Questionnaire de l’honorable L. Bernette Ho

Document d'information

Selon le nouveau processus de demande de nomination à la magistrature institué par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature à la magistrature fédérale en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature à travers le Canada pour examiner les candidatures et soumettre à l’attention de la ministre de la Justice une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés ». Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire pourraient être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature. Les renseignements sont divulgués comme les candidats les ont fournis au moment de postuler, sous réserve des modifications apportées pour protéger leur vie privée.

Voici les parties 5, 6, 7 et 11 du questionnaire rempli par l’honorable L. Bernette Ho.

Questionnaire en vue d’une nomination à la magistrature

[...]

Partie 5 – Exigences linguistiques

Veuillez prendre note qu’en plus de vos réponses aux questions suivantes, votre connaissance fonctionnelle des deux langues pourrait être évaluée.

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour :

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Partie 6 – Études

Noms des établissements, années d’études, diplômes et années d’obtention :

  • Université de Calgary, 1988-1992, B.A. (mention honorable)
  • Université de l’Alberta, 1992-1995, diplôme de droit

Distinctions académiques :

  • Bourse Alexander Rutherford, 1988
  • Bourse Crest Fund and Rocky View School Division, 1988
  • Book Award, Université de Toronto, 1988
  • Bourse Alberta Heritage (Prix Louise McKinney), 1991
  • Faculté des études générales – Liste du doyen, 1991 et 1992
  • Prix de l’excellence académique, Université de Calgary, 1992
  • Faculté de droit – Liste du doyen, 1994
  • Prix commémoratif Gordon C. Wright, c.r., 1995

Partie 7 – Antécédents professionnels

Veuillez indiquer, dans l’ordre chronologique et à partir du plus récent, les emplois que vous avez exercés et précisez pour chacun la durée d’emploi et le nom de l’employeur. En ce qui concerne les emplois dans le domaine juridique, veuillez inscrire les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.

Expérience de travail dans le domaine juridique :

Cabinet Norton Rose Fulbright Canada (anciennement Macleod Dixon), depuis juillet 1995, Groupes de pratique « Litige et règlement des différends » et « Droit de l’emploi et du travail » : Au cours des cinq premières années de ma carrière, j’ai eu une vaste expérience de divers litiges commerciaux, notamment en assurance (blessures corporelles), responsabilité civile, rupture de contrat, droit des sociétés, droit immobilier, droit du travail et droit immobilier lié aux successions. J’ai passé deux ans à travailler presque exclusivement sur un important dossier de litige pour une société pétrolière et gazière, puis j’ai travaillé pendant deux autres années presque exclusivement comme conseillère juridique dans le cadre du projet gazier Mackenzie. Plus récemment, je me suis spécialisée en tant que conseillère en énergie dans le domaine de la réglementation et des litiges, et je conseille régulièrement des employeurs sous réglementation provinciale sur un certain nombre de questions liées à la protection de la vie privée, aux droits de la personne et au droit du travail. J’apporte également mon soutien à notre département corporatif en matière de droit du travail dans le cadre de transactions commerciales.

Expérience de travail dans un domaine non juridique :

  • Adjointe à la boutique de golf, Bearspaw Golf and Country Club, de mai à septembre (1987-1992, 1994)

Autres expériences professionnelles :

Inscrivez toutes les associations du barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.

  • Barreau de l’Alberta – Comité de responsabilité professionnelle, 2012 à 2014
  • Barreau de l’Alberta – Comité d’adjudication des fonds d’assurance (finances), 2015
  • Barreau de l’Alberta – Comité sur la conduite des juges, depuis 2016
  • Barreau de l’Alberta – Projet Justicia, cabinet Norton Rose Fulbright Canada, représentante du bureau de Calgary, depuis 2015

Activités bénévoles :

  • Bénévole, clinique juridique « Ask A Lawyer », Pro Bono Law Alberta, 2015 et 2016

Enseignement et formation continue :

Indiquez toutes les organisations et activités de formation judiciaire ou juridique auxquelles vous avez pris part (p. ex., enseignement dans une faculté de droit, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.).

  • Enseignante ou évaluatrice bénévole, Legal Education Society of Alberta (LESA)/Canadian Centre for Professional Legal Education (CPLED), depuis 2001

Activités communautaires et civiques :

Indiquez toutes les organisations dont vous êtes membre ou tout poste que vous avez occupé, ainsi que les dates correspondantes.

[...]

  • Bénévole à la banque alimentaire interconfessionnelle de Calgary, depuis 2016
  • Bénévole de l’Armée du Salut de Calgary, depuis 2016
  • Consultante bénévole, Jeunes entreprises – Sud de l’Alberta, 1999 à 2005
  • Bénévole, tournée nationale, 2003 à 2005
  • Directrice, Street Teams Society (Calgary), 1998 à 2000
  • Bénévole, Comité organisateur de l’anneau olympique, 1990 à 2000
  • Bénévole, Tournée canadienne, 1999 à 2000
  • Bénévole, Association du Barreau canadien, division de l’Alberta, Journée du droit, 1997 à 1998
  • Bénévole, Festival d’hiver de Calgary, 1989 à 1990
  • Bénévole, Jeux olympiques d’hiver de Calgary, 1987 à 1988

Partie 11 – Le rôle de la fonction judiciaire dans le système juridique canadien

Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1 000 mots.

