Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada: Paramètres radiologiques

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Organisation : Santé Canada

Publiée : 2024-10-11

Objectif de la consultation

Le présent document technique décrit l'évaluation de l'information disponible sur les radionucléides dans le but de mettre à jour les recommandations relatives à la présence des radionucléides dans l'eau potable. La présente consultation vise à solliciter des commentaires sur les recommandations proposées, la démarche suivie pour les élaborer et les répercussions possibles de leur mise en œuvre.

Les recommandations proposées par Santé Canada reposent sur un nouveau niveau de référence de 1 millisievert par année (mSv/an), ce qui est plus élevé que la dose retenue dans les recommandations antérieures. Dans la recommandation précédente pour la qualité de l'eau potable au Canada (2009), le niveau (dose) de référence était de 0,1 mSv/an, conformément aux valeurs servant à la réglementation des émissions d'activités industrielles dans les cas où il est possible d'agir en amont (lors de la construction de l'installation) pour restreindre à des niveaux très faibles les rejets et l'exposition subséquente du public. Cette valeur ne semble plus appropriée, parce que les radionucléides qui se trouvent dans les sources d'approvisionnement en eau potable canadiennes sont, en très grande majorité, d'origine naturelle. Les exigences très strictes imposées aux rejets industriels ne conviennent donc pas. Qui plus est, les concentrations élevées de radionucléides tendent à se retrouver dans les sources d'eau de petites collectivités ou dans certains puits privés. Dans ces situations, il peut être ardu d'atteindre les très faibles concentrations de radionucléides exigées, alors qu'il existe une différence négligeable sur le plan du risque pour la santé entre les doses de 0,1 mSv/an et de 1 mSv/an. En fin de compte, il n'est pas raisonnable de laisser entendre qu'une intervention est requise en dessous de 1 mSv/an. Un niveau de référence trop prudent peut susciter une impression exagérée de risque pour la santé et mener à des interventions plus dommageables qu'utiles, surtout si les coûts sociaux, environnementaux et financiers sont assumés par de petites collectivités ou par des particuliers. Le nouveau niveau de référence et les concentrations maximales acceptables (CMA) proposées faciliteront une évaluation équilibrée des risques, des avantages et des coûts, sans que la protection de la santé en soit diminuée. La CMA établie pour l'uranium a été retirée, car l'uranium, en tant que danger chimique, fait l'objet de sa propre recommandation pour la qualité de l'eau potable. Enfin, de nouvelles CMA sont proposées à l'égard des radionucléides les plus importants, notamment le radium-228 (Ra-228), et de nouvelles valeurs basées sur la santé (VBS) sont incluses pour d'autres radionucléides d'intérêt, dont le polonium-210 (Po-210) et le radon-222 (Rn-222).

Ce document fait l'objet d'une période de consultation de 60 jours. Veuillez faire parvenir vos commentaires (avec justification le cas échéant) à Santé Canada par courriel : water-eau@hc-sc.gc.ca

Les commentaires doivent nous parvenir avant le 10 janvier 2025. Les commentaires reçus dans le cadre de la consultation seront transmis, avec le nom et l'affiliation de leurs auteurs, aux membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable (CEP). Les personnes qui ne veulent pas que leur nom et leur affiliation soient communiqués aux membres du CEP doivent joindre à leurs commentaires une déclaration à cet égard.

Il est à noter que le présent document technique sera révisé après l'analyse des commentaires reçus et qu'une recommandation pour l'eau potable sera établie. Ce document devrait donc être considéré strictement comme une ébauche pour commentaires.

Recommandation proposée

Des concentrations maximales acceptables (CMA) sont proposées pour les principaux radionucléides faisant partie des chaînes de désintégration de l'uranium et du thorium. De plus, de nouvelles valeurs basées sur la santé (VBS) sont présentées à l'annexe D pour certains radionucléides d'intérêt potentiel, comme le radon et le tritium, et les isotopes du polonium, du strontium, de l'iode et du césium. Les VBS et les CMA proposées sont calculées en fonction d'un niveau de référence de 1 millisievert par année (mSv/an) et sont présentées dans les tableaux 1 et 7.

La radioactivité présente dans l'approvisionnement en eau devrait être déterminée et comparée aux valeurs d'activité alpha brute de 0,5 Bq/L (becquerel par litre) et d'activité bêta brute de 1,0 Bq/L avant la réalisation d'une analyse de radionucléides particuliers. L'analyse des radionucléides devrait porter en priorité sur les radionucléides auxquels une CMA a été attribuée, par rapport à ceux visés par une VBS, selon la probabilité qu'ils soient présents en quantités justifiant une enquête. Si plus d'un radionucléide est détecté, la somme des rapports de la concentration observée sur la VBS ou sur la CMA proposée pour chacun des radionucléides décelés ne doit pas dépasser un.

Tableau 1. Concentrations maximales acceptables proposées pour les radionucléides dans l'eau potable
Radionucléides naturels CMA (Bq/L)
Plomb-210 2
Radium-226 5
Radium-228 2
CMA – concentration maximale acceptable; Bq/L – becquerels par litre

Sommaire

Le présent document technique a été préparé en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable et comprend une évaluation de tous les renseignements pertinents sur les radionucléides.

Les radionucléides sont naturellement présents dans l'environnement. Nous sommes tous exposés au rayonnement de fond d'origine cosmique et terrestre, y compris dans les aliments et l'eau potable. Quoique l'exposition d'une personne découle surtout de sources naturelles de rayonnement (plus de 98 % de l'exposition, sans les sources médicales), l'eau potable reste généralement une composante mineure de ces sources naturelles. Les recommandations concernent les radionucléides qui se retrouvent dans les réseaux de distribution d'eau existants et nouveaux, dans des conditions d'exploitation normales. Les recommandations ne s'appliquent pas en cas d'accident nucléaire; ce sont alors les plans d'urgence provinciaux qui s'appliqueraient.

Le présent document technique est fondé sur des évaluations internationales concernant les risques pour la santé humaine liés aux radionucléides dans l'eau potable. Il tient compte des études et des approches récentes, y compris les données dosimétriques publiées par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) en 2007. Des CMA dans l'eau potable sont proposées pour les trois radionucléides naturels jugés les plus importants, d'après la dose de rayonnement attribuable à l'approvisionnement en eau au Canada, à savoir le Pb-210 (plomb-210), le Ra-226 (radium-226) et le Ra-228 (radium-228). Des valeurs basées sur la santé (VBS) sont également calculées pour deux autres radionucléides naturels (polonium-210 et radon-222) à l'annexe D. Enfin, quatre VBS sont incluses pour certains radionucléides artificiels (tritium, strontium-90, iode-131 et césium-137) à des fins de référence. Les VBS et les CMA proposées ont été déterminées au moyen d'équations et de principes reconnus à l'échelle internationale. Elles sont calculées à l'aide d'un niveau de référence de 1 millisievert (mSv) provenant de la consommation d'eau potable pendant un an, en supposant une consommation de 1,53 litre par jour.

Les radionucléides naturels sont présents à de faibles concentrations dans la roche et le sol. Ainsi, lorsque les eaux souterraines sont en contact avec la roche et le sol pendant des centaines, voire des milliers d'années, les concentrations de radionucléides peuvent augmenter dans l'eau. Ces concentrations varient considérablement en fonction de la composition du substratum rocheux et des conditions physiques et chimiques qui règnent dans l'aquifère. Il peut arriver, quoique rarement, que des radionucléides naturels soient présents dans les puits de surface.

L'augmentation des concentrations de radionucléides naturels dans les eaux de surface peut être associée à des activités industrielles comme l'extraction et la concentration d'uranium, ou à des processus environnementaux comme les retombées de radionucléides cosmogéniques et l'élimination des produits de filiation du radon de l'atmosphère par les précipitations. Les sources de radionucléides artificiels comprennent les retombées des essais d'armes nucléaires au-dessus du sol (avant 1963) et les émissions provenant des réacteurs nucléaires et d'autres activités (comme la recherche et les diagnostics et traitements médicaux). Au Canada, les concentrations de radionucléides artificiels sont très faibles dans l'environnement.

Effets sur la santé, risque et niveau de référence

Dans le domaine de la radioprotection, la survenue d'effets stochastiques est la principale crainte associée à une exposition chronique au rayonnement. En présence de tels effets, on suppose que la probabilité d'un cancer attribuable à des lésions non réparées de l'ADN augmente ou diminue avec la dose. Les recommandations de 2007 de la CIPR reposent sur l'hypothèse d'une relation linéaire sans seuil entre l'exposition et le risque de cancer. Les estimations des risques proviennent de l'extrapolation vers le bas des données d'études épidémiologiques sur les personnes exposées à des doses élevées de rayonnement ou de radioactivité. Malgré l'incertitude entourant la relation entre l'exposition et les effets sur la santé aux faibles doses et faibles débits de dose, le modèle linéaire sans seuil est généralement jugé approprié et prudent dans le contexte de la radioprotection. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) recommande un niveau de référence ou une cible de 1 mSv/an pour la plupart des installations de traitement de l'eau, ce qui établit un équilibre entre les risques et les principes de justification et d'optimisation de la CIPR.

Considérations relatives à l'analyse et au traitement

L'élaboration d'une recommandation tient compte de la capacité à mesurer (quantifier) un contaminant et de l'enlever (traiter) des sources d'approvisionnement en eau potable. Il existe des méthodes permettant de dépister la radioactivité dans les sources d'eau, et chaque radionucléide peut être mesuré avec fiabilité à des concentrations inférieures aux VBS et aux CMA proposées.

À l'échelle municipale, les technologies de traitement qui permettent de réduire efficacement la plupart des radionucléides présents dans une source d'approvisionnement en eau potable comprennent l'osmose inverse, l'échange d'ions et l'adoucissement à la chaux. En ce qui concerne le radon, le charbon actif en grains et l'aération sont des technologies efficaces. La stratégie à adopter dans le cas de radionucléides artificiels (y compris le tritium, dont l'enlèvement est impossible) devrait consister à empêcher toute contamination de la source d'eau. Il est à noter que l'élimination des concentrés ou des résidus de traitement, en tant que déchets radioactifs de faible activité, peut s'avérer difficile; les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient en tenir compte lors du choix d'une technologie de traitement.

À l'échelle résidentielle, il existe plusieurs technologies efficaces qui permettent le traitement au point d'entrée ou au point d'utilisation; l'efficacité d'enlèvement de ces technologies est comparable à celle des technologies employées à l'échelle municipale.

Réseaux de distribution

Selon des études tirés de la littérature scientifique, certains radionucléides (par exemple le Pb-210, le Ra-226 et le Ra-228) peuvent s'accumuler dans les conduites du réseau de distribution, selon les caractéristiques de la source d'eau, les matériaux du réseau de distribution et la présence cooccurrente de certains métaux. Lorsque des radionucléides sont présents dans l'approvisionnement en eau, les responsables des systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient déterminer s'ils doivent les inclure dans leurs plans de surveillance et de gestion du réseau de distribution, afin de prévenir leur accumulation sur les dépôts de corrosion et leur libération subséquente dans l'eau distribuée. Il est recommandé aux responsables de systèmes de distribution d'eau potable d'élaborer un plan de gestion du réseau de distribution afin de réduire au minimum l'accumulation et la libération de radionucléides et de contaminants cooccurrents dans le réseau. Cela nécessite généralement de réduire au minimum les concentrations entrant dans le réseau de distribution et d'adopter de pratiques exemplaires favorisant la stabilité chimique et biologique de l'eau dans tout le réseau, ainsi que minimiser les perturbations physiques et hydrauliques qui peuvent libérer les dépôts de corrosion et les contaminants cooccurrents (par exemple, radionucléides).

