Annexe II — Mesures correctives reliées à la politique des Forces armées canadiennes en matière de vaccination contre la COVID-19
Date : Le 18 juillet 2023
Question en litige
Le but de la présente annexe est d’analyser si les mesures correctives, imposées aux plaignants et plaignantes qui ne s’étaient pas conformés à la politique des Forces armées canadiennes (FAC) sur la vaccination, étaient raisonnables et justifiées.
Contexte
La politique des FAC sur la vaccination, qui a été publiée durant la pandémie de COVID-19Footnote 1 , ordonnait à la chaîne de commandement (C de C) d’imposer des mesures correctives, en raison d’un manquement à la conduite, à tout militaire qui était réticent à se faire vacciner ou à dévoiler son statut vaccinal avant la date limite du 29 octobre 2021. Le Chef d’état-major de la défense (CEMD) a publié des directives qui expliquaient que la vaccination contre la COVID‑19 était un comportement attendu des militaires et que le fait de ne pas s’y conformer était considéré comme un manquement à l’obligation d’« obéir à l’autorité légale et de l’appuyer », tel qu’il est prévu dans l’Énoncé d’éthique de la Défense qui est applicable au ministère de la Défense nationale (MDN) et aux FAC. Les directives prévoyaient que des mesures administratives seraient imposées en cas de non-conformité à la politique, et ordonnaient à la C de C d’imposer, en premier, un avertissement écrit (AE), puis de le remplacer par une mise en garde et surveillance (MG et S) pour refus de suivre un ordre, si le militaire continuait de ne pas se conformer à la politique. Par ailleurs, ces directives réduisaient considérablement les périodes de surveillance de chaque mesure corrective : des périodes de surveillance qui s’étalaient sur des mois tout à coup ne duraient plus que quelques jours. Plusieurs dispositions de la Directive et ordonnance administrative de la défense (DOAD) 5019‑4 (Mesures correctives) ont été mises de côté par la politique des FAC sur la vaccination. Par exemple, selon cette politique, il ne devenait plus nécessaire de tenir compte de toute la période de service du militaire ou des manquements antérieurs. La réduction de ces délais a empêché des militaires de fournir des observations et a empêché la C de C de consulter les observations des militaires concernés avant d’imposer des mesures correctives. Enfin, mentionnons que le directeur – Administration (Carrières militaires) (DACM) a publié un aide-mémoire qui contenait des gabarits préremplis et du texte formaté destinés à être utilisés lors de l’imposition de mesures correctives dans chaque dossier. La présente analyse examinera le but des mesures correctives, le processus entourant leur imposition, et la justification donnée pour l’imposition des mesures correctives, et ce, en vue d’examiner si ces mesures correctives étaient raisonnables.
Analyse
Le refus de se faire vacciner est-il un manquement à la conduite?
Avant la pandémie de COVID-19 et avant la publication de la politique des FAC sur la vaccination, la gestion des mesures correctives se faisait conformément à la DOAD 5019-4 pour veiller à ce qu’elles respectent l’équité procédurale, soient justifiées et raisonnables. Cette DOAD prévoit ce qui suit :
4.1 Chaque militaire est tenu de respecter les normes professionnelles de conduite et de rendement. Si un militaire a démontré un manquement à la conduite ou au rendement, une mesure corrective appropriée peut être entreprise.
[…]
4.4 Pour un militaire, les normes de conduite sont fondées sur les normes militaires établies, l’éthique et les valeurs énoncées dans les règlements, les codes de conduite, les politiques, les ordonnances, les instructions et les directives qui s’appliquent au militaire, y compris les normes de conduites énoncées dans le manuel Servir avec honneur – La profession des armes au Canada.
L’Énoncé d’éthique de la Défense, qui est applicable au MDN et aux FAC déclare qu’un des principes d’éthique qui doit être respecté est celui d’« obéir à l’autorité légale et l’appuyer »Footnote 2 . À ce sujet, le comportement attendu de tous les militaires est décrit ainsi : « [i]ls respectent la primauté du droit » et « [i]ls exercent leurs fonctions conformément aux lois, aux politiques et aux directives de façon non partisane et objective », ce qui concorde avec le Code de discipline militaire qui indique que « [t]out officier et militaire du rang doit obéir aux commandements et aux ordres légitimes d’un supérieurFootnote 3 ».
