Récits de stages provenant de la Division de la conservation des intérieurs patrimoniaux
Tyler C. Cantwell et Alice Wang
Depuis son premier programme de stages en 1980, l’Institut canadien de conservation (ICC) a accueilli plus de 250 restaurateurs et restauratrices et scientifiques en conservation en herbe. Dans cet entretien, nous rencontrons Tania Mottus, qui a été stagiaire de janvier 2012 à avril 2013, et Melanie Bell, qui est présentement en stage (de juin 2022 à juin 2023), pour en savoir plus sur leurs expériences à l’ICC.
Tania est aujourd’hui conseillère principale en préservation des collections à la Division de la conservation des intérieurs patrimoniaux et chef d’équipe des travaux que l’ICC achève pour la réhabilitation de l’édifice de la Cour suprême du Canada et de la Cité judiciaire. Melanie, quant à elle, travaille présentement avec Tania dans le cadre de son stage.
L’entretien a été modifié pour des raisons de longueur et de clarté.
Tyler C. Cantwell (TCC) : Commençons par donner un peu de contexte. Tania, comment es-tu devenue stagiaire à l’ICC?
Tania Mottus (TM) : D’aussi loin que je me souvienne, je voulais être artiste. Je suis donc allée à l’école d’art pour obtenir mon baccalauréat en beaux-arts, avec une spécialisation en arts plastiques et une concentration en sculpture. Après cinq ans, j’ai vu que la conservation des œuvres d’art était un domaine qui touchait à mes compétences et à mon souci du détail. Sachant que les exigences du programme comprenaient la chimie, j’ai révisé les mathématiques, la chimie, la physique et la biologie du secondaire, et compris à quel point j’aimais vraiment étudier les sciences. J’ai juste continué à suivre des cours jusqu’à ce que je me retrouve avec un baccalauréat ès sciences en chimie.
À partir de là, j’ai soumis une demande d’admission, et j’ai été acceptée dans le programme de maîtrise en conservation des œuvres d’art de l’Université Queen’s, dans le volet conservation d’objets. En ce qui concerne mes stages du programme d’études, mon premier stage a été au Musée canadien de la nature et mon second, au Musée des beaux-arts du Canada. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai posé ma candidature pour le stage à la Division de la conservation préventive de l’ICC (ou Services de préservation, comme on l’appelait à l’époque). C’était une division relativement nouvelle. Quand j’ai été acceptée, j’étais leur deuxième stagiaire.
TCC : Melanie, comment es-tu devenue stagiaire à l’ICC?
Melanie Bell (MB) : J’ai obtenu mon diplôme de premier cycle en sciences humaines à l’Université Carleton. Pendant que j’étais là-bas, j’ai pu voyager un peu (en Angleterre en deuxième année et en Grèce et en Turquie en quatrième année). J’avais aussi un professeur en troisième année qui emmenait sa classe faire de nombreuses visites, notamment au Musée des beaux-arts du Canada, puisqu’un de ses amis y était restaurateur de peintures. Au cours de ces expériences, je n’arrêtais pas de penser que de travailler avec l’art, l’histoire et la conservation serait vraiment une belle carrière. C’était dommage que je n’aie pas de formation scientifique à ce moment-là.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à faire ma chimie de 12e année tout en suivant des cours de vitrail afin de pouvoir postuler au programme de formation en gestion et en conservation du patrimoine culturel du Collège Fleming. C’était super! J’ai beaucoup aimé ce stage.
Pendant mes études, j’ai effectué un stage chez Eve Guinan Design (ou EGD Glass Studio) à Toronto, où nous avons travaillé sur les fenêtres de deux églises locales et sur le projet de réhabilitation du Massey Hall. Puis, un emploi s’est présenté chez Legris Conservation Inc., à Ottawa, où il s’agissait de travailler sur les peintures de la Colline du Parlement. Comme j’avais de l’expérience sur le terrain avec des vitraux et que j’avais terminé ma formation sur le travail en hauteur, j’ai obtenu cet emploi. J’ai travaillé chez Legris pendant deux ans et demi; au cours de cette période, nous avons participé à plusieurs projets de réhabilitation de la Colline du Parlement.
De là, je suis retournée sur la Colline du Parlement pour travailler comme restauratrice débutante en maçonnerie avec Capital Conservation Services. Je faisais partie de l’équipe qui travaillait sur le mur extérieur nord; j’ai donc aidé à suivre les progrès le long du mur et à évaluer l’entreposage à long terme des pierres qui avaient été retirées du bâtiment. Lorsque l’annonce de ce stage a été publiée, elle englobait toutes les compétences et les connaissances sur les matériaux que j’avais lentement accumulées.
Notre division s’appelle la Division de la conservation des intérieurs patrimoniaux, ce qui est une appellation inappropriée en quelque sorte. En effet, notre travail se concentre sur l’ensemble du bâtiment : la finition, l’enveloppe, les accessoires, la peinture architecturale. Il y a tellement de choses à apprendre. Je sais que l’ICC est l’un des meilleurs endroits au Canada où travailler, alors je suis vraiment ravie d’être ici. J’aime mon expérience jusqu’à maintenant.