1. Selon vous, quelle est votre plus grande contribution au droit et à la quête de la justice au Canada?

Je crois que ma contribution la plus importante au droit et à la poursuite de la justice découle du fait que j’ai agi à titre de conseillère juridique du promoteur d’un projet d’infrastructure de grande ampleur (le « Projet »). Au cours des audiences tenues expressément pour recueillir les points de vue des membres de la collectivité directement touchés, j’ai travaillé d’arrache-pied pour promouvoir l’accès au processus de réglementation et faciliter leur participation à ce dernier.

Entre 2005 et 2010, j’ai eu la chance de faire partie intégrante de l’équipe juridique qui agissait au nom du promoteur du Projet. S’il avait été approuvé et construit, le projet aurait donné lieu à la construction et à l’exploitation du plus grand réseau pipelinier du Nord canadien, qui aurait comporté plus de 1800 kilomètres de pipeline et toute l’infrastructure connexe.

Un processus de réglementation sans précédent a été mis en place afin que le Projet puisse être examiné de près. Des ententes ont été conclues entre l’Office national de l’énergie (l’« ONE »), des organismes du gouvernement fédéral et plusieurs organismes de réglementation des Territoires du Nord-Ouest et de la vallée du Mackenzie afin d’établir l’organisme unique chargé de coordonner l’examen du Projet. D’autres ententes et mandats ont été élaborés afin d’établir le comité d’examen conjoint (« CEC ») chargé d’effectuer l’évaluation des répercussions environnementales de tous les aspects du projet. D’un point de vue juridique, le Projet a présenté une myriade de questions et de défis juridiques qu’il est difficile de résumer. En fin de compte, un calendrier des audiences devant la CEC et l’ONE a été établi afin de tenir compte d’une vaste gamme de facteurs techniques, économiques, environnementaux et socio-économiques. En 2006, l’ONE a tenu 47 jours d’audience dans 15 collectivités des Territoires du Nord-Ouest, du nord de l’Alberta et de Whitehorse. Entre février 2006 et novembre 2007, la CEC a tenu 117 jours d’audiences dans 26 collectivités différentes dans les mêmes territoires géographiques. Les déplacements et l’horaire de travail étaient exigeants, mais incroyablement gratifiants et enrichissants sur le plan personnel.

Bien que j’aie toujours considéré la consultation comme un aspect important de l’élaboration du projet, mon travail sur le Projet m’a permis de mieux comprendre le rôle que je pouvais jouer pour faciliter la consultation et la communication ouverte avec les membres de la collectivité. En voyageant et, parfois, en passant plusieurs semaines consécutives dans des collectivités éloignées et nordiques, j’ai eu une plus grande occasion d’interagir avec les membres de la collectivité. Pendant ce temps, mon impression initiale que les habitants du Nord étaient des gens chaleureux, bienveillants et soucieux de leur communauté s’est avérée. J’ai acquis une meilleure compréhension de l’importance de leurs pratiques culturelles, et en particulier de celles liées aux méthodes traditionnelles de cueillette et de chasse. Cela m’a permis de mieux comprendre les points de vue des membres de la collectivité sur les répercussions négatives et positives possibles du projet, car on m’a posé des questions sur la façon dont les lignes de piégeage individuelles pourraient être touchées par la construction, les habitudes migratoires de la faune pourraient être touchées par les activités, les collectivités pourraient être touchées par les travailleurs migrants et les collectivités pourraient profiter des débouchés commerciaux. Afin d’encourager les membres de la collectivité à participer au processus juridique établi pour recevoir officiellement leurs points de vue et leurs préoccupations, j’ai essayé de réduire la crainte associée à la participation au processus d’audience officiel. J’ai expliqué aux membres de la collectivité comment participer, ce qui se passerait lorsque l’audience commencerait et comment chaque personne serait appelée à participer. J’ai aussi essayé de m’assurer que les membres de la communauté, et particulièrement les aînés, savaient que des traducteurs étaient disponibles afin d’atténuer les préoccupations concernant les barrières linguistiques et de promouvoir la participation. Mon objectif était d’encourager les membres de la collectivité à participer au processus et de m’assurer qu’ils comprennent que le processus d’audience représente une occasion de se faire entendre.

