Vidéo — Symposium sur les langues autochtones — le 28 janvier 2021

Sauf indication contraire, le contenu a été traduit de l'anglais au français.

Transcription

Transcription de Symposium sur les langues autochtones — Session du matin, le 28 janvier 2021

Durée : 01:08:14

Mathieu Courchene (MC) – Je voudrais vous présenter la professeure Rawinia – Rawinia Higgins – de la Commission de la langue maorie, de Nouvelle-Zélande. Je crois qu’elle commencera sa présentation par une courte vidéo, suivie d’une brève allocution. Je vous inviterai ensuite à lui poser des questions. Donc, professeure Higgins, vous pouvez lancer votre vidéo. Merci.

Rawinia Higgins (RH) - [langue autochtone maori] Je suis honorée de prononcer le discours principal de la séance matinale du Symposium sur les langues autochtones, sur le thème Miser sur les forces et les succès. Je m’appelle Rawinia Higgins. Je suis professeure, et je suis présidente et commissaire de la Commission de la langue moderne Te Taura Whiri i te Reo Maori, et vice-rectrice adjointe de Te Herenga Waka, l’Université Victoria de Wellington. J’ai le plaisir de vous parler de la démarche que nous avons entreprise pour créer notre programme de revitalisation de la langue moderne ici, à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande. Je parlerai de nos forces et de nos lacunes, de nos difficultés et des solutions que nous avons adoptées. Je brosserai un tableau de nos activités depuis la création de la Commission de la langue moderne, en 1987, et de la situation actuelle. Je parlerai aussi du changement radical qui s’est amorcé lorsque nous avons décidé d’investir dans des programmes réels, axés sur l’aménagement et les politiques linguistiques, afin d’orienter notre travail et notre démarche collective, en tant que Maoris. Il est question tant des responsabilités des Maoris eux-mêmes que de celles de la Couronne. En toile de fond, j’ai choisi de présenter cette image, car je veux vous parler de Te Whare o te Reo Mauriora, qui signifie, littéralement, la Maison de la langue vivante. C’est l’une de nos maisons traditionnelles, ici, à l’université, où je travaille, à Te Heranga Waka, à l’école Te Heranga Waka. Il s’agit de rassembler les gens. C’est donc un honneur d’être parmi vous aujourd’hui, alors que nous regroupons nos canots de façon à pouvoir vous raconter nos histoire, mais d’une manière virtuelle. J’ai bon espoir qu’avec la fin de la COVID, les gens pourront venir nous visiter, à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande. Je vais donc partager mon écran et parler essentiellement aujourd’hui de Te Whare Te Reo Mauriora, de l’expérience d’Aotearoa, de la Nouvelle-Zélande. J’aime cette image, car elle évoque tant notre passé que certains événements plus récents. C’est un montage de photos historiques. Certaines sont datées, notamment de 1972, année de la pétition sur la langue, intercalées avec d’autres images, comme ces vieilles photos montrant diverses manifestations [Discours inaudible en raison d'un problème de connexion] au travers d’images d’événements plus récents, qui évoquent des célébrations et montrent que la notion de manifestation et de défilé prend aujourd’hui un sens nouveau dans la célébration de notre langue. Comme je l’ai dit, dans une large mesure, la démarche de revitalisation de la langue et de reconnaissances des droits a débuté par une manifestation de notre peuple, qui souhaitait que notre langue soit enseignée à l’école. En 1972, plus particulièrement, la pétition sur la langue maorie a été lancée à l’initiative d’étudiants universitaires, dont bon nombre ne parlaient pas la langue, mais voulaient réclamer une partie du patrimoine de ce pays. Ils ont réuni suffisamment de signatures et ont déposé leur pétition au Parlement, en 1972. Peu de temps après, particulièrement de 1979 à 1982, diverses initiatives communautaires ont été lancées, notamment le mouvement Kohanga Reo – les nids linguistiques –, qui a été repris par bien d’autres peuples autochtones comme modèle pour leurs stratégies d’aménagement linguistique. Souvent appelée « la méthode silencieuse », Te Ataarangi utilise des réglettes Cuisenaire pour l’enseignement du Te Reo Maori aux adultes. Une école bilingue a aussi été créée, à Ruatoki, terre d’origine de mon peuple, dans la partie orientale de la Bay of Plenty. Ces initiatives communautaires sont venues de notre peuple, de manière organique, en particulier sous l’influence des aînés, qui ont décidé d’amorcer un changement. Par conséquent, avec le temps, certaines de ces initiatives communautaires alternatives ont été institutionnalisées. J’en parlerai plus tard mais, pour l’instant, je dirai qu’elles sont nées de mouvements amorcés par notre peuple, avant d’être institutionnalisées. Le passage d’un mouvement vers une institution, régie par la Couronne ou un organisme gouvernemental par la voie du financement, s’accompagne d’une perte importante du facteur d’autodétermination, qui a posé problème pour bon nombre de nos initiatives. Pensons seulement à la revendication soumise en 1985 au tribunal de Waitangi – notre organisme pour la vérité et la réconciliation – qui est la première revendication globale présentée par l’ensemble des tribus, contrairement aux revendications souvent présentées par certaines d’entre elles. La revendication WAI 11 est la revendication relative à la langue maorie, Te Reo Maori . À l’époque, dans ses conclusions et ses recommandations, le tribunal a reconnu que notre langue constituait un taonga, un trésor au titre de l’article deux du Traité de Waitangi. Par conséquent, dans ses recommandations, le tribunal invitait le gouvernement à agir, dans des termes toutefois non contraignants. Quoi qu’il en soit, en 1987, le gouvernement a adopté la loi sur la langue maorie, dont l’élément clé était la proclamation de notre langue, le maori – Te Reo Maori  – comme langue officielle d’Aotaeroa, la Nouvelle-Zélande. Il y avait... Le maori pouvait être utilisé dans les tribunaux. Cette loi établissait aussi la Commission de la langue maorie, ou Te Taura Whiri i te Reo Maori, et l’autorisait à délivrer des permis de traduction et d’interprétation. C’étaient là les principaux aspects de la loi, qui était de portée relativement restreinte. Je crois qu’à l’époque, notre peuple y a vu un moment important de notre histoire politique, qui faisait naître, en particulier chez les partisans de ces mouvements, l’espoir que la Commission allait accélérer tous les efforts et fournir les ressources nécessaires pour soutenir les efforts communautaires de revitalisation de la langue, pour lui conférer le statut de langue officielle. On s’attendait à ce qu’elle devienne obligatoire dans les écoles. Bien sûr, ce ne fut pas le cas. Donc, à l’époque, la création de la Commission, largement célébrée, était un événement important mais, pour avoir une idée du rôle de la Commission et de ses années de mise en place, il importe de comprendre que, d’un point de vue juridique, la Commission de la langue est une entité de la Couronne indépendante. Par conséquent, elle jouit d’une certaine indépendance par rapport au gouvernement, dont elle n’est pas un ministère direct, mais… elle