Vidéo — Symposium sur les langues autochtones — le 26 janvier 2021

Sauf indication contraire, le contenu a été traduit de l'anglais au français.

Transcription

Transcription de Symposium sur les langues autochtones — Session du matin, le 26 janvier 2021

Durée : 01:23:38

Gary Anandasangaree (GA) : J’ai donc l’immense plaisir de vous présenter notre discours principal sur les pratiques exemplaires en matière d’élaboration de programmes d’études. Et nous avons l’honneur d’accueillir Lorna Williams, Ph. D., qui travaille dans ce domaine depuis très, très longtemps. Permettez-moi de vous la présenter. Mme Williams Wanosts’a7, membre de la Première Nation de Lil’wat, est originaire de Mount Currie, en Colombie-Britannique. Elle est titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation et linguistique, et professeure émérite d’éducation et d’enseignement autochtone à l’Université de Victoria, où elle a conçu et mis en œuvre le baccalauréat et la maîtrise en revitalisation des langues autochtones. Mme Williams a contribué à l’élaboration du système d’écriture de la langue lil’wat et a corédigé le premier programme d’études et les premières ressources d’apprentissage destinés aux enseignants de cette langue dans les écoles; ces ressources continuent d’être utilisées sur une base quotidienne. Dre Williams.

Lorna Williams (LW) : Merci. Merci beaucoup. C’est un véritable honneur et un réel plaisir pour moi de passer du temps avec vous tous en cette journée qui a commencé par l’intervention de trois aînés qui nous ont mis sur la bonne voie. Et je suis heureuse de pouvoir m’exprimer sur ce sujet; il s’agit d’un travail auquel j’ai consacré toute ma vie. Prochaine diapositive, s’il vous plaît. [« Merci » dans la Langue Lillooet]. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Le thème de la réappropriation, de la revitalisation, du maintien et du renforcement de nos langues est très vaste, mais je ferai de mon mieux pour ne pas dépasser le temps qui m’est imparti. J’aborderai donc les sujets suivants : programmes d’enseignement, documentation, activités scolaires, activités communautaires, politiques, accès, développement professionnel des enseignants, élaboration de ressources, médias et technologie. Je parlerai un peu de chacun de ces sujets. Diapositive suivante.

Parce que ce sont les sujets qui doivent être inclus dans les pratiques exemplaires. Dans le cadre de la recherche que je fais sur les langues, j’ai visité des collectivités de tout le pays, à l’exception des collectivités inuites, et voici ce que j’ai appris. Premièrement, les programmes d’enseignement de langues autochtones, et je dis « langues », car il n’y a pas – nous ne pouvons pas concevoir un seul programme d’enseignement, comme ils ont tenté de le faire en Colombie-Britannique. Il est vraiment important que tout programme d’enseignement des langues qui est élaboré – tout programme d’enseignement des langues qui est élaboré doit être basé sur des objectifs convenus par la communauté linguistique, et jusqu’à très récemment, les objectifs de plusieurs programmes ainsi que la vision de la langue, ont été exportés, ou plutôt importés dans les communautés, et celles-ci ont été très peu consultées sur le contenu de ces programmes. C’est pourquoi les communautés doivent être mobilisées. Ces programmes doivent être élaborés en tenant compte de l’état de la langue, car chacune de nos langues se trouve dans un état de développement très différent, qu’il s’agisse de celles qui n’ont plus de locuteurs dans les communautés ou de celles qui sont parlées par un certain nombre de personnes, non seulement des aînés, mais des locuteurs de tous âges. Ainsi, la compréhension de l’état de la langue au sein de la communauté doit réellement constituer le fondement de chaque programme d’enseignement. Et il convient de faire en sorte que… ces programmes soient harmonisés avec la culture, les valeurs et les normes de la communauté linguistique. À l’heure actuelle, la plupart des programmes qui sont élaborés sont traduits du français ou de l’anglais. Et il n’y a pas… lorsque vous traduisez un programme d’enseignement des langues provenant d’une autre culture, il sera inévitablement empreint de cette culture et des valeurs qui y sont associées. Cela donne l’impression, lorsque nous apprenons notre langue, que nous apprenons une autre langue – que nous apprenons l’anglais, par exemple. Et c’est… c’est un point très important, un point essentiel. Il y a quelques années, cinq ou six ans, j’ai pris connaissance d’un programme d’enseignement que les Inuits avaient élaboré en collaboration avec leurs aînés et leurs gardiens du savoir, et cela m’a rendue très heureuse et enthousiaste, car il était réellement en phase avec la culture et l’identité des Inuits, de même qu’avec leurs valeurs et leurs systèmes de connaissances. Mais au fil des ans, cet aspect s’est atténué, et j’exhorte les Inuits à revenir en arrière et à revoir ce programme d’enseignement afin qu’il reflète leur vision du monde. Par ailleurs, je sais que les gens des Territoires du Nord-Ouest ont travaillé très fort pour parvenir à un tel résultat, et nous avons beaucoup de chance, car la langue de nombreuses communautés des Territoires du Nord-Ouest est encore largement parlée. Le travail qu’ils font est exceptionnel. Et donc, lorsque vous avez des communautés disposant d’une grande base de locuteurs qui ont… qui élaborent des programmes d’enseignement, il est important que l’ensemble de la communauté se mobilise pour soutenir le programme, car celui-ci ne peut se limiter à une école ou à un lieu d’apprentissage; il doit être dynamique et faire partie de la communauté. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

L’apprentissage des langues doit donc se faire dans des contextes multiples. Ainsi, lorsque vous concevez un programme, ne le concevez pas uniquement entre les murs de la classe; il doit transcender cet espace. Il doit inclure la terre, le territoire. Notre relation avec la terre revêt une importance primordiale. Et lorsque nous pensons à nos langues comme étant nées sur la terre, elles sont la voix de la terre, elles décrivent la terre, et elles nous informent sur notre terre. Le programme d’enseignement des langues doit inclure des expériences d’apprentissage inspirées de la terre, et puisque les écoles ont tendance à éloigner nos enfants de leur terre, nous devons consciemment rétablir cette relation. Sinon, nos enfants s’éloigneront de plus en plus de l’endroit où ils sont nés. Il faut également mentionner que la langue élève l’esprit. Et lorsque nous l’enseignons, lorsque nous l’apprenons et lorsque nous transmettons la langue, nous devons être conscients de notre pouvoir d’élever l’esprit. Et lorsque nous élevons l’esprit, nous dynamisons la langue et nous apprenons à être qui nous sommes. Il est important d’intégrer nos récits ancestraux aux programmes d’enseignement, car ils nous renseignent sur qui nous sommes, et les mots qu’ils contiennent sont très instructifs sur nos modes de vie culturels et notre identité, et nous donnent quantité d’informations sur notre monde. Il faut également que les jeunes aient la possibilité de créer leurs propres récits puisque notre monde n’a jamais uniquement été composé de récits ancestraux. Chaque génération a vu des récits émerger. Cette tradition s’est perdue, et nous devons la perpétuer. Et il faut élaborer une grande variété de ressources d’apprentissage pour soutenir l’objectif linguistique. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

La documentation et l’archivage sont vraiment, vraiment importants. Ici, là où j’habite, une femme est décédée la semaine dernière. Je la connaissais depuis plus de cinquante ans, et elle a travaillé sur sa langue pendant toutes ces années. Elle a créé une encyclopédie entière sur sa langue; elle y a documenté toute sa vie. Cette langue a de la chance, car toute cette documentation a été recueillie, et il est possible de continuer à l’enrichir et de poursuivre ce travail. Et c’est la même chose pour cet homme qui habite à la tête de la péninsule et qui a documenté sa langue. Il était déjà âgé quand j’ai commencé à travailler dans le domaine, et j’ai vu la communauté s’appuyer sur les connaissances de cet homme. Il est mort depuis longtemps, mais il a élaboré le système d’écriture de sa langue. Il a consigné non seulement les termes, mais également le nom de tous les lieux sur le territoire. Il a mis en place un moyen pour que les gens se souviennent de ces lieux et des récits et des chansons qui y sont associés. Ainsi, les gens disposent d’une mine de renseignements parce que des personnes comme cet homme et cette femme sur l’île ont investi du temps pour effectuer cette démarche, et c’est ainsi dans tout le pays. Il y a des gens dans de nombreuses communautés qui ont fait cela, et il est vraiment important de reconnaître ces gens, de les honorer et de les remercier pour le travail qu’ils ont fait afin que nous puissions continuer à travailler sur notre langue. Grâce à eux, nous disposons d’une base solide. Mentionnons également qu’il est important de reconnaître qu’aujourd’hui, nous avons un nombre très limité de gardiens du savoir capables de nous aider à documenter les langues, et que ces personnes sont grandement sollicitées. Nous devons donc respecter leur énergie, leur temps et leurs connaissances. Et il faut souligner que les personnes qui parlent couramment les langues dans plusieurs de nos communautés vieillissent; je les vois dans les communautés, et ces gens reçoivent tellement de demandes. Nous devons être capables de préserver leur temps et leur énergie. Ils veulent aider. Ils souhaitent faire des choses et ils savent que leur temps est limité; nous devons donc être en mesure de les soutenir dans ce travail.

