Évaluation de l’interdiction de territoire pour grande criminalité à la suite de l’affaire Tran c. Canada
Cette section contient des politiques, des procédures et des instructions destinées au personnel d’IRCC. Elle est publiée sur le site Web du ministère par courtoisie pour les intervenants.
Les présentes instructions fournissent une orientation quant à la façon d’appliquer l’arrêt Tran de la Cour suprême du Canada (CSC) du 19 octobre 2017 en cas de constat d’interdiction de territoire pour grande criminalité et d’équivalence au titre du paragraphe 36(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) dans le cadre de demandes de résidence temporaire et permanente.
En raison de la décision de la CSC dans Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, de nouvelles instructions sont nécessaires pour les agents et le délégué du ministre dans l’évaluation de l’interdiction de territoire pour grande criminalité au titre du paragraphe L36(1). La CSC a conclu ce qui suit :
- une peine d’emprisonnement avec sursis infligée au titre des articles 742 à 742.7 du Code criminel ne constitue pas un « emprisonnement » (c’est-à-dire un emprisonnement ou une peine d’emprisonnement) au sens de l’alinéa L36(1)a);
- l’expression « punissable d’un emprisonnement maximal » employée à l’alinéa L36(1)a) vise l’emprisonnement maximal en vigueur au moment où l’infraction a été perpétrée et non à la sentence ou à la détermination de l’interdiction de territoire.
Sur cette page
- Cas où la décision s’applique
- Déterminer l’interdiction de territoire pour criminalité
- Mécanismes d’allègement pour grande criminalité
Cas où la décision s’applique
La politique d’IRCC consiste à appliquer cette décision aux résidents permanents et aux étrangers interdits de territoire pour grande criminalité à la suite d’infractions commises au Canada et à l’étranger au titre des alinéas L36(1)a), b) et c). Cette décision stratégique ne s’applique pas à la criminalité décrite au paragraphe L36(2) ou dans les cas où la peine maximale au Canada serait devenue plus clémente.
Voir la Loi sur la sécurité des rues et des communautés pour obtenir d’autres exemples d’infractions pour lesquelles les peines maximales ont augmenté.
Déterminer l’interdiction de territoire pour criminalité
La décision stratégique concernant la peine maximale est pertinente dans les situations où l’infraction serait considérée comme un acte de grande criminalité au titre du paragraphe L36(1) en vertu des lois canadiennes actuelles.
Si l’infraction est considérée comme un acte de grande criminalité en vertu des lois actuelles, l’agent doit vérifier quelle était la peine maximale au moment où l’infraction a été perpétrée. Toutefois, si une personne a écopé d’une peine de plus de 6 mois d’emprisonnement, il n’est pas nécessaire de consulter les anciennes versions d’une loi du Parlement, car la personne serait interdite de territoire pour grande criminalité.
Les infractions visées au paragraphe L36(2) doivent être traitées comme à l’habitude conformément aux lois canadiennes en vigueur à l’heure actuelle.
L’agent doit rendre des décisions raisonnables fondées sur les éléments de preuve dont il dispose ainsi qu’assurer une bonne tenue de dossiers sur les éléments de preuve qui ont été examinés et sur lesquels il s’est fondé pour rendre sa décision.
Les sections suivantes illustrent divers scénarios d’application de la décision stratégique.
Crimes dans les cas où la peine est devenue plus clémente
La décision stratégique ne s’applique pas.
Équivalence – Grande criminalité ou criminalité : Lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction en vertu du droit canadien est devenue plus clémente entre le moment de la perpétration de l’infraction et le moment de la détermination de l’interdiction de territoire, l’on conseille aux agents d’appliquer l’esprit de la Charte, laquelle accorde le bénéfice de la peine plus clémente. Par conséquent, les agents devraient examiner la peine maximale possible en vertu du droit canadien au moment de l’évaluation de l’interdiction de territoire.
Crimes perpétrés hors du territoire canadien dans les cas où la peine est devenue plus sévère
Équivalences : L’agent devrait d’abord prendre ses décisions sur un pied d’égalité avec les lois canadiennes actuelles. S’il semble s’agir de grande criminalité en raison de la peine maximale possible (c’est-à-dire que l’infraction en vertu du droit canadien entraîne une peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans), alors il doit voir s’il s’agissait toujours de grande criminalité au moment de la perpétration de l’infraction.
Actes commis au cours d’une certaine période
Il peut y avoir des infractions qui se sont produites sur une période donnée (comme la fraude ou le détournement de fonds). L’agent doit utiliser une date de perpétration connue, qui peut figurer dans ce qui suit :
- les rapports de police ou d’enquête;
- les certificats de police;
- les dossiers du tribunal.
Si une plage de dates est connue, l’agent doit utiliser la dernière date dans cette plage, car elle devrait encourir la peine maximale la plus récente.
Peines avec sursis
Une peine d’emprisonnement avec sursis n’est pas considérée comme une peine d’emprisonnement pour la détermination de grande criminalité au titre du paragraphe L36(1).
