,7–18 | 20,6–27 | 36 |
Poliovirus de type 1 | 4,0–8 | 8,7–15,5 | 14,2–29 | 20,6–38 |
Rotavirus SA-11Tableau 6 - Note b, RVH-Wa | 7,1–10 | 14,8–26 | 23–44 | 36–61 |
Adénovirus 2, 5, 40, 41 | 10–76 | 26–137 | 39–199 | 51–261 |
En pratique, la dose de rayons UV administrée dans les usines de traitement pleine grandeur dépend d’un certain nombre de facteurs, dont le profil hydraulique du réacteur, le débit, le facteur de transmittance des rayons UV de l’eau, l’intensité des rayons UV, la puissance lumineuse des lampes, l’endroit où les lampes sont placées, l’âge des lampes, l’encrassement et la cinétique de l’inactivation des microbes (U.S. EPA, 2006b; Bolton et Cotton, 2008). Il faut effectuer des tests de validation visant à déterminer les conditions de fonctionnement dans lesquelles le réacteur produira la dose de rayons UV. Plusieurs stratégies différentes d’essais de validation des rayons UV sont disponibles et abordées dans ONORM (2001, 2003) et dans U.S. EPA (2006b). Ces stratégies sont basées sur des tests biodosimétriques visant à déterminer l’inactivation logarithmique de microorganismes de provocation en particulier pour un réacteur donné en combinaison avec des liens fluence-réponse connus. À partir de ces données, il est possible de déterminer une fluence équivalente correspondante pour un système en particulier. Il faut surveiller constamment le réacteur au moyen de capteurs étalonnés périodiquement pour vérifier qu’il reste dans les limites des conditions validées et qu’il produit la dose requise. Il est possible de vérifier encore davantage l’efficacité de systèmes UV pleine grandeur en contrôlant l’inactivation de spores environnementales de clostridium sulfitoréducteur (Hijnen et coll., 2004b). Il faut aussi tenir compte de questions opérationnelles afin que l’efficacité du réacteur ne soit pas compromise (p. ex., mise en marche, panne, encrassement et nettoyage des lampes, entretien des capteurs UV) (U.S. EPA, 2006b).
La désinfection par les rayons UV est en général utilisée après les procédés d’enlèvement des particules, comme la filtration, afin de minimiser la protection des organismes pathogènes par des particules en suspension. Plusieurs études récentes ont analysé l’effet des particules sur l’efficacité de la désinfection aux rayons UV et dans la plupart des cas, on a conclu que les variations de turbidité de 10 UTN et moins n’avaient pas d’effet sur la réaction des microorganismes à la dose de rayons UV (Christensen et Linden, 2002; Batach et coll., 2004; Mamane-Gravetz et Linden, 2004; Passantino et coll., 2004). On a constaté toutefois que la présence de particules d’acide humique et de coagulants a un effet considérable sur l’efficacité de la désinfection aux rayons UV, l’inactivation obtenue étant plus faible en présence de ces substances (Templeton et coll., 2005). Templeton et coll. (2007) ont constaté que l’inactivation des MS2 était moins importante pendant les périodes de maturation et de fin de vie du filtre, au cours desquelles la turbidité dépassait 0,3 UTN. Les auteurs ont aussi signalé que dans des échantillons d’influents non filtrés (plage de 4,4 à 9,4 UTN), la désinfection par rayons UV des phages en présence de flocons d’acide humique diminuait d’une proportion statistiquement significative (environ 0,5 log) comparativement à l’eau ne contenant pas de particule (Templeton et coll., 2005, 2007).
Templeton et coll. (2005) ont constaté aussi que les particules organiques qui absorbent les rayons UV (c.-à-d. les substances humides) protégeaient les bactériophages MS2 liés aux particules contre les rayons UV, alors que les particules inorganiques de kaolinton ne les protégeaient pas. Templeton et coll. (2008) ont conclu que les caractéristiques des particules des virus liés à des particules (taille, structure, composition chimique) et le type de désinfectant appliqué étaient plus pertinents que la turbidité.
Pour les approvisionnements en eau souterraine dont la teneur en fer est élevée, Templeton et coll. (2006) ont constaté que le précipité d’oxyde de fer dans les échantillons d’eau souterraine oxydés par l’air pouvait nuire à la désinfection par les rayons UV. Les auteurs ont remarqué que les particules d’oxyde de fer qui causent la turbidité dans l’eau non traitée (2,7 UTN) ont fait baisser de 0,2 log l’inactivation de MS2 à une dose de rayons UV de 40 mJ/cm2 (Templeton et coll., 2006). Les auteurs ont signalé que le fait que les particules de fer ont produit un effet à une turbidité relativement basse indique que certains types de particules inorganiques peuvent protéger les virus contre l’inactivation par les rayons UV. Les services publics devraient par conséquent s’efforcer de maintenir des conditions de filtration optimales en amont de la désinfection par les UV (Templeton et coll., 2007).
On s’attend à ce que les rayons UV entraînent une formation minime de DBP (Peldszus et coll., 2000; Hijnen et coll., 2006; Bolton et Cotton, 2008). Wang et coll. (2015) ont toutefois fait état de la formation de chlorate et de bromate pour les procédés d’oxydation avancée (POA) utilisant les rayons UV et le chlore (UV >1 000 mJ/cm2; chlore libre = 5 à 10 mg/L), et les rayons UV et le peroxyde d’hydrogène (données non présentées). Selon les publications, des nitrites se forment aussi à partir des nitrates. Sharpless et Linden (2001) ont cependant fait état de la formation de moins de 0,1 mg/L d’azote sous forme de nitrite à partir d’une concentration d’azote-nitrates de 10 mg/L lorsque la dose de rayons UV utilisée atteignait 400 mJ/cm2. Les auteurs ont conclu que la formation de nitrite est peu susceptible de représenter un risque pour la santé pendant la désinfection aux rayons UV à l’aide de lampes à PM. Comme pour les désinfectants chimiques, il faut tenir compte de l’incidence éventuelle des SPD lorsque les rayons UV sont utilisés. Il est toutefois essentiel que les tentatives de réduction de la formation de SPD ne nuisent pas à l’efficacité de la désinfection. Il est possible d’obtenir plus d’information de Santé Canada (2008a, 2015).
7.1.3.3 Utilisation de multiples désinfectants
Une stratégie à désinfectants multiples faisant appel à au moins deux étapes de désinfection primaire (c.-à-d. combinaison séquentielle de désinfectants) parvient à inactiver les virus entériques, ainsi que d’autres microorganismes, présents dans l’eau potable. Il est possible d’utiliser les rayons UV et le chlore libre, par exemple, de façon complémentaire au cours de la désinfection afin d’inactiver les protozoaires, les virus et les bactéries. Comme les rayons UV sont très efficaces pour inactiver les protozoaires (mais le sont moins contre certains virus) et comme le chlore est très efficace pour inactiver les bactéries et les virus (mais l’est moins contre les protozoaires), la stratégie à désinfectants multiples permet d’utiliser des doses plus faibles de chlore. Cette stratégie réduit donc la formation de SPD. Dans certaines usines de traitement, on utilise de l’ozone pour éliminer les composés à l’origine du goût et de l’odeur de l’eau, puis on procède à une désinfection au chlore. On pourrait alors considérer que l’ozone et le chlore pourraient permettre d’atteindre les objectifs globaux du traitement : tout dépend de facteurs comme la conception hydraulique du contacteur d’ozone et la présence d’ozone résiduel à la prise d’eau de l’effluent du contacteur.
Les approvisionnements qui utilisent du chlore liquide conformément à une stratégie à désinfectants multiples devraient utiliser des solutions d’hypochlorite homologuées conformes à la norme NSF International (NSF)/American National Standards Institute (ANSI) 60 (NSF/ANSI, 2015a) et suivre les recommandations relatives à la manutention et à l’entreposage de l’hypochlorite qui sont présentées dans le document de Santé Canada (2015).
7.1.4 Réseau de distribution
Un réseau de distribution bien entretenu constitue un élément crucial de l’approche à barrières multiples qui vise à fournir de l’eau potable propre (Fisher et coll., 2000). Plusieurs études ont toutefois signalé que la contamination consécutive au traitement dans le réseau de distribution peut être à l’origine d’une partie des affections GIA endémiques (Payment et coll., 1991, 1997; Hunter et coll., 2005; Nygård et coll., 2007). Lambertini et coll. (2012) ont démontré clairement que les virus pénètrent directement dans les réseaux de distribution et causent des affections GIA (voir la Section 5).
Les virus peuvent pénétrer dans un réseau de distribution au cours de la construction de la conduite principale (p. ex., réparation d’une rupture de la conduite principale ou installation de conduites neuves) ou dans le contexte des activités normales d’exploitation et d’entretien qui créent des transitoires de pression (p. ex., fonctionnement de vannes/bornes, démarrage/arrêt de pompes) (LeChevallier et coll., 2003; Nygård et coll., 2007; Lambertini et coll., 2011). Les biofilms des réseaux de distribution peuvent aussi accumuler et rejeter des virus pathogènes infectieux pour l’être humain à la suite d’un événement de contamination (Quignon et coll., 1997; Storey et Ashbolt, 2003; Skraber et coll., 2005; Wingender et Flemming, 2011; Kauppinen et coll., 2012). Les facteurs qui jouent sur l’intrusion des virus dans le réseau de distribution comprennent la durée d’un événement à pression négative ou à basse pression, l’importance de la fuite et la concentration de virus dans le sol ou l’eau adjacents à la conduite principale d’eau, qui peut être importante dans le cas d’une fuite d’un égout sanitaire (Teunis et coll., 2010). La capacité d’un désinfectant secondaire d’inactiver l’intrusion virale dépend du type de résidu (c.‑à‑d. chlore libre ou chloramine) et de la concentration et de la demande de résidu générée par l’eau ou le sol qui pénètre dans le réseau de distribution. On a signalé que les résidus de désinfectants secondaires types sont inefficaces pour inactiver les virus dans le réseau de distribution (Payment, 1999; Betanzo et coll., 2008).
