DATE ET HEURE :
Le 7 novembre 2013, 8 h
ENDROIT :
Hôtel InterContinental Toronto Centre, 225, rue Front Ouest, Toronto (Ontario)
SUJET :
Le ministre de l’Emploi et du Développement social et ministre du Multiculturalisme, Jason Kenney, prononce un discours liminaire lors de la conférence de 2013 de Ressources humaines, industrie électrique du Canada.
L’honorable Jason Kenney : Bonjour à tous et merci beaucoup. Ce n’est jamais facile d’être le premier conférencier du matin dans ce type de conférences. J’espère que tout le monde est réveillé et alerte. Ce week-end, j’ai assisté au congrès de mon parti – une expérience qui se rapproche de la torture par privation de sommeil, comme vous pouvez l’imaginer – et, depuis, nous avons été très occupés à Ottawa. Tout cela pour dire que j’espère être aussi alerte que vous.
Je vous remercie énormément de l’invitation et je remercie également mon ami Scott Monick (phonétique), qui m’a appris que cet événement avait lieu. Cela fait maintenant quatre mois et demi que j’assume les fonctions de ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada ou, comme j’aime dire, de « ministre des emplois ».
J’ai très hâte d’apprendre à connaître tous les secteurs clés de notre économie et de m’attaquer aux problèmes qui touchent la main‑d’œuvre parce que tous les gens que je rencontre depuis plusieurs années dans le milieu des employeurs, des entreprises, de l’industrie et des organismes me parlent du marché du travail, des pénuries de main‑d’œuvre et du déséquilibre des compétences, qui représentent selon eux les principaux problèmes de l’économie canadienne d’aujourd’hui mais également de demain.
Et le plus grand obstacle à notre croissance et à notre prospérité économiques à long terme est le déséquilibre des compétences. C’est pourquoi je crois qu’il est important d’impliquer des groupes comme le vôtre, car c’est à votre niveau que les choses se font vraiment sentir. Ressources humaines, industrie électrique du Canada, qui représente tous les grands employeurs du secteur, est certainement l’organisme le mieux placé, étant donné les pénuries auxquelles vous êtes confrontés, pour comprendre le problème du déséquilibre des compétences.
Le déséquilibre des compétences est un véritable paradoxe, s’il en est un, et je ferai tout en mon pouvoir pour le régler. La première chose que j’ai dite après que le premier ministre m’a nommé à ce poste est que je voulais m’attaquer au paradoxe de cette économie qui compte un trop grand nombre de chômeurs alors qu’il y a autant d’emplois vacants. C’est là le grand casse‑tête que nous devons résoudre à l’avenir.
Mais tout d’abord, parlons de choses positives. Je crois que le déséquilibre des compétences est probablement le genre de problème qu’on aime avoir. En effet, il est le reflet d’une économie solide et en pleine croissance. En fait, parmi les pays développés, le Canada se classe dans les meilleurs au chapitre de la création d’emplois. Notre pays a connu la récession la plus courte et la plus limitée de toutes les grandes économies développées pendant la crise économique mondiale de 2009. Depuis, nous affichons la meilleure croissance de la population active, avec la création de près de 1,1 million de nouveaux emplois en chiffres nets, en grande majorité des emplois à temps plein bien rémunérés dans le secteur privé.
Pour une sixième année consécutive, le Forum économique mondial désigne le Canada comme le pays ayant les institutions financières et le système financier les plus solides au monde. Selon le magazine Forbes, nous sommes aujourd’hui l’endroit par excellence dans le monde pour démarrer une nouvelle entreprise. Et le FMI soutient que le Canada a le régime d’imposition le plus bas pour les investissements dans les nouvelles entreprises et il s’attend à ce que nous figurions parmi les économies à la croissance la plus rapide du monde développé cette année et l’année prochaine.
La pauvreté est en baisse, et les impôts fédéraux sont à leur niveau le plus bas depuis 1964 en ce qui concerne la part qu’ils occupent dans notre produit intérieur brut. Nos déficits et nos dettes représentent l’une des plus faibles proportions du PIB parmi les pays développés, et nous sommes manifestement en bonne voie d’atteindre l’équilibre budgétaire au niveau fédéral d’ici 2015.
Avec des résultats de ce genre, il n’est pas surprenant que l’Organisation de coopération et de développement économiques – le club des principaux pays industrialisés – ait conclu que le Canada se classerait au premier rang des pays du G7 en ce qui concerne la croissance économique cette année.
L’avenir semble d’autant plus prometteur que nous continuons d’étendre nos marchés d’exportation et de commerce et notre diversité, ce qui est bien parce que, comme vous le savez, l’un des défis stratégiques que notre économie a eu à relever par le passé a été notre dépendance excessive envers le marché d’exportation américain. Cette dépendance excessive est précisément la raison pour laquelle notre gouvernement a déployé tant d’efforts à diversifier nos marchés commerciaux, à étendre nos marchés d’exportation et à comprendre l’avantage de réduire les coûts d’importation en imposant des tarifs douaniers plus bas.
C’est également la raison pour laquelle nous sommes si heureux que le premier ministre Harper ait signé, il y aura trois semaines demain, l’accord de principe pour l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. Il s’agit de l’accord commercial le plus important de toute l’histoire économique du Canada.
Il est vrai que, pour les premières années, le volume des échanges sera moins important qu’avec les États‑Unis. Mais en ce qui concerne la taille du marché, nous parlons d’environ 500 millions de personnes vivant dans des économies développées, avec un accès essentiellement libre de droits lorsque l’AECG sera ratifié. Cet accord permettra donc selon nous de créer au moins 80 000 nouveaux emplois à court terme et fera augmenter le revenu moyen des ménages de 1 000 $, ce qui entraînera une hausse de notre PIB d’environ 14 milliards de dollars.
Cela signifie que les prix des biens et services diminueront, que les traitements, salaires et autres et notre niveau de vie augmenteront, que les entreprises embaucheront plus de travailleurs et que les familles canadiennes auront plus de choix en matière de biens et services.
