1.2 Nature de la PI

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« Propriété intellectuelle » est une expression utilisée pour définir « un concept selon lequel les manifestations tangibles d'entreprises intellectuelles/créatives - notamment les inventions, les conceptions, les œuvres de création, etc. - sont traitées dans les sphères juridiques et sociales comme des biens, accompagnés de toutes les notions implicites connexes (p. ex., propriété, utilisation, transactions économiques, etc.) ». [Traduction libre]Note en bas de page 7 Ce concept est assujetti aux régimes juridiques des droits d'auteur, des marques de commerce, des brevets et des secrets commerciaux. Chacun de ces régimes aborde des types spécifiques de biens de la PI :

  • Le régime des droits d'auteur protège les œuvres originales d'une paternité d'œuvre qui existe sous forme tangible (c.-à-d. physique), notamment les œuvres littéraires, artistiques, musicales, dramatiques et architecturales. Les protections conférées par les règles du droit d'auteur (p. ex., droit de copier, de diffuser, d'afficher, etc.) et la période au cours de laquelle un créateur jouit du droit exclusif à ces protections varient d'un pays à un autre.
  • Le régime des marques de commerce protège les mots, expressions, symboles et conceptions de nature distinctive qui identifient et distinguent les produits et services spécifiques sur les marchés. Les protections garanties par les marques de commerce, et la période au cours de laquelle le détenteur de la marque de commerce peut réclamer une marque de commerce, varient beaucoup selon le pays et suivant l'origine de la marque de commerce (« common law » ou législation fédérale).
  • Le régime des brevets protège les inventions - habituellement décrites comme des procédés, des machines ou des compositions chimiques jugés nouveaux, utiles et « non évidents ». Ce régime accorde aux inventeurs le droit d'empêcher les autres de fabriquer, d'utiliser, d'offrir pour fins de vente ou de vendre leur invention pendant une période spécifique et suivant un territoire national particulier.
  • Le régime des secrets commerciaux protège l'information qui confère une valeur et un avantage concurrentiel sur les marchés du fait qu'elle est conservée secrète. Les secrets commerciaux peuvent être une formule, une méthode commerciale ou industrielle, un procédé, un programme, un code de sources, une liste de clients, un plan de commercialisation ou tout autre renseignement qui fournit à une organisation une valeur ou un avantage économique par rapport à d'autres organisations qui n'ont pas accès à cette information.

Ces distinctions en apparence toutes simples entre les divers régimes masquent une très grande complexité, puisque chaque régime comporte ses propres mesures de prestation d'une protection juridique de la PI qu'il régit. L'enregistrement au régime est obligatoire dans le cas des marques de commerce et des brevets, mais non dans celui des droits d'auteur. Les conventions internationales visent le traitement des œuvres protégées à l'échelle des pays, tandis que les marques de commerce et les brevets fonctionnent suivant des limites de juridiction rigoureuses. Le secret commercial peut recouper différents domaines juridiques, notamment les contrats ou les brevets, et il est assujetti aux lois fédérales et provinciales. Pour bien comprendre les subtilités de chaque régime, il est essentiel de recourir à un juriste-conseil.

1.2.1 Types de biens de la PI détenus par les musées

Les musées détiennent de la propriété intellectuelle qui relève des quatre régimes juridiques décrits précédemment. Sur le plan historique, les musées ont concentré une grande part de leur attention sur le matériel assujetti au droit d'auteur : la majorité de leurs biens de la PI sont protégés suivant ce domaine de la loi, et leurs activités sont centrées sur l'utilisation de ce matériel. Au cours des cinq dernières années, les musées ont de plus en plus établi des marques de commerce pour les noms, logos et conceptions liés à leurs activités, leurs services et leur réputation. Les brevets, auparavant l'apanage des centres de sciences et technologies et des musées d'histoire naturelle, se trouvent désormais dans tous les types de musées, compte tenu surtout des techniques mises au point localement et des technologies telles que les méthodes de conservation ou de mise en place des expositions. Le secret commercial a vu le jour en tant qu'important régime touchant les musées qui nouent des partenariats d'affaires, où il est utilisé pour protéger les éléments d'actif tels que les listes de donateurs, les codes logiciels, les concepts d'expositions, etc. grâce aux accords de non-divulgation.

Le tableau suivant identifie certains des biens de la PI que les musées possèdent, créent ou maintiennent, les divers éléments y étant répartis selon les régimes juridiques auxquels ils sont assujettis :

Tableau A : Types de PI que peut posséder un musée
Droit d'auteurMarque de commerce*BrevetSecret commercial
Collection d'objets Nom d'un musée Installation d'une exposition Liste de donateurs?Note en bas de page 8
Publication Logo Procédé scientifique Plan de commercialisation
Site Web Nom d'une exposition Conception Code logiciel
Œuvre multimédia Nom d'un programme éducatif Technique de moulage Entreprise commerciale
Matériel de relations publiques Élément de construction ou d'architecture d'un édifice Montage Concept d'exposition
Image Slogan Matériel informatique  
Film Nom d'une boutique de vente au détail    
Vidéo Nom d'une cafétéria    
Manuscrit, carte, dessin architectural Nom d'une publication (catalogue, bulletin, magazine)    
Matériel éducatif, p. ex., tiré à part, exercice pratique, guide de galerie, ouvrage didactique Nom d'un programme public    
Programme public Nom d'un domaineNote en bas de page 9    
Logiciel      
Base de données      
Matériel d'administration et de catalogage, p. ex., liste de contrôle, notice catalographique, convention de prêt, formulaire d'acquisition      
Enregistrement sonore (DC, bande, phonogramme)      