Un autre élément important est le fait que chacune de nos langues comporte de multiples dialectes, que nous devons respecter. Et je sais que dans plusieurs endroits, on encourage l’apprentissage uniformisé d’un seul dialecte dans le cadre des programmes de langues afin de rendre le processus beaucoup plus efficace. Mais je veux encourager les gens à explorer les façons dont ils peuvent créer des programmes et des ressources d’apprentissage respectant les multiples dialectes d’une langue. Et l’une des expériences les plus marquantes de ma vie fut lorsque nous avons travaillé à notre dictionnaire. Au sein de notre communauté, nous avons constitué une équipe de personnes qui parlaient tous les dialectes de notre langue, vous savez, parce que ces personnes s’étaient mariées à des locuteurs de la langue et donc elles connaissaient la langue. Il y a eu… il y a eu une époque peu avant cela où les gens connaissaient les différents dialectes et étaient à l’aise de parler ces dialectes. Nous avons donc invité ces gens, et nous avons appris tellement de choses. Et ce fut pour moi le moment où j’ai réellement pris conscience du fait que nos langues étaient très, très, très prévisibles dans leurs variations. Et donc, il n’est pas difficile d’apprendre à connaître ces variations, ce n’est pas difficile. Et donc, nous pouvons respecter les dialectes des uns et des autres. Lorsque nous documentons ces langues et ces dialectes que nous protégeons, nous devons comprendre comment protéger cette documentation, savoir mettre en œuvre les moyens de la protéger et mettre en place des politiques. Et en Colombie-Britannique, c’est ce que font les Premières Nations. L’Assemblée des Premières Nations a créé des moyens de comprendre ces notions et a intégré celles-ci aux principes de propriété, contrôle, accès et possession. Et les gens ont besoin de comprendre cela et de le savoir, surtout de nos jours. Ainsi, lorsque nous recueillons des connaissances, lorsque nous recueillons des informations, nous devons nous assurer qu’elles sont protégées de toutes les manières possibles, notamment par le droit d’auteur et d’autres protections semblables, mais également au moyen de l’archivage. Nous devons être en mesure de mettre en place des partenariats avec les systèmes d’archives existants afin d’accéder à ces données, car les archives des musées et des gouvernements renferment quantité d’informations sur nos cultures et nos langues. Et nous devons être en mesure d’y accéder. Nous devons être en mesure de rapatrier ces sources de données. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Écoles et établissements d’enseignement. Nous devons être en mesure de concevoir des programmes d’études depuis la petite enfance jusqu’à l’éducation des adultes et jusqu’à l’université. Nous ne pouvons pas considérer qu’un seul programme d’études conviendra à tous. Et je sais que nous avons beaucoup de chance puisque, par exemple, en Ontario, le gouvernement – le gouvernement provincial – a créé le quatrième pilier de l’éducation, de l’enseignement supérieur, permettant aux établissements d’enseignement supérieur autochtones de décerner des diplômes. Et, vous savez, cela nous donne, cela nous montre comment il est possible d’ouvrir les universités, d’ouvrir nos établissements collégiaux pour mieux servir nos langues et notre peuple. Et donc, des programmes d’enseignement s’adressant à des apprenants de tous âges, adaptés à tous les usages et à tous les stades d’apprentissage de la langue. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Mesures à prendre par la communauté. Nous devons créer des occasions pour que les langues soient présentes dans les communautés, et non uniquement dans les écoles, comme ce fut le cas jusqu’à présent. Nous devons délibérément créer des contextes réels et multiples. La langue doit être utilisée dans de nombreux contextes, et je constate que c’est ce qui se passe lorsque la langue est utilisée dans des contextes et des activités traditionnels. Il est également très important que notre langue continue à être utilisée dans les cérémonies. Les membres d’une communauté que je connais bien se sont rendu compte qu’ils n’utilisaient plus leur langue lors des cérémonies d’hiver, et cela nuisait vraiment à l’esprit des gens. Ainsi, en collaboration avec une université locale, ils ont conçu un programme pour les orateurs de la grande maison, de sorte que ces orateurs de la grande maison, qui étaient des jeunes, ont réappris leur langue et ont commencé à l’utiliser dans la salle de cérémonie et lors des rassemblements communautaires. Et je vous assure que ce seul programme, cette seule mesure, a remonté le moral des gens et les a aidés à se mobiliser et à faire plus. Il est donc très important d’intégrer la langue dans de nombreuses activités différentes. J’ai parlé des activités inspirées de la terre. Il est important que notre langue soit utilisée dans chaque partie de nos territoires pour honorer les esprits de nos ancêtres, les animaux, les plantes et l’eau. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Je pense qu’ils se sont endormis…

Politiques. Nous devons être en mesure d’examiner les politiques, c’est-à-dire les politiques du gouvernement fédéral. Ces questions sont réellement, réellement cruciales, et je suis tellement heureuse que nous ayons la Loi sur les langues autochtones, même si je sais qu’elle ne servira peut-être pas tous les peuples autochtones de notre pays comme ils le souhaitent, mais c’est un bon début. Et il est important pour nous d’examiner les politiques, et l’interprétation des différentes politiques, qui ont une incidence sur nos langues. Par exemple, dans le cadre de l’élaboration d’une politique, le gouvernement fédéral avait uniquement travaillé avec les personnes qui vivaient dans les réserves. Cependant, de nombreuses personnes ont quitté nos communautés des réserves et ont fait leur vie ailleurs. Il est important que nous examinions réellement les politiques qui ont eu une incidence sur nos langues et que nous commencions à prendre des mesures pour y remédier. Nous devons examiner les politiques provinciales – les politiques provinciales d’exclusion linguistique – et travailler à celles-ci. Ici, en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial travaille à l’élaboration d’une nouvelle politique d’éducation sur les langues autochtones, et j’espère que cela renforcera le travail que les gens font dans les écoles publiques. Il y a certaines politiques institutionnelles qui peuvent nous toucher. Il y en a notamment une qui me préoccupe beaucoup et que je connais bien; elle concerne la formation des enseignants. À l’heure actuelle, rien n’est prévu pour préparer les enseignants, les enseignants de langues autochtones. Nous devons examiner ces politiques, nous pencher sur ce que nous pourrions faire pour créer de nouvelles politiques ou modifier les politiques existantes afin de les rendre plus favorables aux langues autochtones. Nous devons nous tourner vers les associations qui guident le travail des gens. Nous devons établir un dialogue avec les syndicats, car les politiques syndicales peuvent entraver la manière dont nous enseignons nos langues dans les écoles, et nous avons besoin des syndicats pour appuyer le travail que nous faisons. Nous devons nous tourner vers les organisations autochtones et voir comment celles-ci peuvent nous aider à soutenir les langues. Nous devons nous intéresser aux organismes qui fournissent des titres de compétences, parce qu’à l’heure actuelle, dans de nombreux endroits, les personnes qui étudient comment enseigner nos langues à l’école ne sont pas considérées comme étant des enseignants; par conséquent, elles ne sont pas rémunérées pour le travail qu’elles font. Il est donc très important de mettre en place des politiques et de répondre aux préoccupations concernant les politiques. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Accessibilité. Nous devons faire en sorte que tous les apprenants aient accès à la langue, et nous devons être en mesure d’intégrer cet élément dans le programme que nous enseignons et dans notre façon d’enseigner. Par exemple, nous devons prendre en considération les personnes malentendantes, les personnes qui ne peuvent pas – qui sont aveugles et qui ne peuvent pas voir – et toute personne qui ne peut accéder facilement à l’apprentissage de nos langues. Et plusieurs entités au pays ont tenté de remédier à ce problème. Certains groupes ont conçu une langue des signes autochtone, une langue des signes des Premières Nations, et la langue des signes fait partie de notre patrimoine. Et donc, nous devons être en mesure de nous réapproprier ce type d’outils. Nous devons pouvoir garantir que les personnes qui ont été éloignées de leurs communautés – qui ont perdu le lien qui les unissait à celles-ci en raison des politiques d’éloignement – nous devons les aider, veiller à ce que l’apprentissage de leur langue leur soit offert et qu’elles puissent y accéder. Il existe des outils, des programmes et des ressources qui peuvent être mis à la disposition des personnes qui vivent loin de l’endroit où elles sont nées et ont grandi. Et nous avons cette capacité, et nous devons être en mesure de l’intégrer. Nous devons nous assurer de disposer d’une équipe capable de mettre à profit la technologie pour soutenir l’apprentissage, l’enseignement, la communication, l’apprentissage à distance. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Diapositive suivante.

