La métribuzine dans l’eau potable : Document technique pour consultation publique
Organisation : Santé Canada
Date publiée : 2020-06-12
La période de consultation se termine
11 septembre, 2020
Table des matières
- Objet de la consultation
- Recommandation proposée
- Résumé
- 1.0 Considérations relatives à l’exposition
- 2.0 Considérations relatives à la santé
- 3.0 Calcul de la valeur basée sur la santé
- 4.0 Considérations relatives à l’analyse et au traitement
- 5.0 Stratégies de gestion
- 6.0 Considérations internationales
- 7.0 Justification
- 8.0 Références
- Annexe A: Liste des acronymes
- Annexe B : Données sur la qualité de l’eau au Canada
Objet de la consultation
Le présent document technique décrit l’évaluation de l’information disponible sur la métribuzine dans le but de mettre à jour la recommandation relative à la présence de métribuzine dans l’eau potable. La consultation vise à solliciter des commentaires sur la recommandation proposée, la démarche suivie pour l’élaborer et les répercussions possibles de sa mise en œuvre.
La recommandation actuelle à l’égard de la métribuzine, établie en 1986, qui est la concentration maximale acceptable (CMA) de 0,08 mg/L (80 µg/L), est fondée sur l’hépatotoxicité observée chez le chien. Le document propose de conserver la CMA de 0,08 mg/L (80 µg/L) pour la métribuzine dans l’eau potable en fonction de l’hépatotoxicité observée chez le chien.
Le document fait l’objet d’une consultation publique d’une durée de 90 jours.
Veuillez faire parvenir vos commentaires (avec justification, au besoin) à Santé Canada par courriel :
ou
Bureau de la qualité de l’eau et de l’air, Santé Canada
269, avenue Laurier Ouest, indice de l’adresse : 4903D
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Les commentaires doivent nous parvenir avant le 11 septembre 2020. Les commentaires reçus dans le cadre de la consultation seront transmis, avec le nom et l’affiliation de leurs auteurs, aux membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable. Les personnes ne souhaitant pas que leur nom et leur affiliation soient communiqués aux membres du Comité doivent joindre à leurs commentaires une déclaration à cet égard.
Il est à noter que le présent document technique peut être révisé après l’analyse des commentaires reçus et que, s’il y a lieu, une recommandation pour la qualité de l’eau potable sera formulée. Ce document devrait donc être considéré strictement comme une ébauche aux fins de commentaires.
Recommandation proposée
Une concentration maximale acceptable (CMA) de 0,08 mg/L (80 μg/L) est proposée pour la métribuzine dans l’eau potable.
Résumé
Le présent document technique a été préparé en collaboration avec le Comité fédéral‑provincial-territorial sur l’eau potable, d’après les évaluations de la métribuzine réalisées par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada et les documents à l’appui.
Exposition
La métribuzine est un herbicide de prélevée et de postlevée utilisé en agriculture pour la lutte contre les mauvaises herbes à feuilles larges et les graminées. En 2016 (l’année la plus récente pour laquelle il existe des données), plus de 100 000 kg de métribuzine (comme matière active) ont été vendus au Canada. La métribuzine est libérée dans l’environnement par ruissellement de surface après pulvérisation sur des cultures (en particulier dans les deux semaines suivant une application sur le sol), par les effluents des tuyaux de drainage, par décharge accidentelle ou par dérive de pulvérisation. Elle est susceptible d’atteindre les eaux souterraines par lessivage ou d’être entraînée dans les eaux de surface.
Selon les données fournies par les provinces et les territoires qui assurent la surveillance de la métribuzine, la présence de cette substance dans les sources d’approvisionnement en eau ou dans l’eau potable est rare au Canada. Toutefois, de faibles concentrations de métribuzine ont été observées dans les sources d’approvisionnement en eau et dans l’eau potable traitée de quelques provinces canadiennes dans le cadre de programmes de surveillance ciblés dans des zones agricoles où la métribuzine était appliquée. Même si la métribuzine est utilisée sur des cultures destinées à la consommation humaine, on la détecte rarement dans les aliments.
Effets sur la santé
Dans des études à doses répétées chez les animaux, la métribuzine ciblait principalement le foie et, dans une moindre mesure, la thyroïde, mais n’a provoqué aucune anomalie congénitale, aucun effet sur la reproduction ni aucune augmentation du risque de cancer. Les études disponibles menées chez l’humain n’ont révélé aucun lien entre l’exposition à la métribuzine et l’incidence de cancer ou de la maladie de Parkinson. La CMA proposée de 0,08 mg/L (80 µg/L) est fondée sur l’hépatotoxicité (effets sur le foie) observée dans le cadre d’une étude de deux ans menée chez le chien.
Considérations relatives à l'analyse et au traitement
Pour établir une recommandation sur la qualité de l’eau potable, il faut tenir compte de la capacité de mesurer le contaminant et d’enlever le contaminant de l’approvisionnement d’eau potable. Plusieurs méthodes d’analyse existent pour mesurer la métribuzine dans l’eau à des concentrations bien inférieures à la CMA proposée.
À l’échelle municipale, les techniques de traitement qui permettent de réduire efficacement les concentrations de métribuzine dans l’eau potable sont notamment l’oxydation, l’adsorption sur charbon actif et la filtration sur membrane. Grâce à ces techniques, il est possible d’obtenir des concentrations dans l’eau traitée bien inférieures à la CMA proposée. Bien qu’on puisse éliminer la métribuzine à l’aide d’agents oxydants qui sont fréquemment utilisés pour la désinfection (p. ex. le chlore), les responsables des réseaux d’approvisionnement en eau potable devraient être conscients de la formation possible de sous-produits de dégradation.
Dans les cas où l’on souhaite éliminer la métribuzine à l’échelle résidentielle ou des petits réseaux, par exemple, lorsque l’approvisionnement en eau potable provient d’un puits privé, un dispositif de traitement de l’eau potable résidentiel pourrait être une option. Même s’il n’existe pas encore de dispositif de traitement certifié permettant de réduire les concentrations de métribuzine d l’eau potable, des techniques comme l’adsorption sur charbon actif et l’osmose inverse devraient être efficaces. Lorsqu’on utilise un dispositif de traitement de l’eau potable résidentiel, il est important de prélever des échantillons d’eau à l’entrée et à la sortie du dispositif et de les faire parvenir à un laboratoire agréé à des fins d’analyse pour assurer une bonne élimination de la métribuzine.
Application de la recommandation
Remarque : Des conseils spécifiques concernant l’application des recommandations pour l’eau potable devraient être obtenus auprès de l’autorité appropriée en matière d’eau potable dans le secteur de compétence concerné.
La recommandation proposée vise à offrir une protection contre les effets sur la santé associée à une exposition à la métribuzine par l’eau potable durant toute la vie. Un dépassement de la CMA proposée devrait faire l’objet d’une enquête, suivie par l’adoption de mesures correctives, au besoin. Dans le cas de dépassement dans la source d’approvisionnement en eau où il n’y a aucun traitement en place, une surveillance supplémentaire devrait être effectuée pour confirmer le dépassement. S’il est confirmé que les concentrations de métribuzine dans la source d’approvisionnement en eau sont supérieures à la CMA proposée, on devrait alors mener une enquête afin de déterminer la meilleure façon de diminuer l’exposition à la métribuzine. Cela pourrait comprendre l’utilisation d’une source d’approvisionnement en eau ou d’une installation de traitement de remplacement. Dans les cas où le traitement existe déjà et qu’un dépassement survient, une enquête devrait être effectuée pour vérifier le traitement et déterminer si des ajustements sont nécessaires pour ramener la concentration dans l’eau traitée sous la CMA proposée.
Considérations internationales
D’autres organisations nationales et internationales utilisent des lignes directrices, des normes et des valeurs guides pour l’eau potable. Les valeurs varient en fonction de la date à laquelle remonte l’évaluation sur laquelle elles sont fondées, et en fonction des différences relatives aux politiques et aux démarches appliquées, y compris en ce qui concerne le choix de l’étude clé ou les taux de consommation, les poids corporels et les facteurs d’attribution liés à la source employés.
Le National Health and Medical Research Council (NHMRC) de l’Australie a fixé une valeur recommandée de 0,07 mg/L pour la métribuzine dans l’eau potable. L’United States Environmental Protection Agency (U.S. EPA) n’a pas de valeur réglementaire concernant la métribuzine. L'U.S. EPA considère que réglementer sa présence dans l’eau potable aurait peu d’incidence sur la réduction des risques pour la santé humaine, compte tenu de la faible quantité de métribuzine dans les réseaux publics d’approvisionnement en eau et du faible nombre de personnes susceptibles d’être exposées par l’eau potable. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a fixé aucune valeur recommandée précise pour la métribuzine.
L’Union européenne (UE) ne dispose d’aucune valeur paramétrique précise pour chaque pesticide. Elle a plutôt établi une valeur de 0,1 µg/L pour chaque pesticide et une valeur de 0,5 µg/L pour les pesticides totaux décelés dans l’eau potable. En établissant ces valeurs, l’UE n’a pas tenu compte des éléments scientifiques liés à chaque pesticide, dont les effets sur la santé. Ces valeurs reposent plutôt sur une décision stratégique visant à écarter les pesticides des sources d’eau potable.
Considérations relatives à l’exposition
1.1 Sources et utilisation
La métribuzine ou 4-amino-6-(1,1-diméthyléthyl)-3-(méthylthio)-1,2,4-triazine-5(4H)-one est un herbicide utilisé en prélevée et en postlevée pour la lutte contre les mauvaises herbes à feuilles larges et les graminées qui parasitent les cultures agricoles. Elle agit en inhibant la photosynthèse (Conseil canadien des ministres de l’Environnement [CCME], 1999; Santé Canada, 2005). En 2016, plus de 100 000 kg de métribuzine, la matière active, ont été vendus au Canada (Santé Canada, 2016).