Application de la recommandation

Remarque : Des conseils spécifiques concernant l'application des recommandations pour l'eau potable devraient être obtenus auprès de l'autorité appropriée en matière d'eau potable dans le secteur de compétence concerné.

Des CMA sont proposées pour les 3 radionucléides naturels (Pb-210, Ra-226 et Ra-228) qui sont prédominants dans les approvisionnements en eau potable au Canada. De plus, l'annexe C indique les VBS de 6 radionucléides (polonium-210, radon-222, tritium, strontium-90, iode-131 et césium-137) qui présentent un intérêt dans des scénarios particuliers.

Des critères de dépistage de 0,5 Bq/L pour l'activité alpha brute et de 1 Bq/L pour l'activité bêta brute sont recommandés. Ces valeurs sont prudentes, car elles correspondent au tiers des doses de référence utilisées dans le calcul des VBS et des CMA proposées. Il est possible de comparer aux critères de dépistage les mesures obtenues dans l'eau traitée et au point de consommation afin d'évaluer s'il convient de mesurer les radionucléides individuellement. Tout dépassement des CMA proposées devrait faire l'objet d'une enquête et d'une surveillance additionnelle; aussi, une évaluation des risques devrait être effectuée pour déterminer la conduite à tenir face au dépassement.

Un dépassement des valeurs recommandées dans un approvisionnement en eau potable pose rarement un risque pour la santé, surtout à court terme. L'arrêt de l'utilisation de l'eau – durant la caractérisation de la teneur en radionucléides et, au besoin, la prise de mesures correctives – ne s'impose que si les niveaux sont très élevés (par exemple, dix fois le critère d'évaluation). Toute décision de cesser d'utiliser l'eau à des fins de consommation doit reposer sur un examen minutieux des coûts et des avantages globaux. Les facteurs à prendre en considération incluraient l'ampleur du dépassement du niveau de référence, les coûts d'assainissement et la disponibilité d'autres sources d'approvisionnement en eau potable. Il est essentiel de s'assurer qu'une meilleure option est disponible avant de cesser l'utilisation de l'approvisionnement en eau potable (OMS, 2018).

Étant donné que le niveau de référence n'est pas une limite, les organisations internationales recommandent une valeur unique, établie pour les adultes. Si le critère de dépistage est dépassé pour l'activité alpha brute ou bêta brute, il est recommandé d'utiliser l'eau d'une autre source (par exemple de l'eau embouteillée) dans les préparations pour nourrissons. Il s'agit d'une mesure de précaution en raison du temps que peut exiger la caractérisation d'un approvisionnement en eau. Les enfants (âgés de plus d'un an) et les adultes peuvent continuer de consommer et d'utiliser l'eau.

Table des matières

1.0 Considérations relatives à l'exposition

1.1 Radionucléides d'intérêt, sources et comportement dans l'environnement

1.1.1 Radionucléides d'intérêt

La radioactivité est présente partout dans l'environnement, et ce, depuis la formation de la Terre. Les radionucléides naturels sont principalement des isotopes primordiaux (dont la demi-vie est comparable à l'âge de la Terre) du potassium, de l'uranium et du thorium, ainsi que leurs produits de désintégration. Ils peuvent aussi être produits par l'interaction des rayons cosmiques avec l'atmosphère terrestre. Les radionucléides artificiels sont produits à des fins médicales et industrielles ou comme sous-produits de la production d'énergie et des essais d'armes historiques. Les radionucléides d'intérêt cernés dans le présent document, qui sont présentés au tableau 2, proviennent de toutes ces sources.

Les présentes recommandations ne couvrent pas la présence de radionucléides dans l'eau potable à la suite d'une urgence nucléaire. Pour obtenir de plus amples renseignements et des conseils, consultez le document intitulé « Critères génériques et niveaux opérationnels d'intervention pour la planification et les interventions en cas d'urgences nucléaires » (Santé Canada, 2018), ainsi que les plans provinciaux d'urgence nucléaire.

Au Canada, la plupart des radionucléides qui se retrouvent dans l’eau potable sont d’origine naturelle. Ils pénètrent dans la source d’eau par des processus naturels tels que l’érosion des minéraux contenant des radionucléides dans la roche et le sol. Les apports provenant des activités humaines, comme l’exploitation minière, la production d’énergie nucléaire ou la médecine nucléaire, sont normalement beaucoup plus restreints, car les utilisations industrielles et médicales de radionucléides sont réglementées à la source et les rejets dans l’environnement sont optimisés et maintenus bien en deçà des limites réglementaires (AIEA, 2016; OMS, 2017). Les contributions des accidents et des essais antérieurs d’armes nucléaires sont pour ainsi dire négligeables (PNUE, 2016).

Tableau 2. Radionucléides d'intérêt
Radionucléide Demi-vie Mode de désintégration Source
Radium-226 1600 ans Alpha Chaîne de désintégration de l'uranium
Radium-228 5,75 ans Bêta Chaîne de désintégration du thorium
Radon-222 3,82 j Alpha Chaîne de désintégration de l'uranium
Plomb-210 22,2 ans Bêta, gamma Chaîne de désintégration de l'uranium
Polonium-210 138,3 j Alpha Chaîne de désintégration de l'uranium
Tritium 12,3 ans Bêta

Produit naturellement par les interactions des rayons cosmiques avec les molécules dans l'air

Produits artificiellement par les réacteurs nucléaires

Césium-137 30,08 ans Bêta, gamma Réacteurs nucléaires, essais antérieurs d'armes nucléaires
Iode-131 8,02 j Bêta, gamma Réacteurs nucléaires, médecine nucléaire
Strontium-90 28,9 ans Bêta Réacteurs nucléaires, essais antérieurs d'armes nucléaires
j – jour

Les analyses de radionucléides artificiels ne sont recommandées que s'il y a des raisons de soupçonner leur présence (par exemple, si la source d'eau se trouve à proximité d'hôpitaux ou de certaines activités industrielles).

Le présent document fournit des concentrations maximales acceptables (CMA) proposées ou des valeurs basées sur la santé (VBS) pour trois radionucléides qui ne figuraient pas dans la version de 2009. L'ajout d'une CMA pour le radium-228 (Ra-228) et d'une VBS pour le radon-222 (Rn-222) fait suite à la découverte de concentrations localisées dans l'eau de certains puits situés au Canada qui pourraient mener au dépassement du niveau de référence (Santé Canada, données inédites). La VBS associée au polonium-210 (Po-210) a été ajoutée parce que le Po-210 fait partie de la chaîne de désintégration de l'uranium-238 et est donc omniprésent, et son coefficient de dose est très élevé. La CMA pour l'uranium a été retirée parce que l'uranium, n'étant que faiblement radioactif, est traité comme un danger chimique. Les renseignements concernant la présence d'uranium dans l'eau potable se trouvent dans une autre publication (Santé Canada, 2019).

1.1.2 Sources et comportement dans l'environnement

La présence de radionucléides naturels dans l’eau potable est le plus souvent associée aux eaux souterraines. Les radionucléides naturels sont présents à de faibles concentrations dans la roche et le sol, mais leurs concentrations varient en fonction de la composition en minéraux. Certaines roches tendent à renfermer des concentrations élevées d’uranium et de thorium, notamment les roches cristallines comme le granit et les roches métamorphiques de conglomérat de quartz, ainsi que les roches sédimentaires comme les schistes organiques, les grès, les carbonates et les phosphorites (Cowart et Burnett, 1994). Lorsque les eaux souterraines ont été en contact avec la roche et le sol pendant des centaines, voire des milliers d’années, ces concentrations peuvent être importantes.

Les propriétés physico-chimiques des radionucléides influencent le transport des radionucléides dans l'environnement, tout comme les propriétés du milieu ou de l'environnement dans lequel ils se trouvent. La mobilité d'un radionucléide dépend essentiellement de ses propriétés autres que nucléaires. Par conséquent, les isotopes d'un même élément se comportent de la même façon sur le plan chimique. Le comportement hydrochimique – par exemple la mobilité et la solubilité – dépend de la qualité de l'eau, y compris de l'alcalinité, du pH, du potentiel d'oxydoréduction et de la composition chimique (OMS, 2018). Les radionucléides volatils (comme le radon) passent de l'eau à l'atmosphère, ce qui signifie qu'ils sont moins susceptibles de s'accumuler dans les sources d'eau exposées à l'air (Otton, 1992; OMS, 2011).

Parce que la qualité de l'eau peut être sujette à des fluctuations saisonnières, les concentrations de radionucléides peuvent aussi fluctuer. Pour cette raison, des analyses saisonnières sont parfois recommandées pour la caractérisation d'une source d'eau. Par exemple, l'acidité des eaux de surface peut augmenter à l'automne lorsque les feuilles et les aiguilles tombent dans l'eau et se décomposent (USU, 2020). L'uranium, un radionucléide parent, a une mobilité accrue dans les eaux à pH quasi neutre et à forte alcalinité carbonatée (OMS, 2018). Le niveau de la nappe phréatique, le ruissellement en surface, le volume de la source d'eau et la saturation du sol peuvent aussi présenter des différences saisonnières (Bartram et Balance, 1996).

Il est difficile de prévoir si des radionucléides seront présents (et en quelle quantité) dans un lieu particulier, même lorsqu'on en connaît les caractéristiques géologiques. Il est donc recommandé que chaque situation soit évaluée au cas par cas. D'après les données antérieures (comme celles présentées à la section 1.2), seul un très faible pourcentage des sources d'eau devraient avoir des concentrations de radionucléides au-dessus des valeurs recommandées.

1.2 Exposition

1.2.1 Données sur les doses de radionucléides selon diverses études au Canada

Une tendance générale, représentée à la figure 1, ressort des données disponibles sur les concentrations de radionucléides dans l'eau potable au Canada. Les concentrations de radionucléides naturels demeurent faibles dans la plupart des systèmes d'approvisionnement en eau et engendrent une dose annuelle inférieure à 1 millisievert (mSv). À l'occasion, les sources d'eau souterraine et les puits peuvent contenir des radionucléides naturels qui pourraient entraîner une dose annuelle proche de 1 mSv ou supérieure. Les radionucléides artificiels sont présents en très faibles concentrations, de sorte que la dose annuelle est négligeable.

Figure 1. Plages caractéristiques des doses annuelles de radionucléides dans l'eau potable, d'après les concentrations habituelles dans les sources d'eau et une consommation quotidienne de 1,53 L d'eau potable (sources d'information décrites ci-dessous)
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 : Équivalent textuel

Figure 1 est une illustration montrant les doses annuelles de radionucléides dans l'eau potable provenant de différentes sources d'eau en utilisant des concentrations typiques, avec « LD » signifiant limite de détection et « mSv » signifiant millisievert. Les doses sont disposées dans des cases avec le texte suivant, de haut en bas : <10 mSv : Radionucléides naturels (nombre limité de sources d'eau souterraine ou de puits), <1 mSv : Radionucléides naturels (majorité des sources d'eau souterraine ou des puits), <0,1 mSv : Radionucléides naturels (grandes sources d'eau communautaires), <DL ou <0,01 mSv : Radionucléides artificiels (principalement les eaux de surface à proximité d'installations nucléaires).