Cela signifie également qu’en plus de notre accès privilégié aux États‑Unis, nous aurons, dans les faits, un accès libre de droits aux marchés de pays développés totalisant plus de 800 millions de personnes. Cela fait de nous le seul pays au monde qui détiendra une position centrale aussi déterminante entre les deux plus grands marchés développés du monde. En passant, j’aimerais souligner que lorsque notre gouvernement a été élu, notre pays avait des accords commerciaux, des accords de libre‑échange, avec cinq pays : les États‑Unis, le Mexique et trois petits pays.
Avant l’AECG, nous avions signé 9 nouveaux accords. Aujourd’hui, avec ces 28 États membres que représente l’UE, cela porte à 42 le nombre de pays avec lesquels nous avons essentiellement un accès libre de droits. Je rectifie : mercredi dernier, nous avons signé l’accord de libre‑échange Canada‑Honduras; cela fait donc 43 pays. Vous comprenez ce que je veux dire. En tant que pays exportateur, nous continuons d’étendre nos horizons commerciaux.
Et nous avons tant d’autres forces fondamentales. Vous savez, nous avons la chance d’avoir une économie des plus diversifiées, allant des technologies de l’information à une main‑d’œuvre hautement qualifiée, en passant par les deuxièmes plus grandes réserves de pétrole du monde et des projets de développement des produits de base et des projets miniers de grande envergure partout dans le Nord du Canada. Tout cela signifie que nous avons besoin de plus de gens pour bâtir plus d’infrastructure. Nous avons besoin de nouveaux travailleurs pour renouveler l’ancienne infrastructure. En fait, soyons francs, avec les baby-boomers qui commencent à prendre leur retraite, nous avons besoin de plus de gens, point à la ligne.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons cherché, en réformant la politique d’immigration, à mieux harmoniser l’arrivée et la sélection des immigrants de la composante économique avec les besoins de notre marché du travail. Permettez‑moi d’aborder brièvement ce sujet. Sachez tout d’abord que pendant près de 40 ans, le Canada a laissé grandes ouvertes les portes de l’immigration. Nous avions les niveaux les plus élevés par personne du monde développé, et les niveaux absolus les plus élevés de notre histoire, puisque nous accueillions plus d’un quart de million de nouveaux arrivants chaque année. Mais pendant 40 ans, nous avons également vu une baisse graduelle des résultats économiques des immigrants au Canada. Leur situation n’est pas aussi bonne que celle du citoyen moyen au pays. Tant de nouveaux arrivants au pays se retrouvent confinés dans des emplois de survie et voient leurs compétences s’émousser, car ils n’arrivent pas à faire reconnaître leurs titres de compétences parce qu’ils ne possèdent pas d’expérience au Canada ou, dans certains cas, parce que leur expérience ne correspond pas aux normes professionnelles et spécialisées canadiennes.
C’est pourquoi nous estimons si important d’impliquer beaucoup plus les employeurs dans la sélection des immigrants de la composante économique qui viendront s’établir au Canada. Je n’entrerai pas dans les détails parce qu’il y a beaucoup de sujets que je souhaite aborder aujourd’hui, mais je serais ravi de répondre à vos questions sur la manière dont l’industrie électrique peut tirer profit des retombées de notre nouveau système d’immigration rapide, flexible et étroitement lié au marché du travail qui sera entièrement mis en œuvre d’ici la fin de 2014.
Nous nous devons de tirer parti de tout cela, des perspectives prometteuses rattachées aux nombreux avantages naturels de l’économie canadienne. Mais pour cela, nous avons besoin de gens qui possèdent les bonnes compétences. Soyons honnêtes. Les renseignements que nous avons à ce sujet sont contradictoires. Comme vous le savez sans doute, et comme vous le lisez couramment dans les journaux, j’imagine, les données globales sur le marché du travail publiées par Statistique Canada et scrutées à la loupe par les économistes nous disent que le déséquilibre des compétences est une notion inventée de toutes pièces. Il n’y a aucune pénurie de compétences. Et il n’y a sûrement pas, non, une pénurie généralisée de main-d’œuvre.
Si vous regardez le ratio entre le nombre d’entreprises qui cherchent des employés et le nombre de Canadiens au chômage, l’écart est, dans les faits, assez important. Le rapport entre le nombre de Canadiens au chômage et le nombre de personnes qui occupent un emploi selon l’Indice de l’offre d’emploi est d’environ six pour un, ce qui n’est pas vraiment indicateur d’un marché du travail en pénurie.
Bien entendu, si on creuse un peu, on voit des taux élevés et inacceptables de chômage dans certaines cohortes de notre population. Ici même, dans la région du Grand Toronto, saviez‑vous que plus de 20 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans se disent au chômage et que ceux qui sont à la recherche d’un emploi n’arrivent pas à en trouver un? C’est sans compter les régions géographiques du Canada qui affichent en permanence des taux de chômage à deux chiffres qui sont deux fois plus élevés que la moyenne nationale; c’est le cas aussi des Autochtones canadiens, qui sont confrontés à des taux de chômage élevés inacceptables.
De plus, les données globales nous disent que les salaires n’ont pas vraiment augmenté à un niveau auquel on pourrait s’attendre si nous faisions réellement face à des pénuries généralisées de main‑d’œuvre. En général, les salaires, en cette période d’après‑récession, ont à peine suivi l’inflation.
Mes amis du mouvement syndical vous diront sans doute, tout comme certains économistes ont l’habitude de le faire, que ces données semblent indiquer une grande flexibilité de notre marché du travail, plutôt qu’une pénurie de main-d’œuvre; que si les entreprises étaient véritablement confrontées à une pénurie de main-d’œuvre ou de compétences, nous verrions des augmentations salariales beaucoup plus importantes. Ce serait là la réaction logique du marché du travail devant une pénurie.
Tout d’abord, je ne rejette pas ces données. Elles sont réelles. Je dirai toutefois que la réalité est un peu plus complexe et un peu plus nuancée. Tous les employeurs que je rencontre sans exception, peu importe où je me trouve au pays, me disent que le problème le plus difficile qu’ils doivent surmonter aujourd’hui est le déséquilibre des compétences. Les exploitants d’usines de transformation du poisson dans l’Atlantique, les promoteurs de l’exploitation des sables bitumineux de la région de l’Athabasca en Alberta, les employeurs du secteur des TI du corridor Kitchener‑Waterloo, même à la suite des récentes mises à pied chez BlackBerry, ou les fabricants de pièces automobiles comme Linamar, tous me disent la même chose. Tous les conseils sectoriels, toutes les entreprises et toutes les organisations industrielles ont indiqué que le déséquilibre des compétences figure certainement parmi les problèmes les plus importants qu’ils doivent gérer, s’il n’est pas le plus important.