La pandémie de COVID-19 était certainement une situation inédite; cependant, bien longtemps auparavant, les militaires ont dû se faire vacciner contre divers autres virus. Ainsi, les lois, règlements et politiques qui existaient avant la pandémie donnaient des indications au sujet de la vaccination et reconnaissaient le droit des militaires d’accepter ou de refuser un traitement médical, y compris un traitement préventif comme la vaccinationFootnote 4 . En janvier 2021, le médecin général des FAC a rappelé, dans son message sur le déploiement des vaccins pour les FAC, que la vaccination était une option volontaire pour les militairesFootnote 5 . Voici un extrait du message du médecin général :
Comme les autres vaccins fournis aux membres des FAC, le vaccin contre la COVID-19 ne sera pas obligatoire ; il reste une option volontaire pour tous. La décision de rendre ou non un vaccin obligatoire pour une opération ou un poste est prise par les commandants opérationnels, en consultation avec leurs conseillers médicaux.
L’Instruction 4030-57 du Groupe des services de santé des Forces canadiennes (Instr Gp Svc S FC 4030-57) traite aussi du consentement des militaires à des traitements médicaux. Cette instruction définit un « traitement » comme comprenant toute intervention à des fins préventives ayant trait à la santéFootnote 6 . Il est aussi indiqué que « [d]ans le contexte médical, et compte tenu de l’évolution de la loi en matière de consentement au traitement médical, le principe voulant que tout être humain d’âge adulte et sain d’esprit ait le droit de déterminer ce qui sera fait à son corps est devenu accepté ». L’instruction prévoit aussi que le consentement doit être libre, que le patient doit avoir été donné son consentement éclairé et qu’il a le droit de refuser un traitement « même lorsqu’il est manifeste qu’un tel traitement est nécessaire pour préserver la santé ou la vie du patient ». Le médecin doit informer chaque patient des répercussions de ses choix sur sa santé et sur sa carrière militaire, et doit informer la C de C du militaire quant à toute limitation médicale à l’emploi découlant d’un refus de traitement, sans toutefois préciser les causes de ces limitations médicales à l’emploiFootnote 7 .
Malgré le caractère volontaire de la vaccination en général, la politique des FAC sur la vaccination contre la COVID-19, telle qu’elle a été exprimée dans les directives du CEMD, a fait en sorte que la vaccination est devenue obligatoire. Les directives expliquent que « […] il est essentiel que les membres des FAC comprennent que l’application par les FAC de la politique de vaccination contre la COVID-19 du [gouvernement du Canada], par l’entremise du respect de la Directive du CEMD sur la vaccination contre la COVID-19 des FAC, est un comportement attendu de tous les membres des FAC, quel que soit leur niveau, leur poste ou leur grade. Ceux qui ne respectent pas cette directive contreviennent aux comportements attendus tels qu’énoncés dans le CodeFootnote 8 ».
Comme il l’a été expliqué dans l’Annexe I, la politique des FAC sur la vaccination était déraisonnable parce que son application avait une portée excessive et disproportionnée. De plus, tel qu’il l’a été précisé dans l’Annexe I, les FAC n’ont pas fourni de preuve permettant de démontrer que la vaccination obligatoire (dans un contexte où le taux de vaccination était élevé parmi les militaires) était nécessaire, dans tous les cas (y compris des cas individuels), en raison d’exigences opérationnelles. La politique des FAC sur la vaccination portait atteinte aux droits des militaires garantis par la Charte et il n’a pas été porté atteinte à ces droits en conformité avec les principes de justice fondamentale. Puisque les militaires ont conservé leurs droits protégés par la Charte, le refus de certains militaires de se faire vacciner ne pouvait pas être considéré comme un manquement à la conduite ni un acte contrevenant au Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FAC. Il est vrai que les militaires « réticents à la vaccination » n’ont pas respecté la politique obligatoire des FAC sur la vaccination. Cependant, cette politique était déraisonnable et dérogeait à la CharteFootnote 9 .
Par ailleurs, il convient de mentionner que l’obligation de se faire vacciner, en vue de participer à une mission ou à une opération précise ou d’occuper un poste en particulier, constitue une exigence opérationnelle liée à l’exécution des fonctions, et n’est pas une question d’éthique ou de conduite. À mon avis, la décision d’un militaire de refuser la vaccination (ou de refuser de dévoiler son statut vaccinal) équivalait à l’exercice d’un droit protégé par la Charte et reconnu par les règlements et politiques des FAC qui existaient avant la pandémie. De plus, dans le passé, avant l’apparition de la COVID-19, le fait de ne pas être vacciné contre un virus en particulier avait des répercussions sur la capacité d’un militaire d’exécuter des fonctions particulières, sur la possibilité d’obtenir un certain poste ou de suivre une certaine formation, et sur la capacité d’être en service dans des milieux à haut risque d’infection. Cela dit, ces répercussions avaient trait à la capacité d’un militaire d’exécuter ses fonctions, et non pas à sa conduite ou à son respect des principes d’éthique de l’organisation.