LD – limite de détection; mSv – millisievert

En ce qui concerne les radionucléides artificiels, les niveaux de radioactivité mesurés récemment (avant 2022) dans les eaux proches d'installations nucléaires ont toujours été inférieurs aux limites de détection, ou inférieurs à 0,01 mSv/an, selon les résultats du Programme indépendant de surveillance environnementale (PISE) de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Plus précisément, les concentrations des substances suivantes se situaient sous les limites de détection dans les eaux : le césium-137 (Cs-137) à proximité de neuf installations nucléaires, le cobalt-60 à proximité de sept installations nucléaires, l'américium-241 à proximité d'une installation nucléaire, le fer-59 à proximité d'une installation nucléaire et l'iode-131 (I-131) à proximité d'une installation nucléaire. Les concentrations de tritium ( 3 H) mesurées dans les eaux à proximité de 10 installations nucléaires correspondaient à des doses de moins de 0,01 mSv/an (CCSN, 2023).

Trois études publiées résumant les données canadiennes sur les grandes sources d'eau communautaires indiquent que les doses de Ra-226, de Rn-222, de plomb-210 (Pb-210) et de Ra-228 sont inférieures à 0,1 mSv/an. L'une de ces études portait sur les niveaux de radioactivité naturelle dans les systèmes publics d'approvisionnement en eau de 24 régions métropolitaines et villes (Chen, 2018a). Une autre résumait les résultats d'analyses menées par Santé Canada sur une période de 30 ans en vue de caractériser les niveaux de radioactivité naturelle dans l'eau potable des municipalités. Les mesures ont été interrompues après quelques années dans bon nombre des municipalités, car les niveaux de radioactivité y étaient systématiquement faibles. Une troisième étude présentait les concentrations de Ra-228 dans l'eau potable municipale à Regina, à Elliot Lake et à Port Hope entre 2012 et 2016 (Chen et coll., 2018c). Les mesures se sont poursuivies dans trois municipalités où les niveaux de radioactivité pourraient être élevés : à Regina, en raison des concentrations élevées d'uranium dans le substrat rocheux sédimentaire; à Elliot Lake, en raison des activités passées et actuelles d'extraction de l'uranium; et à Port Hope, en raison des activités liées à la gestion des déchets et au raffinage (Chen, 2018b).

Le Bureau de la radioprotection de Santé Canada produit et examine des données permettant la caractérisation des eaux souterraines et des puits au cours de projets spéciaux et de consultations (données inédites). La plupart de ces travaux indiquent que les concentrations de radionucléides naturels, dont le Ra-226, le Ra-228 et le Pb-210, engendrent des doses inférieures à 1 mSv/an. Toutefois, il y a eu des cas où les valeurs s'approchaient de la dose de 1 mSv/an ou la dépassaient.

1.2.2 Mettre en perspective l'exposition associée à l'eau potable

Il est important de mettre en perspective l'exposition au rayonnement associée à l'eau potable. Comme le montre la figure 2, les doses annuelles attribuables aux sources naturelles de rayonnement ionisant varient d'une ville à l'autre au Canada, en raison de facteurs comme les particularités géologiques, la latitude et l'altitude. Comme il est mentionné dans la section précédente, les données montrent de façon uniforme que, pour la majorité de la population canadienne, les doses habituelles provenant de l'ingestion d'eau potable représentent un très faible pourcentage de l'exposition attribuable à l'ensemble des sources naturelles.

La principale voie d'exposition à la plupart des radionucléides dans l'eau potable est l'ingestion d'eau. Les valeurs des CMA ou des VBS sont donc établies en fonction de l'eau ingérée. À l'opposé, l'exposition externe aux radionucléides d'intérêt présents dans l'eau potable a des effets radiologiques négligeables et n'influence pas la CMA ou la VBS. L'inhalation de ces radionucléides, à l'exception du radon, a aussi des effets radiologiques négligeables. La section 1.2.3 porte spécifiquement sur le radon.

Figure 2. Dose annuelle moyenne provenant de diverses sources d'exposition au rayonnement naturel dans les villes canadiennes (Santé Canada, publication à venir)
Figure 2. La version textuelle suit.
Figure 2 : Équivalent textuel

La Figure 2 est un diagramme à barres empilées montrant la dose efficace annuelle totale typique selon différentes sources d'exposition. L'axe X indique les villes canadiennes, l'axe Y montre la dose annuelle en millisieverts, et la légende présente les différentes sources d'exposition utilisées dans l'analyse. Ces sources d'exposition, de bas en haut, sont l'ingestion de nourriture, l'ingestion de potassium 40, l'exposition externe terrestre, l'exposition externe cosmique, l'inhalation de radon, et l'ingestion d'eau potable. Les résultats pour chaque ville, en millisieverts, sont les suivants : Whitehorse 3,5, Vancouver 1,5, Yellowknife 2,1, Calgary 3,1, Edmonton 3,0, Saskatoon 3,8, Regina 3,8, Winnipeg 4,1, Toronto 1,9, Ottawa 2,1, Montréal 2,1, Québec 2,0, Halifax 2,3, St. John's 1,9. Pour toutes les villes, l'inhalation de radon est le mode d'exposition le plus important et le plus variable en termes de valeur absolue. Il est suivi par l'exposition externe cosmique, l'ingestion de potassium 40, l'exposition externe terrestre et l'ingestion de nourriture. L'eau potable n'est pas visible sur le graphique pour Whitehorse et Yellowknife, et représente la plus petite contribution à la dose pour les autres villes.

mSv – millisievert

1.2.3 Radon

Le radon inhalé et ses produits de désintégration à vie courte sont les principaux radionucléides qui contribuent à la dose de rayonnement de fond que reçoivent la plupart des personnes vivant au Canada (voir la figure 2). Le radon est un gaz qui peut s'accumuler dans l'air des espaces fermés, comme les maisons et les bâtiments, jusqu'à atteindre parfois à des concentrations élevées. La présence de radon en fortes concentrations dans l'air que l'on respire augmente considérablement le risque de cancer du poumon au fil du temps. Cette considération est de loin la plus importante du point de vue de la gestion de l'exposition au radon.

Le radon pénètre généralement dans les bâtiments par des fissures et d'autres ouvertures en contact avec le sol. Dans une moindre mesure, il peut aussi provenir de l'eau souterraine destinée à la consommation ou à d'autres usages dans le bâtiment, une partie du radon dissous dans l'eau étant libérée dans l'air pendant l'acheminement ou au robinet. Ce risque concerne uniquement les personnes dont l'eau provient de sources souterraines. Dans le cas des sources d'eau de surface et de l'eau traitée par les municipalités, l'agitation naturelle et l'exposition à l'air libre permettent au radon de s'échapper avant que l'eau n'atteigne le réseau de distribution.

La VBS établie pour le radon dans l'eau potable tient compte de la dose ingérée, et non de la dose inhalée. Santé Canada a publié des lignes directrices distinctes sur l'évaluation du danger que pose l'inhalation de radon. Un test de radon peut être effectué à l'aide d'appareils simples et peu coûteux, et les résultats peuvent être comparés à la directive nationale pour le radon dans l'air intérieur afin d'évaluer la nécessité de mesures correctives. De plus amples renseignements sont disponibles ailleurs (Santé Canada, 2023).

2.0 Considérations relatives à la santé

2.1 Effets sur la santé

Les radionucléides émettent un rayonnement ionisant doté d'une énergie suffisante pour arracher des électrons aux atomes et aux molécules. En termes très simples, lorsqu'un électron partagé par des atomes formant une liaison moléculaire est délogé, la liaison se brise et la molécule se dissocie. Le processus peut se produire à la suite d'un impact direct subi par ces atomes ou, de manière indirecte, après la formation de radicaux libres causée par l'irradiation de molécules adjacentes. Lorsque le rayonnement ionisant est absorbé dans une cellule humaine, il peut endommager les molécules d'ADN. L'organisme dispose de mécanismes naturels qui, souvent, lui permettent de réparer ces dommages avant qu'ils ne deviennent problématiques. Toutefois, dans certains cas, les dommages peuvent entraîner la prolifération de cellules anormales ou le cancer. Du point de vue de la santé, l'objectif principal des mesures prises pour gérer l'exposition du public aux rayonnements ionisants consiste à réduire le risque de cancer attribuable.

Les facteurs qui se rapportent au cancer induit par les rayonnements comprennent, entre autres, la voie d'exposition, les caractéristiques physiques et le comportement chimique du radionucléide et la sensibilité des organes exposés.

Les principales données établissant un lien entre l'exposition au rayonnement et le cancer proviennent d'études auprès de personnes ou de groupes de personnes qui ont subi des expositions relativement élevées :

À des doses et débits de dose plus faibles, les liens épidémiologiques sont moins évidents, d'une part parce que tout le monde est exposé à de faibles niveaux de radioactivité, et d'autre part parce qu'on ne peut pas distinguer le cancer induit par les rayonnements des cancers attribuables à d'autres causes (CIPR, 2007). Cependant, des études mécanistes ont montré que des doses de rayonnement relativement faibles peuvent déclencher des réponses biologiques associées au cancer (UNSCEAR, 2021). De plus, des études ont montré que l'exposition aux rayonnements peut avoir des effets héréditaires chez les animaux, mais ces effets n'ont pas été démontrés chez les humains (CIPR, 2007). Aux fins de la radioprotection, on suppose que de faibles doses de rayonnement peuvent avoir des effets cancérogènes ou héréditaires. Cette hypothèse sous-tend l'évaluation et la gestion des risques, comme il est indiqué à la section suivante. Il est admis que la relation entre l'exposition et les effets sur la santé comporte un haut degré d'incertitude lorsque les doses et débits de dose sont faibles.

2.2 Risque

Le cancer induit par les rayonnements et les mutations héréditaires sont des effets stochastiques dont on suppose que la probabilité d'apparition augmente quand l'exposition augmente et diminue quand l'exposition diminue. Les calculs employés aux fins de la radioprotection permettent de définir le risque prospectif associé à ces effets et d'orienter la gestion de l'exposition. Le modèle de risque accepté à l'échelle internationale pour ces calculs est linéaire et ne comporte pas de seuil, ce qui signifie qu'il est possible de calculer un risque pour toute exposition, peu importe son ampleur. Les risques pour la santé auxquels nous sommes exposés au quotidien proviennent de nombreuses sources différentes. Parfois, le fait de chercher à réduire le risque associé à une source, comme une exposition négligeable au rayonnement, peut entraîner par mégarde des conséquences indésirables ou des risques provenant d'autres sources. Il est donc important de trouver un équilibre. Dans cette optique, la CIPR a fondé son système de protection sur les principes de justification et d'optimisation (CIPR 103), à savoir que :

Les systèmes de radioprotection canadiens et internationaux appliquent les recommandations de la CIPR.