Des virus peuvent pénétrer dans le réseau et peuvent se fixer aux biofilms des conduites, s’accumuler dans le réseau de distribution et se détacher par la suite. Des mesures de protection des sources d’approvisionnement en eau, l’optimisation du traitement, le maintien de l’intégrité physique et hydraulique du réseau de distribution et la réduction du nombre de phénomènes de pression négative ou de basse pression sont essentiels pour limiter l’entrée des virus dans le réseau de distribution (Karim et coll., 2003). La modélisation hydraulique des réseaux de distribution peut indiquer les points du réseau qui risquent le plus d’être frappés par des pressions négatives ou de basses pressions (Teunis et coll., 2010). Il faut contrôler régulièrement la qualité de l’eau du réseau de distribution (p. ex., indicateurs microbiens, résidus de désinfectant, turbidité, pH), mettre en place des programmes de fonctionnement et d’entretien (p. ex., nettoyage de la conduite principale, prévention des retours d’eau polluée, gestion des biens) et pratiquer une hygiène rigoureuse pendant tous les travaux de construction, de réparation et d’entretien de la conduite principale afin que l’eau potable soit acheminée jusqu’au consommateur sans perdre beaucoup de sa qualité (Kirmeyer et coll., 2001, 2014). On a aussi signalé que l’ouverture d’une vanne seulement avant de laisser pénétrer l’eau d’une section isolée à la suite des travaux de réparation de la conduite principale réduit le risque (Blokker et coll., 2014). On recommande aussi de surveiller les pressions dans le réseau de distribution afin d’optimiser le rendement du réseau (Feffer et coll., 2016).
7.2 Échelle résidentielle
Le traitement de l’eau potable à l’échelle municipale est conçu pour réduire la présence d’organismes pathogènes et des risques à la santé connexes pour les ramener à un niveau acceptable ou sécuritaire. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire habituellement d’utiliser, dans les résidences, des dispositifs de traitement de l’eau déjà traitée par les installations municipales, mais il s’agit essentiellement d’un choix individuel.
Les eaux souterraines constituent une source commune d'eau potable pour les approvisionnements en eau individuels ou de petite taille. Comme nous l’avons vu aux sections 5.1.2 et 5.5, on a détecté des virus dans de nombreux types différents d’aquifères, y compris les aquifères de sable, de gravier, de substratum rocheux fracturé et de karst confinés et non confinés. Dans la plupart des cas, on a déterminé que des sources de matières fécales souterraines comme des égouts ou des fosses septiques qui fuient constituent la source probable de contamination virale de ces types de puits. Le Tableau 1 présente la liste des facteurs qui ont une incidence sur la probabilité de contamination virale des eaux souterraines. Des études ont aussi révélé que des virus peuvent survivre et parcourir des centaines à des milliers de mètres dans les eaux souterraines selon le type de matériau qui constitue l’aquifère (p. ex., sable à gros grains, gravier, roc fracturé). Des données épidémiologiques ont en outre établi un lien entre la consommation d’eau souterraine non traitée contaminée par des matières fécales et des maladies entériques. Par conséquent, les petits approvisionnements qui desservent au public de l'eau potable provenant de sources d'eau souterraine (c.‑à‑d. réseaux semi-publics) qui sont vulnérables à la contamination virale devraient être traités pour enlever ou inactiver les virus entériques.
Lorsqu’un ménage tire son eau potable d’un puits privé, il faut évaluer la vulnérabilité de la source à la contamination virale. Même s’il est difficile pour les propriétaires d’évaluer en détail la vulnérabilité de leur puits à la contamination virale, il est possible de prendre des mesures pour réduire au minimum la probabilité de contamination d’un puits. Les gouvernements provinciaux et territoriaux offrent des conseils généraux sur la construction des puits, l’entretien, la protection et l’analyse. Lorsqu’ils songent au potentiel de contamination virale en particulier, les propriétaires de puits devraient comprendre la construction des puits, le type de matériau d’aquifère qui entoure le puits, ainsi que l’emplacement du puits par rapport aux sources de contamination fécale (c.‑à‑d. fosses septiques, égouts sanitaires, déchets animaux, etc.). Il est possible de tirer ces renseignements de dossiers fournis au propriétaire au cours de la construction du puits et de la fosse septique, ainsi que de bases de données logarithmique, de cartes sur la vulnérabilité des aquifères et d’évaluations des eaux souterraines régionales que l’on peut généralement obtenir des gouvernements provinciaux et territoriaux. S’il n’y a pas suffisamment d’information disponible pour déterminer la vulnérabilité d’un puits à la contamination virale, il faut le traiter pour réduire les risques. En général, l’eau de surface n’est pas recommandée pour l’approvisionnement en eau privé ou semi-public, sauf si elle est dûment filtrée et désinfectée, et si sa qualité est contrôlée.
L’analyse de l’eau du puits peut fournir aux propriétaires d’autres renseignements qu’ils peuvent utiliser de concert avec de l’information supplémentaire sur la construction de puits, l’emplacement et les caractéristiques de l’aquifère pour déterminer si leur puits peut être vulnérable à la contamination virale. On recommande plus particulièrement d’analyser les paramètres qui peuvent donner une idée de la contamination possible de l’eau du puits par une fosse septique ou par des eaux de surface à cause de la mauvaise intégrité du puits. Les propriétaires de puits privés devraient analyser périodiquement (deux ou trois fois par année) leurs puits pour en déterminer les paramètres bactériologiques (p. ex., coliformes totaux et E. coli). Santé Canada (2012a, b) offre de l’information sur la façon d’interpréter les résultats d’analyse portant sur les coliformes totaux et E. coli.
La présence de concentrations de nitrate et de chlorure dépassant les concentrations de fond (> 0,90 à 2,0 mg NO3-N/L; > 10 mg/L Cl–) peut illustrer l’effet des effluents de fosse septique sur la qualité de l’eau de puits (Roberston et coll., 1989; Harman et coll., 1996; Santé Canada, 2013; Robertson et coll., 2013; Schaider et coll., 2016). Des études ont aussi établi un lien entre la présence de nitrate et de chlorure (au‑dessus des concentrations de fond) et celle de virus entériques dans des puits privés (Borchardt et coll., 2003; Francy et coll., 2004). C’est pourquoi il est utile d’analyser périodiquement ces paramètres pour déterminer si les effluents de fosse septique ont une incidence sur un puits. L’analyse de la présence de paramètres décrite ci‑dessus produit de l’information qui peut déterminer si un puits peut être contaminé par des matières fécales, mais leur absence n’indique pas qu’il n’y a pas de pathogènes viraux.
Là où un traitement s’impose, il existe divers moyens possibles de traiter les eaux de la source d’approvisionnement afin de produire de l’eau potable de grande qualité ne contenant pas d’agents pathogènes. Ces moyens comprennent la filtration et la désinfection à l’aide de composés à base de chlore ou de techniques de remplacement, comme l’utilisation des rayons UV. Ces technologies s’apparentent aux procédés de traitement municipaux, mais elles sont appliquées à plus petite échelle. Il existe en outre d’autres procédés de traitement, comme la distillation, qui conviennent pour les approvisionnements en eau privés ou de petite taille seulement. La plupart de ces technologies ont été intégrées dans des dispositifs au point d’entrée (PE), qui traitent toute l’eau pénétrant dans le système, ou de dispositifs au point d’utilisation (PU), qui traitent l’eau à un seul point, par exemple, au robinet de la cuisine. Il ne faut pas installer au point d’entrée des technologies au point d’utilisation, car l’eau traitée peut être corrosive pour les éléments de plomberie interne.
Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l’eau potable, mais le ministère conseille vivement aux consommateurs d’utiliser seulement des dispositifs homologués par un organisme de certification agréé comme étant conformes à la norme NSF/ANSI appropriée. Ces normes visent à protéger l’eau potable en aidant à garantir l’innocuité des matériaux et l’efficacité des produits qui entrent en contact avec l’eau potable.
Les organismes d’homologation garantissent qu’un produit ou service est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, le Conseil canadien des normes (CCN) a accrédité les organismes suivants, qu’il autorise ainsi à homologuer les dispositifs de traitement de l’eau potable qui respectent les normes NSF/ANSI pertinentes (CCN, 2016) :
- Canadian Standards Association International (www.csa-international.org);
- NSF International (www.nsf.org);
- Water Quality Association (www.wqa.org);
- Underwriters Laboratories Inc. (www.ul.com);
- Bureau de normalisation du Québec (www.bnq.qc.ca);
- International Association of Plumbing & Mechanical Officials (www.iapmo.org).
On peut obtenir une liste à jour des organismes de certification agréés en s’adressant directement au CCN (2016).
Il faut faire analyser régulièrement par un laboratoire certifié l’eau pénétrant dans le dispositif de traitement, de même que l’eau traitée, afin de s’assurer que le dispositif en question est efficace. La capacité d’élimination des dispositifs de traitement diminue avec le temps et l’utilisation, et il faut les entretenir ou les remplacer. Les consommateurs doivent vérifier la longévité prévue des éléments de leur dispositif de traitement selon les recommandations du fabricant, et établir un calendrier d’entretien clair. Il faut inspecter les dispositifs de traitement et les entretenir selon le calendrier d’entretien et les recommandations du fabricant.
Les systèmes semi-publics et privés qui ont recours à la désinfection utilisent généralement le chlore ou les rayons UV en raison de leur disponibilité et de leur facilité relative d’utilisation. Le colmatage et l’encrassement de la surface de la lampe UV constituent toutefois un problème courant lorsque l’on applique les rayons UV à l’eau non traitée de dureté moyenne ou élevée, comme les eaux souterraines. On installe habituellement un filtre de prétraitement en amont des systèmes UV afin de réduire le colmatage et l’encrassement. Il est aussi possible qu’un filtre de prétraitement soit nécessaire pour obtenir une qualité d’eau suffisante pour que le système de traitement aux UV fonctionne de la façon prescrite par le fabricant. De plus, il est essentiel de nettoyer et de remplacer régulièrement la lampe conformément aux instructions du fabricant afin d’assurer le bon fonctionnement de l’appareil. On peut également avoir recours à des mécanismes spéciaux de nettoyage de la lampe UV ou à des adoucisseurs d’eau pour éviter les problèmes d’entartrage.