La métribuzine est libérée dans l’environnement par ruissellement de surface après pulvérisation sur des cultures (en particulier dans les deux semaines suivant une application sur le sol), par les effluents des tuyaux de drainage, par décharge accidentelle ou par dérive de pulvérisation. Elle est susceptible d’atteindre les eaux souterraines par lessivage ou d’être entraînée dans les eaux de surface (Bastien et Madramootoo, 1992; U.S. EPA, 1998; CCME, 1999; U.S. EPA, 2003; Santé Canada, 2005). La topographie, les précipitations et les caractéristiques précises du sol ont une influence sur le lessivage dans le sol (Santé Canada, 2019a). Dans des conditions de sol sableux, la métribuzine présente une mobilité élevée à très élevée et est susceptible d’être lessivée (CCME, 1999; U.S. EPA, 2003; Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA], 2010). Le lessivage est entravé dans les sols à forte teneur en argile ou en matières organiques, étant donné que la métribuzine est adsorbée modérément sur le sol; le degré d’adsorption diminue à mesure que le pH du sol augmente ou que la teneur en matières organiques diminue (Bowman, 1991; CCME, 1999; U.S. EPA, 2003; EFSA, 2010; Rigi et coll., 2015). La dégradation microbienne en désamino-dicéto-métribuzine (DADK), en dicéto‑métribuzine (DK) et en dioxyde de carbone est l’une des deux principales voies d’élimination de la métribuzine du sol, la métribuzine étant modérément persistante dans des conditions aérobies (demi-vie de 40 à 106 jours) et très persistante dans des conditions anaérobies (demi-vie de 112 à 439 jours) (U.S. EPA, 2003; EFSA, 2010). L’autre voie de dégradation dans le sol et les eaux de surface est la photodégradation (demi-vie de 4,3 heures à 2,5 jours) qui produit la désamino-métribuzine (DA), bien que cette voie ne s’applique que dans le premier millimètre de la surface du sol exposé à la lumière directe du soleil ou dans une eau de surface peu profonde et claire qui laisse bien pénétrer la lumière (U.S. EPA, 2003; EFSA, 2010). Les métabolites DADK et DK sont persistants et très mobiles dans le sol (U.S. EPA, 1998).
Dans les eaux souterraines, la métribuzine se décompose principalement en les mêmes métabolites (DADK, DK, DA) que dans le sol et ils sont présents dans une proportion moindre que la métribuzine, le composé d’origine (Lawrence et coll., 1993). La métribuzine présente dans les eaux souterraines a une demi-vie de 350 jours dans un aquifère peu profond (Perry, 1990). Elle résiste à l’hydrolyse avec une demi-vie extrapolée de 1 317 jours à 20 °C et à un pH 9 (EFSA, 2010). D’après sa pression de vapeur (5 à 10 mm Hg à 20 °C), sa constante de la loi d’Henry (2,0 x 10-5 Pa m3/mol) et sa dégradation photo-oxydative dans l’atmosphère (21 jours), la métribuzine ne devrait pas se volatiliser à partir des surfaces du sol et de l’eau ni être transportée sur de longues distances dans l’atmosphère (CCME, 1999; U.S. EPA, 2003; EFSA, 2010).
1.2 Identité de la substance
La métribuzine (C8H14N4OS) est un solide cristallin blanc qui appartient à la classe de produits chimiques appelés triazines asymétriques (U.S. EPA, 1998; Santé Canada, 2005).
Propriété | Métribuzine | Interprétation |
---|---|---|
No CAS | 21087-64-9 | - |
Masse moléculaire (g/mol) | 214,3 | - |
Solubilité dans l’eau (g/L) | 1,2 | Très soluble dans l’eau |
Pression de vapeur (volatilité) | 5 à 10 mm Hg à 20 °C | Faible volatilité, peu susceptible de contaminer l’air |
Constante de la loi d’Henry | 2,0 x 10-5 Pa m3/molaNote de bas de tableau 1a | Faible potentiel de volatilisation |
Coefficient de partage octanol eau (log Koe) | 1,6 à un pH 4 à 9, 20 °CaNote de bas de tableau 1a | Bioaccumulation peu probable |
L’information est tirée de l’U.S. EPA, 2003, sauf indication contraire.
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1.3 Exposition
Les données sur l’exposition propre à chaque milieu sont limitées aux concentrations dans l’eau et les aliments. Des données de surveillance de l’eau au Canada provenant des provinces et des territoires (sources municipales et non municipales), de l’ARLA de Santé Canada et d’Environnement Canada (Environnement Canada, 2011) (annexe B) étaient disponibles pour la métribuzine, tandis que les données disponibles sur les aliments provenaient des États-Unis.
Les données de surveillance de l’eau fournies par les provinces et les territoires indiquent que les concentrations de métribuzine sont inférieures à la limite de déclaration de la méthode ou à la limite de détection de la méthode (LDM) dans la majorité des échantillons. Notamment, des échantillons provenant de diverses sources d’approvisionnement en eau au Canada, telles que les eaux de surface et les eaux souterraines, ainsi que l’eau potable traitée et distribuée ayant fait l’objet d’une surveillance (Ministère de la Santé de la Colombie‑Britannique, 2019; Services aux Autochtones Canada, 2019; Développement durable Manitoba, 2019; Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, 2019; Ministère de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse, 2019; Gouvernement de l’Ontario, 2019; Ministère des Communautés, des Terres et de l’Environnement de l’Île-du-Prince-Édouard, 2019).
Les provinces ayant effectué une surveillance et pour lesquelles les résultats de tous les échantillons se sont avérés inférieurs aux LDM figurent au tableau 2. On y trouve des renseignements sur le nombre et les types d’échantillons prélevés dans chaque province au cours d’une période donnée pendant laquelle aucune trace de métribuzine n’a été détectée. En outre, les données fournies par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de diverses régions au Canada (Manitoba, Ontario, Québec et région de l’Atlantique) indiquent que les concentrations de métribuzine étaient inférieures aux LDM dans tous les échantillons (n = 821; LDM de 0,01 à 5 µg/L) prélevés entre 2014 et 2018 (Services aux Autochtones Canada, 2019).
Le tableau 3 résume les données de surveillance de l’eau provenant des provinces qui ont effectué un échantillonnage où des concentrations supérieures à la limite de détection ont été rapportées. La surveillance menée à l’Île-du-Prince-Édouard a permis de déceler de faibles concentrations variant de 0,04 à 0,28 μg/L pour les puits municipaux et de 0,03 à 1,21 μg/L pour les puits non municipaux ou privés (Ministère des Communautés, des Terres et de l’Environnement de l’Île-du-Prince-Édouard, 2019). Le Québec a fait rapport de trois ensembles de données représentant des échantillons prélevés dans les eaux de surface et les eaux souterraines municipales de même que des échantillons prélevés dans le cadre de deux projets spéciaux visant à évaluer la qualité des eaux souterraines dans les régions productrices de pommes de terre et dans les petits réseaux/puits privés. Les concentrations détectables étaient faibles, variant de 0,03 à 0,06 μg/L dans les systèmes municipaux et de 0,01 à 1,7 μg/L dans les eaux souterraines surveillées dans le cadre des projets spéciaux (Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, 2019).
Le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan et le Yukon n’assurent aucune surveillance de la métribuzine (Ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, 2019; Ministère des Affaires municipales et de l’Environnement de Terre-Neuve-et-Labrador, 2019; Saskatchewan Water Security Agency, 2019; Services de santé environnementale du Yukon, 2019).
Province ou territoire (LDM µg/L) |
Période de surveillance |
Type d’eau (source municipale : eau souterraine/eau de surface – brute, traitée, distribuée) |
Nbre de détections // nbre d’échantillons |
---|---|---|---|
Colombie-Britannique (2,5 - 5) |
2013-2018 | Eau de surface – brute | 0/18 |
Manitoba (0,2) |
2015-2018 | Eau de surface – ambiant | 0/396 |
Nouvelle-Écosse (0,25 - 7) |
2007-2018 | Eau souterraine – brute | 0/72 |
Eau souterraine – traitée | 0/34 | ||
Eau de surface – brute | 0/35 | ||
Eau de surface – traitée | 0/40 | ||
Distribuée | 0/1 | ||
Ontario (0,05) |
2008-2012 | Eau souterraine – brute | 0/214 |
Eau souterraine – traitée | 0/48 | ||
Eau de surface/eau souterraine – brute | 0/564 | ||
Eau de surface/eau souterraine – traitée | 0/583 | ||
Eau de surface/eau souterraine – distribution | 0/1 |
Province ou territoire (LDM µg/L) |
Période de surveillance |
Type d’eau (source municipale : eau souterraine/eau de surface – brute, traitée, distribuée; source non municipale : eau souterraine) |
Nbre de détections / nbre d’échantillons |
Concentration maximale (µg/L) |
---|---|---|---|---|
Île-du-Prince -Édouard (0,03) |
2004-20017 | Eau souterraine – brute (municipale) | 12/665 | 0,28 |
Eau souterraine – brute (non-municipale) | 27/614 | 1,21 | ||
Québec (0,01 – 0,9) |
2012-2018 | Eau souterraine – distribution (municipale) | 0/578 | - |
Eau de surface – distribution (municipale) | 3/1708 | 0,06 | ||
Eau souterraine – bruteNote de base de tableau a (municipale) | 1/46 | 0,06 | ||
Eau souterraine – traitéea (municipale)Note de bas de tableau a(municipal) | 0/17 | - | ||
Eau souterraine – distributiona (municipale)Note de bas de tableaua (municipal) | 1/5 | 0.02 | ||
Eau souterraine – bruteb (municipale) Note de bas de tableaub (municipal) | 0/82 | - | ||
Eau souterraine – bruteb (non-municipale)Note de bas de tableau b (non-municipal) | 14/132 | 1.70 | ||
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L’ARLA de Santé Canada (Santé Canada, 2019a) a évalué plusieurs études canadiennes de surveillance des eaux de surface et souterraines qui ont été menées à l’Île-du-Prince-Édouard, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec, au Manitoba, au Nouveau‑Brunswick, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. On disposait d’une grande quantité de données de surveillance pour la métribuzine au Canada, mais seulement quelques études provenaient de sources potentielles d’eau potable. Au total, 3 820 échantillons d’eau souterraine ont été analysés pour la détection de la métribuzine. On a recensé 259 détections (fréquence de détection de 7 %), avec une concentration maximale détectée dans les eaux souterraines de 7,5 μg/L à l’Île-du-Prince-Édouard pendant la période d’échantillonnage 1988-1989. Les données tirées des sites de l’Île‑du-Prince-Édouard correspondraient au pire des scénarios, car la métribuzine a été utilisée dans les champs sur une période de trois ans et les puits étaient situés en aval ou à 300 mètres des champs traités. Au total, 10 393 échantillons d’eau de surface ont été analysés pour la métribuzine. Cette dernière a été détectée dans 849 échantillons (fréquence de détection de 8 %). Les deux concentrations les plus élevées détectées étaient 195 μg/L et 87 μg/L. Elles ont été détectées dans la province en 2008 et un des échantillons positifs a été prélevé lors d’un épisode de ruissellement. À l’Île-du-Prince-Édouard, la totalité de l’eau potable provient des eaux souterraines, et la détection de la métribuzine dans ses eaux de surface n’était pas considérée comme une source pertinente d’eau potable. Dans l’ensemble, les données de surveillance disponibles sur la métribuzine indiquent que les concentrations maximales dans les sources d’eau potable au Canada étaient de 7,5 µg/L dans les eaux souterraines et de 6,1 µg/L dans les eaux de surface. Les plus fortes détections n’ont pas été observées dans les zones où l’utilisation de métribuzine était la plus élevée (c.-à-d. en Saskatchewan et en Ontario), mais dans les zones jugées les plus vulnérables au lessivage et au ruissellement en raison d’épisodes de fortes précipitations, de textures de sols sableux et de nappes phréatiques peu profondes.