Donc, que se passe‑t‑il réellement? Est‑ce une invention fabriquée de toutes pièces par toutes les associations d’entreprises, les conseils sectoriels et les employeurs? Ont‑ils tous conspiré pour créer une fable sur les pénuries de main-d’œuvre et de compétences dans le but, comme le laisserait entendre le comité de rédaction du Toronto Star, de se donner une raison pour maintenir les salaires au plus bas et sous‑payer les Canadiens et d’avoir accès à une main-d’œuvre provenant de l’étranger plus facile à exploiter? Non.
Je crois que cette histoire de complot est ridicule. La vérité est la suivante : le bon sens nous dit que nous amorçons l’important tournant démographique dont nous parlons depuis vingt ans. Les baby-boomers commencent à prendre leur retraite, alors que notre taux de natalité se situe en dessous du seuil de remplacement depuis maintenant trois décennies.
Il faut être réaliste, l’immigration ne peut à elle seule combler cet écart démographique. Si nous voulions tout juste maintenir l’âge moyen actuel de la population canadienne, il nous faudrait quadrupler les niveaux actuels d’immigration et accueillir plus d’un million d’immigrants par année, ce qui est impossible dans la pratique.
Pour reprendre ma question de tout à l’heure, que se passe‑t‑il réellement? En fait, c’est assez simple. Nous sommes en situation de demande sur le marché du travail canadien, ce qui est nouveau. Oui, nous connaîtrons sous peu, à mesure que les baby-boomers partent à la retraite, des pénuries généralisées de main‑d’œuvre. Mais pour l’heure, il m’apparaît clair, d’après tout ce que je lis et à la lumière de toutes les conversations que j’ai eues à ce jour, que nous connaissons aujourd’hui des pénuries de compétences très problématiques, en particulier dans certains secteurs et dans certaines régions. Le problème, c’est que nos données d’ensemble rétrospectives sur le marché du travail ne reflètent pas ces problèmes plus spécifiques et isolés touchant des secteurs comme le secteur de l’électricité.
À la lumière de ces faits, j’aimerais essayer de susciter, dans la mesure de mes moyens, une discussion sérieuse et éclairée d’ampleur nationale à ce sujet. Parce que nous ne pouvons nous permettre de passer à côté. Et vous savez quoi? Nous devons mettre fin à ce que j’appelle ces « monologues parallèles » que nous tenons sur la question avec certaines personnes du mouvement syndical, certains économistes du milieu universitaire, certains médias et politiciens qui nous disent qu’il n’y a pas de pénurie de compétences, que tout cela relève de la fiction, tandis que le milieu des affaires s’entend pour dire qu’il s’agit du principal problème qu’il rencontre, sans qu’il y ait de compromis de part et d’autre.
Demain, je dois rencontrer mes collègues des gouvernements provinciaux et territoriaux dans le cadre de ce qu’on appelle le Forum des ministres du marché du travail. Fait étonnant, ce sera la première rencontre de ce groupe en quatre ans. Mon intention est de profiter de l’occasion pour les convaincre d’aborder cet enjeu dans une optique de collaboration. J’aimerais organiser une conférence nationale au début de la prochaine année qui réunirait tous les principaux intervenants afin que nous approfondissions le sujet et nous nous entendions en quelque sorte sur les pénuries de compétences que vivent nos industries.
Maintenant, laissez-moi vous parler de ce que certaines associations d’entreprises, y compris la vôtre, m’ont dit. Le secteur de la construction soutient que nous aurons besoin de 319 000 nouveaux travailleurs avant la fin de la décennie. Le secteur minier soutient que nous aurons besoin de 145 000 travailleurs dans ce secteur d’ici 2020. Le secteur pétrolier estime que la pénurie de travailleurs se chiffrera à 130 000 d’ici 2020, et nous parlons ici d’emplois très bien rémunérés.
Le secteur des chaînes d’approvisionnement soutient qu’il lui manquera 360 000 travailleurs d’ici la fin de la décennie. L’Association des collèges communautaires du Canada affirme que les employeurs, d’ici 10 ans, ne seront pas en mesure de trouver des candidats qualifiés pour occuper un million et demi d’emplois vacants. Compétences Canada soutient que nous aurons besoin, d’ici 2020, d’un million de travailleurs spécialisés qui ne sont pas encore en formation.
Le Conference Board du Canada a publié un rapport dans lequel il soutient que la province de l’Ontario, à elle seule, perd 24,3 milliards de dollars en activité économique parce que les employeurs n’arrivent pas à trouver de travailleurs possédant les compétences dont ils ont besoin. La Chambre de commerce du Canada désigne les pénuries de compétences comme l’un des 10 principaux obstacles à la compétitivité, et son étude révèle qu’un tiers des propriétaires de PME ont mentionné que les pénuries de compétences comptent parmi les facteurs qui limitent leur croissance. Je crois que ces chiffres sont éloquents.
Le secteur de l’électricité rencontre évidemment des difficultés similaires. Selon l’Office national de l’énergie, la capacité totale de production d’électricité devrait augmenter de 27 % d’ici 2035. Avec un investissement prévu de près de 300 milliards de dollars dans les infrastructures électriques au cours des 20 prochaines années, votre secteur s’apprête à connaître une croissance fulgurante.
Seulement, à l’aube de cette profonde mutation, vous connaissez des pénuries de compétences sans précédent. D’après vos projections, je comprends que l’industrie électrique aura besoin de 45 000 nouveaux travailleurs qualifiés au cours des cinq prochaines années. Cela donne une moyenne de 9 000 nouveaux travailleurs dans ce secteur chaque année. Malheureusement, plus notre population vieillira, plus les baby-boomers partiront à la retraite, plus ces pénuries s’aggraveront.