Les VBS et les CMA proposées pour l'eau potable au Canada se situent bien en deçà des niveaux associés à des effets importants pour la santé humaine. Le risque radiologique est alors très faible. Dans la plupart des situations, l'atteinte de ces cibles comporte des coûts ou des conséquences non radiologiques qui sont relativement faibles. Il existe toutefois des exceptions, particulièrement lorsque l'eau provient de petites installations ou d'installations privées. Les restrictions sur la consommation d'eau ou le coût élevé des systèmes de traitement peuvent avoir des conséquences négatives qui dépassent largement les avantages d'éviter une faible dose de rayonnement. Dans ces cas, il est important de consulter des professionnels et d'analyser la situation dans son ensemble au moment d'établir les mesures à prendre.

2.3 Niveau de référence et dose efficace

La CIPR recommande que la gestion des expositions provenant de sources naturelles et héritées se fasse en fonction d'un niveau de référence compris entre 1 mSv/an et 20 mSv/an (CIPR, 2007).

Dans le présent document, les VBS et les CMA proposées reposent sur un niveau de référence de 1 mSv/an, soit la plus basse valeur de l'intervalle recommandé. Cette valeur est conforme au niveau de référence qui est recommandé dans les normes internationales de sûreté (AIEA, 2014) et auquel l'Organisation mondiale de la Santé souscrit (OMS, 2018). La section 6 et l'annexe B contiennent des précisions sur la façon dont les recommandations de Santé Canada se comparent à celles d'organisations internationales et de pairs.

Le niveau de référence n'est ni une limite ni une borne séparant les valeurs jugées sûres de celles qui ne le sont pas. Il s'agit plutôt d'un niveau auquel le risque est minimal et que la plupart des systèmes d'approvisionnement en eau peuvent raisonnablement atteindre au Canada. Le niveau de référence est habituellement une cible raisonnable pour l'évaluation de la qualité de l'eau; dans le cas contraire, comme mentionné plus tôt, une évaluation approfondie de la situation s'impose avant la prise de décisions.

Le niveau de référence est exprimé sous forme de dose efficace, selon la méthode élaborée par la CIPR pour établir un lien entre l'exposition au rayonnement ionisant et le risque d'effets stochastiques sur la santé, principalement le cancer. Des informations sur les propriétés physiques et chimiques des radionucléides sont ainsi combinées avec des données caractérisant la réponse biologique. On peut de cette façon additionner facilement les expositions à différents radionucléides par différentes voies ou les comparer aux limites et aux niveaux de référence. Les estimations de l'exposition moyenne à différentes sources de rayonnement de fond, comme à la section 1, sont exprimées à l'aide de la dose efficace. L'unité de la dose efficace est le sievert (Sv). Comme le sievert est une très grande unité, les doses susceptibles de se retrouver dans l'eau potable sont habituellement exprimées en millisieverts (mSv), soit un millième de sievert.

La CIPR a élaboré des coefficients de dose (dose par unité d'incorporation d'une substance radioactive) pour faciliter ces calculs (CIPR, 2012, 2017). Par exemple, en utilisant des coefficients de dose pour l'ingestion de radionucléides, ainsi que des renseignements sur les concentrations de radionucléides et les taux de consommation, il est possible d'estimer la dose qu'une personne recevrait d'une source d'eau potable donnée. Santé Canada a utilisé des coefficients de dose efficace et des hypothèses standards pour calculer les VBS et les CMA proposées (voir la section 3).

3.0 Évaluation et mise en œuvre

La figure 3 décrit le processus d'évaluation des paramètres radiologiques dans l'eau potable. Ce processus commence par des mesures approximatives, relativement peu coûteuses, en laboratoire. Des évaluations plus précises s'ajoutent ensuite si les résultats obtenus le justifient. Chacune de ces étapes est décrite plus en détail aux sections 3.1 et 3.2.

Les critères d'activité des rayonnements alpha et bêta, les VBS et les CMA proposées, la formule de sommation et le niveau de référence ont été établis en fonction de l'exposition annuelle. Il est important de garder cela à l'esprit lors de la caractérisation initiale d'une source d'eau. Il peut être nécessaire de répéter les mesures des activités alpha et bêta brutes ou les analyses de radionucléides pour déceler les fluctuations et établir les caractéristiques initiales de l'approvisionnement en eau. Par exemple, il est recommandé qu'un échantillonnage et des mesures aient lieu une fois par saison au cours de la première année si la VBS ou la CMA proposée est presque atteinte ou est dépassée dans une source d'eau.

Les nourrissons (de moins d'un an) recevront une dose plus élevée que les enfants (de plus d'un an) et les adultes à la VBS ou à la CMA proposée. Si le critère de dépistage est dépassé pour l'activité alpha brute ou bêta brute, il est recommandé que l'eau d'une autre source (par exemple de l'eau embouteillée) soit employée dans les préparations pour nourrissons. Les enfants (âgés de plus d'un an) et les adultes peuvent continuer de consommer et d'utiliser l'eau. Le processus d'examen périodique est décrit à la section 3.4.

Figure 3. Diagramme pour l'évaluation des paramètres radiologiques dans les sources d'approvisionnement en eau potable (les critères d'examen périodique sont décrits à la section 3.4)
Figure 3. La version textuelle suit.
Figure 3 : Équivalent textuel

La Figure 3 est un organigramme détaillant le processus d'évaluation des paramètres radiologiques dans les sources d'approvisionnement en eau potable. Étape 1 : Dépistage en utilisant l'alpha et le bêta global (Voir la section 3.1), avec la note de bas de page suivante : « Les mesures d'alpha global doivent être corrigées pour la présence d'uranium, et les mesures de bêta global, pour la présence de potassium-40. Se référer aux techniques spécifiques de mesure d'alpha/bêta globales pour plus de détails, telles que celles énumérées dans le Tableau 3 ». Étape 2 : Les niveaux de dépistage sont-ils dépassés? Si non, l'eau est conforme au critère de la recommandation, si oui, passez à l'étape 3 en tenant compte de la note de bas de page suivante : « Si l'eau est utilisée dans les préparations pour nourrissons, envisagez d'utiliser une source alternative (comme de l'eau en bouteille) ». Étape 3 : Analyses des radionucléides (Voir la section 3.2). Étape 4 : Dépasse-t-elle la CMA (concentration maximale acceptable) ou VBS (valeur basée sur la santé)? Si non, l'eau est conforme au critère de la recommandation, si oui, passez à l'étape 5. Étape 5: Évaluation de la dose (voir la section 3.3). Étape 6 : Dépasse-t-elle le niveau de référence? Si non, l'eau est conforme au critère de la recommandation, si oui, passez à l'étape 7. Étape 7 : Déterminer la nécessité d'un traitement de l'eau ou d'autres options.

a Les mesures de l'activité alpha brute devraient être corrigées pour tenir compte de la présence d'uranium, et les mesures de l'activité bêta brute, pour tenir compte de la présence de potassium-40. Voir les détails relatifs aux techniques particulières de mesure, telles que celles indiquées dans le tableau 3.
b Pour l'ajout à des préparations pour nourrissons, envisager l'utilisation d'une autre source d'eau (comme l'eau embouteillée).

3.1 Dépistage des activités alpha et bêta brutes

Parce que les principaux radionucléides ciblés dans les évaluations courantes de l'eau potable émettent des particules alpha ou bêta, il est habituellement possible de mesurer l'activité alpha ou bêta brute d'un échantillon d'eau à l'aide d'analyses rapides de dépistage (voir la section 4.1). Toutefois, le dépistage de l'activité alpha brute n'est pas un outil efficace pour déterminer les concentrations de radon ou, dans le cas du dépistage de l'activité bêta brute, pour déterminer les concentrations de tritium. Des analyses particulières s'imposent donc si l'on soupçonne la présence de radon ou de tritium en quantités importantes.

Le dépistage des activités alpha et bêta brutes est un moyen relativement peu coûteux d'identifier les échantillons d'eau qui nécessitent un examen plus poussé. Le critère de dépistage proposé pour chaque analyse correspond à une dose annuelle d'au plus 0,3 mSv, soit environ le tiers de la dose de référence. Santé Canada fonde le critère de dépistage de l'activité alpha brute sur le Po-210 (0,5 becquerel par litre [Bq/L]) et le critère de dépistage de l'activité bêta brute sur le Ra-228 (1 Bq/L), car ces radionucléides ont les coefficients de dose les plus élevés parmi ceux jugés importants dans l'eau potable au Canada (CIPR, 2012, 2017). Cette approche est prudente.

Si l'activité alpha brute et l'activité bêta brute mesurées sont toutes deux inférieures aux critères de dépistage, il n'est pas nécessaire d'effectuer des analyses plus poussées. Si l'une ou l'autre des mesures dépasse les critères de dépistage, l'analyse de radionucléides particuliers est recommandée.

3.2 Analyse de radionucléides particuliers

Si les critères de dépistage de l'activité alpha ou bêta brute sont dépassés, ou s'il y a lieu de craindre que du radon ou du tritium soit présent dans une zone, l'étape suivante consiste à mesurer la présence de radionucléides particuliers et à comparer leurs niveaux d'activité avec les CMA (voir la section 4.2).

Les CMA proposées par radionucléide ont été calculées à l'aide des coefficients de dose pour les adultes (CIPR, 2012, 2017), en supposant l'ingestion d'une quantité d'eau potable de 1,53 L/jour (ou 558 L/an) et un niveau de référence de 1 mSv/an.

La CMA d'un radionucléide dans l'eau potable est déterminée à l'aide de l'équation suivante :

CMA (Bq/L) =
1 mSv/an
-----------------------------------------------------
558 L/an × CD (Sv/Bq) × 1000 mSv/Sv

où :

Les VBS sont calculées de la même façon que les CMA proposées.

3.2.1 Formule de sommation

Les effets radiologiques de deux ou plusieurs radionucléides présents dans la même source d'eau potable sont présumés être additifs. Par conséquent, pour qu'il y ait conformité aux recommandations, la formule de sommation suivante doit être satisfaite :

où C i et CMA i sont respectivement la concentration observée et la concentration maximale acceptable (CMA ou VBS) de chaque radionucléide présent. La sommation devrait uniquement inclure les radionucléides détectés avec un intervalle de confiance à 95 % au minimum. Les limites de détection de radionucléides non détectés ne devraient pas être utilisées à la place des concentrations C i , car, dans certains cas, un échantillon pourrait ne pas satisfaire au critère de sommation même s'il n'y a aucun radionucléide.

Les CMA chimiques ne devraient pas être incluses dans la formule de sommation radiologique. Par exemple, l'uranium naturel total n'a pas de CMA radiologique, mais plutôt une CMA chimique, qui est plus restrictive. Étant donné que l'uranium génère une très faible dose radiologique (~0,01 mSv/an) à la CMA chimique, l'uranium ne devrait pas être inclus dans la formule de sommation.

3.3 Évaluation des doses et décisions d'atténuation

Les VBS et les CMA proposées ont été calculées à l'aide de valeurs par défaut pour certains paramètres, comme les taux de consommation. Si les concentrations de radionucléides dépassent la VBS ou la CMA proposée (ou 1, si on utilise la formule de sommation), il pourrait être utile de caractériser les doses avec plus de précision. Les résultats, lorsqu'ils sont comparés au niveau de référence, peuvent éclairer le choix des étapes à venir. Cela vaut particulièrement pour les puits privés, où une intervention pourrait avoir des effets négatifs fortuits qui l'emportent sur les effets positifs (voir les sections 2.2 et 2.3). L'évaluation des doses dépendra de nombreux facteurs, y compris les radionucléides présents dans l'eau potable et les variations saisonnières des concentrations mesurées. L'on envisagera de recourir à un spécialiste en radioprotection pour effectuer cette évaluation et formuler des recommandations. Dans le cas des puits privés, la tolérance au risque des personnes desservies et les répercussions des mesures d'atténuation, y compris les coûts, sont des facteurs importants à prendre en compte pour choisir la meilleure façon de procéder. Les dépassements devraient généralement donner lieu à des mesures d'atténuation dans les réseaux publics ou les réseaux communautaires de plus grande taille. Les options de traitement sont abordées à la section 5.