Les approvisionnements privés et semi-publics qui utilisent des systèmes UV peuvent se reporter à la norme NSF/ANSI 55 (NSF/ANSI, 2015b), qui définit des critères de rendement pour deux catégories de dispositifs homologués : les dispositifs de classe A et les dispositifs de classe B. Les dispositifs de traitement de classe A qui sont conformes à la norme NSF/ANSI 55 sont conçus pour produire une dose de rayons UV d’au moins 40 mJ/cm2 afin d’inactiver les microorganismes, y compris les bactéries, les virus, les oocystes de Cryptosporidium et les kystes de Giardia, dans l’eau contaminée. Ces systèmes permettent une réduction de 4 log de la plupart des virus (Tableau 6) et conviennent à cette utilisation. Il convient toutefois de signaler qu’ils ne sont pas conçus pour traiter les eaux usées, ni les eaux contaminées par des eaux usées non traitées et qu’il faut les installer dans une eau claire. Il importe de signaler que les systèmes de classe B sont conçus pour fournir une dose de rayons UV d’au moins 16 mJ/cm2 et ne permettent pas de réduire de 4 log la concentration de la majorité des virus (Tableau 5). Les systèmes de classe B ne sont pas conçus pour désinfecter de l’eau microbiologiquement insalubre. Ils sont homologués seulement pour le traitement bactéricide supplémentaire d’approvisionnements publics en eau potable désinfectée ou d’autres approvisionnements en eau potable qui ont été analysés et sont jugés acceptables pour la consommation humaine. Les systèmes de classe B réduisent seulement les microorganismes non pathogènes naturellement présents dans l’eau.
Les approvisionnements privés et semi-publics qui utilisent du chlore liquide doivent utiliser des solutions d’hypochlorite homologuées qui satisfont à la norme NSF/ANSI 60 (NSF/ANSI, 2015a) et suivre les recommandations relatives à la manutention et à l’entreposage de l’hypochlorite qui sont présentées dans Santé Canada (2016).
Les membranes d’osmose inverse ont des pores plus petits que les virus et, par conséquent, peuvent agir comme barrières physiques. La norme NSF/ANSI 58 (NSF/ANSI, 2015c) n’inclut toutefois aucune affirmation relative à la réduction des virus. Les membranes d’ultrafiltration ont des pores d’un diamètre de 0,005 à 0,05 µm et peuvent aussi constituer une barrière physique pour les virus, même s’il n’y a pas actuellement de norme NSF/ANSI portant sur les réseaux d’ultrafiltration résidentiels (p. ex., point d’utilisation).
Il importe de signaler que les systèmes d’OI et de distillation sont conçus pour être installés au PU seulement parce que l’eau traitée par un système d’OI ou de distillation peut être corrosive pour la plomberie intérieure. Ces systèmes exigent aussi de plus grandes quantités d’influent pour produire le volume d’eau potable requis et ne sont en général pas pratiques pour l’installation au PE.
8.0 Évaluation des risques
L’évaluation quantitative du risque microbien (ÉQRM) est un procédé qui utilise des modèles mathématiques, des données sur la qualité des sources d’approvisionnement en eau, des renseignements portant sur les procédés de traitement et les caractéristiques propres au pathogène, pour estimer la charge de morbidité associée à l’exposition à des microorganismes pathogènes choisis dans une source d’eau potable. Il y a deux façons d’utiliser l’ÉQRM. Elle peut constituer un élément d’une approche à barrières multiples appliquée à la gestion d’un système d’approvisionnement en eau potable ou, comme c’est le cas dans le présent document, elle peut appuyer l’élaboration de recommandations sur la qualité de l’eau potable.
D’autres renseignements et recommandations sur la façon d’utiliser l’ÉQRM comme élément d’une approche à barrières multiples sont publiés ailleurs (Santé Canada, en cours d’élaboration). Le présent document technique de la recommandation vise seulement l’utilisation de l’ÉQRM pour l’élaboration d’une recommandation sur la qualité de l’eau potable dans le cas des virus entériques.
8.1 Objectifs en matière de santé
Les objectifs en matière de santé sont les buts ou les paramètres à atteindre pour garantir la salubrité de l’eau potable. Au Canada, on tente souvent de réduire les dangers microbiologiques en cherchant à atteindre deux types d’objectifs : les objectifs de qualité de l’eau et les objectifs de traitement basés sur la santé. La recommandation bactériologique portant sur E. coli constitue un exemple d’objectif de qualité de l’eau : elle établit une concentration maximale acceptable pour ce microorganisme dans l’eau potable (Santé Canada, 2012a). Les buts du traitement basé sur la santé précisent le taux de réduction des pathogènes auquel il faut parvenir à l’aide de mesures comme les procédés de traitement (voir la Section 7.0). Les objectifs de traitement aident à choisir les procédés de traitement et il faudrait les définir en fonction de la qualité des sources d’approvisionnement en eau. En raison du large éventail de microorganismes pathogènes, il est difficile d’évaluer tous les dangers possibles. C’est pourquoi les objectifs de traitement sont généralement définis en fonction de catégories d’organismes (p. ex., bactéries, virus, protozoaires) plutôt que de pathogènes particuliers. L’objectif de traitement basé sur la santé visant les virus entériques est le suivant : réduction ou inactivation des virus d’au moins 4 log. Dans le cas de nombreuses sources d’approvisionnement, il faudra produire une réduction ou une inactivation logarithmique plus importante pour que le risque demeure acceptable.
8.2 Niveaux de risque de référence
Le niveau de risque de référence s’entend de la charge de morbidité rattachée à l’eau potable qui est jugée tolérable ou acceptable. Cette valeur sert à fixer les objectifs de traitement basés sur la santé.
Les niveaux de risque sont exprimés de plusieurs façons. Dans les Directives de qualité pour l’eau de boisson de l’OMS (OMS, 2011), on utilise les AVCI comme unité de mesure du risque. Le principe de base des AVCI consiste à calculer une valeur tenant compte à la fois de la probabilité de maladie ou de blessure et de la répercussion des effets connexes sur la santé (Murray et Lopez, 1996a; Havelaar et Melse, 2003). Les directives de l’OMS (2011) adoptent 10−6 AVCI/personne par année comme niveau de risque de référence. Les National Guidelines for Water Recycling (NRMMC-EPHC, 2006) de l’Australie mentionnent la même valeur. Par contre, d’autres organismes établissent des niveaux de risque microbien acceptable en s’appuyant sur le risque d’infection, sans tenir compte de la probabilité ou de la gravité des effets connexes sur la santé. L’U.S. EPA et les Pays-Bas, par exemple, ont utilisé un objectif sanitaire correspondant à un risque d’infection annuel de moins de 1 personne sur 10 000 (10−4) (Regli et coll., 1991; VROM, 2005).
L’évaluation des risques effectuée dans le présent document technique estime la charge de morbidité en AVCI. Cette unité de mesure offre plusieurs avantages : elle tient en compte à la fois du nombre d’années perdues à la mortalité et le nombre d’années vécues avec une incapacité (comparativement à l’individu moyen en bonne santé dans la région) et permet de déterminer les effets sur la santé d’un seul type de pathogène. L’utilisation des AVCI permet aussi de comparer les effets sur la santé de divers pathogènes et, peut-être, de différents dangers microbiologiques et de certains dangers chimiques. Aucune unité de mesure commune de la santé n’a été acceptée à l’échelle internationale, mais de nombreux groupes utilisent les AVCI, et l’on dispose de données publiées et évaluées par des pairs. Dans la présente évaluation des risques, le niveau de référence de l’OMS (2011), soit 10−6 AVCI/personne par année, est retenu comme niveau de risque acceptable.
8.3 Évaluation quantitative du risque microbien
Ce document vise à appuyer l’élaboration d’un objectif de traitement basé sur la santé en ce qui concerne les virus entériques dans l’eau potable. L’ÉQRM constitue un outil important dans l’établissement de ces buts. L’ÉQRM s’inscrit dans une stratégie commune d’évaluation des risques, qui comporte quatre volets : la détermination des dangers, l’évaluation de l’exposition, l’évaluation de la relation dose-réponse et la caractérisation des risques. En l’occurrence, le risque est déjà caractérisé comme un niveau de référence de 1 × 10-6 AVCI/personne par année. Cette évaluation du risque analyse donc le rendement du traitement nécessaire pour réduire les concentrations de virus entériques dans une source d’eau et les ramener à un niveau qui répondra aux résultats pour la santé en cause si l’on suppose une qualité donnée des sources d’approvisionnement dans des conditions d’exposition établies et compte tenu de renseignements précis sur la dose-réponse.
