Le 25 novembre 2014 - Ottawa (Ontario)
Sous réserve de modifications
Diriger le Canada et le monde entier vers un avenir numérique qui protège la liberté, les droits de la personne, la prospérité et la sécurité n’est pas une mince affaire.
Personne n’avait réellement prévu jusqu’à quel point Internet façonnerait nos vies.
À l’instar de la plupart des Canadiens, et de quelque 3 milliards de personnes ailleurs dans le monde, je compte sur Internet.
J’y ai recours pour garder contact avec mes amis, pour partager des idées avec des collègues, pour procéder à mes transactions bancaires, pour alimenter mon fil Twitter et pour suivre l’actualité.
Mais les répercussions d’Internet, ainsi que son potentiel, se situent à un niveau bien différent que ce à quoi nous avions assisté par le passé.
Internet favorise la croissance économique, stimule l’innovation et a accéléré le rythme de la mondialisation.
Je n’ai pas besoin de prêcher les convertis ici.
C’est également un puissant outil pour la liberté des personnes.
Si vous remontez dans le temps, quand la vitesse des communications dépendait de la vitesse d’un cheval ou d’un navire, les familles et les collectivités étaient relativement autonomes.
Puis, depuis quelque 200 ans, les lignes ferroviaires et les lignes de télégraphes ont quadrillé nos pays.
Cela a permis des communications et des échanges d’informations plus rapides — et par conséquent, un contrôle plus centralisé et une coordination bureaucratique.
Internet passera à l’histoire comme une technologie qui a assurément changé la donne, parce que c’est un outil qui a déplacé le pouvoir au bas de la pyramide, pour le mettre entre les mains de la masse des utilisateurs.
Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler du pouvoir d’Internet, mais nous ne savons pas encore comment il continuera à façonner radicalement la manière dont les humains interagissent entre eux.
Tout le monde peut communiquer avec tout le monde, et avoir accès à la même information presque instantanément.
L’industrie y est allée de mesures fondamentales après avoir été ébranlée par ce changement.
On n’a qu’à regarder comment les médias traditionnels — qui étaient auparavant les gardiens de l’information — doivent maintenant se réinventer.
Cette nouvelle ouverture est palpitante.
C’est ce qui fait qu’Internet constitue un outil si puissant pour les changements politiques et la croissance économique.
Sa protection constitue un important défi en matière de droits de la personne, parce que cette ouverture donne du pouvoir aux personnes en créant un espace pour le dialogue et en donnant une voix à ceux qui n’en avaient pas.
Pour que cela continue, nous devons tous assumer une certaine responsabilité pour garder Internet libre, transparent et sécuritaire.
Toutes ces paroles sont bien belles et agréables à entendre.
Mais n’ayez aucun doute : pendant que nous considérons que l’ouverture est une vertu, d’autres y voient plutôt une menace.
Plus les gens se sentent libres d’agir, plus d’autres en revanche sentent le pouvoir leur échapper.
En péril
Alors, comme toute invention puissante, Internet est un couteau à double tranchant.
Souvenez-vous : la recherche qui a donné lieu à la création d’Internet visait d’abord des objectifs militaires.
Chacun de nous dans cette salle a recours à Internet à des fins positives : pour faire valoir son point de vue ou vendre un produit.
Mais d’autres profitent des plus récentes cybertechnologies pour entraver des militants, écraser les dissidents et faire taire les critiques.
Les droits de la personne sont liés aux libertés individuelles. Les gouvernements qui privent leurs citoyens de ces droits et libertés en utilisant des façons conventionnelles sont maintenant occupés à faire de même au moyen des outils numériques.
Ces gouvernements craignent la liberté d’expression.
Ils ont peur du pouvoir des nouvelles idées et de la réflexion.
Au fond, ils ont peur de leurs propres citoyens.
Et c’est ainsi que ces gouvernements essaient de répudier des normes internationales historiques au nom de la sécurité, ou plutôt au nom de la peur.
Autrement dit, les outils dédiés à la liberté sont maintenant transformés en outils de répression.
On n’a qu’à regarder ce qui se passe du côté de la Fédération russe.
Les « petits hommes verts » vraisemblablement anonymes qui ont été vus en Crimée et dans l’est de l’Ukraine ont leurs pendants en ligne.
Le président Poutine a multiplié les restrictions sur Internet et a réprimé sévèrement les médias et l’opposition.
Le système SORM [système d’activités d’enquête opératoire] de la Russie permet à la police secrète russe de surveiller toutes les activités téléphoniques et sur le Web dans l’ensemble du pays.