J’ai parlé un peu plus tôt de la formation des enseignants, du développement professionnel des enseignants, et j’ajouterais qu’il est très important qu’à l’échelle du pays, nous concevions des programmes exhaustifs qui permettent de former entièrement les gens à l’enseignement des langues autochtones. L’enseignement de nos langues est complexe à bien des égards, et nous devons pouvoir consacrer le temps nécessaire pour nous assurer de fournir à ces enseignants le type de programme général dont ils ont besoin, faire en sorte qu’ils disposent des outils dont ils ont besoin, de la compréhension et des connaissances dont ils ont besoin pour effectuer le travail que nous leur demandons de faire. Nous devons nous assurer que nos enseignants parlent couramment leur langue et qu’ils aient de nombreuses occasions d’améliorer leur pratique de la langue, et ce, de façon continue. Ici, en Colombie-Britannique, nous avons par exemple un programme de maître-apprenti qui permet aux personnes qui apprennent une langue, aux personnes qui ont l’impression que leur langue est une langue seconde, de travailler avec des personnes qui parlent couramment leur langue. Cela a fait une immense différence. Nous devons donc être en mesure d’offrir cela aux personnes qui travailleront sur nos langues. Nous devons traiter nos enseignants avec gratitude et respect parce qu’en ce moment, ce que je vois à l’échelle du pays – et j’ai visité des communautés partout au pays – ce n’est pas une situation facile. Les sentiments profonds que les gens éprouvent à l’égard de leur langue sont projetés sur les professeurs de langue. Et donc, nous devons être en mesure de protéger… je vais manquer de temps. Donc, une formation des enseignants conçue pour nous. Diapositive suivante. Tout en ayant la compréhension… prochaine diapositive, s’il vous plaît.

Développement des ressources. J’ai parlé brièvement de ce sujet. Nous devons être en mesure de créer une multitude de ressources, je dis bien créer des ressources, et non les traduire de l’anglais ou du français. Nous devons être en mesure de créer des ressources en nous basant sur notre vision du monde, nos langues, nos systèmes de connaissances. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Médias et technologies. J’ai abordé brièvement ce sujet. Je suis désolée, le texte très petit et je n’arrive pas à bien lire ce qui est écrit. Vous savez, la technologie… les médias et la technologie façonnent le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, et bien qu’ils soient utiles, ils peuvent également constituer un moyen de nous éloigner de nos langues. Nous devons donc faire preuve de prudence à cet égard. Les médias et la technologie sont les nouveaux colonisateurs. Ils ont été créés à partir d’autres langues, principalement l’anglais, et ils nous ont imposé ce monde et ces valeurs, tout comme les programmes scolaires nous ont imposé un système de connaissances euro-occidental. La technologie fait de même, donc cela est important. Et il est facile pour nous de perdre le contrôle et la propriété de nos données et de nos systèmes de connaissances par le biais de la technologie. Nous devons donc être prudents et bien réfléchir, et nous devons être capables d’utiliser et d’apprendre la technologie de façon à ce qu’elle puisse nous aider. Merci beaucoup du temps que vous m’avez accordé. [« Merci » dans la Langue Lillooet]

GA : Merci beaucoup, Mme Williams, pour cette séance fort instructive. Vous serez de retour pour la période de questions. Nous vous remercions d’avoir partagé votre sagesse et votre expérience avec nous. J’ai maintenant le plaisir d’accueillir Sharon Parenteau, notre prochaine conférencière. Mais avant cela, j’aimerais simplement inviter tous les participants qui ont des questions à les adresser à nos orateurs en utilisant le bouton de la plénière. Vous pouvez le faire par le biais du bouton plénière… questions de la plénière. Vous pouvez vous rendre sur le salon de discussion et poser votre question, ou envoyer un courriel à l’adresse info@Indigenous-Languages.org.

Comme vous pouvez le constater, chaque fois que nous discutons des langues, nous manquons de temps; nous ferons donc de notre mieux pour répondre à vos questions. La période de questions aura lieu après l’allocution de nos deux derniers orateurs.

Sharon Parenteau est une éducatrice métisse originaire des collines Turtle, dans le sud-ouest du Manitoba. Elle a travaillé comme enseignante au centre-ville de Winnipeg et comme enseignante de soutien à la rédaction de programmes d’études autochtones pour la Division scolaire de Winnipeg.

Elle a également rédigé le programme d’enseignement des cultures et langues autochtones et le programme d’études sociales destiné aux élèves de la maternelle à la quatrième année du Manitoba. Sharon s’est jointe à la Fédération métisse du Manitoba (FMM), en détachement depuis la Division scolaire de Winnipeg, pour concevoir le programme « Standing Tall »; elle est désormais directrice générale de l’Institut Louis-Riel. Sharon Parenteau a six petits-enfants, et ce sont eux qui l’inspirent à améliorer le système éducatif. Elle a reçu la mention «  Distinguished Leader in Education » (leader remarquable dans le domaine de l’éducation) de la FMM, le « Research and Curriculum Development Award » (prix de la recherche et de l’élaboration de programmes d’études) de l’Aboriginal Circle of Educators, et la médaille du jubilé de diamant du lieutenant-gouverneur. Donc, sans plus attendre, je vous présente Sharon Parenteau.

Sharon Parenteau (SP) : Désolée. Bonjour à tous. Comme le montre la scène hivernale qui se trouve derrière moi, je vous parle depuis Winnipeg, au Manitoba. Et comme vous venez de l’entendre, je suis directrice générale de l’Institut Louis-Riel, qui est le bras culturel et éducatif de la Fédération métisse du Manitoba. Depuis au moins dix ans, l’Institut Louis-Riel réalise pour la FMM divers projets portant sur la langue michif. Donc, l’Institut Louis-Riel et l’Institut Gabriel-Dumont ont organisé les premières séances de mobilisation de la Nation métisse qui ont eu lieu avant l’élaboration de la loi. Je tiens également à préciser que je n’ai pas grandi en parlant le michif, mais que mes parents ont mis sur pied l’une des premières initiatives de revitalisation du michif dans la région du sud-ouest du Manitoba; celle-ci s’est déroulée dans leur salon, et l’aînée Verna Demontigny était l’un de nos professeurs. Très peu de citoyens métis ont eu l’expérience de grandir dans un foyer où l’on parlait le michif, et il existe un réel danger de perdre la richesse du vocabulaire et du sens qui découle de l’utilisation de nos langues dans la vie quotidienne. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Notre langue est ancrée dans notre culture, nos valeurs et nos façons d’être. Comme l’a dit Mme Williams, notre langue doit être intégrée à la culture. Donc, les Métis parlent également le cri et le saulteaux, mais pour enseigner ces langues, celles-ci doivent être ancrées dans la culture des Métis, et non dans celle des Premières Nations, ce qui est souvent la façon dont les programmes d’études sont élaborés. Il a été établi que nous sommes l’un des trois peuples autochtones reconnus par la Constitution. Pourtant, nous n’avons jamais reçu un tiers du financement. En fait, nous n’en recevons qu’une fraction. Nous savons que le michif est plus gravement menacé que les langues crie, ojibwé ou inuite. Et nous devons mettre en place un système qui fonctionne, car nous sommes à court de temps. Cette approche ne peut être panautochtone. Nous devons opter pour une approche fondée sur les distinctions. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nous savons que, selon l’UNESCO, le michif est une langue gravement menacée. Et chaque fois que nous nous réunissons, nous réalisons combien de locuteurs nous avons perdus. Nous savons que notre plus jeune locuteur qui parle couramment le michif est âgé de 65 ans. Chaque année, nous perdons plus de locuteurs que nous n’en gagnons. Et nos locuteurs nous disent qu’ils se sentent de plus en plus isolés et qu’ils perdent la possibilité de pratiquer leur langue. Notre approche doit être fondée sur les droits et, en tant que peuple autochtone, notre langue fait partie de nos droits. Nous avons travaillé dur pour que nos droits soient reconnus. Ainsi, en 1982, lorsque la Constitution a été rapatriée, les droits prévus par l’article 35 portaient également sur les droits des Métis. Et depuis ce temps, nous sommes devenus une sorte de ballon de football politique entre la province et le gouvernement fédéral, et ni l’un ni l’autre n’a voulu prendre ses responsabilités. Par conséquent, nous avons manqué de financement dans tous les domaines, y compris celui de la langue. Depuis lors, cependant, nous avons gagné des causes importantes comme l’affaire Powley, l’affaire des revendications territoriales et l’affaire Daniels, ce qui nous a permis d’obtenir davantage de fonds pour un certain nombre d’initiatives. L’un des problèmes que nous avons toujours eus avec le financement des langues est que celui-ci est accordé en fonction des projets et qu’il est octroyé sur une base annuelle. À l’heure actuelle, le financement annuel fondé sur des projets est limité. Nous devons avoir – c’est très difficile de garder les gens pendant plus d’un an lorsque nous avons en fait… Bon, laissez-moi reformuler cela. Nous avons du mal à garder des personnes compétentes dans le domaine des langues parce que nous disposons uniquement d’un financement annuel. Cette année, par exemple, notre financement se termine le 31 mars. Les personnes qui perdront leur emploi en mars devront se chercher un autre emploi, plutôt que de bénéficier d’une sécurité d’emploi auprès de nous pendant plusieurs années. Nous ne devrions pas nous contenter d’un financement par projet. Le financement que nous obtenons devrait également servir à renforcer les capacités. Nous devons investir dans les personnes, afin qu’elles se considèrent comme un investissement à long terme. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