Au fil du temps, j’ai été mieux en mesure de prévoir le genre de questions et de préoccupations qui seraient soulevées et je pouvais essayer d’y répondre dès le départ. J’ai senti qu’il était de ma responsabilité d’être un visage accessible et amical au sein du « groupe d’acteurs itinérant », avant, pendant et en dehors du processus formel d’audience. Il m’incombait de faciliter « l’accès à la justice » en favorisant la participation des membres de la collectivité au processus réglementaire du Projet et, ce faisant, de contribuer à ma façon à un processus de consultation plus efficace.

Bien que des projets d’infrastructure de grande envergure comme le Projet suscitent toujours une certaine controverse et qu’il y aura toujours des points de désaccord, je crois fermement qu’un processus de consultation approfondi permet d’obtenir un meilleur projet (et finalement une meilleure décision réglementaire). En écoutant et en facilitant la communication au sujet d’un projet aussi important que le Projet, je crois que j’ai apporté ma plus importante contribution à la justice au Canada. Lorsque je réfléchis à ma carrière juridique à ce jour, c’est cet ensemble de travaux et cette contribution particulière au Projet dont je suis la plus fière, car je crois avoir fait de mon mieux pour servir l’intérêt public, tout en servant les intérêts de mon client en faisant progresser le Projet.

2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis de saisir la variété et la diversité des Canadiens et des Canadiennes et leurs perspectives spécifiques?

J’ai bénéficié d’un certain nombre d’expériences qui m’ont permis de mieux comprendre la variété et la diversité des Canadiens et Canadiennes et leurs perspectives uniques, dont certaines ont été mentionnées en réponse à d’autres questions de mon formulaire de candidature.

Comme je l’ai indiqué dans la réponse à la question 6 de la partie 11, je suis en mesure de m’inspirer de mon expérience personnelle pour comprendre les défis auxquels sont confrontés les immigrants qui arrivent au Canada en espérant une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs êtres chers. Je comprends la volonté de travailler dur et de réussir. De plus, en tant que femme d’origine chinoise, je comprends et j’apprécie les traditions et les valeurs culturelles que m’ont inculquées mes parents, y compris le respect inébranlable que j’ai pour les aînés de ma famille et la responsabilité personnelle des soins et du soutien financier continu de mes parents. Malheureusement, j’ai aussi une idée de ce que vivent les Canadiens et Canadiennes qui sont victimes de discrimination en raison de la couleur de leur peau ou de leur origine ethnique.

Mon expérience professionnelle m’a également donné l’occasion de mieux comprendre la diversité des Canadiens et Canadiennes et leurs perspectives. Tel que décrit dans la réponse à la question 1 de la partie 11, j’ai passé beaucoup de temps dans plusieurs collectivités du Nord pendant une période de deux ans. Cela m’a donné l’occasion de rencontrer régulièrement des gens incroyablement chaleureux et bienveillants qui vivaient à proximité des installations proposées et le long du corridor pipelinier. Les caractéristiques géographiques et les ressources très différentes dans les Territoires du Nord-Ouest ont également donné lieu à des préoccupations différentes, car les différentes pratiques traditionnelles de chasse et de récolte étaient susceptibles d’être touchées différemment par le projet proposé. J’ai rapidement réalisé que chaque communauté que nous avons visitée avait des points de vue différents sur le Projet et les impacts potentiels liés à celui-ci. Alors que certains considéraient le Projet comme une occasion d’accroître leur sécurité financière, d’autres y voyaient une menace inacceptable pour leur mode de vie qu’ils continuent de lutter pour maintenir. Par conséquent, afin d’être une avocate efficace et de promouvoir la consultation sur le Projet, il était essentiel d’apprécier les enjeux et les perspectives uniques des différentes collectivités autochtones situées le long des emplacements d’installations et du corridor du pipeline proposés.

J’ai également eu la chance d’avoir un aperçu de la variété et de la diversité des Canadiens et Canadiennes grâce à certaines de mes expériences de bénévolat. Je suis l’agent de liaison de notre cabinet avec notre école « Partnership in Education », une école avec une forte population anglophone comme langue seconde. J’occupe ce poste depuis dix ans. L’un des programmes que nous avons mis sur pied à l’école est un concours d’écriture. À l’occasion, les étudiants fournissent des documents qui décrivent leur vie avant leur arrivée au Canada. La lecture de certaines des expériences que ces élèves ont vécues m’a ouvert les yeux. Certains ont fui des territoires déchirés par la guerre et ont vécu comme réfugiés. D’autres ont laissé des pays avec des pratiques religieuses restrictives ou en proie à des régimes gouvernementaux corrompus. J’ai apprécié l’occasion qui m’a été donnée de mieux connaître les antécédents de ces élèves afin de mieux apprécier nos interactions à l’école et de mieux comprendre l’expérience de ces futurs citoyens canadiens.