8.3.1 Détermination des dangers
Au Canada, les virus entériques les plus préoccupants pour la santé humaine dans les sources d’eau potable sont les norovirus, les rotavirus, les virus de l’hépatite, les entérovirus et les adénovirus. Même si tous les virus entériques qui peuvent nuire à la santé humaine sont connus, les évaluations des risques tiennent rarement compte de chacun d’entre eux. L’évaluation porte seulement sur des virus entériques précis qui, en raison de leurs caractéristiques, sont représentatifs de tous les virus pathogènes semblables. On suppose que si le traitement est efficace contre le virus de référence, il le sera contre tous les virus préoccupants semblables. Idéalement, un virus de référence représente le pire scénario possible, soit une combinaison des éléments suivants : fréquence élevée, forte concentration et longue survie dans les sources d’approvisionnement en eau, faible élimination ou forte résistance à l’inactivation pendant le traitement et pathogénicité élevée pour tous les groupes d’âge. On a envisagé de nombreux virus entériques comme virus de référence, notamment des rotavirus, des adénovirus et des norovirus. Aucun de ces virus ne possède toutes les caractéristiques d’un virus de référence idéal. Les adénovirus représentent un scénario de la pire éventualité en ce qui concerne l’inactivation durant le traitement quand on utilise les rayons UV, mais ils sont moins prévalents dans la population que les norovirus ou les rotavirus. Les norovirus constituent une cause importante de gastroentérite virale chez tous les groupes d’âge et un modèle dose-réponse est disponible (Teunis et coll., 2008). Le modèle soulève toutefois beaucoup de débats et certains sont d’avis qu’il surestime l’infectiosité des norovirus (Schmidt, 2015). Les rotavirus constituent une cause courante d’infections chez les enfants, peuvent produire des résultats graves et un modèle dose-réponse est disponible. Les rotavirus sont toutefois plus sensibles au traitement que d’autres virus entériques. Comme il n’y a pas un seul virus qui a toutes les caractéristiques d’un virus de référence idéal, cette évaluation des risques utilise les caractéristiques de plusieurs virus différents. Le modèle dose-réponse et les données sur l’inactivation par les rayons UV reposent sur des études portant sur le rotavirus. Les valeurs CT pour les désinfectants chimiques sont toutefois basées sur le VHA et le poliovirus (U.S. EPA, 1991, 1999), car il s’agit des meilleurs renseignements actuellement disponibles sur la désinfection chimique des virus entériques communément présents dans les eaux de surface et les eaux souterraines.
8.3.2 Évaluation de l’exposition
L’exposition s’entend de la dose d’organismes pathogènes ingérée par quelqu’un par jour. La consommation d’eau potable est la principale voie d’exposition dont il a tenu compte dans la présente évaluation des risques. Pour évaluer l’exposition, il faut connaître ou estimer à la fois le volume d’eau consommée et la concentration de virus entériques dans l’eau potable.
8.3.2.1 Estimation des concentrations dans l’approvisionnement en eau
Pour éclairer l’élaboration d’objectifs de traitement basés sur la santé, on a inversé le processus ÉQRM, que l’on a utilisé pour répondre à la question suivante : Étant donné un niveau de risque de référence de 1 × 10-6 AVCI/personne par année et un volume d’eau moyen (Section 8.3.2.3) et la réduction par traitement dans le réseau de distribution d’eau potable (Section 8.3.2.2), quelle est la concentration connexe de virus entériques dans la source d’eau? On en tient compte ensuite comme concentration moyenne de virus entériques dans la source d’eau. On suppose aussi que la concentration est corrigée en fonction de la méthode de récupération et que tous les virus détectés sont infectieux pour l’être humain.
Il a été démontré que les concentrations moyennes permettent de quantifier adéquatement les objectifs du traitement dans le cas de l’exposition par l’eau potable (Petterson et coll., 2015). Pour déterminer les concentrations moyennes dans les sources d’eau, il faut se demander si la présence des virus est continue ou intermittente, s’il existe des fluctuations saisonnières régulières et quelle est l’incidence des phénomènes rares, comme les sécheresses ou les inondations, sur les concentrations. Les pics à court terme des concentrations de virus peuvent augmenter considérablement les risques de maladie et même déclencher des éclosions de maladies d’origine hydrique. Les programmes de surveillance doivent donc tenir compte de ces facteurs pour saisir la variabilité qui se produit dans la source d’eau (Dechesne et Soyeux, 2007). Selon le projet Microrisk, il faut procéder à une analyse mensuelle pendant un an pour établir les niveaux de référence et caractériser ensuite au moins deux phénomènes complets afin de comprendre les conditions des pics. À cause de la variabilité temporelle des virus dans les eaux de surface, il peut être nécessaire d’intensifier l’échantillonnage (c.‑à‑d. cinq échantillons par semaine) pour quantifier les concentrations de pointe (Westrell et coll., 2006a). Il convient aussi de signaler que dans le cas des sources de rivière contenant un volume élevé d’effluents d’usines de traitement des eaux usées, des contaminations de pointe sont possibles en période de faible débit (Deschesne et Soyeux, 2007). Outre la surveillance, il faut utiliser aussi l’analyse de l’incertitude qui aide à évaluer les concentrations estimées dans les sources d’eau (Petterson et coll., 2015). On trouve d’autres renseignements sur la façon de contrôler ou d’estimer les concentrations de pathogènes dans le document de Santé Canada (en élaboration). La détermination des concentrations dans les sources d’eau doit tenir compte aussi d’autres facteurs comme le taux de récupération des méthodes de détection des virus, qui est très inférieur à 100 %, et l’infectiosité des virus découverts pour les humains.
8.3.2.2 Réductions par traitement
Au cours de la présente évaluation du risque, on a analysé différentes combinaisons de réductions logarithmiques produites grâce à des procédés de traitement de concentrations variables de virus entériques dans les eaux de source et ont les a comparées à un point final de risque défini. Il importe de remarquer que de nombreux facteurs peuvent avoir une incidence sur le traitement (voir la Section 7.0). On suppose que les virus qui n’ont pas été éliminés ou inactivés pendant le traitement sont encore infectieux et pathogènes.
8.3.2.3 Volume d’eau ingérée
En ce qui concerne le volume d’eau consommée, il importe de tenir compte seulement de l’eau du robinet non bouillie, puisque l’ébullition entraîne l’inactivation des pathogènes et que si l’on tient compte de l’eau bouillie, l’exposition est surestimée (Gale, 1996; Payment et coll., 1997; OMS, 2011). Au Canada, chacun consomme en moyenne environ 1 L d’eau du robinet non bouillie par jour (Statistique Canada, 2004, 2008). Dans la présente évaluation des risques, on utilise donc une consommation moyenne de 1 L d’eau par personne par jour pour déterminer l’exposition. Cette estimation est comparable aux tendances de consommation observées dans d’autres pays industrialisés (Westrell et coll., 2006b; Mons et coll., 2007). L’OMS (2011) recommande également d’utiliser une valeur estimative de 1 L d’eau du robinet non bouillie. On peut alors utiliser la concentration dans l’eau potable traitée et le volume d’eau ingérée pour déterminer l’exposition (c.‑à‑d. la dose de virus consommée par personne par jour).
8.3.3 Évaluation de la relation dose-réponse
Dans l’évaluation de la relation dose-réponse, on utilise des modèles pour estimer la probabilité d’infection (Pinfection) et le risque de maladie après exposition aux virus. On peut aussi utiliser cette relation dose-réponse, comme dans le cas de la présente évaluation, pour calculer la concentration d’un virus associée à un niveau de risque précis dans des conditions déterminées.
Nous utilisons le modèle dose-réponse pour un rotavirus dans la présente évaluation du risque. Les données sur la relation dose-réponse du rotavirus sont caractérisées par l’approximation réalisée au moyen du modèle de Poisson bêta (Haas et coll., 1999). Le modèle de Poisson bêta de la relation dose-réponse pose les hypothèses suivantes :
- une seule cellule peut causer une infection (aucun seuil);
- la dose du pathogène dans l’échantillon d’eau est distribuée selon l’équation de Poisson (c.‑à‑d. au hasard) et à une concentration moyenne connue (d);
- la probabilité que chaque agent pathogène consommé survive à l’interaction hôte-pathogène et cause une infection suit une distribution bêta comportant des paramètres de forme α et β;
- le nombre d’agents pathogènes consommés qui survivent à l’interaction hôte-pathogène pour causer l’infection suit une distribution binomiale.
On trouve des renseignements supplémentaires sur la dérivation de l’approximation réalisée au moyen du modèle dans Schmidt et coll. (2013).
Les paramètres α et β sont tirés d’études de la relation dose-réponse menées auprès de volontaires en santé et il se peut donc qu’ils ne représentent pas de façon adéquate les effets sur des sous-groupes sensibles, comme les personnes dont le système immunitaire est compromis, les jeunes enfants et les personnes âgées (Ward et coll., 1986). On calcule la dose quotidienne de microorganismes d’une personne au moyen des informations provenant de l’évaluation de l’exposition (voir la Section 8.3.2). La probabilité annuelle d’infection d’une personne est estimée à l’aide de l’équation 1. Pour la présente évaluation des risques, on suppose qu’il n’y a aucune propagation secondaire de l’infection.
Pinfection/année = 1 − (1 − Pinfection)365 (1)
Ce ne sont pas toutes les personnes infectées qui auront une maladie clinique. Le risque annuel pour une personne est estimé au moyen de l’équation 2 :
Risque de maladie = Pinfection/année × S × I (2)
où :
- Pinfection/année = probabilité d’infection par année (calculée au moyen du modèle de Poisson beta)
- S = proportion de la population sensible aux infections
- I = proportion des personnes qui présentent une maladie symptomatique après l’infection
La proportion de la population qui est vulnérable aux infections et à la maladie varie selon le type de virus entériques à l’étude. Dans le cas du rotavirus, la population sensible à l’infection se limite généralement aux jeunes enfants. Compte tenu des données canadiennes, cela représente environ 6 % de la population (ministère des Finances de l’Ontario, 2003a,b). Comme la présente évaluation des risques utilise le rotavirus comme virus représentatif de tous les virus entériques qui peuvent être présents dans l’eau potable, y compris ceux auxquels un pourcentage plus important ou la majorité de la population peut être sensible (p. ex., norovirus), on suppose toutefois que toute la population est sensible à l’infection (c.‑à-d qu’on suppose que S=1). Les infections ne provoquent pas toutes une maladie symptomatique. Selon des données américaines, 88 % des personnes infectées par un rotavirus contracteront une maladie symptomatique (Havelaar et Melse, 2003).
