Établissement et intégration de réfugiés d’expression française dans une CLOSM francophone : le cas de Winnipeg et Saint-Boniface, 2006 à 2016

Étude sur les réfugiés d’expression française de Winnipeg et Saint-Boniface.

Par Faiçal Zellama, Chedly Belkhodja, Patrick Noël, Moses Nyongwa, Mamadou Ka et Halimatou Ba

16 février 2018

Ce projet a été financé par la Direction générale de la recherche et de l’évaluation d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles de l’auteur(e) ou des auteur(e)s et ne reflètent pas nécessairement celles d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ou du Gouvernement du Canada.

Ci4-185/2018F-PDF

978-0-660-28489-7

Numéro de référence : R27a-2016

Table des matières

Abréviations

AF
Accueil francophone
CAMM
Canadian Arab Association of Manitoba
CDEM
Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba
CLOSM
Communauté de langue officielle en situation minoritaire
DSFM
Division scolaire franco-manitobaine
HCR
Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
IPW
Immigration Partnership Winnipeg
IRCC
Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada
IRCOM
Immigrant and Refugee Community Organization of Manitoba Inc.
MIA
Manitoba Islamic Association
RIF
Réseaux en immigration francophone
SFM
Société de la francophonie manitobaine
USB
Université de Saint-Boniface
WP
Welcome Place

Resumé

Le présent rapport de recherche porte sur l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg au Manitoba. Pour comprendre cette problématique, le rapport en effectue d’abord, en guise d’introduction, une mise en contexte historique et conceptuelle. Le chapitre 1 présente la voix des réfugiés. Nous nous sommes arrêtés sur le profil des réfugiés francophones participant à l’enquête, sur leur trajectoire entre leur pays d’origine et le Canada, leur appréciation des programmes gouvernementaux relative à l’expérience d’établissement, leur intégration socioculturelle et économique et les défis que soulève celle-ci. Le chapitre se termine par la présentation des services reçus par les participants qui nous en ont aussi donné une évaluation. Le chapitre 2 donne la voix aux intervenants des organismes desservant les nouveaux arrivants. Après avoir dressé un profil des organismes participant à notre enquête, nous présentons les défis dont les intervenants des organismes ont fait part relativement à la question de l’établissement et de l’intégration des réfugiés d’expression française, les services qu’ils offrent à ces derniers, les évaluations qu’ils ont de ceux-là ainsi que leur avis sur les programmes encadrant l’établissement et l’intégration des réfugiés. Le chapitre 3 analyse et discute les résultats présentés dans les chapitres précédents à la lumière de la problématique dessinée dans l’introduction. De façon plus précise, l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française sont examinés à travers 6 variables selon leurs lacunes, les enjeux qu’elles soulèvent et les recommandations pertinentes : logement, emploi et formation, éducation, maîtrise des langues, santé et intégration sociale.

Sommaire exécutif

Le présent rapport de recherche répond à un appel d’offre d’IRCC lancé à l’été 2016 sur l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg au Manitoba. Pour comprendre cette problématique, le rapport en effectue d’abord une mise en contexte historique et conceptuelle. Les notions d’immigration, de politique linguistique, de CLOSM et de réfugiés sont mises en relation. Le cadre méthodologique de l’enquête est ensuite défini. Celui-ci est avant tout de nature qualitative, bien que nous ayons récolté des données d’ordre quantitatif au moyen de fiches d’informations sociodémographiques que chacun des participants réfugiés devait remplir. L’analyse qualitative repose sur des entretiens individuels et des discussions de groupe. Nous avons mené 29 entrevues individuelles auprès de réfugiés francophones et 2 discussions de groupe impliquant en tout 11 autres réfugiés francophones. Nous avons également mené 17 entrevues auprès d’intervenants d’organismes desservant les nouveaux arrivants. Ces entrevues nous permis d’avoir un regard plus global sur la question de l’établissement et de l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg, croisant la perspective de ces derniers avec celle des organismes. Le rapport s’articule en trois chapitres. Les deux premiers chapitres présentent une analyse descriptive. Le chapitre 1 présente la voix des réfugiés. Après avoir présenté le profil des réfugiés ayant participé à notre enquête à partir de quelques variables sociodémographiques, nous nous sommes arrêtés sur la trajectoire de ces derniers entre leur pays d’origine et le Canada, une trajectoire qui conditionne leur parcours d’établissement et d’intégration dans leur société d’accueil. Sont ensuite examinés leur appréciation des programmes gouvernementaux relative à l’expérience d’établissement, leur intégration socioculturelle et économique et les défis que soulève celle-ci. Le chapitre se termine par la présentation des services reçus par les participants qui nous en ont aussi donné une évaluation. Le chapitre 2, quant à lui, donne la voix aux intervenants des organismes desservant les nouveaux arrivants. Après avoir dressé un profil des organismes participant à notre enquête, nous présentons les défis dont les intervenants des organismes ont fait part relativement à la question de l’établissement et de l’intégration des réfugiés d’expression française, les services qu’ils offrent à ces derniers, les évaluations qu’ils ont de ceux-là ainsi que leur avis sur les programmes encadrant l’établissement et l’intégration des réfugiés. Le chapitre 3 analyse et discute les résultats présentés dans les chapitres précédents à la lumière de la problématique identifiée. De façon plus précise, l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française sont examinés à travers 6 variables selon leurs lacunes, les enjeux qu’elles soulèvent et les recommandations pertinentes : logement, emploi et formation, éducation, maîtrise des langues officielles, santé et intégration sociale.

Recommendations relatives :

Au logement

  • Le nombre des logements de transition pour les réfugiés pourrait être augmenté.
  • Le gouvernement fédéral pourrait s’inspirer des pratiques exemplaires du parrainage privé.
  • Le gouvernement fédéral pourrait investir davantage dans des logements sociaux.
  • Le gouvernement fédéral pourrait mettre sur pied un programme d’aide au logement.
  • Le logement pour les réfugiés pourrait être décentralisé davantage.

À l’emploi et à la formation

  • Des centres de formation pour les réfugiés pourraient mis sur pied.
  • Les services d’aide à l’emploi existants pourraient être remplacés par des services d’accompagnement sur le marché du travail.
  • Les services en matière d’emploi et de formation offerts aux nouveaux arrivants pourraient être décentralisés.

À l’éducation

  • Les modalités de l’enseignement prodigué aux réfugiés d’expression française pourraient faire l’objet d’une réorganisation logistique afin qu’il réponde mieux à leurs besoins.
  • Le contenu de l’enseignement pourrait être revu pour qu’il s’arrime davantage aux besoins spécifiques et divers des réfugiés d’expression française.
  • Des incitatifs financiers pourraient être mis sur pied pour qu’il soit plus facile aux réfugiés d’expression française de concilier travail et éducation.

À la maitrise des langues officielles

  • Les cours de langue pourraient être organisés en mode coopératif afin de permettre aux nouveaux arrivants d’avoir un contact direct avec le monde du travail et la langue utilisée dans le milieu.
  • Les cours de langue pourraient être mieux financés.
  • Les activités de traduction dans les organismes communautaires qui œuvrent auprès des réfugiés pourraient être soutenues.
  • Les familles francophones pourraient être appariées à des familles anglophones pour permettre des échanges et un apprentissage rapide de la langue.
  • Des activités pourraient être organisées pour rendre attrayante la langue française.
  • Les moniteurs de langue pourraient être sensibilisés aux réalités vécues par les réfugiés et donner à ces derniers des appuis psychologiques dès leur arrivée sur le sol canadien.

À la santé

  • Les autorités fédérales pourraient augmenter les ressources pour pouvoir offrir aux réfugiés les soins dont ils ont besoin dès leur arrivée sur le sol canadien.
  • Les organismes qui offrent des services de première ligne pourraient se voir donner la capacité d’orienter les réfugiés vers des professionnels de la santé dès leur arrivée au Canada.
  • La santé chez les réfugiés pourrait être abordée selon une approche holistique, c’est-à-dire en regardant tous les principaux déterminants de la santé que sont l’employabilité, l’environnement, la santé mentale, la santé physique n’étant que la partie visible de l’iceberg.

À l’intégration sociale

  • Certains organismes sociaux qui participent à l’intégration sociale des réfugiés dans la communauté d’accueil pourraient être financés ou mieux financés.

Introduction

Mise en contexte de l’étude

La présente étude porte sur l’établissement et l’intégration de réfugiés d’expression française à Winnipeg et à Saint-Boniface. L’étude s’intéresse aux réfugiés qui s’y sont établis au cours des dix dernières années (2006-2016). Pour comprendre cette problématique, nous avons interviewé 41 réfugiés d’expression française et 17 intervenants d’organismes servant les nouveaux arrivants Aussi, pour bien comprendre cette thématique directrice, des considérations historiques et des précisions conceptuelles s’imposent.

L’histoire du Canada ne peut être comprise sans tenir compte du rôle important joué par l’immigration dans ses différentes déclinaisons : immigration économique, regroupement familial et réfugiés. Le Canada s’est en bonne partie constitué à l’aide de vagues successives d’immigrants qui ont contribué à la richesse et à la diversité du pays. L’immigration au pays fait l’objet d’une législation depuis 1869, soit à peine deux après la création du Dominion du Canada avec l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique. Or ce n’est qu’un siècle plus tard, dans la foulée du dépôt des rapports de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme et l’adoption d’une politique linguistique reconnaissant le français et l’anglais comme les deux langues officielles du pays (1969), que le pays fait de la maîtrise de l’une de ces langues un critère de sélection en matière d’immigration. Ainsi existe-t-il depuis un lien étroit entre la politique linguistique et la politique d’immigration au Canada.

À cet égard, la partie VII de la Loi sur les langues officielles stipule que l’État canadien doit prendre des mesures positives afin de favoriser non seulement la promotion des langues officielles, mais aussi le développement et l’épanouissement des CLOSM. Un des moyens par lesquels l’État canadien souhaite (re)vitaliser les CLOSM est l’immigration. Pourtant, selon un récent rapport du Commissaire aux langues officielles, « les communautés francophones en situation minoritaire du Canada ont peu bénéficié de l’immigration » (Fraser et al., 2014 : 5). Dans cette perspective, il est pertinent de comprendre les défis auxquels font face de telles communautés et les immigrants qui décident de s’y établir et de s’y intégrer; immigrants et communautés en sortiront gagnants.

Winnipeg et Saint-Boniface représentent un cas de CLOSM francophone qui accueille des immigrants. Fière de sa francophilie, Winnipeg a adhéré en 2015 au Réseau des villes francophones et francophiles de l’Amérique (Radio-Canada, 2015). Chedly Belkhodja et al. ont produit pour IRCC en 2012 une typologie des CLOSM francophones dans laquelle Winnipeg est dépeinte comme une communauté qui, bien que bénéficiaient « d’atouts majeurs » comme des écoles et une université francophones, certains services gouvernementaux en français et une vitalité culturelle contribuant à un dynamisme économique, fait toutefois face à un certain nombre d’enjeux particuliers liés entre autres au fait que le français ne dispose pas ici d’un statut aussi propice que dans d’autres CLOSM francophones du pays telles que celles du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario et que la proportion de francophones est particulièrement faible (4 % ) et continue de décroitre, en dépit du processus de migration (Belkhodja et al., 2012).

Il est entendu que Winnipeg comme lieu d’accueil d’immigrants a fait l’objet de plusieurs recherches qui se sont entre autres penchées sur le rôle du logement et du quartier dans le processus de réinstallation des immigrants (Carter et al., 2009a et b), sur les nouveaux arrivants d’Afrique francophone et le logement (Ba et al., 2011), sur l’accès aux services francophones (Buissé, 2005 ; Nyongwa, 2012), sur l’identité culturelle et linguistique des nouveaux francophones (Nyongwa et Ka, 2015) et sur les représentations que se font les immigrants de leur nouveau chez-soi (Freund, 2015). Conformément à l’appel à propositions, la présente étude se focalise sur une catégorie d’immigrants qui a été peu étudiée par la littérature sur l’immigration francophone à Winnipeg, soit les réfugiés d’expression française. Il est d’autant plus intéressant de s'arrêter sur cette catégorie d’immigrants à Winnipeg, car elle représente une bonne part du nombre d’immigrants que cette ville accueille à tous les ans. Cela fait de Winnipeg un cas unique dans l’étude de la problématique d’immigration canadienne.

Nous entendons par « réfugié » une personne qui a besoin d’une protection en vertu du droit international. Les réfugiés sont au Canada l’une des trois catégories d’immigrants selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, avec la « catégorie de la famille » (regroupement familial) et la « composante économique » (immigration économique). Le Canada accueille deux grands types de réfugiés : les réfugiés pris en charge par l’État et les organismes et les réfugiés pris en charge par le privé (parrainages privés).

Comme l’immigration est une juridiction partagée dans la fédération canadienne, le Manitoba, à l’instar des autres provinces, dispose d’un ministère en la matière, en l’occurrence Travail et immigration Manitoba. L’immigration a longtemps joué un rôle important dans la croissance et la prospérité de la province. Les Manitobains continuent d’accueillir des réfugiés du monde entier dans leurs collectivités et de leur accorder leur soutien. En 2014, le Manitoba a accueilli 16 222 immigrants, soit 6,2 % de l’immigration totale canadienne. Les immigrants les plus récemment arrivés au Manitoba viennent de plus de 150 pays. Aussi, 9,2 % des immigrants de la province (1495 personnes) étaient des réfugiés – le nombre le plus élevé de réfugiés de son histoire. Notons par ailleurs que 6 % des réfugiés parrainés par le gouvernement du Canada (435 personnes) et 22 % des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé (1 004 personnes) se sont établis au Manitoba, soit le nombre le plus élevé par habitant au Canada. Environ le tiers (29 %) des réfugiés manitobains ont été pris en charge par l’État, tandis que les deux autres tiers (67 %) ont été parrainés par le secteur privé. Environ 57 % des réfugiés parrainés par le gouvernement provenaient de la Somalie, de l’Irak, de la République démocratique du Congo et de l’Érythrée. Environ 92 % des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé provenaient de l’Érythrée, de la Somalie, de l’Éthiopie et de la RDC.

Il est important de tenir compte du fait que le français ne figure pas parmi les 10 langues maternelles les plus importantes des immigrants, bien que la province dispose d’une Stratégie de promotion de l’immigration francophone. Si le Manitoba accueille plus de 400 immigrants francophones chaque année depuis le début des années 2010, ces chiffres n’ont jamais représenté plus de 4 % du nombre total d’immigrants s’installant dans la province - un taux loin de la cible de 7 %, établie par la province et la communauté il y a dix ans (Radio-Canada, 2016). En 2014, le Manitoba a accueilli 407 immigrants francophones qui provenaient principalement de la République démocratique du Congo, du Mali et de la France. 60 de ces immigrants étaient des réfugiés dont 50 % étaient parrainés par le secteur privé et 40 % étaient parrainés par le gouvernement. Enfin, Winnipeg a été le principal lieu de destination des immigrants dans la province, recevant 85,1 % d’entre eux (13 850 personnes). Elle occupe le 6e rang des villes ayant reçu le plus d’immigrants au pays. Notre étude a cherché à mieux comprendre la place des réfugiés francophones dans la CLOSM de Winnipeg, et ce, entre 2006 et 2016.

Une étude sur les réfugiés d’expression française dans la CLOSM de Winnipeg est importante pour plusieurs raisons. D’abord, dans la mesure où l’établissement et l’intégration des réfugiés sont une priorité de la stratégie en matière d’immigration du gouvernement du Canada. Ensuite, elle permettra aux décideurs politiques et à ceux d’IRCC en particulier d’avoir de meilleures connaissances pour assurer une cohésion sociale optimale dans la CLOSM et pour optimiser la prospérité sociale et économique non seulement des nouveaux arrivants au Canada, mais également de la société canadienne dans son ensemble. Par ailleurs, l’étude envisagée est pertinente dans la mesure où la société franco-manitobaine a entamé en 2015 une consultation communautaire en vue de dresser un état des lieux de ses préoccupations et de ses enjeux majeurs. À cette fin, différents chantiers ont été mis en œuvre et nous considérons que notre projet se situera en plein cœur de ce processus de redéfinition identitaire de la société franco-manitobaine (SFM, 2017). En effet, ce processus ne saurait être bien mené sans qu’on tienne compte des nouveaux arrivants francophones, dont les réfugiés.

Objectifs de l’étude

Il s’agit plus exactement de comprendre les besoins des immigrants, leurs expériences d’immigration et éventuellement d’améliorer les services existants et de pallier les lacunes potentielles. Nous nous sommes donné six objectifs pour opérationnaliser la problématique :

  1. Documenter les expériences des réfugiés d’expression française à Saint-Boniface et à Winnipeg en vue de faire ressortir des recommandations permettant de faciliter l’établissement et l’intégration des futurs arrivants. Nous chercherons à mieux comprendre les enjeux particuliers soulevés par l’établissement et l’intégration de ces réfugiés qui sont en situation de « double minorité » dans la CLOSM de Winnipeg. Quels sont les facteurs et conditions qui peuvent influencer l’établissement et l’intégration (besoins des réfugiés et accès à des services qui répondent à leurs besoins en matière notamment de soins de santé, de religion, de logement, de garde d’enfants ou d’éducation et incidences de la discrimination)?
  2. Dresser un portrait socioéconomique des réfugiés (pays d’origine, sexe, âge, éducation). Identifier les caractéristiques culturelles, sociales, religieuses des réfugiés qui sont en lien avec des facilités ou difficultés d’intégration ainsi que les stratégies qui favorisent la réussite de leur intégration. Certains de ces réfugiés font-ils face à plus de difficultés d’insertion, de discriminations et de stigmatisations selon leur provenance et leur statut de réfugié? Quelles ressources et compétences, par exemple linguistiques, les réfugiés mobilisent-ils pour surmonter les difficultés? Recherchent-ils du soutien plutôt dans la communauté anglophone ou francophone? Existe-t-il une collaboration entre les intervenants anglophones et francophones auprès des réfugiés? Quelles expériences positives les réfugiés d’expression française ont-ils vécues au sein des collectivités (dimensions socioéconomique, éducation, enfants, etc.)?
  3. Identifier les ressources mises à la disposition des réfugiés et mesurer la disponibilité des services offerts en français et l’accès à ces services. Jusqu’à quel point la CLOSM de Winnipeg agit-elle comme ressource et milieu d’appartenance pour les réfugiés d’expression française?
  4. Saisir comment le statut des réfugiés oriente leurs rapports avec les organismes et réseaux de la communauté francophone. Comment s’effectuent les liens et partenariats entre les réfugiés et les organismes francophones et anglophones d’accueil-installation?
  5. Cerner les rôles que les collectivités francophones de Winnipeg et de Saint-Boniface jouent dans l’accueil et le soutien des réfugiés.
  6. Évaluer la cohérence et la pertinence des politiques et programmes des trois piliers gouvernementaux ainsi que les initiatives communautaires au profit des réfugiés d’expression française.

Paramètres méthodologiques

Notre méthodologie a plusieurs composantes. Aussi avons-nous cru bon de les identifier en termes d’étapes et d’opérations.

