Importance socio-économique des ours polaires
Preparé par ÉcoRessources Consultants
Le 11 juin, 2011
Table des matières
- Sommaire
- Chapitre 1 : Mise en contexte et objectifs de l'étude
- Chapitre 2 : Valeurs socio-économiques reliées aux ours polaires du Canada
- 2.1 Approche d’évaluation
- 2.2 Estimation des valeurs socioéconomiques reliées aux ours polaires
- Chapitre 3 : Activités du nord canadien ayant un impact potentiel sur l'habitat ou la population d'ours polaires et pouvant être affectées par un changement dans ceux-ci
- Chapitre 4 : Cadre d'analyse des impacts des changements des populations d'ours polaires et de leur habitat sur l'économie et la société canadiennes
- Conclusions
- Bibliographie
- Annexes
- Annexe 1 : Surplus du consommateur, surplus du producteur et variation compensatoire
- Annexe 2 : Principales étapes de la méthode de coûts de transport (l'approche par zone de coûts de transport)
- Annexe 3 : Le modèle utilisé pour l'estimation de la valeur de préservation
- Annexe 4 : Utilisation du méta-modèle de richardson et loomis (2008) pour l'estimation de la valeur de préservation des ours polaires du Canada
Listes des tableaux
- Tableau 1 : Méthodes utilisées pour l’estimation des différentes valeurs associées aux ours polaires
- Tableau 2 : Indicateurs économiques de bien-être estimés pour chaque valeur associée aux ours polaires
- Tableau 3 : Valeurs substitut de la viande d’ours polaire relevées dans la littérature
- Tableau 4 : Valeur de la viande d’ours polaire
- Tableau 5 : Valeurs brutes d’une peau d’ours relevées dans la littérature
- Tableau 6 : Valeur de la peau des ours polaires en 2009 tués pour la chasse de subsistance
- Tableau 7: Valeur de la viande et de la peau d’ours polaires obtenues par la chasse de subsistance au cours de la saison 2008/2009
- Tableau 8 : Revenus du producteur par chasse sportive
- Tableau 9 : Coûts variables du producteur par chasse
- Tableau 10 : Valeur totale d’une chasse sportive
- Tableau 11 : Valeur d’observation de l’ours polaire dans son habitat naturel (Churchill, Manitoba)
- Tableau 12 : Les variables du modèle estimé par Richardson et Loomis (2008), leurs coefficients et les valeurs utilisées pour estimer la valeur de préservation des ours polaires
- Tableau 13 : Valeur de préservation des ours polaires du Canada
- Tableau 14 : Valeurs monétaires associées aux ours polaires du Canada (montants unitaires et agrégés)
- Tableau 15 : Distribution des valeurs associées à l’ours polaire par province et territoire ($)
- Tableau 16 : Activités humaines pouvant avoir un impact sur la population ou l’habitat des ours polaires ainsi que les impacts potentiels de la diminution de la population d’ours polaires sur celles-ci
- Tableau 17 : Exemple de tableau à construire pour l’identification des impacts possibles d’une stratégie d’intervention en lien avec les ours polaires
- Tableau 18 : Matrice d’analyse de l’ensemble des impacts d’une stratégie d’intervention
- Tableau 19 : Coûts de transport moyens jusqu’à Winnipeg et nombre de visiteurs par zone
Liste des figures
- Figure 1 : Valeurs associées aux ours polaires
- Figure 2 : Valeurs monétaires associées aux ours polaires du Canada, par catégorie de valeur (montants agrégés pour le Canada)
- Figure 3 : PIB des activités économiques pouvant avoir un impact sur l’ours polaire dans la zone de présence probable d’ours polaires et pour l’ensemble du territoire concerné
- Figure 4 : PIB des activités pouvant avoir un impact sur l’ours polaire présentes dans la zone probable de présence d’ours polaires
- Figure 5 : Activités d’exploration minière et localisation par rapport à la zone de présence probable d’ours polaires dans le Nunavut
- Figure 6 : Activités d’exploration pétrolière et gazière et localisation par rapport
- Figure 7 : Sites d’exploration gazière et pétrolière dans la mer de Beaufort
- Figure 8 : Tracé du gazoduc Mackenzie
- Figure 9 : Les collectivités du Nord du Canada.
