Comment fabriquer et utiliser un agent de polissage de l’argent à base de carbonate de calcium précipité – Notes de l’Institut canadien de conservation (ICC) 9/11
- Introduction
- Procédure : comment fabriquer et utiliser un agent de polissage à base de carbonate de calcium précipité
- Évaluation d'un objet pour déterminer s'il faut le polir
- Abrasifs et polissage
- Remerciements
- Fournisseurs
- Références
Introduction
L'argent exposé aux composés sulfurés, comme le sulfure d'hydrogène, change de couleur puis noircit. Ce changement est dû à un processus de corrosion, le ternissement, qui produit du sulfure d'argent. Quand la couche de ternissure sur l'argent ou l'un de ses alliages est épaisse, elle est noire, mais la ternissure de moindre épaisseur est de couleur variable. Pour plus de renseignements sur le ternissement, consulter Comprendre comment ternissent les objets en argent.
Il est possible d'éliminer la ternissure par diverses méthodes mais, sur certains objets, il est conseillé d'éviter carrément le polissage. Certains objets comportent des caractéristiques qui ne doivent pas être enlevées, comme le nielle des incrustations et les zones de patine artificielle. D'autres objets portent des traces manifestes d'oxydation due à la chaleur révélées par des polissages antérieurs; les polir encore fera ressortir cette oxydation et déparera davantage les objets. La section Évaluation d'un objet pour déterminer s'il faut le polir traite de ces cas et offre aussi des conseils sur la façon de distinguer les objets plaqués argent de ceux faits en alliage d'argent.
Chaque fois qu'on élimine la ternissure, l'argent ayant réagi pour former cette ternissure est perdu. De plus, le polissage enlève également un peu de l'argent non terni sous-jacent. À force de ternissements et de polissages, on risque d'enlever tellement d'argent que l'objet en perd de fins détails. Le polissage à outrance éliminera complètement l'argent sur certaines zones des objets plaqués et révélera ainsi le métal sous-jacent. Le meilleur moyen de réduire au minimum le polissage est de prévenir le ternissement. On trouvera de plus amples détails sur les moyens de réduire le ternissement pendant la mise en réserve et l'exposition dans Selwyn (1990) et la Note de l'ICC 9/7 Le soin de l'argent.
Quand l'élimination de la ternissure est nécessaire et acceptable, une des options est d'utiliser un agent de polissage abrasif. La Note de l'ICC 9/7 Le soin de l'argent en présente plusieurs. La plupart sont des produits commerciaux, mais un autre se compose simplement d'une pâte faite de carbonate de calcium précipité et d'eau. La présente Note porte sur la préparation et l'utilisation d'une telle pâte. Il s'agit d'un agent de polissage doux, car il n'enlève pas trop d'argent sous la ternissure. En l'utilisant, on évitera les produits du commerce, susceptibles de renfermer des abrasifs et des additifs inconnus et nuisibles à l'objet.
La procédure décrite ici convient aux objets en argent (plaqués ou faits d'un alliage) qu'on peut rincer à l'eau sans endommager les autres matériaux qui entrent dans leur composition, comme le bois et l'ivoire. Il n'est pas nécessaire de disposer d'un laboratoire ni d'un système de ventilation, sauf si l'on utilise un solvant organique. Avant d'utiliser un produit chimique ou un solvant, consulter la fiche signalétique afin de connaître l'information de santé et sécurité qui s'y rapporte.
Procédure : comment fabriquer et utiliser un agent de polissage à base de carbonate de calcium précipité
Comment fabriquer et utiliser un agent de polissage de l'argent à base de carbonate de calcium précipité
Cette vidéo a été créée par l'Institut canadien de conservation.