De plus, de 1998 à 2000, j’ai siégé au conseil d’administration d’une société sans but lucratif voué à fournir aux jeunes filles prostituées des ressources et des occasions de quitter leur vie dans la rue à Calgary. La directrice générale et deux travailleuses des services d’approche ont passé des heures à prendre contact avec les filles et à s’engager auprès d’elles, essayant de gagner leur confiance et d’en arriver au point où les filles pourraient envisager d’accepter de l’aide malgré leur peur des proxénètes ou leur dépendance envers eux. En tant que membres du conseil d’administration, nous avons reçu des mises à jour régulières concernant chacune des filles du programme d’approche. Cela nous a permis de comprendre comment chaque fille s’est retrouvée dans sa situation. Nous avons appris que le chemin vers la vulnérabilité et la dépendance était différent pour chaque fille. Certaines filles venaient de familles à faibles revenus, d’autres de familles à revenu moyen. Certaines filles avaient des problèmes préexistants de dépendance à la drogue ou les développaient grâce à leurs proxénètes. Certaines filles souffraient d’estime de soi, de dépression ou d’autres problèmes de santé mentale. Bien que le temps que j’ai passé avec le conseil d’administration ait été relativement court, il a été incroyablement gratifiant en raison des gens avec qui j’ai eu l’occasion de travailler et d’apprendre.

Je crois que mes expériences personnelles, professionnelles et bénévoles m’ont donné un aperçu de la variété et de la diversité des Canadiens et Canadiennes et de leurs perspectives uniques. Néanmoins, je n’ai aucun doute qu’il y a beaucoup d’autres points de vue et perspectives uniques que partagent les Canadiens et Canadiennes. Si j’ai la chance d’être nommée juge à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, je comprends qu’il sera important d’apprécier et d’examiner différents points de vue, ainsi que de chercher activement des occasions de continuer à acquérir des connaissances dans ce domaine par la formation judiciaire et d’autres initiatives.

3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle.

Aujourd’hui encore, je me souviens très bien de mon professeur de sciences humaines de dixième année, qui comparait les principes fondamentaux d’une démocratie constitutionnelle à un tabouret à trois pattes, dont chacune des trois pattes représente une branche du gouvernement (législative, exécutive et judiciaire) et dont le siège représente la Constitution. Ainsi, en termes simples, le rôle d’un juge dans une démocratie constitutionnelle est de jouer son rôle dans le respect de la Constitution du pays. Mon professeur a poursuivi en expliquant que chacune des trois pattes devait également fonctionner correctement, notamment en respectant le rôle important joué par les autres pattes afin d’assurer l’équilibre du tabouret, sinon ce dernier ne serait plus aussi efficace. Bien que ma compréhension du rôle du juge dans une démocratie constitutionnelle ait évolué au fil du temps, à mon avis, l’analogie établie entre un tabouret et une démocratie constitutionnelle demeure convaincante.

Dans le règlement des différends entre les parties, les juges sont nécessairement et convenablement liés par la loi, comme le prévoient la Constitution, les textes législatifs et la common law. Les juges doivent s’acquitter des responsabilités importantes associées à leur charge conformément aux principes et aux normes prévus et établis. Lorsqu’une loi ou la jurisprudence est claire, le juge doit, de façon indépendante et impartiale, évaluer la preuve présentée au tribunal, en arriver à des conclusions de fait et appliquer le droit.

Bien entendu, il arrive souvent que les parties devant le tribunal aient des opinions divergentes quant à la loi applicable ou à ce qu’elle stipule réellement. Dans de tels cas, un juge est appelé à utiliser son intelligence, ses compétences et son jugement pour prendre une décision concernant l’état du droit. Dans une affaire où une loi est en cause, il est important pour un juge d’interpréter la loi conformément aux règles établies d’interprétation des lois et à la jurisprudence. Lorsqu’il peut y avoir des règles d’interprétation contradictoires ou un manque de jurisprudence, il peut être approprié qu’un juge se laisse guider par l’intention du législateur lors de l’adoption de cette loi. De cette façon, le juge respecte le rôle joué par les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, dont les représentants élus sont chargés de prendre les décisions stratégiques qui se reflètent dans la loi.

Les juges servent également de « freins et contrepoids » par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, puisque les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, en tant que pattes du tabouret, sont également responsables du respect de la Constitution. Un exemple de l’interaction entre le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire et la Constitution peut actuellement être observé aux États-Unis, alors que le pouvoir judiciaire examine le décret du président Trump instituant une interdiction de voyager de 90 jours qui a pour effet d’interdire l’entrée aux États-Unis à des ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Si les tribunaux des États-Unis décident en fin de compte que l’interdiction de voyager prononcée par le président Trump viole la Constitution, certains reprocheront aux tribunaux de s’ingérer dans le domaine politique. Ces critiques sont toutefois injustifiées, car c’est précisément au pouvoir judiciaire qu’il incombe de veiller à ce que la Constitution l’emporte et il importe que les pouvoirs législatif et exécutif respectent cet important mandat. De plus, les juges doivent être en mesure de prendre des décisions à l’abri de toute influence indue et de la crainte de représailles de la part du gouvernement.