L’une des choses dont nous avons besoin est un partage accru des ressources, et Mme Williams a également abordé ce point. L’Institut Gabriel-Dumont, qui est notre organisation sœur en Saskatchewan, fait un excellent travail dans ce domaine depuis des années, et le travail que nous avons fait a été très fragmentaire parce que, encore une fois, nous recevons notre financement en fonction des projets que nous réalisons. Nous ne pouvions même pas élaborer de programme, ce n’était pas quelque chose qui était possible avec le financement. Nous avons donc fait un travail très fragmentaire dans ce domaine. Mais nous avons récemment reçu un financement de Bibliothèque et Archives Canada pour procéder à la numérisation de nos langues. Et c’est l’une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler : le fait que nous devons numériser notre langue. L’autre chose que nous avons beaucoup entendue, c’est que nous devons recueillir davantage d’échantillons de cette langue avant que ses locuteurs ne disparaissent. Aujourd’hui, nous nous concentrons donc sur l’archivage et l’indexation de ces ressources sur une nouvelle plateforme appelée Mukurtu, qui est une plateforme d’archivage numérique à laquelle les communautés peuvent accéder. Nous sommes donc très enthousiastes à propos de ces nouvelles initiatives auxquelles nous travaillons. L’autre point – je sais qu’il y aura une séance en ateliers – cinq personnes parleront des cours d’immersion, mais c’est en fait l’une des choses auxquelles nous devons également travailler. Nous devons organiser des camps linguistiques pour les familles et pour les nouveaux apprenants. Nous devons examiner différents exemples de camps linguistiques et de programmes d’immersion. Nous devons être en mesure de créer des ponts pour assurer une utilisation intergénérationnelle de la langue entre les grands-mères et les bébés, etc. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nous devons également être en mesure d’utiliser la langue michif dans l’espace public. Nous devons normaliser l’apprentissage de la langue, et nous devons offrir des incitatifs aux employés qui apprennent cette langue. Par exemple, si vous parlez couramment le michif, vous devriez recevoir une rémunération supplémentaire parce que vous êtes un employé plus qualifié. Par ailleurs, les employés devraient pouvoir apprendre la langue dans le cadre de leur travail; nous avons quelques programmes de ce type, mais ce n’est pas suffisant. Le financement que nous avons reçu pour le programme de jumelage entre mentors et apprentis ne soutient pas réellement les personnes qui apprennent la langue, donc nous devons trouver un moyen de rémunérer les gens qui entreprennent un processus d’apprentissage de la langue. Il faut également que les travailleurs de première ligne soient formés à la langue. Ainsi, si vous appelez la FMM, quelqu’un vous accueillera en michif. Nous avons besoin de plus de personnes capables de s’exprimer dans la langue lors d’événements. Nous devons faire traduire les panneaux. Et nous avons également besoin – ce que nous n’avons pas encore – d’un système d’orthographe standardisé pour le michif. Nous ne l’avons pas encore, mais ce qui est encore plus important, nous devons accroître notre infrastructure : nous avons besoin de personnel, d’espace, de technologie, de plateformes de partage des langues et de renforcement des capacités. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nos locuteurs de langue doivent être soutenus, et je sais que Mme Williams en a également parlé. Nous avons besoin… nous avons si peu de personnes qui parlent la langue. Nous avons tendance à nous adresser constamment aux mêmes personnes, en raison de leur connaissance de la langue. Et nous devons rémunérer adéquatement ces personnes. Nous devons également accroître la collaboration entre les instituts linguistiques de la Nation métisse, et les éducateurs doivent être soutenus. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Il y a également un autre volet sur lequel nous devons travailler. Nous aimerions pouvoir jumeler des locuteurs et des apprenants dans le cadre d’un programme d’apprentissage et de mentorat où ils cohabiteraient et recevraient un salaire. Nous devons veiller à ce que la richesse du vocabulaire et du sens ne se perde pas, et à ce qu’il existe un enregistrement de notre langue dans son intégralité afin que les apprenants puissent entendre les mots dans le contexte où ils sont utilisés dans la vie quotidienne. En ce moment, notre site Web met en vedette le terme michif du jour et nous avons besoin de tellement… c’est un bon début, mais nous avons besoin de tellement plus que cela. Si seulement nous pouvions faire en sorte que nos jeunes qui souhaitent apprendre la langue puissent demeurer avec un Kukum qui leur parlerait dans cette langue en permanence… Nous devons également augmenter considérablement le nombre d’apprenants à tous les niveaux de compétence. L’Institut Gabriel-Dumont et l’Institut Louis-Riel guident les nouveaux instituts et les initiatives émergentes de la Nation métisse. Nous avons la capacité de faire cela. C’est ce que nous faisons depuis des années, et nous avons besoin d’autres personnes qui peuvent également prendre les rênes de cette initiative. Nous devons également aider les apprenants à créer l’espace dont ils ont besoin dans leur vie pour maîtriser la langue et la parler couramment. Pour ce faire, une impulsion de la part de tous est nécessaire. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Mme Williams a également parlé des banques de langues et d’une dame qui avait créé une encyclopédie. C’est un travail passionnant de documenter la langue pendant 50 ans. Nous avons fait ce travail de façon fragmentaire, mais au moins nous avons recueilli un peu de matériel. Nous avons donc besoin de banques de langues pour créer des enregistrements audio et vidéo, en particulier sur les sujets pour lesquels des lacunes ont été cernées. Ainsi, l’Institut Louis-Riel administre actuellement deux projets pilotes de revitalisation de la langue michif. L’un des projets vise à documenter, à numériser et à archiver des échantillons de la langue. Nous veillons à ce que la richesse du vocabulaire et du sens ne se perde pas, et à ce qu’il existe un enregistrement de notre langue dans son intégralité afin que les apprenants puissent entendre les mots dans le contexte où ils sont utilisés dans la vie quotidienne. L’autre projet vise à promouvoir la revitalisation du michif en sensibilisant les gens sur ce thème, et à promouvoir une planification de la revitalisation du michif centrée sur la communauté. Le Manitoba a récemment mis sur pied un cercle communautaire de revitalisation du michif et a cherché des champions au sein de la province. Je pense que vous en entendrez parler davantage dans l’une des séances en petits groupes. L’Institut Louis-Riel élaborera également une évaluation linguistique de la communauté michif, un outil qui l’aidera à mieux comprendre les besoins, les ressources, les capacités et les niveaux d’intérêt des citoyens métis du Manitoba. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nous estimons également qu’il est nécessaire d’accroître les applications et les dictionnaires en ligne existants. David Morin en parlera plus en détail dans son allocution, mais nous avons déjà créé quelques applications pour soutenir l’apprentissage des langues. Et les enfants sont vraiment enthousiastes à l’idée de pouvoir utiliser la technologie, cela mobilise les jeunes. Nous devons également créer un fonds d’innovation pour soutenir des idées qui n’ont pas été mises en œuvre auparavant. En tant que nation, nous avons eu de nombreuses discussions sur les façons de rendre le financement durable. Nous devons aussi envisager la possibilité de mettre de côté de l’argent chaque année dans un fonds de dotation dont nous ne dépenserions que les intérêts, et non le capital. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Eh bien, il semble que j’aie terminé avant le temps prévu. Je vais donc rendre la parole au secrétaire parlementaire. Merci beaucoup de m’avoir permis de parler du travail que nous effectuons pour préserver le michif.