- Figure 10 : Établissements humains et localisation par rapport à la zone de
- Figure 11 : Cadre d’analyse des impacts socio-économiques des changements
- Figure 12 : Surplus du consommateur et du producteur
- Figure 13 : Les trois zones identifiées pour les visiteurs à Churchill en provenance du Canada
- Figure 14 : Les quatre zones identifiées pour les visiteurs à Churchill en provenance de l’extérieur du Canada
- Figure 15 : Valeur de l'observation de l'ours polaire à Churchill, Manitoba (visiteurs canadiens)
- Figure 16 : Valeur de l'observation de l'ours polaire à Churchill, Manitoba (visiteurs étrangers)
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Ce rapport a été préparé pour Environnement Canada par ÉcoRessources Consultants. C'est avec plaisir que Environnement Canada participe à la production de cette publication, et nous remercions ÉcoRessources Consultants pour leur travail. Bien que l'étude décrite dans le présent rapport a été préparé à la demande d'Environnement Canada, les vues exprimées dans ce rapport ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Environnement Canada ou celles du gouvernement du Canada.
Crédit photo de couverture : © Corel Corporation
Évidences de l’importance socio-économique des ours polaires pour le Canada.
CW66-291/2011F-PDF
ISBN : 978-1-100-97662-4
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Environnement Canada, 2011
Équippe ÉcoRessources Consultants
Auteurs Écoressources Consultants
Maria Olar - Analyste principal
Julie Louvel - Analyste
Maribel Hernandez - Responsable Développement
Claude Sauvé - Collaborateur
Sophie Zussy – Relectrice externe
Josée Messier - Adjointe administrative
Acronymes
COSEPAC= Comité sur la situation des espèces en péril au Canada
PIB = Produit intérieur brut
Sigles et Abréviations
$ = Dollar canadien (à moins d’indication contraire, les montants monétaires sont exprimés en dollars canadiens de 2009)
$US = Dollar américain
M$ = million de dollars canadiens
n.d. = non disponible
n.a. = non applicable
Glossaire
Consentement à payer – montant maximum auquel une personne est prête à renoncer pour bénéficier d’un bien ou d’un service.
Méta-analyse – synthèse statistique d’études sur un sujet donné.
Méta-modèle – modèle élaboré au cours d’une méta-analyse qui permet, à partir des études rassemblées, de construire des modèles explicitant les causes de la variabilité des résultats observée entre ces études.
Méthode des coûts de transport – méthode d’évaluation économique des services environnementaux qui permet l’estimation de la valeur d’un site existant ou de la valeur d’un changement de qualité du site existant en utilisant le coût de transport jusqu’au site visité pour estimer la demande de récréation et ensuite le surplus du consommateur pour une visite.
Méthode des prix de marché – méthode qui utilise les prix des biens et services vendus sur le marché pour estimer la valeur d’une ressource.
Méthode de la valeur de substitution – il s’agit d’identifier des produits et services substituables au bien évalué et d’observer leurs valeurs sur le marché. Cette méthode est généralement utilisée quand le bien dont la valeur est estimée n’est pas commercialisé sur un marché, comme c’est le cas de la viande d’ours polaire.
Surplus du consommateur – il indique la valeur du bien consommé au-delà du prix payé pour l’obtenir (surplus net du consommateur). Le surplus brut du consommateur inclut le prix du bien.
Surplus du producteur – il indique la valeur du bien produit au-delà des coûts variables engendrés pour le produire.
Transfert d’avantages – cette méthode permet de transférer des valeurs ou des fonctions de valeurs provenant originalement d’un site particulier (le site de l’étude) vers un autre site (le site visé), en effectuant certains ajustements pour tenir compte des différents contextes d’étude.
Valeur anthropocentrique – valeur dont le système de référence, l’évaluateur, est l’homme.
Valeur d’existence – valeur attribuée au simple fait qu’une ressource existe, même si elle n’est jamais utilisée.
Valeur d’héritage – valeur attribuée à la possibilité de conserver une ressource pour les générations futures.