L’évaluation utilise les AVCI comme unité de mesure commune du risque pour convertir le risque annuel de maladie pour une personne en charge de morbidité par personne. Le principal avantage cité de l’AVCI comme unité de mesure de la santé publique est sa nature globale, qui combine les années de vie perdues (AVP) aux années vécues avec une incapacité (AVI) pour pondérer la charge de morbidité. Le calcul des AVCI s’effectue ainsi :
AVCI = AVI + AVP (3)
où :
- AVI = la somme de [(fraction de l’effet) × (durée) × (poids de la gravité)] pour chaque effet sanitaire jouant un rôle dans la morbidité;
- AVP = [(espérance de vie) − (âge au moment du décès)] × poids de la gravité
Dans le cas des rotavirus, la gravité des effets sur la santé varie de la diarrhée légère à la diarrhée grave et peut-être même à la mort. La charge de morbidité que représente la gastroentérite causée par une infection à rotovirus dans l’eau potable est de 8,28 AVCI/1 000 cas (8,28 × 10−3 AVCI/cas) (Tableau 5).
Effet sur la santé | Fraction de l’effetTableau 7 - Note a | Durée de la maladieTableau 7 - Note b | Poids de la gravitéTableau 7 - Note c | AVCI/cas | |
---|---|---|---|---|---|
Morbidité (AVI) | Diarrhée légère Diarrhée grave |
0,50 0,49 |
0,01918 (7 jours) 0,01918 (7 jours) |
0,067 0,39 | 6,43 × 10−4 3,74 × 10−3 |
Mortalité (AVP) |
Décès | 0,0001 | Espérance de vieTableau 7 - Note d ; âge au décèsTableau 7 - Note e | 1 | 3,90 × 10−3 |
Fardeau morbide | - | - | - | - | 8,28 × 10−3 |
À partir de cette charge de morbidité (AVCI/cas) et du risque annuel de maladie pour une personne, on peut calculer la charge de morbidité en AVCI/personne par année comme suit :
Charge de morbidité (AVCI/personne par année) = risque de maladie × fardeau morbide (AVCI/cas)
où :
- Risque de maladie = valeur calculée au moyen de l’équation 2;
- Fardeau morbide (AVCI/cas) = 8,28 × 10−3
Comme on l’a déjà dit, étant donné que le fardeau morbide a été fixé à l’équivalent du niveau de risque de référence, les calculs AVCI servent à traduire le niveau de risque de référence en valeurs servant au modèle dose-réponse pour un rotavirus.
8.3.4 Caractérisation des risques
Dans la présente évaluation des risques, l’étape de la caractérisation sert à déterminer l’objectif de traitement basé sur la santé minimal pour atteindre un niveau de risque de référence.
Comme on le voit à la Figure 1, plus la concentration de virus augmente dans la source d’eau, plus la réduction logarithmique doit être importante pour que le traitement continue d’atteindre le niveau de risque de référence. Par exemple, lorsqu’une source d’eau présente une concentration de 1 virus/100 L et que l’usine de traitement produit constamment une réduction d’au moins 4 log de la concentration des virus, la charge de morbidité au sein de la population atteint le niveau de référence de 10-6 AVCI/personne par année (moins de 1 cas/1 000 personnes par année). Les sources d’eau au Canada, y compris les eaux souterraines, peuvent toutefois présenter des concentrations virales de plus de 1/100 L (voir la Section 5.0) et c’est pourquoi une réduction logarithmique encore plus importante s’imposerait pour atteindre le fardeau acceptable. Il importe en outre de tenir compte de l’effet des conditions environnementales sur les concentrations dans la source d’eau (c.‑à‑d. événements de pointe), car elles peuvent imposer une réduction logarithmique encore plus grande pour atteindre le fardeau acceptable. Il est important que les fournisseurs d’eau potable tiennent compte de ces phénomènes de pointe dans leur évaluation d’un site afin de bien comprendre les risques éventuels pour leur eau potable (Santé Canada, en cours d’élaboration). Le degré de traitement atteint doit par conséquent tenir compte non seulement des conditions de fonctionnement normales, mais également des variations possibles de la qualité de l’eau ou de l’efficacité du traitement. Selon les données limitées dont nous disposons sur les virus entériques dans les sources d’eau au Canada, l’objectif de traitement basé sur la santé doit correspondre à une réduction des virus entériques d’au moins de 4 log. Pour atteindre les objectifs du traitement, il peut être nécessaire d’effectuer une élimination ou une inactivation supplémentaire. Il faut évaluer le site même pour déterminer le taux de réduction des virus qui s’impose dans le cas d’une source d’eau donnée. Le contrôle des virus entériques dans les sources d’eau permettra d’obtenir l’évaluation du site de la plus grande qualité possible. S’il est impossible d’effectuer des mesures, l’information tirée d’évaluations du réseau, de même que les renseignements sur d’autres paramètres de la qualité de l’eau, peuvent toutefois servir à estimer le risque ou le degré de contamination fécale de la source d’eau. Ces renseignements peuvent ensuite aider à déterminer s’il faut plus que le traitement minimal pour contrôler les virus entériques présents dans l’eau.
Il importe aussi de comprendre quelles réductions logarithmiques l’usine de traitement peut produire lorsqu’elle fonctionne dans des conditions optimales, ainsi que l’incidence des perturbations à court et à long terme du traitement sur les réductions logarithmiques. En comprenant les variations de la qualité des sources d’approvisionnement en eau et de l’eau à l’usine de traitement, et en planifiant en conséquence, on crée un système plus robuste qui peut comporter des marges de sécurité. Il importe aussi de tenir compte de l’incertitude inhérente aux ÉQRM afin de garantir que le traitement en place produit une eau de qualité acceptable. Une analyse de sensibilité effectuée au moyen d’un modèle d’ÉQRM peut aussi aider à déterminer les points de contrôle critiques et leurs limites. On trouve ailleurs d’autres renseignements sur les évaluations des sites et l’utilisation de l’ÉQRM comme outil dans une approche à barrières multiples (Santé Canada, en cours d’élaboration).
8.4 Considérations internationales
Des organismes internationaux et les gouvernements d’autres pays à tous les échelons se basent de plus en plus sur les ÉQRM pour prendre des décisions éclairées au sujet des risques sanitaires que représentent les microorganismes pathogènes contenus dans l’eau potable. L’OMS, la Commission européenne, les Pays-Bas, l’Australie et les États-Unis ont tous réalisé des progrès importants au niveau de la validation et des méthodes d’ÉQRM (Staatscourant, 2001; Medema et coll., 2006; NRMMC-EPHC, 2006; U.S. EPA, 2006a,b; OMS, 2011). Ces organismes et ces gouvernements ont adopté des approches qui utilisent l’ÉQRM pour éclairer l’établissement des objectifs en matière de santé (c.-à-d. les niveaux de risque de référence ou les niveaux de maladie) et la gestion des risques (p. ex. plans de salubrité de l’eau décrits dans OMS, 2011). Le projet Microrisk de la Commission européenne (Medema et coll., 2006) et l’U.S. EPA (2014) ont tous deux publié des documents d’orientation sur l’ÉQRM de l’eau potable.
Les Pays-Bas et l’U.S. EPA ont adopté des approches réglementaires fondées sur les ÉQRM. Aux Pays-Bas, les fournisseurs d’eau doivent, conformément à l’approche employée par l’OMS, réaliser une ÉQRM propre au site pour tous les systèmes d’approvisionnement en eau de surface afin de déterminer si ceux-ci peuvent se conformer à un niveau de risque précisé. Les autorités hollandaises peuvent aussi exiger une ÉQRM dans le cas des approvisionnements en eau souterraine vulnérables. Aux États-Unis, l’EPA a évalué récemment les risques pour la santé attribuables aux pathogènes d’origine hydrique au moyen d’ÉQRM et a appliqué ces données pour établir des exigences nationales relatives à l’efficacité du traitement (U.S. EPA, 2006a, 2006c). En général, pour les réseaux de distribution d’eau potable, il faut parvenir à une élimination ou une inactivation des virus entériques d’au moins 4 log pour contrer le risque qu’ils représentent (U.S. EPA, 2006a, 2006c).
Santé Canada et le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable ont adopté la même approche que l’OMS (2011) en fournissant des objectifs d’efficacité fondés sur les ÉQRM comme exigences minimales. L’ÉQRM particulière à un site est recommandée également comme outil qu’il est possible d’utiliser dans le cadre d’une approche à barrières multiples de la source au robinet. L’ÉQRM propre au site offre plusieurs avantages, notamment 1) la capacité de comparer les risques posés par des groupes de pathogènes représentatifs (p. ex., virus, protozoaires, bactéries) dans une évaluation globale; 2) la transparence des hypothèses; 3) la possibilité de tenir compte de la variabilité et de l’incertitude liées aux estimations; 4) l’élimination des facteurs de sécurité cachés (que les organismes de réglementation peuvent appliquer consciemment à la fin du processus, s’ils le désirent); 5) l’établissement des points de contrôle critiques et des limites propres au site au moyen d’analyses de la sensibilité et 6) les répercussions claires des effets de la gestion d’un système sur un paramètre de santé publique. Un document que Santé Canada prépare actuellement contient d’autres renseignements sur l’utilisation de l’ÉQRM pour l’évaluation d’un site en particulier.
9.0 Justification
Plus de 140 types de virus entériques peuvent infecter les humains. Ces pathogènes sont excrétés dans les matières fécales et parfois dans l’urine des personnes et des animaux infectés et peuvent être présents dans les sources d’eau. Leur présence dans les sources d’eau varie au fil du temps et peut être influencée considérablement par des températures extrêmes ou par des déversements (c.‑à‑d. augmentations des concentrations de virus associées à ces événements). La meilleure façon de prévenir la présence de concentrations dangereuses de virus entériques dans l’eau potable repose sur l’approche à barrières multiples, qui inclut la protection des sources d’eau et le traitement adéquat, assurés grâce au contrôle approprié des procédés, dont l’application est suivie par la vérification de l’absence de microorganismes indicateurs fécaux dans l’eau traitée.