Récemment, je prenais connaissance de certaines données pour la région d’Ottawa seulement au sujet des baby-boomers qui atteignent maintenant l’âge de la retraite et qui sont sur le point de quitter la population active en grand nombre. Ressources humaines, industrie électrique Canada a évalué que 40 % de la population active actuelle du secteur électrique, soit 45 000 travailleurs, partira à la retraite entre 2011 et 2016. Le Conference Board du Canada estime que le renouvellement des infrastructures électriques du Canada nécessitera 156 000 travailleurs au cours des 20 prochaines années.
Ces conditions sont en train de créer les pénuries de compétences et les problèmes les plus sérieux sur le marché du travail que votre industrie ait jamais connus. Il n’est pas seulement question de données et d’estimations ici. J’ai parlé à des entrepreneurs‑électriciens et à des entreprises et fabricants importants du domaine de la construction, et tous conviennent comme moi que votre secteur sera l’un des secteurs les plus durement touchés par les pénuries.
Je me trouvais récemment à l’une des usines d’Irving de la côte Est, la grosse usine de pâtes et papiers de Saint John au Nouveau‑Brunswick, où on me disait que la pénurie la plus grave touche les ingénieurs spécialisés en force motrice, au point où on se trouve, en somme, dans un marché de vendeurs, c’est‑à‑dire que les employeurs paieraient pratiquement ce qu’il faut pour faire entrer des travailleurs possédant ces compétences dans leur usine.
Beaucoup de raisons expliquent cette situation. L’une d’elles est, bien entendu, le tournant démographique inévitable dont je viens de vous parler. Mais une autre raison est le fait que ces compétences spécialisées et pratiques ont été – et cela n’a rien à voir avec le départ à la retraite des baby-boomers – ces 30 ou 40 dernières années de plus en plus marginalisées par le système d’éducation, tant au niveau secondaire que postsecondaire. Pourtant, ces compétences sont essentielles pour bâtir une économie développée et prospère à long terme.
Chaque année, nous nous rapprochons davantage du moment où la moitié de tous les gens de métier seront âgés de plus de 45 ans. Cette étape a déjà été franchie pour les électriciens industriels, avec un taux de 52,3 %. Les pénuries de travailleurs des métiers spécialisés sont aggravées par le vieillissement de notre population, et trouver de nouveaux travailleurs plus jeunes pour les remplacer est le défi de taille qui nous attend.
Vous savez de quoi je parle. Les jeunes Canadiens qui optent pour une carrière dans un métier spécialisé ne sont pas suffisamment nombreux, loin de là. D’après le Forum canadien sur l’apprentissage et Compétences Canada, seulement 32 % des étudiants du secondaire ont indiqué qu’ils envisageraient une carrière dans un métier spécialisé, ce qui signifie qu’une plus petite proportion le fera réellement.
Pourtant, les emplois dans les métiers spécialisés figurent parmi les emplois les mieux payés de notre économie. Par exemple, un compagnon électricien en Alberta gagne un salaire horaire approximatif, d’après ce que j’ai compris, de 44 $. Un compagnon soudeur au Nouveau‑Brunswick gagne environ 32 $ de l’heure, tandis qu’un compagnon charpentier gagne approximativement 25 $ de l’heure en Colombie‑Britannique.
En ce qui concerne la formation en apprentissage, au Canada, l’âge moyen d’entrée est relativement élevé, à 25 ans. Il n’y a plus de jeunes de 18 ans de nos jours, puisque, comme vous le savez, un grand nombre d’entre eux ont poursuivi leurs études et obtenu leur diplôme. Ils ont fait ce qu’on leur disait de faire et ont découvert que ce choix les avait menés au chômage ou à servir des cafés au lait. (Rires)
Que faut‑il comprendre de tout cela? Que plusieurs étudiants de niveau secondaire ne voient pas la formation en apprentissage comme le meilleur moyen d’entrer sur le marché du travail. Il y a 40 ans, la plupart des écoles secondaires offraient des programmes de formation professionnelle. Il y avait des professeurs d’enseignement technique. Puis, les syndicats qui représentaient les enseignants sont allés voir les gouvernements provinciaux et ont insisté pour que chaque enseignant au niveau secondaire possède un diplôme collégial en enseignement. Et devinez quoi? Un mécanicien de l’atelier local n’ira fort probablement pas passer deux ans au collège pour pouvoir donner un cours technique pendant quelques heures dans une école secondaire.
Nous les avons poussés hors des écoles et avons, dans la foulée, envoyé toutes sortes de messages. Vous savez, l’une des choses qui me préoccupent est celle‑ci : les élites qui élaborent les politiques, les bureaucrates des niveaux supérieurs et les politiciens, vous savez, ont suivi en grande majorité une formation universitaire traditionnelle. Et, que nous en soyons conscients ou non, nous avons depuis environ 40 ans un parti pris acquis et implicite dans ce sens lorsque nous prenons des décisions, affectons nos rares ressources dans notre système d’éducation.
Cela explique l’énorme appareil universitaire et les subventions démesurées pour l’éducation postsecondaire qui sont la norme de nos jours. Mais cela s’est fait au prix d’une réduction considérable dans l’affectation relative des ressources publiques aux collèges d’enseignement technique et professionnel. Voilà pourquoi nous assistons aujourd’hui, dans les écoles secondaires, à une quasi-disparition de la formation technique.
Les recherches réalisées à l’Université York dans les années 1990 – je suis conscient que ces recherches datent un peu – ont révélé que le nombre de cours techniques individuels suivis par les étudiants de niveau secondaire dans cette province est passé de près d’un demi‑million en 1973 à un quart de million en 1996, soit une baisse de 50 % sur 25 ans. Je n’ai pas trouvé de données plus récentes, mais je ne serais pas surpris que les chiffres soient encore plus bas.
Les diplômes d’études professionnelles remis au Québec sont passés de 17 000 en 1976 à 5 000 en 1992. De nos jours, et retenez bien ceci, moins de 1 % des étudiants dans les écoles secondaires sont inscrits dans des programmes professionnels. Ces diminutions lourdes de conséquences se font sentir aujourd’hui.
À la lumière de tout cela, je crois que nous devons, pour utiliser un cliché, changer le paradigme. Nous devons nous ouvrir à de nouvelles perspectives. Nous avons besoin de changer radicalement notre approche de l’éducation, de la formation et du développement des compétences.
