Conseils à l’intention du Conseil du Trésor (juin 2024)
Conseil du Trésor
À l’attention de l’honorable Anita Anand, C.P. et députée
Présidente du Conseil du Trésor
Madame la Présidente,
Les membres du Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire (CCECR) sont heureux d’ajouter à leur lettre de conseils précédente deux recommandations clés visant à promouvoir l’excellence en matière de réglementation. Le moment choisi pour présenter ces recommandations correspond au moment où la Banque du Canada lance un appel à l’action à toutes les générations qui souligne « l’urgence d’augmenter la productivité » du Canada, et où des citoyens partout au pays demandent instamment aux gouvernements de rendre la vie plus abordable. L’excellence en matière de réglementation est essentielle pour relever de tels défis.
L’excellence en matière de réglementation sert l’intérêt public, car elle favorise l’adoption de mesures de protection efficaces tout en réduisant au minimum le fardeau inutile qui peut restreindre les possibilités économiques (voir la représentation visuelle à l’annexe A).
Bien que nous soyons conscients qu’il sera toujours difficile d’atteindre les résultats souhaités et, en même temps, d’alléger autant que possible le fardeau réglementaire, nous croyons que l’excellence en matière de réglementation fonctionne comme la puissante « Étoile du Nord » pour aider le système de réglementation du Canada à offrir une plus grande valeur et qu’elle devrait être largement promue dans l’ensemble du gouvernement et ailleurs.
C’est grâce à l’excellence en matière de réglementation que les consommateurs canadiens ont confiance en la salubrité du lait dans leur réfrigérateur et que les consommateurs d’autres pays aiment nos produits de grande qualité, notamment nos bleuets, nos produits de viande, notre bois d’œuvre, nos produits pharmaceutiques et nos automobiles. L’excellence en matière de réglementation accroît notre efficacité et dégage du temps qui peut être utilisé de manière plus productive ailleurs.
Par exemple, la Nouvelle-Écosse nous a indiqué que le gouvernement travaille avec les médecins pour simplifier les formalités administratives et leur permettre de consacrer plus de temps à leurs patients. Par exemple, en limitant le recours aux « notes du médecin en cas de maladie », il est possible de libérer jusqu’à 67 000 heures par année, ce qui équivaut à 201 000 visites de patients. L’excellence en matière de réglementation signifie qu’il faut utiliser la technologie pour améliorer les services et les résultats. Nous avons appris que la Ville de Kelowna utilise l’intelligence artificielle pour réduire les temps d’attente pour obtenir l’approbation de simples permis de construction résidentielle. L’attribution de ces permis, qui prenait en moyenne trois semaines, a été réduite à 24 heures et nécessitera bientôt tout au plus quelques secondes. La Ville a ainsi pu améliorer le service aux citoyens, et le personnel peut se concentrer sur des permis plus complexes, qui présentent un risque plus élevé.
Changer notre mentalité concernant la réglementation
L’excellence en matière de réglementation est un atout essentiel à la compétitivité du Canada et au bien-être de sa population et de ses collectivités. Pour soutenir l’excellence, nous devons donner aux organismes de réglementation du Canada les moyens d’être des acteurs de calibre mondial en modernisant la formation, la technologie et les systèmes. Nous devons favoriser une culture réglementaire qui tient compte des risques et qui est axée sur la réflexion, la responsabilisation et la souplesse.
Nous accordons la priorité à deux grands thèmes pour relever les défis urgents auxquels est confronté le système de réglementation du Canada. Pour chaque thème, nous avons formulé une recommandation précise. Nous avons choisi les deux secteurs les plus susceptibles d’offrir une valeur permanente à la population canadienne, c’est-à-dire de meilleurs résultats sur les plans de l’économie, de la santé, de la sécurité et de l’environnement. L’annexe B Voir la note en bas de page 1 contient des suggestions plus détaillées liées à notre mandat de donner des conseils concernant la Directive du Cabinet sur la réglementation (DCR), l’examen des règlements en vigueur et les progrès réalisés par rapport aux recommandations du premier comité.
Numériser les données en matière de réglementation et les rendre accessibles
Il faut absolument adopter une meilleure mesure pour le système de réglementation du Canada, qu’il s’agisse de l’analyse comparative internationale, du fardeau cumulatif, des normes de service ou des fiches desur rendement sur la mise en œuvre et le rendement de chaque règlement. Sans une amélioration de la mesure du rendement, le système ne peut pas favoriser la responsabilisation et risque d’être dépourvu de direction et d’efficacité.