est dirigée par un conseil de commissaires, dont j’exerce aujourd’hui la présidence. Par conséquent, bien que la Commission ne bénéficie pas d’un financement ministériel direct, un ministre lui offre la possibilité de coordonner son action avec le ministère. La Commission étant une entité relativement peu connue à l’époque de sa création, le gouvernement lui apportait un soutien important, parce qu’il ne connaissait pas vraiment sa raison d’être avec nous. Aussi, bien sûr, elle était dirigée par sir Timoti Karetu, qui était reconnu comme... le doyen de la langue moderne dans notre pays, un leader respecté, apte à façonner la stratégie de revitalisation linguistique moderne. À l’époque, compte tenu de la situation au pays, il a choisi de se concentrer sur la création de corpus, et a créé un grand nombre de dictionnaires, en particulier dans une optique de modernité, car nous avions, nous voulions... il voulait que la langue puisse être utile, en particulier dans le secteur public, mais aussi pour le pays. Il voulait donc en faire une langue utile au travail, dans les technologies, les programmes scolaires, etc. Ainsi, beaucoup de temps a été consacré à la création de dictionnaires. Sir Timoti Karetu était aussi déterminé à créer ce qui est connu au pays sous le nom de Kura Reo, c’est-à-dire les programmes linguistiques intensifs d’une semaine. Il a jugé nécessaire de perfectionner les compétences professionnelles des enseignants et des écoles, afin d’améliorer l’enseignement du Te Reo Maori . Ces programmes intensifs d’une semaine sont encore offerts aujourd’hui. Ils sont légèrement différents, mais le perfectionnement demeure un élément de bon nombre de ces Kura Reo, qui servent moins au perfectionnement des enseignants, bien que bon nombre d’entre eux suivent le programme, et davantage aux professionnels qui souhaitent accroître leur compétence linguistique. Bien sûr, un mécanisme était aussi nécessaire pour l’inscription et l’agrément des traducteurs et interprètes, non seulement pour l’appareil judiciaire, mais aussi les tribunaux, le Parlement et les besoins généraux. Ainsi, à l’époque de la mise en place de la Commission, beaucoup de travail était consacré aux essais et à la conception d’une stratégie qui soit efficace, malgré un financement relativement modeste. Cependant, au fil du temps, la Commission s’est développée et les commissaires se sont succédé. Un changement s’est amorcé dans l’orientation de la commission, ...où la volonté d’influencer et d’orienter les politiques publiques et le rôle du ministère dans le développement de la langue maori, plus précisément, a pris une place importante dans l’orientation générale que souhaitait prendre la commission. Ainsi, elle allait concevoir des normes, orthographiques notamment, pour les ministères, mais aussi sur la représentation de l’usage de notre langue et sur son utilisation dans les cérémonies officielles et les documents relatifs au gouvernement. La Commission est aussi devenue la source de financement communautaire d’initiatives de soutien de la langue maorie et, plus précisément, du fonds Ma Te Reo. Ainsi, des groupes communautaires pouvaient présenter, à la Commission, des demandes pour organiser des événements, suivre des programmes d’apprentissage et, surtout, participer à des programmes communautaires appuyant des initiatives de revitalisation linguistique et, bien sûr, la Semaine de la langue maorie. Cet événement est devenu une date importante dans le calendrier de la Commission, tout comme les Prix de la langue maorie, qui soulignent les efforts déployés pour la tenue de la Semaine de la langue maorie et, plus généralement, pour revitaliser la langue maorie tout au long de l’année. Alors, l’une des difficultés du passé a été l’évolution des gouvernements, la transformation de la vie politique. Plus précisément, le fond Ma Te Reo, ou le financement communautaire, est devenu progressivement le rôle premier de la Commission, qui a délaissé la création de normes linguistiques pour devenir plutôt un organisme de financement qui, souvent, s’est posé en critique des communautés et de leurs aspirations ou n’a pas répondu aux attentes que les communautés avaient placées dans ces fonds. Comme je l’ai dit, le paysage politique du pays a beaucoup changé. En particulier, à mesure que des règlements sont adoptés au titre du Traité de Waitangi, des tribus gagnent en autodétermination. Nous avons aussi vu la création du Parti maori, qui siège maintenant au Parlement, et dont le chef actuel devient ministre du Développement maori. Ensuite, vous savez, avec la bureaucratie, l’appareil gouvernemental, nous avons des tensions entre la Commission, Te Puni Kokiri ou ministère du Développement maori et nos communautés, qui déplorent le manque de coordination entre ces organismes de soutien linguistique. Les communautés souhaitent contrôler le jeu et exercer un degré d’autonomie dans les activités qui les concernent. L’efficacité et l’efficience étant mises en cause, le ministre du Développement maori a décidé de lancer un examen national des dépenses dans les langues modernes. Le rapport intitulé Te Reo Mauriora, qui signifie « rapport sur la langue vivante », a été publié en 2011. L’une des principales constatations du rapport est que plus de 250 millions de dollars étaient investis dans des initiatives consacrées à la langue maorie et sur des [discours inaudible] supplémentaires le conseil ayant envoyé des avis de non-responsabilité parce qu’il comptait aussi des biens comme des écoles, etc. Ainsi, au moment de la publication du rapport, il a semblé qu’une somme très importante était consacrée à la langue, alors qu’en réalité, de la manière dont les choses étaient présentées, le gouvernement ne rendait pas compte de façon transparente de ce qui était inclus dans les dépenses totales. Toutefois, l’un des principaux points relevés par le groupe d’experts était la volonté et la nécessité d’insister sur l’usage de la langue dans les foyers. La plupart des ressources consacrées à des initiatives sur les langues modernes l’ont été principalement à l’échelle macro et étaient destinées aux écoles et à la radiodiffusion; très peu ont visé le développement communautaire. Maintenant, vous vous en souviendrez, j’ai parlé de certaines initiatives de nature organique lancées par nos communautés et qui ont compté parmi les plus fructueuses. Ces initiatives visaient à soutenir l’usage de la langue à la maison, alors que nous nous intéressions surtout à ce qui était facilement mesurable, c’est-à-dire le milieu scolaire, la radiodiffusion, etc. C’est pourquoi, à l’époque de cet examen, notre peuple souhaitait un retour aux sources. La Commission distribuait un financement communautaire qui, à ce moment, était largement axé sur des résultats mesurables pour la bureaucratie. Le ministre a donc décidé de modifier la Modern Language Act, la loi sur la langue moderne, de 1987. Il en a soumis une version préliminaire à une consultation nationale. La population l’a rejetée, parce que la loi ne réglait pas réellement le problème ni n’accordait à la Commission ou à la communauté un plus grand droit de regard des leviers nécessaire à l’adoption de