GA : Merci, Sharon. C’était une autre allocution très, très instructive. Et nous serons heureux de vous retrouver à la fin, lors de la période de questions. Pour ceux d’entre vous qui ont des questions et des commentaires, n’hésitez pas à utiliser le bouton de la plénière pour les soumettre. Vous pouvez également les soumettre au moyen de la fonction de clavardage ou par courriel, à l’adresse info@Indigenous-Languages.org.

Notre dernier intervenant de l’après-midi est Alan Ojiig Corbiere, un Anishinaabe de la Première Nation M’Chigeeng de l’île Manitoulin. Il a fait ses études sur sa réserve avant d’obtenir un baccalauréat ès sciences de l’Université de Toronto. Il a ensuite poursuivi ses études à l’Université York, où il a décroché une maîtrise en études environnementales. Pendant ses études de maîtrise, il s’est concentré sur les récits anishinaabes et la revitalisation de la langue anishinaabe. M. Corbiere a étudié la langue ojibwé pendant de nombreuses années et en a acquis un certain niveau de maîtrise. Pendant cinq ans, il a été directeur général de l’Ojibwe Cultural Foundation de la Nation M’Chigeeng, poste qui englobe des fonctions de conservateur et d’historien. Par la suite, M. Corbiere a travaillé à un projet de programme d’enseignement de l’anishinaabemowin en tant que langue seconde à l’école primaire Lakeview de M’Chigeeng. Il est actuellement professeur adjoint au département d’histoire de l’Université York. Donc, sans plus attendre, Alan Corbiere.

Alan Corbiere (AC) : [Vœux dans la langue ojibwé]. Je m’appelle Ojiig. Et en ojibwé, cela signifie pékan, un animal de la famille des belettes. Je… comme vous l’avez mentionné, je travaille en fait, je travaillais – à l’école Lakeview, où nous avons créé et mis en place un programme de redynamisation et de revitalisation de la langue anishinaabemowin. Dans le cadre ce programme, nous avons remarqué… nous nous sommes rendu compte que nous souhaitions adopter une approche différente à l’égard de notre programme d’enseignement des langues. En tant que peuple anishinaabe, nous utilisons ce que nous appelons le Wiingashk, c’est-à-dire le foin d’odeur. Donc, ce que nous voulions dire, c’est que nous souhaitions tresser trois brins, et ces trois brins sont : tout d’abord, préserver la langue – et vous avez entendu Mme Williams en parler, enregistrer vos locuteurs afin de documenter correctement les termes, et créer une base de données de thèmes. Le deuxième « brin » consiste à entretenir votre langue en la parlant. Et c’est ce que nos locuteurs du michif nous ont dit; ils nous ont dit que les gens devaient essentiellement le parler, continuer à l’utiliser dans différents endroits, dans les lieux publics, et qu’il est également nécessaire d’écrire sa langue; il s’agit d’un acte de conservation, qui consiste à parler et à écrire votre langue, et à la lire. Et finalement, nous devons aussi revitaliser notre langue – créer de nouveaux mots, créer de nouveaux espaces où l’utiliser, et créer de nouveaux récits. Voici donc en quoi consistait notre façon de faire, notre philosophie.

Et nous avons fini par recourir à une analogie, car notre peuple Anishinaabe n’utilisait pas seulement le foin d’odeur, mais également ce que nous appelons le Naaknashk. Ce sont des roseaux, et nous utilisons ces roseaux pour faire des nattes. Ces tapis étaient, bien sûr, posés sur le sol, mais ils servaient aussi à couvrir nos tout-petits et ils étaient utilisés pour faire des paniers. L’analogie que nous avons élaborée est donc que l’on retrouve ces quenouilles dans un environnement naturel, mais qu’elles représentent des unités thématiques basées sur les mois de l’année. Ainsi, en septembre, votre première unité est la rentrée des classes. Octobre… dans une classe de langue seconde, on parle… non pas d’immersion. Il s’agit d’une approche de l’apprentissage et de l’enseignement d’une seconde langue dans la plupart des écoles publiques situées sur des réserves, mais également dans les écoles publiques hors réserve. Donc, la première unité est le mois de septembre, et c’est la rentrée des classes. En octobre, c’est l’Action de grâces et l’Halloween, ou Tasewang, qui est le jour de toutes les âmes, et en novembre, le jour du Souvenir. Mais l’analogie, c’est que chacun de ces brins, comme vous le voyez sur l’image, n’a rien qui le relie aux autres. Vous apprenez tout le vocabulaire pour cette unité et ensuite vous le mettez essentiellement de côté. Donc, nous voulions délibérément… oui, allez-y. Nous voulions… Oui. Bon. J’ai trop de boutons. Pardonnez-moi… Nous voulions en fait montrer que l’autre partie de l’analogie, et c’est le titre de cette présentation – Tisser des notions d’anishinaabemowin tout au long du programme d’études. L’analogie consistait donc à tisser tous les éléments du vocabulaire et à tenter de trouver les points communs entre chacune de ces unités, qui portent en fait le nom des journées spéciales des différents mois. Et c’est ainsi que le programme d’études a été conçu pendant des années; je l’ai vu non seulement à Manitoulin, mais également ailleurs dans la région. Le programme est basé sur les journées spéciales du calendrier, du calendrier scolaire. Ainsi, la méthodologie du programme de revitalisation de la langue anishinaabemowin consiste à prendre ces brins thématiques individuels et à tisser des concepts grammaticaux et un vocabulaire utilisé très fréquemment tout au long du programme pour tisser un tapis. De cette façon, on établit des liens entre les unités culturelles thématiques et la langue pour créer un tapis de rétention de l’anishinaabemowin. L’idée est donc de fermer ces fils et de travailler à la rétention et à l’acquisition de la langue.

Il y a quelques années, j’ai lu le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, et j’ai toujours été frappé par ce diagramme. C’était… j’ai lu un rapport écrit par Yvonne Hébert, mais elle faisait référence à un rapport écrit par Arlene Stairs. Et ce diagramme est tiré de son travail. Il montre essentiellement que l’inclusion de la culture autochtone et l’inclusion de la langue autochtone sont intimement liées, et que votre base culturelle augmentera au fur et à mesure que vous progresserez. Donc, nous en sommes essentiellement à ces deux premières étapes : une inclusion culturelle limitée – en ce qui concerne l’enseignement dans les écoles publiques et l’enseignement de la langue en tant que langue seconde dans les réserves, car nous continuons plus ou moins à suivre le programme d’études provincial et à ajouter… nous commençons à ajouter plus de contenu anishinaabe ou autochtone, mais nous ne disposons pas toujours d’une large base culturelle. Ainsi, vous voyez, la langue autochtone est enseignée tout au long – regardez au bas du graphique – mais ensuite, au fur et à mesure que vous progressez, vous en ajoutez davantage. Il s’agit donc de contenu. Et ce contenu correspond essentiellement à l’ajout de journées spéciales. C’est ce en quoi consiste l’inclusion de la culture. Nous parlons donc de la fête des Morts plutôt que de la Commémoration des fidèles défunts, puis nous ajoutons du contenu.

Le point suivant porte sur la base culturelle étroite. Vous ajoutez le contexte écologique, et c’est peut-être là que vous commencez à parler des noms de lieux et à vous y référer un peu plus, puis à parler de l’importance de l’eau et de la terre. Et quand vous l’élargissez encore plus, vous entrez dans le processus social, et c’est un point important parce qu’en fait, notre système de parenté ne fonctionne pas de la même manière que le système de parenté anglais. Ainsi, vous avez le mot « cousins », mais vous avez en fait deux ensembles de mots différents selon que les cousins appartiennent ou non au même clan. Mais nous n’enseignons pas cela, et nous devons l’enseigner. Cela ferait donc partie du processus social d’élargissement de notre base culturelle.

Et enfin, le processus cognitif. Notre langue est une langue agglutinante, ce que l’on appelle une langue agglutinante. C’est un peu comme le latin, mais le latin est en fait agglutinant dans le sens où les termes sont basés sur des substantifs, tandis que l’anishinaabemowin se base sur les aspects cognitifs – c’est-à-dire une langue agglutinante basée sur des verbes. Il conviendrait donc d’examiner comment enseigner cette langue en nous basant sur… en passant des verbes… des substantifs en anglais aux verbes en anishinaabemowin. Cela résume notre objectif pour ce programme de seconde langue.