  1. La première démarche de notre enquête a consisté à obtenir, conformément à la politique de recherche sur des sujets humains de l’Université de Saint-Boniface, un certificat d’éthique. C’est en vertu de ce certificat que nous avons pu interviewer les participants de notre enquête.
  2. Préalablement au travail de terrain et d’analyse, nous avons procédé à la compilation des données qualitatives et quantitatives existantes pour décrire le profil sociodémographique des réfugiés d’expression française. À cet effet, nous avons identifié ces réfugiés en fonction de leur pays d’origine, de la façon dont ils ont été pris en charge (public ou privé), de leur année d’arrivée, de leur sexe, de leur âge, de leur statut matrimonial, de leur statut sur le marché du travail, de leur lieu d’installation et de toute autre information disponible (voir fiche sociodémographique en l’Annexe B)
  3. Nous avons ensuite mené une recherche ethnographique en adoptant une approche qualitative de cueillette et d’analyse des données. En donnant la parole aux réfugiés francophones et aux personnes qui interviennent auprès d’eux par le biais d’entrevues individuelles et de discussions de groupe, nous pensons avoir atteint les objectifs que nous nous sommes fixés ci-haut.
  4. Lieu : En répondant aux exigences du projet, nous avons travaillé dans la CLOSM de Winnipeg et en particulier à Saint-Boniface, où se trouve le plus grand nombre d’immigrants francophones, tout en nous appuyant sur les informations sociodémographiques
  5. Population à l’étude : La population est composée des réfugiés d’expression française et des intervenants les servant et facilitant leur établissement et leur intégration. Il a d’abord été question d’identifier, parmi les immigrants, les réfugiés francophones. Nous avons ensuite adopté la technique d’échantillonnage typique qui nous a permis de dessiner un portrait juste de l’établissement et de l’intégration de ces réfugiés d’expression française à Saint-Boniface et à Winnipeg et de saisir les influences des caractéristiques et contextes.
  6. Après avoir dressé le portrait d’immigrants réfugiés, nous avons identifié les organismes, les groupes (dont les groupes de parrainage) et réseaux qui peuvent représenter une ressource pour l’établissement et l’intégration des réfugiés. Ainsi, au sein de ces organismes, nous avons identifié et consulté, dans un premier temps, des intervenants francophones (par exemple le CDEM, l’AF et la DSFM) facilitant l’établissement et l’intégration, les personnes responsables des ressources mises à la disposition des réfugiés pour connaître la disponibilité des services offerts en français et l’accès à ces services.
  7. De la même façon, nous avons trouvé pertinent de consulter des intervenants anglophones soutenant les réfugiés à Winnipeg tels que IRCOM ou le programme Manitoba Start, offert en partenariat avec des organismes sans but lucratif, qui constitue une pratique exemplaire reconnue à l’échelle nationale pour ce qui est de l’accueil des nouveaux arrivants, de leur préparation au marché du travail et de l’aide qu’ils reçoivent pour trouver un emploi. Notons aussi que certains réfugiés bénéficient du soutien et de l’assistance d’associations communautaires ou professionnelles en dehors du RIF, par exemple la CAAM, qui a joué un rôle important dans l’accueil et l’installation des réfugiés syriens en 2015-2016, ou encore la MIA. Nous avons donné la parole aux responsables de ce type d’organismes actifs en la matière de même qu’aux employeurs des réfugiés francophones pour avoir un portrait plus complet du cheminement d’établissement et d’intégration des réfugiés d’expression française. Nous avons dans ce rapport final croisé les données issues des entrevues et des groupes de discussion.
  8. Outils de collecte des données : Nous avons utilisé des entrevues individuelles et des discussions de groupes. Auprès des réfugiés, nous avons mené 30 entrevues individuelles qui reflètent la diversité pour ce qui est du sexe, de l’âge, du pays d’origine et d’autres variables pertinentes. Ainsi, en fonction des critères que nous avons retenus, notre échantillon est composé d’environ 50 % de femmes et 50 % d’hommes, qui seront âgés entre 18 et 30 ans (40 %) et entre 30 et 50 ans (60 %). Nous avons visé aussi des personnes ayant des enfants (75 %) et d’autres sans (25 %). En ce qui concerne le pays d’origine, l’échantillon est fidèle au bassin de la population des réfugiés d’expression francophone à Winnipeg en ce que les réfugiés congolais sont les principaux réfugiés de notre échantillon. Nous avons visé dans tous les cas un échantillonnage typique qui tient compte de ces caractéristiques entrecroisées et vise le plus de diversité parmi les personnes rencontrées et leurs expériences. Nous avons utilisé un guide d’entrevue qui retrace la trajectoire de migration, l’établissement et l’intégration de ces réfugiés. Durant ces entrevues, les participants – auxquels nous avons donné des prénoms fictifs – ont eu l’occasion de mentionner les moments et les étapes clés de leur processus d’immigration (par exemple, départ du foyer d’origine, sélection par le Canada, arrivée, entrée en francisation, études, emploi, etc.), les événements positifs et négatifs pour eux et leur famille (diplôme, arrivée d’autres membres de la famille, déménagement, etc.), les relations avec les services, organismes et réseaux (santé, social, éducation, emploi) de la communauté francophone d’accueil (Grille d’entrevue à l’Annexe B).
  9. En ce qui concerne les intervenants facilitant l’établissement et l’intégration des réfugiés, nous avons identifié 17 organismes et groupes relevant de trois catégories différentes. Il s’agit d’abord d’organismes qui font partie du RIF, ensuite d’intervenants anglophones soutenant les réfugiés à Winnipeg et finalement d’associations communautaires ou professionnelles et des employeurs en dehors des réseaux d’immigration anglophone et francophone. Nous avons mené dix entrevues individuelles avec des intervenants du RIF, cinq entrevues individuelles auprès des acteurs clés d’organismes anglophones et deux entrevues auprès de responsables d’associations communautaires et professionnelles ou employeurs. Ces entrevues ont porté sur les rapports des organismes avec les réfugiés ainsi que sur leurs stratégies d’accessibilité et d’accompagnement. Ces entrevues ont permis aussi d’identifier l’impact des parrainages privés et du bénévolat dans l’accueil et l’intégration des réfugiés dans la CLOSM. En plus de ces entrevues individuelles, nous avons analysé la littérature grise de ces différents intervenants en lien avec les réfugiés (Grille d’entrevue à l’Annexe B).
  10. Nous avons aussi utilisé des discussions de groupes auprès de ces immigrants réfugiés pour faciliter la compréhension du comportement et les attitudes des immigrants réfugiés. Cette méthode a permis une compréhension plus approfondie des réponses fournies lors des entrevues individuelles. Ainsi, cet outil nous a permis de comprendre les comportements sociaux adoptés par nos répondants pour faciliter leur intégration. (Guide d’animation d’entretien des discussions de groupe à l’Annexe B).
  11. Recrutement des participants : Le recrutement a été fait par l’entremise d’une personne contact dans les organismes francophones et anglophones offrant des services aux nouveaux arrivants à Winnipeg, qui s’est chargée de transmettre la lettre d’invitation par écrit ou électroniquement aux réfugiés, membres et intervenants dans leur établissement. Cette personne contact n’était pas le superviseur immédiat de ces intervenants, évitant ainsi qu’une relation hiérarchique de pouvoir ou d’autorité influence la participation à cette étude.
  12. Constitution et analyse des données : Une fois les entrevues terminées, nous avons procédé à leur transcription en verbatim. À partir de ces transcriptions, nous avons procédé à leur encodage sur le logiciel d’analyse du discours Nvivo. Cet encodage a été effectué en fonction de catégories et de codes issus de la problématique même de l’appel d’offre d’IRCC, codes et catégories qui ont réciproquement été modifiés en fonction de ce que nous ont dit les participants durant leur entrevue. Cet encodage nous a donné les données sur lesquelles se fondent les chapitres 2 et 3 de notre étude.
  13. Limites et biais de l’étude: Celles-ci prennent différentes formes. Soulignons d’abord que la langue des réfugiés participant à notre étude a posé un défi méthodologique et constitue indéniablement une limite importante de ce rapport. Même s’ils ont choisi la langue française comme langue d’établissement et d’intégration, plusieurs des réfugiés avaient des difficultés à s’exprimer dans cette langue lors des entrevues. Cela peut tenir à plusieurs facteurs. On peut penser que leur connaissance du français a été mise à l’épreuve par leur expérience de migration, notamment s’ils ont vécu des choses traumatisantes dans cette langue, s’ils ont vécu dans des camps ou pays de transition où le français était une langue peu ou pas utilisée ou si le délai d’attente entre le moment où ils ont quitté leurs pays natal et leur entrée effective au Canada a été longue. Il faut dire que cette limite n’est pas attribuable aux seuls réfugiés : elle résulte de la dynamique même de l’entrevue. Il se peut qu’entre l’intervieweur et l’interviewé il y ait eu des problèmes de communication en raison des différences d’accents. Nous avons tenté de réduire autant que possible ces problèmes en faisant lire les transcriptions des entrevues à tous les membres de l’équipe. Une autre limite de notre enquête tient à la représentativité de notre échantillon. Cette limite est en fait double. Primo, bien que nous nous soyons efforcés d’avoir un échantillon aussi représentatif que possible de la communauté des réfugiés d’expression française à Winnipeg, il est indéniable que les réfugiés qui n’ont pas sollicité l’aide des organismes intervenant auprès des nouveaux arrivants sont sous-représentés dans notre étude. En effet, le recrutement des participants s’est effectué en bonne partie grâce à deux tels organismes. Or si ces organismes ne connaissent pas les réfugiés qui ont choisi ne pas les solliciter (pour toutes sortes de raison), il y a peu de chances qu’ils aient pu se retrouver dans notre échantillon. Il faut cependant bien relativiser cette limite dans la mesure où très peu de réfugiés d’expression française à Winnipeg ont glissé entre les mailles du filet institutionnel. Secundo, si les réfugiés n’ayant pas sollicité les organismes les desservant sont sous-représentés, il y a de fortes chances que les réfugiés vivant à Saint-Boniface soient surreprésentés au sein de notre étude. En effet, un des partenaires nous ayant aidé avec le recrutement de nos participants réfugiés se trouve à Saint-Boniface. Cet organisme dessert l’ensemble des nouveaux arrivants à Winnipeg, mais on retrouve dans son bassin de bénéficiaires une surreprésentation de ceux habitant à Saint-Boniface. Là aussi, il faut relativiser cette limite dans la mesure où l’appel d’offre d’IRCC accordait une place centrale au quartier de Saint-Boniface dans l’élaboration du thème 3 portant sur l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg. Un dernier biais ou limite de notre étude tient à la nature même de la démarche méthodologique que nous avons adoptée. Il est indéniable que les entrevues semi-dirigées et les discussions de groupe par lesquelles nous avons obtenu nos « données » contiennent une part de subjectivité. Cette subjectivité procède, d’une part, des participants qui ont dû souvent faire appel à leur mémoire - cette faculté qui oublie et déforme – pour répondre à nos questions ou qui auraient pu être tentés - consciemment ou inconsciemment – de modifier la réalité pour se donner le beau rôle. Le biais de subjectivité procède, d’autre part, des chercheurs eux-mêmes. Le rapport du sujet à l’objet dans n’importe quelle entreprise savante, nous le savons, n’est jamais immédiat ou direct. Il est médiatisé notamment par l’esprit du chercheur – sa formation méthodologique, ses valeurs, ses expériences – qui conditionne l’appréhension de son objet. Cette médiation s’apprécie concrètement dans la sélection et formulation des questions que nous avons posées (et celles que nous n’avons pas posées) aux participants. Or ce biais est lui aussi à relativiser. Si l’intervention du chercheur dans le processus d’enquête introduit inévitablement de la subjectivité, elle est aussi une condition sine qua non de l’enquête elle-même. En effet, sans chercheur qui souhaite connaître quelque chose, il n’y a pas de connaissance. L’intention de connaître qui part nécessairement de la subjectivité du chercheur est ce qui rend la connaissance possible. Les biais introduits par la méthodologie qualitative ont par ailleurs été rectifiés, du moins en partie, grâce à l’ajout, au sein de notre cadre méthodologique, de fiches de données sociodémographiques faisant appel à des données quantitatives. Soulignons enfin que la multiplication même des entrevues individuelles et l’ajout de deux groupes de discussion ont aussi permis d’atténuer les biais issus de la conduite d’entrevues individuelles.

Le rapport s’articule en trois chapitres. Le premier chapitre donne la voix aux réfugiés que nous avons interviewés à propos de leur parcours, de leur établissement et de leur intégration. Il se divise en sept sections : un profil des réfugiés d’expression française interviewés (1.1); leurs trajectoires (1.2); les politiques et programmes gouvernementaux relatifs aux réfugiés (1.3); leur intégration (1.4); leurs défis (1.5); les services qu’ils ont reçus (1.6) et leur évaluation de ces services (1.7). Le deuxième chapitre, pour sa part, donne la voix aux intervenants des organismes servant les nouveaux arrivants que nous avons interviewés relativement aux services qu’ils offrent aux réfugiés d’expression française. Il se divise en 5 sections. La section 2.1 dresse un profil des organismes servant les nouveaux arrivants, organismes desquels proviennent les intervenants que nous avons interviewés. La section 2.2 traite des défis auxquels font face ces organismes par rapport à la question des réfugiés. La section 2.3 aborde les services offerts par ces organismes. Les sections 2.4 et 2.5 se penchent successivement sur l’évaluation, par les intervenants des organismes interviewés, des services et des programmes en matière d'établissement et d’intégration des réfugiés. Le chapitre 3 analyse et discute les résultats présentés dans les chapitres précédents à la lumière de la problématique dessinée dans l’introduction. De façon plus précise, l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française sont examinés à travers 6 variables selon leurs lacunes, les enjeux qu’elles soulèvent et les recommandations pertinentes : logement (3.1), emploi et formation (3.2), éducation (3.3), maîtrise des langues (3.4), la santé (3.5) et intégration sociale (3.6). Nous terminerons par une conclusion à deux volets. Le premier volet met en lumière les expériences exemplaires en matière d’établissement et d’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg. Le second volet propose, en guise d’ouverture, quelques pistes de réflexion pour des recherches futures.

Chapitre 1 Résultats de la recherche: La voix des réfugiés

1.1 Profil des réfugiés

Nous brossons ici un portrait de la population à l’étude, à savoir l’échantillon des 41 réfugiés d’expression française interviewés. Ce portrait est commenté en fonction de différents éléments. Le premier élément à souligner est la représentativité de notre échantillon. En effet, que cela soit sur le plan de la répartition hommes/femmes, de la répartition par tranches d’âge ou du pays d’origine, l’échantillon est fidèle à la population mère. Nous avons ainsi respecté la structure de la population totale des réfugiés d’expression française vivant à Winnipeg et à Saint-Boniface depuis 2006. Le deuxième élément par lequel nous souhaitons commenter le profil sociodémographique des sujets à l’étude concerne les aspects démographiques. Comme dans la population mère, près de 29 % des participants (12) ont moins de 30 ans, près de 59 % (24 participants) sont âgés de 30 à 60 ans, près de 12 % (5 participants) ont plus de 60 ans. En ce qui concerne la répartition selon le sexe, 46 % (19) des participants sont de sexe féminin et 54 % (22 personnes) sont de sexe masculin. Notons qu’il s’agit en général d’une population jeune et dont l’intégration sociale et économique a soulevé des questions et des enjeux intéressants pour l’étude.

Notre étude révèle aussi que plus d’une personne sur trois est célibataire (35 %), que plus de la moitié (52 %) des personnes participants à l’étude sont mariés ou conjoints de fait et que seulement 13 % sont veufs/veuves ou séparés. La situation matrimoniale de l’échantillon reflète la présence de familles. Près de 3 participants sur 4 ont des enfants (73 %) dont 7 ont 1 à 2 enfants (17 %), 17 ont 3 à 6 enfants (41 %) et 6 ont plus de 7 enfants (15 %). Dans leur foyer, 56 % des interviewés parlent le français en combinaison avec une autre langue maternelle, 25 % parlent les deux langues officielles canadiennes en combinaison avec une autre langue maternelle.

Sachant que les réfugiés d’expression française à Winnipeg proviennent de l’Afrique francophone, nous avons interviewé 30 réfugiés (73 %) provenant de la République Démocratique du Congo, 3 provenant de la Côte d’Ivoire (7,3 %), 3 provenant du Tchad (7,3 %), 3 provenant du Burundi (7,3 %), 1 provenant de l’Angola (2,4 %) et 1 provenant de la République centrafricaine (2,4 %). Il est clair que plusieurs des réfugiés d’expression française au Manitoba proviennent de la République Démocratique du Congo. Ces réfugiés fuyaient la guerre civile déclenchée au lendemain du génocide rwandais et qui perdure encore aujourd’hui.

Notre étude montre par ailleurs que ces réfugiés ont dû attendre des périodes variables pour entrer au Canada. Près de 1 interviewé sur 3 a attendu plus de 10 ans en tant que réfugié dans un autre pays sous la responsabilité du HCR avant d’obtenir le statut de résident permanent au Canada, 1 interviewé sur 4 a attendu plus de 2 ans, mais moins de 10 ans; et 1 interviewé sur 7 a attendu moins de deux ans. Cette durée d’attente variable entre l’obtention du statut de réfugié et l’entrée effective au Canada conditionne leur expérience d’établissement et d’intégration, comme nous le verrons plus loin dans l’étude.

En ce qui concerne le logement, il est à noter que près de la moitié de nos participants ont bénéficié d’un logement social et qu’au moment des entrevues 95 % des participants demeurent locataires. Ceci s’explique par la précarisation de leur situation sur le marché du travail. Nous relevons en effet que 41 % des interviewés sont des chômeurs, que 30 % sont des salariés, que 5 % sont des travailleurs autonomes ou indépendants et 7 % sont aux études. La précarisation est attestée aussi par le fait que la plupart sont actifs dans les domaines de travail général, de restauration, de nettoyage, de commerce, etc. D’ailleurs, 3 interviewés sur 4 nous ont exprimé leur intention de revenir aux études en vue d’augmenter leur employabilité. Notons à cet égard que 50 % disent que leur diplôme n’est pas reconnu au Canada, alors que près de 30 % ont une formation universitaire, 54 % ont fait l’école secondaire, 15 % ont fait l’école primaire. Notons enfin que plus de la moitié de nos répondants ont confirmé que leurs compétences ne sont pas reconnues au Canada et seulement 1 répondant sur 3 a confirmé que ses compétences étaient reconnues. Sur le plan géographique, notre étude révèle enfin que la majorité des interviewés se sont installés au centre-ville et à Saint-Boniface (voir carte en l’Annexe D).

1.2 Trajectoires des réfugiés

Dans cette section, nous allons décrire les trajectoires des réfugiés jusqu’à leur arrivée au Canada et leur obtention de statut de résident permanent. Quant à la trajectoire en sol canadien (trajectoire d’intégration) elle sera analysée à partir de la section 1.3.

1.2.1 Le parcours jusqu’à l’entrée effective au Canada

Il est pertinent de s’arrêter sur la trajectoire des réfugiés avant leur arrivée au Canada et leur obtention du statut de résident permanent. L’expérience vécue par les réfugiés d’expression française avant leur arrivée au Canada n’est pas sans incidence sur leur établissement et leur intégration; elle est même déterminante. En effet, le parcours des réfugiés avant leur arrivée au Canada n’est pas un long fleuve tranquille. La période de temps qui s’écoule entre la décision, souvent difficile, de quitter leur pays d’origine et leur entrée au Canada a été pour la plupart des participants de notre enquête longue et éprouvante. Il s’agit d’une période assurément difficile mais qui a néanmoins été formatrice pour plusieurs des participants de notre enquête. Les expériences vécues dans cette phase transitoire ont sans contredit eu un impact sur leur parcours après leur arrivée au Canada. D’où l’intérêt de se pencher au moins minimalement sur elle.

Cette trajectoire avant l’obtention du statut de résident permanent peut être examinée à travers cinq variables, soit, primo, les facteurs ou les circonstances entourant le départ du pays d’origine, secundo, le délai d’attente entre l’obtention du statut de réfugié et l’arrivée effective au Canada, tertio, le type de parcours que les réfugiés ont emprunté durant cette période transitoire, quarto, leur (mé)connaissance du Canada, quinto, le type de parrainage.

Les facteurs ou circonstances qui ont présidé au départ des participants de notre enquête de leur pays d’origine sont diverses. Il nous est impossible d’analyser de façon exhaustive cette question. Nous nous sommes contentés d’identifier quelques facteurs et circonstances qui ont poussé certains des participants de notre étude à se réfugier à l’extérieur de leur pays d’origine. Ils sont essentiellement de deux ordres interreliés : la violence de la guerre et les raisons politiques. Notons, d’entrée de jeu, que ce sont ces facteurs qui expliquent que les réfugiés d’expression française à Winnipeg sont majoritairement des Congolais qui ont fui la guerre civile qui sévit dans ce pays depuis le milieu des années 1990: « Au Congo on a beaucoup subi de guerres [...] Et, dans ce cas-là, on n’avaient pas l’assurance d’être en sécurité ou l’assurance de vie parce qu’on sait pas ça viendra d’où et on sait pas ça vient quand. » (Odile) Or le Congo n’est pas le seul pays en cause. Certains participants proviennent du Libéria (Gaston) et d’autres du Tchad (Norbert).

Intimement liées au facteur de la guerre, les raisons politiques sont également soulevées par les participants de notre enquête pour expliquer le départ de leur pays d’origine.

J’étais défenseur des droits de l’homme quand j’étais à l’université. [...] J’étais obligé de quitter le Congo puisque ces gens-là [rebelles] m’ont poursuivi. Dans mon village natal, le chef coutumier a cédé aux rebelles. Et comme ce sont eux qui contrôlaient déjà tout, alors il fallait vraiment qu’ils finissent tous les gens qui parlent déjà des affaires des droits de l’homme. (Quentin)

En ce qui concerne le délai d’attente, notons que 27 % (11) des réfugiés interviewés ont attendu moins de 5 ans, 20 % (8) entre 5 ans et moins de 10 ans, 33 % (14) 10 ans et plus et 20 % (8) des réfugiés participant à l’étude n’étaient pas en mesure de nous donner des informations précises par rapport à l’obtention de leur statut de réfugié. Cela est sans doute attribuable à des raisons psychologiques : ils ont possiblement voulu refouler cette expérience traumatisante. Il est significatif que si nos participants ne se rappelaient pas tous de la date d’obtention du statut de réfugié auprès des Nations-Unies, tous ont mentionné avec précision le jour, le mois et l’année de leur entrée au Canada, autrement dit l’obtention de leur statut de résident permanent. Nous pouvons en déduire que cette précision reflète l’importance qu’ils accordent au nouveau statut obtenu. En effet, la date d’entrée effective représente la confirmation de leur statut de résident permanent et est, de ce fait, une étape majeure et marquante dans leur trajectoire.

Quant au type de parcours durant cette période transitoire variable, 41 % des participants sont passés à travers les camps du HCR. Ils ont vécu dans ces camps différents problèmes ayant marqué leur parcours migratoire. Pensons par exemple à des problèmes de violence et de viol, d’accès à la nourriture ou de séparation des familles. Des réfugiés n’ont quitté leur pays d’origine pour fuir la violence souvent que mieux la retrouver sous une autre forme.

[...] une femme qui vient qui n’a pas son mari pour qu’elle ait son numéro d’enregistrement il faut qu’elle soit d’abord exploitée sexuellement par l’interprète ou l’autorité locale afin qu’elle puisse avoir maintenant accès... donc à ce numéro-là. [...] il y avait aussi violence vraiment sur les droits de l’homme, sur les droits des réfugiés surtout. (Pier)

Ma famille, on est 12, mais quand on s’était retrouvés dans le camp, on était seulement quatre. Et on est resté, peut-être, 2-3 ans sans connaître des nouvelles de personne. (Ursule)

Par ailleurs, 22 % des participants de notre enquête sont passés par des pays de transition et non par les camps de réfugiés du HCR. Leur parcours n’a pas été pour autant plus facile. Si plusieurs de nos participants ont quitté leur pays d’origine pour fuir la guerre, ils n’ont fait que la retrouver dans les pays de transition. « Donc là-bas moi je n’étais pas au camp de réfugiés puisque à Yaoundé il n’y a pas le camp de réfugiés. Donc vous louez la maison dans le quartier. Chacun se débrouille à vivre. » (Irène). Certains de ces participants ont transité par les États-Unis pour traverser ensuite la frontière canadienne et faire la demande d’asile.

La quatrième variable pour aborder le parcours des réfugiés avant leur arrivée au Canada concerne les représentations et les perceptions qu’ils se font du Canada et plus particulièrement Winnipeg qui, faut-il le rappeler, n’était pour aucun une destination choisie et planifiée. Bon nombre d’entre eux ont en fait appris la veille ou le jour même de leur arrivée qu’ils allaient s’installer à Winnipeg. Connaissent-ils le Canada et que connaissent-ils de lui ? Connaissent-ils des gens à Winnipeg ? Il appert que les participants en général n’avaient qu’une connaissance très sommaire du Canada avant leur arrivée. Plusieurs ont considéré le fait de se trouver au Canada comme une « surprise » (Fernand). 14 ont avoué qu’ils ne connaissaient rien du tout du Canada. Il va sans dire que cette méconnaissance relative du Canada et de Winnipeg a conditionné leur établissement et leur intégration. Il est très difficile de s’établir et de s’intégrer dans un pays et une ville dont on ne connait rien et où on ne connait personne : « C’est la première fois quand on a entendu le nom “Winnipeg”. On entendait Canada, on entendait Toronto, Montréal, mais Winnipeg... c’est quoi ça? » (Ursule)

Le dernier prisme à travers lequel nous souhaitons aborder la trajectoire des réfugiés est leur parrainage. Notons que 83 % des participants ont été parrainés : 46 % ont été parrainés par le gouvernement et 37 % par des organismes, des personnes et des groupes privés. 17 % de nos interviewés n’ont pas bénéficié de parrainage. Il est important de s’arrêter sur cette variable car elle conditionne l’expérience d’intégration du réfugié, comme nous le verrons plus tard. Notons par ailleurs que les réfugiés participant à notre étude n’ont pas soulevé des problèmes associés au type de parrainage en tant que tel, mais, comme nous le verrons, certains problèmes soulevés persistent davantage chez une catégorie de parrainage que l’autre.

1.2.2 Problèmes et difficultés à l’arrivée

Terminons cette section sur le parcours des réfugiés avant leur entrée effective au Canada en soulevant quelques problèmes et difficultés qu’ils ont rencontrés à leur arrivée. La plupart des interviewés ont vécu – sans surprise – un choc climatique peu importe le moment de l’année où ils sont arrivés. Il est clair que ceux arrivant à l’automne ou en hiver ont été saisis par la température froide de Winnipeg, à un point tel que certains auraient refusé la destination s’ils avaient su ce qui les attendait sur le plan climatique. Pour d’autres, la température aura été le premier « défi » (William) de leur établissement au Canada : « Quand on est arrivé, j’avais eu le stress sur place à l’aéroport. Parce qu’il y avait le froid. [...] c’était le bouillard. Tout est blanc. [...] j’ai dit seulement à mes enfants, si je savais que c’était un pays comme ça, je ne pouvais pas venir. J’avais eu le stress sur place. » (Élodie). Or le choc climatique ne se réduit pas au froid; il y aussi la question de la longueur de la journée : « Je ne dirais pas que c’était le climat parce que nous on a eu la chance de venir pendant l’été [...] il était comme 22h et il faisait encore jour, par après quand l’hiver est venu [...] on a dit non non non. » (Laurence)

En somme, la trajectoire des réfugiés entre le départ de leur pays d’origine et l’arrivée au Canada est un parcours difficile durant lequel ils ont dû affronter défis et difficultés. Cette expérience, comme nous le verrons dans la section suivante, a un impact dans le processus d’établissement et d’intégration des réfugiés à Winnipeg. Certains problèmes rencontrés à l’arrivée au Canada vont perdurer, comme nous le verrons dans les sections suivantes.

1.3 Appréciations des politiques et programmes gouvernementaux relatives aux expériences d’établissement

L’expérience d’établissement des réfugiés d’expression française ne peut être comprise sans s’arrêter minimalement sur les politiques et programmes qui appuient les organismes prestataires de ces services. En effet, les politiques canadiennes en matière d’immigration et plus particulièrement en ce qui a trait aux réfugiés sont parmi les plus généreuses dans le monde. On annonce généralement que plus de 60 % des demandeurs de statut de réfugiés sont acceptés par les autorités canadiennes, comparativement à moins de 30 % dans les autres pays.

Les trois paliers de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) disposent de politiques et programmes pour l’accueil, l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants. L’originalité des dits programmes au Manitoba est qu’ils doivent répondre à une exigence fondamentale : celle de favoriser la préservation et la promotion de la communauté francophone minoritaire. À cet égard, les trois paliers du gouvernement, ainsi que les organismes communautaires travaillent main dans la main pour le succès des programmes mis en place. Le Manitoba apparaît ainsi comme une destination de prédilection pour les réfugiés, puisqu’il semble être le seul endroit au Canada, voire dans le monde, dont 30 % des immigrants sont des réfugiés. Il est donc intéressant d’entendre ce qu’ont dit les participants de notre étude à leur sujet.

Les expériences d’établissement sont diverses. Les programmes utilisés par les réfugiés illustrent bien cette diversité quant à l’appréciation des forces et faiblesses des programmes.

1.3.1 Forces des programmes gouvernementaux

Les entrevues menées auprès des nouveaux arrivants et des intervenants nous ont permis d’identifier un certain nombre de points forts (forces) et des points faibles (faiblesses) des différents programmes. Ainsi pour les forces, sept participants ont affirmé avoir apprécié les programmes tels que les services d’orientation, l’assistance financière, médicale. Voici ce qu’affirme un des participants que nous nommons Kevin quant à l’orientation :

Je pense que ceux qui veux qui viennent avec le gouvernement sont bien placés avec cela. Parce que la communauté qui commence d’abord avec eux, comme l’AF, essaie de les orienter et les montrer les indices qui peuvent les pousser à aller dans la communauté. Mais, pour nous qui sommes, par exemple privés, je serai par exemple avec ma sœur. Elle va m’amener dans des coins qu’ils connaissent. Ce ne sera pas la communauté.

Ils reconnaissent qu’il y a des services qui les aident à acquérir des connaissances de base essentielles à la vie quotidienne (comment prendre le bus, se chercher un logement, s’abonner à une compagnie de téléphone, faire le marché, etc.), mais ils signalent que ceux parmi eux qui sont parrainés par le gouvernement sont avantagés. Une participante que nous nommons Marthe dit ceci :

Parce que ceux qui viennent du gouvernement, j’apprends que les maisons communautaires comme l’Accueil francophone, elles aident à faire beaucoup de choses pour les orientations, comment les installer. Elles les accompagnent vraiment pendant tout ce temps. Mais pour nous, le gouvernement est à l’écart. C’est juste la personne qui est venue avec vous.