changements significatifs. Au moment où le ministre s’est retiré, le texte de loi n’avait pas été adopté et un nouveau ministre du Développement maori de son parti politique a fait son entrée au Parlement, a pris acte des réponses aux modifications et nommé un groupe consultatif indépendant chargé de revoir le projet de loi modifiant la Loi sur la langue maorie. J’ai donc été nommée présidente du groupe, en compagnie d’autres représentants des communautés et de nos groupes tribaux, les iwi, et d’experts connus et membres du secteur de l’aménagement et des politiques linguistiques. J’ai donc eu le plaisir de présider cet examen et de réécrire le rapport, qui recommandait une vingtaine de modifications en vue d’adapter le texte de loi. Ainsi, ces modifications, approuvées par le ministre, sont devenues la base de la loi sur la langue moderne de 2016. Ainsi, essentiellement, dans notre rapport, Te Whare o te Reo Mauriora, nous utilisons cela comme analogie, [donc comme vous pouvez le voir dans cette image qui reflète la maison derrière moi. Dans notre examen, nous avons appliqué une approche d’aménagement et de politique linguistiques aux mesures que nous croyions devoir prendre pour régler les questions soulevées par nos communautés. Nous avons séparé les approches macro et micro de l’aménagement linguistique et fait en sorte qu’elles puissent relever soit des Maoris ou de la Couronne. Maintenant, pour créer ce type d’habitation, toutes les composantes doivent être interdépendantes. Nous avons donc utilisé cette approche simplement comme tremplin vers le partenariat du Traité de Waitangi, d’abord, pour pouvoir réunir dans la même salle les Maoris et la Couronne, comme dans cette maison – les Maoris représentant l’approche micro de l’aménagement, l’assistance pour les foyers, leur Whānau, leurs familles, toutes les sous-tribus et tribus; et la Couronne qui s’occupe des approches sociétales macro, comme l’éducation, la radiodiffusion, contrairement à ce qui s’était passé. Nous avons des groupes qui ne travaillent pas ensemble, mais séparément, et par conséquent, en concurrence. Le concept de Te Whare o Te Reo Mauriora repose donc sur deux stratégies regroupées sous Te Matawai, dont l’une se nomme Malhi Maori. Nous pourrions dire que, de ce côté du pignon, le mot Maori représente une stratégie [discours inaudible]. Ainsi, vous pouvez voir les groupes représentatifs. Alors, dans notre petit pays, nous avons sept régions et, dans ces régions, qui représentent essentiellement nos régions de confédération des canots, nous avons sept régions représentant nos groupes tribaux. Nous avons aussi quatre groupes, quatre représentants.... plus représentatifs de notre initiative. Alors, par exemple, nous en avons un pour les groupes communautaires, c’est-à-dire des groupes comme la ligue de mieux-être des femmes maories, le Conseil maori, Te [nom du groupe dans la Langue Maori], qui est un groupe constituant l’une des initiatives organiques de promotion de la langue maorie. Il y a un groupe pour la radiodiffusion, car nous comptons 21 radios tribales iwi qui ne relèvent pas de la Couronne. Elles sont financées par la Couronne, mais c’est la seule raison pour laquelle elles sont mentionnées ici. Nous avons un groupe pour l’éducation, avec tous les groupes d’immersion comme Kohanga Reo, le nid linguistique des niveaux primaire et secondaire, jusqu’au tertiaire. Nous avons un représentant pour tous ceux qui sont dépossédés de leurs tribus. Deux affectations ministérielles sont chargées de la Stratégie maorie, ou Malhi Maori, le mot Malhi signifiant, je le rappelle, un côté du pignon. Ensuite, la stratégie Malhi Karauna regroupe ces organismes de la Couronne, dont la Commission de la langue maorie, chargée de diriger la mise en œuvre de la Malhi Karauna, représentée à cet autre pôle. Maintenant, il est intéressant de voir dans cette analogie de la maison que notre architecture et notre maison sont du côté maori, comme vous pouvez probablement le voir, derrière moi. C’est le mur plus petit, près de la porte. Alors, il y a la porte puis, un côté très grand, ce qui correspond assez bien à l’approche micro et macro de l’aménagement linguistique. C’est ainsi que cela fonctionne. Comme vous le voyez à l’écran, la vision Malhi Maori Kia – KIA UKAIPO ANO TE REO – signifie... que Te Reo Maori est rétablie comme première langue nourricière. Donc Ukaipo, comme lorsqu’un enfant est allaité, pour nous rappeler que, dans cette vision, nous voulons rétablir les langues, notre langue et nos maisons. Dans cette maison, nous partageons un bon nombre d’objectifs et de buts audacieux. Donc, l’idée est que Te Matawi est centrée sur les familles, les foyers et les communautés, plutôt que sur notre identité en tant que Couronne, la Malhi Karauna. Notre souhait est de propager notre langue aussi largement et aussi loin que possible. Alors, des lois comme la [langue maorie] font que chacun est concerné par la langue ou est encouragé à la pratiquer. Ensemble, nous avons en commun quelques visées audacieuses, comme porter à un million le nombre de locuteurs d’ici 2040, dans tout le pays. Nous voulons aussi qu’au moins 150 000 personnes aient le To Reo Maori comme langue première d’ici 2040. Nous savons qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, mais nous estimons que certains résultats que nous avons pu obtenir en peu de temps constituent un bon indicateur. De plus en plus de gens du secteur public, mais aussi de la société, adoptent Te Reo Maori . Une grande partie de cette réussite tient au fait que nous avons maintenant une idée de notre rôle comme organismes de la Couronne par rapport au soutien à apporter à nos communautés, et que nous disposons des plateformes et des bons leviers pour avoir ces conversations entre nous. Alors, bien qu’en tant que commissaire, je représente la Couronne – la grande Malhi Karauna pour la revitalisation de la langue –, je ne travaille pas en vase clos et je vais toujours penser aux répercussions sur nos communautés et œuvrer avec les coprésidents de Te Matawai à établir les priorités pour chaque année à venir. Aujourd’hui, les initiatives communautaires sont prises en charge par Te Matawi. Ils ont établi un système électoral tribal dans lequel chacun définit ses propres stratégies pour ses régions, tous les groupes qu’ils représentent et ils déterminent les besoins. L’un des aspects les plus inspirants pour moi, qui ai participé à la création de cette maison, est de voir une véritable auto-détermination se produire devant nos yeux quand ils peuvent choisir la priorité pour promouvoir l’usage de la langue dans les foyers. Aussi, sur le terrain, il est inspirant de pouvoir se demander à quels besoins de société nous devons nous attacher pour amener les gens à valoriser la langue suffisamment pour les inciter à participer au mouvement. Bien sûr, 2020 a été une année atypique, sans précédent. Comme bien d’autres, nous sommes restés en confinement durant une partie de l’année. C’est pourquoi nous sommes ici pour réfléchir à la façon de nous adapter au nouvel environnement et inviter les gens à participer à notre Semaine de la langue maorie. C’est notre équipe qui a eu cette idée.