En bref, les FAC ont, à tort, eu recours à la politique sur les mesures correctives (prévue dans la DOAD 5019-4 et conçue pour être appliquée individuellement afin de corriger les manquements d’un militaire) pour atteindre un objectif opérationnel fixé par l’organisation (faire en sorte que l’ensemble des militaires soient vaccinés). Il ne fait aucun doute que les FAC, comme organisation, ont le droit de mettre en œuvre des politiques de gestion du personnel qui leur permettent de répondre aux exigences opérationnelles qui, dans un contexte militaire, sont souvent urgentes. Cependant, les FAC disposent déjà de divers moyens d’atteindre ce but : les catégories médicales temporaires, les exigences professionnelles justifiées, les normes opérationnelles minimales liées au principe de l’universalité du service, etc. Tous ces moyens s’appliquent à divers groupes professionnels et divers postes, et sont fondés sur des exigences opérationnelles démontrées en lien avec des missions, fonctions ou postes particuliers. Malgré l’existence de ces moyens et d’autres moyens, les FAC n’y ont pas eu recours pour favoriser le respect par les membres de la politique sur la vaccination contre la COVID-19. En rendant la vaccination obligatoire, puis en imposant des mesures correctives, les FAC ont causé les problèmes suivants : d’abord, elles ont forcé chaque militaire à se conformer à l’exigence de la vaccination obligatoire pour faire en sorte que l’ensemble des militaires soient vaccinés. Ensuite, elles ont omis de démontrer le lien entre, d’une part, des exigences opérationnelles (ou des normes opérationnelles) précises et, d’autre part, la vaccination obligatoire contre la COVID-19.
Après cette analyse, je conclus qu’il n’existe pas de raison ou de justification convaincante permettant de qualifier l’exercice du droit d’accepter ou de refuser un traitement médical comme étant un manquement à la conduite.
Quelle est l’intention des mesures correctives?
Selon la DOAD 5019-4, les mesures correctivesFootnote 10 visent à atteindre les buts suivants :
a. de sensibiliser le militaire à tout manquement à la conduite ou au rendement;
b. d’aider le militaire à corriger le manquement;
c. d’accorder au militaire le temps nécessaire pour corriger sa conduite ou améliorer son rendement.
Le premier but d’une mesure corrective est la sensibilisation du militaire concerné. Cela dit, les militaires, qui ont été considérés comme réticents à dévoiler leur statut vaccinal ou à se faire vacciner, ont reçu l’ordre de participer à une séance d’information organisée par les FAC. Mentionnons que le but de cette séance d’information était d’accroitre le niveau de sensibilisation des militaires ayant refusé de se conformer à la politique.
Le deuxième but d’une mesure corrective est d’aider le militaire visé à corriger son manquement. On sait que, dans bien des cas, le refus de se faire vacciner était fondé sur de mauvaises informations. Malgré cela, il faut reconnaitre que les militaires qui ont refusé la vaccination l’ont fait en raison de leurs opinions ou de leurs préférences. Ainsi, dans un tel contexte, il appert que les FAC ont décidé d’utiliser les mesures correctives pour forcer les militaires à se conformer à la politique, ce qui, dans les circonstances, ressemblait davantage à une punition infligée à tous ceux qui refusaient la vaccination. Or, la DOAD 5019-4 souligne que les mesures correctives ne sont pas des punitionsFootnote 11 . Dans la situation en cause, il est difficile de voir de quelle manière les mesures correctives ont vraiment aidé des militaires à corriger leur supposé manquement à la conduite. Au lieu de cela, les militaires ont senti une pression de se faire vacciner contre leur volonté et ont craint d’être libérés des FAC et d’ainsi perdre leur source de revenus et leur mode de vie. Cela m’amène donc à conclure que, dans la présente situation, le deuxième but d’une mesure corrective n’a pas été atteint.