Cela dit, il est important que le pouvoir judiciaire soit conscient de son rôle, par opposition à celui des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, et qu’il n’usurpe pas les fonctions législatives et exécutives. Bien qu’un juge puisse décider que le décret du président Trump est inconstitutionnel, le pouvoir judiciaire ne devrait pas réécrire ou remanier le décret, car cela reviendrait à ne pas reconnaître les différentes fonctions des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif. Il faut reconnaître que la législation et les actions de l’exécutif représentent correctement les décisions et les orientations politiques prises par les membres du gouvernement agissant en vertu de leur autorité en tant que représentants élus de la société.

Pour être clair, il n’est pas inapproprié en soi que les juges façonnent les lois. En effet, c’est au juge qu’il incombe de formuler la loi lorsque ce pouvoir est laissé aux tribunaux par les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, ou lorsqu’il ou elle doit interpréter la Constitution proprement dite. En effet, les juges ont la responsabilité de veiller à ce que les lois évoluent avec le temps. C’est pourquoi il est important de nommer des juges qui reflètent la diversité de la société canadienne. Lorsque les juges adoptent de nouvelles lois, le gouvernement et la société dans son ensemble sont en droit de s’attendre à ce que ces décisions reflètent les valeurs de la société et soient compatibles avec elles. Dans une démocratie constitutionnelle, chaque branche du gouvernement doit s’acquitter des responsabilités qui lui sont propres. Les trois branches doivent fonctionner efficacement les unes par rapport aux autres.

4. À qui s’adressent les décisions de la cour à laquelle vous vous portez candidate?

Les décisions rendues par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta s’adressent à divers auditoires, à commencer par les parties immédiates et, en fin de compte, à tous les citoyens du Canada.

L’auditoire principal est constitué des parties directement concernées par les causes entendues par la Cour du Banc de la Reine. Par exemple, en matière criminelle, les parties les plus directement touchées sont la Couronne, l’accusé, la victime et les avocats qui représentent chacune de ces parties. L’auditoire comprend également l’accusé et l’entourage de la victime, composé de sa famille, de ses amis et de ses supporteurs. Des témoins profanes ou experts, et peut-être même un jury, peuvent également être impliqués.

En matière civile, les parties les plus directement touchées sont les demandeurs et les défendeurs (ou les requérants et les intimés). Lorsque l’une ou l’autre des parties au litige est une personne, l’entourage de cette personne, composé de sa propre famille et de ses amis, fait également partie de l’auditoire. Lorsque les plaideurs sont des personnes morales ou des entités, les administrateurs, les actionnaires, les employés, les membres, les associés et les partenaires, entre autres, peuvent faire partie de l’auditoire.

Les gouvernements, les organismes de réglementation, les tribunaux et les agences peuvent également être parties à des litiges devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta et, par conséquent, les intervenants impliqués ou touchés par des questions devant ces organismes font partie de l’auditoire de la Cour.

Bien entendu, l’auditoire de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta ne se limite pas aux parties immédiates, parce que le Canada utilise un système juridique de common law. Par conséquent, chaque décision représente un énoncé de la loi qui devrait être suivie conformément au principe du stare decisis. Cela signifie que les décisions rendues par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta doivent être considérées par d’autres tribunaux comme la jurisprudence à suivre dans des affaires similaires, et qu’elles sont donc exécutoires pour la cour provinciale de l’Alberta.

L’importance des décisions en tant que jurisprudence dans un système juridique de common law ne peut être sous-estimée. Les avocats examinent les décisions afin de comprendre et de conseiller les clients sur l’état du droit. Les avocats se servent également de la jurisprudence pour prédire les décisions qui pourraient être prises dans les causes devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta ou pour faire valoir les points de droit à adopter dans des décisions futures, lorsque les circonstances ont changé et que la loi doit changer. Pour fonctionner efficacement, les avocats et leurs clients doivent pouvoir se fier aux décisions antérieures et savoir qu’une situation semblable ne sera pas tranchée d’une manière substantiellement différente. Il est essentiel qu’il y ait un certain degré de certitude et de stabilité dans le système juridique afin de promouvoir la confiance du public dans l’administration de la justice.

En fin de compte, dans sa forme la plus large, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta s’adresse à tout le monde au Canada. Le système juridique canadien est fondamentalement fondé sur l’ouverture et la transparence. Le grand public et l’ensemble de la collectivité ont le droit de savoir ce qui se passe devant les tribunaux, car il est essentiel que le public ait confiance dans le système judiciaire. Cette confiance n’existe que lorsque le public considère que les questions et les problèmes sont traités dans le système de justice de manière impartiale et équitable par des juges indépendants, impartiaux et qui agissent conformément à l’état de droit à tous les niveaux de tribunal. Les membres du public ont également le droit de savoir quelles décisions sont prises et d’exprimer leur point de vue sur ces décisions.