On protège plutôt la santé publique en fixant des objectifs de traitement basés sur la santé. À cette fin, il faut établir un niveau de risque tolérable ou acceptable de référence. Le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable a retenu le niveau de référence utilisé par l’Organisation mondiale de la Santé soit 10-6 AVCI/personne par année. Il s’agit d’une décision de gestion des risques qui offre un équilibre entre, d’une part, la charge de morbidité estimée pour les virus entériques et, d’autre part, le manque d’informations sur la prévalence de ces organismes pathogènes dans les sources d’eau, les limites de la surveillance des maladies et les variations de l’efficacité des différentes techniques de traitement de l’eau.
L’approche fondée sur les ÉQRM utilisée dans le présent document montre que, si une source d’eau présente une concentration virale de 1/100 L, le traitement de l’eau (c.‑à‑d. élimination ou inactivation) doit constamment réduire d’au moins 4 log la concentration des virus afin d’atteindre le niveau de référence de 10−6 AVCI/personne par année. Ainsi, une élimination ou inactivation d’au moins 4 log des virus entériques a été établie comme objectif de traitement basé sur la santé dans le cas des sources vulnérables à la contamination virale. Dans le cas de beaucoup de sources d’eau au Canada, y compris d’eau souterraine, une réduction supérieure à l’objectif de traitement minimal peut être nécessaire pour respecter le niveau de risque. Il faut, dans la mesure du possible, protéger les bassins hydrographiques ou les aquifères qui servent de sources d’eau potable contre toute contamination par les matières fécales.
10.0 Références
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Annexe A : Liste d’acronymes
- ADN
- acide désoxyribonucléique
- ANSI
- American National Standards Institute
- ARN
- acide ribonucléique
- AVCI
- années de vie corrigées du facteur invalidité
- AVI
- année vécue avec l’invalidité
- AVP
- années de vie perdues
- C
- concentration résiduelle de désinfectant
- CC
- culture cellulaire
- CDC
- Centers for Disease Control and Prevention (États-Unis)
- CG
- copies du génome
- CT
- concentration de désinfectant (C) × temps de contact avec le désinfectant (T)
- EPA
- Environmental Protection Agency (É.‑U.)
- ÉQRM
- évaluation quantitative du risque microbien
- ESSIDES
- eaux souterraines subissant l’influence directe des eaux de surface
- FB
- filtration sur berge
- GIA
- (affection) gastro-intestinale aiguë
- ICC-PCR
- culture cellulaire intégrée et réaction en chaîne de la polymérase
- ISO
- organisation internationale de normalisation
- NF
- nanofiltration
- NSF
- NSF International
- OI
- osmose inverse
- OMS
- Organisation mondiale de la Santé
- PCR
- réaction en chaîne de la polymérase
- PE
- point d’entrée
- PU
- point d’utilisation
- q-PCR
- réaction en chaîne de la polymérase quantitative
- RT-PCR
- réaction en chaîne de la polymérase avec transcriptase inverse
- SPD
- sous-produit de la désinfection
- T
- temps de contact avec le désinfectant
- UV
- ultraviolet
- VHA
- virus de l’hépatite A
- VHE
- virus de l’hépatite E
Annexe B : Tableaux
Virus ou groupe de virus |
Groupe (c.‑à‑d. nature de l’acide nucléique) |
Enveloppe, forme et diamètre |
Taxonomie |
Stéréotypes/ |
Transmission |
Dose infectieuse |
Période d’incu-bation |
Effets connexes sur la santé, complications et immunité |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Généralement associés |
||||||||
Adéno-virus |
Groupe I : ADN bicaténaire linéaire |
Non enveloppés 70 à 100 nm |
Famille : Adenoviridae |
7 espèces : A, B, C, D, E, F et G plus de 60 types reconnus d’adénovirus humain |
Voie orofécale par contact de personne à personne; eau contaminée (moins courant) ou solutions ophtalmiques; contact avec des vecteurs passifs; muqueuse respiratoire ou oculaire |
Varie selon le type : |
2 à 14 jours |
Gastroentérite; affections respiratoires; infections oculaires vaccin pour l’adénovirus humain E de sérotype 4 et l’adénovirus humain B de sérotype 7 |
Astrovirus |
Groupe IV : ARN monocaténaire linéaire à brin positif [ARNmc (+)] |
Non enveloppés |
Famille : Astroviridae |
8 sérotypes |
Voie oro-fécale |
1 à 5 jours |
gastroentérite aucun vaccin |
|
Entérovirus |
Groupe IV : ARNmc (+) linéaire |
Non enveloppés 20 à 30 nm |
Famille : Picornaviridae |
12 espèces; sept associés à la maladie humaine : EV-A à EV-D et rhinovirus (RV)-A, B et C |
Voie oro-fécale par contact direct entre personnes; ingestion d’un aliment ou d’eau contaminés (peu d’information); contact avec des vecteurs passifs; muqueuse respiratoire ou oculaire |
Inconnue |
2 à 35 jours; médiane : 7 à 14 jours |
Méningite, encéphalite, poliomyélite, myocardite; gastroentérite; affections respiratoires; infection oculaire complications possibles : diabète type 1, myalgie, syndrome de la fatigue chronique |
Hépato-virus (hépatite A, VHA) |
Groupe IV : ARNmc (+) linéaire |
Non-enveloppés, icosahé-drique 27 à 32 nm |
Famille : Picornaviridae |
S.O. |
Voie oro-fécale par contact direct entre personnes ou ingestion d’un aliment ou d’eau contaminés peut y avoir excrétion de 3 à 10 jours avant l’apparition des symptômes |
Inconnue, mais on suppose qu’elle est faible (10 à 100 particules virales) |
15 à 50 jours; moyenne : 28 jours |
Hépatite bénigne, habituellement < 2 mois; dans un faible pourcentage de cas, maladie prolongée ou récidivante pendant jusqu’à 6 mois |
Hepevirus (hépatite E, VHE) |
Groupe IV : ARNmc (+) linéaire |
Non enveloppés 27 à 34 nm |
Famille : Hepeviridae |
4 génotypes : 1 à 4, et 24 sous-types |
Voie oro-fécale par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés (moins courante); zoonotique; |
Inconnue |
15 à 60 jours; moyenne : 40 jours |
hépatite; taux élevé de mortalité au cours de la grossesse aucun vaccin |
Norovirus |
Groupe IV : ARNmc (+) linéaire |
Non enveloppés, icosa-hydrique 35 à 40 nm |
Famille : Caliciviridae |
6 géno-groupes : GI, GII, GIII, GIV, GV, GVI) 25 génotypes distincts |
Voie oro-fécale par contact direct entre personnes ou ingestion d’aliments, d’eau ou de vomissure aérosolisée Il peut y avoir excrétion chez les sujets asymptomatiques (avant l’apparition des symptômes et 2 semaines ou plus après le rétablissement) |
Beaucoup d’incertitude au sujet de la dose infectieuse, mais considéré comme très contagieux |
12 à 48 heures |
Gastroentérite (y compris vomissements d’apparition aiguë, diarrhée aqueuse non sanglante accompagnée de crampes abdominales et de nausées), durant habituellement de 24 à 48 heures |
Rotavirus |
Groupe III : ARN bicaténaire linéaire |
Non enveloppés 80 nm |
Famille : Reoviridae |
8 groupes sérologiques : A, B, C, D, E, F, G et H Groupe A subdivisé en 28 G types et 39 P types |
Voie oro-fécale par contact direct entre personnes, contact avec vecteurs passifs; ingestion d’un aliment ou d’eau contaminés (peu courant) |
Dose infectieuse médiane de 5,597 |
< 48 h |
Gastroentérite; diarrhée aqueuse grave causant déshydratation, plus particulièrement chez les jeunes enfants |
Association possible (« émergent ») |
||||||||
Aichivirus |
ARNmc(+) |
Non enveloppés, icosa-hédrique |
Famille : Picornaviridae |
Voie oro-fécale; produits de la mer excrété dans les matières fécales; détecté dans les eaux usées non traitées et traitées |
diarrhée, nausées, vomissements, douleurs abdominales et fièvre |
|||
Polyoma-virus |
Groupe II : |
Non enveloppés 40 à 45 nm |
Famille : Polyomaviridae |
Incertaine; peut-être respiratoire, par les muqueuses; nourriture ou eau contaminées; |
La plupart des personnes infectées sont asymptomatiques; leucoencéphalopathie multifocale progressive |
|||
Sapovirus |
Groupe IV : ARNmc (+) linéaire |
Non enveloppés, icosa-hédrique |
Famille : Caliciviridae |
5 génogroupes (GI à GV) |
Voie oro-fécale par contact direct entre personnes ou ingestion d’un aliment ou d’eau contaminés |
Faible |
1 à 2 jours |
Gastroentérite, mais asymptomatique dans nombre de cas |
Lieu et date |
Méthodes d’échantillonnage et de détection |
Virus |
Fréquence des échantillons positifs |
Concentration |
Autres constatations |
Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Milwaukee, WI (É.‑U.) |
Prélevé au cours de périodes de faible débit et de périodes de ruissellement accru (précipitation et fonte des neiges) |
Adénovirus |
Virus (tous) : 31/63 (49 %) |
Moyenne (tous les virus) = 56 cg/L |
Concentrations les plus élevées au cours du ruissellement du printemps, adénovirus et entérovirus infectieux détectés; observées seulement au cours d’événements de ruissellement |
Corsi et coll., 2014 |
Madison, WI (É.-U.) |
Échantillonnage aux 2 à 4 semaines, y compris 26 événements |
Adénovirus |
Virus (tous) : 82 % |
Plage = non-détect. – 530 cg/L |
S.O. |
Bradbury et coll., 2013 |
Credit River, lac Ontario (CAN) |
Échantillonnage aux 2 semaines, ainsi qu’événements de précipitation |
Virus entériques cultivable |
STE1 = 28 % (n=25) |
Conc. max. = 0.33 NPP-UI2/L (à STE1 le 15 mars 2010) |
