Discours à l’université de la Malaisie
Kuala Lumpur, Malaisie, le lundi 14 novembre 2011
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
Je vous remercie pour un si chaleureux accueil. Je suis ravi d’avoir l’occasion de visiter cet établissement historique et de mieux connaître votre vision d’avenir.
Permettez-moi tout d’abord de parler un peu de la diplomatie. Le Canada a été l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance de la Malaisie en 1957 et, depuis ce temps, nos peuples respectifs ont établi d’étroites relations dans de nombreuses sphères.
L’un de nos secteurs de coopération les plus importants est celui de l’enseignement supérieur, et c’est sur ce point que j’aimerais aujourd’hui axer mon propos. Depuis des années, les étudiants malaisiens et canadiens participent avec enthousiasme à des programmes d’échange et d’études à l’étranger. Voilà une excellente occasion pour nous, je dirais même une obligation, de renforcer ces liens aujourd’hui.
Et ce, non seulement entre nos deux pays, mais avec des institutions et des partenaires de partout dans le monde et de nos propres pays.
Nous devons pratiquer la diplomatie du savoir.
La diplomatie du savoir se pratique à plusieurs niveaux, soit local, régional, national et international, et lorsque nous parvenons à combiner parfaitement l’expertise, la créativité, la collaboration et la communication, il se passe alors des choses remarquables.
Apprendre est l’une de mes passions, et je suis convaincu que l’éducation a le pouvoir universel de changer nos vies pour le mieux. D’ailleurs, avant de devenir gouverneur général, j’ai passé la plus grande partie de ma vie à l’école, comme étudiant, puis comme éducateur, et, jusqu’à tout récemment et pendant près de 27 ans, comme vice-chancelier d’université. Peu de gens aujourd’hui nieraient le fait qu’une nation dont la population est très éduquée est une société civique et prospère et que, dans le monde interconnecté du 21e siècle, où nos liens sociaux, économiques et environnementaux sont si importants, aucune véritable éducation ne s’acquiert en vase clos.
La mondialisation et la révolution des communications qu’a entraînées Internet nous offrent l’occasion de concrétiser la promesse d’un apprentissage à l’échelle planétaire.
Évidemment, chacun de nous vit dans une collectivité qui nous nourrit et qui façonne notre caractère distinctif. C’est pourquoi je tiens à souligner la nécessité d’être conscients de nos besoins, de nos compétences et de nos buts locaux, et du rôle primordial que jouent les centres urbains dans notre monde en rapide évolution.
Les villes sont des plaques tournantes du savoir et des catalyseurs de créativité. En cette ère de mondialisation, il y a des centaines de millions de gens qui quittent les campagnes pour s’installer en milieu urbain. Comme l’écrivait le journaliste Doug Saunders, « La dernière migration humaine d’une ampleur aussi considérable a eu lieu en Europe et dans le Nouveau monde, au cours des 18e et 19e siècles, et a eu pour effet direct une réinvention totale de la pensée humaine, de la gouvernance, de la technologie et de la notion de bien-être social. »
Il faut donc porter une attention particulière à nos villes, des villes comme Kuala Lumpur, et au rôle critique que peut jouer l’université, cette université, dans l’édification d’un monde plus averti et plus bienveillant.
L’universitaire canadien George Fallis a fait orbserver un jour que « L’université a toujours appartenu au monde sans frontière des idées ». Or, la mondialisation du 21e siècle permet aux universités de se joindre à ce monde sans frontière comme jamais auparavant. En tant qu’étudiants, éducateurs et chefs de file, nous pouvons contribuer grandement à la création de ce monde en formation. Nous sommes à un tournant majeur de l’histoire humaine. Un changement d’une telle ampleur comporte de nouveaux risques, mais offre également de nouvelles possibilités. Notre succès repose sur notre capacité de penser et d’être des chefs de file créatifs dans un environnement planétaire qui évolue rapidement. Nous devons user de stratégie et travailler d’une manière collaborative pour planifier l’avenir à moyen et à long terme.
Sachant cela, comment devrions-nous procéder, mise à part la meilleure éducation possible à donner aux jeunes? Comme je l’ai mentionné, les universités peuvent et doivent donner l’exemple de la collaboration à tous les niveaux. Nous devons chercher à nous distinguer en développant et en mettant à profit nos forces et notre expertise locales, tout en recherchant constamment de nouveaux partenariats et de nouvelles occasions plus éloignées et même à l’échelle internationale.