Quant à l’assistance financière, médicale et sociale, tous reconnaissent et apprécient l’apport du gouvernement. Ils regrettent cependant que l’aide financière s’arrête après un an, sans d’autre forme de procès. Même jusque-là, ils restent très reconnaissants envers le gouvernement, surtout qu’ils viennent, pour la plupart des pays où l’aide sociale est inconnue. Un autre participant, Robert, dit ceci : « Jusqu’à maintenant c’est le gouvernement qui m’envoie de l’argent chaque mois c’est très bien vraiment je suis très content de ça ». Dans les entrevues de groupe que nous avons menées, voici ce que dit un des participants qui résume l’opinion générale de tous les participants : « Nous avons l’assistance financière, médicale et sociale. Nous étions encore dans la main du gouvernement. Mais une année après, c’est juste la province qui nous a et qui commence à nous soutenir. Maintenant je dirais que c’est la suite logique que le gouvernement a fait [...] on continue à nous assister moi, vraiment, je trouve que ce n’est pas mal. » (Gaston)

1.3.2 Faiblesses des programmes gouvernementaux

Les faiblesses des programmes ont fortement été soulignées par 10 participants. En fait, certains participants parlent du manque d’orientation de la part de ces programmes gouvernementaux. Ils ajoutent que les participants parrainés par le gouvernement sont laissés à eux-mêmes une fois la période de douze mois passée. Du coup, ils doivent se débrouiller tout seul. Un participant que nous nommons Quentin, résume très bien l’opinion de tous :

Ceux qui sont parrainés par le privé, je pense qu’ils ont des avantages plus que ceux qui sont parrainés par le gouvernement. [...] je vois qu’ils sont orientés, on leur montre tout. Donc, tous les problèmes qu’ils rencontrent, ils partagent avec eux. Ils partagent tout avec eux. [...] Ce sont leur partenaire qui leur montre qu’est-ce qu’ils vont faire.

Les ressources financières semblent insuffisantes, étant donné l’ampleur des problèmes. On relève donc une certaine discrimination au niveau des interventions, une certaine inégalité quant à l’accès aux services (loyer, aides diverses). Voici un témoignage de l’un des participants :

je payais plus que ceux qui ont été sponsorisés... Je suis soutenu par le gouvernement c’est-à-dire c’est le gouvernement qui te donne te donne l’argent mais il ne calcule pas, il te donne ça, ce sont tes besoins mais tu es obligé de payer ton loyer mais pourquoi ça? Alors je payais au moins 200 dollars de plus que les autres. (Laurence)

Par ailleurs, les participants trouvent certaines actions du gouvernement contraires à l’émulation qu’ils ont pour la recherche d’un emploi. En fait, ceux qui travaillent trouvent que des mesures administratives ne les encouragent pas à aller travailler. Le participant Robert dit ceci : « C’est bon de travailler mais vous trouvez un travail avec $1500 exemple, si vous touchez 1500, la province coupe $1500. Vous restez avec votre 1500 encore. Vous voyez. Avec 1500 la maison et je ne sais pas quoi, c’est fini. »

L’inégalité d’accès aux services et à la citoyenneté apparaît également comme un élément irritant dans le processus d’intégration. En effet, les différentes catégories d’immigrants n’ont pas les mêmes facilités d’accès aux services et à la citoyenneté. Le témoignage d’une des participants (Valérie) nous édifie en ce sens.

En matière d’immigration, il y a l’inégalité. Parce que, prenons un exemple, quand un Noir arrive ici du Congo, ici à Winnipeg plutôt [...]. Pour devenir citoyen, il faut qu’il réalise cinq ans au Canada. Alors, si un Syrien arrive ici, on lui offre beaucoup de services immédiatement sans toutefois réaliser les cinq ans. [...] il devient citoyen pendant quelques années. [...] On les favorise de trouver le travail directement.

Un autre élément du tableau de doléances signalées est le manque de service de recherche d’emploi. Les participants auraient préféré que l’on les accompagne dans la recherche d’emploi tout le temps qu’il faudra. Voici ce qu’en pense Kevin:

If you were sponsored by a community or by some friend, by religion, it can be different because they know. They can find job. Because if someone is friend with someone to bring here, he knows if the guy could come, he can find job for him. So we will come with the government, they don’t care. After one year, they don’t care. Nobody come. Like if I am here I know that oh if I sponsor someone, I have to look for a job for them.

Les participants comparent le parrainage par le gouvernement avec le parrainage par le privé et signalent que le premier leur donne l’indépendance financière. Ils affirment que lorsque l’on est parrainé par le gouvernement, tout va pour le mieux, du moins pendant une année. Ils relèvent qu’après un an, le réfugié est laissé à lui-même et, il doit se débrouiller. L’une des participants, Gisèle, dit ceci :

Il y a une très grande différence parce que ceux qui sont parrainés par le gouvernement, juste quand ils arrivent, ils sont supportés par le gouvernement, on leur donne tout ce dont ils ont besoin, et nous qui sommes parrainés par le privé, nous dépendons de la personne. Après tout la personne n’a pas assez d’argent pour satisfaire à tous vos besoins.

La participante Laurence ajoute ceci :

Dès tu arrives avec le gouvernement fédéral, on te donne de l’argent pour que tu commences ta vie, alors tu dois payer les choses de la maison. Ceux qui sont sponsorisés, ce n’est pas le cas et ils arrivent avec la personne qui les a sponsorisés une année là-bas alors il doit directement peut-être qu’il arrive aujourd’hui et demain il doit commencer à travailler mais nous ce n’est pas le cas, on a eu la chance on a eu le temps de se reposer un peu, voir les choses comment ça va aller et prendre des décisions, j’ai eu le temps de prendre des décisions.

L’aspect de la sécurité favorise également les réfugiés parrainés par le gouvernement. En effet, pour la recherche du logement, les démarches administratives, les participants partagent généralement l’idée que ceux d’entre eux qui sont parrainés par le gouvernement sont les mieux nantis, ne serait-ce que dans la première année. La participante Yvonne le confirme: « Tout ce que je sais, quand tu viens par le gouvernement tu as quand même une sécurité pour le toit, tu as la sécurité pour tes papiers. Tu as une sécurité, tu sais que le gouvernement tant qu’il t’a parrainé, il s’assurera de ton bien être ici. »

Il ressort de l’étude un sentiment à la fois de satisfaction et d’insatisfaction de la part des bénéficiaires des programmes et services. D’abord, ils sont satisfaits parce que ces programmes sont présents et ils en bénéficient. Les différents programmes de rétablissement (PAR, PFSI, programme d’aide au logement, programme d’assistance financière, etc.) leur sont accessibles. Ils sont également frustrés parce que l’accessibilité à ces différents programmes n’est pas égale pour tous. En effet, les réfugiés parrainés par le gouvernement semblent avoir plus de droits que ceux parrainés par le privé (individus, groupes, communautés religieuses). Par ailleurs, les programmes de réinsertion scolaire, du moins dans la sphère francophone, ne semblent pas tenir compte des différents niveaux des individus dans leur orientation.

1.4 L’intégration des réfugiés dans les communautés francophones

Dans le cadre de notre étude sur les réfugiés d’expression française à Winnipeg et Saint-Boniface, nous retenons le terme d’intégration comme le résultat d’un processus dynamique faisant interagir au moins deux dimensions interdépendantes à savoir la dimension économique et la dimension sociale et culturelle. En ce sens, l’intégration requiert l’implication de tous les intervenants concernés, y compris les réfugiés eux-mêmes. Dans cette section, nous présentons la dimension socio-culturelle de l’intégration (1.4.1) qui facilite tant l’adaptation des communautés locales à la présence des réfugiés que la vie des réfugiés au sein de la population d’accueil. La dimension économique de l’intégration des réfugiés (1.4.2) montre le niveau d’insertion sur le marché du travail et par conséquent la participation des réfugiés à l’activité économique du pays hôte.

1.4.1 L’intégration socio-culturelle des réfugiés d’expression française

La notion d’intégration d’un nouvel arrivant dans sa communauté d’accueil pourrait se résumer aux interactions entre ce dernier et sa communauté, créant par la même occasion un sentiment d’appartenance et d’identification aux valeurs communautaires. Autrement dit, le réfugié pourrait être considéré comme intégré s’il partage les valeurs et normes de la communauté et surtout s’il se sent accepté dans son nouvel environnement.

1.4.1.1 Rôle de la communauté d’accueil

Pour comprendre le rôle de la communauté, nous avons demandé aux participants s’ils pensaient être intégrés dans cette même communauté. À cette question environ 50 % des participants déclarent se sentir intégrés dans leur communauté d’accueil. En effet, ces derniers disent avoir été bien accueillis par la communauté et se sont vus inclus dans plusieurs activités communautaires. La déclaration de Stéphanie exprime bien ce sentiment :

Il m’a été très facile de me sentir à l’aise. Toutes les personnes que j’abordais me recevaient gentiment, les gens que je croisais dans la rue, c’était le sourire, même si parfois ce sourire je ne le voyais pas, il y avait l’ombre d’un sourire tout au moins. Certains souriaient franchement, d’autres semblaient sourire par réflexe, mais je ne sentais pas d’hostilité. Donc je me sens ici chez moi.

A la même question, Gisèle répond : « Oui, Oui. Je suis intégré parce que si on nous avait placés directement dans un milieu où les gens ne parlaient que l’anglais ça serait difficile, mais on nous a placés dans un milieu où les gens parlent français. Bien qu’ils ont l’air anglais, mais on peut quand même communiquer avec eux en français. Donc, ce point-là, c’est bon. »

D’autres décrivent l’intégration comme un processus difficile. En effet, plusieurs ont mentionné avoir eu des difficultés financières quelques temps après leur arrivée. Cela est généralement dû au fait que ces derniers n’avaient pas encore trouvé de travail et les subventions qu’ils recevaient du gouvernement ne leur permettaient pas de joindre les deux bouts. De cette somme, il faut payer le loyer, la nourriture et aussi penser au remboursement de la somme déboursée par le gouvernement fédéral pour le billet d’avion des réfugiés. À ce sujet, PAR3 nous dit « Après un certain temps, ils vont nous envoyer des lettres pour commencer à rembourser cet argent-là. Et que je ne travaille pas, je ne sais rien, je peux faire quoi? »

L’obstacle à l’intégration de Fernand est purement linguistique. Il dit en effet : « moi, je ne côtoie pas les gens parce que je ne connais pas l’anglais. Voici mon problème. Je ne peux pas côtoyer quelqu’un qui parle anglais moi je parle le français. Ça ne peut pas marcher et c’est pour cela. Si je parlais l’anglais, j’allais avoir les amis mais comme je ne parle pas l’anglais je suis renfermée ». Autrement dit, comme nous le verrons dans la section portant sur les défis, la méconnaissance de la langue anglaise constitue une barrière à l’intégration socioéconomique des réfugiés.

Il faut dire en définitive que le rôle de la communauté d’accueil se manifeste à travers les services développés et offerts par la communauté pour faciliter l’intégration des réfugiés. Comme nous le verrons, de nombreux services dans les domaines de la santé, de l’établissement, de l’éducation et services sociaux, etc., ont été créés pour faciliter l’intégration des réfugiés dans la communauté.

1.4.1.2 Rôle des communautés religieuses

Il faut dire qu’environ un quart des participants à la recherche mettent en exergue le rôle prépondérant des institutions religieuses. Les groupes religieux, disent certains participants, jouent un rôle central dans leur intégration dans la communauté d’accueil. L’église se trouve être un lieu de rassemblement et de rencontre entre les nouveaux arrivants et les membres des associations ethnoculturelles déjà bien installées dans les communautés francophones. Les réseaux de connaissances, d’amis et de communautés multiethniques membres de l’église apportent un soutien matériel et psychologique aux réfugiés. PAR2 nous dit : « Je pars à l’église et c’est à l’église parfois où on se rencontre avec beaucoup d’autres gens de ma communauté, d’autres communautés qui parlent français. Aller à l’église d’abord ça m’a beaucoup aidée parce que je pouvais avoir d’autres gens et commencer aussi les cours ici à l’université ». Claude abonde dans le même sens : « Je me suis intégré, donc avec l’église entre le comité j’ai des amis beaucoup d’amis. C’est grâce aux amis que j’ai eus, le déplacement de quitter là-bas jusqu’ici alors même ici pour mes déplacements comme je ne me déplaçais pas, j’ai des amis qui allaient payer les choses pour moi, magasiner pour moi et puis me les donner ».

Soulignons que l’église, en tant qu’institution, offre des ressources matérielles et des services aux réfugiés. Ces actions explicites de l’église jouent un rôle prépondérant dans l’insertion sociale des nouveaux arrivants. Le participant Marthe à cet effet nous dit : « l’église offre des activités [...] nous faisons chaque vendredi des activités sportives ». Alfred, quant à lui, mentionne qu’il y a eu beaucoup moins de chocs dans son intégration, car, déclare-t-il, « c’est que l’église a beaucoup travaillé chez nous, ils nous visitaient trois à quatre fois par semaine. Vraiment, je dois quand même les remercier là ».

L’église se trouve être un lieu de rassemblement et de rencontre entre les nouveaux arrivants et les membres des associations ethnoculturelles déjà bien installés dans les communautés francophones. Et elle s’est avérée être aussi un lieu de rencontre entre les réfugiés.

1.4.1.3 Rôle des communautés et des associations ethnoculturelles

Certains participants mentionnent être intégrés dans leurs communautés ethniques d’origine à travers les associations ethnoculturelles de ces dites communautés. Ces derniers soulignent, par la même occasion, le rôle important de ces associations dans leur intégration dans la communauté d’accueil. Joceline mentionne que participer aux activités de son association l’aide beaucoup parce que « je ne me sens pas seule, je me sens comme si je suis à la maison, parce qu’on parle les mêmes langues, je me sens comme je suis avec les autres, comme je suis à la maison ». Berthe nous répond : « Oui, je suis intégrée là dans la communauté. Parce que la communauté des Congolais me connait, que je suis là. Il y a quelques fois, quand ils font les réunions, ils m’invitent, je pars là-bas, pour m’intéresser avec les autres là-bas ». Laurence raconte le rôle crucial que jouent certains membres de sa communauté dans son intégration :

en arrivant ici, avec les coups de fil, les gens se disent « ah vous connaissez telle famille? Ils sont venus de Burundi est-ce que vous les connaissez? Oui on les connaît! » Alors ils sont venus vite me chercher et envoyer chez les gens qu’on connait déjà depuis le pays. Vraiment ils nous ont beaucoup soutenu parce qu’on n’avait pas de voiture, de moyen de déplacement; comment on allait se déplacer pendant l’hiver, faire des courses, je ne sais pas. En tout cas, ils étaient là pour nous à chaque fois qu’on avait besoin de se déplacer.

Certains participants ont déploré le fait qu’il n’y avait pas de communauté ethnoculturelle de leurs pays d’origine, Norbert nous : « Ici, il y a pas des Tchadiens. Il n’y a pas de Tchadiens et il y a seulement deux tchadiens que je connais. Un qui est venu ici environ 10 ans. L’autre 7 ans ». D’autres, par contre, ont choisi volontairement de ne pas intégrer leur communauté ethnoculturelle. Alfred souligne ne pas avoir reçu d’aide de sa communauté : « Non, non, non. Je suis désolé. La communauté veut simplement te demander quelque chose ». Et d’autres encore ont choisi de se distancer de leur communauté d’origine dans le but de mieux connaître leur communauté d’accueil : « moi, je ne veux pas rester focalisé dans cette communauté-là. On se rencontre, on fait connaissance mais je préfère élargir mon champ de relations. » (William). En définitive, ces déclarations ci-dessus nous montrent l’importance des réseaux communautaires dans l’intégration des réfugiés.

1.4.2 L’intégration économique des réfugiés d’expression française

Cette sous-section traite de la notion d’emploi comme facteur d’intégration pour les nouveaux arrivants. Dans le cadre de notre recherche la très grande majorité des participants (42,5 %) déclarent être au chômage. Nous leur avons demandé si leur recherche d’emploi était satisfaisante. Gisèle nous répond : « Jusqu’à là je peux dire non. Car je n’ai jamais travaillé depuis que je suis ici, mais j’essaie de chercher le travail jusqu’à là je n’ai pas encore trouvé ». Quentin abonde dans le même sens en déclarant : « je ne peux pas trouver de l’emploi si ce n’est que peut être dans la construction. Mais les travaux et ma compétence, c’est un peu difficile. Puisqu’on me dit non, l’informatique ici c’est un peu, c’est un peu avancé ». Ces participants au chômage ont souligné qu’il est parfois très difficile de trouver de l’emploi en raison, entre autres, de la méconnaissance de l’anglais et du manque d’expérience de travail dans certains domaines professionnels. L’emploi, comme nous le savons, est un facteur important dans l’intégration des réfugiés, car il permet d’avoir une bonne qualité de vie et en bout de ligne de développer un véritable sentiment d’appartenance à la communauté d’accueil.

Nos données révèlent aussi que onze participants, soit 27,5 %, déclarent avoir un emploi et deux autres disent qu’ils travaillent pour leur propre compte : « Je suis propriétaire de mon entreprise; je sais très bien filmer, je sais faire le montage vidéo je me suis dit “OK moi je vais créer une entreprise comme ça”. Là, j’ai travaillé beaucoup sur les mariages, les documentaires sociaux, des films de fiction, en tout cas pénétrer véritablement la communauté au sens propre. » (Théodore). Deux participants (5 %) ont préféré retourner aux études, soit sur le conseil d’autrui ou de leur propre gré. Laurence nous dit : « on me dit tu dois aller faire une formation [...] tu ne peux pas commencer le commerce ici comme chez nous ». Gisèle, quant à elle, mentionne : « je suis en train d’étudier, et après mes études, il y a quelque chose qui m’attend là-bas devant, peut-être je vais trouver un bon travail pour subvenir mes besoins ».

Cependant, malgré le rôle important du travail dans l’établissement réussi des réfugiés, il faut souligner que la très grande majorité des participants mettent en exergue la place importante de l’éducation dans ce processus d’intégration. En effet, 72,5 % des interviewés nous disent vouloir retourner aux études, et ce, qu’ils soient chômeur ou détenteur d’emploi. À ce sujet, William nous dit : « je n’ai pas encore fait une démarche pour la recherche d’emploi parce qu’il m’avait été conseillé que dès que mon anglais a évolué, je dois venir ici à l’université prendre l’éducation ». Yvonne, quant à elle, aimerait étudier dans le domaine de la petite enfance : « j’aimerais continuer dans les études de garderie. Ouvrir une garderie ».

Il faut dire que bien qu’environ la moitié des participants se sente intégrée et aussi malgré le rôle important des institutions religieuses et des communautés ethnoculturelles, ces derniers ont tout de même déclaré faire face à de nombreux défis d’ordre social, économique et culturel.

1.5 Défis d’intégration et d’établissement des réfugiés d’expression française

L’établissement des réfugiés de langue française dans un milieu minoritaire se réalise non sans défis à Winnipeg. Cette partie du rapport résume des propos recueillis concernant ces défis tels que perçus par les réfugiés interviewés dans le cadre de cette recherche. Elle comporte 4 parties. La première relate les défis liés à l’établissement des réfugiés à Winnipeg en ce qui concerne leur installation et réinstallation. Dans un deuxième temps, nous présentons les défis liés à l’éducation. Le troisième volet traite de la reconnaissance des compétences et en dernier lieu seront présentés les défis liés aux langues officielles.

1.5.1 Défis liés à l’établissement

Des facteurs comme l’âge, l’emploi, la gestion des finances sont très importants dans le processus d’établissement des réfugiés. Cette partie évoque les défis liés à l’âge des réfugiés. Elle relate le sens que donnent ces réfugiés à leur installation et réinstallation, à l’obtention de l’emploi, et à leur rapport à l’argent pour résoudre leurs multiples besoins en lien avec la gestion de leurs revenus.

L’âge des réfugiés

La question de l’âge constitue un facteur important dans le processus d’établissement et d’intégration des immigrants. Les réfugiés, quels que soient leurs âges, se retrouvent confrontés au même défi quand vient la question de trouver un emploi pour pouvoir se prendre en charge eux-mêmes le plus rapidement possible. Les aînés, qui plus souvent accompagnent leur famille, se retrouvent dans une situation où ils sont souvent obligés de demeurer dans la maison, ayant dépassé l’âge de travailler. Comme l’atteste bien cette répondante : « Les aînés, ont des difficultés à trouver du travail, ont des difficultés à vivre dans notre société » (Irène). Ne pouvant pas occuper un emploi, ils sont souvent confinés dans leurs demeures. En fonction du genre d’habitat (maison, appartement ou condo), ils peuvent vivre l’isolement et l’ennui. En effet, pour ce répondant : « Ici il n’y a pas la cour, tu es dans la maison, tu es enfermée, tu sors de la maison peut être que pour aller faire le marché ou bien aller visiter quelqu’un. Tu ne peux pas faire des activités, comment tu peux apprendre aux autres? C’est ça le problème » (Élodie).

Cependant malgré la non-maitrise de l’anglais qui rend plus complexe la situation de ces aînés, certains tentent de faire face à ce défi en essayant de combattre cet isolement. Le meilleur moyen qu’ils ont trouvé est de recourir à l’aide et soutien qu’offrent certains organismes qui s’activent dans l’encadrement des immigrants et réfugiés nouvellement arrivés. Ainsi atteste une répondante :

Le problème est que tu ne dois pas rester à la maison. Parce que quand tu restes à la maison, tu as les mauvaises idées qui te viennent en tête. C’est pour cela qu’on est obligés de faire un groupe ici [...] le groupe des aînés. Quand tu viens là, vous bavardez, vous bavardez, vous riez, tu rentres, tu as la tête tranquille. Parce que si tu restais seulement à la maison, tu peux mourir. (Élodie)

L’âge des immigrants constitue donc un défi essentiel dans le processus d’intégration. À un certain âge, il est plus difficile de faire d’autres apprentissages surtout si l’on se retrouve placé dans un contexte et dans une culture complètement différents et, qui plus est, si on ne maitrise pas la langue couramment parlée: « Tu vois quand on apprend une langue à l’âge de la vieillesse ce n’est pas facile » (Élodie).

L’installation et réinstallation

Dès leur arrivée, la plupart des réfugiés sont accueillis par des organismes mandatés pour leur accueil. Ces organismes les aident pour faciliter leur installation ou réinstallation à Winnipeg de façon transitoire, le temps qu’ils retrouvent leur autonomie dans la ville. « Lorsque j’étais arrivée ici, je désigne toujours ces gens-là de l’AF, de m’aider à me retrouver. De m’aider pour que je puisse m’en sortir. Comme je vis seule, le mari n’est pas là. Je n’ai pas de travail, il faut que je puisse vivre selon mes moyens. » (Gertrude)

Une bonne installation commence un logement convenable et sécuritaire pour la famille. Ce logement peut être une maison ou un appartement et en fonction de la taille de la famille, le prix du logement peut varier. Il sera plus cher pour les grands appartements destinés aux grandes familles. « Mais on est allé me chercher une maison qui coûte 885$. Je dois payer cette maison-là, je paye l’électricité qui arrive 80$. » (Gertrude)

La discrimination

Que cela soit dans le cadre des entrevues individuelles ou lors des discussions de groupe, des participants ont soulevé qu’ils ont vécu des situations qu’ils ont qualifiées de discriminatoires. Expérimenter de la discrimination, notamment raciale, entrave le processus d’installation et d’intégration de tout nouvel arrivant. En ce sens, la discrimination représente très certainement un défi d’établissement pour les nouveaux arrivants. Nous croyons donc que les intervenants doivent en tenir compte.

À partir des entrevues, nous avons recensé que la discrimination peut être vécue directement ou indirectement. La discrimination directe fait partie du quotidien des réfugiés. Ils la vivent dans différents lieux, par exemple dans les moyens de transports, dans le lieu de travail et dans le quartier. Elle peut prendre plusieurs formes : la discrimination en fonction de la couleur (noir/blanc) de la peau ou en fonction des origines (Premières Nations versus nouveaux arrivants). Élodie dit par exemple : « Des fois dans le bus, un blanc est assis. Tu viens t’assoir à côté de lui, il se lève parce que tu es un noir. Il se lève, même s’il n’y a pas la place, il préfère se tenir debout [...] Il y a des gens qui ne nous aiment pas, parce que nous sommes noirs. [...] » Dans un café, Élodie a vécu une situation discriminatoire similaire. Après s’être assis à une table où se trouvait déjà un Blanc, ce dernier aurait dit selon Élodie : « fuck, tu n’as pas vu une place pour aller t’assoir c’est seulement ici que tu viens t’asseoir ». Dans le même ordre d’idées, Daniel rapporte que lors d’un vol en avion : « Une blanche qui ne veut pas que je m’assois à côté d’elle. Elle commence à me dévisager. Elle montre qu’elle ne peut pas être à côté de moi. » La discrimination directe peut aussi être vécue dans le quartier. Stéphanie dit : « Oui le racisme là ce sont les gens dans le quartier ». La discrimination en fonction des origines, c’est-à-dire entre les nouveaux arrivants et les Premières Nations, entre les plus anciens et les plus récents habitants a également été relatée par des participants. Par exemple, Élodie dit s’être faite demander par une femme autochtone « qu’est-ce que vous cherchez chez nous, vous cherchez quoi chez nous, vous ne pouvez pas rester chez vous? ».