Les médias et la prédominance des médias sociaux font en sorte que la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta est plus que jamais en contact avec son auditoire élargi. La diffusion en direct du prononcé du verdict dans l’affaire R. c. Vader et les mises à jour des médias sur Twitter depuis le procès très médiatisé R. c. Garland font en sorte que le public a un accès en temps réel et sans précédent à tout ce qui se passe devant la Cour. Bien que la déclaration du Lord chef de justice Hewart dans l’affaire R. c. Sussex, selon laquelle « il est d’une importance fondamentale que justice soit non seulement rendue, mais qu’elle soit perçue clairement et sans aucun doute comme telle » ait été écrite dans le contexte du fait que la Cour doit être plus sensible que jamais à la perception du public à l’égard de l’administration de la justice, cette déclaration pourrait être lue dans un contexte moderne et plus large pour dire que la Cour doit être plus que jamais au fait de la perception de l’administration de la justice par le public.

Il est clair que l’auditoire de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta est vaste et diversifié. Différents membres de l’auditoire ont des intérêts différents dans le résultat de toute décision, et les membres de l’auditoire ont presque toujours des opinions divergentes quant à la décision à prendre. Bien que les juges ne prennent pas, et ne devraient pas prendre, de décisions fondées sur ce qui serait « populaire » auprès du plus grand nombre, voire auprès de certains des membres de l’auditoire, à mon avis, il est néanmoins important que la Cour tienne compte de tous les membres de son auditoire lorsqu’elle rend ses décisions. Peu importe le point de vue particulier d’un membre de l’auditoire, l’auditoire doit être en mesure d’examiner une décision et d’avoir confiance que l’administration de la justice, et l’intérêt public dans son ensemble, ont été servis.

5. Prière d’indiquer les qualités personnelles, les compétences et aptitudes professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.

Je crois que j’ai un certain nombre de qualités personnelles qui me préparent pour le rôle de juge, à commencer par les qualités que j’ai acquises de mes parents à un jeune âge. Après avoir immigré à Calgary, mes parents ont ouvert l’un des premiers restaurants chinois de la ville et on s’attendait à ce que tous les membres de ma famille participent de toutes les façons possibles. Quand j’ai été assez grande, je suis allée moi aussi au restaurant pour aider de mon mieux, ce qui signifiait d’abord préparer les couverts et essuyer des verres. Avec le temps, mes responsabilités se sont étendues au vestiaire et à la prise de réservations. Par conséquent, mes frères et sœurs et moi avons acquis un sens des responsabilités dès notre plus jeune âge, et ensemble, nous avons appris la valeur du travail acharné, ainsi que l’importance de traiter les clients avec courtoisie, honnêteté et respect. Alors que le restaurant de mes parents commençait à connaître le succès, mes parents ont continué à souligner l’importance de ces valeurs, ajoutant qu’il était important que nous demeurions humbles et reconnaissants. Je suis toujours reconnaissante à mes parents d’avoir inculqué de telles valeurs à moi-même et à mes frères et sœurs. Je maintiens qu’une véritable compréhension du travail acharné et de « la valeur du service » m’a beaucoup aidé dans la profession juridique, non seulement par rapport aux clients, mais aussi à la collectivité dans son ensemble.

Je crois depuis longtemps à la valeur du service communautaire. À cet égard, mes frères et sœurs plus âgés m’ont servi de modèles et m’ont guidé dès mon jeune âge pour comprendre l’importance de m’impliquer dans mon école en participant à des activités parascolaires comme le conseil des élèves, les équipes sportives et les clubs scolaires. Plus tard, mes frères et sœurs ont fait du bénévolat à l’extérieur de l’école, et j’ai donc fait de même pour la Fondation des maladies du cœur et pour les Jeux olympiques de 1988. Jusqu’à ce jour, j’ai essayé de servir ma communauté chaque fois que c’était possible. Malgré ma pratique très occupée, je continue de faire du bénévolat à la banque alimentaire interconfessionnelle de Calgary et à l’Armée du Salut de Calgary. Je m’occupe également d’initiatives bénévoles par l’entremise du cabinet, j’agis à titre d’associée de liaison dans le cadre de notre Partenariat en éducation avec une école secondaire de premier cycle de Calgary et je fais la promotion de nos initiatives internes en matière de diversité et d’égalité homme-femme. De plus, je fais du bénévolat auprès du Barreau de l’Alberta et je passe d’innombrables heures à agir comme mentor auprès d’avocats débutants, alors que j’essaie de transmettre les leçons qui m’ont été données tout au long de ma carrière.