Il semble y avoir un problème, je crois que je suis allé trop loin. Oui, celle-là. C’est la diapositive que je veux. Donc, on appelle cela essentiellement le puits. Je viens de l’inventer. C’est… et c’est ce que nous voyons en fait… nous voulons… à nouveau, notre approche est fondée sur l’optique de préserver la langue, d’assurer son maintien et de la revitaliser. Nous avons donc des documents d’archives ojibwés, puis des entretiens enregistrés avec des aînés ainsi que des documents d’archives en anglais, et nous rassemblons tous ces éléments, mais nous devons les traiter. Et puis, pour les traiter, nous créons des ressources culturelles locales, et également des ressources culturelles régionales. Voici une histoire qui est enseignée en anglais, qui a été rédigée en anglais un certain nombre de fois. Il s’agit de la légende du bouleau, qui explique l’origine des rayures de l’arbre à écorce qu’est le bouleau. Et c’est écrit… il existe une version en langue crie, et la défunte et grande artiste Daphne Odjig a également écrit une autre version. Et puis, il y a également une autre version dans cet autre livre par… recueilli auprès de la Première Nation M’Chigeeng, la Première Nation de Rama en Ontario. Les Anishinaabe vivent là. Et ce livre traite, encore une fois, de la légende du bouleau. Mais ce que nous avons trouvé est un document d’archives. J’ai trouvé un document d’archives, qui a été récemment publié par l’American Philosophical Society; cette légende a été écrite dans les années 1950 par un homme nommé Fred Ettawageshik. Et vous voyez là qu’il porte une… une coiffe et vous voyez son clan là, son clan Ettawageshik, Piipiigwe, qui est la crécerelle américaine. Et il a écrit ces histoires en ojibwé, pardon, en dialecte outaouais, qui est très similaire à l’ojibwé. Mais le système d’écriture qu’il utilisait est aujourd’hui obsolète. J’ai donc décidé de translittérer le texte selon l’orthographe contemporaine, car nous utilisons maintenant une orthographe à double voyelle. Donc, encore une fois, l’aînée Williams a parlé de cela. L’important, c’est d’utiliser nos propres récits lorsque nous enseignons à nos élèves, et ce, non seulement pour transmettre la langue, mais également… ce que nous avons fait dans le cadre du programme de revitalisation de l’anishinaabemowin à l’école Lakeview, c’est de nous efforcer de transmettre le lien culturel entre la connaissance de la langue et la culture, et non uniquement la langue en tant qu’entité désincarnée. Nous voyons, nous avons vu que la langue était intimement liée à la culture, mais il convient également d’établir des liens entre la langue et les activités inspirées de la terre. Et l’aînée Williams en parlait lorsqu’elle évoquait la façon dont les salles de classe éloignent les élèves de la terre. En fait, il est nécessaire de rendre cela… de rendre un peu plus explicites les moyens que vous utiliserez pour y parvenir. L’un de ces moyens consiste à prendre les récits que les aînés racontent et à les compléter. Voici donc une vidéo que je voulais vous montrer. Et j’espère que cela va fonctionner. On y voit un aîné de [segment inaudible].

Aîné dans la vidéo : [Vidéo tierse dans une langue Algonquine].

AC : Donc, ce qui est vraiment intéressant à propos de cette histoire – de ces deux histoires… En fait, l’histoire de Fred Ettawageshik s’intitulait Pourquoi les bouleaux poussent en bosquets. On y raconte, essentiellement, que Nanabush transportait son canot. Nanabush est un héros dans notre culture. Certains l’appellent Wisakedjak, Gluskabe, ou Napi, mais pour les Anishinaabe, c’est Nanabush. Il porte son canot et il heurte un arbre. Puis il heurte un autre arbre, et ensuite, il se fâche contre les bouleaux parce que ce sont eux qui l’ont fait tomber. Alors il les poursuit, et ils ont tous peur. Ils s’enfuient tous, comme… en groupe. Ils essaient de se sauver de Nanabush, puis ils se cachent. L’autre récit dont nous parlons dans le même recueil, mais aussi dans ces trois autres livres, raconte que par la suite, lorsque Nanabush a rattrapé les bouleaux, il a pris un pin – certains disent un pin, d’autres disent une épinette – et il a fouetté les bouleaux pour lui avoir désobéi. Et il y a aussi une autre version où il perd les yeux. Quoi qu’il en soit, c’est ce qui serait à l’origine des rayures du bouleau. Dans la vidéo, l’ancien dit « Regardez cela », et il coupe l’écorce du bouleau. Il récolte cette écorce de bouleau. Il dit : « Ce bouleau qui pousse en bosquets au milieu des épinettes n’est pas bon pour faire de l’artisanat ». Et il a montré les marques… vous avez vu ces marques noires, là, parce que ce gaawaandag, cette épinette pousse tout près, contre ce bouleau. Elle laisse une empreinte, une marque noire. C’est ce qui explique que vous ne pouvez pas vraiment l’utiliser pour faire de l’artisanat. Et c’est ce que nous faisons, nous cherchons à récolter de l’écorce de bouleau pour faire de l’artisanat. Donc, encore une fois, ce que j’essaie de faire, ce que nous essayons de faire, c’est d’apprendre aux élèves quand récolter l’écorce de bouleau. Certains disent que c’est au moment où les fraises poussent, tandis que d’autres ont d’autres repères pour savoir que ce bouleau s’ouvrira tout simplement au moment où vous le trancherez; ainsi, vous ne tuez pas l’arbre.

Et puis aussi… voici ma dernière diapositive. Est-ce que ça a marché? Oui. L’idée est donc… ce que j’ai remarqué, c’est que nous enseignons la langue… et l’oratrice précédente a parlé du mot du jour; nous l’avons fait nous aussi. Et puis, vous allez sur Facebook et d’autres plateformes de médias sociaux, et vous voyez ces mots du jour. Mais, je pense que nous sommes toujours bloqués sur les mots du jour. En fait, ce que nous voulons, c’est que nos récits soient racontés et que nos connaissances soient transmises dans un contexte global. C’est pourquoi j’ai enregistré des aînés et j’espère les enregistrer lorsqu’ils réalisent des activités inspirées de la terre, afin que les enseignants puissent préparer le vocabulaire avant de se rendent sur le territoire pour utiliser ce vocabulaire. Cela leur procurera un soutien supplémentaire lorsqu’ils ne sont pas en classe, et ils auront la possibilité de consulter ces ressources en ligne en se rendant sur notre site Web, à l’adresse Mchigeeng.ca/Anishinaabemowin. Ces vidéos s’y trouvent. Nous n’avons pas été en mesure de publier tous nos plans de cours en ligne, mais plusieurs s’y trouvent. Notre intention n’était pas de faire de l’argent avec cela. Notre souhait est que les gens puissent utiliser ce matériel gratuitement et qu’il leur soit accessible, et nous voulons que tout le monde, espérons-le, l’utilise. Les aînés avec lesquels je travaillais étaient également du même avis. En fait, nous voulions… vous avez vu le diagramme de la diapositive précédente – passer des sons… nous avons ces tableaux de sons qui ont été très populaires. Et il y avait ce tableau de syllabes : ba, bi, bo, be, ta, ti, to, te, ga, gi, go, ge. Vous avez tous ces tableaux, et c’est ce qui est encore enseigné. Le système de sons. Il arrive en fait que l’on soit bloqué lorsqu’il s’agit d’enseigner les mots, et ensuite… ensuite vous passez à l’étape où ces mots sont réunis et forment des phrases. Toutefois, on n’aborde pas réellement les récits. Donc, notre philosophie à cet égard… ce que je faisais, mais que je ne savais pas que je faisais, cela s’appelle la planification à rebours. Donc, je prenais les récits des aînés et je les décomposais en phrases, en mots, puis en parties sonores. Nous avons essayé de réunir ces éléments. Et encore une fois, il y avait cette idée, cette analogie, de tisser des éléments les uns avec les autres afin de renforcer les concepts auprès des élèves, parce que nous parlons souvent des activités inspirées de la terre, mais plusieurs de ces activités se déroulent en juin, en juillet et en août. Nous devons donc créer des unités qu’ils peuvent utiliser avec leurs parents, leurs grands-parents ou toute autre personne qui parle la langue. Voilà, j’ai terminé. Je sais que j’ai dépassé un peu le temps qui m’avait été accordé, mais Sharon m’a permis de récupérer quelques minutes.