Prenons par exemple le système de formation allemand à deux volets, que l’on appelle le Mittelstand. Aujourd’hui, en Allemagne, les jeunes qui font des études postsecondaires sont deux fois moins nombreux qu’au Canada. Deux fois moins de jeunes Allemands vont à l’université comparativement aux jeunes Canadiens. La différence, c’est que nous avons un taux de chômage de 13 % chez nos jeunes, alors que le leur se chiffre à 5 %. Nous avons donc deux fois plus de jeunes qui vont à l’université et près de trois fois plus de jeunes qui sont sans emploi.
Y voyez-vous un lien de cause à effet? Probablement pas. Mais pourquoi cet écart? La différence, bien sûr, c’est leur système de formation à deux volets, le Mittelstand, qui implique les syndicats, les employeurs, les enseignants, l’État et le gouvernement fédéral et qui encourage activement les jeunes au premier cycle du secondaire à apprendre un métier spécialisé et à acquérir les compétences nécessaires, aux frais des employeurs.
Les jeunes apprennent parce qu’ils sont réceptifs aux encouragements et qu’ils sont en formation. Dès l’école secondaire, ils ont la possibilité de suivre une formation pratique en cours d’emploi à raison de deux ou trois jours par semaine et de perfectionner leurs compétences tout en poursuivant leur programme d’études. Par conséquent, les employeurs comprennent qu’ils ont une responsabilité sociale et qu’ils doivent faire cet investissement à long terme. Les syndicats se montrent très favorables à cette façon de faire. Et les éducateurs se rendent compte que c’est exactement ce dont les jeunes ont besoin.
Ce qu’il faut, c’est offrir le choix. C’est la clé. Le but n’est pas que chaque enfant devienne électricien ou que chaque enfant étudie, comme moi, la philosophie. Surtout pas. (Rires) En fait, je suis l’exemple typique de l’échec de l’enseignement postsecondaire. Là où je veux en venir, c’est que les jeunes ont des aptitudes différentes et que nous devrions leur présenter un éventail d’options professionnelles et valoriser ou revaloriser, vous savez, la noblesse du travail de base, des métiers spécialisés, revaloriser ceux qui créent des choses, qui travaillent de leurs mains.
Nous devons cesser d’envoyer tous ces messages culturels et sociaux aux jeunes leur disant que s’ils ne possèdent pas de baccalauréat, ils ne réalisent pas leur plein potentiel. Évidemment, ce ne sera pas facile, cela relèvera même du tour de force. C’est pourquoi demain, lorsque je rencontrerai mes homologues provinciaux, je vais leur demander de m’accompagner au cours d’une mission en Allemagne et, peut‑être, au Royaume-Uni, car je veux que nous nous éloignions, vous savez, de tous les groupes d’intérêt, de tout ce protectionnisme syndical, de toutes les politicailleries qui mettent un frein au développement des compétences au Canada.
Je veux les éloigner de tout cela pendant quelques jours et leur faire voir comment un système à l’opposé du nôtre produit des résultats considérablement meilleurs. Je veux qu’ils pensent différemment, qu’ils s’ouvrent à une collaboration beaucoup plus grande, à un développement des compétences libéré des contraintes.
Évidemment, il reste beaucoup à faire. Mais j’aimerais vous parler de certaines initiatives que nous menons au niveau fédéral. Nous investissons dans le développement des compétences des Canadiens en offrant des subventions, des crédits d’impôt et un soutien pour les programmes de formation. En fait, l’ampleur de nos investissements dans la formation est tout simplement phénoménale. Plus de 1,6 milliard de dollars sur cinq ans sont versés dans le cadre de la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et 200 millions de dollars dans le cadre du Fonds pour les compétences et les partenariats avec les Premières Nations, sans oublier 100 millions de dollars sur quatre ans dans le cadre du Fonds pour l’emploi des Premières Nations.
J’ai mentionné ces initiatives en premier parce que je crois qu’elles ciblent l’un des plus gros problèmes et l’une des plus grandes occasions à saisir dans notre pays aujourd’hui. Selon moi, il s’agit du problème social le plus important que nous devons régler. Je suis conscient que vous ne le voyez pas ici, au centre‑ville de Toronto, mais si vous viviez dans d’autres régions de ce pays, vous comprendriez ce dont je parle. Il s’agit des importants problèmes sociaux et économiques endémiques auxquels sont confrontées nos communautés autochtones des Premières Nations. Parallèlement à ces problèmes, nous avons notre principal défi économique, soit les pénuries de main-d’œuvre et de compétences.
Sachant cela, ne serait‑il pas fantastique, en principe, de lier les deux en offrant des programmes d’enseignement et de formation aux jeunes Autochtones canadiens afin qu’ils puissent obtenir un emploi bien rémunéré? C’est dans cette optique que nous consacrons tant d’efforts à ces initiatives. Nous investissons également plus de 200 millions de dollars chaque année dans des ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées. Tant de Canadiens handicapés veulent travailler et ont seulement besoin d’une formation spécialisée pour le faire.
N’oublions pas le demi-milliard de dollars par an versé dans le cadre des ententes sur le marché du travail. C’est d’ailleurs un sujet que j’entends aborder demain avec mes homologues provinciaux. Nous investissons également deux milliards de dollars par année dans le développement des compétences dans le cadre d’ententes sur le développement du marché du travail. Ce financement est destiné aux personnes qui ont récemment reçu des prestations d’assurance‑emploi ou qui en reçoivent.
Nous avons également des programmes comme l’Initiative ciblée pour les travailleurs âgés. Nous offrons aussi un soutien. En passant, à ce sujet, comme vous le savez, je crois que l’une des choses qui nous sauvent un peu actuellement est que certains baby‑boomers restent dans la population active, sur le marché du travail, un peu plus longtemps que ce que l’on avait anticipé au départ, et l’une des façons de les encourager à continuer de travailler est de leur offrir une bonification de salaire.
Je sais que dans plusieurs secteurs, comme le vôtre, cette bonification est chose courante, car une chose est sûre : en augmentant les salaires, on encourage plus de travailleurs âgés à demeurer dans la population active.