Le troisième et dernier but d’une mesure corrective est d’accorder du temps au militaire pour corriger sa conduite. C’est pour cette raison que la DOAD 5019-4 prévoit des périodes de surveillance de trois, six ou douze mois. Cependant, la politique des FAC sur la vaccination a grandement réduit ces périodes de surveillance : les militaires avaient sept jours pour se conformer à l’AE, puis sept jours pour se conformer à la MG et S. Des délais aussi courts ne permettaient pas vraiment aux militaires de corriger leur manquement, alors je conclus que le troisième but d’une mesure corrective n’a pas non plus été atteint.
Compte tenu de ce qui précède, je conclus donc que les mesures correctives, utilisées pour forcer les militaires à se conformer à la politique des FAC sur la vaccination, ne respectaient pas les buts fixés par la DOAD 5019-4.
L’équité procédurale a-t-elle été respectée lors de la gestion des mesures correctives?
Périodes de surveillance
Comme il l’a été mentionné précédemment, la DOAD 5019-4 prévoit, entre autres, une période de surveillance minimale de trois mois qui « vise à : a. donner au militaire le temps de corriger le manquement; b. accorder le temps d’évaluer les progrès du militaireFootnote 12 ». Pourtant, la politique des FAC sur la vaccination met de côté les dispositions de cette DOAD en énonçant ce qui suit :
Nonobstant la DOAD 5019-4 déclarant des périodes de surveillance minimales, les membres seront évalués régulièrement et se verront offrir l’opportunité [sic] demander conseil lorsque requis. Après sept jours de non-conformité, il sera considéré comme une répétition du manquement et permettra à l’[autorité de mise en œuvre] d’annuler le reste de la période de surveillance et de mener à une mise en garde et surveillance (MG et S). Toutes répétitions subséquentes du manquement lors de la MG et S conduiront de la même manière à un examen administratif et à une libération potentielle des FAC Footnote 13 .
La réduction des périodes de surveillance a eu pour objectif de forcer les militaires à se conformer à la politique des FAC sur la vaccination, et non pas de leur permettre de corriger leur manquement. Or, s’il existait un problème urgent lié à la vaccination des militaires durant la pandémie COVID-19, ce problème avait déjà été réglé grâce à la campagne de vaccination volontaire qui avait permis d’atteindre un taux de vaccination de 91 %. Par ailleurs, les périodes de surveillance de chaque mesure corrective sont censées être ajustées selon le militaire concerné, et avoir un lien avec le manquement précis, les exigences opérationnelles, les circonstances individuelles, le tout en vue d’accorder suffisamment de temps pour corriger le manquement.
Mentionnons que la situation de la pandémie aurait pu justifier la modification de certains éléments du processus entourant les mesures correctives puisque, selon la jurisprudence, il est reconnu que l’obligation d’équité procédurale en droit administratif est variable, intrinsèquement souple et tributaire du contexteFootnote 14 . Toutefois, les FAC n’ont pas offert d’éléments de preuve permettant de justifier le besoin de modifier le processus pour le rendre plus expéditif. Au contraire, les FAC ont expliqué, dans les directives ainsi que dans des commentaires envoyés au Comité, que l’organisation des FAC demeurait dans une situation favorable durant la pandémie et avait d’autres options à utiliser pour protéger la santé et la sécurité des militaires qui étaient incapables de se faire vacciner. Compte tenu de l’importance des mesures correctives imposées (à la suite de l’application de la politique sur la vaccination) et de l’incidence qu’elles peuvent avoir sur la carrière d’un militaire, les membres des FAC avaient une attente légitime à ce que le processus suivi par les FAC soit justeFootnote 15 .
Dans les circonstances, les dispositions de la politique qui visaient à écarter les périodes de surveillance minimales, prévues dans la DOAD applicable, ont entrainé un manquement à l’équité procédurale qui était légitimement attendue par les militaires.
Sélection de la mesure corrective et observations du militaire visé
La DOAD 5019-4 indique que l’autorité de mise en œuvre est responsable notamment de « entreprendre les mesures correctives appropriées au manquement à la conduite ou au rendement »Footnote 16 . Cette DOAD prévoit trois niveaux de mesures correctives selon l’importance du manquementFootnote 17 . Lors de la sélection d’une mesure corrective, la DOAD 5019-4 mentionne que l’autorité de mise en œuvre doit tenir compte des facteurs suivantsFootnote 18 :
a. les faits entourant l’affaire, y compris l’importance et l’incidence du manquement à la conduite ou au rendement;
b. toute la période de service du militaire, en tenant compte de son grade, de son groupe professionnel militaire, de son expérience et de son poste;
c. toute observation faite par le militaire directement lié au manquement à la conduite ou au rendement;
d. toute analyse, toute évaluation ou toute critique constructive informelle de conduite ou de rendement déjà reçue par le militaire à propos du manquement;
e. tout manquement antérieur qui est essentiellement lié au manquement actuel du militaire, et le temps qui s’est écoulé entre les deux (p. ex. il est plus probable qu’une MG et S soit entreprise pour celui qui a reçu un AE il y a six mois pour un manquement similaire que pour un militaire qui a reçu un AE il y a 20 ans);
f. l’existence de toute [contrainte à l’emploi pour raisons médicales] pertinente et de toute invalidité divulguée, assujettie aux exigences du principe d’universalité du service;
g. tous autres facteurs pertinents d’une politique ou d’une ordonnance connexe liée au manquement.