GA : Eh bien, merci beaucoup, Alan. Encore une fois, cet exposé enrichit grandement notre discussion d’aujourd’hui. Nos trois intervenants sont maintenant de retour : Alan Corbiere, Sharon Parenteau et, bien entendu, Lorna Wanosts’a7 Williams. Et Mathieu est également présent pour nous aider avec certaines questions. Alors, Mathieu, avec quelle question pouvons-nous commencer? Nous disposons d’environ 10 à 15 minutes pour cette discussion. Vous êtes en sourdine.

Mathieu Courchene (MC) : C’est l’erreur que je fais systématiquement sur Zoom. Donc, nous avons une question pour Lorna. « Ma question pour vous est la suivante : vous avez parlé de l’importance de former les enseignants; je vois cela comme étant un processus continu. Je suis professeur de langues depuis 20 ans (je n’enseigne pas toujours la même langue) et j’ai besoin de perfectionnement professionnel plus que jamais. Comment peut-on intégrer la formation continue et le développement continu des ressources dans les modèles de financement? » C’est une question intéressante.

LW : C’est… un financement précis doit être accordé aux professeurs de langues autochtones. Mais, le financement sert uniquement… le financement doit servir à soutenir les gens qui, tout d’abord, travaillent à apprendre la langue ou à améliorer leur connaissance de celle-ci. Il est nécessaire de financer les programmes de langues afin qu’ils soient conçus de façon à convenir aux élèves qui suivent les cours. Prenons par exemple le baccalauréat que j’ai mis sur pied dans le domaine de la revitalisation des langues autochtones. La première partie du programme se déroule dans la communauté linguistique, car il est important pour celle-ci de voir les étudiants progresser. Il faut donc un financement pour soutenir l’apprentissage de la langue qui se déroule à l’extérieur du campus. Mais ensuite, les étudiants doivent avoir la possibilité d’aller à l’université pour pouvoir accéder aux soutiens et aux ressources nécessaires – auxquels ils peuvent accéder dans une université qui soutient l’apprentissage des langues. Il faut donc trouver des fonds pour aider les étudiants à se rendre à l’université, afin qu’ils puissent bénéficier des nombreux autres programmes dont ils pourraient avoir besoin. Et, puisqu’il s’agit d’un nouveau… d’un tout nouveau domaine d’étude… dans la plupart des universités, il n’y a pas d’espace pour le savoir et les langues autochtones; il faut donc en créer un. Il est donc nécessaire d’avoir un financement… un financement supplémentaire pour cela.

MC : Je pense que cela en dit long sur le modèle de financement actuel. Sharon a peut-être des suggestions concernant le financement – comment les écoles sont financées et comment les enseignants sont financés et comment ils sont, vous savez, rémunérés pour le travail qu’ils font et pour le volet du perfectionnement professionnel. Donc, je suppose que vous parlez en fait d’un nouveau type de structure pour soutenir les enseignants eux-mêmes, au-delà de l’université. Disons que vous obtenez votre diplôme d’enseignant, vous allez dans une communauté où l’on vous dit : « Bien, nous aimerions vous voir enseigner l’anishinaabemowin ». La question est probablement la suivante : comment former cet enseignant et lui fournir les ressources dont il a besoin pour enseigner cette langue? Peut-être, je ne sais pas. À vous, Sharon.

SP : Oui. J’aimerais en parler, car le Manitoba dispose d’un plan d’action pour l’éducation autochtone, et particulièrement pour la formation des enseignants. La façon de former les professeurs de langues est un sujet sur lequel nous nous penchons depuis de nombreuses années. Et l’une des suggestions qui sont ressorties de nos discussions est qu’un établissement pourrait se concentrer sur l’enseignement de la langue plutôt que d’avoir plusieurs entités qui le font à la pièce, par-ci par-là. Mais, l’autre chose qui est vraiment décourageante, et je ne nommerai pas l’établissement en question, c’est que nous sommes allés rencontrer le doyen de la faculté de l’éducation de l’un de nos établissements, et nous lui avons dit : « Vous devez arrêter d’admettre tous ces étudiants en éducation. Vous en diplômez environ 400 par année et cela doit cesser. » Et il nous a répondu : « Nous ne pouvons pas faire cela, c’est notre vache à lait ». Nous lui avons répondu que nous avions besoin de cohortes autochtones. Nous avons besoin de cohortes de personnes qui peuvent réellement enseigner la langue, car bien que nous trouvions souvent des locuteurs de la langue et des gens qui la parlent couramment, ce ne sont pas nécessairement des enseignants. Ce que je veux dire, c’est que nous parlons tous couramment – d’accord, peut-être pas tous, mais nous parlons couramment l’anglais. Cela ne veut pas dire que chacun d’entre nous peut aller au Japon pour y enseigner l’anglais, n’est-ce pas? C’est une chose de parler couramment la langue, et c’en est une autre de l’enseigner. Il faut donc tenter de combler ce fossé, et le soutien à cet égard doit également provenir d’établissements eurocentriques.

MC : Donc je suppose que c’est exactement là où se trouve le défi, non? Vous avez ces établissements qui sont en place. Ils ont les moyens de rémunérer les enseignants. Ils ont des façons de les former ou de leur fournir les ressources dont ils ont besoin; comment le font-ils? Alan, je ne sais pas si vous avez une idée, mais comment faire pour éliminer ce type d’obstacles institutionnels et possiblement épauler les enseignants en leur fournissant les ressources dont ils ont besoin? Et je pense également à ce dont Alan parlait : la façon dont la langue évoluera, la façon dont de nouveaux mots seront introduits dans le vocabulaire. Comment restez-vous à l’affût de ce genre de choses afin que vos élèves puissent en profiter? Je ne sais pas. Alan, avez-vous quelque chose à ajouter?

AC : Je ne fais plus partie de ce programme, en fait, et c’est essentiellement en raison du financement. Donc, le financement sera toujours un problème. Mais l’une des choses qui m’ont vraiment impressionné ces derniers temps, j’ai commencé à essayer d’apprendre la langue lorsque ma femme et moi avons conçu notre fille aînée, il y a vingt-sept ans. J’y travaille depuis longtemps, mais je n’ai jamais réussi à la maîtriser suffisamment pour la transmettre à mes enfants, et c’était mon objectif. Mais, ce que j’ai vu dernièrement, c’est qu’il y a des gens plus jeunes qui utilisent des outils… les outils qu’ils utilisent ont tellement évolué. Quand j’ai commencé, il n’y avait pas autant de ressources qu’aujourd’hui. C’est également le cas dans le domaine de la pédagogie; ces gens se rendent à l’Université du Minnesota étudier auprès d’un type nommé Brendan Fairbanks. Et puis il y a un programme d’immersion pour adultes appelé « Ojibwemotaadidaa : parlons ojibwé entre nous ». Ce programme est mis en œuvre par la communauté de Fond du Lac; les jeunes adultes qui y participent se réunissent en juillet et parlent tout simplement entre eux. Il y a également un groupe ici en Ontario qui s’appelle [Langue algonquine] et cela signifie que les nouveaux locuteurs, qui sont également de jeunes adultes, ont la volonté de le faire. Et c’est un peu… mais, en fait, la seule chose que les gens disent, c’est qu’ils dénigrent… beaucoup de gens dénigrent l’enseignement postsecondaire, mais en fait, ceux qui sont dans [Langue algonquine] et ceux qui sont dans le programme de Brendan Fairbanks possèdent tous une formation universitaire. Ainsi, vous voyez, là où les gens obtiennent des résultats, des résultats pouvant être prouvés, c’est avec des programmes innovants comme celui de Brendan Fairbanks, de l’Université du Minnesota, mais également le programme [Langue algonquine]. Et enfin, ce que je voulais dire, c’est qu’il y a une dame que je connais, elle est plus jeune que moi. Elle a deux jeunes enfants qui ont cinq et trois ans. Elle ne parle pas couramment la langue, mais ce qu’elle fait – ce que je n’ai jamais fait d’ailleurs, et ce qui a été mon erreur – elle essaie de parler à ses enfants en utilisant les termes et les notions qu’elle connaît; elle a rassemblé toutes ces informations et les a publiées en ligne. Son nom est Rochelle Allen. Elle publie toutes ces ressources en ligne et elle enseigne ce qu’elle connaît. Elle enseigne cela à ses deux enfants, et ses deux enfants lui répondent en ojibwé. Ce n’est pas un ojibwé parfait, mais ils parlent en fait beaucoup plus que l’étudiant moyen de première année d’université inscrit à un programme d’ojibwé.