3.4 Examens périodiques et surveillance

Des examens périodiques sont recommandés si des activités humaines ou des changements environnementaux risquent d'augmenter la teneur en radionucléides dans l'eau potable. La fréquence des examens périodiques dépend des circonstances particulières, mais si rien n'indique que les concentrations varieront au fil du temps, l'échantillonnage peut alors se faire sur une base saisonnière, semi-annuelle ou annuelle. Si les concentrations mesurées sont stables et bien en deçà des VBS ou des CMA proposées, on peut envisager une réduction de la fréquence d'échantillonnage. En revanche, la fréquence d'échantillonnage devrait être maintenue, ou même augmentée, si les concentrations se rapprochent d'une VBS ou d'une CMA proposée, si la somme des rapports de la concentration observée sur la VBS ou la CMA proposée pour chaque radionucléide décelé se rapproche de un, ou si des changements rapides de la source de radioactivité sont observés ou attendus.

Avec certaines adaptations, les mesures des activités alpha et bêta brutes peuvent remplacer les critères de dépistage par défaut au cours des examens périodiques. Par exemple, si l'activité brute dépasse initialement les critères de dépistage, mais que l'eau satisfait aux critères de la recommandation selon l'analyse par radionucléide, les niveaux mesurés d'activité brute peuvent être employés comme critères de dépistage dans les examens périodiques. Cette substitution est possible parce que les critères de dépistage représentent chacun une fraction du niveau de référence. De même, lorsque la dose totale provient essentiellement d'un ou deux radionucléides, les examens périodiques peuvent cibler ces radionucléides. L'efficacité et le coût influenceront le choix de la méthode utilisée.

Si des installations génèrent des rejets environnementaux de radionucléides qui risquent de pénétrer dans les sources d'eau potable, les autorités compétentes jugeront peut-être utile de conclure des ententes avec ces installations. Ces ententes peuvent prévoir la communication des données de surveillance et la notification rapide des rejets, afin que les opérateurs d'installations de traitement de l'eau potable puissent prendre les mesures appropriées. S'il est probable que l'exposition continue de dépasser les VBS et les CMA proposées, l'autorité compétente peut choisir d'atténuer les risques par l'application d'autres mesures fondées sur la toxicité, les concentrations prévues dans la source d'eau et la fréquence des dépassements.

4.0 Considérations relatives à l'analyse et au traitement

Les sections ci-après résument les méthodes d'analyse qui permettent de mesurer les activités alpha et bêta brutes des radionucléides pour lesquels des VBS ou des CMA proposées ont été établies (tableau 2). Les méthodes validées qui s'y trouvent proviennent de l'Environmental Protection Agency des États-Unis (US EPA), de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et de l'American Society for Testing and Materials (ASTM). Les laboratoires canadiens et américains se fient souvent directement à ces méthodes ou peuvent les utiliser comme base pour élaborer, valider ou tester leurs propres méthodes. Les échantillons d'eau devraient être prélevés au point de consommation. Santé Canada recommande qu'un laboratoire dûment accrédité effectue l'analyse des radionucléides dans l'eau potable. Le laboratoire peut fournir plus de renseignements sur la procédure de prélèvement, y compris le contenant et le volume de l'échantillon.

Les limites de détection mentionnées aux sections 4.1 et 4.2 correspondent à celles des méthodes de référence. En pratique, les limites de détection peuvent varier en fonction des paramètres de l'échantillon, du temps de comptage et des modifications apportées à la méthode de référence par le laboratoire.

4.1 Mesure des activités alpha et bêta brutes

Pour déterminer les activités alpha brute et bêta brute dans l'eau potable (à l'exception du radon), on peut laisser évaporer un volume connu de l'échantillon jusqu'à siccité et mesurer l'activité du résidu. Comme le rayonnement alpha est facilement absorbé par une mince couche de matière solide, la fiabilité et la sensibilité de la méthode peuvent être réduites lorsque l'activité alpha est mesurée dans les échantillons contenant une grande quantité de matières dissoutes totales (MDT). Certaines méthodes prévoient la soustraction du potassium-40 (K-40) pour une mesure précise de l'activité bêta brute. Le potassium total dans l'échantillon selon la masse peut être mesuré par spectrophotométrie d'absorption atomique, après quoi l'activité du K-40 (Bq) peut être calculée à l'aide du facteur de 27,6 Bq/g. Les méthodes recommandées pour la détermination des activités alpha et bêta brutes sont présentées dans le tableau 3. La limite de détection varie selon les laboratoires en fonction de l'équipement et des procédures utilisés. En moyenne, une comparaison entre les laboratoires situe la limite de détection entre 1,4 et 340 mBq/L pour l'activité alpha brute et entre 0 et 424 mBq/L pour l'activité bêta brute (Jobbagy, 2016).

Tableau 3. Méthodes de référence pour la mesure des activités alpha brute et bêta brute
Paramètre Méthode de référence Préparation Détection Remarques
Activité alpha brute

ISO 9696
(2017)

APHA 7110 C
(1998)

Évaporation

Coprécipitation

Mesure par compteur proportionnel à gaz

Mesure par compteur proportionnel à gaz

La teneur en MDT doit être inférieure à 0,1 g/L, et une soustraction du K-40 est effectuée; la méthode n'est pas valide si la présence de produits de fission est soupçonnée
Activité bêta brute

ISO 9697
(2018)

Évaporation

Mesure par compteur proportionnel à gaz

La teneur en MDT doit être inférieure à 0,1 g/L, et une soustraction du K-40 est effectuée
Activités alpha et bêta brutes

EPA 900.0
(1980a)

ASTM D7283
(2017)

Évaporation

Évaporation

Mesure par compteur proportionnel à gaz

Comptage par scintillation liquide

La teneur en MDT doit être inférieure à 0,1 g/L, et une soustraction du K-40 est effectuée

La détection des activités alpha brute et bêta brute peut réduire le besoin d'analyses de radionucléides particuliers, lesquelles sont plus coûteuses. Toutefois, son utilisation comme outil de mesure présente certains inconvénients, dont l'obtention de résultats faussement positifs, particulièrement lorsque l'activité alpha brute est mesurée en présence de radon dissous. L'obtention de faux positifs est plutôt fréquente aux concentrations de dizaines de becquerels par litre, mais, dans la plupart de ces cas, les analyses détaillées montreront que tous les radionucléides d'intérêt sont conformes à la VBS ou à la CMA proposée. Lorsqu'un compteur proportionnel à gaz est employé, de faux négatifs peuvent se produire quand d'importantes quantités de MDT sont présentes dans l'échantillon d'eau. Dans ce cas, après l'évaporation jusqu'à siccité de l'échantillon, l'auto-absorption des particules peut entraîner une réduction importante du taux de comptage. Les laboratoires qui effectuent des mesures de l'activité alpha brute et de l'activité bêta brute signalent régulièrement d'importantes variations du taux de comptage, et ce, même pour des échantillons prélevés d'une même source d'eau. En ce qui concerne les mesures d'activité brute, la détection simultanée des activités alpha et bêta peut entraîner un chevauchement ou un débordement des composantes alpha et bêta, ce qui aurait pour effet d'accroître, de façon imprévisible, les erreurs d'analyse. Pour remédier à ces inconvénients, l'analyse d'échantillons répétés est recommandée. Des améliorations ont récemment été apportées à la détermination séquentielle des activités alpha et bêta brutes dans les échantillons dont la composition en radionucléides est complexe (Jobbagy, 2022).

Si un échantillon d'eau potable dépasse le critère de dépistage pour l'activité alpha brute (0,5 Bq/L) ou pour l'activité bêta brute (1 Bq/L), il est recommandé de répéter l'analyse deux fois de plus afin de confirmer la validité du résultat. Si le résultat est confirmé, il conviendrait alors de soumettre l'échantillon à des analyses visant les radionucléides dont la présence est soupçonnée, selon le type et l'emplacement de l'approvisionnement en eau potable (tableau 2).

4.2 Méthodes d'analyse de radionucléides particuliers

L'analyse de radionucléides particuliers devrait d'abord porter sur les radionucléides dont la présence est probable parmi ceux pour lesquels une CMA est établie, à moins que la source de contamination ne soit déjà connue (tableau 4). Le tableau 5 présente les méthodes d'analyse qui permettent de détecter les radionucléides ayant une VBS ou une CMA proposée.

Tableau 4. Radionucléides contribuant possiblement au dépassement des critères de dépistage
Dépassement Radionucléides probables (pour lesquels une CMA est établie) Radionucléides peu probables (pour lesquels une VBS est établie)
Activité alpha brute Radium-226 Polonium-210
Radon-222
Activité bêta brute Plomb-210 Tritium ( 3 H)
Radium-228 Strontium-90
Iode-131
Césium-137
CMA – concentration maximale acceptable; VBS – valeur basée sur la santé
Tableau 5. Méthodes de référence pour les analyses de radionucléides particuliers
Radionucléide Méthode de référence Préparation Méthode de détection LD Remarques
Plomb-210

ASTM D7535
(2015)

ISO 13163
(2021c)

Extraction en phase solide

Extraction en phase solide

Mesure par compteur proportionnel à gaz

Comptage par scintillation liquide

37 mBq/L

20 à 50 mBq/L

Si une forte présence de radon est soupçonnée, il est recommandé d'agiter l'échantillon pour éliminer le radon dissous, avant de l'entreposer.

Radium-226 et 228

ISO 22908
(2020 b)

Coprécipitation et resuspension

Comptage par scintillation liquide

0,01 Bq/kg (Ra-226), 0,06 Bq/kg (Ra-228)

Sans objet

Radium-226

ASTM D2460-07
(2013a)/

EPA 903.0
(1999)

ASTM D3454
(2022)/

EPA 903.1
(1980c)

Coprécipitation

Émanation du radon

Spectrométrie alpha

ou mesure par compteur proportionnel à gaz

Chambre à scintillation

Méthode ASTM : 3,7 à 37 mBq/L

Sans objet

Radium-228

EPA 904.0
(2022)

Coprécipitation

Mesure par compteur proportionnel à gaz

Valeur non indiquée

Sans objet

Polonium-210

ISO 13161(2020a)

Dépôt spontané ou coprécipitation

Spectrométrie alpha

5 mBq/L

Sans objet

Iode-131

EPA 901.1 (1980 b)

ASTM D4785-08
(2013 b)

Aucune

Échange d'ions/extraction par solvant

Spectrométrie gamma

Spectrométrie gamma

Valeur non indiquée

Sans objet

Césium-137

EPA 901.1 (1980)/

ISO 10703 (2021a)

Aucune

Spectrométrie gamma

Méthode ISO : 5 mBq/L

Sans objet

Radon-222

7500-Rn B
(APHA et coll., 2021)

ASTM D5072-09
(2016)

EPA 600/2-87/082
(1989)

Aucune

Aucune

Dé-émanation

Comptage par scintillation liquide

Comptage par scintillation liquide

Cellule de scintillation de Lucas

0,67 Bq/L

2 Bq/L

Des précautions s'imposent au moment de l'obtention d'échantillons pour la mesure du radon, car le radon peut facilement s'échapper pendant le transfert entre contenants, s'il est agité ou s'il est exposé à l'air libre.

