Discours au Sommet Canadien des télécommunications prononcé par la présidente du Groupe d'examen
Discours
Janet Yale
Présidente du Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications
Le 3 juin 2019 - Toronto (Ontario)
La version prononcée fait foi
C’est formidable d’être de retour parmi tant de vieux amis ici au Sommet – bien que plusieurs d’entre vous m’aient avertie que, selon les recommandations finales de notre groupe, je pourrais ne pas me faire de nouveaux amis.
Évidemment, c’est le travail du groupe qui m’amène ici. J’aimerais donc commencer par prendre quelques minutes pour parler de la tâche qui nous a été confiée, à mes collègues et à moi, et pour vous faire part de l’état d’avancement de notre processus.
Notre groupe a été mis sur pied il y a un an en tant que groupe d’experts par le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique et la ministre du Patrimoine canadien.
Notre travail consiste à examiner en profondeur les questions difficiles auxquelles est confronté le secteur canadien des communications et à formuler des recommandations concrètes pour mettre à jour le cadre législatif... des recommandations qui fourniront les outils, les ressources et les pouvoirs aux décideurs et aux organismes de réglementation afin de leur permettre de tenir les promesses et de surmonter les perturbations découlant des changements technologiques.
Et nous sommes conscients que les gouvernements du monde entier, y compris les nôtres, sont aux prises avec ces questions difficiles en ce moment même.
On nous a conféré la liberté – voire le fardeau, diront certains, – de concevoir une vision élargie et ouverte de la façon de bâtir notre législation à l’avenir. Et je tiens à souligner que lorsque je dis « l’avenir », le mot est bien choisi.
Parce que, comme je l’expliquerai plus en détail dans quelques minutes, c’est – et cela doit être – notre tâche principale en tant que groupe : nous projeter dans l’avenir, penser au monde de demain et recommander des mesures aujourd’hui pour faire en sorte que nous en fassions un monde où nous voulons vivre. Pour les Canadiens, pour les consommateurs, pour l’industrie, pour les artistes et les ingénieurs, pour les collectivités touchées de toutes sortes. Et de toutes les tailles.
Évidemment, pour bien faire les choses, nous devons nous baser sur des commentaires de sources variées, des avis d’experts et de larges perspectives. C’est pourquoi nous avons mis l’accent sur la sensibilisation et la mobilisation – avec toutes les personnes présentes dans cette salle. Et avec beaucoup d’autres au-delà.
Ce travail a commencé en septembre lorsque nous avons sollicité des observations écrites – pour éclairer nos travaux et orienter nos perspectives. À cette occasion, nous avons également mis en relief quatre thèmes – sur lesquels nous avons encouragé les participants à s’exprimer.
Dans notre dialogue avec les Canadiens, engagé depuis septembre, et dans la définition de nos priorités de recherche, ces thèmes se sont avérés durables.
Permettez-moi de les répéter ici, car ils continueront de façonner nos délibérations et, en fin de compte, les domaines pour lesquels nous recommandons une réforme.
Premièrement, nous sommes préoccupés par l’importance de réduire les obstacles à l’accès pour tous les Canadiens aux réseaux de télécommunication de pointe. Autrement dit, nous voudrions faire en sorte que les nouvelles technologies et plateformes et les nouveaux services soient répandus à grande échelle et de façon équitable partout au pays, et nous allons récompenser ceux qui empruntent cette voie.
C’est une question d’équité. De commerce. Et, évidemment, c’est une question de prix qui doivent être abordables. Chacune de ces considérations est d’une importance capitale. Et chacune d’entre elles comporte un défi de taille.
De plus, la transformation numérique, y compris l’émergence des réseaux sans fil 5G, exige le déploiement efficace d’une nouvelle infrastructure pour accroître la fonctionnalité, la capacité et la portée des réseaux afin de répondre à la demande des consommateurs et des entreprises et, par conséquent, un cadre législatif capable de répondre à ces réseaux avancés et omniprésents. Il faut également être en mesure de relever les nouveaux défis qui se posent concernant la sûreté et la sécurité de l’infrastructure des télécommunications du Canada.
Deuxièmement, comment pouvons-nous mieux soutenir la création et la production de contenu canadien ainsi que son accessibilité? C’est sans aucun doute un domaine qui constitue une énorme priorité pour nous tous.
Nos histoires sont exceptionnelles et nos conteurs remarquables. Mais comment nous assurer que nos créateurs se voient offrir les moyens de raconter ces histoires canadiennes, qu’ils obtiennent une rémunération décente pour ce travail et ce talent artistiques? Et – un point d’une importance critique – comment faire en sorte que ces histoires soient vues et entendues dans un monde où les mécanismes de partage ont changé de façon si spectaculaire. Et ils ne feront que changer encore plus à l’avenir.