Équipement et matériel requis pour fabriquer et utiliser l'agent de polissage
- Argent terni
- Gants jetables en nitrile
- Carbonate de calcium précipité
- Eau (distillée ou déionisée dans la mesure du possible)
- Boîte de Petri ou contenant approprié pour déposer de petites quantités d'agent de polissage
- Spatule ou cuillère
- Pour le polissage : tampons de coton non pelucheux ou chiffon en flanelle
- Pour sécher l'objet et en retirer les résidus de poudre abrasive : chiffons en flanelle de coton ou chiffons de polissage en coton spécialement conçus pour cet usage
- Pinceau à soies naturelles, préférablement sans virole métallique (la bande de métal qui maintient les soies) qui risquerait d'égratigner l'argent; choisir un pinceau aussi doux et fin que possible (comme celui en soies de martre ou d'écureuil)
- Pellicule plastique, comme celle des marques Saran Wrap, Handi-Wrap, Cling Wrap ou Parafilm M (pellicule étirable utilisée en laboratoire)
- Feuille d'acrylique (l'acrylique est un polymère transparent, le poly[méthylacrylate de méthyle] ou PMAM, offert sous divers noms de marque tels que Plexiglas, Lucite et Perspex)
- Détergent ou surfactant doux (comme le laurylsulfate de sodium)
- Facultatif : acétone, éthanol ou essences minérales, au besoin, pour éliminer la cire ou la graisse
Marche à suivre pour préparer l'agent de polissage et en faire l'essai sur l'acrylique
- Voici ce qu'il faut faire pour fabriquer une faible quantité d'agent de polissage en vue d'un essai ou du nettoyage d'un seul objet.
- À l'aide d'une spatule ou d'une cuillère, mettre un peu de carbonate de calcium précipité dans une boîte de Petri.
- Ajouter de l'eau et mélanger à la spatule ou avec un pinceau à poils doux jusqu'à l'obtention d'une pâte crémeuse.
- Pour fabriquer une grande quantité d'agent à garder sous la main, mélanger à volume égal de l'eau et du carbonate de calcium précipité. Voici une façon de faire.
- Remplir un contenant (comme un gros bécher) du volume d'eau déterminé et y indiquer le niveau atteint.
- Verser l'eau dans un récipient temporaire.
- Après avoir séché le contenant initial, le remplir de carbonate de calcium précipité jusqu'au niveau indiqué.
- Tapoter le contenant sur une surface dure pour éliminer les bulles d'air de la poudre.
- Remettre l'eau mesurée dans le contenant et mélanger.
- Ranger la pâte dans une bouteille étiquetée.
- Bien agiter avant l'utilisation.
- Voici comment procéder pour faire l'essai d'un mélange jusqu'alors inutilisé.
- Retirer le film plastique protecteur d'une feuille d'acrylique neuve.
- Tailler de petits carrés de tampon de coton ou de flanelle de coton; les carrés de 5 cm sur 5 cm sont d'une taille convenable.
- À l'aide d'un tampon de coton, prélever une petite quantité de pâte à base de carbonate préparée à l'étape 1 ci-dessus.
- Frotter plusieurs fois l'acrylique sur quelques centimètres avec le tampon couvert de pâte en faisant des mouvements d'aller-retour.
- Examiner l'acrylique pour y déceler toute égratignure. Sur l'acrylique transparent, les égratignures se voient plus facilement si un carton noir est placé derrière la feuille. Exposer la feuille à la lumière sous différents angles pour trouver celui sous lequel on perçoit le mieux les égratignures. Celles-ci sont plus visibles sur les feuilles d'acrylique noires que sur les feuilles transparentes.
- S'il y a des égratignures, il faut apposer une étiquette sur le contenant de pâte pour indiquer que le produit ne convient pas au polissage de l'argent et trouver une autre source de carbonate de calcium.
- Les feuilles d'acrylique servent non seulement à faire l'essai des pâtes à base de carbonate de calcium, mais aussi d'autres agents de polissage, comme ceux à base d'oxyde d'aluminium ou les produits commerciaux, ou encore, des pinceaux et des chiffons.