Selon les précipitations annuelles totales par écodistrict et le pourcentage de sable total dans les régions agricoles du Canada, on peut déduire ceci :
- l’Est du Canada reçoit plus de précipitations que l’Ouest;
- la majorité des sols des régions agricoles de l’Ouest du Canada contiennent moins de 50 % de sable, tandis que les sols de l’Est du pays ont une texture plus grossière et contiennent plus de sable (> 69 %);
- comparativement à l’Ouest du Canada, la nappe phréatique est généralement peu profonde dans l’Est; et
- la possibilité de détecter de la métribuzine dans les eaux souterraines en Saskatchewan est faible à cause de ses sols de texture moyenne à fine.
Compte tenu de ses précipitations plus abondantes, de la texture grossière et sableuse de son sol et de sa nappe phréatique moins profonde, l’Est du Canada est relativement plus vulnérable au lessivage de la métribuzine que l’Ouest (Santé Canada, 2019a).
Même si la métribuzine est appliquée sur les cultures vivrières, elle est rarement détectée dans les échantillons d’aliments et n’a pas tendance à s’accumuler dans les aliments (Bray et coll., 2008). Au Canada, aucune donnée sur les résidus dans les aliments n’était disponible. Les données de surveillance produites dans le cadre du Pesticide Data Program du Department of Agriculture des États-Unis et recueillies par Bray et coll. (2008) n’ont pas permis de relever de résidus de métribuzine dans 2 586 produits laitiers (lait, crème épaisse, beurre) échantillonnés de 2003 à 2005 (la limite de détection variait de 0,3 à 6,0 ppb). La métribuzine n’a été détectée que dans 13 des 26 487 fruits et légumes échantillonnés entre 2000 et 2005 et n’a été détectée dans aucun des 4 362 échantillons de grain d’orge, de soja et de farine de blé prélevés entre 2002 et 2005 (Bray et coll., 2008). Aucune trace de métribuzine n’a été décelée dans les viandes (volaille n = 1 564, porc n = 704 et bœuf n = 1 835) (Bray et coll., 2008).
2.0 Considérations relatives à la santé
Tous les pesticides, dont la métribuzine, sont réglementés par l’ARLA de Santé Canada. L’ARLA procède à des évaluations approfondies et à des examens cycliques des pesticides, y compris les renseignements non publiés et protégés, de même que les examens réalisés à l’étranger par d’autres organismes de réglementation comme l’United States Environmental Protection Agency (U.S. EPA). Ainsi, la présente évaluation repose principalement sur les évaluations de l’ARLA (Santé Canada, 2005, 2006) et la documentation à l’appui. En outre, tous les examens et toutes les publications pertinentes disponibles depuis que les évaluations de l’ARLA sont complétées ont été pris en compte.
2.1 Cinétique
Absorption : La métribuzine est rapidement et presque entièrement absorbée (95 à 100 % d’après les données sur l’excrétion) dans les 36 heures après l’ingestion; les concentrations maximales dans le sang et les tissus sont atteintes dans les quatre heures (Bleeke et coll., 1985; Office of Environmental Health Hazard Assessment [OEHHA], 2001; EFSA, 2010). D’après une étude menée chez le rat, l’absorption de la métribuzine par voie cutanée est peu probable (Löser et Kimmerle, 1972).
Distribution : La métribuzine et ses métabolites sont largement distribués après absorption, les plus fortes concentrations ayant été observées dans la thyroïde et le foie, suivis des reins, puis d’autres tissus (cœur, graisses, ovaires, cerveau, muscles, plasma et testicules) (OEHHA, 2001; EFSA, 2010). Les tissus thyroïdiens renfermaient dix fois plus de métribuzine que les tissus hépatiques (OEHHA, 2001).
Métabolisme : D’après des études portant sur des rats Wistar, le métabolisme de la métribuzine est considérable et se produit rapidement par différentes voies (désamination, hydroxylation de la chaîne latérale t-butyle, clivage hydrolytique ou aminolytique de la fraction thioalkyle et conjugaison), dont certaines peuvent agir en combinaison pour produire de nombreux métabolites dans l’urine, les matières fécales et les tissus (Bleeke et coll., 1985; Cain et coll., 1987; OEHHA, 2001; EFSA, 2010; Estonie et Allemagne, 2018). Le cytochrome P450 peut intervenir dans le métabolisme initial pour produire des intermédiaires réactifs, comme la métribuzine sulfoxyde ou la désamino-métribuzine sulfoxyde, qui réagissent ensuite avec le glutathion (Bleeke et coll., 1985; OEHHA, 2001). La conversion en dérivés de l’acide mercapturique semble suivre la conjugaison avec le glutathion (Estonie et Allemagne, 2018). À des concentrations très élevées, ou en l’absence de glutathion ou autres sulfhydryles non protéiques, les métabolites peuvent se lier aux protéines (OEHHA, 2001). Les métabolites étaient similaires dans l’urine et les matières fécales; il s’agit notamment des métabolites DA, DK, déméthyl-métribuzine, tert-butylhydroxy-métribuzine et N-acétylcystéine-métribuzine, de même que de nombreux métabolites non identifiés (OEHHA, 2001; EFSA, 2010; Estonie et Allemagne, 2018).
Élimination : La métribuzine et ses métabolites sont rapidement excrétés dans l’urine et les matières fécales, jusqu’à 96 % étant éliminés dans les quatre jours suivant l’administration (Bleeke et coll., 1985; Cain et coll., 1987; Mathew et coll., 1998). On a observé des différences entre les espèces, les souches et les sexes selon les proportions et les types de métabolites éliminés dans les excrétas (OEHHA, 2001). Dans des études utilisant de la métribuzine radiomarquée (14C), des rats albinos mâles avaient éliminé une quantité presque égale de 14C-métribuzine dans l’urine et les matières fécales (Bleeke et coll., 1985); des rats Wistar en avaient éliminé 55,8 à 71,5 % dans les matières fécales, 27,3 à 43,4 % dans l’urine et 0,1 % dans l’air expiré (Cain et coll., 1987; EFSA, 2010); et des chiens bâtards mâles avaient excrété deux fois plus de 14C-métribuzine dans l’urine que dans les matières fécales (Baychem, 1972). Dans le cas des tissus, les demi-vies d’élimination variaient de 18,4 à 33,6 heures et elles étaient généralement plus courtes chez les mâles que chez les femelles (OEHHA, 2001; EFSA, 2010).
2.2 Effets sur la santé
La base de données sur la toxicité de la métribuzine est bien caractérisée; elle englobe plusieurs effets et divers types d’exposition (voir U.S. EPA, 1998, 2003; OEHHA, 2001; EFSA, 2010; Estonie et Allemagne, 2018 pour des examens plus approfondis). Chez les animaux, la métribuzine n’a causé aucune toxicité aiguë et a été bien tolérée dans les études à dose répétées. Elle n’a pas non plus causé d’anomalie congénitale ni d’effets sur le plan de la reproduction. Elle n’était pas cancérogène dans les études animales menées chez le rat (Wistar et Fischer 344) et la souris (CD1) ou dans les études épidémiologiques. Le foie et la thyroïde ont été identifiés comme les organes cibles chez les animaux.
2.3 Effets chez l’humain
Les évaluations de Santé Canada réalisées par l’ARLA et les documents à l’appui (U.S. EPA, 1998, 2003; Santé Canada, 2005, 2006) ne portaient pas sur les effets chez l’humain, car aucune étude sur la santé humaine n'était disponible dans la documentation publiée à ce moment-là. Les études provenaient de publications plus récente concernant les effets cancérogènes et non cancérogènes, et sont incluses dans cette évaluation.
Agricultural Health Study : L’Agricultural Health Study (AHS, étude sur la santé des agriculteurs) est une vaste étude prospective basée sur un questionnaire (plus de 89 000 participants) qui a examiné les effets cancérogènes et non cancérogènes auprès d’une cohorte de préposés à l’application de pesticides homologués et leurs conjoints en Iowa et en Caroline du Nord. L’étude a commencé en 1993 par la collecte de renseignements de base sur les pratiques agricoles (dont l’emploi de pesticides), le mode de vie et la santé. Des entrevues/questionnaires de suivi (y compris des renseignements sur le régime alimentaire) et des prélèvements d’ADN ont été effectués périodiquement. Des registres du cancer ont servi à évaluer l’incidence de cancer. Dans l’ensemble, les points forts de l’AHS sont l’envergure de l’étude, l’inclusion d’un grand nombre de femmes, la collecte de renseignements de base, de renseignements sur la santé et le mode de vie et les facteurs génétiques, l’utilisation de registres du cancer et les nombreux pesticides et maladies évalués. Ses limites sont notamment l’évaluation indirecte de l’exposition (au moyen d’un questionnaire), l’absence de mesures d’affinement de l’exposition (aucune analyse du temps d’induction ou du temps d’arrêt) et un biais de sélection lors de la prise en compte de facteurs de confusion multiples en raison de l’exclusion de nombreux sujets pour lesquels il manque des données (Sathiakumar et coll., 2011).