Strontium-90

ASTM D5811-06
(2020b)

ISO 13160
(2021b)

Extraction en phase solide

Extraction en phase solide ou extraction liquide-liquide

Mesure par compteur proportionnel à gaz

Comptage par scintillation liquide ou mesure par compteur proportionnel à gaz

37 mBq/L

2 mBq/L

Sans objet

Tritium

EPA 906.0
(1980d)/

ASTM D4107
(2020a)/

ISO 9698
(2019)

Distillation

Comptage par scintillation liquide

0,037 à 555 Bq/mL

Sans objet

LD – limite de détection; Bq/L – becquerels par litre; mBq/L – millibecquerels par litre; Bq/mL– becquerels par millilitre; Bq/kg – becquerels par kilogramme

5.0 Considérations relatives au traitement

5.1 Propriétés chimiques des radio-isotopes

Plusieurs technologies permettent de réduire les concentrations de contaminants radiologiques dans l'eau potable. Il convient de noter que les propriétés chimiques du tritium empêchent son enlèvement de l'eau, d'où l'importance de prévenir une contamination importante de la source d'eau.

Le choix d'un procédé de traitement approprié dépend de nombreux facteurs, notamment la source d'eau brute et ses caractéristiques, la nature des radionucléides présents dans l'eau, les conditions opérationnelles de la méthode de traitement choisie et les objectifs de traitement des responsables de systèmes de distribution d'eau potable. Il est essentiel de procéder à des études pilotes et à l'échelle de banc d'essai pour s'assurer que la source d'eau peut être traitée avec succès et pour optimiser les conditions d'opération. De plus, la manipulation et l'élimination des résidus de traitement (déchets issus du traitement) exigent un examen minutieux lorsque des radionucléides sont enlevés de l'eau potable.

5.2 Échelle municipale

La plupart des radionucléides peuvent être enlever efficacement dans les installations municipales de traitement de l'eau. Les meilleures technologies pour l'enlèvement des radionucléides dans ce contexte sont l'échange d'ions (IX), l'osmose inverse (OI) et l'adoucissement à la chaux (U.S. EPA, 2000b). L'efficacité d'enlèvement dépend des caractéristiques de la source d'eau, y compris le pH, la concentration de l'influent, la concentration d'ions concurrents (surtout le sulfate), le type de résine et l'alcalinité. En général, les résines échangeuse d'ions présentent une certaine sélectivité pour divers ions, selon la concentration ionique de la solution et le type de résine choisi. La capacité d'échange ionique et la sélectivité de la résine sont des éléments importants à considérer dans le choix d'une résine pour un radionucléide particulier.

En ce qui concerne l'OI, l'efficacité d'enlèvement signalée se situe généralement entre 70 % et 99 % (Annanmäki, 2000). L'efficacité d'enlèvement des méthodes d'IX peut atteindre 95 %, selon les données disponibles, mais dépend du milieu échangeur d'ions utilisé (US EPA, 2000a).

Les technologies d'OI et d'IX peuvent réduire le pH de l'eau et augmenter la corrosion. Dans le processus d'échange d'anions, la résine échangeuses d'ions fraîchement régénérée enlève les ions bicarbonate en plus des contaminants. En conséquence, une réduction du pH et de l'alcalinité totale se produit au cours des 100 premiers volumes de lit (VL) d'un cycle, et il peut s'avérer nécessaire d'augmenter le pH de l'eau traitée au début d'un cycle pour éviter la corrosion (Clifford, 1999; Wang et coll., 2010; Clifford et coll., 2011). De même, la régénération fréquente d'une résine échangeuse d'ions entraîne une diminution importante et continue du pH de l'eau, ce qui a aussi une incidence sur la corrosion (Lowry, 2009, 2010). Puisque l'OI enlève continuellement et complètement l'alcalinité de l'eau, elle entraînera sans cesse une diminution du pH et une augmentation de la corrosivité de l'eau traitée. Par conséquent, le pH de l'eau produite doit être ajusté pour éviter les problèmes de corrosion, comme la libération de plomb et de cuivre, dans le réseau de distribution (Schock et Lytle, 2011).

5.2.1 Radium

L'efficacité déclarée de l'adoucissement à la chaux varie de 80 % à 95 % pour l'enlèvement du radium (US EPA, 2000a).

L'enlèvement du radium par IX repose sur l'utilisation d'un milieu échangeur de cations fortement acide (c.-à-d. que la résine est régénérée par une solution acide) (Annanmäki, 2000; Clifford, 2004). En plus de l'IX, de l'OI et de l'adoucissement à la chaux, le tableau 6 montre les technologies de traitement qui peuvent enlever à la fois le Ra-226 et le Ra-228, à savoir la filtration sur sable vert, la précipitation au sulfate de baryum, l'électrodialyse et l'électrodialyse inverse et la filtration à l'oxyde de manganèse hydraté (US EPA, 2000b).

Tableau 6. Technologies de traitement et efficacité d'enlèvement du radium
Méthode de traitement Efficacité d'enlèvement Commentaire
Adoucissement IX (Na+, SAC) > 95 % Fonctionnement jusqu'au point de saturation; régénération au NaCl
Précipitation sous forme de Ba(Ra)SO 4 50-95 % Ajout de BaCl 2 à l'eau d'alimentation avant la filtration
Adsorption sur MnO 2 50-95 % Utilisation de MnO 2 préformé ou d'un milieu filtrant recouvert de MnO 2
OI > 99 % Méthode efficace, mais posant certaines difficultés opérationnelles
Adapté de Clifford (2004); IX – échange d'ions; OI – osmose inverse; SAC – résine échangeuse de cations fortement acide

5.2.2 Radon

L'US EPA estime que l'aération de haute performance est actuellement la meilleure technologie pour l'enlèvement du radon présent dans l'eau provenant de sources d'approvisionnement en eau souterraines. Elle recommande donc son utilisation. Les méthodes de ce type, notamment l'aération en tour à garnissage et l'aération par bullage multiétage, peuvent atteindre un taux d'enlèvement de 99 %. Toutefois, ces méthodes peuvent générer une quantité importante de radon dans l'air. L'adsorption sur charbon actif en grains (CAG), avec ou sans IX, permet aussi d'enlever une grande part du radon, mais avec une moindre efficacité, et les grandes quantités de CAG qu'elle requiert font qu'elle convient assez mal aux systèmes de grande capacité.

Dans certaines circonstances particulières, l'emploi du CAG pourrait convenir dans les systèmes de très petite capacité, notamment aux points d'entrée (US EPA, 1999). Cette technologie pose toutefois deux problèmes potentiels, soit la création de champs intenses de rayonnement gamma à proximité de la colonne et les difficultés liées à l'élimination des résidus de traitement.

5.2.3 Tritium

La stratégie à adopter, dans le cas de radionucléides artificiels comme le tritium, devrait consister à empêcher toute contamination importante de la source d'eau.

5.3 Gestion des résidus

Pour évaluer les options d'élimination et les exigences réglementaires, il faut d'abord caractériser le flux de déchets (résidus) générés. La caractérisation doit tenir compte de la technologie de traitement utilisée, des caractéristiques de la source d'eau (y compris les concentrations de contaminants radiologiques dans l'eau brute et la présence cooccurrente d'autres radionucléides), ainsi que des concentrations d'autres contaminants dans les résidus. Les technologies de traitement génèrent une variété de résidus sous forme de déchets solides (milieux filtrants de résine épuisés, membranes épuisées et boues) et de déchets liquides (saumure, eau de lavage à contre-courant, eau de rinçage, flux de neutralisation des acides et concentré). Les caractéristiques et la concentration du radionucléide dans les résidus varieront en fonction de la technologie de traitement utilisée et de son efficacité (en lien avec différents facteurs comme la fréquence de remplacement du milieu, de la régénération et du lavage des filtres à contre-courant).

Les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient soumettre leurs technologies de traitement à des essais pilotes afin de déterminer, par exemple, le calendrier de régénération des procédés d'IX et les déchets résiduels qui y sont associés. Le traitement, l'entreposage, l'élimination ou le transport du flux de déchets peuvent exiger des précautions particulières. Les opérateurs pourraient avoir besoin d'une formation spéciale sur la gestion de ces résidus. Les responsables d'installations de traitement de l'eau potable devraient évaluer les résidus qui y sont produits afin de déterminer s'ils doivent être traités comme des matières radioactives naturelles (MRN) aux fins de l'élimination (p. ex. Santé Canada, 2014). Le cas échéant, il faudrait consulter les autorités compétentes pour connaître les exigences relatives à l'élimination. Une liste des organismes de réglementation provinciaux et territoriaux en matière de radioprotection se trouve sur le site Web du Comité de radioprotection fédéral-provincial-territorial (CRFPT) ( https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-et-risque-pour-sante/radiation/comprendre/comite-radioprotection-federal-provincial-territorial.html). Un outil en ligne permet également d'estimer l'efficacité d'enlèvement des radionucléides et des co-contaminants de l'eau potable, ainsi que les concentrations radioactives dans les déchets résiduels (US EPA, 2005).

5.4 Échelle résidentielle

Dans les cas où l'on souhaite enlever les radionucléides de l'eau potable à l'échelle résidentielle – par exemple, lorsque l'eau potable provient d'un puits privé – l'utilisation d'un dispositif de traitement résidentiel peut être envisagée. De plus, certains dispositifs résidentiels peuvent avoir une capacité nominale permettant de traiter des volumes supérieurs à ceux d'une seule résidence, de sorte qu'ils peuvent aussi être utilisés dans des systèmes un peu plus grands.

Avant l'installation du dispositif de traitement, il convient de faire analyser l'eau pour en déterminer les caractéristiques chimiques générales et les concentrations de radionucléides. Un laboratoire accrédité devrait analyser périodiquement l'eau entrant dans le dispositif et l'eau traitée pour vérifier l'efficacité du traitement. Les dispositifs peuvent perdre leur capacité d'enlèvement avec le temps et doivent être entretenus ou remplacés. Les consommateurs devraient vérifier la durée de vie prévue des composants du dispositif de traitement et l'entretenir au besoin selon les recommandations du fabricant.

Santé Canada ne recommande aucune marque particulière de dispositif de traitement de l'eau potable. Cependant, il conseille fortement aux consommateurs d'utiliser des dispositifs de traitement qui ont été certifiés par un organisme de certification accrédité. Cette certification garantit que le dispositif de traitement répond aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à établir des exigences minimales relatives aux matériaux, à la conception et à la fabrication des dispositifs de traitement de l'eau potable. La certification des dispositifs de traitement est réalisée par un tiers et garantit que les matériaux contenus dans le dispositif ne libèrent pas de contaminants dans l'eau potable (c.-à-d. innocuité des matériaux). De plus, les normes englobent des exigences de performance quant à l'efficacité d'enlèvement qui doit être assurée pour certains contaminants qui peuvent être présents dans l'eau.

