25 septembre 2007
New YorkLE DISCOURS PRONONCÉ FAIT FOI
Merci beaucoup.
Permettez-moi tout d’abord de vous dire à quel point je suis ravi d’avoir l’occasion de prendre la parole devant le Council on Foreign Relations.
Aucun forum, aucune organisation n’est aussi respectée et influente dans l’univers complexe de la politique étrangère.
Vos travaux indépendants et non partisans éclairent les responsables de l’élaboration des politiques et les aident à bâtir un monde meilleur.
J’apprécie donc énormément votre invitation.
Nous savons tous à quel point il est difficile de comprendre le monde dans lequel nous vivons, ainsi que les intérêts et les valeurs qui se font concurrence dans les forums internationaux.
La difficulté serait moindre si toutes les sociétés, dans tous les pays de la planète, étaient libres, ouvertes et pluralistes comme les nôtres, faisaient la promotion de la démocratie, de l’égalité des chances, d’un commerce libre et équitable, et prônaient les principes et les valeurs que nous partageons.
Ce n’est malheureusement pas le cas.
Nous croyons tous ici en un monde où la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit doivent dominer partout.
La réalité est regrettablement tout autre.
Les défis que nous avons à relever sont donc difficiles, parfois titanesques.
Prévenir les actes terroristes dans nos pays; freiner la propagation des armes nucléaires, biologiques et chimiques; soutenir les États fragiles; contribuer à la reconstruction des sociétés affligées par des conflits chroniques; lutter contre les changements climatiques à l’échelle de la planète; favoriser la croissance économique et la prospérité.
Aucun pays ne peut relever seul ces défis, qui sont à la fois trop complexes et trop persistants. Même la nation la plus puissante du monde ne peut s’y attaquer seule.
Dans un contexte mondial comme le nôtre, le succès passe par un effort concerté de nations fortes, qui partagent une communauté d’idées et d’engagements.
Le succès passe par la participation de puissances intermédiaires prêtent à faire leur part.
Pour réussir, il faut donc que les gouvernements aient la volonté d’assumer leurs responsabilités, cherchent des solutions pratiques et réalisables aux problèmes, fassent entendre leur voix et exercent une influence dans les affaires internationales parce qu’ils dirigent, non pas en faisant la morale, mais en donnant l’exemple.
Depuis son arrivée au pouvoir il y a dix-neuf mois, c’est ce que notre gouvernement s’est efforcé de faire, afin que le Canada puisse redevenir un acteur crédible sur la scène internationale.
Le Canada est donc de retour, non pas pour servir de beaux discours ou satisfaire à une promesse électorale, mais parce que nous nous employons à rebâtir nos moyens d’action.
Nous avons assaini les finances nationales du Canada en cumulant les excédents budgétaires, nous avons allégé le fardeau fiscal des contribuables et nous avons la dette la moins élevée des pays du G-7.
Nous sommes en train de devenir une superpuissance en matière d’énergie. Le Canada possède en effet le potentiel pétrolier et gazier le plus important au monde.
Nous réaffirmons notre souveraineté et consolidons notre présence dans l’Arctique.
Nous renouvelons notre matériel militaire et nous renforçons nos effectifs.
Et nous concentrerons désormais notre aide internationale sur les projets qui donnent des résultats concrets.
Le gouvernement que je dirige prépare donc le Canada à jouer un rôle de leader, tant sur la scène nationale que sur la scène internationale.
Prenez l’Afghanistan par exemple.
Le Canada n’a pas hésité, il y a un peu plus de six ans, lorsque des terroristes ont attaqué cette grande ville et Washington, D.C.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé une intervention militaire pour faire tomber le régime taliban, et le Canada a immédiatement répondu à l’appel.
Nous prenons part à la mission des Nations Unies en Afghanistan parce que nous la jugeons noble et nécessaire. C’est une cause qui reflète la fière histoire de notre pays – la participation à l`action internationale pour combattre la tyrannie et venir en aide à nos semblables.
Depuis 2005, les troupes canadiennes sont déployées dans la province méridionale de Kandahar, l’une des régions les plus violentes de l’Afghanistan.
Et il y a eu un prix à payer. Soixante-et-onze soldats canadiens et un de nos diplomates sont morts en Afghanistan, ainsi qu’un menuisier canadien, tué par les talibans après avoir construit une école pour des enfants d’un village éloigné.
La froide réalité est la suivante : aucun progrès ne sera possible en Afghanistan sans sécurité – une sécurité qui est assurée grâce au sacrifice et à la détermination de nos hommes et de nos femmes en uniforme.
Sans sécurité, les travailleurs humanitaires ne peuvent contribuer aux efforts de reconstruction ou aux efforts humanitaires; les policiers et les agents correctionnels ne peuvent assurer la justice et la paix, et les diplomates ne peuvent aider à instaurer la démocratie et à faire respecter davantage les droits de la personne.
Bref, sans sécurité, il n’y a aucun espoir pour la population afghane.
Et c’est ce que nous assurons.
Prenez l’éducation.
En Afghanistan en 1991, seulement 700 000 enfants fréquentaient l’école, tous des garçons.