La discrimination indirecte, quant à elle, renvoie à la discrimination perçue par les participants. Elle relève de la discrimination systémique. Elle a comme sources la langue, le marché du travail et le système de migration lui-même. Stéphanie nous dit qu’elle a fait du bénévolat en français au centre de vieillards Taché. Elle déplore que cette institution francophone embauche des employés « qui ne parlent pas même le mot français » et leur offre la chance d’apprendre le français. Stéphanie se demande pourquoi la réciproque ne se fait pas, c’est-à-dire pourquoi le Centre n’engage pas les francophones et leur donne la chance d’apprendre l’anglais : « Vraiment quelle discrimination! Et pourtant ça c’est le centre francophone! C’est là que je ne suis pas d’accord avec le gouvernement du Manitoba ». (Stéphanie)

Valérie a perçu de la discrimination dans le lieu de travail. Elle l’a ressentie « comme de l’inégalité et comme de la domination ». Par ailleurs, d’autres participants ont abordé la question de la discrimination dans le processus même d’intégration. Les participants auraient perçu une inégalité de traitement entre les réfugiés, notamment les réfugiés syriens qui bénéficieraient d’un traitement de faveur étant donné la rapidité avec laquelle leur demande aurait été traitée. Cela crée un sentiment de frustration et a donné l’impression à certains nouveaux arrivants qu’il existait deux poids, deux mesures dans la vitesse de traitement des dossiers de réfugiés.

Vous dites aux gens que vous les aidés. Quand ils arrivent là-bas, vous commencé à payer les visas et puis bien sûr, on pourrait les comprendre mais quand nous sommes arrivés au même moment que les Syriens. Les Syriens ne payent pas les visas, ça c’est une discrimination. (Quentin)

Face à ces différentes formes de discrimination directe ou indirecte qui se répètent, plusieurs participants ont fini par la percevoir comme étant normale et finissent par se résigner. En témoigne Élodie :

Et on le dit entre nous après, on dit « ah c’est comme ça la vie ». On est chez eux et si la personne fait comme ça, tu passes seulement. Tu ne dois pas réagir. C’est ça. Est-ce qu’on peut le régler? On a déjà fait le lavage de cerveau à d’autres. Que le Noir ce n’est pas une personne. Tu vas enlever ça dans leur tête. Et ce n’est pas tout le monde, il y a ceux qui nous aiment, ceux qui ne nous aiment pas. Qui sont vraiment, vraiment, vraiment racistes. Mais il y a d’autres même s’ils ne t’aiment pas mais ils font quand même semblant. Et finalement on s’habitue, on s’habitue.

L’emploi

Une fois installés, le premier défi consiste à trouver un emploi pour faire face autres besoins essentiels. Or trouver un emploi n’est pas une chose facile chez les immigrants même si dans leur recherche certains peuvent bénéficier d’un coup de chance dès leur arrivée. À cet égard, Clarence dit : « Je suis entré à Winnipeg, 2 semaines et j’ai commencé le boulot. C’est le même boulot que jusqu’à présent je suis dans. ». Ce témoignage démontre qu’avec un peu de chance, une expérience professionnelle peut permettre de travailler et de faire carrière dans le marché du travail du Manitoba. Dans les faits, les répondants mentionnent les défis liés aux difficultés de trouver un emploi à Winnipeg. La majorité de ces immigrants consacre beaucoup de temps à la recherche d’emploi. Après plusieurs tentatives souvent infructueuses, c’est le découragement qu’on peut constater et les propos dans le discours des répondants le confirment : « Je ne peux pas avoir du travail, j’ai donné beaucoup de résumés, mais personne ne m’a appelé pour faire ça ». (Irène)

Le problème n’est pas seulement la difficulté de trouver un emploi, c’est aussi la nature de cet emploi et le nombre d’heures qu’on y consacre qui amènent les défis à surmonter. En plus, parfois, il s’agit d’emploi à temps partiel, souvent mal payé : « c’est, ce n’est même pas au 10 % de ce qu’il faisait. Et donc, c’est, tout ce qu’il a c’est quatre heures par semaine, ou bien deux heures par semaine. Donc, ça dépend. » (Rose) Pour cette répondante, ces emplois à mi-temps traduisent un manque de reconnaissance des compétences et une façon pour les employeurs de ne pas s’engager à offrir un emploi permanent. « Mais, si on te donne deux heures, quatre heures par semaine, c’est juste pour dire, bon. On peut pas dire non, mais non plus on ne peut pas te lâcher, mais bon, juste sois là-bas. » (Rose) Certains répondants disent que dans les emplois qu’ils occupent, les travaux à effectuer sont souvent difficiles à réaliser. Ce genre de discours vient souvent des aînés pour qui cette difficulté peut être encore plus alarmante, car leur santé peut en dépendre.

J’ai travaillé seulement trois mois dans un hôtel, c’était difficile. Le travail était difficile vraiment : nettoyer et pour faire les lits seulement. C’était difficile pour moi. Je n’arrivais même pas à aider les enfants pour faire les devoirs. Je venais là-bas très fatiguée. Je commençais à 6h jusqu’à 18h30. C’était difficile pour moi et puis j’ai laissé. (Berthe)

Moi le cleaning je ne peux pas faire le cleaning. Parce que j’ai un problème au niveau de la hanche. Même à la maison, le fait de prendre le balai seulement, faire un peu la maison ça commence. On m’a déjà fait la radio au moins trois fois. Il n’y a rien. (Élodie)

Toutefois, au-delà des difficultés rencontrées dans le cadre d’un travail à temps partiel, c’est la stabilité d’emploi qui intéresse le plus nos répondants. Avoir un emploi stable et permanent est signe d’intégration. « Je ne suis pas encore stable! Celui qui est stable, c’est lui qui a déjà trouvé le travail. Dans ce cas-là, on peut dire qu’il est stable parce qu’il reçoit quelque chose chaque fin du mois. Il reçoit le salaire qui couvre ses besoins ». (Valérie)

Les répondants reconnaissent aussi le déficit des offres d’emploi en français surtout à Saint-Boniface et ils en sont frustrés, parce que cela diminue leur chance d’être intégrés dans la minorité francophone. Ils en sont si conscients qu’on fait comprendre à ceux qui prennent des cours à l’USB qu’ils auront moins de chances de se faire embaucher à la fin de leurs études. « Il fallait qu’on aille à Saint-Boniface pour continuer les études, on dit bien sûr vous pouvez étudier là-bas. Mais quand vous terminez vous n’aurez pas du travail. [...] Par exemple, on est en train de nous dire que si vous étudiez en français vous n’aurez pas de travail puisqu’ici c’est l’anglais. Bien qu’on parle français, ici c’est l’anglais ». (Quentin)

En effet, la plupart de ces réfugiés francophones sont confrontés aux difficultés liées à la maîtrise de la langue anglaise, condition essentielle pour leur insertion dans le monde du travail à Winnipeg. C’est aussi un des facteurs qui accentuent le chômage dans cette communauté immigrante francophone à Winnipeg. Plusieurs d’entre eux sont obligés de retourner aux études pour faire face à ce défi. D’autres usent de leurs réseaux sociaux dans la communauté pour se procurer un emploi, en témoigne ces deux répondants :

Pour trouver ce travail-là, il y avait des connections. Il y a quelqu’un qui m’a connecté qui m’avait dit : “Y’a, à cet endroit on cherche les travailleurs. Alors, si tu es intéressé, tu peux aller appliquer là-bas”. Je suis allé appliquer et c’est à ce moment-là j’ai eu la chance de trouver le travail. (Valérie)

If you have community, you get a job. If you have friends, you get a job. But if you don’t know anyone, to get a job, only God can provide. (Kevin)

Face à la persistance du problème, certains usent de stratégies en recourant aux services de l’immigration pour avoir des informations sur comment trouver du travail. « Après là, j’étais partie d’abord à Immigration Centre parce que je cherchais un part time job. J’étais partie à Immigration Centre et je leur ai expliqué non je dois chercher... » (Fernand). D’autres vont bénéficier de l’aide précieuse de certains organismes religieux qui ont beaucoup aidé les immigrants dans leur processus d’intégration. Voici un témoignage à ce sujet : « Les Mennonites ont payé pour une année et demi, parce-que je n’ai pas trouvé le travail. Mais le contrat, c’était une année. Quand une année termine on n’a pas le travail, on a dit que on va continuer à payer jusqu’à ce qu’on trouve le travail. » (Claude)

Cette partie démontre plusieurs défis liés à l’emploi. Dans leur recherche de travail, certains ont bénéficié d’un coup de chance, d’autres ont pu mettre à profit leurs expériences professionnelles. Cependant, la nature de certains emplois, le caractère temporaire d’autres emplois et la non-garantie de certains, découragent la plupart de ces réfugiés. À cela, il faut ajouter le déficit d’emploi en français et la non-maitrise de l’anglais par la majorité des demandeurs. Pour conclure ce volet emploi, les répondants pensent qu’il est nécessaire de permettre à tout le monde de pouvoir travailler et d’apporter sa contribution dans le développement de Winnipeg. Ils sont conscients de leur apport :

Il faut que nous aussi on aide le gouvernement et on aide le gouvernement par comment... quand on travaille puisque quand on travaille on sait que nous sommes des gens indépendants et il y a des autres nouveaux arrivants qui arrivent et le gouvernement continue à les aider mais nous sommes là, on ne trouve pas du travail. (Élodie)

La gestion des finances

Le défi financier évoque le rapport des réfugiés avec l’argent. Les participants relèvent le manque de ressources financières pour satisfaire leurs besoins essentiels tels que payer le loyer, les factures, la nourriture et les dettes. En fonction de leur avoir net, les répondants affirment éprouver des difficultés pour payer le loyer pour leurs coûts souvent très élevés et subvenir aux autres besoins :

À propos de 500$, je paie la maison, téléphone, et puis le billet de l’avion, on paie. Je n’ai pas encore la nourriture. Avec ce 500$, comme payer les habits, on peut payer avec combien de dollars? Et il reste combien de dollars? C’est ça la difficulté que nous avons rencontrée ici. C’est ça la difficulté. (Daniel)

Il faut que j’achète les souliers, il faut que j’achète les habits. Parfois comme ça quand je regarde, il me reste avec 10$. Je dis oh my god. Avec les gens là de social, tu ne peux pas même prendre 1$ pour envoyer en Afrique non. (Berthe)

Pour les familles avec jeunes enfants, l’ajout des frais de la garderie aux autres dépenses fait qu’il est quasi impossible d’épargner de l’argent, encore moins pour en envoyer à la famille restée au pays natal. Beaucoup de ces familles au début reçoivent de l’assistance qui à la longue peut cesser ou s’avérer insuffisante, si personne dans la famille ne trouve du travail. Ceux qui trouvent un emploi, pour la plupart travaillent au salaire minimum qui en plus est imposable. Avec une grande famille, ils vivent en proximité dans des logements peu convenables. Sans stabilité dans le travail ce sont des dettes qui s’accumulent et le danger de l’usage excessif des cartes de crédit, affirment les répondants. « Ils doivent tout d’abord nous enseigner beaucoup en ce qui concerne les cartes là de visa qu’on donne aux réfugiés. Visa qu’on appelle MasterCard. Ça peut ça peut être nous induire en erreur. » (Robert)

Pour diminuer certaines dépenses, certains répondants savent développer des stratégies, comme l’indique l’un d’entre eux : « j’essaie un peu d’éteindre le chauffage, je dors dans une maison comme dans une chambre, chambre de froide. Je commence à trembler à cause du froid et j’utilise même deux ou trois blankets sachant que si j’éteins ça, la facture va être réduite ». (Gertrude) D’autres répondants ont un rapport moins ardu avec l’argent et les dépenses y afférant. Ces derniers qui ont bénéficié de l’assistance et du soutien du gouvernement ou des organismes religieux sont très reconnaissants du soutien reçu ayant permis de couvrir la plupart de leurs besoins tout en facilitant leur établissement :

J’occupe une maison qui coûte 1350$, sans compter l’eau, l’électricité et quoi, et, alors que le gouvernement, nous, mon groupe, moi, mon épouse et les deux enfants de moins de 18 ans, on nous donne 575, donc le manquant, il est payé par mes enfants, tout ce qu’elles reçoivent pour le loyer, nous est versé pour compléter le montant de 1350 et pouvoir payer l’eau et l’électricité. (Henri)

L’Église mennonite a joué un rôle capital. À mon arrivée, pendant 12 mois ils ont fait ça, ils n’ont pas seulement payé la maison, et ils ont payé toutes les factures. Et en plus de payer ces factures-là, ils ont fait en sorte que je mange très bien je dors très bien, et que je visite la ville. (Théodore)

1.5.2 Défis liés à l’éducation

Le volet précédent vient de la nécessité d’un emploi sécuritaire et régulier dans le processus d’intégration. Ce genre d’emploi est souvent tributaire de l’éducation reçue et de l’expérience professionnelle. Les réfugiés francophones reçus à Winnipeg sont de tous âges et l’apprentissage comporte des défis au moment où l’on s’y consacre. Ce qui fait que l’éducation constitue un grand défi pour l’intégration des réfugiés.

Du côté des plus jeunes, le niveau d’instruction joue un rôle important dans le processus d’intégration. Quand ils arrivent dans la communauté d’accueil, souvent ils sont orientés selon leur capacité et non en fonction de leur niveau scolaire de leur pays d’origine. Cela peut constituer un moindre mal dans la mesure où les enfants s’adaptent plus vite. Parfois, c’est un passage obligé pour leur mise à niveau et pour faciliter leur succès académique.

Par contre, les résultats de l’étude font constater qu’il s’agit d’une question qui est plus problématique pour les aînés que pour les jeunes. En effet, pour ce répondant, « Le gros défi est l’éducation. Tu restes plusieurs années sans éducation. Tu arrives ici et les gens ont un certain niveau et attendent que tu sois de même niveau-là. Il faut avoir de courage pour leur dire que je ne connais absolument rien. » (Ursule) Le retour aux études n’est pas chose facile. Quand ces réfugiés, surtout les aînés, arrivent au Canada, certains avaient quitté les bancs de l’école depuis plusieurs années. La nécessité absolue de reprendre les études pour réussir son intégration cause en eux de sérieuses difficultés d’adaptation et de fierté. En effet :

Au Canada, quand on est arrivé, le gros problème était ce qu’on arrive à l’école, tu as 10 ans, tu es en cinquième, on ne connaît rien, les maths, la physique tu connais absolument rien, c’est comme le chinois. Des fois, à cet âge, cet âge de fierté, c’est difficile de poser des questions parce que les gens comprennent que le problème c’est là. (Élodie)

Quel que soit l’âge, le système éducatif est différent, et a beaucoup évolué au point que certains en sont à leur premier contact avec les technologies de l’information. « La première fois que j’ai touché l’ordinateur dans ma vie, c’était en 2005 » (Élodie). Le retour aux études se fait dans des conditions très particulières où les réfugiés font face à des réalités qui les dépassent: « tu n’es pas capable d’apprendre parce que tu n’es pas capable de comprendre un système. » (Élodie). D’autres pour contourner et mieux appréhender le système, s’inscrivent dans les matières telles que le français ou les mathématiques où ils croient avoir plus de chances de passer tout en apprivoisant le système.

La formation constitue un volet très important dans l’intégration des réfugiés. Une formation universitaire ou professionnelle qui répond aux exigences actuelles du marché du travail est nécessaire et elle doit être souvent complétée par des compétences linguistiques, surtout la maîtrise de l’anglais. Le décalage entre le système éducatif canadien et celui de la plupart des pays d’origine des réfugiés peut expliquer certaines difficultés rencontrées par les répondants. Le résultat est qu’il y a plusieurs échecs dès les premières années d’inscription.

1.5.3 Défis liés à la reconnaissance des compétences et des acquis professionnels

Les interviewé(e)s sont souvent confrontés au défi de reconnaissance des compétences à deux niveaux : lorsqu’ils évoquent leur recherche d’emploi et lorsqu’il est question de revenir aux études que ce soit au niveau secondaire ou au niveau universitaire. La difficulté majeure pour ceux qui sont déjà diplômés dans leur pays, c’est de faire prévaloir leur compétence pour obtenir un poste correspondant à leur niveau d’études. Certes, ils ont développé une certaine maitrise dans leur domaine, mais dans un contexte différent. Or au Canada, la plupart des métiers sont réglementés par des Ordres ou Collèges professionnels. Pour pouvoir exercer ces professions, il faut être membre de l’ordre de la profession concernée et en faire la démonstration par l’expérience. À ce niveau, les répondants sont très conscients de leurs chances dès le départ : « c’est quand tu as ton diplôme venant de ton pays d’origine, et que tu l’as, et que quelqu’un qui a un diplôme canadien, vous partez d’un point pour aller présenter. Celui qui a le diplôme canadien, il a plus chance, à 95 % de chance par rapport à moi. » (Marthe)

Les répondants pensent qu’il serait mieux de considérer les diplômes de leurs pays d’origines, même avec une certaine condition, pour éviter de tout recommencer à zéro dès leur arrivée. Cependant cette reconnaissance des diplômes passe par tout un processus qui peut échapper à plus d’un immigrant réfugié surtout ceux nouvellement arrivés. À ce sujet, il semble avoir un manque d’informations, « s’il y a à compléter avec certains cours je les complèterais, avec joie, ce n’est pas un problème pour moi apprendre quelque chose, surtout que ça se pourrait que ce ne soit pas si nouveau ». (Henri)

Certains répondants sont conscients que pour avoir un bon emploi, « il faut nécessairement avoir une expérience canadienne » (Robert). Mais pour d’autres, leur recherche d’emploi se heurte souvent à des écueils.

Mais malheureusement, on n’a pas reconnu mon ancienneté, ni mes documents, parce que j’ai fait une année de la jeune enfance. Là, on fait juste une année et tu as le diplôme pour travailler avec les enfants. Mais ils n’ont pas reconnu. Ils m’ont juste pris comme aide, selon le langage dans le domaine. (Rose)

Certains comprennent bien que la meilleure façon de s’intégrer passe par la validation des connaissances en retournant aux études comme l’affirme ce répondant : « j’ai parti ici à Louis-Riel pour étudier pour avoir le diplôme, parce que quand j’ai venu ici on m’a dit que si tu n’as pas le diplôme du Canada, on ne peut pas t’accepter dans les universités » (Claude). D’autres font la démonstration de leur compétence directement sur le terrain, dans la pratique en prouvant leur capacité une fois qu’ils ont la chance de trouver un emploi. « Elle a été reconnue parce que, après avoir trouvé le travail, j’ai trouvé quelques expériences. Quand je fais mon résumé, je montre mon expérience sur le résumé. Oui. Alors c’est cela qui me donne l’accès de trouver d’autre travail. » (Valérie)

1.5.4 Défis liés aux langues officielles (anglais et français)

Par rapport à l’anglais, il semble clair que les répondants sont bien conscients qu’il est essentiel de comprendre l’anglais pour mieux s’intégrer à Winnipeg :

Parce qu’ici j’ai vu qu’ici chaque chose c’est en anglais, en anglais beaucoup de chose c’est en anglais. Peut-être tu peux aller même à l’hôpital, tu rencontres beaucoup de choses c’est en anglais, à la banque c’est l’anglais. Si tu pars au shop, c’est l’anglais. J’ai dit qu’il faut que je me focus, je vais me focaliser sur l’anglais parce qu’ici la majorité c’est l’anglais. C’est pourquoi je me suis resté dans l’anglais. (Odile)

Les répondants ont déployé plusieurs moyens pour développer leur anglais. Certains vont fréquenter des personnes avec qui ils peuvent échanger en anglais, « je suis en train de chercher là où je peux me mêler pour avoir des conversations à long terme en anglais. » (Gertrude). D’autres renoncent à fréquenter des milieux qui ne leur permettent pas de combler leur besoin d’améliorer leur anglais, quitte à changer de lieu de culte. « J’ai besoin d’améliorer l’anglais, de connaître la langue mieux. Mais je n’aime pas les églises là où on prie c’est seulement en français ou en d’autres langues. » (Carmen). Certains de nos répondants étaient pas mal confiants qu’ils pouvaient quand même se défendre en anglais, parce qu’ils avaient appris les bases de la langue. Mais à la seule condition que la conversation se déroule lentement : « si une personne parle vite, vite, vite là et c’est ça. Ça crée des you know, c’est ça. You know... sir excuse me... peux-tu ralentir un peu quoi. Mais il peut comprendre, il peut parler, il peut écrire, mais il faut juste lui speed » (Carmen).

Nous remarquons que les jeunes se débrouillent mieux et plus rapidement que les parents ou que les personnes adultes. Il leur est plus facile de s’intégrer dans les autres communautés, qui ne parlent que l’anglais. Cependant, ils ont beaucoup de défis à relever lorsqu’il faut aborder les questions en lien avec la santé ou les études. En matière de santé, le déficit de professionnels de santé francophones et même bilingues fait que la plupart des services de santé sont offerts en anglais à Winnipeg. Pour les familles, trouver un médecin n’est pas chose facile et le besoin d’avoir un médecin de famille existe. Ce répondant affirme que «...pendant 8 ans son père cherchait un docteur de famille qui parle français. Il n’a jamais retrouvé». (Odile). Dans les familles, cette situation interpelle les plus jeunes qui ont la facilité d’apprendre l’anglais un peu plus rapidement que les parents et ils peuvent servir d’interprètes en cas de besoin : « Et c’était quelque chose là où nous enfants on devait un peu s’intégrer aussi car on devait aller pour traduire quoi à... nous on a et c’est quelque chose que j’avais le plaisir de traduire mais c’est ça. » (Carmen) « Pour les services de santé, j’ai le docteur de la famille c’est en anglais. Mais parce que je ne connais pas bien l’anglais, on appelle l’interprète. » (Odile)

En ce qui concerne les études, s’il existe plusieurs écoles secondaires en français, à Winnipeg, il n’y a qu’une seule Université où le français est la langue d’usage. Alors pour certaines études plus spécialisées, les formations se font uniquement en anglais et cela diminue les chances de retour aux études pour les immigrants francophones.

Le garçon voulait aller faire la mécanique, la mécanique ici à Winnipeg, ils ont trouvé la mécanique seulement en anglais. Et lorsqu'il est parti là-bas pour faire la mécanique en anglais, il a dit que c’est très difficile. Et il m’a dit qu’il veut aller à Ottawa, pour étudier la mécanique en français. (Odile)

Pour d’autres formations, telles que les sciences infirmières ou le travail social, qui nécessitent des interactions avec la clientèle, la maîtrise de l’anglais est nécessaire et le Benchmark en anglais, niveau sept est souvent exigée. Par ailleurs, la question de la maîtrise des langues pose problème à certains immigrants qui ne parlent aucune des deux langues officielles : « lorsque je suis arrivé ici, on m’a dit qu’on va parler le français et l’anglais seulement. J’ai dit comment est-ce que? Parce que là-bas à la maison là chez nous nous parlons seulement le Swahili. » (Odile). Ce problème a été atténué pour certains d’entre eux pour qui le passage dans les camps de transition leur a permis de développer un peu leur anglais : « en Ouganda on parlait l’anglais. En Ouganda c’est l’anglais seulement. Quand on est arrivé là-bas, on n’a pas rencontré l’école de français. Je lui ai emmené de l’école privé de l’anglais là-bas » (Berthe). C’est déjà un bon départ, même si toutefois, ils éprouvent quelques difficultés de locution et d’intonation car les contextes diffèrent. Cette petite acquisition leur permet tout de même de se débrouiller en cherchant eux-mêmes à s’offrir des services et à se faire mieux comprendre sans avoir à recourir aux services d’un interprète. «...la première des choses que je vais dire... My English is not good... I’m sorry Donc euh je dis cela No! Don’t worry you speak very good des choses pareilles mais c’est ça je cherche toujours » (Laurence).

Les immigrants aînés sont plus exposés à ce défi de communiquer en anglais. À leur âge l’apprentissage de la langue n’est pas chose aisée : « Parce que je commençais à apprendre l’anglais à l’âge de 58 ans. C’est pas facile. » (Irène) Alors certains développent des stratégies pour s’en sortir relativement bien :

Mais on est arrivé ici, même quand j’allais au marché, c’est comme si j’étais une sourde, une muette. Et quand je vais acheter quelque chose, des fois j’enlève tout l’argent. Je mets et la caissière prend ce qu’elle doit prendre elle me dit voilà le reste. Donc c’est comme ça que je faisais le marché. (Élodie)

L’anglais est un grand défi parce que ces réfugiés ont étudié dans des pays francophones où tout se déroule en français. Les répondants reconnaissent que la non maîtrise de l’anglais constitue un handicap à Winnipeg pour les réfugiés qui éprouvent de la difficulté à trouver du travail, à faire des études et à satisfaire les besoins essentiels.

Par rapport au français, même si la plupart des répondants habitent dans Saint-Boniface, l’un des quartiers francophones de Winnipeg, leur discours révèle qu’ils éprouvent de la difficulté à rencontrer des francophones et des services où ils peuvent échanger en français.