Bien que les musées soient les entrepôts d'une gamme vaste et diversifiée de biens de la PI, leur capacité d'utiliser ces éléments d'actif est complexe. Du point de vue d'un bien de la PI, les actifs muséaux sont perçus selon les liens qui existent entre le créateur d'un bien, le propriétaire des objets et le détenteur des droits. Les variantes de ces liens sont résumées dans la matrice suivante (Tableau B) :

Tableau B : Matrice des liens entre les éléments d'actif des musées et divers biens de la PI
CréateurPropriétaire des objetsDétenteur des droits
Musée Musée Musée
Autre Musée Musée
Autre Musée Domaine public
Autre Musée Autre

La distinction entre la propriété d'un objet et la propriété de ses droits en matière de PI est d'une importance cruciale, et elle a de grandes incidences sur la politique d'un musée. Bien que les musées soient libres d'utiliser le matériel relevant des trois premières catégories du tableau ci-dessus, ils peuvent également se servir du matériel du quatrième groupe — qui comprend la majeure partie des collections de bon nombre de musées — à la condition que des droits explicites aient été accordés par le détenteur des droits. Les politiques sur la PI doivent donc tenir compte de deux perspectives dichotomiques : celle du « musée à titre de propriétaire de la PI » et celle du « musée en tant qu'utilisateur de la PI appartenant à d'autres ». Les musées omettent souvent de reconnaître cette dualité et créent une politique en tant que propriétaires à laquelle même eux ne souhaiteraient pas être assujettis à titre d'utilisateurs.

1.2.2 Types de biens de la PI créés par les musées

Les musées se sont traditionnellement définis comme les propriétaires et les gardiens, plutôt que les créateurs, de la PI. Cependant, ils créent — dans les faits — une bonne part de la PI et devraient reconnaître et souligner cette force chaque fois qu'ils le peuvent, étant donné que les autres groupes perçoivent nettement la PI muséale comme importante et qu'ils en valorisent la disponibilité. Par exemple, les lots de plans d'études et autres documents élaborés par les musées sont fort recherchés par le personnel enseignant. Le public achète avec empressement les catalogues des musées, et les industries du divertissement et de la publicité cherchent à nouer une association avec l'univers muséal pour le cachet que cela confère à leurs productions ou promotions publicitaires.

Sans doute la PI la plus visible à être élaborée par les musées provient de ses activités de programmation éducative et publique : publications, sites Web, expositions virtuelles, bases de données, brochures et matériel de relations publiques, attirail éducatif, conférences populaires, etc. que tous les musées élaborent. Moins bien définis, mais non moins importants, sont les objets tels que les étiquettes, les dessins ou les images créés par un musée et utilisés au fil du temps de manière à instaurer une association avec des services spécifiques et une réputation de qualité supérieure - ce que le monde des affaires qualifie de « marque ». La PI créée et identifiée à un musée de cette manière comprend son nom, son logo, ses titres de programmes d'exposition, etc.

Bon nombre des activités menées par les musées comportent un aspect plus amorphe pouvant également entraîner la création d'un bien de la PI. Par exemple, la création d'une exposition est similaire à une compilation : les œuvres comprises dans l'exposition peuvent appartenir à d'autres, mais la recherche, l'organisation et la disposition sont uniques et satisfont aux critères d'une œuvre de création (dans ce cas-ci, une œuvre protégeable). Les sites Web des musées sont un autre exemple. Ils peuvent contenir de la PI appartenant à d'autres, mais l'organisation, la conception, la disposition, la navigation, la recherche, etc. sont toutes des facettes à valeur ajoutée qui font de l'ensemble du site un bien de la PI créé par le musée.

1.2.3 Types de biens de la PI utilisés par les musées

Les musées sont de fréquents utilisateurs du matériel dont les droits sur la PI appartiennent à d'autres (souvent qualifiés de « PI de tiers »). Au cours de l'exécution de leurs activités au quotidien, les musées utilisent probablement des logiciels et des ordinateurs qui ont été créés par d'autres; élaborent des expositions reposant sur une œuvre d'art, une publication, une photographie, un manuscrit, une musique ou une bande vidéo qu'ils n'ont pas eux-mêmes créé; et conservent des collections au moyen de matériel et de techniques fixés par d'autres. En fait, comme toute autre institution, les musées dépendent de la PI de tiers pour fonctionner.

L'utilisation que font les musées de la PI de tiers peut s'effectuer légalement de deux façons : par l'obtention d'une licence auprès d'un détenteur de droits ou par la revendication d'une exemption existante de la législation sur la propriété intellectuelle. Le recours aux licences prend beaucoup d'ampleur dans les musées : l'utilisation de la musique dans un café muséal est assujettie à une licence de l'ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers ou société américaine des compositeurs, auteurs et éditeurs) ou de toute autre société de gestion collective des licences relatives à la musique; les reproductions d'une œuvre d'art datant du XXe siècle sont autorisées par l'artiste, sa succession ou l'organisation désignée de gestion des droits de l'artiste; l'exploitation des logiciels est autorisée par un accord de site conclu entre la société logicielle et le musée. Certaines licences sont « implicites » plutôt qu'élaborées de manière officielle. Les « partagiciels » — c.-à-d. les logiciels ou autres objets rendus librement accessibles par leurs créateurs — relèvent de cette catégorie, tout comme les accords verbaux.

Les exemptions à la législation sur la PI sont également couramment invoquées par les musées dans les cas d'utilisation de PI de tiers. Dans les musées nord-américains, les concepts « fair use » / « utilisation équitable » constituent des exceptions courantes aux règles du droit d'auteur qui permettent l'utilisation de la PI de tiers sans l'autorisation du détenteur des droits sur les œuvres protégées, pour autant que la PI soit utilisée dans des contextes spécifiques précisés dans l'exemption.

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