Au Canada, des universités, des entreprises et des collectivités ont obtenu de remarquables succès de cette façon, c’est-à-dire en misant sur leurs propres racines et en adoptant une vision mondiale.
J’aimerais vous citer en exemple une ville canadienne de taille moyenne, Waterloo, où j’ai passé plusieurs années comme président de l’Université de Waterloo. Cette collectivité de quelques centaines de milliers d’habitants a su innover de bien des manières intéressantes.
Ainsi, c’est à Waterloo que se trouve la plus énorme faculté de mathématiques et de sciences informatiques au monde, avec plus de 6 000 étudiants participant à des partenariats coopératifs entre les secteurs éducatif et industriel. On y trouve également le Perimeter Institute for Theoretical Physics et l’Institute for Quantum Computing, deux instituts de recherche scientifiques qui seront des chefs de file du 21e siècle dans les domaines de la physique théorique et de l’informatique quantique, dernière grande frontière en traitement de l’information.
Au cours des quatre dernières décennies, l’être humain a réussi à sauvegarder un million fois plus d’information sur une puce à semi-conducteur. Toutefois, comme le veut la loi de Moore, nous avons besoin d’une nouvelle plateforme pour continuer de progresser d’une façon aussi phénoménale, et c’est l’informatique quantique qui nous en offre la possibilité.
Un autre exemple extraordinaire est celui du College of the North Atlantic de Terre-Neuve-et-Labrador et son partenariat avec un pays du Moyen-Orient, le Qatar. Ce collège, qui est devenu l’école technique la plus importante et offrant le programme le plus complet au Qatar, emploie plus de 600 Canadiens à son campus de Doha et accueille 7 000 élèves du monde entier. Le collège s’est taillé une place dans la remarquable « Cité de l’éducation » du Qatar, grâce à son engagement stratégique en faveur de l’innovation continue en recherche et en éducation et à sa collaboration exemplaire avec l’État du Qatar et des employeurs locaux. Au Qatar, les décideurs ont également été impressionnés par la souplesse du collège, par ses compétences pratiques et par sa volonté de collaborer, ainsi que par ses liens avec les collectivités locales.
Si je vous raconte ces histoires, ce n’est pas pour mettre indûment l’accent sur les grandes réussites du Canada, mais plutôt pour vous faire part de certaines expériences récentes à l’intersection de la mondialisation et de l’éducation. Ces exemples nous démontrent que, dans le monde actuel, les établissements d’enseignement avant-gardistes sont au premier plan de plusieurs frontières clés :
Comme je l’ai déjà dit, les universités doivent chercher à nouer des liens entre les entreprises locales, les groupes communautaires et les établissements d’enseignement. Bref, elles doivent pratiquer la diplomatie du savoir aux niveaux local et régional afin d’identifier les besoins et les buts spécifiques et trouver ensemble des solutions.
Pour faire cela efficacement, les universités doivent comprendre la dynamique de l’économie du savoir du 21e siècle, où l’éducation, la recherche et l’innovation sont valorisées davantage et s’entrecroisent plus que jamais. La meilleure façon d’accroître les connaissances, c’est de les partager le plus largement possible, d’où la nécessité de développer des groupements créatifs. J’aime souvent illustrer cela à l’aide de l’image de la bougie allumée, un dessin qui figure l’écu des armoiries qui m’ont été concédées lorsque je suis devenu gouverneur général. Comme l’a si bien dit Thomas Jefferson, la flamme symbolise non seulement l’illumination, mais également la transmission du savoir d’une personne à une autre. En apprenant puis en partageant ce que nous savons, nous renforçons et éclairons collectivement nos communautés et notre pays.
Enfin, les universités doivent prendre de nouveau au sérieux leur rôle, qui est de transmettre le savoir de la civilisation passée à celle du futur, afin que les traditions et les cultures qui constituent notre contribution unique au monde soient comprises et respectées. Et au sein même du milieu universitaire, il ne faut jamais perdre de vue notre engagement en faveur de la démocratie, de la liberté des universitaires et de l’apprentissage proprement dit.
Nous pouvons donc nous demander quel est le fil commun qui relie ces diverses frontières de l’apprentissage en un seul horizon. La réponse, selon moi, est la communication.