C’est dur de trouver les gens francophones, même les services ici, ... même si on dit que c’est francophone, mais c’était pas vraiment français c’était toujours en anglais et donc il y avait ce genre de chose qui manquait et si disons moi j’étais un peu confortable à parler quand j’étais en train d’apprendre l’anglais mais les gens comme mon père, Saint-Boniface était comme la place là où il y avait l’espérance de trouver des choses comme... ils devaient venir ici pour disons pour acheter des choses comme magasiner, acheter le grocery. (Carmen)

Dans ces quartiers dits francophones, les réfugiés francophones ont l’espoir de rencontrer les personnes francophones. Ces répondants trouvent que le français, loin d’être un handicap pour eux, est plutôt un avantage parce que le pays déjà est bilingue. Ils savent que le Canada est un pays qui a deux langues officielles. Ils se trouvent même chanceux face à l’étonnement des autres réfugiés qui viennent d’autres pays non francophones. Ceux qui apprennent ou approfondissent leur connaissance du français trouvent qu’il y a beaucoup de ressemblances entre les mots français et anglais. Pour eux, c’est juste une langue qu’ils ne pratiquaient pas et qu’ils n’ont pas n’ont pas étudiée non plus. Dans cet apprentissage, ils sont confrontés à l’accent manitobain qui peut ralentir leur acquisition de la langue : « Je ne pouvais rien comprendre. L’accent franco manitobain, c’était très difficile pour moi. Les profs parlaient rapidement. » (Ursule).

Le risque qu’ils encourent est de perdre à leur tour le français à Winnipeg où l’anglais est dominant, s’ils ne font pas l’effort de parler français à la maison avec leurs enfants. En effet, les réalités de l’immigration dans les milieux minoritaires francophones rendent difficile l’intégration des réfugiés. L’anglais, étant majoritairement présent comme langue dominante, se révèle comme passage obligatoire pour l’intégration de ces réfugiés car il faut qu’ils soient en mesure de communiquer leurs besoins.

L’intégration passe par l’obtention d’un emploi régulier, voire permanent. Plusieurs participants constatent que l’anglais est la langue de travail, même dans les services désignés bilingues. Ils sont conscients que le bilinguisme équivaut à s’exprimer d’abord en anglais et si nécessaire, en français. Le travail constitue un facteur essentiel dans le processus d’intégration. Or, la prédominance de l’anglais, la non reconnaissance des acquis ou des qualifications empêchent les répondants de trouver un bon emploi, de suivre une bonne formation scolaire, de bien s’épanouir dans la communauté et de se sentir bien intégrés. De plus, l’accès au logement décent et sécuritaire constitue une denrée rare pour la plupart d’entre eux à cause de l’insuffisance de leur pouvoir d’achat.

1.6 Services reçus par les réfugiés d’expression française

Notre étude montre qu’il n’y a pas une parfaite correspondance entre les services offerts par les organismes et les services reçus par les réfugiés. Cet écart justifie que nous nous arrêtions sur les services effectivement reçus par les participants à notre enquête. Les services reçus qui ressortent des entrevues peuvent se classer en six catégories, à savoir éducation (1.6.1), logement (1.6.2), information et orientation (1.6.3), santé (1.6.4), assistance financière et alimentaire (1.6.5), activités sociales et culturelles (1.6.6).

1.6.1 Éducation

Les services dans ce domaine tournent essentiellement autour de l’enseignement des deux langues officielles et des cours de mise à niveau pour les réfugiés ayant un retard scolaire à rattraper. Les services reçus dans le domaine de l’éducation sont les cours d’anglais offerts par Start Manitoba. Le deuxième service éducatif reçu par les réfugiés concerne des cours d’appoint de français.

J’ai pris les cours de français pendant un an et demi. [...] j’ai appris beaucoup de choses parce que j’ai amélioré encore la langue. Parce que la langue pour parler encore le français c’était très dur. J’ai amélioré, dans un an et demi j’ai vu que là ...je peux m’expliquer avec un autre. (Odile)

Enfin, les réfugiés qui n’ont pas terminé le niveau secondaire bénéficient de cours de mise à niveau offerts par la DSFM, notamment au Collège Louis Riel en soirée, en partenariat avec d’autres organismes servant les nouveaux arrivants tels que l’AF, l’USB, la SFM, etc.

1.6.2 Logement

Les services reçus par les réfugiés dans le domaine du logement sont essentiellement de deux types. D’abord, ils reçoivent des services de logement d’appoint à leur arrivée. Ensuite, on leur offre des services conseils pour se trouver un logement permanent, après qu’ils ont pu bénéficier d’un logement d’appoint.

Nous avons été bien accueillis par l’AF. Ils nous ont bien accueillis. Nous avons été logés pendant au moins 21 jours. Parce que j’avais une grande famille ils devaient quand même chercher une grande maison de cinq à six chambres comme ça pour qu’on puisse rester ensemble. En bref, nous avons été bien accueillis. (Robert)

La situation des réfugiés parrainés par le privé est différente de celle des réfugiés parrainés par le public car les premiers n’ont pas à se soucier à se trouver un logement pour leur première année au Canada. Le parrain s’occupe non seulement de trouver un logement pour eux, mais également d’en assumer les frais.

L’église, lorsque nous sommes arrivés ici, l’église, j’ai rencontré, dans la maison, tout l’équipement de la maison est là-bas, est dedans, tout au complet. Et chaque mois, ils nous donnent de l’argent, pour payer l’avion, pour manger, il nous a supportés pendant une année. (Odile)

1.6.3 Information et orientation

Les services reçus dans cette catégorie touchent deux principaux aspects. Le premier aspect concerne les pratiques quotidiennes dans la ville d’accueil, par exemple faire les achats, utiliser la monnaie électronique, où aller chercher les services (alimentation, santé, transport, juridique) :

Alors, quand on est arrivé, on devait continuer avec WP, parce qu’il y avait des programmes d’intégration. [...] c’est là qu’on a pris le cours d’anglais. [...] C’était un programme de 6 semaines. On a appris comment vivre dans la société, comment faire du shopping, comment gérer de l’argent. [...] Et il a démontré comment on paye les aliments, comment on paye toutes les choses, qui a des prix qui est moins. Oui, il nous a aidés beaucoup, l’AF. (Daniel)

Le deuxième aspect des services d’information et d’orientation reçus s’articulent autour du marché du travail, d’informations sur les emplois, la rédaction de CV, la recherche d’emploi.

Ils [pourvoyeurs de services d’information et d’orientation] ont donné le cours comment on prépare le curriculum, comment on demande le travail, comment on remplit le CV. Ils m’ont montré comment écrire les CV, comment chercher le boulot, où chercher le boulot, avec qui, voilà. (Robert)

1.6.4 Santé

Cette catégorie de services reçus par les réfugiés d’expression française est la plus utilisée. Or, comme nous l’avons déjà mentionné, les réfugiés ne reçoivent pas des services de santé directement des organismes intervenant dans le domaine de l’immigration, mais ces derniers les assistent dans leurs démarches pour trouver un médecin de famille, une infirmière de santé publique et les cliniques de santé disponibles (localisation).

L’AF a mis à notre disposition beaucoup de services. Par exemple les services de santé. La première semaine quand nous sommes arrivés, on est allé voir un médecin de famille. Nous avons eu quelqu’un qui nous a soutenus pendant toute une année. On nous a soignés tout ça. À certains moments, j’étais malade et on m’a soigné. (William)

1.6.5 Assistance financière et alimentaire

Enfin, la plupart de nos participants ont bénéficié de l’assistance financière que ce soit de sources publiques (gouvernement) ou de sources privées (l’église).

[...] Je reçois l’aide de Revenu Canada, parce que quand tu as ton revenu mensuel minimum [...], tu peux demander l’aide pour ce qui concerne la garderie. (Rose)

En plus de l’assistance financière que reçoivent les réfugiés d’expression française que ce soit du gouvernement ou bien de leurs parrains comme l’église, ils bénéficient de l’aide alimentaire. La plupart des réfugiés parrainés par le privé nous ont confirmé qu’ils ont accès à la nourriture dès leur arrivée et même pendant un certain temps après. L’église est souvent citée comme bonne pourvoyeuse de ce genre de services. Les interviewés parrainés par le public ont aussi confirmé qu’ils ont bénéficié ou qu’ils bénéficient encore de l’aide alimentaire des organismes comme l’AF pour les réfugiés.

1.6.6 Les activités sociales et culturelles

Les réfugiés participants ont mis l’accent sur certaines activités sociales et culturelles dont ils ont pu profiter depuis leur arrivée au Manitoba. Ces activités vont de la participation au festival du voyageur, la pratique de la danse, les camps d’été pour les jeunes aux visites culturelles et exploratoires dans les municipalités rurales.

Et même là où on habitait à IRCOM là, il y avait des différentes activités pendant l’été, même pendant tout le temps qu’on vivait là-bas [...] pour les devoirs de l’enfant lorsqu’il quittait de l’école, il y avait des différentes activités là-bas qui occupent des enfants. (Gisèle)

J’avais deux semaines quand l’AF m’avait trouvé la communauté métisse ici. J’ai donc participé à ça pendant toute une année. [...] la fédération des Métis franco manitobaine qui a demandé à l’AF d’intégrer les Métis et les Africains pour un programme de camps d’été pour les enfants. Ça a été bien pour mettre les enfants les fins de semaine avec eux. J’aime ça. (Ursule)

1.7 Évaluations des services reçus par les réfugiés

Les réfugiés se sont prononcés sur la qualité et la disponibilité des services qu’ils ont reçus de différents organismes. Bien que nos interviewés aient nommé les organismes pourvoyeurs de ces services, nous croyons plus conforme aux objectifs de l’étude de présenter leur évaluation de ces services reçus sans indiquer les noms des organismes les offrant.

Plus de la moitié des réfugiés interviewés ont exprimé leur satisfaction par rapport aux services qu’ils ont reçus de différents organismes en matière d’accueil, d’information et d’orientation surtout que ces services sont offerts en français. Cette même proportion des réfugiés valorise les services de logement transitoire, d’aide à trouver un logement, de soutien financier pour payer le loyer et ce dépendamment de la durée et des organismes pourvoyeurs de ces types de services. Ensuite, les services d’aide à la recherche d’emploi et la facilitation à l’intégration ont été aussi évalués positivement par les réfugiés.

Par ailleurs près d’un réfugié interviewé sur trois a évalué les services reçus de manière critique. À la tête des services reçus critiqués se trouve le service d’éducation. Les interviewés reprochent aux classes de mise à niveau d’être très hétérogènes des points de vue niveau scolaire, âge, attentes des apprenants, etc. Cette anomalie, selon les réfugiés, perturbe l’avancement de leur éducation et affecte leur motivation pour retourner à l’école. Les critiques ont abordé ensuite les services de l’orientation dans sa durée jugée trop courte. Aussi, certains réfugiés plaident pour une orientation plus détaillée et plus personnalisée sur toute l’année par exemple.

Les réfugiés ne se sont pas limités à des évaluations positives ou négatives des services qu’ils ont reçus, mais ils ont avancé certaines suggestions pour améliorer, voire développer et/ou élargir le bassin des bénéficiaires des services offerts par les organismes. Ils proposent d’offrir plus de services aux jeunes et d’élargir la base des bénéficiaires des programmes destinés aux aînés. Ils veulent une amélioration des services d’aide à la recherche d’emploi et créer plus d’emploi pour les francophones. Enfin, ils demandent plus d’enseignement en matière de gestion de leur portefeuille financier.

[...] AF ne doit pas seulement se focaliser pour trouver les emplois pour les jeunes... ce qui est bon de trouver des emplois mais on devait aussi essayer d’explorer aussi c’est quoi leur (désir) qu’est-ce qu’ils ont à cœur, qu’est-ce qu’ils (veulent) faire dans leur vie? [...] Je ne sais pas où quelque part mais créer des jobs et puis, des jobs francophones. (Carmen)

[...] il faut qu’ils montrent aux gens deux ou trois maisons et puis les gens puissent leur dire le montant des maisons. Ils puissent calculer de leur budget. [...] Il peut connaitre comment on peut sauver l’argent, épargner, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas épargner l’argent. (Fernand)

[...] Il faut, il faut augmenter beaucoup des travails pour les immigrants, trouver le travail, puisque les immigrants quittent dans leur pays, n’a de l’argent, n’a aucune chose. Oui, s’ils reçoivent chaque mois 500$, c’est-à-dire quoi? Ici, au du Canada, 500$, ce n’est pas rien. (Daniel)

Chapitre 2 Résultats de la recherche : la voix des intervenants

2.1 Profil des organismes intervenant auprès des réfugiés

Dans le cadre de notre étude, nous avons interviewé 17 intervenants travaillant ou représentant 15 organismes intervenant directement ou indirectement auprès des réfugiés. La majorité de ces organismes sont francophones, mais nous avons cru bon d’inclure quatre organismes anglophones dont trois offrent des services de première ligne aux nouveaux arrivants – WP, IRCOM, MIA – et un intervenant indirectement avec les réfugiés, c’est-à-dire travaillant avec les organismes offrant des services de première ligne aux nouveaux arrivants – IPW. En effet, l’inclusion de ces quatre organismes répond à l’une des exigences de l’appel d’offre de l’IRCC, à savoir, d’une part, élucider le rôle que joue la collectivité anglophone majoritaire dans le processus d’établissement et d’intégration des réfugiés d’expression française et, d’autre part, déterminer s’il existe une relation entre les collectivités anglophone et francophone soutenant ces réfugiés.

Les 11 organismes francophones choisis font tous partie du RIF. Le RIF a été établi en 2011 et « est un regroupement d’organismes francophones qui élaborent de façon concertée des stratégies appropriées pour favoriser l’immigration francophone » (RIF, 2017). Ces organismes sont au nombre de 17 et notre sélection s’est arrêtée sur ceux qui travaillent directement avec les réfugiés et qui offrent les services en matière d’établissement et d’intégration correspondant à ceux inclus dans la problématique formulée par IRCC, à savoir l’hébergement et le logement, l’aide à l’installation, l’éducation, l’emploi et l’intégration. Nous annexons à ce rapport un document décrivant chacun des organismes participant (Annexe E).

L’analyse des organismes participants a été menée à partir de quelques facteurs. Le premier facteur concerne le financement de ces organismes. Les représentants de sept organismes ont mentionné qu’ils étaient subventionnés par le gouvernement fédéral. Les représentants de cinq organismes ont souligné la diversité de leurs sources de financement qui peuvent inclure des donateurs privés et des partenariats avec d’autres organismes. Il vaut la peine de mentionner que le paysage winnipegois des organismes œuvrant auprès des nouveaux arrivants se caractérise par de nombreux partenariats et liens entre eux. Ces liens sont ressortis au cours des entrevues et sont essentiels pour comprendre la dynamique des services offerts en matière d’établissement et d’intégration.

Le deuxième facteur concerne justement ces services. Les services relèvent de deux types : directs et indirects. Le premier type concerne les services de première ligne, c’est-à-dire où les organismes sont en contact direct avec les réfugiés. Les principaux services directs offerts touchent la santé, l’éducation, la petite enfance, le logement et l’aide à l’emploi. Le deuxième type de services offerts par les organismes participant à notre recherche concerne la coordination des services de première ligne. Ils travaillent auprès non des nouveaux arrivants, mais des organismes en organisant des tables-rondes et des ateliers pour orienter et encadrer les interventions auprès des réfugiés.

Le troisième facteur concerne la taille des organismes. Ils se distinguent par l’utilisation des salariés-employés et la mobilisation de bénévoles en fonction d’événements et d’activités et ce, à des degrés variables. Notons que les organismes qui sont en contact direct avec les réfugiés offrent des services continus par le biais de ressources humaines permanentes allant de 20 à 70 employés. Les organismes apportant leur soutien ponctuel emploient généralement moins d’effectifs permanents, mais ils comptent sur le bénévolat. Enfin, des organismes comptent essentiellement sur le bénévolat pour apporter leur soutien aux réfugiés. Ce sont notamment ceux pour qui les services offerts aux réfugiés ne sont pas l’unique fonction.

Le quatrième facteur concerne la localisation et la langue de travail des organismes. Tous se trouvent au centre-ville et de façon plus précise les organismes francophones sont tous situés dans le quartier de Saint-Boniface. Quant à la langue de travail, notons qu’au-delà de la division des organismes entre francophones et anglophones, tous les organismes ont des ressources humaines pour servir les réfugiés en anglais et en français. Quatre organismes sont en mesure d’offrir des services dans la langue maternelle (autre que l’anglais ou le français) des réfugiés. Cet atout peut s’avérer capital dans les premières heures du processus de réinstallation car la connaissance du français des réfugiés, bien qu’ils aient choisi le français comme langue officielle, à ce moment est souvent déficitaire : la langue française peut avoir été associée à un traumatisme dans leur parcours de migration.

Le cinquième facteur concerne l’ancienneté des organismes (année de création) qui peut être un indicateur d’expertise et de maturité en matière de services offerts aux réfugiés. Neuf des organismes ont été fondés avant 2000, tandis que 6 ont été fondés après. Sans vouloir nous prononcer sur l’articulation entre la qualité des services et le nombre d’année en exercice, nous soulignons que l’État canadien et la société civile canadienne, dans le cadre de ses engagements formels humanitaires, ont très tôt, soit au tournant des années 1970, développé l’infrastructure nécessaire pour faciliter l’établissement et l’intégration des réfugiés. L’ancienneté relative des organismes participant à notre recherche se manifeste clairement dans leur structure organisationnelle. En effet, la plupart des organismes interviewés ont des structures hiérarchisées et établies en fonction des services offerts. Il nous a donc paru important lors de la conduite des entrevues d’interviewer un responsable de premier niveau – par exemple un administrateur ou un directeur – et dans d’autres cas, sachant la diversité fonctionnelle des services offerts, nous avons ajouté des décideurs ou des responsables de deuxième niveau – par exemple des coordonnateurs, des conseillers ou des chefs d’équipe.

2.2 Défis pour les organismes servant les réfugiés

Plusieurs organismes se déploient dans l’accueil et l’accompagnement des réfugiés dans la ville de Winnipeg et dans les alentours. Ils leur viennent en aide pour faciliter leur implantation en ville ou de plus en plus dans le milieu rural. Tout comme les réfugiés, ces organismes font face à plusieurs défis qui peuvent les empêcher de bien mener leur mission d’accompagnement pour une intégration réussie de leur clientèle. Parmi les défis qui viennent couramment dans leur discours, on retient le manque d’infrastructures, l’insuffisance des financements, le logement pour les réfugiés et les défis liés à la langue et la culture.

Concernant les infrastructures, nos répondants disent être confrontés au problème d’espace, soit le déficit d’un cadre physique adéquat où ils peuvent bien mener leurs activités. Les organismes disposent de bâtiments où installer leurs bureaux. La question porte sur leur capacité d’accueil du personnel et de la clientèle que constituent les réfugiés, « Évidemment, du point de vue logistique, et puis, bon les bâtiments déjà. On est éparpillé dans trois bureaux. Donc, à cause on n’a pas assez d’espace. Donc, déjà, ça c’est un grand défi qu’il faut relever. Que l’équipe soit mise ensemble » (I2O1)

Un endroit accueillant leur permettrait non seulement de bien fonctionner, mais aussi et surtout de pouvoir bénéficier de l’aide des bénévoles acceptant de venir de temps en temps pour l’encadrement des enfants, pendant que les parents s’occupent de régulariser leur situation. Toujours en lien avec les infrastructures, ces organismes ont besoin d’être dotés de moyens de transport pour faciliter leur déplacement pour la résolution des problèmes ponctuels et urgents.

Par ailleurs, trouver du logement pour les réfugiés est un autre défi évoqué par les organismes. En effet, la recherche de logements n’est pas toujours évidente et ce d’autant plus avec le nombre croissant de réfugiés qui arrivent. En plus, il faut les aider à s’équiper pour avoir un minimum au départ:

Comme on peut avoir 5 matelas à donner chaque jour. Puis peut être une quinzaine de familles qui cherchent des matelas, c’est vraiment un défi, pour les sofas aussi, chaque personne a besoin d’un sofa pour s’asseoir et puis d’un matelas pour dormir. (IO6)

Le financement des organismes constitue un autre défi de taille. Sans soutien financier substantiel, il est difficile d’aider à l’intégration de réfugiés. Certes, les répondants reconnaissent que les autorités viennent en aide aux réfugiés, mais cette aide ne tient compte dans leur planification ni de l’évolution du nombre d’immigrants ni des dépenses supplémentaires incombant à chaque réfugié et la prise charge de sa famille sur le plan de l’éducation et de la santé. Les organismes puisent souvent dans leurs fonds limités pour arrondir leurs fins de mois. « Notre budget est limité alors on offre, on a toujours eu le même budget dans les derniers 10 ans mais le programme a évolué sans le budget qui vient avec. On est limité à une fois par semaine en ville et une fois par mois à chaque 4 places au rural. » (I1O3)

La maîtrise de la langue de communication est un défi majeur avec les réfugiés. Pour les organismes, gérer les réfugiés, surtout ceux qui ne maîtrisent aucune des deux langues officielles, constitue un défi. Les nouvelles vagues de réfugiés viennent pour la plupart des pays arabes : « la majorité d’entre eux, surtout ceux qui viennent de la Syrie parlent peut-être uniquement l’arabe. Alors le défi pour eux ce sera le français, l’anglais. Et pour nous comment leur donner les services dans une des langues officielles du Canada alors qu’ils parlent uniquement l’arabe ». (I2O3). Ces réfugiés parlent leurs langues et le personnel des organismes ne les comprennent pas, cela ralentit le travail dans le cadre de leur mission. Parmi eux, certains peuvent se débrouiller avec le français, mais souvent ils ne le manifestent pas au moment de remplir les formulaires. Le risque en est que des réfugiés francophones sont orientés dans d’autres structures anglophones avant d’être transférés dans les organismes francophones, ce qui peut causer du retard dans le traitement de leurs dossiers.

Je rencontre des familles ils n’avaient jamais dit à personne. Ils ont passé la frontière ils sont passés partout ils ont été à WP. Ils ont jamais dit « je parle couramment français je suis un francophone ». Ils ne se rendaient pas compte que c’était important. Alors, des fois ces gens-là ils apprennent un an ou deux pour plus tard qu’il y a des écoles françaises mais personnes ne leur a dit parce qu'ils n’ont pas montré aucun intérêt. (I2O3)

Les défis liés aux langues est très important, car l’intégration s’avère difficile sans communication valable entre les réfugiés et les membres de la société d’accueil. Alors les organismes ont si bien travaillé dans ce sens, pour que les réfugiés puissent se faire mieux comprendre et avoir accès à de la documentation appropriée, que les autorités ont consenti à les aider en facilitant la traduction : « Tu ne peux pas juste prendre un papier en anglais puis le dire en français. Ça prend du temps traduire. Alors dans les dernières 2 années finalement on a eu du succès à ce que le gouvernement commence à faire de la traduction. » (I2O3)

Pouvoir traduire les communications et les documents constitue un grand pas dans l’intégration des réfugiés, selon nos répondants des organismes. L’aide du gouvernement, à cet effet, est salutaire.

Les organismes ont eu cette idée de ne pas se concentrer uniquement à Winnipeg pour trouver des solutions aux défis d’intégration des réfugiés. Explorer le milieu rural est un excellent atout. Il s’agit là d’un aspect très important qui permet aux organismes de pouvoir étendre leur champ de travail dans la gestion des réfugiés. En aidant les réfugiés, en leur trouvant des logements et des équipements nécessaires et sécuritaires, ces derniers consentent à les déplacer dans le milieu rural où souvent le travail existe, mais la main-d’œuvre manque : « on a parfois le défi aussi de l’emploi disponible. Les gens parce qu’on veut les attirer dans les régions, aussi c’est le moyen de transport, la logistique pour se déplacer là-bas. » (I1O3)

C’est dire que les organismes font du bon travail d’encadrement auprès des réfugiés. Cependant, les organismes perçoivent des lacunes en ce qui concerne les infrastructures et les moyens financiers, ce qui les entrave dans leur offre de services aux réfugiés. Mais reste qu’un autre défi est lié à la compréhension de la culture de l’autre :

l’un des premiers défis, c’est lié à la compréhension des personnes parce que c’est des gens qui sont parfois partis de très loin, qui ont vécu beaucoup de défis qui ont des séquelles, des traumatismes, puis ça peut arriver qu’il y a des personnes qui sont vraiment pas assez ouverts à les, aux nouvelles choses qu’ils doivent apprendre puis il faut répéter, il faut répéter, il faut répéter plusieurs fois, il faut insister sur certains nombres de choses. (I2O1)

2.3 Services offerts par les organismes

Les services offerts par les organismes aux réfugiés à Winnipeg sont de différentes natures. Nous avons interviewé presque tous les organismes intervenant auprès des réfugiés d’expression francophone. Aussi, nous avons aussi interviewé quatre représentants d’organismes anglophones sachant que les réfugiés d’expression française peuvent bénéficier et ont bénéficié des services offerts par ces organismes. Notons à cet égard que trois des organismes anglophones interviewés assurent un rôle de soutien aux organismes offrant des services de première ligne aux réfugiés (IPW), un rôle de soutien au logement (WP), un rôle de service à l’emploi, au logement et à l’intégration (IRCOM). Le quatrième organisme, qui n’a pas le soutien de l’État, offre des services diversifiés aux réfugiés (MIA).