Rappel avant le polissage
Il convient de rechercher les marques qui aident à distinguer les alliages des placages d'argent, et aussi à discerner les zones usées qui permettent de reconnaître le métal de base sous le placage. Consulter des conservateurs, d'autres experts et toute documentation dont on dispose pour déterminer si l'objet présente du nielle, de l'oxydation due à la chaleur ou une patine artificielle. Les décisions touchant l'enlèvement de la ternissure, la quantité à éliminer et l'apparence finale de l'objet devraient être prises conjointement par un restaurateur et un conservateur. Il faut polir seulement quand cela est nécessaire, car le polissage excessif enlève aussi une certaine quantité d'argent d'un objet plaqué ou les détails d'un alliage d'argent. Éviter de polir l'argent couvert d'une patine artificielle et réduire au minimum le polissage des zones niellées ou ayant subi une oxydation due à la chaleur.
Procédure pour utiliser l'agent de polissage sur de l'argent terni
- Préparer une aire de travail appropriée, notamment un plan de travail matelassé de coton doux. Pour de plus amples détails, consulter Long (1999).
- Avant de manipuler un objet en argent ou des produits chimiques, enfiler une paire de gants jetables en nitrile.
- Épousseter l'objet avec un pinceau à poils doux en soies naturelles. S'assurer d'abord que le pinceau est propre, car les particules de poussière risquent d'égratigner l'argent. Utiliser un pinceau neuf ou dont l'usage est réservé au nettoyage de l'argent. Laver et assécher le pinceau avant de s'en servir pour la première fois. Si le pinceau a une virole métallique, couvrir cette dernière de ruban adhésif afin que le métal n'égratigne pas l'argent. Épousseter délicatement. Pour plus de conseils sur le nettoyage, consulter Long (1999).
- Couvrir d'une pellicule de plastique tout matériau qu'il faut éviter d'exposer à l'eau et aux solvants (les os, le bois ou l'ivoire par exemple). Certains plateaux en argent comportent une bordure renforcée au fer, qu'il faut éviter de mouiller. (Se servir d'un aimant pour vérifier la présence de fer dans la bordure.) Éviter que l'eau atteigne les poignées creuses ou toute autre partie creuse de l'objet.
- Nettoyer l'argent à l'eau et au savon doux (quelques gouttes suffisent) pour en déloger la saleté et la graisse. Bien sécher.
- Facultatif : Au besoin, utiliser de l'éthanol, de l'acétone ou des essences minérales pour éliminer la graisse, la cire de chandelle ou tout autre résidu organique adhérant à la surface. Les solvants organiques enlèvent parfois aussi un peu de ternissure, quand celle-ci renferme suffisamment de matériaux organiques (Hallett et al., 2003).
- Préparer une pâte à base de carbonate de calcium et en mettre un peu sur un tampon en coton (d'environ 5 cm sur 5 cm) comme dans l'essai sur l'acrylique.
- Avec le tampon de coton, polir la surface d'argent en la frottant délicatement en faisant un mouvement circulaire, lorsque cela est possible.
- Quand le tampon est sale, le remplacer. Toujours prélever la pâte à base de carbonate avec un tampon propre.
- S'interrompre souvent pour essuyer la surface polie, la rincer et l'inspecter. Ne pas présumer que l'objet a encore besoin de polissage simplement parce que le tampon utilisé noircit. Même quand la ternissure est complètement éliminée, le tampon noircira parce que l'abrasif enlève l'argent de la surface.
- Éviter de polir une zone trop longtemps. Mieux vaut polir tout l'objet plusieurs fois que de se concentrer trop longtemps sur une zone. Si une zone est trop polie, il faudra peut-être reprendre l'objet tout entier pour le polir au même degré.
- Une fois le polissage terminé, rincer la surface pour en retirer les fines particules de pâte à base de carbonate de calcium. Si cela est possible, rincer à l'eau courante; sinon, utiliser un chiffon de flanelle de coton ou des cotons-tiges mouillés. (Prendre soin de ne pas égratigner l'argent avec les cotons-tiges montés sur un bâtonnet de bois, car le bois peut égratigner l'argent.)
- Bien sécher l'objet à l'aide de chiffons doux absorbants, comme ceux en flanelle de coton. S'assurer de ne pas laisser d'eau dans les interstices. Pour sécher, éponger l'objet plutôt que de l'essuyer.