Aujourd’hui, ils sont six millions, dont deux millions de filles.
L’éducation est tout aussi importante pour les familles afghanes qu’elle l’est pour les nôtres – elle offre un avenir aux jeunes et à la société, de l’espoir et des progrès incarnés, accessibles tant aux hommes qu’aux femmes.
Et, par conséquent, nous pourrons bâtir un monde plus sûr.
Bien sûr, je suis cette semaine dans votre ville pour traiter d’un autre défi pour lequel le Canada entend montrer l’exemple – les changements climatiques.
À la rencontre d’hier organisée par l’ONU sur les changements climatiques et lors du dîner qui a suivi, les leaders se sont joints au secrétaire général pour parler des solutions au problème que présente l’augmentation des gaz à effet de serre.
Soyons clairs. Le Canada croit que nous avons besoin d’un nouveau protocole international assorti de cibles obligatoires pour tous les grands émetteurs de la planète, y compris les États Unis et la Chine.
Et c’est grâce à de telles cibles que l’on favorisera le développement et la mise en place de nouvelles technologies énergétiques propres.
C’est ce que nous faisons au Canada. Nous mettons sur pied un système national de réductions obligatoires des gaz à effet de serre dans tous les secteurs industriels.
Notre plan permettra de réduire les émissions totales du Canada de 20 % d’ici 2020 et de 60 % à 70 % d’ici 2050.
Et ne vous y trompez pas, ce système imposera des coûts réels à l’économie canadienne.
En fondant en même temps les cibles préliminaires sur l’intensité des émissions, nous concilions une action environnementale efficace avec la réalité canadienne qui est caractérisée par l’augmentation de la population et de la production économique.
Le message est clair : nous devons agir. Nous le devons aux générations futures.
Nous leurs devons un environnement durable tout comme nous leur devons de pouvoir jouir de la même prospérité économique qui est la nôtre aujourd’hui.
Dans la lutte mondiale contre les changements climatiques, le Canada fera tout en son pouvoir pour élaborer un cadre international efficace et exhaustif qui tient compte des circonstances économiques particulières à chaque pays.
C’est ce que nous avons fait avec le Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone qui s’est avéré un succès grâce – j’ajouterai – au leadership dont ont fait preuve les États-Unis et la Chine lors des négociations.
La solution aux changements climatiques ne peut pas – et ne sera pas – identique pour tous. Pour autant, aucune nation ne peut se décharger de ses responsabilités.
Voilà le message que nous avons transmis aux Canadiennes et aux Canadiens.
C’est aussi le message que nous avons communiqué à nos collègues du dernier sommet du G8 qui s’est tenu en Allemagne.
Et c’est le message que nous avons porté aux pays et aux dirigeants d’entreprises de l’APEC, il y a deux semaines en Australie.
Et c’est le message que j’ai transmis lors de nos discussions à New York.
Je voudrais maintenant aborder le principal sujet dont je tiens à traiter aujourd’hui – notre propre voisinage, les Amériques.
Afin de faire avancer la sécurité, la prospérité et la démocratie, notre nouveau gouvernement s’est réengagé de façon active et durable dans les Amériques.
J’ai visité la région cet été. Les contrastes que j’y ai observés sont marqués et inquiétants.
Certes, beaucoup de nations poursuivent les réformes du marché et le développement économique, mais d’autres retombent dans le nationalisme économique et le protectionnisme, dans le populisme politique et l’autoritarisme.
La démocratie, la prospérité économique et l’égalité sociale se construisent toujours dans la région.
Voilà pourquoi il est si important pour des pays comme le Canada de tendre la main – de montrer qu’il y a des modèles qui marchent et qui peuvent répondre aux aspirations des citoyens.
Nous ne pouvons permettre que le choix soit seulement un capitalisme débridé d’un côté et les vieux modèles socialistes de l’autre.
J’ai dit qu’il y a d’autres voies, comme celle que le Canada a choisie – un modèle de démocratie constitutionnelle et d’ouverture économique combinées à des filets de sécurité sociale, de création équitable de richesse et d’arrangements de partage régionaux qui empêchent le type d’exploitation que l’on voit encore trop souvent dans les Amériques.
Le modèle canadien fait des adeptes. Les dirigeants, les experts et les militants sociaux de la région font appel au Canada pour mettre sur pied leurs institutions de gouvernance démocratique, leurs systèmes de protection des droits de la personne et leurs économies.
Je leur ai dit qu’ils peuvent compter sur nous.
En Haïti, le Canada fait la promotion à la fois du développement et de la sécurité.
En Haïti, le lien viscéral entre la sécurité et le développement est des plus évidents, et le Canada en fait la promotion active.
J’ai visité un hôpital financé par le Canada dans le bidonville de Cité-Soleil.
Avant que les troupes de l’ONU, menées par le Brésil, nettoient le cloaque de gangs et de seigneurs de la guerre en janvier dernier, cela aurait été impossible.
Voilà ce que je veux dire par lien inhérent entre la sécurité et le développement.
Pendant ma visite hémisphérique, je suis également allé en Colombie où notre gouvernement entame des pourparlers de libre-échange.