La DAOD 5019-4 prévoit aussi que « [l’autorité de mise en œuvre] doit recevoir et tenir compte des observations du militaireFootnote 19 ». Pourtant, la politique des FAC sur la vaccination exige que la C de C impose des mesures correctives en se fondant uniquement sur le refus du militaire de dévoiler son statut vaccinal ou sur son refus de se faire vacciner. Rien n’indique que les autres facteurs énumérés ci-dessus, comme les observations du militaire, ont été pris en considération. De plus, la politique n’accordait pas de pouvoir discrétionnaire à l’autorité approbatrice de décider d’imposer (ou de ne pas imposer) de mesures correctives.
Les directives du CEMD énoncent que « l’[autorité de mise en œuvre] envisagera d’abord un AE pour conduite » et ne prévoient pas d’autres options ou façons de procéder. Dans un aide-mémoire, le DACM ordonne qu’il y aura imposition d’un AE et d’une MG et S à moins qu’un accommodement ait été accordé. Cet aide-mémoire aussi ne prévoit pas d’autres issues possibles, et ce, contrairement à ce qui est prévu dans la DOAD 5019-4 laquelle accorde un pouvoir discrétionnaire à cet égard à la C de CFootnote 20 .
Selon la DOAD 5019-4, la C de C a la responsabilité de décider si une mesure corrective est nécessaire et quelle mesure corrective est la plus appropriée. Par contre, dans les cas de militaires qui refusent de se faire vacciner, les directives du CEMD et l’aide-mémoire du DACM limitent les options offertes à la C de C en lui imposant un seul processus précis à suivre; cela a eu une incidence importante sur les militaires. Précisons que ces directives et cet aide-mémoire prévoient l’issue de l’analyse qui sera faite par la C de C (cette issue est prédéterminée puisque c’est l’imposition de mesures correctives) et lui retirent tout pouvoir discrétionnaire en matière de prise de décision.
Je conclus donc que le fait de limiter le pouvoir discrétionnaire de l’autorité de mise en œuvre en matière de gestion des mesures correctives constitue un manquement grave à l’équité procédurale.
Gradation des mesures correctives
La DOAD 5019-4 prévoit que « une mesure corrective plus sévère » doit être envisagée « pendant la période de surveillance si […] le militaire répète le manquementFootnote 21 […] ». En revanche, la politique des FAC sur la vaccination déclare que le fait de continuer à ne pas se conformer à la politique « sera considéré comme une répétition du manquement et permettra à l’[autorité de mise en œuvre] d’annuler le reste de la période de surveillance et de mener à une mise en garde et surveillance (MG et S) ».
Selon la politique des FAC sur la vaccination, les FAC entreprennent un AE, une MG et S, et une procédure de libération en réaction à la même décision du militaire (le refus de se faire vacciner ou de dévoiler le statut vaccinal). Ainsi, toutes les mesures administratives, qui sont appliquées successivement à un militaire, concernent une seule et même décision de ce militaire. J’estime qu’il est inapproprié de caractériser la décision d’un militaire de ne pas se conformer à la politique sur la vaccination comme une incapacité à corriger un manquement à la conduite. Les principes de base de l’équité procédurale devraient être appliqués lors de la gestion d’une mesure corrective; or, plusieurs éléments fondamentaux de l’équité procédurale ont été mis de côté lors de l’application de la politique des FAC sur la vaccination.
Conclusion
Puisque la gestion des mesures correctives, effectuée selon la politique des FAC sur la vaccination, comportait des lacunes importantes en matière d’équité procédurale, je conclus que l’AE et la MG et S imposés en vertu de cette politique étaient déraisonnables et injustifiés.
Signé à Ottawa, ce 18e jour de juillet 2023
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