- Examiner l'objet à la loupe et retirer toute trace de carbonate de calcium avec un pinceau à poils doux ou un chiffon de polissage en coton de marque Selvyt. Utiliser un petit pinceau à poils doux à soies naturelles pour enlever les résidus de poudre des rainures.
Les figures 1 à 3 illustrent certaines étapes du polissage d'un plateau en argent terni. À la figure 1, on voit une bande d'argent non poli entre deux zones déjà polies, rincées et séchées. À la figure 2, un tampon de coton est frotté sur la bande ternie. À la figure 3, on voit le résultat du polissage. Le reste de ternissure laissé dans le motif gravé en fait ressortir les détails.
Renseignements supplémentaires
Modifications de la méthode
Certains restaurateurs recommandent d'ajouter quelques gouttes de détergent à l'eau utilisée dans la pâte de carbonate de calcium (Wharton, 1989). D'autres recommandent plutôt d'employer de l'éthanol dénaturé de préférence à l'eau (Long, 1999) ou un mélange d'éthanol et d'eau (Pouliot et al., 2015)
Il arrive que le carbonate de calcium précipité n'élimine pas complètement la ternissure d'un objet en argent, particulièrement s'il est fait d'un alliage. Pour les taches de ternissure rebelles, essayer une pâte composée d'eau et de poudre d'oxyde d'aluminium (alumine, de formule Al2O3) à granules de 0,05 μm. (Comme pour le carbonate de calcium, faire d'abord un essai de la pâte obtenue sur une feuille d'acrylique.) La pâte à l'oxyde d'aluminium se fabrique de la même manière que celle au carbonate de calcium. Si elle n'est pas efficace, essayer une pâte d'oxyde d'aluminium à granules de 0,3 μm ou de 1,0 μm.Faire preuve de prudence, surtout pour les objets plaqués argent, car cet abrasif enlève du matériau plus rapidement que ne le fait le carbonate de calcium.
Élimination de la ternissure et des résidus dans les motifs en creux
Il est souvent difficile d'éliminer la ternissure des motifs en creux et des rainures comme celles que l'on trouve dans les motifs gravés. L'utilisation de cotons-tiges et d'autres petits outils doux est pratique dans les zones qui posent problème. Toutefois, il est parfois préférable de laisser un peu de ternissure (même si elle n'est pas d'origine) dans les motifs en creux, car elle permet une meilleure définition du motif et conserve l'aspect historique de l'objet, plutôt que de lui donner une apparence « neuve ». Les décisions touchant l'enlèvement ou non de la ternissure, la quantité à éliminer et l'apparence finale de l'objet devraient être prises conjointement par un restaurateur et un conservateur.
Dans la mesure du possible, il faut enlever les résidus de polissage dans les zones en creux puisqu'ils déparent l'objet. À la figure 4, on voit un exemple de résidus accumulés à force de polissages avec un produit inconnu.
Tampons et chiffons de coton
Les tampons de coton non pelucheux sont utilisés dans le milieu de l'imprimerie pour enlever l'excédent de produits chimiques ou d'encres. Ces tampons non tissés faits de fibres de coton comprimées se vendent en carrés de 10 cm et sont pratiques pour appliquer la pâte à polir.
Les grands chiffons de coton sont utiles pour sécher les objets en argent après leur polissage. Les chiffons de polissage en coton de marque Selvyt permettront d'enlever les résidus de carbonate de calcium une fois l'objet séché à l'étape finale du nettoyage. Ils sont réutilisables après lavage. Ne pas confondre les chiffons de polissage en coton Selvyt (Selvyt Polishing Cloth) avec les autres chiffons vendus sous cette marque, comme les chiffons de polissage en microfibres de polyester tissé (Selvyt MF Woven Soft Fibre Polishing Cloth) ou les chiffons de nettoyage imprégnés d'un produit de polissage. Mise en garde : d'autres entreprises vendent, sous le nom « chiffon de polissage », des chiffons imprégnés d'un produit de polissage. Ils ne doivent pas être utilisés pour éliminer les résidus de carbonate de calcium.