Aucun virus détecté (n = 15) d’avril à sept.; virus seulement détecté (44 %, n = 41) dans les influents aux STE au cours des mois plus froids (oct. à mars) |
Edge et coll., 2013 |
Lower Yakima Valley, WA (É.-U.) |
21 échantillons |
Norovirus |
Norovirus : 2/11 (18 %) |
S.O. |
Inhibition détectée dans tous les échantillons, peut donc constituer une sous-estimation de l’exposition au risque |
Gibson et Schwab, 2011 |
Edmonton AB (CAN) |
Échantillonnage mensuel pendant 5 mois (n = 5) à chaque usine |
Virus entériques humains |
S.O. |
Rossdale : |
S.O. |
EPCOR, 2011 |
Edmonton AB (CAN) |
Échantillonnage mensuel (n=12) à chaque usine |
Virus entériques humain |
Rossdale : |
EPCOR, 2010 |
||
Milwaukee, WI (É.-U.) |
Méthode modifiée de l’U.S. EPA de la culture cellulaire par floculation organique ICR |
Virus reproductibles |
UTE1 : |
UTE1 : max. calculé = 59,0 NPP4/100 L (févr. 2001) |
Les détections se sont produites en majorité au cours des mois plus froids |
Sedmak et coll., 2005 |
Lieu et date |
Méthode d’échantillonnage et de détection |
Virus |
Fréquence des échantillons positifs |
Concentra-tion |
Autres constatations |
Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Nord de l’AB (CAN), 5 puits juin – oct. 2013 |
54 échantillons qPCR multiple en temps réel (rtMP)-qPCR |
Norovirus |
6/54 (11 %) provenant de deux puits |
S.O. |
Le rotavirus est le virus détecté le plus souvent; |
Pang et coll., 2014 |
Sud du comté de Wellington, ON (CAN) |
118 échantillons pour 22 puits RT-qPCR |
Virus entériques humains |
10/118 (8,5 %) échantillons : |
Puits privés = 1,16 –15,16 CG/L Puits municipaux = 0,09 – 15,63 CG/L |
Chaque résultat positif a montré la présence de virus une fois seulement durant toute la période d’échantillonnage |
Allen et coll., 2013 |
Madison, WI (É.-U.), 6 puits municipaux profonds (220 à 300 m) : 3 provenant d’un aquifère de calcaire/dolomite au‑dessous de la couche semi-perméable régionale (confinée); |
Échantillonnage aux 2 à 4 semaines, comportant un total de 26 événements n = 147 RT-qPCRTableau B3 - Note 1 Culture cellulaire (infectiosité) |
Adénovirus |
67/147 (46 %) |
Plage = non détectable jusqu’à 6,3 cg/L Moyenne = 0,7 cg/L Médiane = 0,2 cg/L |
L’adénovirus 41 est le sérotype identifié le plus souvent |
Bradbury et coll., 2013 |
Lower Yakima Valley, WA (É‑U.), puits de profondeurs variables (10 à 250 pieds de profondeur) |
n = 10 RT-PCR |
Entérovirus |
4/10 (40 %) Aucun entérovirus détecté |
S.O. |
Inhibition détectée dans 4/10 échantillons ES : peut représenter une sous-estimation de l’exposition au risque |
Gibson et Schwab, 2011 |
WI (É.‑U.), multiples communautés 2005–2007 |
n = 33 de 14 collectivités RT-qPCR en deux temps Test d’infectiosité par ICC-PCRTableau B3 - Note 2 Sérotypage (séquençage) |
Entérovirus |
5/33 (15 %), y compris 2/33 (6 %) pour adénovirus, 2/33 (6 %) pour entérovirus et 1/33 (3 %) pour norovirus GII; les deux entérovirus ont donné un résultat (+) pour l’infectiosité |
Adénovirus : 0,8 et 5,4 cg/L Entérovirus : 1,7 et 4,8 cg/L Norovirus : 77 cg/L |
Il faut de multiples échantillons de virus étalés sur plusieurs saisons pour bien décrire la vulnérabilité du puits à la contamination virale |
Hunt et coll., 2010 |
Provinces canadiennes : AB, ON et QC Puits municipaux à 25 endroits QC = oct. 2005 - nov. 2006 ON = mars - déc. 2006 AB = nov. - déc. 2006 |
167 échantillons (129 de sites propres; 38 de sites contaminés); 130 analysés pour virus |
Virus reproductibles totaux et norovirus, adénovirus, entérovirus, réovirus 1, 2 et 3 |
1/130 (0,8 %) par culture cellulaire; provenait d’un site contaminé connu; analyse microscopique pour identifier des picornavirus 0/130 Tous (-) par méthodes moléculaires Aucun norovirus ni autre virus détecté |
10 NPP-UI /1000 L |
S.O. |
Locas et coll., 2008 |
Québec (CAN), 12 puits municipaux alimentés par des aquifères différents (confinés et non confinés), divers types de sol, de profondeur et de contamination |
Échantillonnage mensuel plus 2X/mois printemps et automne 113 analysés pour virus entériques humains Culture cellulaire RT-PCR pour détecter norovirus |
Virus et norovirus reproductibles totaux |
9/113 (8 %) pour virus reproductibles |
Plage = 3 à 589 NPP-UI /1000 L |
S.O. |
Locas et coll., 2007 |
Sud-est du Michigan (É.‑U.) |
169 échantillons et 32 paires reproductibles ont été prélevés de 38 puits. 31 puits ont fait l’objet de 5‑6 échantillonnages. Les autres puits ont été analysés 1 à 2 fois. |
Virus reproductibles |
|
S.O. |
Entérovirus découverts dans 4 puits (10,5 %) par RT‑PCR |
Francy et coll., 2004 |
É.‑U., Îles vierges et Porto Rico 29 sites Étude d’un an |
Échantillonnage mensuel n = 321 Culture cellulaire RT-PCR multiplex |
Entérovirus |
|
S.O. |
S.O. |
Fout et coll., 2003 |
Wisconsin, É.-U. 50 puits résidentiels et privés dans 7 districts hydrogéologiques janvier 1999 à juin 2000 |
Échantillonnage quatre fois par année, une fois par saison RT-PCR (tous les virus) et culture cellulaire (entérovirus) |
Entérovirus, rotavirus, VHA, virus apparentés au virus de Norwalk |
4/50 (8 %) des puits, RT‑PCR Trois échantillons contenaient le VHA et l’autre, le rotavirus, un virus apparenté au virus de Norwalk et l’entérovirus Aucun virus reproductible détecté |
S.O. |
S.O. |
Borchardt et coll., 2003 |
448 sites dans 35 États Puits dont la profondeur varie de 15 à 152 m de zones hydrogéologiques différentes |
RT-PCR (tous les virus) et culture cellulaire (entérovirus) |
Entérovirus rotavirus |
22/539 (4 %) (+) pour virus infectieux |
Plage (culture cellulaire) = 0,09 à1,86 NPP-UI /100 L |
S.O. |
Abbaszadegan et coll., 2003 |
Comtés de Baltimore et de Hartford, MD (É.-U.) |
45 sites échantillonnés dans chaque comté, ainsi qu’un site au hasard RT-PCR (tous virus) et culture cellulaire (entérovirus) |
Entérovirus |
Aucun virus reproductible détecté 1 échantillon (+) pour rotavirus déterminé par RT‑PCR |
S.O. |
S.O. |
Banks et coll., 2002 |
PA (É.-U.) |
Culture cellulaire |
Virus reproductibles |
5/59 (8,5 %) sur les quatre aquifères |
S.O. |
S.O. |
Lindsey et coll., 2002 |
Comtés de Worcester et de Wicomico, MD (É.-U.) Puits d’un petit réseau public de distribution d’eau dans un aquifère sablonneux semi-confiné |
n = 27 Culture cellulaire RT-PCR |
Virus reproductibles |
3/27 (11 %) (+) pour virus : un déterminé par culture cellulaire et deux par RT-PCR |
S.O. |
S.O. |
Banks et coll., 2001 |
Eau souterraine provenant de différents endroits géographiques (É.-U.) |
n = 150 RT-PCR et culture cellulaire |
Entérovirus |
Virus reproductibles détectés dans 13/150 (8,7 %). RT-PCR, 40/150 (26,7 %) pour entérovirus, 8/150 (5,3 % pour rotavirus et 12/150 (8 %) pour VHA |
S.O. |
Abbaszadegan et coll., 1999 |
|
Lieu et date |
Méthode d’échantillonnage et détection |
Virus |
Fréquence des échantillons positifs |
Concentration |
Autres constatations |
Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Wisconsin (É.-U.), eau potable provenant de multiples puits forés à des profondeurs différentes (23 avr. 2006– nov. 2007 (3 périodes d’échantillonnage) |
Échantillonnage mensuel Échantillonnage de l’eau de puits immédiatement après désinfection par UV (avant le réseau de distribution) qPCR Stéréotypage (par séquençage) et culture cellulaire de l’adénovirus et des entérovirus (+) |
Adénovirus |
287/1 204 (24 %) étaient (+) pour au moins un type de virus et 3 % (41/1 204) étaient (+) pour 2 types de virus ou plus L’adénovirus était le virus détecté le plus souvent [157 (13 %)], suivi de l’entérovirus [109 (9 %)], et ensuite du norovirus GI [51 (4 %)] VHA = 10 (1 %) Rotavirus = 1 (0,1 %) Norovirus GII = 0 (0 %) |
Maximal : Moyenne : Les cultures cellulaires d’adénovirus et les échantillons de entérovirus qPCR (+) n’ont jamais montré d’effet cytopathique MAIS la culture cellulaire intégrée (ICC)-qPCR d’adénovirus et de entérovirus reproductible détecté dans 25 % et 28 % de ces échantillons respectivement 5 sérotypes d’adénovirus identifiés dans des échantillons soumis à qPCR (+) |
1 843 épisodes d’affections GIA dans 48 semaines de surveillance Incidence des affections GIA (épisodes/année-personne) ÉQRM On a établi un lien entre des mesures qPCR et l’incidence d’affections GIA dans la population étudiée |
Borchardt et coll., 2012 |
Wisconsin (É.-U.) 8 collectivités avaient installé la désinfection UV au cours de la première année d’étude; les six autres n’avaient pas de traitement (changé au cours de l’an 2) ***Une collectivité a été exclue à cause de la présence récidivante de coliformes (difficile à chlorer) Périodes de surveillance :
|
Échantillonnage provenant de six à huit ménages (foyers choisis en fonction de leur emplacement et non du réseau de distribution) une fois par mois dans les puits avant et après désinfection par UV et au robinet des ménages dans les réseaux de distribution Volume moyen de l’échantillon = 877 L (n = 902); filtré sur place Questionnaire rempli par les gestionnaires de services publics des distributions d’eau aux quatre mois (détails saisis au sujet de 12 types d’événements) RT-qPCR |