Vidéo : En 1972, une pétition de 30 000 signatures a été déposée au Parlement pour réclamer la sauvegarde de Te Reo Maori . Cette année, à la même date et à la même heure, nous invitons les gens de partout à participer au Moment de la langue maorie. Nous sommes un million à célébrer ensemble Te Reo Maori . Joignez-vous à nous.

RH : Ce n’est qu’un petit aperçu de ce que nous avons fait l’année dernière, lorsque nous avons invité des gens à s’inscrire au Moment de la langue maorie à ce temps-là. C’est un peu comme vous l’avez vu dans la vidéo, nous n’étions pas certains de pouvoir atteindre la cible d’un million de participants. Nous avons vu cela comme un test décisif, qui révélerait combien de gens dans ce pays se soucient réellement de la langue, ne serait-ce qu’un moment au cours de la Semaine de la langue maorie. Nous avons recueilli plus d’un million d’inscriptions, ce qui a d’ailleurs surchargé notre système tout juste avant l’heure limite de 12 heures. Lorsque nous avons pu rétablir le système, nous avions atteint notre objectif. Alors, en tant que commissaire, j’aimerais bien découvrir comment un élan de passion momentané peut être transposé en une stratégie linguistique à long terme. Notre équipe a cherché des moyens de déborder le cadre de la Semaine de la langue, pour faire de ce moment une série de petits moments quotidiens, afin d’inciter des gens à devenir locuteurs de la langue maorie. L’approche devra être multiforme, mais je suis très optimiste devant l’enthousiasme et le soutien manifestés à l’échelle nationale en général et l’idée d’adopter notre langue pour nous définir comme nation, en particulier à la face du monde, mais aussi pour faire reconnaître Te Reo Maori comme langue officielle de notre pays. D’abord et avant tout, c’est l’une des langues officielles, la première à recevoir ce statut dans un texte de loi. L’anglais est la langue du jour, mais aussi la langue première dans ce pays. Je suis vraiment fière de pouvoir affirmer que nous sommes passés des manifestations à la célébration de la langue autochtone dans ce pays et j’ai bon espoir que d’ici 2040, nous aurons un million de locuteurs. Pour y parvenir, chaque citoyen d’Aoteaora et d’ailleurs doit s’ouvrir à notre langue. Alors nō reira, merci de m’avoir écoutée. J’ai compris que mon exposé est préenregistré et je suis impatiente de prendre part à la discussion. [Vœux dans la langue maorie]

MC : Merci beaucoup pour votre présentation, professeure Higgins. Je crois que vous pourrez vous joindre à nous en direct, pour une question. Je pense que nous avons le temps pour une question en lien avec votre exposé. La situation au Canada est un peu différente. Vous avez un... Je ne connais pas les dialectes de la langue maorie en Nouvelle-Zélande mais, ici, nous pouvons compter une cinquantaine de langues. Je pense que cela vient compliquer la tâche de notre commissaire. Ma question est : comment mesurer la réussite? La langue maorie compte probablement différents dialectes, alors qu’ici, nous dénombrons 50 langues; certaines sont plus ou moins maîtrisées et d’autres sont menacées. Pouvez-vous nous nous dire comment vous mesurez la réussite?