MC : Nous avons une question ici pour Sharon : « Quelle est la plateforme de dictionnaires sur le Web que vous avez mentionnée? »

SP : Pour obtenir une réponse à cette question, je vous suggère d’écouter la présentation de David Moren. Je ne sais pas exactement à quel moment elle sera diffusée, mais je sais qu’il y a une application qui s’appelle Michif To Go. Et il y en a d’autres que vous pouvez télécharger depuis l’App Store. Vous pouvez les trouver dans l’App Store. Mais ce que je veux dire, c’est que ce travail a été fait en Saskatchewan, donc en toute honnêteté, je ne sais pas exactement de quelle plateforme il s’agit.

MC : L’autre question concerne des projets linguistiques précis que vous avez menés et qui ont permis de combler le fossé linguistique intergénérationnel.

SP : Le premier dont j’ai parlé, c’est le projet d’enseignement et d’apprentissage du michif dans les années 1980, dans le salon de mes parents, avec des grands-parents, des mères, des pères, des tantes et des enfants de tous âges assis autour d’eux. Et comme l’a dit M. Corbiere, les jeunes comprennent très vite, et lorsqu’ils sont présents et qu’ils écoutent, même si ce sont les adultes qui sont à l’origine de l’initiative, ce sont les petits qui comprennent. Et l’autre chose à laquelle je pense, c’est que je suis une professeure de français qualifiée, bien que j’hésiterais à parler français à qui que ce soit, parce que si vous ne l’utilisez pas, vous le perdez. Et c’est la même chose avec n’importe quelle langue, n’est-ce pas? Et donc, quand je suis allée à l’université, j’ai appris à enseigner cette langue. Et l’une des activités que nous devions faire consistait à préparer une salade de fruits avec des enfants de garderie sans avoir recours à l’anglais. Nous pouvions uniquement utiliser des termes français avec eux, vous voyez? Et lorsque vous donnez des instructions à quelqu’un dans une autre langue, vous le faites en partie en ayant recours à des gestes. Vous utilisez différentes méthodes pour enseigner la langue. Et puis, mon dernier point porte sur le fait que j’ai dû aller vivre à Trois-Rivières pendant six semaines; j’habitais dans une famille qui ne parlait jamais anglais. À la fin de mon séjour, je pouvais répondre au téléphone et prendre un message. Et je… ils ont parlé d’une glissoire, un terme que je ne connaissais pas vraiment. Je notais phonétiquement tout ce que j’entendais, car je ne connaissais pas tout le vocabulaire. Les membres de la famille ont lu ce j’avais écrit et ils ont dit : « Ah, oui, la glissade. Le petit module de jeu arrive demain. » Ils ont parfaitement compris le message que j’avais pris en note, vous voyez? Donc, cela fait partie de l’immersion, n’est-ce pas? Vous devez vous trouver dans une situation réelle, et parler normalement. Et donc, nous avons besoin de plus d’expériences de ce genre. Nous avons besoin de plus de situations comme celles-là. Mais l’élément le plus important pour nous, c’est que tous nos locuteurs vieillissent et que nous en avons de moins en moins. On ne peut pas simplement appeler quelqu’un. Un établissement du Nord-Ouest de l’Ontario m’a demandé des ressources et j’ai répondu : « Très bien. Combien de locuteurs avez-vous? » Ils ont répondu : « Eh bien, nous n’en avons pas. » D’accord, mais alors comment puis-je vous aider? Comment puis-je vous soutenir si personne ne modélise la langue, n’est-ce pas? Quelqu’un doit modéliser la langue et, pour ce faire, la voie intergénérationnelle doit être privilégiée.

MC : Je suppose que lorsque vous parlez de cela, Sharon, vous parlez d’immersion. Je sais seulement qu’en ce qui me concerne, si je n’utilise pas la langue française ou si je m’en éloigne pendant six mois, ou si je n’ai pas d’occasions de l’utiliser, alors je cherche mes mots. Mais cela revient très rapidement et après environ trois mois d’immersion, vous vous exprimez tout à coup aussi rapidement que les autres. Donc, je réfléchis à ce type de soutien. Je pense aux communautés qui parlent encore la langue de façon permanente. Je pense que c’est l’Atikamekw les communautés au Québec qui, vous savez, la langue utilisée au sein du conseil de bande, tout est Atikamekw. Je pense aux locuteurs cris du nord du Québec et de l’Ontario. Pourtant, la langue de tous les jours… c’est peut-être également le cas pour l’ojibwé et d’autres langues… pour la Colombie-Britannique, je ne suis pas certain. La Colombie-Britannique est un monde unique en soi en ce qui concerne les langues, mais je réfléchis à cette possibilité d’immersion. Existe-t-il des moyens de créer et de financer des structures qui permettent à un enseignant de suivre une formation professionnelle en participant à un programme d’immersion? Donc, je ne sais pas si cela est possible avec le financement actuel ou s’il s’agit de quelque chose que nous devrions rechercher à l’avenir? Je ne sais même pas si c’est une question. Allez-y, Lorna.

LW : Eh bien, ici dans l’Okanagan, ils ont mis sur pied ce qu’ils appellent une maison des langues. Et donc ils ont créé, ils ont mis en place une maison où les gens peuvent aller et vivre et, en quelque sorte faire partie d’une famille, vous savez, qu’ils forment et au sein de laquelle ils parlent uniquement la langue. Et donc… et je pense que… certains se rendent sur le territoire et y passent du temps, vous savez, ils passent deux semaines sur le territoire et parlent uniquement la langue. Donc, je pense que les gens peuvent faire preuve d’une grande créativité pour trouver différentes façons d’acquérir ces compétences linguistiques. Mais l’autre point que je voulais soulever, un autre exemple de soutien aux nouveaux travailleurs linguistiques, vous savez, les personnes qui vont travailler sur la langue, cela commence… cela doit commencer à un très jeune âge. Je connais une communauté qui cible dès le primaire des jeunes qui s’approprient vraiment la langue. Et ils… et c’est notre façon traditionnelle de soutenir, d’encadrer, de guider les jeunes, vous savez, lorsque nous voyons qu’ils ont un intérêt et, disons, une propension pour quelque chose. Et donc, c’est ce qu’ils font avec les personnes qui travaillent dans le domaine des langues, et ils le font depuis un certain temps. Et ils fournissent… ils leur donnent un titre. Ils les désignent comme étant des personnes en apprentissage de la langue. Ainsi, les personnes plus âgées, les adultes de la communauté, reconnaissent ces jeunes, les soutiennent et leur offrent des occasions de travailler sur leur apprentissage. Puis ils les soutiennent et leur fournissent le type d’éducation dont ils ont besoin pour être en mesure de travailler sur la langue. Donc, ils commencent très jeunes. Et maintenant, par exemple, dans cette communauté, les jeunes ont commencé un programme d’immersion linguistique qui va maintenant, je pense, jusqu’à la sixième année, et ils sont très actifs de différentes façons. C’est donc un effort communautaire. Et il faut commencer cette préparation dès le plus jeune âge.

MC : Merci pour cette intervention, Lorna. Je suis conscient de l’heure, Gary. Je pense que nous allons devoir conclure notre période de questions-réponses, donc la parole est à vous.

GA : Merci Mathieu, et merci à vous tous pour ces présentations. Donc, Mme Williams, Alan, et Sharon, nous vous remercions pour tous les renseignements que vous nous avez fournis. Je sais qu’il y a plusieurs thèmes que nous… que vous avez abordés, et je sais également qu’il y a plusieurs autres sujets dont nous pourrions parler aujourd’hui. Mais, ce qui est important, c’est que cette conversation se poursuive. J’aimerais donc remercier tous les participants au symposium. Merci pour le travail que vous accomplissez. En ce qui me concerne, je suis un colon. Ma famille est venue du Sri Lanka et j’ai moi-même du mal à parler ma propre langue, le tamoul, et la transmettre à mes deux filles. Alan, ce dont vous parliez plus tôt, c’est une lutte constante… constante. Mais, lorsque nous parlons des langues autochtones, nous savons que le travail doit se poursuivre de manière beaucoup plus vigoureuse, et la Loi sur les langues autochtones et ce qui en résultera, je pense que c’est très… ce sera utile pour apporter les changements qui sont nécessaires et que nous devons mettre en place pour soutenir la revitalisation des langues. Donc, merci pour le travail que vous faites tous. Merci pour vos enseignements et merci, Mathieu, d’avoir organisé cette activité. Et j’espère avoir éventuellement l’occasion de voir en personne l’excellent travail que vous faites.

SP : Meegwetch.

AC : Meegwetch.

MC : Meegwetch. Merci à tous. Merci au secrétaire parlementaire, à Alan, à Lorna et à Sharon. Meegwetch à tous pour votre participation. J’apprends à aimer ces activités virtuelles et le fait de ne jamais avoir à se déplacer. Meegwetch à tous.

[fin de la transcription]

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