Les organismes de certification (c.-à-d. des tiers), qui doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes, garantissent qu'un produit est conforme aux normes en vigueur. Voici quelques-uns des organismes accrédités au Canada :

La liste à jour des organismes de certification accrédités peut être obtenue auprès du Conseil canadien des normes.

Les dispositifs de traitement disponibles sur le marché permettent d'enlever certains radionucléides de l'eau potable conformément aux recommandations proposées. Les dispositifs disponibles à cette fin sont le plus souvent des systèmes d'IX et d'OI. De façon générale, les technologies de traitement au point d'utilisation et au point d'entrée devraient avoir une efficacité d'enlèvement semblable à celle des technologies de traitement employées à l'échelle municipale.

Les déchets produits par les dispositifs de traitement aux points d'entrée et aux points d'utilisation peuvent être éliminés dans les égouts ou les fosses septiques, s'il s'agit de déchets liquides, et dans les sites d'enfouissement municipaux, s'il s'agit de déchets solides.

5.4.1 Plomb-210

Aucun dispositif de traitement n'est actuellement certifié pour l'enlèvement du Pb-210. Toutefois, parce que cet isotope se comporte chimiquement comme le plomb élémentaire, les dispositifs certifiés pour l'enlèvement du plomb devraient aussi réduire l'isotope radioactif.

Les dispositifs de traitement de l'eau potable peuvent être certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 53 ( Drinking Water Treatment Units – Health Effects) [adsorption] ou à la norme NSF/ANSI 58 ( Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) pour l'enlèvement du plomb (NSF, 2022a, 2022b). Un certain nombre de dispositifs de traitement résidentiel certifiés sont disponibles pour enlever le plomb de l'eau potable par adsorption (c.-à-d. charbon en bloc/résine) et par OI. Une infographie est accessible pour faciliter le choix d'un filtre d'adsorption certifié pour l'enlèvement du plomb ( https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/infographie-procurer-filtre-eau-potable.html). Les dispositifs de traitement de l'eau potable certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 62 ( Drinking Water Distillation Systems) peuvent également être utilisés, car cette technologie de distillation enlève efficacement le plomb à l'échelle résidentielle (NSF, 2022c). Toutefois, aucun système de distillation certifié n'est actuellement disponible.

5.4.2 Radium

Il existe des dispositifs de traitement certifiés pour enlever le Ra-226 et le Ra-228 de l'eau potable à l'aide des technologies d'IX et d'OI. Les dispositifs certifiés selon les normes NSF/ANSI 58 ( Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) et NSF/ANSI 44 ( Residential Cation Exchange Water Softeners) peuvent faire passer une concentration de radium de 25 picocuries par litre (pCi/L) (925 mBq/L) dans l'influent à une concentration de 5 pCi/L (185 mBq/L) tout au plus (NSF International, 2022b, 2022d).

5.4.3 Radon

Les dispositifs de traitement certifiés pour l'enlèvement du radon de l'eau potable emploient généralement la technologie d'adsorption sur charbon actif. Les dispositifs de traitement certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 53 ( Drinking Water Treatment Units – Health Effects) [adsorption] peuvent faire passer une concentration de radon de 4000 pCi/L (148 Bq/L) dans l'influent à une concentration de 300 pCi/L (11 Bq/L) tout au plus (NSF, 2022a).

Ces systèmes de filtration peuvent être installés au robinet (au point d'utilisation) ou à tout endroit où l'eau pénètre dans la résidence (au point d'entrée). Il est recommandé d'employer des systèmes au point d'entrée pour l'enlèvement du radon, car l'eau traitée est tout autant utilisée pour les bains et la lessive que pour la cuisine et comme eau potable. Lorsque des dispositifs certifiés de traitement au point d'entrée ne sont pas disponibles dans le commerce, les systèmes peuvent être conçus et construits à partir de matériaux certifiés.

5.5 Considérations relatives aux réseaux de distribution

Les radionucléides présents dans l'eau traitée peuvent se déposer dans le réseau de distribution et s'y accumuler (Friedman et coll., 2010). La probabilité d'accumulation augmente lorsque les concentrations de radionucléides augmentent dans l'eau acheminée par le réseau de distribution. De plus, si des changements chimiques ou des perturbations physiques se produisent, les radionucléides peuvent être remobilisés dans l'eau, ce qui peut accroître les concentrations de radionucléides, comme le radium, au robinet. Il est probable que les épisodes d'eau colorée (rougeâtre ou grisâtre) s'accompagnent d'un relargage des contaminants accumulés, y compris les radionucléides, qui sont adsorbés sur les dépôts de fer.

Divers facteurs influencent l'accumulation éventuelle de contaminants radiologiques dans les conduites du réseau de distribution, entre autres les concentrations de contaminants, les matériaux des conduites, la présence de fer et de manganèse dans les dépôts et incrustations, ainsi que le pH et les conditions d'oxydoréduction de l'eau. Les conduites du réseau de distribution sont sujettes à la corrosion et à l'accumulation de dépôts ferreux sur ses parois intérieures. La présence de manganèse dans la source d'eau peut aussi avoir une incidence sur l'accumulation de certains radionucléides (Friedman et coll., 2010).

Les radionucléides qui, lorsqu'ils sont présents, peuvent s'adsorber et s'accumuler dans les réseaux de distribution comprennent le Pb-210, le Ra-226 et le Ra-228 (Valentine et Stearns, 1994; Field et coll., 1995; Reiber et Dostal, 2000). Friedman et ses collaborateurs (2010) ont indiqué que le Ra-226 arrivait au sixième rang des éléments traces les plus concentrés dans les dépôts échantillonnés, avec une concentration médiane de 0,3 Bq/g. On soupçonne que la présence de radium dans les dépôts des canalisations est surtout attribuable à l'adsorption sur la surface et aux réactions de coprécipitation avec du radium soluble. L'adsorption des isotopes du radium sur les oxydes hydratés de fer et de manganèse est bien établie.

Des études ont montré que les changements de la qualité de l'eau (pH et oxydoréduction) ou les procédés de traitement de l'eau, ou encore des perturbations physiques, peuvent libérer ces radionucléides et d'autres contaminants des dépôts et des incrustations et causer une remobilisation et des concentrations élevées au robinet. Par conséquent, l'eau colorée ne doit pas être considérée comme propre à la consommation ou comme un simple problème d'ordre esthétique. Au contraire, la présence d'une eau colorée devrait déclencher un processus d'échantillonnage pour détecter la présence de métaux et radionucléides et, possiblement, une opération d'entretien supplémentaire du réseau de distribution. Lorsque des radionucléides sont présents dans la source d'eau, les responsables de l'approvisionnement en eau potable devraient déterminer s'ils doivent les inclure dans leurs plans de surveillance et de gestion du réseau de distribution.

6.0 Considérations internationales

6.1 Niveau de référence

Santé Canada a adopté un niveau de référence de 1 mSv/an, ce qui est conforme aux recommandations internationales, y compris celles de la CIPR et de l'AIEA (CIPR 2007; AIEA 2014). L'OMS reconnaît le niveau de référence recommandé par l'AIEA, à savoir 1 mSv/an, mais va plus loin avec la recommandation générale d'un niveau de référence modifié, ou « critère de dose individuelle », de 0,1 mSv/an (OMS, 2017, 2018). Cette valeur est basée sur la contrainte de dose recommandée par la CIPR dans une situation d'exposition planifiée pour la composante prolongée attribuable aux nucléides de longue période. Santé Canada a plutôt choisi de fonder ses conseils sur la limite inférieure de l'intervalle que la CIPR recommande pour les niveaux de référence dans les situations d'exposition existantes (c.-à-d. de 1 à 20 mSv/an), à la lumière des considérations relatives à l'exposition au Canada qui sont expliquées à la section 1.

Du point de vue de la santé, les niveaux de 0,1 mSv/an et de 1 mSv/an ne posent pas de risque important. Cependant, un niveau de 0,1 mSv/an pourrait être injustifié dans de nombreuses collectivités, en particulier celles qui dépendent de sources d'eau souterraine au Canada, compte tenu du stress émotionnel et financier qu'il peut imposer aux collectivités ou aux propriétaires. Le niveau de référence de 1 mSv/an est déjà respecté dans la plupart des approvisionnements en eau potable au Canada et, dans bon nombre des cas de dépassement, il devrait être facilement atteignable. Il convient également de souligner que, parfois, le dépassement du niveau de référence est justifié.

En résumé, Santé Canada a retenu un niveau de référence de 1 mSv/an, car ce niveau est conforme aux recommandations internationales, il est raisonnablement atteignable dans la plupart des cas, il ne devrait pas imposer un fardeau indu aux collectivités et il ne crée pas une fausse perception de risque pour la santé du public, comme celle qui pourrait résulter de la recommandation d'un niveau inférieur.

6.2 Méthodologie

Santé Canada suit la méthodologie recommandée par l'OMS (OMS 2017, 2018). Cette méthodologie comprend :

La prudence est de mise lorsqu'on tente de comparer les valeurs recommandées par différentes organisations. Chaque organisation peut tenir compte des facteurs techniques, économiques, environnementaux et sociétaux qui lui sont propres lorsqu'elle choisit un niveau de référence (ou une valeur semblable). Les niveaux de dépistage peuvent être fondés sur différents niveaux de référence, ou sur des fractions de ces niveaux, ainsi que sur des radionucléides, des taux de consommation d'eau potable et des conventions d'arrondissement qui diffèrent. Les CMA (ou les valeurs semblables) peuvent également être fondées sur des niveaux de référence, des taux de consommation d'eau potable ou des conventions d'arrondissement qui diffèrent, ou elles peuvent être définies de façon complètement différente. De plus, les diverses valeurs recommandées peuvent être associées à des mesures différentes ou à des attentes distinctes en matière d'optimisation.

7.0 Justification de la concentration maximale acceptable

Des CMA sont proposées pour 3 radionucléides naturels (Pb-210, Ra-226 et Ra-228) qui peuvent être présents dans l'eau potable au Canada. Des VBS pour 6 autres radionucléides (Po-210, Rn-222, tritium [ 3 H], Sr-90, I-131 et Cs-137) se trouvent à l'annexe C en prévision de scénarios particuliers.

Les VBS et les CMA proposées ont été déterminées à l'aide d'équations et de principes reconnus à l'échelle internationale. Elles peuvent être interprétées comme des concentrations de référence, dont le dépassement n'indique pas un risque immédiat, mais déclenche une enquête dès que possible. Elles ont été calculées en fonction d'une dose annuelle de référence de 1 mSv provenant de l'ingestion seulement, avec un taux de consommation fixé à 1,53 L/jour. Les risques pour la santé liés à l'inhalation ou à l'absorption par la peau sont presque toujours négligeables aux niveaux des VBS et des CMA proposées, sauf pour le radon (voir la section 1.3 pour de plus amples renseignements sur le radon). Les VBS et les CMA proposées pour les radionucléides ne tiennent pas compte des limites associées au traitement ou à l'analyse. Le principe selon lequel l'exposition doit être maintenue au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre devrait guider l'enlèvement des radionucléides présents dans les sources d'eau, en plus des facteurs sociaux et économiques. Les critères de dépistage, les VBS et les CMA proposées pour les radionucléides s'appliquent à la surveillance opérationnelle normale des approvisionnements en eau potable existantes et nouvelles (voir la section 3.4), mais ne s'appliquent pas à la contamination résultant d'une situation d'urgence où lorsque d'importantes quantités de radionucléides sont rejetées dans l'environnement.