Effets cancérogènes : Plusieurs chercheurs ont publié des études reposant sur leur analyse des données de l’AHS. Une analyse cas-témoin effectuée par Andreotti et coll. (2009) n’a révélé aucune association entre la métribuzine et le développement d’un cancer du pancréas après avoir contrôlé pour l’âge, le tabagisme et le diabète. À l’examen des données de l’AHS de 1993 à 1997, Alavanja et coll. (2003) ont constaté que l’incidence globale du cancer chez les préposés à l’application de pesticides était considérablement moins élevée que prévu pour 45 pesticides courants, dont la métribuzine, comparativement aux hommes des populations générales de l’Iowa et de la Caroline du Nord. De plus, l’étude n’a pu établir d’association entre l’utilisation de métribuzine et l’incidence du cancer de la prostate. De même, Delancey et coll. (2009) n’ont relevé aucun lien entre l’utilisation de métribuzine et l’incidence globale du cancer, mais ont tout de même suggéré une association possible entre l’utilisation de métribuzine mesurée par le nombre de jours d’exposition au cours de la vie pondéré selon l’intensité et certains cancers lymphohématopoïétiques (définis comme des lymphomes, des myélomes et des leucémies) lorsque le groupe exposé à la dose faible était le groupe de référence. Toutefois, ces résultats n’étaient pas constants d’une mesure d’exposition à l’autre et d’un groupe de référence à l’autre (groupe exposé à la dose faible contre groupe non exposé) et peuvent s’expliquer par la taille d’échantillon plus petite dans le groupe exposé à la dose faible ou par un facteur de confusion résiduel. Dans une étude de cohortes plus récente, autre que l’AHS, portant sur plus de 300 000 agriculteurs de la France, de la Norvège et des États-Unis, il n’a pas été possible d’établir un lien entre l’exposition à la métribuzine et le lymphome non hodgkinien, la leucémie et le lymphome (Leon et coll., 2019). Une analyse groupée de trois études cas-témoins réalisées dans les années 1980 n’a pas non plus permis d’établir une association entre des agriculteurs ayant déjà utilisé la métribuzine et le lymphome non hodgkinien (De Roos et coll., 2003).
Une étude cas-témoin en population faite au moyen d’entrevues téléphoniques a été menée dans le cadre de la Nebraska Health Study II (Lee et coll., 2005). Cette étude a relevé une association significative entre l’exposition à la métribuzine et le risque de gliome chez les agriculteurs de sexe masculin, mais non chez les agricultrices. L’étude comporte certaines faiblesses, notamment le faible nombre de cas de gliome (n = 9), la proportion de répondants‑substituts (4 sur 9), un biais de rappel et la possibilité d’une classification différentielle erronée (Lee et coll., 2005).
Effets non cancérogènes : Lors de l’examen des effets non cancérogènes, Hoppin et coll. (2002) n’ont relevé aucun lien entre l’utilisation de la métribuzine et une respiration sifflante chez les préposés à l’application de pesticides d’après les données de l’AHS recueillies de 1994 à 1997, même si une étude de suivi utilisant des données de 2005 à 2010 a montré une association élevée, mais non statistiquement significative, entre l’utilisation de métribuzine et une respiration sifflante causée par des allergies (Hoppin et coll., 2017). D’après les données de l’AHS jusqu’à 2003, Kamel et coll. (2006) n’ont pu établir une forte association entre l’utilisation de métribuzine et la maladie de Parkinson. Goldner et coll. (2013) n’ont pas établi de lien entre l’utilisation de métribuzine par des préposés à l’application de pesticides de sexe masculin ayant participé à l’AHS et la maladie thyroïdienne.
2.4 Effets chez les animaux
Les études à expositions répétées chez le rat, la souris et le chien ont montré que la métribuzine touchait principalement le foie et la thyroïde, bien qu’on ait constaté d’autres effets (Löser et Mirea, 1974; Löser et Mohr, 1974; Hayes, 1981; Thyssen, 1981; Flucke et Hartmann, 1989; Christenson et Wahle, 1993). La métribuzine présentait une faible toxicité aiguë d’après les valeurs de la dose létale médiane de 2 345 mg/kg (femelles) et de 2 200 mg/kg (mâles) chez le rat Wistar II, de 711 mg/kg (femelles) et de 698 mg/kg (mâles) chez la souris CF1, des valeurs supérieures à 500 mg/kg (mâles) chez le lapin et de 250 mg/kg (mâles) chez le cochon d’Inde, l’espèce la plus sensible (Löser et Kimmerle, 1972). La respiration laborieuse et la sédation comptaient parmi les effets sur la santé (Löser et Kimmerle, 1972). On a rapporté des valeurs de dose létale médiane (DL50) par voie cutanée supérieures à 20 000 mg/kg chez le lapin et supérieures à 500 mg/kg chez le rat Wistar II, ainsi que des valeurs de DL50 par inhalation supérieures à 0,648 mg/L (concentration maximale qui peut être obtenue) et à 885 mg/m3 chez le rat; les animaux n’ont montré aucun signe de toxicité (Crawford et Anderson, 1972; Löser et Kimmerle, 1972; Shiotsuka, 1986; Breckenridge et coll., 2009).
Effets sur le foie : Dans les études de toxicité chronique chez le chien, la souris et le rat, ainsi que dans les études de toxicité subchronique et à court terme chez le chien, le rat et le lapin, le foie était le principal organe cible. Parmi les effets constatés, mentionnons des changements dans les enzymes hépatiques, des changements histopathologiques et une augmentation du poids relatif et absolu du foie.
Des études de toxicité chronique par voie orale ont été menées chez le beagle, la souris et deux espèces de rat. Lors d’une étude réalisée par Löser et Mirea (1974), des beagles ont reçu quotidiennement 25 à 1 500 ppm de métribuzine par le régime alimentaire pendant deux ans. À la dose maximale, les chiens ont présenté des changements histopathologiques dans le foie, une augmentation du poids relatif et absolu du foie et une augmentation des enzymes hépatiques, notamment la transaminase glutamique oxaloacétique sérique (SGOT), la transaminase glutamique pyruvique sérique (SGPT) et la phosphatase alcaline, ainsi qu’une augmentation de la rétention de la bromosulfophtaléine. Des souris CD1 qui ont reçu 200 à 3 200 ppm de métribuzine par le régime alimentaire pendant deux ans ont présenté une augmentation du poids relatif du foie, mais seulement dans le groupe exposé à la dose élevée (Hayes, 1981). Des changements histopathologiques dans le foie ont été observés chez les rats Wistar (25 à 300 ppm) et les rats F344 (30 à 900 ppm) ayant reçu de la métribuzine jusqu’à deux ans, mais seulement à des concentrations égales et supérieures à 300 ppm (Löser et Mohr, 1974; Christenson et Wahle, 1993).
Deux études de toxicité subchronique par voie orale ont également révélé des effets similaires sur le foie. Chez les beagles à qui on a administré ≤ 500 ppm de métribuzine pendant 90 jours, des effets sur le foie ont été observés, notamment des augmentations liées à la dose du poids du foie, du rapport entre le foie et le poids corporel et du rapport entre le foie et le poids du cerveau, ainsi qu’une légère diminution de la SGOT et de la SGPT à la dose de 500 ppm chez les mâles seulement (Chaisson et Cueto, 1970). Une augmentation du poids du foie a également été observée chez les rats Wistar ayant reçu une dose élevée (1 500 ppm), soit 50 à 1 500 ppm pendant trois mois, même si l’atteinte hépatique ne présentait aucune particularité (Löser et coll., 1969).
Des études de 21 jours sur la toxicité à court terme par exposition cutanée (lapins néo‑zélandais) et par inhalation (rats albinos Wistar TNO/W 74) ont également révélé des effets sur le foie, notamment une augmentation du taux de cholestérol liée à la dose chez le lapin, une augmentation des enzymes hépatiques N-déméthylase et cytochrome P450 chez le lapin et le rat, de même que des concentrations accrues de l’O-déméthylase et une augmentation du poids du foie chez le rat (Thyssen, 1981; Flucke et Hartmann, 1989).
Dans une étude de toxicité sur le plan de la reproduction sur deux générations faisant appel à des rats Crl:CD BR, des effets sur le foie (hypertrophie des hépatocytes des régions centrilobulaires et méso-zonales) ont été constatés chez les mâles exposés à une dose élevée (750 ppm) et les femelles exposées à des doses moyenne et élevée (150 et 750 ppm, respectivement) (Porter et coll., 1988).
Effets sur la glande thyroïde : Parmi les effets sur la glande thyroïde observés chez le rat, le chien et le lapin, mentionnons des changements dans le poids de la thyroïde et dans la concentration des hormones thyroïdiennes circulantes.
Une augmentation du poids absolu et relatif de la thyroïde (chez les mâles seulement), ainsi qu’une hausse de la thyroxine (T4) et une baisse de la triiodothyronine (T3) ont été constatées lors d’une étude de toxicité chronique au cours de laquelle on a administré à des rats Fischer 344 de 30 à 900 ppm de métribuzine par le régime alimentaire tous les jours pendant 104 semaines (Christenson et Wahle, 1993). De même, le poids de la thyroïde s’est accru chez les beagles exposés à une dose élevée de métribuzine (25 à 1 500 ppm) tous les jours pendant deux ans et chez les rats Wistar exposés à une dose élevée de métribuzine (50 à 1 500 ppm) tous les jours pendant trois mois (Löser et coll., 1969; Löser et Mirea, 1974).
Des études de courte durée ont montré une augmentation du poids absolu et relatif de la thyroïde à 720 mg/m3 chez des rats albinos Wistar TNO/W 74 exposés à des concentrations de 32 à 720 mg/m3 de métribuzine sous forme d’aérosol tous les jours pendant 6 heures, et montré une diminution des concentrations de T3 à 1 000 mg/kg de poids corporel (p.c.) par jour chez des lapins néo-zélandais mâles exposés par voie cutanée à 40 à 1 000 mg/kg p.c. par jour de métribuzine pendant 3 semaines (Thyssen, 1981; Flucke et Hartmann, 1989).
Lors d’une étude sur la toxicité pour le développement, des rates CrL:CD BR en gestation exposées à la dose moyenne (70 ppm) et à la dose élevée (200 ppm) ayant reçu par gavage de 25 à 200 mg/kg p.c. par jour de métribuzine aux jours de gestation 6 à 18 ont présenté une diminution de la concentration de T4 tandis que les rates exposées à la dose élevée ont présenté une augmentation du poids de la thyroïde (Kowaski et coll., 1986).
Toxicité pour la reproduction et le développement : Aucune fœtotoxicité n’a été observée chez les rates et les lapines ayant reçu de la métribuzine par gavage (rates : 25 à 200 mg/kg p.c. par jour; lapines : 10 à 85 mg/kg p.c. par jour) aux jours de gestation 6 à 18, et chez les rates ayant reçu de la métribuzine par le régime alimentaire (5 à 100 mg/kg p.c. par jour) aux jours de gestation 6 à 15, malgré une toxicité maternelle (diminution du gain de poids corporel et augmentation du poids de la thyroïde) (Machemer, 1972; Kowaski et coll., 1986; Clemens et Hartnagel, 1989).
Dans le cadre d’une étude de toxicité sur la reproduction portant sur trois générations, aucun effet lié au traitement n’a été observé sur l’accouplement, la gestation, la lactation ou le développement des petits chez les rats FB30 ayant reçu 35 à 300 ppm de métribuzine (Löser et Siegmund, 1974). Aucun effet sur la reproduction n’a été constaté lors d’une étude de toxicité sur la reproduction portant sur deux générations au cours de laquelle des rates Cr:CD BR ont reçu 30 à 150 ppm de métribuzine. Toutefois, les rats des générations F0 et F1 exposés à la dose élevée avaient consommé moins de nourriture, présentaient une diminution du gain de poids corporel et une hypertrophie du foie (Porter et coll., 1988).