Évaluation d'un objet pour déterminer s'il faut le polir
Patine artificielle et autres aspects de l'histoire d'un objet
Avant de polir un objet en argent, il faut déterminer s'il a reçu une patine artificielle. Par exemple, de 1840 à 1950, le fini en « argent oxydé » était populaire en Europe et en Amérique (Rudoe, 1993). Pour l'obtenir, on immergeait l'objet dans une solution sulfurée afin de rehausser son apparence en lui conférant un aspect vieilli. Après avoir reçu cette patine artificielle, l'objet était ensuite souvent recouvert d'un vernis protecteur pour empêcher tout ternissement naturel. Une autre méthode pratiquée pour accentuer les motifs gravés consistait à les incruster de nielle, un matériau sombre et brillant composé d'un ou de plusieurs sulfures métalliques (Selwyn, 2004). Aujourd'hui encore, la patine est parfois utilisée pour mettre en évidence les marques sur un objet. Malheureusement, nombre de ces articles ont perdu la couleur originale du fini en raison du polissage. Consulter un conservateur ou un autre membre du personnel de musée pour savoir reconnaître l'argent oxydé, le nielle ou la patine artificielle afin de déterminer s'il y a lieu de polir la surface.
L'oxydation due à la chaleur est un autre aspect de la fabrication de l'objet à prendre en considération. Il s'agit d'une couche (ou écaille) d'oxyde de cuivre qui se forme sur l'argent sterling (alliage d'argent contenant 7,5 % de cuivre) pendant la fabrication de l'objet (Mass et Matsen, 2012). Ces écailles se développent quand l'argent sterling est recuit. L'étape du chauffage est suivie d'un décapage à l'acide sulfurique dilué, qui élimine en surface l'oxydation due à la chaleur et qui en laisse une partie sous la couche d'argent presque pur. La couche sous-jacente risque d'être révélée ultérieurement par les polissages répétés. Elle apparaît alors comme une zone irrégulière, grise et terne, qu'on voit mieux si l'objet est placé sur une surface blanche. Une fois que l'oxydation due à la chaleur est devenue visible, tout polissage ultérieur en fera voir une partie encore plus grande plutôt que d'éliminer celle qui est déjà exposée.
Avant de polir, il faut aussi se demander si les égratignures font partie de l'histoire de l'objet. Leur forme indique à la fois l'utilisation et les polissages répétés, et traduit l'âge de l'objet. Si ces égratignures à valeur historique sont éliminées par des polissages excessifs, cette information sera perdue. Les polissages excessifs sont susceptibles de produire un fini miroir, ce qui ne convient sans doute pas à un objet historique.
Comment distinguer les objets plaqués argent des objets en argent sterling par les marques de contrôle et d'autres marques
Nombre de techniques et de matériaux servent à fabriquer l'argenterie mais ces objets se divisent globalement en deux catégories : les objets plaqués argent et ceux faits d'un alliage d'argent. L'alliage le plus courant est l'argent sterling, parfois appelé « argent 925 », composé à 92,5 % d'argent et à 7,5 % de cuivre en poids. (L'argent pur, aussi appelé « argent fin », sert rarement à fabriquer des objets parce qu'il est trop mou.)
Avant de polir un objet, il importe de savoir faire la distinction entre un alliage et un placage d'argent. Pour les objets plaqués argent, il est utile de reconnaître le métal de base sous-jacent. (Par exemple, si le métal de base est du plomb, il pose un danger.) Lorsque le placage est déjà endommagé, il est peut-être préférable de ne pas polir l'objet sous peine d'enlever plus de placage.
Les objets en argent portent souvent un poinçon qui indique leur teneur en argent ou qui distingue un alliage d'un placage. Ces marques sont parfois prescrites par la loi. Nombre de pays exigent l'indentification de l'argent sterling et des autres alliages d'argent dans une zone peu apparente de l'objet par un ou plusieurs poinçons de contrôle (Selwyn, 2004). Au Canada, la loi n'exige pas ces marques de contrôle, mais toute marque apposée sur un objet en argent doit respecter la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux. (Voir aussi le Guide de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux et de son règlement.) La figure 5 illustre les marques de contrôle au dos d'une cuillère en argent sterling.