Recommandation : le gouvernement devrait accorder la priorité à l’amélioration des mesures réglementaires, en mettant l’accent dès le début sur un répertoire numérisé des exigences réglementaires convivial qui peut faire l’objet de recherches et être utilisé par n’importe quel ministère, en plus d’être accessible à la population canadienne. Nous recommandons de développer la Plateforme d’évaluation réglementaire de Transports Canada pour la rendre aussi complète que possible (par exemple en y ajoutant les exigences énumérées dans les lois, les règlements, les formulaires, les documents d’orientation et les politiques). L’outil de la plateforme réglementaire peut relever les exigences réglementaires s’appliquant à toute une chaîne d’approvisionnement (par exemple pour les batteries de véhicules électriques, de l’exploitation minière jusqu’à la fabrication) et permettre des recherches concernant différentes définitions (par exemple le terme « enfant » compte 103 définitions différentes dans 107 lois et règlements canadiens) et d’obtenir un portrait clair du fardeau réglementaire au Canada Voir la note en bas de page 2.
Avantages : une base de données facile à consulter permettra de gagner beaucoup de temps et de mieux cerner les possibilités de réduction du fardeau, notamment en optimisant les voies réglementaires pour des processus plus rapides. Il sera également plus facile de cerner les domaines qui nécessitent de nouveaux règlements.
Au cours de nos discussions avec plusieurs gouvernements provinciaux, nous avons appris qu’une meilleure mesure facilite un changement de culture. La Colombie-Britannique et, plus récemment, l’Alberta ont réduit les exigences réglementaires d’un tiers, sans pour autant porter atteinte à la santé, à la sécurité et à l’environnement Voir la note en bas de page 3. Nous avons également entendu des exemples où de nouveaux produits n’ont pas été réglementés pendant des années.
Dans de tels cas, une base de données consultable permettrait de gagner beaucoup de temps et d’aider les différents ministères à assurer rapidement l’harmonisation avec les lois, règlements et politiques en vigueur Voir la note en bas de page 4. Une telle base de données permettrait également aux entreprises et aux organisations de la société civile d’avoir plus de temps pour fournir des conseils de meilleure qualité dans le cadre de consultations gouvernementales.
La mesure constitue le fondement de la responsabilisation dans le cadre du système et de la confiance à l’égard de celui-ci. La Plateforme d’évaluation réglementaire augmentera la transparence du fardeau réglementaire, car elle permettra à la population canadienne d’obtenir des renseignements exacts et cohérents.
Demander des conseils externes
On ne saurait trop insister sur l’importance des conversations continues entre les organismes de réglementation et la population canadienne. Un changement de culture, qui consiste à passer d’une « consultation unique, sans plus » à un engagement permanent et à une amélioration continue tout au long du cycle de vie de la réglementation et de l’application de celle-ci, est essentiel. Parmi les thèmes généraux qui ont été soulevés auprès du dernier CCECR et dans le cadre des discussions de notre comité figurent l’importance d’employer un langage clair et simple, des efforts de mobilisation qui commencent tôt, une mise en conformité aussi simple que possible et la mise en place de moyens plus faciles pour les utilisateurs de fournir des commentaires.
Le premier CCECR s’est dit préoccupé par le fait que ses recommandations ne créeraient pas un élan suffisant pour entraîner les changements institutionnels, de culture et de mentalités qui sont nécessaires pour moderniser le système de réglementation afin de mieux servir la population canadienne. Nous partageons la même préoccupation et nous exhortons les dirigeants gouvernementaux à devenir très proactifs à cet égard. Nous voulons voir une responsabilisation continue par rapport aux conseils prodigués par les comités consultatifs externes.
Recommandation : le gouvernement devrait poursuivre la mise en place de moyens solides pour obtenir des conseils externes. Nous proposons qu’un autre comité consultatif externe fasse état des progrès réalisés à l’égard des éléments clés mentionnés dans nos lettres de conseils, y compris la mesure. Nous recommandons de prolonger le mandat de certains membres du Comité pour assurer la continuité. Cette façon de faire s’est avérée efficace pour assurer la transition entre le premier et le deuxième CCECR Voir la note en bas de page 5.
Avantages : le fait de continuer à recourir à un comité consultatif indépendant permet d’entretenir des liens externes précieux pour le système de réglementation du Canada. Le comité repose sur un bon modèle, qui est souple, peu coûteux (les membres sont des bénévoles) et évolutif. Il permet au gouvernement d’obtenir des idées nouvelles et constitue un mécanisme de reddition de comptes. Le recours systématique à des conseils externes en trouvant des moyens réguliers de les utiliser stimule le désir de parvenir à l’excellence en matière de réglementation. En revanche, si l’approche et les conseils des deux CCECR sont traités comme une « consultation unique, sans plus », nous craignons, tout comme les membres du comité précédent, de n’être qu’un autre comité qui consacre son temps et son expertise à fournir des conseils qui ne sont pas utilisés. Nous craignons également de ne pas voir les progrès qui sont essentiels au bien-être de la population du Canada.
Conclusion
Nous vous remercions pour le leadership dont vous avez fait preuve en faisant la promotion de l’excellence en matière de réglementation. Nous tenons également à remercier le personnel du Conseil du Trésor d’avoir modélisé le changement que nous recherchons dans le cadre du système en mettant sur pied deux comités consécutifs chargés de fournir des conseils indépendants. Enfin, nous tenons à remercier les nombreuses personnes qui ont pris le temps de nous présenter des exposés, y compris les représentants de gouvernements provinciaux, de ministères et organismes fédéraux, de gouvernements étrangers, d’entreprises et d’organisations de la société civile.