2.5 Génotoxicité et cancérogénicité
La métribuzine ne s’est pas révélée mutagène dans une série de tests in vitro et in vivo. Voici les études in vitro dont les résultats se sont avérés négatifs (avec et sans activation) : tests d’Ames réalisés sur des souches de Salmonella typhimurium et d’Escherichia coli, test SOS Chromotest utilisant E. coli, essai de mutagenèse CHO/HGPRT et un essai de synthèse non programmé de l’ADN dans des hépatocytes primaires de rats (Inukai et Iyatomi, 1977; Yang, 1986). Dans un essai in vitro réalisé au moyen de CHO, la métribuzine s’est révélée clastogène, mais seulement en présence d’une activation par S9; l’U.S. EPA a déterminé que la clastogénicité n’était pas préoccupante, car les tests in vivo n’avaient révélé aucun signe de mutagénicité (Murli, 1990; U.S. EPA, 1998). Les essais in vivo négatifs comprenaient trois essais de mutation létale dominante chez les souris mâles et femelles ayant reçu de la métribuzine par gavage et une étude cytogénétique visant à évaluer la spermatogonie chez le hamster chinois (Machemer et Lorke, 1974a, 1974 b).
On n’a observé aucune augmentation de l’incidence des tumeurs chez les souris CD1 ayant reçu de la métribuzine par le régime alimentaire à raison de 200 à 3 200 ppm pendant deux ans (Hayes, 1981). Les rats Fischer 344 nourris à raison de 30 à 900 ppm pendant 52 ou 104 semaines et les rats Wistar nourris à raison de 25 à 300 ppm n’ont montré aucun signe de cancérogénicité (Löser et Mohr, 1974; Christenson et Wahle, 1993).
L’U.S. EPA a classé la métribuzine dans le groupe D, soit celui des substances non classifiables quant à leur cancérogénicité pour l’être humain en raison de l’absence de données d’études réalisées chez l’humain et de données probantes insuffisantes tirées des études sur les animaux (U.S. EPA, 2003), tandis que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) n’a pas évalué la cancérogénicité de la métribuzine.
2.6 Mode d’action
Selon une étude de toxicité par voie intrapéritonéale chez la souris et une étude de toxicité par voie orale chez le rat, la métribuzine augmente le stress oxydatif et modifie l’état antioxydant, causant ainsi une hépatotoxicité en épuisant la teneur en glutathion dans le foie et en se liant aux protéines du foie (Bleeke et coll., 1985; Chiali et coll., 2013). Dans le foie, l’oxydase microsomale à fonction mixte métabolise la métribuzine en un intermédiaire réactionnel, probablement de la métribuzine sulfoxyde ou de la désamino-métribuzine sulfoxyde qui réagit ensuite avec les thiols disponibles (surtout le glutathion) ou, en leur absence, avec des protéines et autres macromolécules (Bleeke et coll., 1985).
Les principaux métabolites urinaires de la métribuzine sont les acides mercapturiques, qui découlent de la réaction entre la métribuzine sulfoxyde ou la désamino-métribuzine sulfoxyde et le glutathion réduit (Bleeke et coll., 1985). La sulfoxydation semble donc activer la métribuzine pour en faire un métabolite électrophile qui, en l’absence de glutathion, se lie aux protéines des tissus pour provoquer une hépatotoxicité (Bleeke et coll., 1985).
2.7 Étude clé retenue
Santé Canada (2019a, 2019 b) a déterminé que le foie est l’organe cible le plus sensible de toute la base de données d’après une étude de 2 ans de l’exposition par voie alimentaire chez le chien. Dans le cadre de cette étude réalisée par Löser et Mirea (1974), quatre chiens beagle/sexe/groupe ont reçu de la métribuzine (Bay 94 337, qualité technique à 99,5 %) par le régime alimentaire à une dose de 0, 25, 100 ou 1 500 ppm (0, 0,83, 3,5 ou 55,6 mg/kg p.c. par jour). Des taux de mortalité ont été observés dans le groupe exposé à la dose élevée (1 500 ppm ou 0,83 mg/kg p.c. par jour) à 75 % chez les mâles et chez les femelles. Les tests cliniques effectués 12 mois après l’exposition à la métribuzine semblent indiquer la présence d’un dysfonctionnement hépatique chez le chien. Une élévation de l’activité des enzymes du foie, comme la SGOT, la SGPT, l’ornithine-carbamyl-transférase et la phosphatase alcaline, de même qu’une augmentation de la rétention de la bromosulfophtaléine ont été signalées chez les mâles à partir de 3,5 mg/kg p.c. par jour. Des concentrations accrues de SGPT, d’ornithine-carbamyl-transférase et de protéines sériques ont été observées chez les femelles exposées à la dose élevée. Une augmentation du nombre de gouttelettes de mucopolysaccharide dans le foie et une augmentation de la nécrobiose hépatique ont été constatées chez les mâles et les femelles ayant reçu la dose moyenne et la dose élevée. Aucune variation majeure de la fonction rénale n’a été observée. Une augmentation du poids de la thyroïde a été relevée dans les groupes exposés à la dose élevée (chez les deux sexes).
Dans l’étude de toxicité de 2 ans chez le chien, la dose sans effet observé (NOEL) de 0,83 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et les femelles avec un facteur d’incertitude habituel de 100 a servi à établir l’apport quotidien acceptable (AQA) de 0,0083 mg/kg p.c. par jour. À la dose minimale avec effet observé (LOEL) de 3,5 mg/kg p.c. par jour, on a observé une augmentation de l’ornithine-carboxy-transférase chez les mâles et une augmentation du nombre de gouttelettes de mucopolysaccharide dans le foie et de la nécrobiose hépatique chez les mâles et les femelles.
3.0 Calcul de la valeur basée sur la santé
Comme il a déjà été mentionné ci-haut, la NOEL de 0,83 mg/kg p.c. par jour pour les effets hépatiques chez le chien a été retenue comme base de l’évaluation des risques actuelle. D’après cette NOEL, l’AQA (Santé Canada, 2019a) a été calculé comme suit :
où :
- 0,83 mg/kg p.c. par jour est la NOEL, d’après les effets observés au foie des beagles;
- 100 est le facteur d’incertitude, choisi pour tenir compte de la variation interspécifique (×10) et de la variation intraspécifique (×10).
D’après l’AQA de 0,0083 mg/kg p.c. par jour, une valeur basée sur la santé (VBS) pour la métribuzine dans l’eau potable a été calculée comme suit :
où :
- 0,0083 mg/kg p.c. par jour est l’AQA calculé en fonction d’une NOEL de 0,83 mg/kg p.c. par jour (Santé Canada, 2019a, 2019 b);
- 74 kg correspond au poids corporel d’un adulte (Santé Canada, en cours d’élaboration);
- 1,53 L par jour est le volume quotidien d’eau du robinet consommé par un adulte (Santé Canada, en cours d’élaboration); et
- 0,20 est le facteur d’attribution par défaut pour l’eau potable (Krishnan et Carrier, 2013).
4.0 Considérations relatives à l’analyse et au traitement
4.1 Méthodes d’analyse pour la détection de la métribuzine
Les méthodes normalisées de détection de la métribuzine dans les sources d’approvisionnement en eau et dans l’eau potable et leurs limites de détection (LDM) respectives sont résumées au tableau 4. Les LDM dépendent de la matrice de l’échantillon, des instruments et des conditions de fonctionnement choisies; elles varient d’un laboratoire à l’autre. Les LDM ou les limites de déclaration de la méthode issues des données provinciales et territoriales vont de 0,01 à 7 μg/L (Ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, 2019; Développement durable Manitoba, 2019; Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, 2019; Ministère de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse, 2019; Services aux Autochtones Canada, 2019; Ministère des Communautés, des Terres et de l’Environnement de l’Île-du-Prince-Édouard, 2019).
Il existe d’autres méthodes d’analyse, qui ne sont pas normalisées à l’heure actuelle, pour mesurer la métribuzine dans l’eau. Ces méthodes sont fondées sur la chromatographie en phase liquide à haute performance couplée à la spectrométrie de masse ou à la détection par ultraviolets (Flores‑Garcia et coll., 2011; Sinha et coll., 2011; Rocha et coll., 2015). Des LDM similaires aux méthodes normalisées susmentionnées ont été signalées et ces méthodes sont adaptées aux laboratoires commerciaux (Haiste-Gulde et Sacher, 2019).
Il est recommandé aux responsables des réseaux d’approvisionnement en eau potable d’aborder les exigences en matière d’échantillonnage avec le laboratoire accrédité menant les analyses, afin de s’assurer que les procédures de contrôle de la qualité sont respectées et que les limites de déclaration de la méthode sont suffisamment basses pour permettre une surveillance précise à des concentrations inférieures à la CMA. Les sources qui figurent au tableau 4 abordent le traitement des échantillons destinés aux analyses de la métribuzine dans l’eau potable (c.-à-d. conservation et entreposage des échantillons). Il est important de noter que la désactivation est cruciale si un agent oxydant est présent dans les échantillons afin d’empêcher toute détérioration supplémentaire de la métribuzine avant l’analyse.
MéthodeNote de bas de tableaua (référence) |
Méthodologie | LDM (µg/L) |
---|---|---|
EPA 507 Rev. 2.1 (U.S. EPA, 1995a) |
Chromatographie en phase gazeuse (CG) sur colonne capillaire et extraction liquide-liquide avec détecteur azote-phosphore | 0,029 |
EPA 508.1 Rev. 2.0 (U.S. EPA, 1995b) |
Extraction liquide-solide sur cartouche C-18 ou sur disque et chromatographie en phase gazeuse avec détecteur à capture d’électrons (CG/DCE) | 0,009 |
EPA 525.2 Rev. 2.0 (U.S. EPA, 1995c) |
Extraction liquide-solide sur cartouche C-18 ou sur disque et chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CG/SM) | 0,062 - 0,22 |
EPA 551.1 Rev. 1.0 (U.S. EPA 1995d) |
Extraction liquide-liquide et CG/DCE | 0,005 - 0,041 |
|
4.2 Considérations relatives au traitement
Les techniques de traitement offertes pour réduire efficacement les concentrations de métribuzine dans l’eau potable comprennent l’oxydation, l’adsorption sur charbon actif et la filtration sur membrane. Les données publiées sur l’élimination de la métribuzine dans l’eau à l’aide de ces techniques indiquent qu’il est possible de parvenir à une élimination de 50 à 98 % (Miltner et coll., 1989; Hofman et coll., 1997; Chen et coll., 2004; Chamberlain et coll., 2012). À l’échelle résidentielle, les dispositifs de traitement certifiés qui s’appuient sur l’osmose inverse ou l’adsorption sur charbon actif devraient pouvoir éliminer la métribuzine de manière efficace.