J’ai passé toute ma carrière à travailler chez Macleod Dixon, qui est maintenant le cabinet Norton Rose Fulbright Canada. J’ai eu la chance de travailler auprès d’un groupe de professionnels incroyablement talentueux (parfois plus jeunes que moi, mais la majorité du temps plus âgés et expérimentés) et d’apprendre de celui-ci. En ce qui concerne l’expérience juridique concrète, j’ai eu la chance d’avoir une vaste expérience au cours des cinq premières années de ma carrière, travaillant sur une grande variété d’affaires civiles entendues devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. Je me suis familiarisée avec les questions de blessures corporelles, d’assurance, de responsabilité délictuelle, de rupture de contrat, d’entreprise, d’immobilier, d’emploi, de testament et de succession. Avec le temps, j’ai commencé à plaider sur des questions de réglementation énergétique devant l’Office national de l’énergie, l’Energy Resources Conservation Board (maintenant l’Alberta Energy Regulator), l’Alberta Energy and Utilities Board (maintenant l’Alberta Utilities Commission) et les commissions d’examen conjoint chargées d’examiner les grands projets d’infrastructure énergétique et les questions tarifaires. Je passe maintenant la majeure partie de mon temps à représenter des employeurs sous réglementation provinciale en matière d’emploi, de droits de la personne, de protection de la vie privée et d’invalidité. Je continue également d’agir pour le compte de sociétés du secteur de l’énergie dans le cadre d’une vaste gamme de litiges et de questions réglementaires. Le fait d’avoir été exposée à une grande variété de sujets et d’enjeux au cours de ma carrière m’a forcée à apprendre rapidement. Je suis également en mesure de synthétiser d’importantes quantités d’information et de me concentrer uniquement sur les preuves les plus importantes ou les plus pertinentes. J’ai le sentiment d’avoir prouvé à maintes reprises que j’étais intellectuellement capable de faire face à des scénarios factuels et à des questions juridiques complexes.

Comme la plupart en témoigneront, la pratique privée offre également une excellente formation en orientation de personnes et en gestion des attentes. Communiquer efficacement est primordial et c’est une compétence sur laquelle j’ai beaucoup travaillé. Une bonne communicatrice doit avoir une bonne écoute, faire preuve de perspicacité et être capable de s’adapter à divers styles de communication afin d’interagir efficacement avec une personne ou un auditoire en particulier. Il est essentiel de pouvoir communiquer efficacement avec les témoins, les clients, les autorités gouvernementales, les organismes de réglementation, les juges, les membres du public et les autres avocats.

Une autre compétence importante à posséder en tant que juge est la capacité d’évaluer le caractère d’une personne, et j’ai eu de nombreuses occasions de développer et de mettre à l’épreuve cette compétence. En tant qu’avocate-plaideuse, il est important de travailler avec les témoins et il est tout aussi important d’évaluer les témoins appelés par d’autres parties afin de tenir les clients au courant de l’évolution de l’affaire. De plus, j’ai mené des enquêtes qui m’ont amenée à rencontrer des témoins d’incidents, à mener des entrevues et à déterminer ce qui s’est passé et si des mesures disciplinaires sont nécessaires. J’ai également passé plus de 15 ans à participer aux activités de recrutement du cabinet, en tant que présidente de notre comité de gestion des étudiants pendant 6 ans. J’ai mené d’innombrables entrevues pour des postes d’été et des stages. Plus récemment, j’ai siégé au comité de promotion du cabinet, le comité chargé tant d’interviewer des associés principaux qui souhaitent devenir partenaires au sein du cabinet que d’évaluer leurs demandes d’admission. Dans ces deux rôles internes, les partenaires du cabinet m’ont confié la tâche d’évaluer la personnalité des candidats afin de prendre des décisions cruciales à l’essor de celui-ci.

Compte tenu de tout ce qui précède, je crois que j’ai des compétences et des habiletés qui me permettent d’assumer le rôle de juge. Ces compétences comprennent la capacité d’écoute, d’analyse, de communication et d’être une bonne juge de caractère. Il s’agit de quelques-unes des compétences que j’utilise et que je continue à développer au quotidien, tant dans ma vie professionnelle que personnelle.

6. Compte tenu de l’objectif voulant que les Canadiens et Canadiennes se reconnaissent et reconnaissent leur expérience de vie dans les visages de la magistrature, vous pouvez, si vous le voulez, ajouter des renseignements sur vous-même dans la mesure où ils serviraient cet objectif.

À la fin de 1969, avant ma naissance, mes parents ont pris la décision capitale d’émigrer au Canada en provenance des Philippines dans l’espoir d’offrir de meilleures possibilités à leurs enfants. Mes deux parents sont d’origine chinoise et lorsqu’ils sont finalement arrivés à Calgary, en Alberta, au début de 1971, ils ont ouvert un des premiers restaurants chinois de la ville. On leur rappelait constamment la petite taille de la population chinoise de Calgary à l’époque, mais ils travaillaient fort pour bâtir une entreprise prospère. Ils étaient fermement convaincus que le chemin vers une intégration réussie dans la société canadienne consistait à travailler fort, à faire preuve d’humilité et à traiter tout le monde avec respect, et mes parents étaient des modèles constants de ce comportement.