Différentes techniques sont utilisées pour appliquer une mince couche d'argent pur sur un métal de base (La Niece, 1993) de manière à produire un placage d'argent. Pour reconnaître un tel placage, il faut d'abord chercher des marques. Les objets plaqués portent différentes marques, comme « silver plate » (« placage d'argent ») ou « silverplated » (« plaqué argent »), ou encore les lettres « S.P. » ou « E.P. ». Les lettres E.P. indiquent que l'objet a été électroplaqué; l'électroplacage est une technique qui a été brevetée en 1840 et qui consiste en l'application d'une mince couche de métal (dans ce cas l'argent) sur tout autre métal par procédé électrochimique (Raub, 1993). Les lettres E.P. sont parfois suivies d'un mot ou d'autres lettres qui indiquent le métal de base : E.P. plomb, E.P. cuivre, E.P. laiton, E.P.B.M. qui désigne l'électroplacage sur le métal Britannia (un alliage principalement composé d'étain et d'antimoine) ou E.P.N.S. qui désigne l'électroplacage sur le maillechort (« nickel silver », un alliage principalement composé de cuivre, de nickel et de zinc, sans argent). La figure 6 montre les marques sur le dos d'une fourchette électroplaquée sur du maillechort. L'identification d'un objet plaqué argent se fait aussi grâce à d'autres marques désignant un fabricant qui ne produit que des articles en alliages d'argent. Il existe des listes détaillées de poinçons sur les objets en argent et les objets plaqués argent, par exemple Online Encyclopedia of Silver Marks, Hallmarks & Makers' Marks (en anglais seulement), Poinçon de l'argent et poinçon de l'orfèvre et Silverplate Marks (en anglais seulement). Beentjes (2007) offre des conseils pour reconnaître des techniques de placage autres que l'électroplacage.
Comment reconnaître le métal de base d'un objet plaqué argent
Un autre moyen de reconnaître un objet plaqué argent est d'y chercher des zones usées ou trop polies où le métal de base est apparent. Le métal de base est souvent visible aux bordures et aux coins ou à la partie supérieure d'un objet qui a perdu son placage parce qu'il a été touché et poli. Les figures 7 à 10 en montrent plusieurs exemples flagrants.
La figure 7 montre la couleur rougeâtre du cuivre sous-jacent d'un plateau en cuivre plaqué argent. Le détail de la figure 8 révèle le jaune doré typique du laiton dont est fait un gobelet initialement plaqué argent. On peut facilement prendre cette couleur pour une fine couche de ternissure.
La figure 9 montre le détail d'un chandelier en plomb plaqué argent. Les zones d'un gris terne sont du plomb. Le plomb est dangereux et impose des précautions spéciales. Il faut porter des gants, indiquer sur une étiquette que l'objet contient du plomb et traiter tous les chiffons utilisés pour le polir comme des déchets dangereux. Pour obtenir plus de directives sur la façon de s'y prendre avec un objet renfermant du plomb, consulter la Note de l'ICC 1/8 La présence de plomb dans les collections muséales et les édifices patrimoniaux. (Le plomb est également présent dans divers objets décoratifs en argent; par exemple, dans des plateaux semblables à celui de la figure 7, la décoration le long de la bordure pourrait être faite d'un alliage de plomb.)
La figure 10 donne un exemple de fourchette qui a perdu une partie de son placage d'argent, révélant ainsi le métal de base, du maillechort. Même s'il est plus terne que l'argent, le maillechort est de la même couleur, ce qui le rend utile comme métal de base, puisque la perte du métal plaqué est moins apparente que sur un métal de base de couleur contrastante, comme le cuivre (figure 7).