Infraction commise avant l’existence de la législation canadienne actuelle
L’agent doit déterminer quelles infractions à une loi fédérale canadienne peuvent s’appliquer en fonction des éléments du cas.
Mécanismes d’allègement pour grande criminalité
Aucun changement n’a été apporté à la façon dont les mécanismes d’exception prévus par la LIPR ou le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) devraient être appliqués.
- Suspensions du casier
- Réhabilitation octroyée à l’étranger pour des déclarations de culpabilité à l’étranger
- Réhabilitation des criminels
- Permis de séjour temporaire (PST)
- Motifs d’ordre humanitaire
Suspensions du casier
La Loi sur le casier judiciaire donne à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le pouvoir d’accorder une suspension du casier (anciennement le « pardon ») aux personnes qui ont été déclarées coupables au Canada d’une infraction à une loi fédérale.
En vertu de l’alinéa L36(3)b), l’interdiction de territoire au titre des paragraphes L36(1) et (2) ne peut être fondée sur une déclaration de culpabilité pour laquelle :
- une suspension du casier judiciaire a été ordonnée et n’a pas été révoquée ou a cessé d’avoir effet en vertu de la Loi sur le casier judiciaire;
- un verdict d’acquittement a été rendu en dernier ressort.
Remarque : Le projet de loi C-93 (Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis) a reçu la sanction royale le 21 juin 2019. Cette mesure législative éliminera les frais de demande et la période d’attente pour la suspension du casier judiciaire des personnes déclarées coupables de possession simple de cannabis uniquement. Ces personnes pourront présenter une demande même s’ils ont des amendes impayées ou des suramendes compensatoires liées à leur condamnation pour possession de cannabis, pourvu qu’ils aient purgé le reste de leur peine. Avec le temps, moins de personnes seront interdites de territoire pour criminalité en raison de condamnations antérieures de possession simple au Canada.
Réhabilitation octroyée à l’étranger pour des déclarations de culpabilité à l’étranger
Une réhabilitation octroyée à l’étranger n’a pas nécessairement pour effet de rendre une personne admissible au Canada.
Lors de l’évaluation d’une réhabilitation octroyée à l’étranger, dans la très grande majorité des cas, le demandeur devrait être en mesure de présenter une preuve de sa réhabilitation.
Les lois sur la reconnaissance des réhabilitations octroyées à l’étranger découlent de la jurisprudence. Dans l’affaire Saini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 253, la Cour fédérale précise les critères utilisés pour reconnaître une réhabilitation octroyée à l’étranger :
- le système juridique du pays étranger doit dans son ensemble être semblable à celui du Canada;
- la loi étrangère en question doit être semblable à la loi canadienne :
- dans son but,
- dans son contenu,
- dans son effet;
- il ne doit exister aucune raison valable de ne pas reconnaître l’effet des lois étrangères.
Si le système juridique du pays étranger s’appuie sur des fondements et des valeurs semblables à ceux du Canada, il faut examiner les lois étrangères afin de déterminer si la réhabilitation a pour effet d’éliminer une déclaration de culpabilité ou simplement de reconnaître qu’une réadaptation a eu lieu. Dans le second cas, le demandeur est interdit de territoire et doit présenter une demande d’approbation de la réhabilitation.
Remarque : Les tribunaux canadiens ne sont pas liés par une réhabilitation par un pays étranger en l’absence des preuves relatives aux considérations qui ont motivé l’octroi de cette réhabilitation.
Réhabilitation des criminels
La LIPR confère au ministre et aux autorités déléguées le pouvoir d’approuver la réhabilitation des personnes visées aux alinéas L36(1)b) et c). En vertu des alinéas R17a) et b), les demandeurs interdits de territoire pour grande criminalité à l’étranger peuvent demander au ministre des services de réhabilitation 5 ans après la fin de la peine, pourvu qu’il n’y ait pas de condamnations subséquentes.
Permis de séjour temporaire (PST)
Un permis de séjour temporaire (PST) permet à son détenteur d’entrer ou de séjourner au Canada. Il peut être délivré à toute personne interdite de territoire au titre de la LIPR qui souhaite entrer au Canada si un agent estime que cela est justifié en vertu du paragraphe L24(1). L’agent ne doit délivrer ces permis que lorsque le besoin de la personne d’entrer ou de séjourner au Canada est suffisamment impérieux qu’il l’emporte sur tous les risques qu’elle représente.
Voir la section sur les PST dans les lignes directrices fonctionnelles sur les résidents temporaires pour en savoir plus.
Motifs d’ordre humanitaire
Les agents d’IRCC peuvent envisager des circonstances d’ordre humanitaire si l’étranger (pouvant être ancien résident permanent), qui fait l’objet d’une mesure de renvoi n’ayant pas été exécutée, présente une demande au titre du paragraphe L25(1).
Voir Circonstances d’ordre humanitaire pour en savoir plus.
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