De tels gouvernements oublient que la liberté d’expression et d’association n’est pas source d’insécurité; elle constitue plutôt un rempart de la démocratie.
Il est possible de protéger les libertés civiles tout en assurant la sécurité de nos sociétés.
Notre approche
C’est ce à quoi le gouvernement du Canada croit.
Nous croyons fermement en un principe clair : que les droits de la personne doivent être appliqués aussi bien en ligne que hors ligne.
Quand il est question d’Internet, il faut se rappeler que le respect de la vie privée est le fondement même de l’exercice d’autres droits.
En même temps, les gens s’attendent à ce que les gouvernements et les entreprises comprennent leurs besoins.
La clé est donc la confiance.
Les gouvernements et les entreprises doivent prouver qu’ils peuvent gagner et maintenir cette confiance.
Cette approche nous distingue des régimes répressifs.
Tout comme la liberté et l’ouverture sont essentielles à l’établissement de la démocratie, celles-ci ne peuvent être assurées que par une sécurité accrue.
Nous savons que bon nombre des gouvernements qui tentent de contrôler et de limiter l’utilisation d’Internet de leurs citoyens sont aussi ceux qui constituent une menace pour les Canadiens, pour nos entreprises et notre sécurité nationale.
Nous devons prendre des mesures concrètes pour combattre ces menaces pour la sécurité et améliorer nos mécanismes de défense et ceux de nos alliés et principaux partenaires commerciaux.
Les cybermenaces ne visent pas que les gouvernements mais aussi les consommateurs et les entreprises.
Nous devons empêcher les cybercriminels de se trouver un refuge virtuel sûr d’où ils pourraient mener leurs activités.
Voilà ce à quoi nous nous employons lorsque nous accordons un appui aux pays d’Amérique latine et des Caraïbes afin de prévenir et de surveiller les menaces pour la sécurité liées au cyberespace, ainsi que d’y remédier.
Nous devons également faire preuve de vigilance face à la radicalisation de la violence observée en ligne, dans nos collectivités, dans nos écoles.
Au cours des dernières années, le Canada a investi plus de 10 millions de dollars dans la recherche novatrice pour en savoir plus sur les méthodes et les tactiques de recrutement des terroristes, y compris sur la façon dont Internet sert leurs fins.
Nous travaillons aussi pour protéger les droits à l’étranger.
À cet égard, le Canada a offert de la formation sur l’utilisation sécuritaire de technologies de connexion à des journalistes citoyens et à des militants en Syrie, en Égypte et en Azerbaïdjan.
Dans certains pays, le Canada mène actuellement des activités de « diplomatie directe » avec des communautés d’intérêts civils et politiques non étatiques, y compris des agents d’influence en ligne, afin de les aider à opérer des changements politiques positifs dans leurs milieux respectifs.
L’appui du Canada au Dialogue mondial sur l’avenir de l’Iran en est un exemple.
Bien que nous n’ayons pas d’ambassade en Iran, les plateformes de médias sociaux créées dans le cadre de ce dialogue ont permis aux Iraniens de diffuser de l’information que leur gouvernement a cherché à filtrer et à bloquer.
L’initiative a remporté un vif succès — plus de 4,5 millions d’utilisateurs dans le pays ont accédé à ces plateformes à l’intérieur de l’Iran —, et nous prévoyons élargir cette approche.
Gouvernance d’Internet
Voilà certains des moyens que nous pouvons prendre et que nous prenons pour combattre les menaces posées à Internet en ce moment.
Pour combattre ces menaces à long terme, nous devons nous assurer que l’avenir qu’Internet n’est pas déterminé seulement par les gouvernements, mais aussi par le secteur privé et la société civile.
J’aime bien le langage simple et précis, alors soyons honnêtes : l’expression « gouvernance d’Internet par de multiples intervenants » n’est pas la plus percutante et la plus attrayante.
Mais c’est exactement ce que nous devons préserver si nous voulons qu’Internet demeure un outil novateur, libre et transparent et qu’il profite à tous ses utilisateurs.
Quand on y pense, le modèle ouvert d’Internet que nous avons en ce moment est véritablement particulier et rassembleur.
Et, en ce moment, nous sommes à la croisée des chemins, ayant le choix entre une approche universelle et une approche balkanisée.
Entre Internet et ce que l’on appelle l’« Internet fragmenté ».
Ce qui est inquiétant, c’est que les gouvernements qui se servent d’Internet comme outil de répression sont ceux qui souhaitent le plus changer ce modèle pour arriver à leurs fins.
Cette question peut sembler technique, mais ses répercussions sont considérables.