Valeur d’option – valeur attribuée à l’option de bénéficier d’une ressource dans le futur.
Valeur d’usage actif – valeur qui implique une certaine utilisation de la ressource, qu’elle soit directe ou indirecte ou qu’elle ait lieu au moment présent ou dans le futur (valeur d’option).
Valeur d’usage direct - l’usage direct implique un contact ou une interaction directe avec la ressource et peut être divisé en deux autres sous-catégories : l’usage direct avec prélèvement, comme c’est le cas de la chasse et l’usage direct sans prélèvement, comme dans l’observation des ours dans leur milieu naturel.
Valeur d’usage indirect - l’usage indirect n’implique pas de contact avec la ressource dont l’utilisation est réalisée par l’intermédiaire de son image ou de l’information qui la caractérise.
Valeur d’usage passif – valeur qui n’implique aucune utilisation active de la ressource mais seulement une conscience du bien-être des animaux et de leur rôle dans l’écosystème (valeur d’existence) et la préoccupation d’assurer leur existence pour les générations à venir dans leur habitat naturel (valeur d’héritage).
Valeur économique totale – l’ensemble des valeurs d’usage actif et passif pour une ressource donnée.
L'ours blanc (Ursus maritimus) est un emblème des grands espaces de l'Arctique et du patrimoine faunique du Canada. Le Canada abrite environ 15 000 ours blancs, ce qui représente les deux tiers du total mondial.[1] La population d'ours blancs canadienne s'étend sur quatre provinces et trois territoires au sein du milieu marin de l'Arctique.
L'espèce a une valeur culturelle, spirituelle et économique pour les Canadiens, et notamment pour les peuples autochtones du Nord canadien. En tant que symbole des grands espaces vierges de l'Arctique, l'ours blanc est vu dans le monde comme un baromètre d'importants problèmes environnementaux, particulièrement les changements climatiques et la pollution.[2]
Comme analyse de fond afin d'appuyer les processus réglementaires et décisionnels futurs, le présent document examine les preuves de valeurs économiques pertinentes pour les ours blancs ainsi que d'activités économiques qui ont une incidence sur l'ours blanc et son habitat.
Cette étude est une première tentative d'évaluer de façon détaillée les diverses valeurs socioéconomiques associées aux ours blancs au Canada. Les valeurs économiques ont été évaluées à l'aide d'un concept-cadre de la valeur économique totale (VET).
La première partie de l'étude examine les preuves des valeurs économiques actives et passives. La deuxième partie porte sur les activités économiques qui pourraient avoir une incidence sur la population d’ours blancs ou leur habitat. Un cadre a été élaboré dans le but de fournir une aide à la décision pour évaluer les compromis possibles associés aux prochaines décisions stratégiques.
Les valeurs actives incluent : la chasse de subsistance et la chasse sportive, l'observation de l'ours blanc en milieu naturel ou dans des zoos, l'utilisation de l'image de l'ours blanc comme emblème ainsi que l'étude des ours blancs à des fins pédagogiques ou scientifiques. Ces valeurs ont été évaluées à l'aide de diverses méthodes économiques telles que le prix du marché pour la chasse sportive et la chasse de subsistance ainsi que les frais de déplacement pour voir la faune sauvage. Seules quelques valeurs susmentionnées ont pu être évaluées sur le plan monétaire. En ce qui concerne la valeur d’existence, aucune étude principale n'a été menée sur l'ours blanc, donc un transfert des avantages a été utilisé pour évaluer cette valeur passive-utilisation.
La valeur de la chasse de subsistance a été évaluée à 0,6 million de dollars, tandis que la chasse sportive représente environ 1,3 million de dollars par année. Les valeurs les plus élevées de la chasse de subsistance et de la chasse sportive se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, chiffrées à 543 000 $ et à 923 000 $ respectivement.