Les entrevues que nous avons effectuées auprès des intervenants des organismes francophones et anglophones nous ont permis de faire ressortir les principaux services offerts par ces organismes. Nous les regroupons en sept types de services: l’accueil, l’information et l’orientation (2.3.1); l’éducation et la formation (2.3.2); la recherche d’emploi (2.3.3); la santé (2.3.4); le logement (2.3.5); les services sociaux et culturels (2.3.6) et finalement les services personnalisés (2.3.7).

2.3.1 L’accueil, l’information et l’orientation

Presque la totalité des intervenants ont confirmé qu’ils offrent des services relatifs à l’accueil, l’information et l’orientation pour les nouveaux arrivants. Ces services concernent la vie canadienne, les lois et droits, le marché de travail, les services existants et prennent la forme d’« orientations sur la vie au Canada, les lois, le système éducatif, le logement, les droits et responsabilités du locataire » (I2O1) ou encore de « basic orientations [which] covers health, legal, banking system, education, and little bit of information about the society and how it’s structured, and the of course the medical system » (IO7).

Ces services informatifs sont de première importance car ils sont les premiers dont bénéficient les nouveaux arrivants et c’est à partir de ces informations qu’ils peuvent souvent en obtenir d’autres plus tard dans leur processus d’établissement et d’intégration. En effet, I1O1 note que son organisme « commence d’abord par l’accueil à l’aéroport et puis [...] avec les démarches administratives, avec le logement de transition, le logement permanent, avec l’intégration dans la vie quotidienne. Aussi, ce type de services « leur permet en fait d’entrer vraiment tranquillement du nouvel environnement dans lequel ils sont appelés à vivre » (I2O1). Winnipeg a un climat bien à lui, ce qui explique que I1O2 « offre un atelier sur l’hiver ». Ce type de services implique également, selon IO12 « de les amener dans différentes communautés pour voir un peu ce qu’il y’a dans d’autres régions » que Winnipeg.

Généralement, ces services informatifs sont livrés sous deux formats. D’une part, ils peuvent être livrés sous la forme d’une série de séances d’orientation et/ou d’ateliers collectifs que les réfugiés doivent suivre pour avoir des informations nécessaires relatives aux lois et règlements, au système éducatif, au logement et aux droits et responsabilités des locataires, etc. C’est dans cette optique que I1O2 offre « des ateliers sur la compréhension interculturelle ». D’autre part, les services informatifs peuvent être livrés sur une base individuelle en fonction des besoins de chacun. Par exemple, au-delà de l’information touchant la vie quotidienne des nouveaux arrivants, le CDEM organise des sessions d’information individuelle de nature plus économique : information sur les régions rurales, les opportunités d’affaire, les cycles de formation, etc.

Soulignons, enfin, que les services informatifs sont de différentes natures :

We provide information and orientation. We provide referral services. We also provide them orientation and information about housing – temporary and permanent housing. [...] things that we take for granted, for example, how to use the bank machine, how to withdraw money. How to do smart shopping, how to get around in the neighbourhood, how to take the bus. [...] how to do cleaning. How to use the appliances in the apartment. Hygiene. Safety [...] For example, budgeting, setting up an RESP account, smart shopping, using ATM, including currency, how to use the debit card, how to write a cheque we take these things for granted. For us, they’re simple, easy things. But for newcomer refugees, they make a big difference. Life skill trainers also provide training information too, because for some of the refugees, for example, who come from Africa or Asia, the weather is something that really needs to be taken seriously. We also provide information regarding emergency services – safety measures for the child, fire, food, and winter safety. (IO13)

2.3.2 L’éducation et la formation

Dans ce type de services, nous allons distinguer entre d’une part l’éducation de base offerte aux familles et aux jeunes en matière d’alphabétisation et de francisation (initiation de base à l’écriture et au calcul), de cours de mise à niveau offerts aux jeunes adultes n’ayant pas terminé leurs études secondaires et de cours d’initiation à l’informatique (Word, Excel, courriel, etc.) et, d’autre part, la formation professionnelle qui concerne tant le développement des compétences pour des emplois salariés que la formation en entreprenariat qui facilite l’installation à son propre compte :

on a plusieurs sessions de formation entrepreneuriale dont une formation qui est convoitée, Business Start. C’est une formation de trois jours qui permet aux gens de connaitre c’est quoi le démarrage d’entreprise, c’est-à-dire les licences, les permis, et aussi faire des projections financières et des stratégies de marketing et de publicités à mettre en place. [...] on a d’autres sessions sur import-export, sur les impôts, sur les réseaux sociaux, comment se positionner, la gestion du temps. (I1O3)

Notons par ailleurs que dans ce type de services les organismes francophones œuvrent en étroite collaboration, notamment ceux du RIF qui fait de l’éducation et de la formation l’une de ses priorités stratégiques. Les activités et services reliés à la formation initiale ou de base et professionnelle sont organisés en bonne partie par la DSFM en partenariat avec plusieurs autres intervenants. Les activités et services de formation professionnelle liés aux emplois sont surtout offerts par des organismes comme Pluri-elles et AF, alors que les activités de formation en entreprenariat est au cœur des services offerts par le CDEM et tout récemment le WTC de Winnipeg.

On a créé un nouveau programme qu’on a commencé cette année, le programme d’alphabétisation littératie et numératie de base, et en même temps on les a aussi inscrits dans les cours d’éducation physique, musique nutrition, tous les cours où ils pouvaient survivre avec peu de littératie numératie, et en même temps on a un partenariat avec le CDEM, pour que ces jeunes commencent surtout s’ils ont 16 ans et plus d’avoir les expériences au travail, pour que, d’ici deux ans ils puissent entrer dans le marché de travail. (IO4)

on a des programmes d’alphabétisation familiale pour les réfugiés. (IO10)

Les organismes anglophones sont aussi impliqués comme en témoigne cette citation:

We have a life skills training department. That department assists the refugees in providing knowledge of life in Canada, and connecting them to community. And that’s part of the services the life skill training program supports our clients in acquiring practical life skills and Canadian practices. (IO13)

2.3.3 La recherche d’emploi

Ce type de service est offert par plusieurs organismes tant francophones qu’anglophones. Il vaut la peine de mentionner que certains organismes offrent seulement l’espace et les outils informatiques (ordinateurs, internet, etc.) pour chercher un emploi, tandis que d’autres offrent des conseils, des cycles de formation et des ateliers concernant les techniques de recherche d’emploi (CV, entrevue, envoi de candidature, etc.). À la tête des organismes francophones offrant le second type de services reliés à la recherche d’emploi se trouvent le CDEM qui gère des programmes gouvernementaux d’aide à l’emploi (Premier Choix qui est un programme fédéral d’aide à l’emploi salarié ; Start Business qui est un programme provincial d’aide à l’emploi indépendant) et Pluri-elles qui offre des cycles de formation allant de la rédaction de CV aux différentes techniques de recherche d’emploi et d’accompagnement des demandeurs d’emploi.

nous avons le programme qui permet aux jeunes de 15 à 30 ans d’avoir accès à une formation et à des placements chez les employeurs. La formation est d’une durée de quatre semaines et le placement après ça est rémunéré d’une durée de cinq semaines. Après ça l’employeur prend la personne en charge. [...] On a un programme même qui s’appelle le programme favorisant le travail indépendant, c’est les gens qui sont sur le chômage qui veulent ouvrir des entreprises. (I1O3)

On aide les gens à faire le curriculum vitae, on aide les gens à préparer leur recherche d’emploi. On a aussi un agent de liaison qui est en contact avec des employeurs et les clients. On fait des ateliers, on fait des portfolios, etc. [...] faire le rapprochement entre employeurs et nouveaux arrivants. Un autre service qu’on offre aussi dans la communauté, auprès des entreprises, [est] le premier screening pour une offre d’emploi. [Nous recevons l’offre], on regarde dans notre banque de données, on fait le tri puis là à ce moment-là c’est plus facile parce que là on dit à nos clients [réfugiés] voici. Envoie ton CV, dis que tu es recommandé par (nom de l’organisme). (IO10)

Du côté anglophone, il est clair qu’IRCOM et WP sont les organismes clés en matière d’accompagnement des nouveaux arrivants dans leurs démarches de recherche d’emploi salarié et d’installation à leur propre compte: « We offer workshops as well, periodic workshops on things like starting your own business, or job search in Canada for the adults. For the youth, we actually have a very specific, provincially funded program called the Youth Employment Program. » (IO8)

2.3.4 La santé

La santé est un autre volet important de l’intégration. Elle constitue en fait un sujet de préoccupation de la part de tous ceux qui se déplacent d’un pays à l’autre et à plus forte raison lorsqu’il s’agit des réfugiés. Il est à noter que les populations immigrantes en général et les réfugiés en particulier proviennent de différentes cultures où l’accès aux services de santé et leur utilisation ne sont pas spontanées, automatiques. Elles peuvent donc éprouver une certaine gêne, une certaine réticence à s’ouvrir spontanément à des étrangers (dans le cadre des soins par exemple) ou, simplement ne pas être capables d’expliquer ce dont ils/elles souffrent, ne connaissant pas suffisamment le français ou l’anglais. Les populations que nous avons interviewées présentent en fait ces caractéristiques.

En effet, malgré la gratuité des soins qui sont offerts aux réfugiés, certains résistent à aller consulter ou se faire hospitaliser lorsqu’ils sont malades, tout simplement à cause des barrières linguistiques ou culturelles. Le manque des ressources ne permet pas toujours d’avoir par exemple des services d’interprète pour ceux qui ne parlent ni anglais, ni français, ou simplement d’avoir des professionnels du même sexe (femme médecin par exemple) pour rencontrer une malade qui aurait de la réticence à se faire examiner par un homme. Au niveau des pathologies chroniques par exemple, il y a absence de spécialistes de certaines maladies (maladies tropicales) dont souffrent certains réfugiés.

Les services offerts en ce domaine ne sont pas des services directs. En effet, les intervenants que nous avons interviewés ont précisé que leurs organismes n’offrent pas de services de santé en tant que tel, mais réfèrent leurs clients à des services de santé, notamment en français.

Quelques organismes ont développé des projets au profit de nouvelles mamans et bébés en collaboration avec des professionnels de la santé tels que des infirmières de la santé publique, des travailleurs sociaux, des diététistes, etc.

Ça peut être à travers la nutrition, ça peut avoir à faire avec l’allaitement, ça peut à faire avec la vitamine D, la dépression. On a toute sorte de différents sujets qu’on va toucher et on prend des tours, moi, la diététiste, l’infirmière on prend des tours à présenter. Tu viens à mon programme avec ton nouveau-né puis je vois que tu as beaucoup de tristesse, il y a beaucoup de choses qui se passent chez vous. Je peux te référer vers l’infirmière de santé publique, elle peut voir s’il y a quelque chose qui se passe que tu as besoin de plus de support avec. [...] avec l’aide de la diététiste et l’infirmière on est capable de supporter une fois par semaine. (IO11)

On a fait un projet où les infirmières de santé publique lors de la première visite d’une nouvelle maman avec son bébé elle est sensé d’informer les gens au sujet des services en français. (IO5)

We refer clients to health care services for immediate medical needs. [...] depending on the health and the medical needs of the family, sometimes we refer our clients to Mount Carmel Clinic, or Aurora Family Therapy Centre, or SMD – that’s Societies for Manitobans with Disabilities. (IO13)

2.3.5 Le logement

Le logement est une variable clé dans le processus de réinstallation des réfugiés. D’ailleurs, il est clair que nous voyons à travers cette variable l’effet du type de parrainage reçu. En effet, ceux qui ont été parrainés par le gouvernement bénéficient à leur arrivée d’un logement d’appoint temporaire de courte durée (au plus 2 semaines) prenant la forme généralement d’une chambre offerte par des organismes anglophones (WP) et francophones (Abri Marguerite via l’AF) après quoi ils sont responsables de trouver eux-mêmes avec l’aide de l’organisme un logement définitif qu’ils payeront eux-mêmes. Quant aux réfugiés parrainés par le privé, notamment l’église, ils bénéficient d’un logement plus confortable (maison) pour une durée plus longue (au moins 1 an) et ce aux frais du parrain. Un constat se dégage de cette comparaison : les réfugiés parrainés par le public et ceux parrainés par le privé ne bénéficient pas du principe d’égalité des chances quant à leur démarche d’établissement. Les deuxièmes partent avec une longueur d’avance car ils n’ont pas à se préoccuper de la question du logement pendant un an. Ils peuvent ainsi mettre leur énergie ailleurs dans leur processus d’intégration.

Pendant qu’ils sont au logement de transition, il y aura quelqu’un qui sera en train de travailler pour leur trouver leur premier logement. L’une des conditions sine qua non c’est que le quartier soit sécuritaire et que la maison soit dans un bon état, pour qu’il n’y ait pas de moisissure, pas de réparations à faire, pour qu’il n’y ait pas de répercussions de santé. (I2O1)

We go to the organisation that serve this client with housing and tell them what are the shortcomings with respect to housing and we will identify problems: there’s a problem with rent, there’s a problem with lack of affordable housing, and find places and connect individual with apartment, assist them to transfer from temporary to permanent residence. (IO7)

we serve both our tenants – we have about 300 individuals in this building and about 250 in the new building. People actually live where we work. We work where they live. (IO8)

We provide temporary accommodation based on availability [...] we partner with many agencies that provide similar services. Service provider organizations that primary provide services to newcomer refugee families. Once they come here, we open a file with them, we assign them a settlement counsellor, and then we provide settlement services because they are eligible to receive the IRCC-funded settlement services. (IO13)

2.3.6 Les services sociaux et culturels

Les intervenants interviewés ont également fait mention de services sociaux et culturels. Ces services permettent des rassemblements et ont une fonction de divertissement chez les réfugiés qui peuvent s’adonner au loisir.

On organise aussi un grand rassemblement qui se passe dans quelques semaines. C’est genre un concert pour les enfants où les parents peuvent venir avec les enfants. Il y a des activités qui sont ponctuelles aussi alors on a des bricolages à chaque deuxième semaine, on a un cinéma pyjama un vendredi par mois. On a des activités qui sont planifiées et puis, on fait l’annonce un peu partout dans la communauté. (IO5)

we have these amazing soccer teams, we have basketball, track and field, and we do hockey a little bit. Not a team, per se, but we have a hockey program. So lots and lots of activities day in and day out here. (IO8)

2.3.7 Les services personnalisés

Cette section ne concerne pas un domaine ou type spécifique de services. Il s’agit plutôt ici de la façon ou du mode par lequel les services peuvent être offerts. Il est à noter que la majorité des intervenants que nous avons interviewés ont insisté sur le fait que la plupart des services offerts par les organismes sont personnalisés. Cette situation s’explique. Notons que même si les réfugiés d’expression française à Winnipeg sont majoritairement des Congolais, ils sont des besoins très différents les uns des autres. Cette diversité est attribuable à la diversité des parcours (temps et espace) et à la diversité de leur profil sociodémographique (âge, sexe, niveau d’éducation, situation familiale, etc.). C’est ce qui explique que leurs besoins sont variés. Cette variété et cette hétérogénéité appelle des services personnalisés. Cependant, nous avons relevé un écart considérable entre les services personnalisés offerts par les organismes aux réfugiés et les besoins réclamés par les réfugiés. En d’autres mots, ce n’est pas parce qu’il y a une forte prédominance de services personnalisés qu’il faut pour autant croire que tous les besoins des réfugiés sont comblés. Du reste, les services personnalisés offerts se limitent souvent à des rencontres avec des administrateurs qui dépassent rarement les formalités.

les initiatives de placement au travail, c’est individualisé. Et puis avec des employeurs, qu’on a fidélisés grâce à l’expérience et aux résultats qu’on a acquis jusqu’à date. Surtout avec le succès qu’on a eu avec les placements antérieurs. Alors ça nous permet vraiment de répondre aux besoins particuliers de chaque personne. (I1O3)

I think with adults we do those basic, basic supports around drop-in services and helping with filling out application forms or uh, updating resumés, even using our computers if, if there’s a need. (IO8)

Évidemment, il y a des besoins particuliers, sur base de la prise en charge de clients. On identifie les besoins spéciaux, particuliers, ou si je peux dire spécifiques pour chaque client. (I1O1)

Il y a souvent des gens qui sont un peu timides de s’exprimer devant le public. Alors on fait des rencontres en privé ou individuelles pour bien cerner l’idée de la personne et ensuite voir c’est quoi les besoins de la personne pour pouvoir l’appuyer. Ce sont des formations qui sont collectives mais aussi on n’a pas encore mentionné les initiatives de placement au travail et tout ça c’est individualisé. Et puis avec des employeurs, qu’on a fidélisés grâce à l’expérience et aux résultats qu’on a acquis jusqu’à date. Surtout avec le succès qu’on a eu avec les placements antérieurs. Alors ça nous permet vraiment de répondre aux besoins particuliers de chaque personne. (I1O3)

C’est personnalisé dépendamment de la famille, combien de personnes, combien d’enfants est qu’une famille a. Les besoins d’une famille de 1 enfant ne sont pas les mêmes qu’une famille de 10 enfants. Je vais dire que c’est personnalisé. (IO6)

Quand un réfugié aurait besoin d’un cours spécifique en informatique, on va le faire avec lui pour lui permettre d’avoir l’emploi. Alors on l’a fait avec certaines personnes. Disons quelqu’un s’en allait dans un métier qui avait besoin d’Excel, alors on lui donnait le cours d’Excel. (IO10)

2.4 Évaluation des services par les intervenants

Nous avons demandé aux intervenants des organismes de nous décrire les catégories des bénéficiaires de leurs services, des conditions dans lesquelles ils offrent leurs services aux bénéficiaires et aussi s’ils font des évaluations et des suivis de leurs services. Il est clair que tous nos interviewés parmi les intervenants des organismes ont identifié leurs clients comme les plus vulnérables des nouveaux arrivants sur les plans économique et financier, social et psychologique.

Quant aux conditions d’offre de services, nos entrevues avec les intervenants des organismes francophones confirment que leur offre est quasiment destinée aux nouveaux arrivants d’expression française et les services sont offerts en français alors que les intervenants des organismes anglophones ont confirmé que leurs services sont ouverts à tous ceux qui les demandent mais ils desservent seulement leurs bénéficiaires en anglais. Tous les intervenants des organismes rencontrés lors de notre étude ont précisé que les services sont offerts dépendamment du statut du bénéficiaire au Canada.

Le service qu’on a pour les réfugiés, c’est juste que quand ils arrivent ici comme réfugiés, ils ont une période pendant laquelle ils attendent pour avoir la résidence. Pendant cette période, on ne peut pas vraiment les aider. On attend jusqu’ils aient l’approbation de la résidence et puis deviennent maintenant nos clients. Tant que tu es encore résident permanent, tant que tu n’es pas encore citoyen canadien tu peux toujours accéder à nos services. Donc, on reçoit des gens que ça fait six ans qu’ils sont ici, mais parce qu’ils n’ont pas encore eu la citoyenneté, ils peuvent toujours profiter de nos services. (I2O3)

Quant aux évaluations et suivis des services offerts par les organismes, nos intervenants interviewés ont confirmé qu’ils font le suivi auprès des bénéficiaires et nous ont même mentionné des propositions qui ressortent de leurs suivis pour améliorer leurs interventions auprès des réfugiés.

il y a toujours le suivi dans n’importe quel programme, il y a des suivis, des évaluations quand la personne quittée, il y a toujours un suivi qui est fait. On est très évalués, ça c’est pour ça qu’on a des statistiques. (IO10)

Certains intervenants sont allés jusqu’à avancer différentes mesures pour améliorer leurs services aux réfugiés. Ces propositions sont plus d’ordres matériel, organisationnel, social et culturel.

On aimerait bien leur offrir le logement abordable à moyen terme. Donc, par exemple, des gens qui arrivent, on les donnerait le logement abordable pour, une année. Il faudrait chercher, quelqu’un qui va faire une étude stratégique pour la communauté francophone et déterminer les choses qu’il faut pour rendre la communauté vivante et efficace. À ce stade ici, moi je pense que l’intégration, s’il y a quelque chose qui doit être fait, je pense qu’il doit avoir la participation de la communauté et même dans la question d’établissement. Il faut engager toute une communauté, c’est un grand travail. Et puis ce n’est pas un travail seulement des organismes. Qui va faire accepter les immigrants ou les réfugiés auprès des gens de la communauté? C’est un travail qui implique tout le monde. (I1O1)

Des services de garde plus disponible pour les mamans qui veulent être actives ou apprendre des choses ou se recycler. (I2O1)

Nous allons maintenir le programme d’employabilité chez les jeunes nouveaux arrivants et l’étendre au rural et puis nous tenons à miser sur la sensibilisation des employeurs pour l’embauche de nouveaux arrivants et identifier des microsites d’emplois et d’opportunité d’affaires dans nos communautés. (I1O3)

Justement on est en train de développer des partenariats avec nos collègues, nos partenaires, pour voir si on peut faire plus de tutorats, justement pour qu’on puisse tailler sur mesure certaines interventions pour ces jeunes-là. C’est toujours une lame à deux tranchants parce que d’un côté oui ils ont ce besoin. (IO4)

Peut-être qu’on aura besoin de plus de formation sur reconnaître les besoins de santé mentale des réfugiés. Comprendre c’est quoi vivre dans une zone de guerre, quel genre d’impact... on ne veut certainement pas faire du counseling, mais on aimerait pouvoir quand même référer les autres au counseling. (IO5)

Kind of like after-school programs, or kind of youth- youth focused programs. We’d like to have a kind of mental health services at WP. (IO13)

Et puis on aimerait peut-être en fait, plus de suivi avec les personnes qui passent par notre programme parce que comme, c’est à part les jeunes jusqu’à 30 ans, les plus de 30 ans, c’est vraiment des rendez-vous rapides ou on revoit. (I2O3)

2.5 Que pensent les organismes des différents programmes?

Les organismes des différents programmes rencontrés (AF, CDEM, Flavie-Laurent, Pluri-elles, MIA, etc.) qui, d’une manière ou d’une autre, interviennent dans le processus d’accueil et d’intégration des réfugiés et des immigrants en général, apprécient l’action des gouvernements dans leurs efforts sur le plan financier. Ils relèvent toutefois que les besoins sont immenses et que le financement reste généralement en deçà des besoins réels des personnes dont ils ont la charge.

Chapitre 3 Analyse, discussion et recommandations

Ce chapitre se propose d’analyser, à la lumière des résultats des deux premiers chapitres, la problématique de l’établissement et de l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg. Notre analyse se structure en fonction de 5 variables qui sont au cœur du processus d’établissement et d’intégration. Pour chacune de ces variables, nous avons identifié sur la base de ce qui ressort des entrevues (chapitre 1 et 2), des lacunes, des enjeux et des recommandations.

3.1 Logement

Dans tout processus d’intégration dans une nouvelle communauté, le premier pas est d’avoir un toit sur la tête. Le logement est donc une priorité pour le réfugié, qu’il soit seul ou en famille. Notre échantillon n’a donc pas échappé à cette réalité. Les réfugiés d’expression française interviewés ont presque tous mentionné qu’avoir un logement était un véritable parcours du combattant, qu’il s’agisse de l’offre insuffisante, du coût ou de l’adéquation avec la taille de la famille, pour ceux dont la famille est grande.

3.1.1 Lacunes

Les lacunes relatives au logement qui se sont dégagées des entrevues menées auprès des réfugiés et des intervenants sont les suivantes : la première lacune concerne le logement de transition, c’est-à-dire le logement occupé par les réfugiés parrainés par le public dès leur arrivée avant qu’ils obtiennent un logement permanent et durable. Ce logement est d’abord insuffisant sur le plan infrastructurel. Il y a un manque de place, ce qui fait en sorte que les réfugiés et leur famille n’y restent que pour une très courte durée. Cela met de la pression pour trouver un logement permanent puisqu’ils n’ont pas le temps de bien chercher. Aussi, ce logement transitoire (chambres) ne correspond pas aux besoins des réfugiés qui ont souvent plusieurs enfants. La deuxième lacune relative au logement concerne les services offerts par les organismes pour trouver un logement permanent. Ces services sont insuffisants dans la mesure où il n’existe pas un réel service qui collabore avec d’autres intervenants pour non seulement trouver et indiquer les logements disponibles, mais aussi pour inspecter ces logements pour s’assurer qu’ils soient convenables sur le plan sanitaire et fonctionnel et agir comme intermédiaires entre les réfugiés-locataires et les propriétaires. La troisième lacune est relative à la disponibilité du logement, à son coût et au type de logements. En effet, il est vrai qu’à Winnipeg et en particulier à Saint-Boniface le taux d’occupation est très élevé. Cette rareté fait en sorte que le coût de logement est élevé. Par ailleurs, les rares logements disponibles correspondent rarement au profil familial des réfugiés d’expression française. Par exemple, selon nos participants, un logement de deux chambres à coucher est loué à partir de 1400$ par mois. Ce montant représente presque la totalité de l’aide au revenu qu’une famille reçoit du gouvernement fédéral, ce qui fait en sorte qu’elle va dépendre des allocations familiales, qui sont détournées de leur raison d’être, et des banques alimentaires. Les réfugiés se trouvent donc tiraillés entre les besoins de se loger et de se nourrir. La quatrième et dernière lacune concerne l’emplacement des logements. Les rares logements disponibles relativement abordables pour les réfugiés se trouvent généralement loin des services d’établissement et d’intégration offerts par les organismes (éducation francophone, santé, aide à la recherche d’emploi, etc.) et des emplois. Cette situation diminue la mobilité des réfugiés en raison des coûts du transport et l’absence de transport privé. Ils sont marginalisés spatialement en étant relativement loin des services et des centres d’intérêts publics.