RH : Bonjour. Merci pour votre question. L’une de nos principales observations a été que, bien que nous comprenions tous une langue principale, il devenait nécessaire de nous réapproprier nos dialectes individuels. Nous voulons développer nos langues individuelles, car bon nombre d’entre elles sont plus distinctives qu’il n’y paraît. L’une des difficultés est qu’en établissant des normes, les commissions peuvent souvent homogénéiser nos langues. Plus récemment, avec les approches micro et macro de l’aménagement linguistique, nous avons pu permettre aux tribus d’adopter et de promouvoir des stratégies linguistiques adaptées à leur réalité et, plus précisément, à la réappropriation de leurs dialectes. Pour sa part, la commission a pu réfléchir aux moyens d’appuyer et de faire adopter ce mouvement à l’échelle sociétale. Ainsi, le gouvernement local peut être incité à s’ouvrir aux langues et aux dialectes de ces tribus, dans leurs régions, plutôt que d’essayer d’imposer « une seule et unique langue pour ce pays ». Alors, je pense qu’actuellement, nous misons sur l’aménagement linguistique et réfléchissons à ce qui importe pour nos tribus et nos communautés. Nous appuyons ces initiatives d’autodétermination et cherchons à définir le rôle que peut jouer la commission pour les soutenir à l’échelle sociétale, afin de s’ouvrir à la différence plutôt que de viser l’uniformisation.

MC : J’ai une autre question. Je suis curieux de savoir comment vous procéderiez si tout était à refaire, car ici, au Canada, nous n’en sommes qu’à nos débuts. Au regard de la création d’une commission et de la responsabilité des commissaires, si vous deviez tout recommencer, auriez-vous des leçons que vous voudriez communiquer à nos participants?

RH : Je dirais qu’à bien des égards, la création de ce nouveau cadre stratégique qui établit la direction à suivre pour l’ensemble du pays a constitué un nouveau départ. À la lumière de la loi antérieure et de ce qui ne fonctionnait pas pour nous, nous avons misé sur l’usage de la langue à la maison. Je pense que l’un des points que nous tenons souvent pour acquis dans la revitalisation d’une langue est l’approche sur trois générations. Selon cette stratégie, la langue est rétablie sur trois générations, alors qu’elle peut être perdue en une seule. Nous en sommes plus ou moins à la seconde génération. C’est une longue démarche et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Dans notre commission nationale, nous tentons d’abréger ce processus, tout en constatant qu’en réalité, il devient très difficile d’obtenir l’appui des gens, si la langue n’est pas présente dans les foyers, dans les familles, et transmise d’une génération à l’autre. Je crois aussi qu’en nous développant, nous allons apprendre de notre cadre. Avec la loi, nous avons pu mettre en place de meilleurs leaders, ce qui permet aux communautés d’être entendues et de ne pas être continuellement emportées par les politiques de la Couronne.

MC : Un participant a une question sur la nécessité de soutenir les enseignants de la langue. Quel type de programmes stratégiques avez-vous pu mettre en place... pour appuyer la formation des enseignants de langue?

RH : De plus en plus, nos établissements d’enseignement tertiaire offrent aux enseignants une formation fortement axée sur la revitalisation linguistique. L’année dernière, justement, le ministre du …maori, de l’Éducation et des Relations entre la Couronne et les Maoris a inauguré un programme de formation des enseignants, une initiative de perfectionnement professionnel pour les personnes ne parlant pas le maori, afin de les sensibiliser et d’améliorer leurs compétences dans les écoles régulières. Par conséquent, le ministre entend soutenir l’enseignement par immersion, tout en s’engageant à investir dans la formation des enseignants ou leur perfectionnement dans les écoles régulières. C’est une formation qui n’aborde que les rudiments, ne serait-ce que la prononciation, car bon nombre d’enfants voient leur nom dénaturé par les enseignants, ce qui suffit parfois pour les rebuter. L’intégration de quelques rudiments dans l’ensemble du système d’éducation a fait partie des efforts du ministre associé de l’Éducation.

MC : Merci de nous avoir consacré de votre temps, professeure Higgins. Nous n’avons plus de temps, maintenant. Je veux juste vous prévenir que vous êtes du mauvais côté de la route.

RH : Oh, mais je suis du bon côté.

MC : Je vois. Merci pour votre temps, professeure Higgins, et bon retour. Passez une bonne journée.

RH : Merci. Merci beaucoup.

MC : Prenez soin de vous. Je pense que nous contrevenons à la loi en demandant à la professeure Higgins de nous parler au volant. Il aurait été cocasse qu’elle soit interceptée par la police au beau milieu de notre conversation. Non, cela n’aurait pas été drôle. J’espérais seulement qu’elle n’ait pas un accident durant notre conversation. Nous nous serions tous sentis coupables. Merci beaucoup, Mme Higgins. Nous allons passer à la prochaine présentation, celle d’Anne Kirstie Aikio. Aikio? J’espère que j’ai bien prononcé son nom. Mme Aikio est secrétaire à la protection de la langue, au Parlement Sámi, où elle assume de grandes responsabilités. Nous allons procéder dès maintenant à votre présentation, Anne Kirstie. Je rappelle aux participants d’envoyer leurs questions à la fin de la présentation. J’aurai l’occasion de les poser. Anne Kirstie, à vous la parole.

Anne Kirste Aikio (AKA) : Merci beaucoup de m’accueillir. Recevez les salutations du Sápmi, terre du peuple lapon. Je vais décrire brièvement la Loi sur la langue lapone, en vigueur ici, en Finlande, donner un aperçu de notre travail au Parlement lapon et fournir quelques exemples de mesures et de pratiques que nous avons adoptées pour revitaliser la langue lapone. Mais commençons par la base. Le peuple lapon et sa situation linguistique ne sont peut-être pas très bien connus. J’en parlerai bientôt. Alors, merci encore de m’accueillir. Prochaine diapositive, s’il vous plaît.

Le peuple lapon est dans une situation plutôt avantageuse, en termes de droits linguistiques et culturels. En Finlande, les droits linguistiques du peuple lapon sont protégés par la Constitution, en tant que groupe autochtone. La Finlande compte aussi d’autres minorités linguistiques mais, comme groupe autochtone, les Lapons tiennent un rôle particulier, tant dans la législation que dans d’autres sphères. Examinons maintenant cette législation plus en détail. Prochaine diapositive. Merci.

Alors, le... Le texte de la Constitution de 1995 indique que, comme peuple autochtone, les Lapons ont le droit de maintenir et de développer leur langue, leur culture et leurs moyens de subsistance traditionnels. Ce sont des dispositions très importantes. Aussi, comme vous le savez peut-être, nous jouissons de l’autonomie gouvernementale. Le peuple lapon exerce son autonomie gouvernementale sur son territoire dans les domaines de la langue et de la culture, sous la direction du Parlement lapon, élu par le peuple lapon. C’est là où je travaille. Prochaine diapositive, s’il vous plaît.