Je n’avais que six mois à l’époque où ma famille a émigré au Canada, et ma petite enfance ressemblait donc à bien des égards à celle de nombreux enfants canadiens. J’ai appris que Papa et Maman allaient tous les jours au travail; j’adorais m’habiller et jouer dans la neige avec les autres enfants du quartier; et j’ai grandi en regardant The Friendly Giant et Mr. Dressup sur CBC.

Quand j’avais 5 ans, notre famille a déménagé dans la banlieue de Calgary et quand il était temps pour moi de commencer l’école primaire, je suis monté consciencieusement dans un autobus scolaire jaune pour aller à l’école primaire Andrew Sibbald à Cochrane, Alberta. À l’époque, la population de première année comptait environ 60 élèves, dont quatre membres de minorités visibles. Heureusement, malgré le fait que j’étais une Chinoise « grassouillette » avec une mauvaise permanente faite à la maison, j’ai eu la chance de me faire de solides amitiés et j’ai maintenu ces amitiés pendant mes études primaires et les premières années du secondaire. Même si j’étais très consciente du fait que j’étais membre d’une minorité visible et fière de mon héritage chinois et philippin transmis par mes parents, j’avais aussi l’impression d’être sur la bonne voie pour devenir une adolescente canadienne normale.

Un jour, alors que j’étais en septième année et que je marchais dans le couloir de l’école entre les cours, un autre élève m’a bloqué et m’a traité de « chinetoque ». Il l’a crié à haute voix, juste devant moi et devant deux ou trois autres personnes qui sont restées là et ont ri. Il chantait alors, mal, une réplique d’une chanson pop populaire de l’époque, « Tokyo, I am talking to you now », tout en tirant l’extérieur de ses paupières dans une direction montante. Apparemment, cet élève considérait tous les Asiatiques comme étant identiques. Quoi qu’il en soit, même si mes parents m’avaient raconté des occasions où on les avait appelés « chinetoques » dans les rues de Calgary, j’ai été choquée. Cela ne m’était jamais arrivé personnellement et j’avais passé six ans à l’école primaire avec essentiellement le même groupe d’élèves sans incident. Ce qui m’a peut-être déconcertée davantage, c’est le fait que je connaissais l’élève qui m’a crié par la tête, ainsi que les spectateurs, depuis la première année et que nous avions des amis communs. J’étais à court de mots et je ne savais pas trop comment réagir. Finalement, j’ai baissé la tête et j’ai marché jusqu’à la salle de bain pour me cacher tranquillement dans une cabine de toilette. Finalement, je suis simplement allée à mon cours suivant et j’ai fait comme si l’incident ne s’était jamais produit.

Je n’ai jamais parlé de l’incident à personne à l’époque. J’avais peur de le dire à mes parents parce que je ne voulais pas qu’ils contactent le directeur. J’avais peur de le dire à mes frères et sœurs parce que je ne voulais pas qu’ils confrontent l’élève, croyant que cela ne ferait qu’empirer les choses. Je n’étais pas particulièrement d’accord avec le point de vue de ma sœur aînée sur la « justice » puisque, à l’époque, elle montrait une propension à utiliser ses compétences en Kung Fu. J’ai décidé que ma meilleure ligne de conduite était d’essayer d’ignorer l’élève. Bien qu’il a continué de m’appeler « chinetoque » ou « yeux bridés », et qu’il me disait parfois de « retourner dans mon pays », je refusais de lui donner la satisfaction d’une quelconque réaction. J’ai prétendu que ses paroles ne me touchaient pas, bien que je les aie trouvées humiliantes et blessantes. J’étais encore plus angoissée par le fait que d’autres personnes à l’école trouvaient son comportement amusant. Après quelques mois, il s’est arrêté et sa famille a quitté Cochrane après cette année scolaire, mais je suis restée douloureusement consciente du fait que d’autres membres de mon école ont simplement ri et toléré son comportement.

Heureusement, depuis lors, je n’ai été confronté directement à de tels commentaires haineux qu’à quelques reprises par la suite, et jamais depuis mon entrée à l’université. Cela m’attriste cependant de savoir que des remarques ouvertement discriminatoires et haineuses continuent de marginaliser tant de personnes dans notre société en raison de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur appartenance ethnique, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. Nous devons cesser de nous traiter mal les uns les autres en raison de différences insignifiantes et, en même temps, nous devons nous apprécier les uns les autres pour ce que nous sommes. C’est pourquoi il est important d’avoir une magistrature dont les juges reflètent la diversité du Canada, parce que cela signifie que le système de justice comprend ces différences et ces perspectives uniques. À cet égard, je n’ai aucun doute que si j’ai la chance d’être nommée juge, ma nomination contribuera à l’atteinte de l’objectif de faire en sorte que les juges de la magistrature aient des visages et des expériences de vie qui reflètent les réalités des autres Canadiens et Canadiennes.

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