4.2.1 Traitement à l’échelle municipale
Étant donné que les concentrations de métribuzine sont faibles dans les sources d’approvisionnement en eau, les données sur les procédés de traitement présentées dans les publications reposent généralement sur de faibles concentrations de départ (< 50 µg/L). Les renseignements sur l’efficacité d’élimination et les conditions d’utilisation tirés de ces études sont présentés ci-dessous, car ces études donnent une indication de l’efficacité des divers procédés de traitement pour l’élimination de la métribuzine. Le choix d’un bon procédé de traitement dépend de nombreux facteurs, notamment la source d’eau brute et ses caractéristiques, les conditions d’utilisation de la méthode de traitement choisie et les objectifs de traitement du service public. La réalisation d’études à l’échelle de banc d’essai ou d’essais pilotes est recommandée pour s’assurer que la source d’approvisionnement en eau peut être traitée avec succès.
4.2.1.1 Traitement conventionnel
Les procédés de traitement conventionnel (coagulation chimique, clarification et filtration rapide sur sable) et la désinfection au chlore peuvent diminuer les concentrations de métribuzine par oxydation à l’étape de la désinfection (Miltner et coll., 1989; Blomquist et coll., 2001). Les procédés de traitement conventionnel ne sont pas efficaces à eux seuls pour éliminer la métribuzine. La surveillance de la métribuzine dans les stations de traitement à grande échelle n’a révélé aucune élimination statistiquement significative des faibles concentrations de métribuzine (< 5 ug/L) par clarification et filtration. D’autres essais de coagulation/floculation (« Jar-Test ») ont confirmé l’absence d’élimination de la métribuzine (concentration initiale de 45 µg/L) de l’eau de rivière au moyen de sulfate d’aluminium à une dose de 30 mg/L (Miltner et coll., 1989).
4.2.1.2 Oxydation
L’oxydation chimique de la métribuzine par le chlore, le dioxyde de chlore (ClO2), le permanganate (MnO4-) et l’ozone (O3) peuvent être des méthodes de traitement efficaces pour éliminer la métribuzine de l’eau selon divers facteurs, notamment la dose d’oxydant, le temps de contact, la demande de désinfectant, la température et le pH. Le tableau 5 présente des données sur plusieurs oxydants efficaces.
Miltner et coll. (1989) ont effectué une surveillance dans des stations de traitement à grande échelle et ont fait état d’une élimination de 94 % des faibles concentrations de métribuzine à l’étape de chloration après filtration. Ces résultats sont corroborés par des études en laboratoire qui fournissent des éléments de preuve supplémentaires que la métribuzine peut être éliminée efficacement par oxydation du chlore (Miltner et coll., 1989; Chamberlain et coll., 2012; Hu et coll., 2017). Hu et coll. (2017) ont étudié la réaction du chlore et de la métribuzine (concentration initiale de 1 000 µg/L) dans diverses conditions, notamment en faisant varier la dose de chlore, le pH et les concentrations de bromure et d’ammonium. Les auteurs ont noté que la vitesse de dégradation augmentait à mesure que la température augmentait, que le pH diminuait, que la concentration de bromure augmentait et que la concentration d’ammonium diminuait.
Des essais en laboratoire effectués avec d’autres oxydants, notamment le ClO2, le MnO4- et l’O3, ont révélé une élimination modérée à élevée de faibles concentrations de métribuzine (Miltner et coll., 1989; Chamberlain et coll., 2012). Chamberlain et coll. (2012) ont signalé une élimination supérieure à 50 % de 1,5 à 3 µg/L de métribuzine selon une dose de ClO2 et un temps de contact typiques pour la désinfection de l’eau potable. L’élimination par le MnO4- et l’O3 variait de 20 % à plus de 50 % selon le pH. D’après cette même étude, l’oxydation par la monochloramine et les rayons ultraviolets ne s’est pas avérée efficace pour éliminer la métribuzine.
Dans l’ensemble, ces études montrent que, selon la concentration en métribuzine de l’influent et d’autres paramètres de qualité de l’eau, les stations de traitement de l’eau potable qui utilisent la chloration et d’autres agents oxydants (p. ex. le ClO2, l’O3, le MnO4-) sont en mesure d’abaisser les concentrations de métribuzine sous la CMA durant leurs activités habituelles (Miltner et coll., 1989; Chamberlain et coll., 2012).
Lorsqu’on utilise des procédés d’oxydation pour éliminer les pesticides dans l’eau potable, il est important d’être conscient de la formation potentielle de sous-produits due à la dégradation du composé cible (Ikehata et Gamal El-Din, 2006; Chamberlain et coll., 2012). L’élimination du pesticide cible à elle seule ne garantit pas que le traitement soit efficace et que la minéralisation est complète (en dioxyde de carbone, ions inorganiques et eau). En outre, les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potable devraient tenir compte de la formation potentielle de sous-produits de désinfection en fonction de l’agent oxydant choisi et de la qualité de la source d’approvisionnement en eau. Plusieurs auteurs ont signalé la présence de produits de dégradation potentiels découlant de l’oxydation de la métribuzine. Miltner et coll. (1989) ont rendu compte de la présence d’autres pics chromatographiques à la suite de l’oxydation de la métribuzine par le chlore (les sous-produits de dégradation n’ont pas été identifiés). Hu et coll. (2017) ont déclaré que du chloroforme, du 1,1,1-trichloroacétone et du dichloroacétonitrile se sont formés (rendement molaire inférieur à 1 %) après chloration de la métribuzine. Pour vérifier si les pesticides cibles se sont dégradés et minéralisés, plusieurs auteurs ont surveillé la baisse de la teneur en carbone organique (total ou dissous) ou la demande chimique en oxygène (Ikehata et Gamal El-Din, 2006; Beduk et coll., 2012; Li et coll., 2019). Les essais à l’échelle pilote constituent une étape importante pour les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potable qui envisagent des procédés d’oxydation pour éliminer les pesticides dans l’eau potable.
Agent oxydant | Influent (µg/L) |
Dose d’oxydant (mg/L) |
Élimination | Description du procédé | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Chlore | 2,41 | 2,95 | 94 % | Pleine échelle : Traitement conventionnel des eaux de surface. Application de chlore après filtration (dose de chlore : 2,95 mg/L; chlore résiduel : 2,23 mg/L). | Miltner et coll. (1989)Note de bas de tableau a |
60,1 | 3,1 | 96 % | Échelle de banc d’essai : Chlore résiduel : 1,8 mg/L après un temps de réaction de 6 h. | ||
1,5 - 3 | 2 - 5 | 20-50 % | Échelle de banc d’essai : Expériences menées dans des conditions typiques de désinfection des eaux de surface : CT : 107 à 173 mg·min/L à pH 6,6 et 8,6 | Chamberlain et coll. (2012)Note de bas de tableau b | |
Dioxyde de chlore | 60,1 | 5,9 | 100 % | Échelle de banc d’essai : Chlore résiduel : 3,8 mg/L après un temps de réaction de 6 h. | Miltner et coll. (1989) |
34,4 | 2,0 | 60 % | Échelle de banc d’essai : Chlore résiduel : 0,4 mg/L après un temps de réaction de 2 h. | ||
1,5 - 3 | 2 - 3 | > 50 % | Échelle de banc d’essai : CT : 38 à 73 mg·min/L à pH 8,6 | Chamberlain et coll. (2012)Note de bas de tableau b | |
Ozone | 1,5 - 3 | 1 - 2 | > 50 % | Échelle de banc d’essai : CT : 0,2 à 0,3 mg·min/L à pH 6,6 | Chamberlain et coll. (2012)Note de bas de tableaub |
Permanganate | 1,5 - 3 | 3 - 5 | 20 - 50% | Échelle de banc d’essai : CT : 134 à 64 mg·min/L à pH 8,6 | Chamberlain et coll. (2012)Note de bas de tableau b |
|
4.2.1.3 Adsorption sur charbon actif
L’adsorption sur charbon actif est un procédé largement utilisé pour réduire les concentrations de micropolluants, dont les pesticides, dans l’eau potable (Haist-Gulde et Happel, 2012; van der Aa et coll., 2012). Le charbon actif peut être appliqué de deux manières : applications d’une solution en suspension de charbon actif en poudre (CAP) ou réacteurs à lit fixe utilisant du charbon actif en grains (CAG) (Chowdhury et coll., 2013).
Même s’il existe peu de données à grande échelle publiées concernant l’utilisation du charbon actif spécifiquement pour l’adsorption de la métribuzine, on s’attend à ce qu’il soit efficace pour éliminer la métribuzine en raison de ses propriétés physicochimiques (p. ex. solubilité, taille moléculaire, polarité, etc.) et des recherches publiées sur la capacité d’adsorption. Les données tirées des essais à l’échelle du laboratoire visant à déterminer les coefficients d’adsorption des pesticides sont utiles pour prédire si le charbon actif adsorbe un pesticide en particulier (U.S. EPA, 2011). En général, les pesticides ayant une constante d’adsorption (p. ex. coefficient de Freundlich) supérieure à 200 µg/g(L/µg)1/n sont considérés aptes à être éliminés par adsorption sur charbon (Speth et Miltner, 1989; Speth et Adams, 1993; U.S. EPA, 2011). Il importe toutefois de noter que la présence de matière organique naturelle ajoute à la complexité du traitement au charbon actif, parce que cette matière entre directement en compétition avec la métribuzine pour occuper les sites d’adsorption ou encrasse le charbon en obstruant les pores (Chowdhury et coll., 2013). Comme de nombreux facteurs peuvent influer sur la capacité du charbon actif, notamment le caractère ionique du composé et le pH de la solution, des tests appropriés (p. ex. essais de floculation, essai rapide en colonne à petite échelle, etc.) seraient nécessaires pour confirmer l’élimination.
Charbon actif en poudre
On a constaté que de nombreux pesticides sont fortement adsorbés sur le charbon actif en poudre (CAP) (Chowdhury et coll., 2013). L’utilisation de CAP présente l’avantage de fournir du charbon vierge selon les besoins (durant la saison d’application du pesticide) (Miltner et coll., 1989). L’efficacité d’élimination par le CAP dépend du type et de la dose de CAP, du temps de contact, des caractéristiques du CAP (type, taille des particules), de la capacité d’adsorption du contaminant et de la présence de matière organique naturelle (Gustafson et coll., 2003; Summers et coll., 2010; Haist-Gulde et Happel, 2012; Chowdhury et coll., 2013).