Quelques mots maintenant sur les langues lapones. Les langues lapones font partie des langues autochtones européennes et sont parlées en Finlande, en Suède, en Norvège et en Russie. Vous verrez bientôt une petite carte montrant où est… où sont parlées les langues lapones, ce qui rend la situation de ces langues assez particulière. Par exemple, le lapon du Nord est parlé dans trois pays : Finlande, Norvège et Suède. Alors, parce que... La raison en est que les terres traditionnelles du peuple lapon ne correspondaient pas aux frontières de ces pays. Puisque les langues ont précédé les frontières, la situation est telle que nous la connaissons maintenant. Parlons un peu de la situation en Finlande. Nous avons trois langues lapones ici, qui ne sont pas... qui sont des langues différentes. Cela signifie, par exemple, que si ma langue est le lapon du Nord, je ne serai pas certaine de pouvoir comprendre le lapon de Skolt, ou la troisième langue lapone de Finlande, le lapon d’Inari. Alors, bien que le lapon du Nord et le lapon soient les principales langues lapones, ces langues ne sont pas très répandues, les locuteurs ne sont pas si nombreux. Je crois que près de 20 000 personnes parlent le lapon du Nord, mais que les deux autres langues lapones, Inari et Skolt, sont vraiment menacées, les deux ne comptant qu’environ 300 locuteurs. Au cours des 10 à 20 dernières années, un très fort mouvement de revitalisation de la langue d’Inari a permis de doubler, je crois, le nombre de locuteurs. Nous sommes très heureux de ce résultat et je parlerai brièvement de ces efforts. Oui et, comme vous le savez peut-être, la langue lapone a connu un sort semblable à celui de nombreuses langues autochtones. Une génération a fréquenté les pensionnats et a perdu l’usage de la langue. Alors, j’approfondirai la situation de la langue lapone plus tard, mais elle est assez difficile, pour des raisons historiques. Cependant, nous avons adopté la Loi sur la langue lapone et pris d’autres mesures par la suite pour préserver les langues lapones. Maintenant, prochaine diapositive. Merci.

Voici une carte, peut-être un peu difficile à déchiffrer pour vous. C’est le secteur nord de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et de la Russie, qui constitue le territoire traditionnellement habité par le peuple lapon. Vous voyez que ce territoire compte 10 langues, les langues lapones. Du côté russe, une de ces langues n’a plus aucun locuteur et est donc éteinte, malheureusement. Ici, vous voyez trois zones, des frontières linguistiques qui ne correspondent pas aux frontières nationales. Prochaine diapositive. Merci.

Maintenant, voyons brièvement la Loi sur la langue. Sa raison d’être est de garantir ce droit constitutionnel aux Lapons, ce dont j’ai parlé plus tôt. Elle contient des dispositions permettant aux Lapons d’utiliser leur langue devant les tribunaux et d’autres autorités publiques. La Loi oblige aussi les autorités à faire appliquer et à promouvoir les droits linguistiques du peuple lapon. Le but est de garantir le droit du peuple lapon à des procès équitables et à une bonne administration. Oui. Et l’idée à la base de cette loi est de faire en sorte que ceux qui veulent s’exprimer dans leur langue devant les autorités n’aient pas à invoquer expressément ces droits, mais se voient offrir les services en langues lapones par les autorités. Alors, selon moi, nous avons une assez bonne Loi sur la langue lapone, en Finlande, mais... Prochaine diapositive. Merci.

Oui, comme je l’ai dit, la Loi a cet…, l’idée première est d’accorder au peuple lapon le droit de s’adresser aux autorités dans la langue lapone et d’en permettre l’usage dans les communications officielles, dans les organes représentatifs, comme les municipalités, le Parlement lapon, les tribunaux. Nous avons aussi… La loi s’applique dans toute la Finlande, mais certaines obligations particulières s’appliquent dans le territoire lapon, soit la partie nord des pays. Comme je l’ai dit, ces obligations ont été consignées par écrit et comprennent des mesures visant à promouvoir les droits linguistiques pour l’État et les autorités. Merci. Prochaine diapositive.

La Loi sur la langue indique aussi que le Parlement lapon doit disposer d’un bureau des langues – un office des langues. C’est là où je travaille et où sont produites les traductions... dont ont besoin les autorités lorsque des membres du peuple lapon souhaitent recevoir un service en langue lapone. Nous produisons les traductions, mais nous surveillons l’aussi l’app... la mise en œuvre de la Loi. Donc, nous pouvons aussi faire des recommandations, poser des questions, faire connaître la Loi sur la langue et informer les gens à son sujet. Alors, nous intervenons des deux côtés. Nous travaillons pour le peuple lapon, pour l’informer de ses droits en matière linguistique, mais aussi beaucoup pour les autorités, afin d’améliorer la mise en œuvre de la Loi. Oui, merci. Prochaine diapositive.

Le temps file, alors je devrais... Il y a tellement à dire sur notre situation que je dois me presser, si je veux vous dire tout ce que j’avais prévu. En Finlande, les droits linguistiques du peuple lapon sont aussi garantis dans d’autres textes de loi. Par exemple, plusieurs lois garantissent l’usage de la langue lapone dans les services sociaux et les soins de santé. La Loi sur l’éducation des jeunes enfants garantit le droit à l’éducation des enfants lapons, ce qui signifie la maternelle en langue lapone, comme la Loi sur l’éducation comporte le droit du peuple lapon à l’éducation dans sa propre langue. Prochaine diapositive, s’il vous plaît.