8.0 Références

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Annexe A : Liste des abréviations

AIEA
Agence internationale de l'énergie atomique
ADN
acide désoxyribonucléique
ANSI
American National Standards Institute
ASTM
American Society for Testing and Materials
AWWA
American Water Works Association
Bq
becquerel
CAG
charbon actif en grains
CCSN
Commission canadienne de sûreté nucléaire
CD
coefficient de dose
CIPR
Commission internationale de protection radiologique
CMA
concentration maximale acceptable
GSR
Prescriptions générales de sûreté
ISO
Organisation internationale de normalisation
IX
échange d'ions
LD
limite de détection
MDT
matières dissoutes totales
mSv
millisievert
NSF
NSF International
OI
osmose inverse
OMS
Organisation mondiale de la Santé
pCi
picocurie
PNUE
Programme des Nations Unies pour l'Environnement
SI
Système international d'unités
Sv
sievert
UNSCEAR
Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants
US EPA
Environmental Protection Agency des États-Unis
VBS
valeur basée sur la santé
WEF
Water Environment Federation

Annexe B : Analyse détaillée des recommandations internationales ou nationales

Les organisations suivantes (avec les références entre parenthèses) ont établi des critères radiologiques pouvant servir à l'évaluation de l'eau potable :

Bien que cette liste ne soit peut-être pas exhaustive, elle représente les organisations ou les pays pour lesquels l'information publiée au 21 e siècle est facilement accessible, et les renseignements ne sont pas redondants (les pays européens qui ont adopté les recommandations de l'UE ne sont pas énumérés). Le texte qui suit décrit les trois grandes étapes de l'établissement des critères radiologiques et de l'évaluation de l'eau potable et fournit une comparaison des approches adoptées par ces organisations et par le Canada. Il convient de noter que, bien que les approches générales soient comparées, les valeurs particulières ne se prêtent pas à des comparaisons directes. En effet, les valeurs sont définies différemment d'une organisation à l'autre (par exemple, les valeurs fondées sur une dose projetée peuvent être associées à des mesures différentes ou à des attentes distinctes en matière d'optimisation; les niveaux de dépistage sont fondés sur différentes valeurs recommandées de dose projetée, ainsi que sur des radionucléides, des taux de consommation d'eau potable et des conventions d'arrondissement qui diffèrent; et les valeurs réglementaires sont fondées sur des valeurs de dose projetées, des taux de consommation d'eau potable ou des conventions d'arrondissement qui diffèrent, ou elles peuvent être définies de façon complètement différente, comme dans le cas du tritium ou du radon).

  1. Établissement d'une valeur de la recommandation ou d'un niveau de référence, en fonction de la dose projetée
    1. AIEA : L'AIEA, dans ses normes fondamentales de sûreté (GSR Part 3), cite les recommandations de la publication 103 de la CIPR et recommande que les autorités établissent un niveau de référence pour l'eau potable qui ne devrait généralement pas dépasser 1 mSv/an.
    2. OMS : Bien que l'OMS recommande généralement une valeur guide de 0,1 mSv/an, elle reconnaît également le niveau de référence de l'AIEA et indique qu'une valeur guide supérieure à 0,1 mSv/an (mais généralement inférieure à 1 mSv/an) peut être appropriée dans certaines situations (p. ex. approvisionnements en eau souterraines). Il convient également de noter que l'OMS fonde sa recommandation générale de 0,1 mSv/an sur la contrainte de dose recommandée par la CIPR dans une situation d'exposition planifiée pour la composante prolongée attribuable aux nucléides de longue période, plutôt que sur l'intervalle de niveaux de référence recommandé (c.-à-d. de 1 à 20 mSv/an) pour les situations d'exposition existantes.
    3. Conseil de l'Union européenne : Le Conseil de l'Union européenne a adopté une valeur recommandée qui correspond à la limite inférieure de ce que recommande l'OMS (0,1 mSv/an).
    4. Australian National Health and Medical Research Council : La valeur de la recommandation adoptée par l'Australian National Health and Medical Research Council correspond au niveau de référence de l'AIEA et à la limite supérieure de l'intervalle recommandé par l'OMS (1 mSv/an).
    5. US EPA : L'US EPA n'a pas établi de valeur recommandée en fonction d'une dose projetée.
    6. Santé Canada : Santé Canada a adopté un niveau de référence qui correspond à la limite inférieure de ce que recommande la CIPR et à la limite supérieure de ce que recommandent l'AIEA et l'OMS (1 mSv/an). Le niveau choisi est également conforme à la valeur recommandée adoptée par l'Australian National and Medical Research Council.
    7. Remarques : Un certain nombre de facteurs (techniques, économiques, environnementaux et sociétaux) sont pris en compte dans le choix de cette dose.
  2. Mesure des activités alpha brute et bêta brute des échantillons d'eau et comparaison aux niveaux de dépistage établis en fonction du niveau recommandé
    1. OMS : L'OMS recommande le dépistage de l'activité alpha brute et de l'activité bêta brute comme première étape pour déterminer si l'eau est potable ou si une enquête plus poussée s'impose. Les concentrations de dépistage retenues par l'OMS pour les activités alpha et bêta sont liées à la dose recommandée. Si les valeurs sont inférieures aux critères de dépistage, aucune autre mesure n'est requise. Si l'un des niveaux de dépistage est dépassé, les concentrations de radionucléides individuels devraient être déterminées et comparées avec les niveaux recommandés arrondis qui correspondent à la dose établie.
    2. Conseil de l'Union européenne : Le Conseil de l'Union européenne a adopté la même approche générale de dépistage que l'OMS.
    3. Australian National Health and Medical Research Council : L'Australian National Health and Medical Research Council a adopté la même approche générale de dépistage que l'OMS, les concentrations de dépistage étant fondées sur une fraction de la valeur de la dose recommandée en fonction de la dose projetée.
    4. US EPA : L'US EPA a établi des concentrations maximales de contaminants ( maximum contaminant levels) pour la radioactivité des particules bêta et des photons, en plus de l'activité alpha brute. Ces concentrations sont appliquées en tant que limites dans les réseaux communautaires d'approvisionnement en eau, et non en tant que niveaux de dépistage en vue d'enquêtes approfondies. Cette approche diffère de celle adoptée par l'OMS et d'autres pays.
    5. Santé Canada : Santé Canada a adopté une approche fondée sur le dépistage qui est semblable à celle de l'OMS, de l'UE et de l'Australie. Comme en Australie, les concentrations de dépistage sont calculées d'après une dose qui représente une fraction de la valeur recommandée en fonction de la dose projetée (c.-à-d. 0,3 mSv/an plutôt que 1 mSv/an).
    6. Remarques : Les valeurs adoptées pour les concentrations de dépistage de l'activité brute sont influencées par la façon dont elles sont calculées, y compris la dose et les radionucléides sur lesquels elles sont fondées, le taux de consommation présumé d'eau potable et l'arrondissement. Les facteurs utilisés peuvent différer d'une organisation à l'autre.
  3. Évaluation plus poussée de l'exposition selon les concentrations de chaque radionucléide
    1. OMS : Si un niveau de dépistage est dépassé, l'OMS recommande une mesure des concentrations de chaque radionucléide et leur comparaison aux niveaux recommandés arrondis qui correspondent à la dose établie. L'OMS fournit des niveaux recommandés pour un certain nombre de radionucléides naturels et artificiels suggérés, soit l' l'U-238, l'U-234, le Th-230, le Ra-226, le Pb-210, le Po-210, le Th-232, le Ra-228, le Th-228, le Cs-134, le Cs-137, le Sr-90, l'I-131, le tritium, le C-14, le P-239 et l'Am-241. Elle souligne que la liste n'est pas exhaustive, que la toxicité chimique de l'uranium est plus importante que sa toxicité radiologique et que certains radionucléides peuvent ne pas se retrouver dans l'eau potable ou que les doses seraient trop faibles pour être préoccupantes pour la santé publique. Si la somme des rapports des concentrations mesurées sur les niveaux recommandés est inférieure ou égale à un, aucune autre mesure n'est requise. Une évaluation plus poussée s'impose en cas de dépassement, si l'exposition aux concentrations mesurées se poursuit sur un an. Il est à noter que la décision de modifier la situation d'exposition au rayonnement devrait être justifiée.
    2. Conseil de l'Union européenne : Le Conseil de l'Union européenne a adopté la même approche générale que l'OMS pour mesurer les concentrations de radionucléides et comparer les résultats aux niveaux recommandés. Il se distingue toutefois par l'exclusion des radio-isotopes du thorium de sa liste et l'inclusion d'une valeur pour le tritium en fonction de laquelle des analyses d'autres radionucléides artificiels seront entreprises. De plus, une concentration de radon dans l'eau est indiquée pour réduire l'exposition par inhalation.
    3. Australian National Health and Medical Research Council : L' Australian National Health and Medical Research Council a adopté la même approche générale que l'OMS pour mesurer les concentrations de radionucléides et comparer les résultats aux niveaux recommandés. Selon ses recommandations, la liste des radionucléides devrait toujours inclure le Ra-226 et le Ra-228, ainsi que tout autre radionucléide pertinent.
    4. US EPA : L'US EPA a fixé une concentration maximale de contaminant pour le Ra-226 et le Ra-228 combinés. Cette valeur doit servir de limite dans les réseaux communautaires d'approvisionnement en eau.
    5. Santé Canada : Santé Canada a adopté la même approche générale que l'OMS pour mesurer les concentrations de radionucléides et comparer les résultats aux niveaux recommandés. Son approche est généralement conforme à celle du Conseil de l'Union européenne et de l'Australian National Health and Medical Research Council. La liste de radionucléides suggérée par Santé Canada est la suivante : Ra-226, Pb-210, Po-210, Ra-228, Cs-137, Sr-90, I-131, tritium et radon. Il est à noter que le niveau recommandé par Santé Canada pour le radon a été calculé à l'aide du coefficient de dose par ingestion; Santé Canada recommande une analyse des concentrations de radon dans l'air et l'évaluation du risque associé à l'inhalation.
    6. Remarques : Les niveaux recommandés calculés pour les concentrations de radionucléides sont influencés par la dose sur laquelle ils sont fondés, le taux présumé de consommation d'eau potable et l'arrondissement. Les facteurs utilisés peuvent différer d'une organisation à l'autre.

Annexe C : Valeurs basées sur la santé

Tableau 7. VBS pour les radionucléides moins courants
Radionucléides naturels VBS (Bq/L)
Polonium-210 (Po-210) 1
Radon-222 (Rn-222) a 2 000
Radionucléides artificiels VBS (Bq/L)
Tritium ( 3 H) 100 000
Strontium-90 (Sr-90) 50
Iode-131 (I-131) 50
Césium (Cs-137) 100

VBS – valeur basée sur la santé; Bq/L – becquerels par litre
a La section 1.2.3 (Radon) traite de l'exposition par inhalation.

Note de bas de page 1

Même si l'OMS reconnaît le niveau de référence recommandé dans les Normes fondamentales internationales de sûreté (AIEA 2014), elle a retenu une valeur correspondant à un dixième de ce niveau dans ses conseils relatifs à l'eau potable (OMS 2018).

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