Comment reconnaître la présence d'un revêtement
Les objets en argent peuvent être revêtus d'un vernis ou d'une cire protectrice qui ralentit leur ternissement (Selwyn, 1990). Sur l'argent, un revêtement relativement récent sera transparent et peut-être difficile à voir. Avec le temps, le vernis risque de jaunir, de se contracter et de se craqueler. Pour plus de détails sur les vernis appliqués sur l'argent, consulter Pouliot et al. (2015) et les références qui s'y trouvent.
Sur un objet en argent vernis, le ternissement se développera dans les défauts du vernis, comme les craquelures et les égratignures, ou sur les zones qui n'ont pas été convenablement revêtues. La figure 11 donne un exemple de plateau plaqué argent et verni portant des ternissures et des égratignures de couleur foncée.
Pour reconnaître la présence d'un revêtement, il suffit parfois de comparer la façon dont la lumière est réfléchie par l'objet avec la façon dont elle est réfléchie par un objet non revêtu, ou de chercher les dommages d'un revêtement, comme des égratignures ternies. La résistance électrique sur la surface peut aussi être mesurée au moyen d'un multimètre réglé sur la fonction ohmmètre. Il faut d'abord placer délicatement les fiches du multimètre sur le métal non revêtu. La pression des fiches doit quand même être suffisante pour que le multimètre mesure une faible résistance, ce qui indique que la surface est conductrice. Poser ensuite les fiches du multimètre sur l'objet revêtu en appliquant à peu près la même pression. La mesure de la résistance sera très élevée et dépassera probablement la valeur maximale du multimètre. Éviter d'exercer une pression trop forte sur les fiches ou de les bouger sur la surface; autrement, elles risquent d'égratigner le revêtement jusqu'au métal sous-jacent. S'il y a un revêtement, il faudra l'éliminer avant de polir l'argent, puis en appliquer une nouvelle couche après le polissage.
Abrasifs et polissage
Pour éliminer du matériel d'une surface de métal, l'abrasif doit être plus dur que la surface (Samuels, 2003). Le sulfure d'argent, principal composant de la ternissure sur l'argent, est à peine plus mou que l'argent métallique. Or, il n'existe aucun abrasif tout juste assez dur pour enlever la ternissure sans entamer le métal. Le carbonate de calcium (CaCO3), légèrement plus dur que l'argent ou le sulfure d'argent, est considéré comme un abrasif doux, mais il est quand même assez dur pour égratigner la surface d'argent (Wharton et al., 1990). L'acrylique est à peu près aussi dur que l'argent et la ternissure sur l'argent, ce qui en fait un matériau approprié pour faire l'essai d'un agent de polissage.
Bien que tous les abrasifs produisent des égratignures sur la surface d'un objet (Samuels, 2003), celles-ci ne sont pas visibles à l'œil nu quand elles sont plus étroites et moins profondes qu'environ la longueur d'onde visible, autour de 0,5 μm. Seul le coin d'une particule abrasive élimine du matériel de la surface, si bien que le diamètre des particules peut être quelques fois supérieure à la longueur d'onde de la lumière, soit 1 ou 2 μm, sans produire d'égratignures visibles. Mais il est possible que les poudres désignées comme ayant cette taille contiennent des particules plus grosses, parce que la taille des particules abrasives est généralement donnée en tant que valeur moyenne (ou encore, sous forme de fourchette de valeurs).
Le carbonate de calcium produit chimiquement, parfois nommé « craie précipitée », est le précipité d'une solution saturée. Même s'il est souvent tamisé pour en retirer les grosses particules, il n'est pas exclu que la poudre qui en résulte renferme des particules assez grosses pour causer des égratignures visibles sur l'argent (Wharton et al., 1990). Dans la nature, le carbonate de calcium se trouve généralement dans le minéral calcite, qui est présent dans le calcaire, la craie, le marbre et les coquillages (Eastaugh et al., 2008). Les poudres de ces matériaux (comme la craie moulue, le calcaire moulu ou le blanc d'Espagne) renferment souvent de grosses particules ou des impuretés et sont à proscrire pour le polissage de l'argent.