En politique, nous expliquons souvent aux gens que, si leurs impôts et les services publics auxquels ils ont accès ont de la valeur à leurs yeux, ils devraient aller voter pour le gouvernement de leur choix.
Ce principe s’applique ici.
Si votre usage quotidien d’Internet est important pour vous, la gouvernance d’Internet devrait l’être tout autant.
Si vous souhaitez qu’Internet demeure une plateforme transparente qui favorise la croissance économique et la libre expression, sa gouvernance devrait vous tenir à cœur.
Cela est valable pour le secteur privé également.
Après tout, c’est à lui que nous devons la plus grande part de l’infrastructure d’Internet et des services qui sont offerts sur le Web.
En cette ère de mondialisation, l’investissement dans un Internet permettant des communications sans entraves est essentiel pour le secteur privé.
Les marchés en forte expansion requièrent la libre circulation de l’information au-delà des frontières.
On estime qu’une augmentation de 10 p. 100 du taux de pénétration d’Internet génère une croissance de 1 p. 100 du PIB.
Les entreprises doivent également protéger leurs clients et les droits de leurs clients.
Elles doivent résister aux tentatives que font les régimes autoritaires de brimer les libertés sur Internet.
Les gouvernements et la société civile doivent aider le secteur privé à atteindre ces objectifs.
Coopération internationale
J’ai parlé de certains travaux que nous avons réalisés jusqu’à présent.
Mais il y a des limites à ce que nous pouvons accomplir en tant que gouvernement et en tant que pays.
C’est pourquoi le Canada s’engage à collaborer avec ses partenaires internationaux pour qu’Internet demeure transparent, sûr et accessible.
Le Canada est un membre fondateur de la Freedom Online Coalition.
Il s’agit d’un partenariat solide unissant des pays qui cherchent à promouvoir la liberté sur Internet, et j’ai représenté notre pays lors de la réunion ministérielle de la Coalition qui a eu lieu à Tallinn, en mai dernier.
Nous nous réjouissons également à l’idée de poursuivre notre collaboration avec notre invité d’honneur, M. Carl Bildt, président de la Commission mondiale sur la gouvernance d’Internet.
La Commission mondiale joue un rôle important dans l’établissement d’une vision stratégique de haut niveau en ce qui a trait à la gouvernance d’Internet.
Nous sommes donc plus qu’heureux d’accueillir la Commission mondiale ici, à Ottawa, aujourd’hui.
Personne n’a dû être étonné d’apprendre que Carl avait été choisi pour mener ce défi à bien.
Sous sa direction compétente et attentive, le gouvernement de la Suède a été le premier à revendiquer la protection des droits de la personne et des libertés aussi bien en ligne qu’hors ligne.
Carl a aussi été parmi les premiers à s’intéresser à la façon dont la liberté et la transparence sur Internet peuvent promouvoir le développement économique et social dans le monde entier.
En fait, il a été rien de moins qu’un pionnier numérique, l’un des premiers à prôner la diplomatie numérique et à adopter avec ferveur les médias sociaux.
Nous discuterons de cela en détail demain.
J’aime beaucoup ses gazouillis intéressants et parfois très francs.
Je me souviens d’un exemple en particulier, qui remonte à quelques mois, quand l’Europe avait durci ses sanctions à l’égard de la Russie.
D’un ton pince-sans-rire, il avait fait remarquer à quel point il était étrange que le Bélarus, un pays enclavé, importe et exporte soudainement de grandes quantités de saumon.
Maintenant qu’il n’est plus soumis à la rectitude politique et à des obligations diplomatiques, je suis certain que ses gazouillis seront encore plus intéressants.
En définitive, cependant, Carl croit fermement en un Internet libre et transparent et à l’importance de veiller à ce que les citoyens du monde entier puissent faire entendre leurs voix, peu importe les intentions de leurs gouvernements.
Et c’est ce travail que j’aimerais souligner aujourd’hui.
Mesdames et Messieurs, c’est pour moi un privilège de remettre à Carl Bildt le prix John Diefenbaker pour la défense des droits de la personne et de la liberté.
Comme vous venez de le voir, ce prix récompense ceux qui ont fait preuve d’un courage et d’un leadership exceptionnels afin de défendre les droits de la personne et les libertés partout dans le monde.
Carl s’emploie à faire en sorte que les citoyens du monde entier soient en mesure de s’exprimer librement, à l’aide de propos tranchés et provocateurs s’ils le désirent, sans crainte de représailles.
C’est là le fondement de la liberté, le fondement de la démocratie et l’essence même de son travail important.
Je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter Carl.
Je vous remercie.
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