Troisièmement, nous nous attachons à améliorer les droits des citoyens et des consommateurs numériques. D’immenses plateformes existent et continuent d’être déployées – avec une portée sans précédent, s’étendant au-delà des frontières et touchant pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne. Face à cette réalité, comment pouvons-nous préserver autant de pouvoir, autant de choix, autant de contrôle que possible pour le consommateur individuel. Et comment pouvons-nous nous assurer qu’il existe des sources canadiennes indépendantes, fiables, exactes et diversifiées de nouvelles et d’information qui sont essentielles à une citoyenneté éclairée, à la participation civique et à nos processus démocratiques?
Et, enfin, nous axons nos efforts sur le renouvellement du cadre institutionnel du secteur des communications. Définir les rôles de chacun des acteurs dans la gouvernance et la réglementation du secteur. S’assurer qu’ils disposent des outils nécessaires pour s’acquitter de leurs responsabilités réglementaires et préserver nos intérêts.
Guidés par ces thèmes, nous avons entrepris au cours de l’automne et de l’hiver de nouer le dialogue avec un large éventail de Canadiens.
Afin de mieux faire comprendre les enjeux à un public plus large, nous avons produit trois vidéos d’information qui donnaient un aperçu des trois principaux textes législatifs visés par notre examen. Je suis heureuse de vous dire qu’ils ont été préparés et narrés par des experts du groupe lui-même : Hank Intven pour la Loi sur les télécommunications, Peter Grant pour la Loi sur la radiodiffusion et Monica Song pour la Loi sur la radiocommunication.
Et puis nous sommes partis en tournée : bien que nous n’ayons pas pu nous rendre dans toutes les collectivités, nous avons déployé d’immenses efforts pour organiser des réunions et des conférences en personne partout au pays : les membres du groupe ont rencontré 150 personnes et groupes d’intervenants dans le cadre de réunions tenues dans 11 collectivités du pays – de Vancouver et Calgary dans l’Ouest, à Yellowknife, Whitehorse et Iqaluit dans le Nord, en passant par le centre du Canada, Halifax et St. John’s dans l’Est.
Nous avons également assisté à 12 conférences au cours de ces mois.
La profondeur et l’ampleur du processus de consultation nous ont été extrêmement précieuses. Nous avons entendu de nombreuses personnes et collectivités dont les voix ne sont pas toujours entendues.
Par exemple, notre voyage dans le Nord. Nous y avons rencontré des groupes culturels et de télécommunications autochtones, des entrepreneurs, des organismes non gouvernementaux (ONG) du domaine de la santé, des gouvernements et des groupes de langues officielles en situation minoritaire. Et j’ai pu voir – de mes propres yeux – le grand potentiel culturel et économique qui existe dans le Nord et l’esprit d’entreprise exceptionnel qu’on y trouve.
Mais le voyage a aussi mis en lumière les défis que représente la géographie pour ceux qui vivent, travaillent et se connectent dans le Nord.
Nos rencontres avec les jeunes ont été un moment fort – ils ont un intérêt particulier pour un avenir que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd’hui. Et nous avons aujourd’hui la responsabilité de mettre en place un cadre qui répondra aux changements qui s’annoncent et qui seront là pour durer.
Ils nous ont parlé de l’importance de l’accès dans les collectivités rurales et éloignées et du sans-fil dans les écoles. Et de la priorité qui doit être accordée au contenu canadien numérique en français. Nos étudiants nous ont également parlé de la façon dont la technologie a changé leurs habitudes de visionnement et de consommation d’information, de contenu audio et audiovisuel.
Voilà donc un résumé des efforts et des consultations qui nous ont menés jusqu’ici. Et je serai honnête avec vous – j’avais espéré arriver ici avec des copies de notre rapport intérimaire intitulé Ce que nous avons entendu. Malheureusement, les astres n’étaient pas tout à fait alignés – sans parler des considérations plus terrestres que sont l’édition, la traduction et la production. Mais je tiens à vous assurer que ce rapport en est aux toutes dernières étapes de préparation et qu’il sera publié plus tard ce mois-ci.
À cet égard, permettez-moi de vous donner un aperçu de ce à quoi vous pouvez vous attendre – et de ce que vous ne devriez pas voir dans le rapport.
Le rapport sera un catalogue fidèle et complet des commentaires que nous avons reçus au cours de nos voyages, ainsi que des plus de 2 000 observations et lettres qui nous ont été transmises. La réponse a été volumineuse – et à de nombreuses reprises – elle était riche en enseignements. Ce sont des questions qui comptent pour les gens. Il n’en faut pas beaucoup pour éveiller leurs passions.
Nous avons trouvé éclairant l’exercice de rédaction du rapport – il nous a aidés à cerner les questions clés, les débats fondamentaux et les nombreuses décisions difficiles qui nous attendent. Je pense que vous pourrez constater tout cela.
Mais je veux mettre un frein à vos attentes – ce rapport se concentrera sur ce que nous avons entendu et non sur ce que nous pensons. Ce que nous pensons, nous le ferons savoir en janvier 2020 avec notre rapport final lorsque nous nous prononcerons sur ces questions dans nos recommandations au gouvernement.