Ce libre-échange est dans l’intérêt commercial stratégique du Canada.
Mais il aidera aussi ce pays à poursuivre sa lancée pour surmonter une longue et sombre histoire de terreur et de violence, et orienter son peuple vers un avenir de développement économique et démocratique.
À mon avis, la Colombie a besoin de ses amis démocratiques pour lui tendre la main et lui donner la chance d’établir des partenariats et de faire du commerce avec l’Amérique du Nord.
Je suis préoccupé du fait que certains de nos voisins des États-Unis ne semblent pas disposés à en faire autant. Quel message envoient-ils à ceux qui rêvent aussi de liberté et de prospérité?
Aux États-Unis, on s’inquiète de l’idéologie du populisme, du nationalisme et du protectionnisme dans les Amériques, et des gouvernements qui la défendent.
Honnêtement, plus que partout ailleurs dans l’hémisphère, c’est aux États-Unis que ces forces peuvent causer le plus de torts réels.
Et si les États-Unis tournent le dos à leurs amis de la Colombie, cela sera bien plus nuisible à notre cause que tout ce dont aurait pu rêver un dictateur latino-américain.
Si je le dis, c’est que je crois qu’il nous revient à tous de défendre nos valeurs et nos intérêts communs tant au pays qu’à l’étranger – et un accroissement du commerce ouvert dans l’hémisphère est conforme à cet objectif.
Prenons, par exemple, l’ALENA.
Je sais que l’ALENA est devenu un genre de tête de Turc pour certains Américains, tout comme pour certains Mexicains et même Canadiens.
Mais il n’en demeure pas moins que l’ALENA a été, sans équivoque, une bonne chose pour tous nos pays.
Malgré ce qu’en disent les indomptables et les alarmistes, je pourrais vous réciter une litanie de statistiques économiques qui prouve sa réussite. Voilà pourquoi presque personne, pas même les détracteurs, n’ose suggérer qu’on l’élimine.
Regardez notamment au sud de votre frontière.
Aujourd’hui, le Mexique a non seulement une économie en expansion, mais il profite maintenant de véritables élections démocratiques et d’un transfert pacifique des pouvoirs politiques.
Et il collabore avec les États-Unis et le Canada sur les questions de sécurité.
Tous cela aurait été impensable avant la signature de l’ALENA.
Je pourrais descendre encore plus vers le sud, au Chili – pays avec lequel le Canada a conclu un accord commercial il y a exactement dix ans.
Aujourd’hui, le Chili est si stable et prospère que, après des années de bouleversements, de violence et de dictature, il est membre de l’OCDE.
En terminant, j’aimerais revenir au thème de la sécurité.
C’est la sécurité et la prospérité qui unissent nos deux pays.
Au Sommet nord-américain le mois dernier à Montebello, les dirigeants des secteurs privés américains et canadiens nous ont exhortés à faire le lien entre la sécurité et la prospérité.
Ils nous ont dit que sans le « et », nous n’aurons ni l’un ni l’autre.
Voilà pourquoi l’Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental continue de nous inquiéter.
Nous comprenons et appuyons la justification : la sécurité.
Cependant, nous croyons que l’IVHO, telle qu’elle est formulée, n’est ni bien pensée ni pratique.
Et nous sommes désolés de ne pas avoir pu aujourd’hui instaurer le prédédouanement à la frontière terrestre comme nous l’avons fait par le passé pour le précontrôle pour le transport aérien.
Le Canada et les États-Unis doivent être en mesure de gérer leur frontière de façon à ne pas faire entrave au commerce et à leur prospérité commune.
Bien entendu, comme je l’ai aujourd’hui indiqué, notre engagement à l’égard de la sécurité et de nos autres valeurs communes vont bien au-delà de nos frontières.
En collaboration avec d’autres puissances moyennes, le Canada peut apporter – et apporte en fait – une réelle contribution à la protection et à la projection de nos intérêts collectifs, tout en servant de modèle de société prospère, démocratique et compatissante – indépendante, mais ouverte sur le monde.
Il s’agit d’une contribution qui, à mon sens, est de plus en plus importante pour relever les défis actuels, défis que les États-Unis ne peuvent relever sans aide. Nul ne devrait non plus s’attendre à ce qu’ils le fassent.
Ces défis nécessitent les différentes perspectives, préoccupations et capacités qui découlent de partenariats.
Quoi de plus sensé que de consulter des partenaires, de comparer ses expériences et de relever ensemble les défis?
Le Canada fait sa part. Il s’affirme sur la scène internationale. Il prêche par l’exemple. Il prend des risques, fait des investissements, fait entendre sa voix et sentir son influence.
Qu’il soit question de notre Arctique, de l’Afghanistan, des Amériques, des changements climatiques, de la sécurité des frontières, nous ne verrons peut-être pas toujours les choses du même œil, mais nous sommes résolus à obtenir des résultats réels et positifs et nous y travaillons.
Nous travaillons à bâtir un monde ouvert, un monde de possibilités. Un monde où la liberté et la démocratie permettent de développer le potentiel humain.
Un monde plus sûr et plus prospère à l’avantage de tous.
Merci beaucoup.