3.1.2 Enjeux

Il est clair que ces lacunes soulèvent d’importants enjeux sociaux. Dans la mesure où le logement absorbe l’aide au revenu des familles et les allocations familiales, les familles des réfugiés se retrouvent dans une situation de double pauvreté : la pauvreté des familles et la pauvreté des enfants. Cette double pauvreté affecte la dignité des réfugiés et compromet leur intégration dans la nouvelle société. La pauvreté infantile engendrée par le coût élevé du logement est particulièrement préoccupante puisqu’elle met en jeu l’avenir de la prochaine génération. C’est la société dans son ensemble qui est perdante. Les lacunes sur le plan du logement soulèvent également un enjeu lié à celui de la pauvreté, soit celui de la santé et du bien-être. D’abord, le fait que les réfugiés parrainés par le public doivent trouver assez rapidement un logement permanent, étant donné que le logement transitoire est de courte durée les place dans une situation de stress intense qui complique davantage leur processus d’intégration. Les réfugiés parrainés par le privé n’ont pas cette préoccupation dans la mesure où leur logement permanent a déjà été trouvé pour eux avant leur arrivée au Canada. Ensuite, la mauvaise qualité des logements (insalubrité) peut avoir des effets néfastes sur la santé et le bien-être des réfugiés.

3.1.3 Recommandations

  1. Augmenter le nombre des logements de transition (comme l’Abri Marguerite) afin que tous puissent en bénéficier et ce, pour une durée plus longue afin qu’ils aient suffisamment de temps pour chercher un logement permanent qui soit convenable et abordable.
  2. Le gouvernement fédéral pourrait s’inspirer des pratiques exemplaires du parrainage privé (logement payé pendant une année et au-delà) jusqu’à ce que le réfugié puisse se trouver un logement décent.
  3. Investir davantage dans des logements sociaux. S’ils sont logés, les réfugiés mettront leur énergie ailleurs et ils auront la chance de s’intégrer plus vite et de devenir des agents actifs de la société, de s’affranchir de l’aide sociale. A moyen et à long termes, ils deviendront des payeurs d’impôts et de taxes (sources de revenu pour le gouvernement).
  4. Mettre sur un pied un programme d’aide au logement. Il pourra non seulement rendre la recherche d’un logement plus efficace (base de données contenant de l’information sur les offres de logement, sur les immeubles et les propriétaires), mais fournir aux réfugiés des coordonnateurs qui les accompagneront dans leur recherche d’un logement et qui agiront comme intermédiaires entre les réfugiés et les propriétaires/vendeurs.
  5. Décentraliser le logement. Le gouvernement pourrait trouver des logements non loin des lieux où sont les emplois, notamment dans les régions rurales où il y a des emplois. Le programme d’aide au logement doit avoir un volet « incitation à la mobilité » à l’intérieur de la province pour amener les travailleurs potentiels que sont les réfugiés là où les entreprises ont besoin d’eux.

3.2 Emploi et formation

L’intégration sur le marché du travail / l’accès à l’emploi est un aspect important de l’intégration générale de tout nouvel arrivant. À travers notre enquête, nous avons relevé que l’intégration sur le marché du travail des réfugiés d’expression française à Winnipeg pose problème. En effet, notre étude montre qu’ils souffrent d’un taux de chômage plus élevé que celui des citoyens manitobains. Ce constat trouve une résonance dans des études récentes produites sur (Hari et al., 2013; Francis, 2010; Sherrell, 2010; Hieber et al., 2009). Pour une meilleure compréhension de cette variable d’intégration, nous identifions les lacunes reliées à l’emploi et à la formation, les enjeux que ces lacunes soulèvent pour enfin énoncer certaines recommandations que nous jugeons opportunes.

3.2.1 Lacunes

Les lacunes concernant l’emploi et la formation sont relatives à la question du chômage. Un premier ensemble de lacunes est lié à l’individu et le deuxième ensemble relève de l’institutionnel (l’offre et la demande sur le marché du travail). Les lacunes individuelles sont liées au problème de la maîtrise des langues. D’une part, peu connaissent l’anglais ce qui compromet déjà considérablement leur insertion dans le marché du travail dans un milieu minoritaire français comme Winnipeg. En effet, en dépit de maints efforts visant à faire reconnaître le français depuis plusieurs années, cette langue, à Winnipeg, n’est toujours pas une langue de travail au même titre que l’anglais. D’autre part, la connaissance du français des réfugiés d’expression française, c’est-à-dire qui ont choisi la langue officielle du français pour s’établir au Canada, est souvent aussi lacunaire et ce pour plusieurs raisons. Primo, les longs délais d’attente entre l’obtention du statut de réfugiés et l’entrée effective au Canada peuvent faire en sorte qu’ils perdent leurs capacités linguistiques en français. Secundo, ces longs délais peuvent avoir été vécus dans des camps ou pays de transition anglophone, ce qui peut nuire encore à leurs capacités à parler le français. Tertio, la langue française, comme il nous a été donné de voir, dans le chapitre 3, peut être associée à des épisodes traumatiques chez les réfugiés faisant en sorte qu’ils ont voulu se dissocier de tout ce qui pouvait leur rappeler ces moments douloureux, y compris la langue française. Les lacunes individuelles tiennent aussi à l’étroitesse de leur réseau et du manque de reconnaissance des diplômes et expériences acquis dans leur pays d’origine. Ces lacunes tiennent aussi dans le fait que la grande majorité des réfugiés d’expression française ont des personnes à charge, conjoint(e), enfants et autres. Cette caractéristique réduit leur mobilité, leur capacité à se déplacer pour trouver et obtenir un emploi. Il faut aussi tenir compte, dans le portrait de ces lacunes relevant de l’individu, que les réfugiés d’expression française interviewés dans le cadre de notre étude sont souvent mais très certainement pas exclusivement une main d’œuvre peu qualifiée. Ayant longtemps vécu dans l’instabilité et ce, pour des périodes relativement longues (camps de réfugiés ou périodes de transition), certains réfugiés n’ont pas eu l’opportunité de se former. Pire, les longs délais d’attente dont sont victimes les réfugiés entre l’obtention du statut de réfugié et leur entrée effective au Canada accentue leur régression. D’une manière plus générale, les études récentes montrent que ces délais d’attente dans le processus d’évaluation du statut de réfugié et l’incertitude qui s’ensuit créent un sentiment d’insécurité chez les réfugiés qui nuit ultérieurement à leur intégration économique. Enfin, les lacunes individuelles tiennent aussi à une série de facteurs psychologiques liés au fait que pour l’ensemble des réfugiés d’expression française, Winnipeg n’était pas une destination de choix. Plusieurs réfugiés ont été déstabilisés lorsqu’ils sont arrivés à Winnipeg. Certains ont vécu des chocs culturels et climatiques qui ont affecté le moral - déjà lourdement mis à l’épreuve du fait de leur passé récent - et qui ont entravé leur volonté ou leur motivation de s’insérer dans le marché du travail.

Les lacunes institutionnelles ou systématiques relèvent essentiellement de la demande et de l’offre sur le marché du travail. Elles sont attribuables à la nature et à la structure de l’économie manitobaine même. D’abord, les sujets de notre enquête sont frappés plus fort par le chômage que le reste de la population, peu importe la conjoncture économique. Notons aussi que si les réfugiés sont frappés par le chômage, les femmes le sont doublement. Ensuite, le chômage dont sont victimes les réfugiés tient à la nature et à la structure de l’économie manitobaine. Celle-ci est basée sur les PME qui sont exigeantes dans la demande de travail. Elles nécessitent une main d’œuvre qualifiée contrairement à une économie basée sur les grandes entreprises. Bref, les besoins des entreprises ne correspondent pas au profil des réfugiés. Soulignons également comme lacune relevant de la structure même de l’économie manitobaine la répartition géographique du travail: il existe un écart important entre des zones d’emplois situées dans le monde rural et les zones où se trouvent les réfugiés, à savoir le milieu urbain où ils veulent être dans la mesure où la plupart des services d’établissement et d’intégration s’y trouvent. Or cet écart géographique contraint souvent les réfugiés au chômage. Une dernière lacune institutionnelle concerne les services d’aide à l’emploi. Notre étude révèle que bien des services mis à la disposition des réfugiés en matière d’aide à l’emploi ne tiennent pas compte de la réalité des réfugiés. Il appert en effet que la gamme des services d’aide à l’emploi sont conçus et mis en place pour une réalité canadienne. Ils supposent que ceux qui se prévalent de ces services ont une connaissance développée des outils informatiques, voire qu’ils sont des « natifs » de la technologie numérique, qu’ils savent où aller chercher l’emploi, comment rédiger une lettre de motivation et un CV canadiens. Autrement dit, les services d’aide à l’emploi ne sont pas taillés sur mesure pour ceux qu’ils devraient aider, à savoir les nouveaux arrivants. Ils supposent que les bénéficiaires sont autonomes, alors que les réfugiés fraîchement arrivés sont tout sauf cela. Cela crée un effet pervers : au lieu d’aider les réfugiés à trouver un emploi, cela les éloigne davantage du marché du travail. Ils se trouvent en effet intimidés devant la lourdeur du processus; ils ont besoin de suivre des cours d’informatique pour employer les services d’aide à l’emploi. Soulignons, enfin, que si les services d’aide à l’emploi ne sont pas en phase avec les besoins des nouveaux arrivants, il n’existe même pas de programme d’adaptation et d’insertion professionnelle pour les nouveaux arrivants d’expression française. L’absence de tels programmes est une lacune institutionnelle majeure dans le domaine de l’emploi et de la formation.

3.2.2 Enjeux

Les lacunes que nous avons identifiées soulèvent des enjeux importants quant à l’intégration en général et l’intégration économique en particulier. Le premier enjeu concerne la pauvreté. En effet, si les nouveaux arrivants n’insèrent pas le marché du travail, la conséquence première et la plus importante est la pauvreté. Cette pauvreté est non seulement vécue à court terme mais elle risque aussi d’être transmise à moyen et long terme, c’est-à-dire aux générations suivantes. Les parents pauvres qui dépendent de l’assistance sociale de dernier recours, que cela soit avec l’aide au revenu offerte par le gouvernement fédéral pendant une période pouvant atteindre un an ou avec le bien-être social offert par la province par la suite, vont vivre dans la médiocrité avec leur famille, sachant que la grande majorité des participants de notre enquête s’établissent au Canada en famille. À cet effet, 17 % de nos interviewés avaient 1-2 enfants, 42 %, 3-6 enfants et 15 %, 7-12. Cette médiocrité va se répercuter sur le comportement des enfants dans les écoles, va entraîner le décrochage. Le comportement scolaire des enfants va aussi se répercuter sur l’école dans son ensemble : il peut potentiellement compromettre le bon fonctionnement de l’école en entraînant notamment un nivellement par le bas. Ce faisant, la pauvreté des nouveaux arrivants compromet la viabilité même des institutions scolaires, ce qui représente risque et un enjeu majeurs. La pauvreté dans laquelle tombent les nouveaux arrivants risque de les placer dans le long terme dans une situation précaire à leur retraite. Ce qui ressort de cet enjeu de la pauvreté est le constat suivant : le gouvernement canadien fait venir des nouveaux arrivants, y compris les réfugiés, mais il ne met pas en place l’infrastructure nécessaire pour bien assurer leur intégration. Si bien, qu’aux dire mêmes de certains des participants de notre étude, ils n’ont quitté la médiocrité dans leur pays d’origine que pour la retrouver sous une autre forme au Canada.

De cet enjeu de la pauvreté découle un autre enjeu important relié aux lacunes présentées ci-haut, soit celui de la marginalisation, de l’exclusion sociale. La pauvreté entraînée par le non-accès au marché de l’emploi ou par le déclassement professionnel/déqualification entraîne des phénomènes de dérapages sociaux tels que la délinquance, les sans-abris et la criminalité. Cette marginalisation des réfugiés entraînée par leur non-insertion dans le marché du travail risque de créer des bassins de recrutement pour différents mouvements épousant des idéologies extrémistes et radicalisantes. Cela représente un enjeu social de taille.

Les lacunes que nous avons identifiées par rapport à l’éducation et à la formation soulèvent un enjeu que nous pourrions qualifier de psychologique. La non-intégration sur le marché du travail ou l’exercice d’un emploi précaire engendrant un déclassement professionnel pour le réfugié entraînent une perte de statut social et professionnel. Cette perte a des incidences psychologiques importantes, notamment sur l’estime de soi, et peuvent aller jusqu’à la dépression. Ces incidences psychologiques individuelles peuvent se répercuter sur les membres de la famille du réfugié ainsi que sur son entourage.

Un dernier enjeu soulevé par les lacunes identifiées ci-haut pourrait être qualifié d’enjeu sociétal ou civique. Sans intégration économique, les réfugiés ne sont que des citoyens sur papier, purement formels, pour ne pas dire de seconde classe. Si le Canada veut faire de ces nouveaux arrivants des citoyens à part entière participant pleinement au projet de société de demain, il ne peut se permettre de laisser les nouveaux arrivants ne pas pleinement insérer le marché du travail. Autrement dit, nous irions jusqu’à dire que ce n’est que par cette insertion qu’ils pourront être une ressource - et non un fardeau - pour la société canadienne, qu’ils pourront être des agents du projet de société, bref des citoyens intégraux et intégrants. Il en va du devenir de la société canadienne, mais également de la dignité de ces nouveaux arrivants.

3.2.3 Recommandations

En tenant compte des lacunes identifiées ci-haut et des enjeux que celles-ci soulèvent, nous recommandons :

  1. Que soient mis sur pied des centres de formation pour que les réfugiés puissent être formés pour travailler dans les PME. Ces centres devraient être mobiles pour mieux accompagner les réfugiés. Ils devraient offrir des formations pratiques de courte durée à proximité des lieux de travail. Enfin, ces centres devraient être flexibles afin de pouvoir servir les réfugiés à la carte.
  2. Que les services d’aide à l’emploi existants soient remplacés par des services d’accompagnement au marché du travail. La mise sur pied de tels services nécessite la présence d’un agent d’emploi, c’est-à-dire d’un mentor qui prend en charge les réfugiés disposés à travailler dès leur arrivée au Canada et ce, jusqu’à leur insertion dans le marché du travail. Le mentor sera responsable d’identifier les forces et les faiblesses en matière de formation et d’emploi de ses protégés. Il les orientera à la formation et à l’adaptation nécessaires, veillera à leur insertion dans le marché du travail et ce, en tissant des liens avec les entreprises et en mobilisant les programmes gouvernementaux d’insertion professionnelle et de subvention salariale. Il est à noter que cette recommandation a été formulée par plusieurs des participants réfugiés.
  3. Que les services en matière d’emploi et de formation offerts aux nouveaux arrivants soient décentralisés. Il faut que ces services soient placés davantage en milieu rural dans le but de rapprocher l’offre de travail à la demande de travail. Dans ce même esprit, il faut mettre sur pied des programmes qui favorisent la mobilité interrégionale manitobaine pour les nouveaux arrivants.

3.3 Éducation

Notre étude révèle que l’éducation est importante aussi bien pour les jeunes réfugiés que pour leurs parents (voir section 1.4.2). En effet, l’éducation permet aux jeunes réfugiés d’apprendre et de se mettre à niveau pour mieux négocier leur intégration dans la nouvelle société. Mais elle représente aussi un élément régulateur de la psychologie et de la frustration des familles quant à la lenteur de leur intégration. En effet, les parents interviewés étaient optimistes quant à l’avenir de leurs enfants. Selon eux, s’il est vrai qu’ils vivent leur non intégration avec beaucoup d’amertume, ils observent positivement la facilité avec laquelle leurs enfants sont intégrés au système d’éducation. Plusieurs parents nous ont confié qu’ils se sont sacrifiés, c’est-à-dire qu’ils ont renoncé à la recherche de leur intégration dans l’espoir que leurs enfants soient intégrés.

3.3.1 Lacunes

Elles sont au nombre de trois et elles sont interreliées. Une première lacune concernant les services liés à l’éducation se dégageant des entretiens menés auprès des réfugiés réside dans le décalage entre l’enseignement dont ils ont besoin et celui qui leur est donné. En effet, plusieurs des réfugiés ont souligné que les cours qu’ils recevaient ne correspondaient pas à leurs besoins. En fait, ce décalage révèle selon nous que les cours donnés aux réfugiés ne tiennent pas compte de leurs situations spécifiques et diverses. Par exemple, il s’avère difficile pour maints réfugiés de concilier le travail avec la prise de cours, notamment en raison de conflits d’horaire, du manque de temps ou de la fatigue. Cette conciliation est d’autant plus difficile pour les mères monoparentales. De fait, maints réfugiés se sentent tiraillés entre, d’un côté, l’impératif financier de gagner leur vie et, de l’autre, l’impératif de s’éduquer pour mieux s’intégrer socialement et économiquement à leur nouveau pays.

Une deuxième lacune concerne l’hétérogénéité des classes de cours de mise à niveau que suivent bon nombre des réfugiés d’expression française à Winnipeg. Ces cours de mise à niveau sont très importants dans la mesure où ces réfugiés ont connu des périodes plus ou moins longues durant lesquelles ils ne recevaient peu ou pas d’éducation du tout. Or c’est précisément parce qu’ils ont connu différentes trajectoires entre leurs pays d’origine et leur arrivée effective à Winnipeg que les réfugiés d’expression française ne peuvent être placés ensemble dans les mêmes classes sans trop de distinction par rapport à leur âge, leur niveau d’éducation, leur pays d’origine. De telles classes hétérogènes ne tenant pas compte de la pluralité des nouveaux arrivants et a fortiori de celle des réfugiés d’expression française ne créent pas un environnement pédagogique propice pour qu’ils puissent se mettre à niveau.

Une troisième lacune qui se dégage des résultats obtenus au chapitre 1 concerne plus spécifiquement les modalités de l’enseignement prodigué aux réfugiés d’expression française. Les cours de mise à niveau sont souvent donnés par des enseignants non brevetés, ce qui compromet la qualité de l’enseignement prodigué. De même, les lieux où se donnent les cours de mise à niveau - la salle de classe traditionnelle dans une école secondaire - gênent, voire intimident les réfugiés interviewés. Plusieurs de ces derniers ont en effet souligné qu’ils se sentaient mal à l’aise dans un tel lieu. Enfin, l’horaire des cours est considéré par plusieurs des participants comme étant trop rigide.

3.3.2 Enjeux

Ces lacunes soulèvent d’importants enjeux par rapport à l’établissement et l’intégration des réfugiés d’expression française à Winnipeg. Elles contribuent à démotiver une bonne partie des réfugiés à suivre des cours. Cette démotivation risque de faire en sorte que plusieurs décrocheront. Par conséquent, ils ne parviendront pas à se mettre à niveau sur le plan des connaissances de base, notamment linguistiques. Cela pose un enjeu social de taille : non seulement le gouvernement obtient un « faible retour sur son investissement » dans les cours offerts aux nouveaux arrivants, mais la société winnipegoise perd des individus qui pourraient participer à son développement et son épanouissement. C’est dire que les lacunes sur le plan des services d’éducation offerts aux réfugiés d’expression française minent et compromettent le projet même de leur intégration à la société winnipegoise. Au lieu de devenir une ressource pour celle-ci, ils deviennent un fardeau.

3.3.3 Recommandations

En tenant compte des lacunes identifiées ci-haut et des enjeux que celles-ci soulèvent, nous recommandons :

  1. Une réorganisation logistique des modalités de l’enseignement prodigué aux réfugiés d’expression française pour que celui-ci, tout en permettant à ces derniers de s’intégrer à la société, réponde mieux à leurs besoins: des espaces plus appropriés, des horaires plus flexibles et des enseignants brevetés, voire des spécialistes en éducation des adultes, l’andragogie.
  2. Revoir le contenu de l’enseignement pour qu’il s’arrime davantage aux besoins spécifiques et divers des réfugiés d’expression française. Il ne serait pas question ici de remplacer le contenu actuel et traditionnel, mais de voir s’il n’y aurait pas lieu d’intégrer davantage une formation qualifiante, orientée vers l’emploi et ce, en tenant compte évidemment de l’âge, du niveau et de la provenance des réfugiés. Cela permettra de créer, du même coup, des classes plus homogènes et un environnement pédagogique plus propice à l’acquisition des connaissances, qu’elles soient fondamentales ou pratiques.
  3. Mettre sur pied des incitatifs financiers pour qu’il soit plus facile aux réfugiés d’expression française de concilier travail et éducation. Ces incitatifs viendraient combler le manque à gagner entraîné par le retour aux études. Cette recommandation a été énoncée par maints intervenants interviewés.

3.4 Maîtrise des langues

La maîtrise des langues officielles constitue un grand défi pour la plupart des réfugiés francophones comme nous l’avons déjà souligné plus haut (1.5.4). Il s’agit en fait de l’instrument primordial de l’intégration. Le réfugié (ou tout immigrant) qui arrive au Canada doit posséder une certaine capacité à écouter, à comprendre, à parler et à écrire une des langues officielles du pays, notamment le français ou l’anglais. Dans l’échantillon de la population de la présente recherche, 56 % parlent français et une langue autre que l’anglais, 25 % parlent français, anglais et une autre langue, 19 % ne parlent ni français, ni anglais. Par ailleurs, la grande majorité des réfugiés récents viennent des pays arabes (Syrie) ou ne peuvent tenir une conversation de dix minutes en français ou en anglais. Voici ce qu’en dit un responsable (I1O3) de l’un des organismes : « La maîtrise de la langue de communication est un défi majeur avec les réfugiés. Pour les organismes, gérer les réfugiés, surtout pour ceux qui ne maîtrisent aucune des deux langues officielles constitue un grand défi. »

Aussi, les réfugiés qui arrivent ici ont une contrainte majeure, celle de la communication. Même s’ils sont francophones, ils se rendent rapidement compte que la variété du français parlé ici est très différente de celle qu’ils parlent. Ils ne peuvent pas communiquer. En outre, ils se rendent également compte que même si le français est l’une des langues officielles du Canada, l’anglais est prédominant. Ils doivent donc rapidement apprendre l’anglais pour pouvoir survivre.

Tout ce qui précède nous permet de mesurer l’ampleur du problème que pose la méconnaissance des langues officielles du Canada aux nouveaux arrivants et d’esquisser d’éventuelles solutions. En fait, pour des gens qui ne connaissent ni l’anglais, ni le français (19 % dans notre échantillon), que faut-il pour acquérir rapidement un niveau fonctionnel dans l’une de ces deux langues, afin de pouvoir commencer le long cheminement de l’intégration? Les ressources dont disposent les différents organismes d’intervention sont-elles suffisantes? Ces questions nous permettent d’aborder les lacunes qui ont été le plus souvent soulevées par les participants à la recherche (réfugiés).

3.4.1 Lacunes

Au niveau de la maîtrise de la langue française ou anglaise, les lacunes sont évidentes. La langue devient donc pour eux une barrière à la communication, une barrière à l’intégration sociale.

la majorité d’entre eux, surtout ceux qui viennent de la Syrie parlent peut-être uniquement l’arabe. Alors le défi pour eux ce sera le français, l’anglais. Et pour nous comment leur donner les services dans une des langues officielles du Canada alors qu’ils parlent uniquement l’arabe. (I2O3)

Les structures d’accueil ne sont pas toujours bien équipées pour recevoir des gens qui ne parlent ni anglais, ni français, surtout en grand nombre, étant donné les ressources limitées pour l’embauche d’interprètes/traducteurs des différentes langues de nouveaux arrivants. Dans un tel contexte, les réfugiés ont tendance à se regrouper en « ghettos ethniques »: les arabophones vont se retrouver entre eux, les gens parlant swahili ou une autre langue entre eux. Cela peut réduire les possibilités d’échanger en français ou en anglais, retardant ainsi la maîtrise de l’une des langues essentielle à l’intégration. Les enfants d’âge scolaire sont alors les premières victimes puisque les parents ne peuvent les aider à faire leurs devoirs à la maison. Ils sont ainsi doublement victimes puisqu’en plus d’avoir eu à quitter leur pays, le plus souvent dans des conditions très difficiles, ils doivent subir des retards à l’école, retards qui peuvent bien être rattrapés si des ressources sont mises à contribution.