Les Inuits attribuent certaines de leurs autorisations de chasse à la chasse sportive, engendrant ainsi des activités économiques autour de la chasse à l'ours blanc. Seulement 20 % des autorisations sont attribuées à la chasse sportive, malgré des preuves indiquant que la chasse sportive engendre une valeur économique plus importante que la chasse de subsistance. Cela indique que les collectivités autochtones ne cherchent pas à maximiser les profits associés à la chasse de l'ours blanc. Selon les observations effectuées par Dowsley (2007) lors du règlement de Resolute Bay au Nunavut, on estime que les revenus perdus sont d'environ 7 000 $ par personne, ce qui peut être une indication de l'importance des autres valeurs telles que la préservation des valeurs culturelles, spirituelles et traditionnelles.
Dans le cas de l'observation de l'ours blanc dans son habitat naturel, c'est le Manitoba qui a la valeur la plus élevée, car la ville de Churchill est le lieu le plus important de cette activité au Canada. La valeur de l'observation des ours blancs dans leur habitat naturel à Churchill, au Manitoba, est évaluée à 7,2 millions de dollars par année, dont 2,2 millions représentent le revenu net des entreprises qui organisent des expéditions d'observation. Les derniers 5 millions de dollars sont attribués à des personnes qui voyagent à leur propre compte à Churchill pour observer et photographier les ours blancs.
Des renseignements sur les valeurs passives-utilisation sont généralement recueillis au moyen d'études d'évaluation des contingences. Un examen de la documentation à ce jour indique qu'une étude semblable n'existe pas actuellement sur l'ours blanc. En se fondant sur les données probantes obtenues à partir de la métaanalyse, on a eu recours à la technique de transfert des avantages pour évaluer la valeur que les Canadiens auraient accordée à la préservation des espèces emblématiques comme l'ours blanc. La valeur est estimée à environ 508 $ par ménage et à des totaux de 6 milliards de dollars par an pour le Canada. L'analyse de la répartition de cette valeur dans l'ensemble du Canada est fondée sur les données des ménages dans chaque province et territoire. Toutefois, étant donné la relation particulière entre les peuples autochtones et les ours blancs, il est possible que la valeur de préservation attribuée par les peuples autochtones aux ours blancs soit plus élevée.
Certaines valeurs associées aux ours blancs n'ont pas pu être évaluées sur le plan monétaire. La valeur de l'observation de l'ours blanc en captivité (zoos) est difficile à déterminer, car les ours blancs ne forment habituellement qu'une des nombreuses espèces d'animaux vivant dans des zoos. Il est seulement possible de souligner l'importance potentielle de cette valeur. L'évaluation de la valeur scientifique et pédagogique de l'ours blanc pose également un problème. Les fonds publics alloués à la recherche sur l'ours blanc au Canada peuvent fournir une indication initiale de la valeur scientifique, mais cet indicateur ne suffit pas pour évaluer la valeur monétaire. De même, il est difficile d'évaluer la valeur emblématique de l'ours blanc, car l’illustration de l'ours blanc est utilisée à de multiples fins et il existe peu de données sur ce sujet.
La deuxième partie de ce rapport est axée sur l'analyse des activités économiques qui pourraient avoir une incidence sur l'ours blanc et son habitat. Les activités qui pourraient avoir une incidence potentielle sur les ours blancs incluent : l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz, les infrastructures pour le transport terrestre et aérien ainsi que la répartition des pipelines, le transport maritime, la production d’énergie hydroélectrique, les opérations militaires, le tourisme, la chasse et la création d'établissements humains particulièrement près des tanières de mise bas. De plus, un changement dans la population d'ours blancs peut, en retour, avoir une incidence sur des activités telles que l'observation et la chasse de l'ours blanc.
Cette étude présente également un cadre pour l’analyse des répercussions socioéconomiques à la suite d'un changement dans la population ou l'habitat de l'ours blanc. Le cadre fournit les éléments nécessaires afin de répondre à la question : « Quelles sont les étapes à suivre pour évaluer les coûts et les avantages d'une décision stratégique touchant la population ou l’habitat des ours blancs au Canada? »
Le but ultime de cette étude est d'éclairer le processus décisionnel public lié à l'ours blanc. Les valeurs évaluées présentées dans ce rapport serviront de renseignements de base pour l'élaboration des politiques futures concernant l'ours blanc. Cependant, il faut mentionner qu'il s'agit d'une première tentative d'établir les preuves économiques entourant l’ours blanc et des données et des analyses supplémentaires s'imposent. Des études plus poussées seront donc nécessaires pour une prise de décisions éclairée sur les questions portant sur la population des ours blancs au Canada.