Miltner et coll. (1989) ont regroupé des données provenant d’une application de CAP à pleine échelle et d’essais de floculation afin d’estimer la capacité du CAP en fonction de la concentration de pesticide et calculé un coefficient d’adsorption de Freundlich de 61,7 mg/g(L/mg)1/n (61 700 µg/g(L/µg)1/n) dans une eau de rivière naturelle. Dans le cadre de cette étude, on a observé une adsorption similaire ou plus élevée de la métribuzine comparativement à des pesticides similaires comme l’atrazine. Les auteurs ont conclu que le CAP appliqué aux doses habituellement utilisées pour éliminer le goût et l’odeur suffirait également à retirer plusieurs pesticides (y compris la métribuzine) si un pourcentage d’élimination modéré est nécessaire. De même, Frank et coll. (1991) ont signalé qu’une dose saisonnière de CAP de 5 mg/L avait complètement éliminé la métribuzine (concentration moyenne dans l’influent de 1,7 µg/L) d’une source d’approvisionnement en eau de surface.
Charbon actif en grains
L’utilisation de charbon actif en grains (CAG) est une méthode efficace pour traiter les contaminants organiques qui sont souvent présents en concentrations préoccupantes dans les sources d’eau (Chowdhury et coll., 2013). La capacité du CAG d’éliminer les pesticides par adsorption dépend de la vitesse de filtration, du temps de contact en fût vide, des caractéristiques du CAG (type, taille des particules et méthode de réactivation), de la capacité d’adsorption du contaminant et de la durée du cycle de filtration (Haist-Gulde et Happel, 2012). De plus, étant donné que les adsorbeurs à lit fixe de CAG fonctionnent généralement en continu, le CAG peut devenir encrassé (ou préchargé) de matière organique naturelle et s’avérer partiellement inefficace pour éliminer la métribuzine (Knappe et coll., 1999; Summers et coll., 2010; Haist‑Gulde et Happel, 2012; Chowdhury et coll., 2013). Miltner et coll. (1989) ont évalué l’élimination de la métribuzine au moyen d’un lit de CAG avec remplacement du sable à pleine échelle. Le lit de CAG, d’une profondeur de 18 pouces, était âgé de 30 mois et avait un temps de contact en fût vide de 2,81 minutes à une vitesse de charge de 4 gal/min/pi2 (9,8 m/h). La concentration moyenne de métribuzine dans l’influent était de 0,89 µg/L et l’élimination moyenne était de 57 % sur une période de 11 jours d’échantillonnage. Cette efficacité d’élimination était similaire à celle observée pour d’autres herbicides à base de triazine, notamment l’atrazine, la cyanazine et la simazine.
4.2.1.4 Filtration sur membrane
En général, la nanofiltration (NF) et l’osmose inverse (OI) sont des procédés efficaces de séparation par membrane sous pression pour l’élimination des pesticides de l’eau potable (Van der Bruggen et Vandecasteele, 2003; U.S. EPA, 2011). L’efficacité de l’OI et de la NF à éliminer les pesticides dépend des caractéristiques de la membrane, des propriétés du pesticide, de la composition de l’eau d’alimentation, des conditions de fonctionnement et de l’encrassement de la membrane (Van der Bruggen et Vandecasteele, 2003; Plakas et Karabelas, 2012).
Comme le principal mécanisme d’élimination des pesticides au moyen de membranes de NF et d’OI est l’exclusion par la taille, le seuil de rétention des molécules en raison de leur poids moléculaire (MWCO) par la membrane constitue une caractéristique importante. Bellona et coll. (2004) présentent un diagramme utilisant les paramètres du pesticide dans l’eau (p. ex. poids moléculaire, log Koe, diamètre moléculaire) et ceux de la membrane (p. ex. MWCO, taille des pores) pour déterminer le potentiel d’élimination. Ce tableau pourrait faciliter le choix d’une éventuelle membrane pour l’élimination de la métribuzine. D’après le poids moléculaire de la métribuzine (217 Da), les membranes présentant un MWCO situé entre 200 et 400 Da sont jugées convenables pour la métribuzine. Outre l’effet de tamisage, la rétention de petites molécules de pesticide par des membranes dont la taille des pores est plus grande peut être influencée par les interactions physicochimiques entre le pesticide et la surface de la membrane (Plakas et Karabelas, 2012).
Influent (µg/L) |
Rejet | Type de membrane |
Description du procédé | Référence |
---|---|---|---|---|
10 | 87 - 97 % | Polyamide (NF) |
|
Chen et coll. (2004) |
4,5 | 85 % | Acétate de cellulose (OI) |
|
Hofman et coll. (1997)Note de bas de tableau a |
98 % | Polyamide composite (OI) | |||
99 % | Pression ultra faible (OI) | |||
2,53 | 59 % | Polyamide (OI) |
|
Fronk et Baker (1990)Note de bas de tableaua |
76 % | Polyamide (OI) | |||
100 % | Membrane composite à pellicule mince (OI) | |||
|
Les études à l’échelle de banc d’essai montrent que l’OI et la NF sont efficaces pour éliminer la métribuzine de l’eau potable (Fronk et Baker, 1990; Hofman et coll., 1997; Chen et coll., 2004). Les études portant sur divers types de membranes et diverses conditions de fonctionnement pour l’élimination de la métribuzine sont indiquées au tableau 6. Les données montrent qu’il est possible de parvenir à un rejet de la métribuzine dans une proportion de 59 à 99 %. En général, les membranes de type composite à pellicule mince et les membranes d’OI à pression ultra faible ont obtenu le taux de rejet le plus élevé (99 à 100 %) de métribuzine (Fronk et Baker, 1990; Hofman et coll., 1997). Selon Chen et coll. (2004), le rejet de la métribuzine au moyen d’une membrane en polyamide en spirale s’est aussi avéré efficace (jusqu’à 97 %) dans des conditions optimales (p. ex. flux élevé et faible récupération).
4.2.2 Traitement à l’échelle résidentiellet
Dans les cas où l’on souhaite éliminer la métribuzine à l’échelle résidentielle, par exemple, lorsque l’eau potable d’une résidence provient d’un puits privé, un dispositif de traitement résidentiel peut être employé pour réduire les concentrations de métribuzine dans l’eau potable. Avant d’installer un appareil de traitement, il convient de faire analyser l’eau pour en établir les caractéristiques chimiques générales et la concentration de métribuzine dans l’eau non traitée. L’eau qui entre dans le dispositif de traitement et l’eau traitée doivent être échantillonnées et analysées régulièrement par un laboratoire accrédité pour vérifier l’efficacité du dispositif. Comme les dispositifs de traitement perdent leur capacité d’élimination avec l’usage et le temps, ils doivent faire l’objet d’un entretien et/ou être remplacés à l’occasion. Les consommateurs devraient vérifier la durée de vie prévue des composants de leur dispositif de traitement selon les recommandations du fabricant, et veiller à leur entretien au besoin.
Santé Canada ne recommande aucune marque particulière de dispositif de traitement de l’eau potable, mais conseille fortement aux consommateurs d’utiliser des dispositifs dont la conformité aux normes pertinentes de NSF International (NSF) et de l’American National Standards Institute (ANSI) est certifiée par un organisme de certification accrédité. Ces normes visent à établir des exigences minimales relatives aux matériaux, à la conception et à la fabrication de dispositifs de traitement de l’eau potable. On s’assure ainsi que les matériaux contenus dans le dispositif ne libèrent pas de contaminants dans l’eau potable (c.-à-d. innocuité des matériaux). De plus, les normes englobent des exigences de performance qui précisent le taux d’élimination qui doit être réalisé pour certains contaminants (c.-à-d. déclaration de réduction) qui peuvent être présents dans l’eau. Les organismes de certification, qui doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), garantissent qu’un produit est conforme aux normes en vigueur. Voici quelques-uns des organismes accrédités au Canada (CCN, 2019) :
- Groupe CSA;
- NSF International;
- Water Quality Association;
- Underwriters Laboratories (UL LLC) ;
- Truesdail Laboratories Inc.;
- Bureau de normalisation du Québec;
- International Association of Plumbing and Mechanical Officials.
Il est possible d’obtenir une liste à jour des organismes de certification accrédités auprès du CCN.
Les techniques de traitement de l’eau susceptibles d’éliminer efficacement la métribuzine à l’échelle résidentielle sont notamment :
- l’osmose inverse (OI); et
- l’adsorption.
À l’heure actuelle, la métribuzine n’est pas visée par les exigences de performance des normes NSF/ANSI. Toutefois, les consommateurs peuvent utiliser un dispositif de traitement qui est certifié conforme aux normes relatives à l’osmose inverse ou à l’adsorption pour s’assurer que l’innocuité des matériaux a été évaluée. Ces normes sont la norme NSF/ANSI 58 (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) et la norme NSF/ANSI 53 (Drinking Water Treatment Units - Health Effects) (NSF/ANSI, 2018a,b). En outre, les dispositifs qui ont été certifiés conformes pour l’élimination d’un pesticide similaire, comme l’atrazine, sont plus susceptibles d’être efficaces pour l’élimination de la métribuzine.
L’eau qui a été traitée par osmose inverse peut être corrosive pour les éléments de plomberie. Ces dispositifs devraient donc être installés uniquement au point d’utilisation. De plus, comme il faut de grandes quantités d’influent pour obtenir le volume requis d’eau traitée, ils ne sont généralement pas pratiques si on les installe au point d’entrée de l’eau.
5.0 Stratégies de gestion
Tous les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potable devraient mettre en œuvre une approche de gestion des risques, comme l’approche de la source au robinet ou du plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau pour assurer la salubrité de l’eau (CCME, 2004; OMS, 2011, 2012). Ces approches exigent une évaluation du réseau pour caractériser la source d’approvisionnement en eau, décrire les procédés de traitement qui empêchent ou réduisent la contamination, déterminer les conditions pouvant entraîner une contamination et mettre en œuvre des mesures de contrôle. La surveillance opérationnelle est ensuite établie, et des protocoles opérationnels et de gestion sont mis en place (p. ex. procédures opérationnelles normalisées, mesures correctives et interventions en cas d’incident). La surveillance de la conformité est déterminée, et d’autres protocoles de validation du plan de salubrité de l’eau sont mis en œuvre (p. ex. tenue de dossiers, satisfaction des consommateurs). La formation des opérateurs est également nécessaire pour assurer l’efficacité en tout temps du plan de salubrité de l’eau (Smeets et coll., 2009).