Alors, parlons brièvement de la situation. Malgré toutes ces lois qui les protègent, toutes les langues lapones sont définies comme langues fortement menacées. Tous nos rapports et... oui, les recherches indiquent que les droits linguistiques du peuple lapon sont bien mal exercés ou mis en œuvre. Et malgré la Loi sur la langue, qui est très bien, les Lapons... Dans les faits, le peuple lapon ne peut pas utiliser la langue lapone auprès des autorités. Les autorités comptent bien peu de membres de leur personnel qui parlent la langue lapone, et la situation est devenue très difficile. Le principal… l’un des principaux problèmes est que le peuple lapon ne reçoit pas les services sociaux ou les services de santé dans sa langue. Par exemple, certains de nos aînés ne s’expriment pas très bien en finlandais et on peut s’interroger sur ce qu’il leur arrive lorsqu’ils ont besoin de services sociaux ou de soins de santé. Aussi, les municipalités et les autorités peinent à recruter des gens qui parlent la langue lapone, qui sont peu nombreux, de sorte qu’il manque de personnel pour s’acquitter de ces tâches. Aussi, certains locuteurs se sont butés à une attitude négative des autorités. Prochaine diapositive. Merci.

Au sujet des bonnes pratiques, je pourrais approfondir le sujet, mais vous pourriez poser des questions si vous voulez en savoir davantage. Le peuple lapon a accompli un excellent travail de revitalisation des langues lapones. Nous avons instauré le modèle des nids linguistiques qui, je crois, nous vient du peuple maori. C’est le principal outil qui nous a permis de revitaliser la langue lapone d’Inari. Nous avons établi des programmes de bourse pour la réappropriation de la langue chez les adultes. La Finlande indique que le soutien financier investi pour tout ce travail et le projet de revitalisation linguistique a été très important dans ce système. Pour autant qu’on puisse en juger, comme je l’ai indiqué plus tôt, ce système scolaire, avec les pensionnats, a été le moyen le plus efficace de supprimer la culture et la langue lapones. Or, aujourd’hui, nous voyons qu’en enseignant les langues lapones, le système scolaire constitue le moyen le plus puissant pour promouvoir la renaissance de la langue lapone. Alors, nous utilisons cet outil – assez bien, je dirais –, et nous sommes très heureux du... de notre système d’enseignement de la langue lapone. Nous avons, par exemple, des projets d’enseignement à distance, qui nous permettent d’apprendre… d’enseigner la langue lapone à l’étranger et dans les villes. Bien d’autres mesures sont prises dans le but de revitaliser la langue lapone. Par exemple, une Semaine de la langue lapone est tenue dans toute... la Finlande, afin de mieux faire connaître la langue. Cela résume ce que je voulais vous dire et vous montrer. La prochaine diapositive n’était qu’une photo sur le projet d’enseignement à distance, qui se déroule très bien. Donc, je vous remercie et je répondrai volontiers à vos questions, si vous souhaitez poursuivre la discussion.

MC : Un grand merci pour votre présentation. J’espère que vous me voyez maintenant. Je peux vous voir de mon côté, Annie Kirste. Merci. Ma première réaction a été de constater que, manifestement, la question de langue lapone relève de plusieurs compétences et concerne plus d’un pays. Ici, au Canada, les différents territoires de compétence sont les provinces, qui s’acquittent de diverses responsabilités. Comme vous l’avez dit, la loi dont avez parlé était finlandaise. Je me demande si le peuple lapon s’est intéressé aux autres territoires de compétence et à la protection de ses droits dans ces territoires. Ou encore, y a-t-il une forte affluence de Lapons en Finlande?

AKA : Merci. Oui, je pense que la présence de locuteurs de langues lapones dans différents pays rend les choses très difficiles. Je ne l’ai pas mentionné, mais je dois dire que nous y voyons aussi une possibilité. Par exemple, notre bon voisin, la Norvège, dispose de ressources financières lui permettant d’appuyer les travaux sur la langue lapone dans son territoire. La Finlande également, et le peuple lapon de Finlande reçoit aussi... Oui, nous avons de l’aide pour ce travail, comme en Norvège, mais cela n’est pas sans poser de problèmes. Par exemple, le travail de terminologie est très ardu, en raison de l’impact de la langue norvégienne sur les locuteurs de la langue lapone en Norvège et du finlandais sur les locuteurs de la langue lapone en Finlande. Nous craignons vivement que les locuteurs de la langue lapone en Finlande et en Norvège ne puissent plus se comprendre dans 10 ans. C’est pourquoi nous faisons beaucoup de travail au-delà… de travail transfrontalier au sujet de la langue lapone.

MC : L’autre question, posée par un participant, porte sur le succès obtenu par le système scolaire, qui serait probablement l’initiative la plus fructueuse pour la préservation de la langue lapone. Je pense que les questions qui se posent sont : combien d’heures consacrez-vous à l’enseignement de la langue lapone dans les écoles? Cet enseignement est-il offert de la maternelle à la 12e année? S’agit-il d’une immersion totale? Quel est le modèle utilisé pour permettre le retour de la langue lapone à l’école?

AKA : Eh bien, l’enseignement est excellent et je dois dire qu’il est aussi très important d’enseigner la langue dès le plus jeune âge, et à tous les âges scolaires. Nous pensons qu’il doit y avoir… que le cheminement doit être clair. C’est pourquoi je parle de la maternelle et des nids linguistiques. Les enfants vont à la maternelle et suivent les programmes de nids linguistiques, uniquement consacrés à la langue lapone, puis vont à l’école, où l’enseignement porte principalement sur la langue lapone, comme le prescrit la loi. Alors, tout tourne autour de la langue lapone.

MC : D’accord. Donc, il s’agit d’une immersion totale et vous... Votre enseignement préscolaire correspond pour nous aux services de garde ou de soutien à la maison. Veillez-vous à ce que le cheminement de ces locuteurs débute à l’âge, disons, de un ou deux ans? Entendent-ils la même langue quand ils sont bébés?