Les biens environnementaux tels que les espèces et les écosystèmes possèdent une valeur socio-économique qui leur est accordée par l’homme, du fait de leur existence même et des activités qui en découle. Ils possèdent également une valeur intrinsèque indépendante de toute considération humaine. Afin de prendre en compte la valeur de ces biens environnementaux dans le processus de décision politique, il est nécessaire de les évaluer.
En effet, les décisions politiques s’appuient principalement sur des critères économiques et ont longtemps été prises sans tenir compte des aspects environnementaux. La valeur de l’environnement était reconnue, mais faute d’être estimée elle n’entrait pas en considération dans le calcul des coûts et des bénéfices découlant d’une décision politique : en l’absence d’estimation, la valeur d’un bien ou d’un service environnemental est considérée comme économiquement nulle.
L’évaluation de la valeur des biens environnementaux permet de prendre en compte la valeur de ces biens lors de l’élaboration et du choix de politiques et d’éclairer ainsi les décideurs sur les choix les plus efficients. Elle permet notamment de justifier des investissements nécessaires à la préservation d’écosystèmes ou d’espèces, en comparant la valeur socio-économique de ces écosystèmes ou espèces aux coûts nécessaires à leur protection.
L’ours polaire (Ursus Maritimus) est le plus grand carnivore terrestre et il se situe au sommet de la chaîne alimentaire. L’ours polaire vit sur le territoire de cinq pays : le Danemark (Groenland), le Canada (Nord), les États-Unis (Alaska), la Russie (en Sibérie) et la Norvège. Les glaces marines constituent son territoire de chasse, où il se nourrit principalement de phoques. Le Canada abrite environ deux tiers de la population mondiale d’ours polaires estimée entre 20 000 et 25 000 individus[5]. La majorité de la population d’ours présente au Canada est située sur le territoire du Nunavut (Dowsley, 2009). Plusieurs valeurs sont associées à l’ours polaire, valeurs qui découlent des activités humaines liées à l’existence de cette espèce.
Les populations autochtones chassent l’ours polaire pour sa peau et sa viande et certains peuples, en particulier les Inuits, lui attribuent une importante valeur sur les plans culturel, artistique et spirituel. Les croyances des Inuits en lien avec l’ours polaire se reflètent dans plusieurs légendes et sont une importante source d’inspiration de leur art. L’ours polaire est aussi une attraction touristique, que ce soit par la pratique de la chasse sportive ou par son observation. Des chasseurs canadiens et étrangers participent à la chasse sportive de l’ours polaire dans le Nord canadien guidés par des Inuits en traineau à chiens. L’observation de l’ours polaire suscite aussi un grand intérêt parmi les touristes canadiens et étrangers qui paient quelques milliers de dollars pour des safaris-photos à l’ours polaire. Par exemple, une excursion de six jours à Churchill (Manitoba) qui inclut une tournée des environs, deux jours d’observation de l’ours polaire et une promenade en traineau à chiens coûte environ 5 000 $[6].
D’autres valeurs sont associées à l’ours polaire. Outre la valeur accordée par certains peuples autochtones, tels les Inuits ou les Crees, l’ours polaire possède également une valeur scientifique et éducative. Ainsi, l’ours polaire est une des espèces étudiées par la science appelée « biomimétisme », qui cherche des solutions techniques en s’inspirant de la nature. En même temps, l’image de l’ours polaire est très véhiculée, que ce soit pour des campagnes publicitaires (ex. : Coca-Cola, Nissan), comme emblème des pièces de deux dollars ou comme symbole des fêtes d’hiver. C’est, de plus, un animal charismatique, dont l’image est devenue le symbole des changements climatiques.