Nous avons eu le plaisir de donner de notre temps pour continuer à fournir des conseils externes indépendants qui ne se résument pas à décrire les symptômes, mais qui visent la formulation de conseils pour surmonter des défis plus profonds. Bien que nous œuvrions dans divers milieux, nous partageons la conviction que l’excellence en matière de réglementation est le bon cadre pour le système de réglementation du Canada et qu’elle devrait constituer un avantage concurrentiel. Pour en faire une réalité, il faudra que les gouvernements lui accordent la priorité. Nous demandons instamment la mise en œuvre de nos conseils afin d’appuyer l’accélération des progrès dans la réalisation du potentiel de l’excellence réglementaire pour améliorer notre niveau de vie. La population canadienne ne mérite rien de moins.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, nos salutations distinguées.
Laura Jones
Présidente, Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire
Au nom des membres du Comité :
Yves Bourgeois
Christian Dandeneau Robin Ford
Keith Mussar
Shino Nakane
Nancy Olewiler
Annexe A : Excellence en matière de réglementation
Annexe B. Directive du Cabinet sur la réglementation
La Directive du Cabinet sur la réglementation (DCR) et les politiques et documents d’orientation connexes devraient mettre en avant l’idée de l’excellence en matière de réglementation en tant que « puissante Étoile du Nord ». Il y a lieu d’employer un langage clair et simple et d’améliorer les documents d’orientation à l’appui de la DCR en fournissant un plus grand nombre d’exemples. Il y a également lieu de fournir des lignes directrices concernant la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Voici quelques autres éléments à prendre en considération :
- encourager les efforts de mobilisation dès le départ et le dialogue continu avec les parties touchées, fournir des exemples sur la façon dont ces efforts peuvent améliorer la conception et les résultats et mettre l’accent sur la « compréhension de ceux que vous réglementez »;
- s’il y a lieu, inclure le point de vue du personnel des services de première ligne et des inspecteurs pour assurer l’harmonisation de la conception et de la mise en œuvre;
- souligner l’importance de clarifier les résultats souhaités et d’intégrer, dans la mesure du possible, une mesure efficace;
- travailler avec les parties intéressées à l’extérieur du gouvernement pour clarifier le concept de souplesse et évaluer sa pertinence pour la DCR.
Examens des règlements en vigueur
L’examen régulier des règlements en vigueur ainsi que des documents d’orientation, des politiques et de la prestation de services est important pour gérer efficacement nos ressources réglementaires. L’amélioration des outils numériques peut améliorer l’efficacité. Par exemple, l’outil de mesure de Transports Canada mentionné plus haut dans la présente lettre pourrait s’avérer utile pour veiller à ce que les ministères puissent facilement passer en revue leurs règlements en vigueur et déterminer les priorités aux fins d’examen.
Une politique sur l’examen des règlements en vigueur devrait comprendre des attentes concernant les éléments indiqués ci-dessous.
- Échéancier : examiner les règlements dans un délai établi et approprié (par exemple cinq ans) en plus d’envisager d’autres possibilités (par exemple changement dans le profil de risque, lettres de mandat aux ministres) afin de déclencher la réalisation d’examens et de s’assurer que les règlements demeurent pertinents pour l’objet visé.
- Établissement de l’ordre des priorités : accorder la priorité aux examens qui offriront la plus grande valeur.
- Responsabilisation : la communication continue et la production de rapports publics sont essentielles, y compris la communication des résultats sur la façon dont les commentaires du public ont été pris en considération et traités. La mesure continue du rendement (c’est-à-dire que les règlements fonctionnent comme prévu) est essentielle pour orienter l’examen des règlements en vigueur.
- Portée : idéalement, la portée de l’examen comprend les règlements et la manière dont ils sont appliqués (par exemple s’assurer que les exigences en matière de conformité ne sont pas indûment contraignantes et que les audits sont efficaces).
Recommandations antérieures
Nous sommes d’avis que bon nombre des 44 recommandations du premier CCECR (2019-2021) ont été mises en œuvre ou sont en voie de l’être. Les examens réglementaires ciblés concernant la numérisation, les technologies propres et les normes internationales en sont des exemples. D’autres recommandations, telles que la recommandation d’accélérer les progrès à l’égard de l’excellence en matière de réglementation et de la modernisation de la réglementation, ont été reprises par notre comité et méritent qu’on y donne suite dans les plus brefs délais. Le travail à cet égard ne sera jamais achevé. L’une des recommandations les plus importantes du premier CCECR, et qui n’a toujours pas été mise en œuvre, porte sur la nécessité d’améliorer la mesure et la transparence. Nous abordons cette question dans les principales recommandations de la présente lettre.
Détails de la page
- Date de modification :