AKA : Oui, selon les chercheurs en revitalisation linguistique, le plus tôt est le mieux. Alors, nous pensons qu’il est souhaitable que les bébés ou les enfants fréquentent les services de garde le plus tôt possible. Aussi, nous appliquons la méthode du nid linguistique pour les familles qui ont perdu l’usage de la langue lapone. Je dois souligner que des familles ont la langue lapone comme langue maternelle et peuvent l’enseigner à leurs enfants. Elles sont donc dans des groupes différents. Elles agissent comme des groupes de garde de langue maternelle. Il existe d’autres groupes, comme ceux des nids linguistiques, et nous tentons de fournir cette aide aux parents qui ont des enfants à la garderie et… Selon notre expérience, ce processus est très émotionnel et peut être très réparateur aussi pour les parents. Un grand nombre de parents lapons se trouvent motivés à apprendre eux-mêmes la langue lapone parce que leurs enfants participent à un programme de nid linguistique. C’est très émouvant pour le peuple lapon, car son histoire est très tragique, comme au Canada. Je pense que nous partageons une expérience très similaire en termes d’érosion linguistique et d’événements passés. Ainsi, nos familles se réapproprient la langue. Alors, oui, bien sûr, nous soutenons les gens et travaillons à l’enseignement du lapon aux enfants, afin d’éviter cette coupure. Mais, le problème est qu’un grand nombre de Lapons vivent en milieu urbain, dans de grandes villes, et non dans le territoire traditionnel. Dans ces villes, c’est... La situation linguistique est plus... Elle n’est pas très bonne. L’enseignement de la langue lapone n’est pas offert en ville, seulement dans les secteurs lapons. C’est pourquoi nous nous faisons du souci pour les enfants qui vivent hors du territoire lapon.

MC : Je pense qu’en un sens, cela nous mène à notre prochaine question sur… les régions où les locuteurs de la langue lapone sont peu nombreux. S’est-on intéressé aux régions éloignées de la communauté, aux personnes qui ne sont peut-être pas immergées dans la langue ou qui ne l’utilisent pas tout le temps? Et à celles qui, à bien des endroits, quittent la communauté, comme c’est le cas ici? Il y a beaucoup... leur langue... Il y a une érosion linguistique. La langue n’est pas aussi utilisée, disons, dans les zones urbaines. Alors, prévoyez-vous de promouvoir, à l’intérieur de ce processus, l’acquisition de la langue chez les adultes des milieux urbains ou résidant loin des communautés?

AKA : Si je saisis bien la question, préférons-nous augmenter le nombre de locuteurs adultes? Nous avons vu que le concept du nid linguistique est le moyen le plus efficace d’augmenter le nombre de locuteurs. Mais nous avons aussi ces programmes de bourse pour l’acquisition de la langue chez les adultes, qui se sont avérés très utiles pour le système scolaire, par exemple, car, bien sûr, le problème est que bien que les enfants aient droit à l’enseignement en langue lapone, nous n’avons pas beaucoup d’enseignants de la langue lapone, en raison du manque de professionnels dans ce domaine. C’est un des problèmes. Par exemple, la communauté lapone d’Inari constate que de nombreux enfants arrivent à l’école en provenance du programme de nid linguistique, mais qu’il manque d’enseignants. Nous devons donc nous presser et former très rapidement les enseignants de lapon d’Inari. Une solution a été d’inscrire des enseignants ne parlant pas la langue à ce programme intensif d’une année sur le lapon d’Inari, afin d’augmenter rapidement le nombre d’enseignants. Alors, oui, nous avons besoin à la fois de locuteurs adultes et de jeunes locuteurs.

MC : Vous avez parlé de la loi garantissant aux Lapons l’accès aux services, aux services sociaux, dans leur langue. Vous avez aussi évoqué les répercussions éventuelles pour les Lapons qui n’y auraient pas accès. J’aimerais savoir si des recherches ont été faites à ce sujet, car un des groupes ici nous a parlé brièvement de la situation que vivent les Inuits unilingues qui ne peuvent recevoir les services dans leur langue. La Finlande a-t-elle mené des recherches sur les conséquences de l’inaccessibilité de ces services?

AKA : Je crains de ne pouvoir fournir de données précises à ce sujet, sur les recherches qui ont été faites. Nous savons que de nombreux programmes de revitalisation ont été réalisés. Nous avons créé des programmes de nid linguistique et l’État a investi des sommes importantes pour soutenir la langue lapone. Or, malgré tout le travail accompli, nous voyons que la revitalisation de la langue lapone n’a pas pris l’essor attendu. Alors, la situation de la langue lapone ne s’est pas améliorée, malgré ces mesures. La grande question est donc : faudrait-il en faire plus? Encore plus? C’est une question déterminante, car le changement linguistique s’opère très rapidement ici, en Finlande. Donc, nous avons réellement beaucoup à faire ici. Mais non, nous n’avons pas… Mais je peux citer des exemples, des situations bien connues. Par exemple, en Finlande, nous avons établi un système de soins de santé très strict, qui étudie et analyse l’apprentissage linguistique et le développement des enfants à différents âges, dans diverses situations. Souvent, alors que les enfants parlent le lapon, le travailleur social... le travailleur de la santé ne parle que le finlandais. Le travailleur doit faire une recherche sur l’enfant, alors qu’il ne parle pas sa langue. Il n’y arrive pas. Je pourrais probablement citer bien d’autres cas concrets, mais je ne crois pas que de l’information ait été recueillie sur ce qui arrive si le droit linguistique n’est pas… ne peut pas être respecté. Je dois ajouter que la plupart des Lapons parlent deux langues ou même davantage. Donc, la plupart d’entre eux maîtrisent le finlandais.

MC : D’accord. Donc, on pourrait dire que le cas d’un Lapon unilingue qui ne pourrait obtenir de services, sociaux ou autres, serait l’exception plutôt que la règle? Je comprends. Anne Kirste, merci pour votre présentation, qui fut très instructive. Je vois des ressemblances dans les luttes des Lapons et celles des peuples autochtones du Canada, les diverses compétences, les degrés de maîtrise de la langue, tout comme la disparition potentielle de la langue dans certaines régions, où il n’existe plus de locuteurs. Merci de nous avoir consacré de votre temps. Quelle heure est-il chez vous? Je suppose qu’il fait nuit en ce moment?

AKA : En effet.

MC : Merci d’avoir prolongé vos heures de travail et de nous avoir livré votre présentation. Alors, Meegwetch.

AKA : Merci.

MC : Sur ce, mesdames et messieurs, la parole est à vous. Il est maintenant temps d’entendre votre point de vue, que ce soit dans vos présentations ou en atelier.

[fin de la transcription]

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