Nous offrons également un soutien par l’entremise de la Subvention incitative aux apprentis, de la Subvention à l’achèvement de la formation d’apprenti et du crédit d’impôt pour la création d’emplois d’apprentis. Aucune de ces initiatives n’existait il y a quelques années. La formation en apprentissage dans l’un des métiers désignés par le programme du Sceau rouge peut, à l’heure actuelle, faire l’objet d’un financement allant jusqu’à 4 000 $ lorsque l’on combine les deux subventions. Ce financement peut aider ceux qui en bénéficient à terminer leur formation et à entreprendre une carrière valorisante.
En date d’aujourd’hui, nous avons versé plus de 430 000 subventions aux apprentis canadiens, mais notre travail ne s’arrête pas là. La déduction des coûts pour l’achat d’outils aide les gens de métier à couvrir les coûts de l’achat de nouveaux outils nécessaires pour leur emploi. Le crédit d’impôt pour la création d’emplois d’apprentis encourage les employeurs à embaucher des apprentis dans les métiers désignés Sceau rouge.
Nous avons également intégré les frais d’examen professionnel dans les frais admissibles pour le crédit d’impôt pour frais de scolarité. Tout cela pour dire que nous travaillons sans relâche, avec une intention bien précise en tête : attirer plus de jeunes dans les programmes d’apprentissage, dans les métiers.
Chaque année, quelque 25 000 apprentis qui terminent leur formation reçoivent la Subvention à l’achèvement de la formation d’apprenti et deviennent des compagnons certifiés dans un métier désigné Sceau rouge. L’année dernière, notre gouvernement a commencé à soutenir le programme Du régiment aux bâtiments, une autre approche qui a vraiment sa place, si vous me demandez mon avis. Ce programme aide les anciens combattants des Forces canadiennes et les réservistes à poursuivre une carrière dans le secteur de la construction. Tout le monde y gagne. Et je sais tout comme vous que, dans les Forces canadiennes, il y a beaucoup d’électriciens et de gens de métier de toutes sortes qui sont très qualifiés.
Notre gouvernement entend fermement continuer d’investir dans les programmes d’apprentissage et l’acquisition de compétences. Il en a une fois de plus fait la preuve dans le budget de cette année, par exemple en annonçant un nouvel objectif, celui d’encourager tous les entrepreneurs qui travaillent sur des sites du gouvernement fédéral à embaucher des apprentis. Je vais vous raconter comment nous en sommes venus à faire cette annonce. L’année dernière, je suis allée dans le Nord de l’Ontario pour rencontrer des entreprises du secteur de la construction qui se plaignaient de la pénurie de compétences. Je leur ai demandé ce qui se passait du côté des apprentis. Elles m’ont répondu que certaines grandes entreprises minières exigeaient, dans leurs contrats, qu’aucun apprenti ne soit sur les lieux de travail, seulement des compagnons possédant leurs cartes de qualification, parce qu’elles exigent la meilleure efficacité possible, soutenant que le processus de formation entraîne une perte de temps.
Quel manque de vision! Je suis donc revenu à Ottawa et j’ai raconté ce que j’avais entendu. Nous avons alors décidé que nous pourrions à tout le moins prêcher par l’exemple en exigeant des employeurs qui travaillent sur les sites de travail fédéraux qu’ils déploient tous les efforts raisonnables pour embaucher des apprentis.
Nous avons également ce que l’on appelle la Stratégie emploi jeunesse, qui offre un soutien dans le cadre du programme canadien de prêts et bourses aux étudiants. Nous fournissons également aux jeunes plus d’information sur les carrières et sur les perspectives associées à diverses professions.
Par exemple, mon ministère est sur le point de lancer une plate-forme très conviviale dans les médias sociaux grâce à laquelle, par exemple, les jeunes, vous savez, qui sont au secondaire pourront faire une recherche sur le baccalauréat en sciences politiques et le cours d’électricien en Ontario, comparer les résultats et constater qu’ils pourraient gagner trois fois plus en tant qu’électricien qu’en tant que politicologue. Parce qu’il faut se rendre à l’évidence, nous avons besoin de moins de politicologues et de plus d’électriciens.
C’est un moyen de leur donner un portrait juste du marché du travail. Car je crois que les conseillers en orientation du secondaire ne leur disent pas ce genre de choses. Il faut donc leur communiquer l’information directement.
Un autre dossier sur lequel nous devons travailler plus fort, dans lequel nous investissons beaucoup d’efforts, est le raccourcissement du processus de reconnaissance des titres de compétences des professionnels et des gens de métier formés à l’étranger. Oh, et en passant, je pourrais vous parler longuement de l’une des réformes en matière d’immigration que nous avons mises sur pied : le Programme des métiers spécialisés. Depuis le début des années 1970, avec l’entrée en vigueur du système de points, toute personne qui voulait venir s’établir au Canada en tant qu’immigrant de la composante économique devait posséder un diplôme universitaire.
À dire vrai, il importait peu que le diplôme de niveau postsecondaire soit pertinent ou soit de qualité équivalente à un diplôme canadien, ce qui explique sans doute pourquoi nous avons tant d’ingénieurs qui conduisent des taxis. Mais rappelez‑vous ce qu’il en était avant le début des années 1970. Rappelez‑vous l’immigrant canadien typique de la composante économique pendant la période d’après‑guerre, dans les années 1950 et 1960 : l’immigrant typique, comme ici, à Toronto, était un ouvrier qualifié provenant de l’Europe.
Puis, dans les années 1970, qu’avons‑nous fait? Nous avons décidé que nous n’accepterions que les professionnels qui possédaient un diplôme universitaire. Devinez quoi? Les professionnels qui possèdent un diplôme universitaire en Europe avaient déjà un niveau de vie élevé. Ils n’avaient pas vraiment de raison d’immigrer. Pendant ce temps‑là, des gens originaires de pays développés et possédant des diplômes professionnels se voyaient refuser la chance d’améliorer leur niveau de vie en venant s’établir au Canada.
Donc, quelle erreur avons-nous commise? Nous avons décidé d’empêcher les gens de métier d’entrer au pays par voie légale. Je sais qu’il y a de nombreux immigrants illégaux ici, à Toronto, mais c’est un autre problème. Tout cela pour dire que c’est la raison pour laquelle l’année dernière, j’ai mis sur pied le nouveau Programme des métiers spécialisés, qui a accueilli son tout premier nouveau résident permanent du Canada en juin dernier. Il s’agit d’un jeune Irlandais de 27 ans très brillant qui est compagnon électricien certifié; il travaille à Calgary et il gagne 50 $ l’heure. Vous ne trouverez pas de jeune homme plus heureux.