5.1 Surveillance
La métribuzine peut être présente dans les eaux souterraines et les eaux de surface dans les régions où elle est utilisée, selon le type et l’étendue de son application, les facteurs environnementaux (p. ex. quantité de précipitations, type de sol, milieu hydrogéologique, etc.) et le devenir dans l’environnement (p. ex. mobilité, potentiel de lessivage, dégradation, etc.) dans les zones à proximité. Les responsables des réseaux d’approvisionnement en eau potable devraient tenir compte de la possibilité que la métribuzine entre dans les sources d’approvisionnement en eau (p. ex. approvisionnement en eau brute vers le système d’eau potable) en fonction des caractéristiques propres à chaque site.
Une fois qu’on a déterminé que la métribuzine peut être présente et qu’une surveillance est nécessaire, il faudrait ensuite caractériser les sources d’eau de surface et d’eau souterraine afin d’établir la concentration de métribuzine. Cela devrait comprendre la surveillance des sources d’eau de surface pendant les périodes de pointe d’utilisation et de précipitations ou la surveillance annuelle des sources d’eau souterraine. Lorsque les données de référence indiquent que la source d’approvisionnement ne contient pas de métribuzine, la surveillance peut être réduite.
Lorsqu’un traitement est nécessaire pour éliminer la métribuzine, il faudrait assurer une surveillance opérationnelle afin de déterminer si le procédé de traitement fonctionne comme prévu. La fréquence de la surveillance opérationnelle dépendra de la qualité de l’eau, de la fluctuation des concentrations d’eau brute et du procédé de traitement. Les autorités responsables devraient être conscientes de l’incidence de la matière organique naturelle sur les systèmes au charbon actif, car cette interaction peut avoir un effet sur les objectifs de qualité de l’eau pour ce qui est de l’élimination de la métribuzine.
Lorsqu’un traitement est utilisé pour éliminer la métribuzine, il faudrait effectuer une surveillance de conformité (échantillons jumelés de la source d’approvisionnement et d’eau traitée afin de confirmer l’efficacité du traitement) au moins tous les ans. Lorsque la surveillance opérationnelle périodique indique un risque de pénétration du contaminant, comme avec le CAG, la surveillance devrait être exercée chaque trimestre. Lorsqu’on a recours à un procédé de dégradation, comme l’oxydation, la surveillance de la formation de sous-produits devrait aussi être envisagée.
6.0 Considérations internationales
La présente section présente les recommandations, les normes et les conseils relatifs à l’eau potable qu’ont établis d’autres organismes nationaux et internationaux. Les valeurs varient en fonction de la date à laquelle remonte l’évaluation sur laquelle elles sont fondées, et en fonction des différentes politiques et démarches appliquées, y compris en ce qui concerne le choix de l’étude clé ou les taux de consommation, les poids corporels et les facteurs d’attribution liés à la source employés.
L’Australie a fixé une valeur de la recommandation de 0,07 mg/L pour la métribuzine dans l’eau potable ( National Health and Medical Research Council (NHMRC) (Australie) et Natural Resources Management Ministerial Council (NRMMC) (Australie), 2011) en fonction d’une dose sans effet observé (NOEL) de 2 mg/kg p.c. par jour pour une diminution du poids du cœur, tirée d’une étude de deux ans menée chez le rat. L’U.S. EPA n’a pas de valeur réglementaire concernant la métribuzine, car elle est arrivée à la conclusion que réglementer sa présence dans l’eau potable aurait peu d’incidence sur la réduction des risques pour l’humain, puisque la quantité de métribuzine dans les réseaux publics d’approvisionnement en eau et le nombre de personnes susceptibles d’être exposées par l’eau potable sont faibles (U.S. EPA, 2003). L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a fixé aucune valeur de la recommandation précise pour la métribuzine.
L’Union européenne (UE) ne dispose d’aucune valeur paramétrique précise pour chaque pesticide. Elle a plutôt établi une valeur de 0,1 µg/L pour chaque pesticide et une valeur de 0,5 µg/L pour les pesticides totaux décelés dans l’eau potable. En établissant ces valeurs, l’UE n’a pas tenu compte des éléments scientifiques liés à chaque pesticide, dont les effets sur la santé. Ces valeurs reposent plutôt sur une décision stratégique visant à écarter les pesticides des sources d’eau potable.
7.0 Justification
La métribuzine est homologuée au Canada pour la lutte contre les mauvaises herbes à feuilles larges et les graminées en agriculture. Même si ce produit est largement utilisé au Canada, les données fournies par les provinces et les territoires qui assurent la surveillance de la métribuzine dans les sources d’approvisionnement en eau et dans l’eau potable indiquent que lorsqu’elles sont détectées, les concentrations de métribuzine sont bien inférieures à la CMA proposée. Le foie est considéré comme l’organe cible de la toxicité de la métribuzine. Bien qu’aucune étude réalisée chez l’humain n’ait porté sur les effets de la métribuzine sur le foie, des études menées sur plusieurs espèces animales (rat, souris, lapin et chien) ont montré de façon constante une hépatotoxicité à la suite d’une exposition à la métribuzine.
Santé Canada, en collaboration avec le Comité fédéral‑provincial-territorial sur l’eau potable, propose de maintenir une CMA de 0,08 mg/L (80 µg/L) en se fondant sur les considérations suivantes :
- une VBS de 0,08 mg/L (80 µg/L) basée sur les effets observés au foie des chiens beagle;
- la métribuzine peut être mesurée avec précision à des concentrations bien inférieures à la CMA proposée; et
- des techniques de traitement de l’eau potable sont offertes pour éliminer la métribuzine à des concentrations inférieures à la CMA proposée.
La CMA proposée vise à offrir une protection contre les effets sur la santé possible découlant d’une exposition à la métribuzine. Dans le cadre de son processus de révision des recommandations, Santé Canada continuera de surveiller les nouvelles recherches dans ce secteur et de recommander au besoin toute modification jugée nécessaire.
8.0 Références
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- Yukon, Service d’hygiène du milieu (2019). Communication personnelle avec P. Brooks.
Annexe A: Liste des acronymes
- AHS
- Agricultural Health Study
- ANSI
- American National Standards Institute
- AQA
- apport quotidien acceptable
- ARLA
- Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire
- CAG
- charbon actif en grains
- CAP
- charbon actif en poudre
- CAS
- Chemical Abstracts Service (numéro de registre du)
- CCME
- Conseil canadien des ministres de l’Environnement
- CCN
- Conseil canadien des normes
- CG
- chromatographie en phase gazeuse
- CHO
- cellules ovariennes de hamster chinois
- CMA
- concentration maximale acceptable
- CSA
- Association canadienne de normalisation
- DA
- désamino-métribuzine
- DADK
- désamino-dicéto-métribuzine
- DCE
- détecteur à capture d’électrons
- DK
- dicéto-métribuzine
- EFSA
- Autorité européenne de sécurité des aliments
- HGPRT
- hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase
- LDM
- limite de détection de la méthode
- LOEL
- dose minimale avec effet observé
- MWCO
- seuil de rétention des molécules
- NF
- nanofiltration
- NHMRC
- National Health and Medical Research Council (Australie)
- NOEL
- dose sans effet observé
- NRMMC
- Natural Resources Management Ministerial Council (Australie)
- NSF
- NSF International
- OEHHA
- Office of Environmental Health Hazard Assessment
- OI
- osmose inverse
- OMS
- Organisation mondiale de la Santé
- SGOT
- transaminase glutamique oxaloacétique sérique
- SGPT
- transaminase glutamique pyruvique sérique
- SM
- spectrométrie de masse
- T3
- triiodothyronine
- T4
- thyroxine
- UE
- Union européenne
- U.S. EPA
- United States Environmental Protection Agency
- U.S. EPA
- United States Environmental Protection Agency
- VBS
- valeur basée sur la santé
Annexe B : Données sur la qualité de l’eau au Canada
Province ou territoire (année d’échantillonnage) |
Nbre de détections/ nbre d’échantillons |
LDM (ng/L) | Plage (ng/L) | 25e percentile (ng/L) | Médiane (ng/L) | 75e percentile (ng/L) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Min | Max | ||||||
Eau du robinet | |||||||
Alb., Sask., Man. – communautés rurales (2004 –2005)Note de bas de tableau a | ?/29 | - | 8,11 | <20,70 | - | - | - |
Eaux de surface | |||||||
C.-B. – vallée du bas Fraser et bassin de l’Okanagan (2003 – 2005) | 22/93 | 0,015 | <0,015 | 2,74 | - | - | - |
Ont. (2003) | 17/161 | 20,7 | 21,0 | 1230 | - | - | - |
Ont. (2004) | 29/224 | 20,7 | 23,0 | 668 | - | - | - |
Ont. (2005) | 14/183 | 20,7 | 23,1 | 1210 | - | - | - |
Ont. – 10 lacs isolés (2003 – 2005) | 49/163 | 0,001 | <0,001 | 23,1 | - | - | - |
Qc (2003) | 1/50 | 20 | <20 | 20 | - | - | - |
Qc (2004) | 0/69 | 6 - 20 | - | - | - | - | - |
Qc (2005) | 0/62 | 20 | - | - | - | - | - |
N.-B. (2003 – 2005) | 10/57 | 30 - 300 | - | - | - | - | - |
Ï.-P.-É. (2003 – 2005) | 2/82 | 50 - 80 | - | - | - | - | - |
N.-É. (2003 – 2005) | 0/48 | 30 | - | - | - | - | - |
Rivières | |||||||
Alb., Sask., Man. – 8 sites (2003) | 0/63 | 20,7 | - | - | - | - | - |
Eau de reservoir | |||||||
Alb., Sask., Man. – 15 sites (2003 – 2004) | 1/198 | 20,7 | <20,7 | 185 | - | - | - |
Eaux souterraines | |||||||
Ï.-P.-É. (2004) | 2/122 | - | 100 | 180 | - | - | - |
Ï.-P.-É. (2005) | 3/112 | - | - | 190 | - | - | - |
Air | |||||||
Ont. – 4 sites (2004 – 2005) | 9/12 | 0,000 | <0,001 | 0,039 | 0,007 | 0,012 | 0,030 |
Ont. – 4 sites (2004 – 2005)Note de bas de tableau b | 8/12 | 0,001 | <0,001 | 0,225 | <0,001 | 0,022 | 0,060 |
LDM = limite de détection de la méthode
Remarque : Adapté d’Environnement Canada (2011) |
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