TCC : Melanie, comment s’est passé ton stage à l’ICC jusqu’à présent?
MB : Eh bien, ça a été un peu différent, car nous travaillons encore principalement à distance. Mais nous restons en contact grâce à des réunions régulières, ce qui aide à faire avancer les choses. En ce moment, je fais des recherches sur une collection de neuf œuvres d’art se trouvant dans l’édifice Lester B. Pearson. Je fais des recherches sur les artistes et j’aide à créer des panneaux d’interprétation pour ces œuvres. Ce travail a été vraiment agréable. Nous avons également quelques visites de sites prévues.
TCC : Vas-tu dans les labos?
MB : J’y suis allée deux fois, mais je n’ai pas encore fait de travail de laboratoire.
TM : Dans le cadre du travail que Melanie et moi faisons, les visites sur les sites de la clientèle pourraient être considérées comme du « travail de laboratoire ». Il s’agit parfois d’examiner des maquettes liées au projet ou d’évaluer des installations servant à l’entreposage; parfois, il s’agit de faciliter le travail de nos collègues de l’ICC sur des aspects précis de ces projets, par exemple les beaux-arts ou le textile. Plus récemment, nous sommes allées sur place pour effectuer les inventaires patrimoniaux des édifices fédéraux patrimoniaux de l’îlot 3 (délimité par l’édifice Wellington et l’édifice Sir John A. Macdonald au centre-ville d’Ottawa). À partir de ces inventaires patrimoniaux, nous pouvons concevoir des évaluations de la valeur patrimoniale qui permettront de définir l’étendue des travaux pour la réhabilitation future de ces bâtiments.
TCC : Tania, quelle a été ton expérience de stage à l’ICC?
TM : Eh bien, le premier jour de mon stage, j’ai révélé à ma superviseure que j’étais nouvellement enceinte. Le moment n’était pas idéal, mais je savais que ce stage était une occasion tellement incroyable que je ne pouvais pas le refuser. Tout le monde était vraiment encourageant et accommodant. Ma gestionnaire s’est assurée que j’aie une expérience variée, y compris des déplacements à Montréal et à Edmonton pour offrir des ateliers de préparation en cas d’urgence et des déplacements locaux pour fournir des évaluations d’installations. De plus, mon travail n’était pas dangereux : je ne manipulais pas de solvants et des choses comme ça, donc ça se prêtait vraiment bien à ma situation personnelle.
Après la naissance de notre fille, j’ai pris trois mois de congé, puis j’ai partagé le congé parental avec mon conjoint afin de pouvoir retourner à l’ICC et terminer le reste de mon mandat d’un an. Quand je regarde ma fille maintenant, elle est l’incarnation physique de ma carrière à l’ICC. Elle était là avec moi depuis le début, et elle vient d’avoir dix ans, donc c’est plutôt bien que nous ayons cette croissance comparable : sa croissance en tant qu’enfant et la mienne en tant que restauratrice. Sauf que maintenant, j’ai peur qu’on se souvienne de moi comme de la « stagiaire enceinte ».
MB : Non, Tania. Honnêtement, c’est réconfortant d’inclure cela. De cette façon, les gens savent que s’ils sont dans une situation qui leur demande d’être soutenus, ils le seront.
TCC : Melanie, que comptes-tu faire après ton stage?
MB : J’espère rester dans ce domaine. J’aime travailler sur le terrain; je pense que c’est vraiment amusant. Je suis à l’aise avec mes chaussures à embouts d’acier et le travail en hauteur. Plus j’apprends, plus j’aime des choses. Par exemple, je n’avais pas réalisé à quel point la pierre était intéressante. L’ingénierie d’un bâtiment peut changer entièrement en fonction des matériaux dont il est fait. C’est bien plus fascinant que je ne l’aurais pensé!
TCC : Tania, compte tenu de ta position en ce moment et de ton expérience dans le programme de stages, quels conseils donnerais-tu aux personnes qui font présentement un stage à l’ICC ou qui en feront un dans le futur alors qu’elles progressent dans leur carrière?
TM : Profitez de toutes les occasions qui s’offrent à vous. La diversité des compétences et des connaissances à l’ICC nous a permis de mener à terme bon nombre de nos ententes de service avec notre clientèle. Nous ne sommes pas seulement une équipe de cinq personnes dans notre division, nous sommes plutôt soutenus par une solide équipe composée de membres du personnel ayant une variété de spécialisations. Tout le monde est toujours très ouvert à faire profiter de son expertise, du personnel de la Bibliothèque de l’ICC à n’importe laquelle ou lequel des restaurateurs et restauratrices et des scientifiques en conservation en passant par nos collègues du Réseau canadien d’information sur le patrimoine. Mon conseil est de profiter de toutes les ressources offertes pendant votre stage!
Si vous souhaitez en savoir plus sur les programmes de stages de l’ICC, visitez la page Programmes de stages de l’Institut canadien de conservation.
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2023
No de catalogue : CH57-4/70-2023F-PDF
ISBN 978-0-660-49176-9
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