Je m’adresse donc aujourd’hui à vous tous, employeurs. Il vous est maintenant possible de recruter des gens de métier à l’étranger, comme des électriciens, et de les faire venir ici, au pays, dans le cadre du nouveau Programme des métiers spécialisés. Si vous habitez ailleurs qu’en Ontario et au Québec, vous pouvez également le faire par l’entremise des programmes de candidats provinciaux.
Le Québec évidemment a son propre programme d’immigration. Et l’Ontario a décidé effectivement de ne pas participer à un programme de candidats provincial.
Cela dit, nous pourrions faire encore tellement plus. Au sujet de la Subvention canadienne pour l’emploi, vous savez, l’une des choses qui me frustrent est le fait que les employeurs au Canada consacrent beaucoup moins de temps en moyenne que ceux des pays membres de l’OCDE au développement des compétences. La situation au Canada est la suivante : les employeurs n’investissent pas suffisamment dans le développement des compétences, tandis que les gouvernements y investissent plus que pratiquement tous les autres pays développés au monde.
Cela signifie que nous avons les investissements publics dans la formation les plus élevés et les investissements privés les moins élevés au monde. De plus, une grande portion de ces dépenses publiques dans la formation pratique ne fait que contribuer au processus sans fin de la formation qui ne mène à rien. Par exemple, mon ministère transfère aux provinces un demi‑milliard de dollars chaque année par l’entremise de ce que l’on appelle les ententes sur le marché du travail, afin de former des gens qui n’ont pas travaillé depuis six ans, des gens qui, pour citer les économistes, ont de « faibles liens » avec le marché du travail. (Rires)
Oui, mais encore? Je sais ce que certains diraient. Une grande proportion de ces sommes va à des gens qui touchent de façon régulière des prestations d’aide sociale. Ce sont les provinces qui ont mis en place ces programmes d’emploi pour les prestataires d’aide sociale, ces programmes de formation obligatoires pour toucher des prestations. Et c’est très bien. Mais, dans les faits, une proportion importante de ces sommes, vous savez, est consacrée année après année à enseigner à une personne qui touche des prestations d’aide sociale des aptitudes de la vie courante, comme régler son réveille‑matin, s’habiller pour une entrevue, rédiger un CV, vous savez, des compétences d’alphabétisation de base, puis cette personne revient l’année suivante, coche une case et recommence à toucher des prestations d’aide sociale.
Je veux dire, je sais qu’il existe beaucoup de programmes utiles. Je ne voudrais surtout pas être injuste. Les provinces ont mis en place de très bons programmes, et certaines provinces ont davantage impliqué les employeurs, mais il reste qu’une portion importante de cet argent est perdu, car il est investi dans des gens qui, il faut regarder la vérité en face, ne veulent tout simplement pas travailler. Et Dieu les bénisse, nous voudrions que ces gens fassent partie de la population active, nous voudrions leur donner des compétences de vie fondamentales, mais, pour l’heure, je veux me concentrer sur la manière de rentabiliser au maximum chaque dollar des contribuables et de dépenser chaque dollar consacré à la formation de sorte que cette formation mène à des emplois véritables pour ceux qui la suivront et que les pénuries de compétences soient comblées.
Si nous parlions maintenant de ce qui se passe ici, dans le Sud de l’Ontario? 350 000 emplois dans le secteur manufacturier ont été perdus au cours de la dernière décennie seulement. Malgré cela, le président de Linamar me dit qu’il cherche désespérément des machinistes et qu’il aura recours à notre nouveau programme d’immigration, le Programme des métiers spécialisés, pour faire venir des machinistes d’Allemagne, ce qui me pousse à me demander où peuvent bien se trouver les 300 000 travailleurs du secteur manufacturier qui sont au chômage.
Qu’est‑ce qui ne va pas dans notre système pour que nous n’offrions pas à un travailleur âgé de 45 ans qui a perdu son emploi comme ouvrier dans une usine la formation complémentaire dont il a besoin pour obtenir cet emploi bien rémunéré de machiniste chez Linamar? C’est le même milieu. J’ai donc dit aux provinces ce qui suit : si vous voulez enseigner à cet homme pour la septième fois comment rédiger un CV pour qu’il puisse continuer de toucher des prestations d’aide sociale, faites‑le avec votre propre argent. Nous, nous voulons donner aux employeurs, grâce à un programme appelé la Subvention canadienne pour l’emploi, les moyens de choisir des personnes qui posséderont, selon eux, les aptitudes nécessaires pour réaliser le travail une fois qu’elles auront reçu la formation complémentaire dont elles ont besoin.
Ce que nous disons, c’est que nous verserons une somme équivalant à l’investissement de l’employeur dans ce programme de formation tant et aussi longtemps que l’employeur, comme dans le système allemand, s’engagera à embaucher la personne à la fin de sa formation. Nous invitons les provinces à investir le tiers de l’investissement dans ce programme de contributions équivalentes pour subventionner la formation.
Voilà. Vous avez maintenant un portrait juste. Vos membres et vos employeurs sont mieux placés, par exemple, que les hauts dirigeants du gouvernement pour savoir qui possède les aptitudes nécessaires pour devenir électricien sur un lieu de travail, pour suivre une formation d’apprenti. Vous savez précisément quel programme de formation permettra à ces personnes d’acquérir des compétences utiles. C’est pourquoi nous estimons qu’il vous appartient de nommer cette personne, de choisir le programme de formation. De notre côté, nous vous aiderons à couvrir les frais.
L’un des avantages de cette approche, de la Subvention canadienne pour l’emploi, est qu’elle incitera le secteur privé à investir davantage dans le développement des compétences. Je tiens donc à remercier l’Association canadienne de l’électricité d’avoir appuyé le gouvernement dans la mise sur pied de la Subvention canadienne pour l’emploi. Je vais certainement en discuter avec mes collègues demain.
Je dépasse de beaucoup le temps qui m’est alloué. M’en voudrez‑vous si j’aborde quelques points supplémentaires? Je suis désolé, c’est juste que ces sujets me passionnent!