L’ours polaire est particulièrement vulnérable à la chasse excessive (COSEPAC, 2010), à la présence de contaminants chimiques dans ses proies et au déclin de la surface de glaces marines engendré par le réchauffement climatique. Certaines activités humaines telles que l’extraction et l’exploration gazière et pétrolière, ou le tourisme d’observation peuvent également constituer un facteur de stress pour les populations d’ours polaires (IUCN Red List, 2008)
En avril 1991, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)[7] estimait que le niveau de population d’ours polaires du Canada est « préoccupant ». La réévaluation de 2008 a confirmé ce statut, mais aucune décision n’a encore été prise par le gouvernement canadien quant à l’inscription de l’ours polaire sur la liste des espèces en péril[8]. En 2008, il a été désigné comme espèce « menacée » aux États-Unis et en 2010, une superficie plus grande que celle de la Californie a été déclarée « zone protégée » en Alaska dans le but de préserver l’habitat critique de l’ours polaire. Toutefois, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) a refusé la proposition des États-Unis d’augmenter le degré de protection de l’ours polaire en le faisant passer de la liste des espèces de l’Annexe II de la convention à l’Annexe I qui liste les espèces menacées d’extinction.
Dans le contexte où plusieurs segments de la population canadienne accordent une certaine valeur à l’ours polaire, que ce soit une valeur de consommation, de récréation, d’existence ou autre, l’objectif principal de cette étude est d’estimer ces différentes valeurs dans la mesure du possible. Ces valeurs font référence à la situation présente de la population d’ours polaires et de leurs usages. Les résultats de l’étude seront utilisés pour informer les décideurs publics dans le cadre du processus de prise de décision concernant les espèces en péril. L’étude est une tentative d’établir des valeurs économiques associées aux usages des ours polaires en utilisant l’approche de la valeur économique totale, sous des contraintes informationnelles et budgétaires. L’objectif n’est pas d’apposer un prix à l’ours polaire mais de refléter les compromis économiques possibles associés à cette espèce.
Le deuxième objectif de l’étude est de fournir des pistes méthodologiques et de l’information pertinente pour une estimation future potentielle des coûts et des bénéfices d’un changement dans la population ou l’habitat des ours polaires par rapport à la situation présente. À cet égard, l’étude réalise un inventaire des activités économiques du Nord canadien qui interagissent avec les ours polaires et leur habitat et propose des lignes directrices pour une méthodologie d’analyse de l’impact des changements de la population d’ours polaires et de leur habitat sur l’économie et la société canadiennes.
Ce chapitre présente le concept de valeur économique totale, les méthodes utilisées pour l’estimation des valeurs socio-économiques reliées aux ours polaires du Canada, les indicateurs économiques de bien-être utilisés et les différentes valeurs obtenues.
Une large panoplie de valeurs caractérise les biens et les services environnementaux, comme les valeurs liées aux différents usages que l’homme en fait, les valeurs culturelles ainsi que les valeurs intrinsèques. L’estimation économique de ces valeurs est loin d’être un exercice facile et dans certains cas elle représente encore un défi méthodologique. En même temps, on sait que certaines de ces valeurs ont une grande importance même si elles sont difficilement quantifiables, comme la valeur culturelle de certains animaux pour les autochtones ou la valeur intrinsèque de l’environnement en général.
La Figure 1 présente une classification de ces valeurs dans le cas des ours polaires. On distingue d’abord les valeurs anthropocentriques, i.e. les valeurs dont l’évaluateur est l’homme, et les valeurs non-anthropocentriques. Parmi les valeurs non-anthropocentriques on compte la valeur intrinsèque des ours polaires, indépendante du système de valeurs humaines. Parmi les valeurs anthropocentriques on distingue les différentes composantes de la valeur économique totale, ainsi que des valeurs qui varient selon les cultures, comme c’est le cas de la valeur culturelle, artistique et spirituelle pour les Inuits. Ces dernières valeurs ne font pas partie de la valeur économique totale parce qu’elles ne se prêtent pas à une estimation monétaire.