Virus entériques humains |
Adénovirus détecté le plus souvent, suivi de l’entérovirus et du norovirus GI Pour 18 échantillons post-UV qui étaient (+), 17 contenaient de l’adénovirus |
Concentration moyenne des virus la plus élevée dans les puits, réduite de 1 à 6 log par désinfection aux UV et augmentée à la suite d’un log dans le réseau de distribution (c.‑à‑d. virus entré directement dans le réseau de distribution) |
L’étude démontre que des virus pathogènes pour l’homme peuvent entrer directement dans des réseaux de distribution et que le niveau de contamination virale était lié à des événements courants dans les réseaux de distribution On a établi le lien le plus significatif entre l’ajout (et non le remplacement) d’un tuyau et l’augmentation des concentrations de virus. Événement de chloration non associés à la prévalence des virus ou leur concentration moyenne |
Lambertini et coll., 2011, 2012 |
Montréal, QC (CAN) Eau traitée provenant des 3 usines de traitement des eaux (UTE) utilisant des traitements conventionnels ou meilleurs |
Culture cellulaire |
Virus reproductibles |
0/8 |
S.O. |
S.O. |
Payment et Franco, 1993 |
Montréal, Ottawa et Toronto (CAN) Trois usines de traitement de l’eau de chaque ville |
Culture cellulaire |
Virus reproductibles |
0/16 |
S.O. |
S.O. |
Payment et coll., 1984 |
Date | Lieu | Agent pathogène | Nombre est. de cas | Alimentation en eau | Causes premières | Références |
---|---|---|---|---|---|---|
i) Amérique du Nord | ||||||
1971 | É.-U. (AR) | VHATableau B5 - Note 2 | 98 | petit réseau non communautaire | contamination de l’approvisionnement en eau du puits par des effluents septiques | AWWA, 1975 |
oct. 1972 | É.-U. (AL) | VHA | 50 | petit réseau non communautaire | contamination à la source par des effluents septiques conjuguée à un traitement inadéquat | Baer et Walker, 1977 |
juill. 1978 | É.-U. (PA) | norovirus | 120 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Wilson et coll., 1982 |
juill. 1982 | É.-U. (GA) | VHA | 35 | petit réseau non communautaire | inconnue | Bloch et coll., 1990 |
août 1986 | É.-U. (SD) | norovirus | 135 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Levine et coll., 1990 |
sept. 1987 | É.-U. (PA, DE, NJ) | norovirus | 5000 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Levine et coll., 1990 |
juin 1988 | É.-U. (ID) | norovirus | 339 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Levine et coll., 1990 |
févr. 1989 | CA (QC) | norovirus | 26 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
mars 1989 | CA (ON) | norovirus | 68 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Todd, 1971-2001 |
avr. 1989 | É.-U. (AZ) | norovirus | 900 | petit réseau non communautaire | eau de puits contaminée par des effluents septiques | Herwaldt et coll., 1991 Lawson et coll., 1991 |
juill. 1989 | CA (QC) | norovirus | 159 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
août 1989 | CA (QC) | norovirus | 57 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
sept. 1989 | CA (QC) | VHA | 8 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
avr. 1990 | CA (QC) | rotavirus | 67 | petit réseau non communautaire | contamination de l’eau de puits par des animaux | Todd, 1971-2001 |
mai 1990 | É.-U. (PA) | VHA | 22 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Herwaldt et coll., 1991 |
avr. 1992 | É.-U. (MO) | VHA | 46 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Kramer et coll., 1996 |
mars 1993 | CA (ON) | rotavirus | 11 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
mai 1994 | CA (SK) | VHA | 6 | petit réseau non communautaire | contamination qui a pénétré dans le réseau de distribution | Todd, 1971-2001 |
juin –juill. 1995 | CA (TY) /É.‑U.(AK) | multiples, y compris petit virus structuré rond | 126 | restaurant (source d’eau : puits) | contamination du puits par une fosse septique | Beller et coll., 1997 |
août 1995 | CA (QC) | VHA | 8 | petit réseau non communautaire | inconnue | Todd, 1971-2001 |
sept. 1995 | É.-U. (TN) | VHA | 8 | résidence privée (source de l’eau : puits, source) | eau souterraine non traitée | Yoder et coll., 2008 |
déc. 1997 | É.-U. (NY) | norovirus | 1450 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Lee et coll., 2002 |
juill. 1999 | É.-U. (NM) | petit virus structuré rond | 70 | petit réseau non communautaire | eau de source mal traitée | Lee et coll., 2002 |
juin 2000 | É.-U. (KS) | norovirus | 86 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Lee et coll., 2002; Blackburn et coll., 2004 |
juin 2000 | É.-U. (WV) | norovirus | 123 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Lee et coll., 2002 |
juill. 2000 | É.-U. (CA) | norovirus | 147 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Lee et coll., 2002 |
janv. 2001 | É.-U. (WY) | norovirus | 230 | petit réseau non communautaire | pluies abondantes et contamination d’eau de puits non traitée par des effluents septiques | Blackburn et coll., 2004; Gelting et coll., 2005 |
févr. 2001 | É.-U. (WY) | norovirus | 35 | petit réseau non communautaire (chalet pour motoneigistes) | contamination de l’eau de puits par des effluents septiques à cause d’un système d’élimination des eaux usées surchargé | Anderson et coll., 2003 |
sept. 2001 | É.-U.A. (WY) | norovirus | 83 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Parshionikar et coll., 2003 Blackburn et coll., 2004 |
juin 2002 | É.-U. (CT) | norovirus | 142 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Blackburn et coll., 2004 |
juill. 2002 | É.-U. (NH) | norovirus | 201 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Blackburn et coll., 2004 |
janv. 2004 | É.-U. (PA) | norovirus | 70 | petit réseau non communautaire | contamination qui a pénétré par le réseau de distribution | Liang et coll., 2006 |
mai –sept. 2004 | É.-U. (OH) | multiple, y compris norovirus | 1450 | puits sur île | contamination des eaux souterraines par des matières fécales (eaux usées) | Fong et coll., 2007 O'Reilly et coll., 2007 |
juin 2006 | É.-U. (WY) | norovirus; Campylobacter | 139 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Yoder et coll., 2008 |
juill. 2006 | É.-U. (MD) | norovirus | 148 | petit réseau non communautaire | contamination qui a pénétré au point d’utilisation, eau de puits mal traitée | Yoder et coll., 2008 |
déc. 2006 | É.-U. (OR) | norovirus | 48 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Yoder et coll., 2008 |
janv. 2007 | É.-U. (WA) | norovirus | 32 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Brunkard et coll., 2011 |
mai 2007 | É.-U. (WI) | norovirus | 229 | petit réseau non communautaire | eau de puits non traitée | Borchardt et coll., 2011 Brunkard et coll., 2011 |
juin 2007 | É.-U. (CO) | norovirus | 77 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Brunkard et coll., 2011 |
juin 2007 | É.-U. (MD) | norovirus | 94 | petit réseau non communautaire | eau de puits mal traitée | Brunkard et coll., 2011 |
juin 2008 | É.-U. (OK) | norovirus | 62 | communautaire (source d’eau : puits) | lacune du traitement et du réseau de distribution | Brunkard et coll., 2011 |
mars 2008 | É.-U. (TN) | VHA | 9 | individuel (eau de source : puits) | eau souterraine non traitée | Brunkard et coll., 2011 |
juill. 2009 | É.-U. (ME) | VHA | 2 | résidence privée (eau de source : puits) | inconnue | CDC, 2013 |
juin 2010 | É.-U. (CA) | norovirus | 47 | petit réseau non communautaire, restaurant (eau de source : puits) | cause inconnue dans l’eau de puits | CDC, 2013 |
juin 2011 | É.-U. (NM) | norovirus | 119 | transitoire non communautaire (source d’eau : printemps) | eau souterraine non traitée | CDC, 2015d |
août 2012 | É.-U. (WI) | norovirus | 19 | transitoire non communautaire (source d’eau : puits) | eau souterraine non traitée | CDC, 2015d |
ii) International | ||||||
2004 | Islande (lac Myvatn) | norovirus | > 100 | petit approvisionnement rural | eau de source non traitée | Gunnarsdóttir et coll., 2013 |
2006 | Nouvelle-Zélande | norovirus | 218 | centre de ski, approvisionnement en eau communautaire (source d’eau : puits) | source d’eau contaminée par des eaux usées | Hewitt et coll., 2007 |
2007 | Finlande (Nokia) | au moins sept agents pathogènes, y compris norovirus | 6500 | réseau municipal (source d’eau : eau souterraine et eau souterraine artificielle); y compris filtration et désinfection au chlore | contamination par des eaux usées | Maunula et coll., 2009 Laine et coll., 2010 Rimhanen-Finne et coll., 2010 |
2008 | Montenegro (Podgorica) | viral | 1700 | réseau municipal (sources d’eau : eau de source karstique et eau souterraine); chlorée, mais aucun résidu | contamination par des eaux usées | Werber et coll., 2009 |
mars 2011 | Italie (Sicile) | norovirus | 156 | réseau public (municipal) | contamination du puits et des sources alimentant le réseau de distribution d’eau publique | Giammanco et coll., 2014 |
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