Au cours des prochains mois, mes collègues du groupe d’examen et moi-même passerons de la tâche d’analyser les commentaires à celle, encore plus difficile, de faire nos choix et de présenter nos recommandations pour de futures modifications législatives.
Pour des raisons évidentes, je ne vais pas aujourd’hui donner un avant-goût de l’orientation de ces recommandations. Honnêtement, nous avons un ensemble diversifié et animé de points de vue parmi les membres du groupe. Des débats et des décisions difficiles nous attendent. Personnellement, ces débats me stimulent, car les choix politiques auxquels nous sommes confrontés sont d’une importance essentielle. D’un point de vue artistique, économique, technologique et au-delà.
Je sais que vous le savez – franchement, les gens dans cette salle le savent aussi bien que quiconque dans ce pays. Peut-être que dans ce monde.
Donc, sur ce point, permettez-moi de partager une autre réflexion – vous pourriez même appeler cela un appel.
Lorsque nous parlons de l’avenir de notre cadre législatif et réglementaire pour ces questions, nous, les membres du groupe d’examen, sommes arrivés à une conclusion ferme et inévitable : nous devons voir grand. Nous devons penser globalement. Nous devons penser non pas à ce qui servira bien le Canada et les Canadiens au cours des prochaines années, mais au moins à la prochaine génération entière.
Notre horizon ne peut se limiter à la prochaine élection ou au prochain déploiement de nouvelles technologies. Il faut voir plus loin encore. Pour bien faire les choses aujourd’hui, nous devons penser à ce que sera notre approche demain. Nous devons bâtir notre cadre législatif, même face à des changements vertigineux – et peut-être à cause de ces changements vertigineux – pour perdurer jusqu’en 2040 ou même 2050.
Et ce n’est pas rien.
Les gens de notre industrie n’ont pas souvent le luxe de penser en ces termes. Nous avons des actionnaires et des patrons. Des marchés et des clients. Des consommateurs et des clients. Cela nous ramène à l’immédiat, ce qui est compréhensible. Mais concernant ces questions, nous avons l’occasion – en fait, nous avons l’obligation – de penser plus largement.
En ce qui concerne les questions principales et intimidantes entourant le rôle du Canada dans l’économie numérique de demain – et l’exercice de ce rôle dans ce contexte de notre souveraineté culturelle – nous devons nous attaquer à d’énormes enjeux. Nous devons penser à long terme si nous voulons servir fidèlement et de façon responsable le court terme.
Personnellement, j’ai acquis la conviction que la meilleure façon d’éviter de se laisser submerger est de s’en tenir fermement à quelques objectifs simples. Parlant strictement en mon nom, je considère ces objectifs comme des moyens d’éviter d’être laissés pour compte dans ce monde nouveau et audacieux. Et, plus important encore, comment nous préparer à en tirer pleinement parti.
Il est naturel d’aborder un groupe comme le nôtre en pensant au besoin pressant de servir les intérêts de vos plans d’affaires existants et d’atteindre vos buts et objectifs d’aujourd’hui. Je comprends cela. Vraiment.
Lorsque nous publierons notre rapport Ce que nous pensons, et pas seulement notre rapport Ce que nous avons entendu – je vous prie tous d’examiner les recommandations que nous offrons dans cette optique plus large.
À ce moment-là, vos voix auront un poids énorme auprès des décideurs gouvernementaux. Je sais que vous avez tous participé activement à nos consultations. J’espère que vous vous engagerez à nouveau avec détermination lorsque le moment sera venu de donner suite à nos recommandations.
Et j’espère que vous profiterez de l’occasion pour vous exprimer – pas seulement sur ce qui pourrait aller à l’encontre de votre orientation actuelle. Mais à l’appui de ce qui pourrait ouvrir de toutes nouvelles avenues – des secteurs d’activité tout à fait nouveaux et de nouvelles possibilités passionnantes.
Nous pouvons compter sur tant d’atouts – la qualité et l’étendue de nos réseaux technologiques. L’incroyable talent de nos artistes. L’industrie de nos ingénieurs et experts. L’accès aux nombreuses cultures et marchés du monde.
Il y a une grande occasion à saisir. Mais nous devons aller de l’avant pour en tirer pleinement parti.
Si nous abordons cet avenir en pensant uniquement à en sortir gagnants, trop d’entre nous risquent de perdre la partie. Si nous axons tous nos efforts à ne pas sortir perdants, nous laisserons sûrement filer d’incroyables possibilités.
L’approche appropriée est un équilibre mesuré, un mélange judicieux et une perspective large et de grande portée.
C’est l’objectif que les membres du groupe et moi-même nous fixerons pour notre rapport final. Et je tiens à souligner l’immense talent et la contribution des six membres du groupe d’examen – et à les remercier pour leur dévouement à l’égard de la tâche à accomplir.
J’espère que vous trouverez notre approche encourageante. Et j’espère aussi que vous pourrez y faire écho.
Je tiens à vous remercier. Je suis heureuse d’avoir la chance d’être ici aujourd’hui, ravie d’être de nouveau parmi vous tous et très enthousiaste quant au travail qui nous attend.
Merci.
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