La réforme des systèmes d’apprentissage. Oui, la subvention pour l’emploi est une pièce importante du casse-tête, mais, je dois être honnête avec vous, il s’agit d’une pièce relativement petite. Un sujet tout aussi important, comme tout le monde dans cette pièce le sait, est l’apprentissage. Il s’agit d’un dossier qui relève presque entièrement des provinces, et elles doivent faire mieux, sinon elles risquent de nuire à notre potentiel économique.
Il existe, dans tout le Canada, 13 systèmes d’apprentissage différents qui sont malheureusement difficilement compatibles. Par exemple, les exigences en matière de formation et de certification varient selon les heures de travail, le programme technique et la durée du programme. Il y a également des disparités en ce qui touche la formation en classe et les évaluations.
Ces incompatibilités signifient que les apprentis qui souhaitent changer de province pour continuer ou terminer leur formation sont souvent incapables de le faire parce que les systèmes sont trop différents. Parallèlement, les employeurs qui souhaitent recruter de nouveaux apprentis à l’extérieur de la province rencontrent des obstacles similaires.
Beaucoup d’employeurs m’ont dit que l’une des règles les plus pénibles pour eux est de devoir employer un certain nombre de compagnons certifiés pour pouvoir embaucher un apprenti. Ces règles, qui fixent les ratios apprentis-compagnons, varient selon les provinces et les métiers.
Par exemple, les ratios apprentis-compagnons tendent à être plus élevés en Ontario et au Québec comparativement aux autres provinces et aux territoires. Ainsi, dans le secteur de la charpenterie au Québec, le ratio exigé est de cinq compagnons pour chaque apprenti. Par comparaison, l’Alberta et la Saskatchewan autorisent deux apprentis pour chaque compagnon. Ces ratios doivent absolument changer.
Walter Pamic, président du comité des relations entre les entrepreneurs et le gouvernement à l’Ontario Electrical League, a déclaré ce qui suit : « Ce type de règlement n’existe dans aucun autre secteur. Nous n’avons pas besoin de trois médecins pour former un interne. Nous n’avons pas besoin de trois enseignants pour un étudiant du secondaire ou de l’université. Quand on y pense, ces règles sont absurdes ». Je dois dire que je suis d’accord avec Walter.
Nous pouvons et devons en faire plus pour éliminer les obstacles inutiles dans notre système d’apprentissage, surtout avec la vague des départs à la retraite des compagnons hautement qualifiés plus âgés qui s’en vient. L’appareil actuel qui compte 13 systèmes différents crée un paysage inégal, et une harmonisation serait fortement souhaitable.
J’aimerais que vous réfléchissiez à ce que je vais vous raconter. J’ai rencontré un jeune apprenti électricien qui a suivi une grande partie de sa formation en Ontario, puis a entendu parler de perspectives d’emploi intéressantes dans l’Ouest. Souhaitant s’y établir, il a appris que ses heures n’étaient pas transférables et qu’il devrait reprendre sa formation du début. Où est la logique là‑dedans? Vous savez, cela nous mène en plein cœur du problème que représente le manque de mobilité de la main‑d’œuvre entre les provinces dans ce pays.
Notre Constitution nous dit que nous sommes censés être une union économique. Eh bien, faisons en sorte de le devenir. Les provinces s’étaient engagées, dans le cadre de l’Accord sur le commerce intérieur qui remonte à 15 ou 17 ans, à enlever, à éliminer ces obstacles à la mobilité de la main‑d’œuvre au Canada. Pourtant, certaines provinces, comme celle‑ci, s’apprêtent à en créer de nouveaux.
Chers amis, réfléchissez, mettons les choses en perspective un instant. Si vous êtes électricien au Portugal, vous pouvez déménager en Suède et, en principe, être autorisé à y travailler dès le lendemain. Si vous êtes médecin en Irlande, vous pouvez déménager en Pologne et y travailler le lendemain. Mais vous ne pouvez pas quitter l’Ontario pour le Québec et faire la même chose, dans bien des cas.
Oui, le programme du Sceau rouge permet une certaine reconnaissance réciproque entre les provinces participantes et les métiers désignés. Mais il existe toujours beaucoup d’entraves à ce genre de mobilité, et nous en payons tous le prix.
Enfin, les employeurs doivent en faire plus. Comme je l’ai déjà dit, les employeurs au Canada, d’une manière générale, n’investissent pas suffisamment dans le développement des compétences et cela traduit, selon moi, un manque de vision. Lorsque je discute avec des employeurs et que je leur demande pour quelle raison ils n’investissent pas plus dans les programmes de formation en apprentissage, par exemple, ils me répondent : « Vous savez, Jason, pour vous dire la vérité, dans ce marché du travail en pleine effervescence (disons en Alberta), si nous investissons dans un apprenti et qu’il reçoit une formation complète et obtient ses cartes, nous craignons qu’il soit embauché par une grande entreprise. » C’est une crainte qu’ont beaucoup de PME, n’est‑ce pas?
Eh bien, nous devons comprendre qu’il est dans l’intérêt de tous de développer notre bassin de travailleurs qualifiés, y compris les électriciens. Et que si tous les employeurs restent dans leur coin et font leur petite affaire, nous ne réglerons jamais le problème. C’est pourquoi je vous encourage, en tant qu’employeurs, à trouver des façons d’investir davantage.
Pour conclure, j’espère que vous avez pu constater avec quel sérieux nous abordons ce dossier. Nous comprenons parfaitement la situation. Nous comprenons les problèmes que vous avez. Peut‑être n’êtes‑vous pas d’accord avec toutes les solutions stratégiques que je propose. Il n’en demeure pas moins que nous devons changer notre façon de faire, sinon nous raterons de belles occasions. Nous sommes sur le point de devenir l’économie modèle du monde développé, avec nos grands projets d’exploitation des ressources, nos accords de libre‑échange, notre solide situation budgétaire, et notre population instruite.
Nous pouvons réaliser ce potentiel. Nous devons seulement travailler tous ensemble, dans la même direction. Je sais que nous pouvons y arriver avec l’industrie électrique du Canada. Merci beaucoup.
(Applaudissements.)