La révolution des communications mondiales offre de nouvelles possibilités de dialogue et rend le savoir plus accessible que jamais. N’oublions pas qu’il a fallu trois siècles pour que la presse à imprimer inventée en Europe de l’Ouest bénéficie à la majorité de la population de cette région, alors qu’il n’a fallu qu’une décennie, à partir de 1995, pour qu’Internet rejoigne la majorité de la population de la planète.
Cela signifie qu’il n’est plus nécessaire de se trouver dans des centres financiers ou de grandes villes pour réussir. Par contre, cela souligne la nécessité de redoubler d’efforts pour rayonner et communiquer, aussi bien avec nos voisins et partenaires locaux qu’à l’échelle internationale.
Au Canada, l’expérience nous enseigne que les communications peuvent être un puissant outil pour unifier les gens de divers milieux vivant à de grandes distances les uns des autres. On observe le même effet aujourd’hui entre les frontières internationales. Les communications sont le véhicule de notre diplomatie du savoir. Le 21e siècle appartient à ceux qui savent exploiter et améliorer notre capacité à communiquer.
Quelles sont les autres mesures pratiques que nous pouvons prendre pour pouvoir être à la fine pointe de l’éducation postsecondaire aujourd’hui? Nous pouvons, entre autres, favoriser les échanges internationaux et les programmes d’études à l’étranger pour nos étudiants et inviter des étudiants étrangers dans nos salles de cours. Ce genre d’expériences permet d’exposer les étudiants et leurs hôtes à des idées et des perspectives nouvelles et stimulantes, tout en encourageant le tissage de liens entre les pays et les institutions. La demande pour les études à l’étranger ne cesse d’augmenter; selon l’UNESCO et l’Organisation de coopération et de développement économiques, près de trois millions d’étudiants passent maintenant plus d’une année d’études à l’extérieur de leur pays, soit une augmentation de 57 pour cent entre 1999 et 2009.
À cet égard, je peux citer ma propre expérience, ayant eu la chance d’étudier aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces expériences de vie dans un autre pays m’ont beaucoup servi, comme ce fut le cas pour mes cinq filles, qui ont toutes commencé à participer à des programmes d’échanges dès l’âge de 12 ans. Elles sont de fières Canadiennes, mais sont également des citoyennes du monde. Ces expériences les ont aidées à devenir plus tolérantes et plus respectueuses de la diversité et de la différence, et à acquérir une meilleure pensée critique.
Comme le souligne John Kao dans son ouvrage intitulé Innovation Nation, les établissements d’enseignement doivent aider les jeunes à développer une « intelligence culturelle » au moyen du multilinguisme, de l’expérience internationale et du respect et de l’appréciation de la diversité. À mes yeux, l’accroissement des programmes d’échanges et d’études à l’étranger sont l’un des meilleurs espoirs d’avenir, car ce sont ces étudiants qui pratiqueront la diplomatie du savoir et qui seront la source des innovations sociales et technologiques à venir.
La dernière suggestion pratique que je ferais est de renouveler notre accent sur l’enseignement de la pensée critique et de la résolution de problèmes et sur l’acquisition de compétences créatives. Il est essentiel que les étudiants aient de telles capacités pour pouvoir s’adapter et faire face à un avenir qui sera imprévisible et sans doute complexe.
Enfin, s’il y a une chose que vous retirerez de mes propos, je souhaiterais que ce soit l’importance de l’enseignement et des éducateurs pour nos sociétés. Nous devons chérir nos éducateurs, car ce sont eux qui assument la responsabilité de nous former, de nous guider et de nous instruire, nous et nos enfants.
Ici, en Malaisie, vous avez de merveilleux pédagogues ainsi qu’un riche passé en matière d’enseignement supérieur. J’ai été ravi d’apprendre que vous avez fait récemment des progrès majeurs et intéressants pour ce qui est de l’apprentissage et de la promotion de la diversité et du multiculturalisme. Ce sont là des éléments clés du succès dans le monde d’aujourd’hui. Je vous félicite pour vos efforts acharnés et votre détermination.
En terminant, je tiens à revenir sur la notion de diplomatie du savoir et de son importance pour notre avenir collectif. Notre bien-être et notre prospérité au cours du 21e siècle dépendront de notre capacité d’apprendre et d’innover. C’est dans cet esprit que je souhaite que nous puissions continuer à œuvrer de concert pour bâtir le monde averti et bienveillant dont nous rêvons.
Merci.