3.4.2 Enjeux

Au niveau des organismes et de la communauté, l’absence de la maîtrise de l’une des langues officielles devient un enjeu de politique d’intégration. Les cours de langue sont mis en place pour ces nouveaux arrivants pour leur permettre de préparer leur intégration dans la communauté d’accueil et sur le marché du travail. Les sentiments sont plus ou moins mitigés par rapport à ces cours. Leur efficacité est mise en doute puisqu’après plusieurs mois (parfois des années), les nouveaux arrivants ne sont toujours pas fonctionnels en anglais ou en français. L’apprentissage sur le tas (en milieu de travail) semble plus efficace. Par ailleurs, très rapidement, les nouveaux arrivants se rendent compte qu’en fait la maîtrise de l’anglais est indispensable dans le processus d’intégration à Winnipeg. En effet, même si le Canada est bilingue, les Canadiens ne le sont pas, du moins pas la majorité. Laissons la parole à un participant aux entrevues que nous avons menées dans le cadre de cette recherche.

Parce qu’ici j’ai vu qu’ici chaque chose c’est en anglais. Peut-être tu peux aller même à l’hôpital, tu rencontres beaucoup de choses c’est en anglais, à la banque c’est l’anglais. Si tu pars au shop, c’est l’anglais. J’ai dit qu’il faut que je me focuse, je vais me focaliser sur l’anglais parce qu’ici la majorité c’est l’anglais. C’est pourquoi je me suis resté dans l’anglais. (Odile)

La maîtrise du français devient ainsi pour la communauté francophone un enjeu majeur étant donné l’attrait que l’anglais exerce sur les nouveaux arrivants. En fait, les nouveaux arrivants francophones et ceux qui veulent apprendre le français doivent recevoir de la part de la communauté francophone un appui sans faille pour qu’ils ne se tournent vers la communauté anglophone majoritaire qui présente de nombreux attraits, surtout que la plupart de ces derniers expriment la ferme volonté de conserver le français et de le transmettre à leurs enfants, afin de sauvegarder ce qui reste de leur patrimoine linguistique. Il est également important de noter que parmi les réfugiés en particulier, il y a des gens qui ont été malmenés, traumatisés dans une certaine aire linguistique et qui veulent à tout prix s’éloigner de la langue qu’ils assimilent à la langue de l’oppresseur.

3.4.3 Recommandations

À la suite de la présente étude, nous estimons que quelques recommandations sont indispensables pour venir en appui aux programmes et aux activités qui sous-tendent la maîtrise des langues officielles et plus particulièrement le français.

  1. La structure des cours de langue pourrait être revue; les organiser en mode coopératif afin de permettre aux nouveaux arrivants d’avoir un contact direct avec le monde du travail et la langue utilisée dans le milieu.
  2. Les cours pourraient être mieux financés afin que les gens n’attendent pas des mois pour avoir accès aux cours. Penser organiser ces cours avant même que les réfugiés n’arrivent au Canada.
  3. Les activités de traduction dans les organismes communautaires qui œuvrent auprès des réfugiés pourraient être soutenues.
  4. Les familles francophones pourraient être appariées à des familles anglophones pour permettre des échanges et un apprentissage rapide de la langue.
  5. Des activités pourraient être organisées pour rendre attrayante la langue française.
  6. Les moniteurs de langue pourraient être sensibilisés aux réalités vécues par les réfugiés et donner à ces derniers des appuis psychologiques dès leur arrivée sur le sol canadien.

3.5 Santé

Les réfugiés souffrent à la fois dans leur chair et dans leur esprit. Les répondants interrogés dans le cadre de ce projet ont insisté sur la nécessité pour de nombreux réfugiés de bénéficier d’une aide psychologique, en raison de la torture subie, de leurs expériences de la fuite, de la séparation familiale, de leur vécu pendant le temps de traitement de demande de statut de réfugié et de leur passage par les camps de réfugiés ou dans les pays transitoires.

3.5.1 Lacunes

La première lacune identifiée par les réfugiés eux-mêmes est l’absence des ressources pour les aider à effectuer une douce transition entre ce qu’ils ont connu avant, chez eux, et le système de santé au Canada, par exemple, le fait de ne pas pouvoir obtenir les soins en français ou dans leur langue maternelle parce qu’ils habitent en dehors du milieu francophone. Le fait de ne pas avoir accès à un médecin spécialiste pendant plusieurs mois pour ceux qui souffrent de maladie chronique, le fait de ne recevoir des médicaments seulement après que le médecin a pu déterminer la source du mal, même s’il faut attendre des semaines, voire des mois, sont autant d’irritants pour des gens qui sont habitués à être traités autrement, par exemple recevoir des calmants en attendant les examens. Le manque d’informations qui auraient calmé les angoisses des patients pendant la longue période d’attente pour rencontrer un médecin ou un spécialiste est également une lacune qui peut facilement être éliminée.

3.5.2 Enjeux

Les réfugiés constituent un groupe de personnes parmi les plus vulnérables de notre société. Cette vulnérabilité est due aux traumatismes divers qu’ils ont subis avant leur arrivée sur le sol canadien. Les différents paliers du gouvernement, conscients de tout ceci, essaient de les soutenir par certains programmes qui leur permettent de recevoir des soins de santé dès leur arrivée (voir la section programmes gouvernementaux, Santé en français).

Le grand enjeu ici est la santé de la population canadienne. Le Canada veut avoir une population immigrante en santé, qu’elle soit composée des réfugiés ou non. Les gouvernements (fédéral et provinciaux) offrent ainsi aux réfugiés les possibilités de se faire traiter lorsqu’ils sont malades à travers divers programmes et assurances.

Un second enjeu est celui de la communication interculturelle. Comme nous l’avons déjà souligné plus haut (2.3.4), les populations immigrantes en général et les réfugiés en particulier proviennent de différentes cultures où l’accès aux services de santé et leur utilisation ne sont pas spontanées, automatiques. Elles peuvent donc éprouver une certaine gêne, une certaine réticence à s’ouvrir spontanément à des étrangers (dans le cadre des soins par exemple) ou, simplement ne pas être capables d’expliquer ce dont ils/elles souffrent, ne connaissant pas suffisamment le français ou l’anglais.

Au niveau individuel, il s’agit pour le réfugié de connaître les services qui sont disponibles et d’en tirer le plus grand bénéfice pour une intégration harmonieuse et réussie. Il appartient à la communauté de lui apporter son aide à cet effet.

3.5.3 Recommandations

  1. Les autorités fédérales, provinciales et municipales pourraient augmenter les ressources pour pouvoir offrir aux réfugiés les soins dont ils ont besoin dès leur arrivée sur le sol canadien, qu’ils s’agisse des soins contre les maladies chroniques tropicales dont ils souffrent le plus souvent, ou des soins psychologiques/psychiatriques, etc.
  2. Les organismes qui offrent des services de première ligne pourraient se voir donner la capacité d’orienter les réfugiés vers des professionnels de la santé dès leur arrivée au Canada (rencontre avec des psychologues, des médecins de famille, des travailleurs sociaux, etc.) pour limiter les dommages dus aux divers traumatismes subis lors du long voyage vers la liberté.
  3. La santé chez les réfugiés pourrait être abordée selon une approche holistique, c’est-à-dire en regardant tous les principaux déterminants de la santé que sont l’employabilité, l’environnement, la santé mentale, la santé physique n’étant que la partie visible de l’iceberg.

3.6 Le rôle des réseaux communautaires et l’insertion sociale des réfugiés

3.6.1 Lacunes

Même si les réfugiés n’ont que parlé du bien des différents réseaux (communautaires, religieux et autres) qui les ont encadrés dès leur arrivée au Canada, il n’en demeure pas moins que quelques lacunes subsistent par rapport à ces différents réseaux. En fait, il s’agit beaucoup plus de risques que de lacunes à proprement parler. En effet, les différents réseaux peuvent faciliter l’intégration dans la communauté manitobaine ou la rendre beaucoup plus difficile. On a des exemples de réfugiés qui ont été reçus dans un réseau communautaire et qui y sont restés cloîtrés pendant des années. Un second risque est celui de rester longtemps dépendant du réseau et de voir ainsi la possibilité de s’épanouir s’estomper. Les femmes et les enfants en sont le plus souvent victimes.

3.6.2 Enjeux

Les participants soulignent le fait que les facteurs d’intégration, c’est-à-dire les associations ethnoculturelles, les lieux de culte, les ressources communautaires, l’emploi, les ressources gouvernementales s’imbriquent de manière systémique. En d’autres termes, une intégration réussie est tributaire d’un ensemble de réseaux de services, de groupes communautaires, ethniques, d’amis qui se complètent les uns les autres. La multi-dimensionnalité du processus d’intégration a été soulignée par de nombreux auteurs. Fester, McKitrick Amyot (2010: 6) mentionnent que « Successful immigrant and refugee integration includes creating a sense of belonging and strength in the community and larger population, secure employment, sufficient foundational language and life skill adeptness, suitable housing, confidence in the ability to access necessary government services, education and health care ». Cependant, la dimension économique, c’est-à-dire l’accès à l’emploi semble avoir été priorisée dans la littérature et par les immigrants eux-mêmes, comme facteur premier d’intégration (Canadian Council for Refugees, 2011).

Dans notre recherche, malgré l’importance du facteur économique, les participants ont tout de même insisté sur le rôle vital des réseaux communautaires dans le processus d’intégration. D’ailleurs, nombreuses sont les études qui, de nos jours, soulignent la contribution des facteurs sociaux au processus d’intégration réussie des réfugiés au Canada. Lamba et Krahn (2003 : 335) expriment clairement cette idée en écrivant que « ces nombreux réseaux sociaux officiels et officieux sont vitaux, car ils fournissent un soutien et une aide précieux quand les réfugiés doivent faire face à des problèmes de finances d’emploi de santé ou de caractère personnel ». Enfin, l’éducation semble aussi occuper une place prépondérante dans ce processus, car près de trois quarts des personnes interviewées pensent retourner aux études pour acquérir d’autres compétences et ainsi faciliter l’accès à l’emploi. Cette importance accordée à l’éducation pourrait s’expliquer par le fait que cette dernière permet d’accéder à des emplois qualifiés qui sont généralement mieux payés. Et aussi l’éducation permet de travailler dans son domaine de compétence après des cours de mise à niveau ou de compléter les compétences acquises dans le pays d’origine. En bout de ligne, l’accès à l’emploi permet d’aspirer à un bon niveau de vie comparable à celle de la majorité des Canadiens.

3.6.2 Recommandation

  1. Certains organismes sociaux qui participent à l’intégration sociale des réfugiés dans la communauté d’accueil pourraient être financés ou mieux financés.

Annexe A : Bibliographie

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Hari, Amrita, McGrath, Susan et Preston, Valerie. (2013) Temporariness in Canada: Establishing a Research Agenda, document de travail no 99 du CERIS

Hiebert, Daniel et Sherrell, Kathy. (2009). The Integration and Inclusion of Bewcomers in British Columbia, document de travail no 09-11 de Metropolis British Columbia (anglais seulement).

Lamba, N. et Krahn, H. (2003). « Social Capital and Refugee Resettlement : The Social Networks of Refugees in Canada ». Journal of International Migration and Integration. 4(3), p. 335-360.

Nyongwa, Moses et Ka, Mamadou. (2015). « Linguistic and Cultural Identity of New Francophone Immigrants in Manitoba » dans M. Baffoe et al. (dir.), Settlers in Transition. Ronkonkoma (NY), Linus Learning, 2015, p. 13-21.

Réseau d’immigration francophone. (2017) : RIF Manitoba ; États généraux de la francophonie manitobaine

Sherrell, Kathy. (2010). « Statut juridique, lieu ou autre? Les expériences des réfugiés en matière d’habitation à Winnipeg et à Vancouver », Thèmes canadiens = Canadian Issues, no de l’automne intitulé Les expériences des nouveaux arrivants en matière de logement et d’itinérance au Canada, Montréal, Le projet Metropolis, p. 60-66

Annexe B : Instruments méthodologiques

Grilles d’entrevues et guide d’animation des entretiens de groupes

Fiche de données individuelles - Informations sociodémographiques

  1. Nom
  2. Âge
  3. Pays d’origine
  4. Date d’entrée au Canada
  5. Date d’obtention de statut de réfugié
  6. Lieu de résidence actuel (adresse, code postal)
    1. Avez-vous changé d’adresse depuis votre arrivée? Oui - Non
    2. Ancienne adresse, code postal
    3. Êtes-vous: Propriétaire ou Locataire
    4. Vivez-vous dans un logement social? Oui - Non
  7. Situation matrimoniale? Marié(e) - Célibataire - Veuf (veuve)
  8. Combien d’enfants avez-vous?
  9. Personnes à charge autre que vos enfants? Oui - Non
  10. Langue maternelle
  11. Langue parlée à la maison? Français - Anglais - Autre
  12. Langue parlée au travail? Français - Anglais - les deux langues
  13. Situation de travail? salarié - chômeur - travail indépendant
  14. Domaine d’activité
  15. Si salarié : temps plein - temps partiel - contractuel sur appel
  16. Niveau d’études?
    1. Est-ce reconnu au Canada? Oui - Non
    2. Reconnaissance des compétences au Canada? Oui - Non
    3. Retour aux études? Oui - Non
    4. Formation professionnelle/technique? Oui - Non

Grille pour les entrevues individuelles auprès des réfugiés

Questions principales (Axes) - Questions secondaires (Questions complémentaires) - Questions de clarification

  • 1. Trajectoire
  • 1.1 Quelle a été la trajectoire de votre parcours migratoire (entre votre pays et Winnipeg)?
  • Quelles ont été les circonstances qui ont mené à votre arrivée au Canada et/ou Winnipeg?
    • a) Êtes-vous un réfugié parrainé par le gouvernement ou par un organisme privé?
    • b) Est-ce que votre arrivée à Winnipeg était un choix?
      • Pouvez-vous m’en dire plus?
      • Pouvez-vous me donner des exemples?
  • 1.2 Quels sont les principaux problèmes que vous avez affrontez à votre arrivée?
    • a) Est-ce que vous affrontez encore les mêmes problèmes?
    • b) Comment avez-vous réussi à les surmonter?
  • 1.3 Est-ce que les problèmes diffèrent selon le type de parrainage (public ou privé)?
  • 2. Rôle des collectivités/communautés
  • 2.1 Pensez-vous être intégré dans votre société d'accueil?
    • a) Quelles sont les relations que vous entretenez avec le reste de la communauté?
    • b) Qu’est-ce que la nouvelle communauté vous a apporté?
    • c) Qu’avez-vous apporté à la nouvelle communauté?
    • d) Qu’est ce qui a favorisé cette intégration?
    • e) Sinon, qu’est-ce qui a manqué pour que vous le soyez?
      • Pouvez-vous m’en dire un peu plus?
      • Pouvez-vous m’en dire davantage?
  • 2.2 Est-ce que votre accueil a été à la hauteur de vos attentes?
  • 2.3 Existe-t-il à Winnipeg une communauté de vos compatriotes/coreligionnaires qui vous a aidé dans votre établissement et dans votre intégration?
  • 3. Services reçus et ressources disponibles
  • 3.1 Quel(s) organisme(s) vous a/ont soutenu dans votre démarche d’établissement et d’intégration?
    • a) Francophone ou anglophone?
    • b) Êtes-vous toujours en contact avec l’organisme?
      • Pouvez-vous m’en dire plus?
  • 3.2 De quel(s) types(s) de soutien(s) avez-vous pu bénéficier de la communauté d’accueil en matière de santé, d’ éducation/formation/reconnaissance, de logement et de recherche d’emploi?
    • a) Francophone ou anglophone?
    • b) Y a- t-il des pratiques exemplaires (positives) que vous aimeriez souligner?
    • c) Y a-t-il des pratiques qui n’ont pas été particulièrement utiles à votre intégration?
    • d) Quelles suggestions aimeriez-vous faire aux organismes offrant des services en français aux immigrants?
    • e) Avez-vous eu recours à d’autres services
      • Pourquoi?
      • Pouvez-vous m’en dire plus?
  • 3.3 Les offres de services répondent-elles aux besoins?
  • 3.4 Y a-t-il des organismes travaillant avec les nouveaux arrivants qui sont plus dynamiques que d’autres?
  • 4. Défis et langues
  • 4.1 Quels sont les défis que vous avez eu à affronter lors de votre installation?
    • a) Comment l’avez-vous vécu (seul, en famille, en communauté, organismes)?
      • Pouvez-vous m’en dire un peu plus?
      • Pouvez-vous m’en dire davantage?
  • 4.2 Si vous avez des enfants, vont-ils à l'école en français?
    • a) Soutien particulier de la DSFM?
    • b) Difficultés à s’intégrer?
  • 4.3 Votre provenance et statut de réfugié posent-t-ils problème à votre intégration?
    • a) Pour vous? votre famille? (emploi, études, etc.)
  • 4.4 Vos acquis et vos compétences ont-ils été reconnus?
  • 4.5 Parlez-vous l’anglais, avez-vous suivi des cours et est-ce que le fait d’être un réfugié d’expression française présente un handicap d’intégration à Winnipeg?
  • 5. Politiques et programmes gouvernementaux
  • 5.1 Décrivez votre expérience d’établissement et d’intégration au Canada en tant que réfugié?
    • a) Forces et faiblesses?
      • Pouvez-vous m’en dire un peu plus?

Grille pour les entrevues individuelles auprès des gestionnaires des organismes

  • 1. Quel est votre nom?
  • 2. Quelle est votre organisation et où est-elle située?
  • 3. Quelle est la mission de votre organisation?
    • année de création?
    • effectif?
    • bénévoles?
  • 4. Quel est votre titre dans l’organisation?
    • depuis quand?
  • 5. L’organisme fait-il partie d’un réseau?
    • reçoit-il des subventions?
  • 6. Quel type de services offrez-vous pour les réfugiés?
    • pouvez-vous les spécifier?
    • heures et jours de services?
    • comment recrutez-vous vos bénéficiaires?
  • 7. Combien de réfugiés se sont-ils prévalus de vos services?
    • pays d’origine?
    • langue?
  • 8. Vos services sont-ils personnalisés ou collectifs?
    • langue?
  • 9. Y a-t-il une durée limitée pour l’accès à vos services?
  • 10. Faites-vous un suivi auprès des bénéficiaires?
    • de quelle façon?
  • 11. Travaillez-vous en collaboration avec d’autres organismes?
    • quels organismes?
    • quels types de collaboration?
  • 12. Quels sont les défis auxquels vous faites face comme organisme dans le soutien que vous accordez aux réfugiés?
    • difficultés matérielles, humaines, logistiques?
  • 13. Y a-t-il des services que vous aimeriez offrir en plus de ce que vous offrez déjà?
    • que proposez-vous pour améliorer vos services?
  • 14. Selon vous, quels sont les principaux défis que les réfugiés ont à affronter?
    • défis matériels, psychologiques?
  • 15. Selon votre expérience, qu’est-ce qui manque pour améliorer les services en français?
    • ressources économiques, volonté politique, etc.?
  • 16. Avez-vous des commentaires à ajouter sur des points que nous n’avons pas abordés?

Annexe C : Guide d’animation pour les entretiens des groupes de discussion

Questions principales - Questions secondaires (Questions complémentaires) - Questions de clarification

  • 1. Trajectoire : Pouvez-vous nous parler de votre parcours d’immigration?
  • 1.1 Quelles ont été les circonstances qui ont mené à votre arrivée au Canada et/ou Winnipeg?
  • 1.2 Est-ce que votre arrivée à Winnipeg était un choix?
    • Pouvez-vous nous en dire plus?
  • 2. Rôles des collectivités/des communautés : Quel type de soutien matériel (ameublement, habillement, nourriture), spirituel et psychologique avez-vous reçu de la communauté anglophone ou francophone?
    • 2.1 Quelles relations entretenez-vous avec le reste de la communauté?
    • 2.2 Qu’est-ce que la nouvelle communauté vous a apporté?
    • 2.3 Qu’avez-vous apporté à la communaut?
    • 2.4 Qu’est ce qui a favorisé ou entravé votre intégration?
      • Pouvez-vous nous en dire plus?
  • 3. Services reçus et ressources disponibles : De quelles ressources et services avez-vous bénéficié de la communauté d’accueil en matière de santé, d’éducation/ formation/ reconnaissance, de logement et de recherche d’emploi, lors de votre arrivée et de votre établissement à Winnipeg?
    • 3.1 De quels organismes francophones vous êtes- vous rapproché après votre arrivée?
    • 3.2 Les services répondent- ils aux besoins?
      • Pouvez-vous nous en dire plus?
  • 4. Défis et langues : Quels sont les défis que vous avez affrontés (en ce qui concerne la provenance, le statut, la langue et la reconnaissance)?
    • 4.1 Votre statut de réfugié présente-t-il une contrainte d’intégration?
    • 4.2 La langue française est-elle un handicap d’intégration?
    • 4.3 La reconnaissance de vos compétences a-t-elle été un handicap d’intégration?
      • Pouvez-vous nous en dire plus?
  • 5. Programmes gouvernementaux : Avez-vous bénéficié d’un programme gouvernemental d’intégration?
    • 5.1 Commentez votre expérience générale d’établissement et d’intégration à Winnipeg.
    • 5.2 Quelles recommandations feriez-vous pour une amélioration des services et du soutien apportés aux réfugiés?
      • Pouvez-vous nous en dire plus?

Annexe D : Répartition des participants de notre enquête dans la ville Winnipeg (en anglais seulement)

Répartition des participants de notre enquête dans la ville Winnipeg (en anglais seulement)
Version texte : Répartition des participants de notre enquête dans la ville Winnipeg

Cette carte illustre la répartition des participants à l'étude dans la ville de Winnipeg.

La majorité des interviewés se sont installés au centre-ville et à Saint-Boniface.

Des traits verticaux figurant sur la carte représentent le nombre de participants à l’enquête dans la ville de Winnipeg.

Legend (en anglais seulement)

  • 002 Assiniboine South (1 vertical line)
  • 006 Transcona (3 vertical lines)
  • 01A St James-Assiniboia West (2 vertical lines)
  • 01B St James-Assiniboia East
  • 03A Fort Garry North (2 vertical lines)
  • 03B Fort Garry South
  • 04A St Vital North (3 vertical lines)
  • 04B St Vital South
  • 05A St Boniface West (7 vertical lines)
  • 05B St Boniface East (1 vertical line)
  • 07A River East South (1 vertical line)
  • 07B River East West
  • 07C River East East (3 vertical lines)
  • 07D River East North
  • 08A Seven Oaks West
  • 08B Seven Oaks East (1 vertical line)
  • 09A Inkster West
  • 09B Inkster East (1 vertical line)
  • 10A Point Douglas North
  • 10B Point Douglas South
  • 11A Downtown West (5 vertical lines)
  • 11B Downtown East (9 vertical lines)
  • 12A River Heights West
  • 12B River Heights East (1 vertical line)

Annexe E : Description des organismes participant à notre enquête

Nom de l’organisme Titre de l’intervenant interviewé Année de création Localisation
Accueil Francophone
  1. Chargé du logement de la coordination du programme PAR qui signifie Programme d’aide au rétablissement.
  2. Coordonnatrice du réseau de concertation
  3. Adjoint exécutif et responsable des communications
2003 428 rue Des Meurons, Winnipeg
Université de Saint-Boniface Coordonnatrice du Bureau internationale qui fait partie de la Direction des services aux étudiants à l’Université de Saint-Boniface 2008 200 avenue de la Cathédrale, Winnipeg
CDEM Conseiller des affaires, qui appuie à ceux qui cherche à demander des entreprises. 1996 200-614 rue Des Meurons, Winnipeg
DSFM Directrice des services aux élèves de la division scolaire franco- manitobaine. s/o 1263 rue Dawson, Lorette, MB
Fédération des parents du Manitoba Directrice générale de la Fédération des Parents du Manitoba 1976 177 rue Eugenie, Winnipeg
Flavie Laurent Coordinatrice des bénévoles 2005 450 Boulevard Provencher, Winnipeg
Immigration Partnership Winnipeg Représentant 2014 432 avenue Ellice, Winnipeg
IRCOM Un des deux directeurs de site 1984 95 rue Ellen et 215 rue Isabel, Winnipeg
Manitoba Islamic Association Président du Comité de soutien aux réfugiés 1969 2445 rue Waverley, Winnipeg
Pluri-elles Directrice générale 1982 420 rue Des Meurons, Winnipeg
Premier Choix chef d’équipe, responsable des programmes Destination emploi, Services adaptés, Emploi pour tous depuis à peu près dix années 420 rue Des Meurons, Winnipeg
Programme de Bébés, parents et gazouillements Coordonnatrice de Bébés, parents et gazouillements 2005 209 rue Kenny, Winnipeg
Société franco-manitobaine Directrice du réseau communautaire 1993 147 boulevard Provencher
Welcome Place Responsable principal à Life Skills Training Department, à In Canada Protection Services Department, et à Sponsorship Services Department s/o 521 avenue Bannatyne, Winnipeg

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