Les restaurateurs tendent à éviter les agents de polissage du commerce parce qu'ils sont susceptibles de renfermer des abrasifs dont la taille des particules suffirait à produire des égratignures visibles sur l'argent (Selwyn et Costain, 1991). Une autre source possible de particules abrasives se trouve dans les agents de matité (sous forme d'aérosol ou de poudre) du commerce, qui sont parfois appliqués avant de prendre des photographies, puis essuyés (Harvey, 1999). Il y a même des abrasifs dans les plastiques en polyéthylène utilisés pour le rangement, comme les sacs en plastique à glissière. Ces plastiques contiennent parfois des matériaux inorganiques ajoutés comme charges ou visant à en améliorer les propriétés (par exemple, pour empêcher le plastique de se coller). Certaines de ces particules inorganiques (comme le dioxyde de silicium) sont plus dures que l'argent, et peuvent donc l'égratigner. Il faut toujours envelopper les objets en argent dans du papier de soie sans acide avant de les placer dans du plastique.
Remerciements
Merci tout spécialement à Lucy 't Hart, ancienne stagiaire à l'ICC, d'avoir contribué à l'élaboration de la présente Note.
Fournisseurs
Remarque: Les renseignements qui suivent visent uniquement à informer le lecteur. Le fait qu'une entreprise figure dans la présente liste ne signifie pas pour autant qu'elle est approuvée par l'Institut canadien de conservation.
Carbonate de calcium précipité (craie précipitée)
Il est possible de se procurer du carbonate de calcium précipité auprès de certains fournisseurs de produits de conservation, comme Talas (en anglais seulement) (carbonate de calcium ultrafin USP; taille des particules : 1,6 μm) et Conservation Support Systems (en anglais seulement) (taille des particules : 1,2 μm).
Chiffons de polissage Selvyt
Les chiffons de polissage en coton de marque Selvyt se vendent chez certains fournisseurs de bijoutiers et de produits de conservation, par exemple Lacy & Co (en anglais seulement).
Tampons de coton non pelucheux
Fabriqués par Fiberweb, les tampons de coton Handi-Pads de marque Webrel sont offerts par les fournisseurs de produits de conservation, comme Talasou Carr McLean. Il est également possible de se procurer des tampons de coton non pelucheux chez les fournisseurs de produits d'imprimerie, tel Mark Andy Print Products (qui tient la marque A.B. Dick), et chez les fournisseurs de produits de laboratoire, tel VWR International.
- Fiberweb (en anglais seulement)
- Talas (en anglais seulement)
- Carr McLean (en anglais seulement)
- Mark Andy Print Products (en anglais seulement)
- VWR International (en anglais seulement)
Poudre d'oxyde d'aluminium
La poudre d'oxyde d'aluminium MicroPolish II (taille des particules : 1,0 μm ou 0,3 μm) et MicroPolish (taille des particules : 0,05 μm) se vend chez Buehler (en anglais seulement).
Références
Beentjes, T. P. C. « An Introduction to Silver Plating in 18th-century Europe », dans Metal 07: Proceedings of the Interim Meeting of the ICOM-CC Metal Working Group, vol.1, Amsterdam, 17–21 September, 2007 (sous la direction de C. Degrigny, R. van Langh, I. Joosten et B. Ankersmit), Amsterdam (Pays-Bas), Rijksmuseum, 2007, p. 17‑21.
Bradbury, F. Bradbury's Book of Hallmarks: A guide to marks of origin on English, Scottish and Irish silver, gold, platinum, palladium and on foreign imported silver and gold plate, Diamond Jubilee Edition 1952-2012, Sheffield (Royaume-Uni), Sheffield Assay Office, 2011.
Eastaugh, N., V. Walsh, T. Chaplin et R. SiddallI. Pigment Compendium: A Dictionary and Optical Microscopy of Historical Pigments, Oxford (Royaume-Uni) Butterworth-Heinemann, 2008, p. 80‑81.
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Rédigé par Lyndsie Selwyn
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2016
ISSN 1928-5272
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