La valeur économique totale représente l’ensemble des valeurs d’usage actif et passif (voir Figure 1). Les valeurs d’usage actif, aussi appelées valeurs d’usage, impliquent une certaine utilisation de la ressource, qu’elle soit directe ou indirecte ou qu’elle ait lieu au moment présent ou dans le futur (valeur d’option). L’usage direct implique un contact ou une interaction directe avec la ressource et peut être divisé en deux autres sous-catégories : l’usage direct avec prélèvement, comme c’est le cas de la chasse et l’usage direct sans prélèvement, comme dans l’observation des ours dans leur milieu naturel. L’usage indirect, par contre, fait référence à un bénéfice indirect qui n’implique pas de contact avec la ressource mais une utilisation de son image ou de l’information qui la caractérise. C’est le cas de la valeur comme espèce symbolique et notamment l’utilisation de l’image de l’ours polaire dans les publicités de Coca-Cola. Dans la même catégorie, on peut inclure la valeur éducative, la valeur scientifique et la valeur d’observation dans les jardins zoologiques, même si les deux dernières sont à cheval entre les usages directs et indirects étant donné qu’une partie de la recherche suppose le contact direct avec les ours pour différentes mesures et prélèvements et que les jardins zoologiques offrent un contact direct, visuel, avec l’ours mais qui est, en même temps, en captivité.
Les valeurs d’usage passif, aussi appelées valeurs de non-usage, n’impliquent aucune utilisation de la ressource mais seulement une conscience du bien-être des animaux, de leur rôle dans l’écosystème (valeur d’existence) et la préoccupation d’assurer leur existence pour les générations à venir dans leur habitat naturel (valeur d’héritage).
Dans le cas des ours polaires nous avons identifié les valeurs suivantes comme représentant des valeurs anthropocentriques :
- la valeur de la chasse de subsistance,
- la valeur de la chasse sportive,
- la valeur d’observation dans la nature,
- la valeur d’observation dans les jardins zoologiques,
- la valeur d’espèce symbolique,
- la valeur scientifique,
- la valeur éducative,
- la valeur d’option,
- la valeur d’existence,
- la valeur d’héritage et
- la valeur culturelle, artistique et spirituelle pour les Inuits.
Les huit premières valeurs sont des valeurs d’usage actif et les valeurs d’existence et d’héritage sont des valeurs d’usage passif. Elles représentent la valeur économique totale des ours polaires du Canada. On distingue à part la valeur culturelle, artistique et spirituelle pour les Inuits qui joue un rôle important dans l’ensemble des valeurs anthropocentriques des ours polaires du Canada mais qui ne se prête pas à une estimation monétaire.
La classification des valeurs économiques est inspirée de la taxonomie des valeurs présentées par Asafu-Adjaye et al.(1989).
Les méthodes à préférences déclarées comme l’évaluation contingente ou l’expérimentation par le choix (choice experiment) auraient été le choix idéal pour l’estimation des valeurs d’usage passif (valeur d’existence et d’héritage), surtout qu’il n’existe aucune estimation de ces valeurs pour les ours polaires (IEC et Northern Economics, 2010), mais les contraintes budgétaires et la courte durée de l’étude n’ont pas permis leur application. Les méthodes utilisées dans cette étude sont donc des méthodes à préférences révélées ainsi que la méthode du transfert d’avantage. Plus précisément, nous avons utilisé la méthode des coûts de transport, la valeur de substitution, la méthode des prix du marché et le transfert d’avantages (voir Tableau 1 pour les valeurs estimées avec chaque méthode). Le choix de ces méthodes a été déterminé par les particularités des différentes valeurs associées aux ours polaires, le budget et la durée de l’étude.
Préférences déclarées versus préférences révélées
Les méthodes d’estimation de la valeur économique des services environnementaux peuvent être classées en deux catégories : les méthodes à préférences révélées et les méthodes à préférences déclarées. Les méthodes de la première catégorie estiment ces valeurs à partir de l’information fournie par les marchés. C’est le cas de la méthode hédonique, de la méthode des coûts de transport, de la méthode de la productivité, de la méthode du prix du marché et de la méthode de la valeur de substitution.
Quand un marché n’existe pas, les méthodes à préférences déclarées sont utilisées à la place. Ces méthodes utilisent les sondages pour demander ouvertement ou par la possibilité de choisir parmi plusieurs options disponibles, le consentement à payer pour le service environnemental évalué. C’est le cas de l’économie expérimentale, de l’expérimentation sur les choix (choice experiment) et de l’évaluation contingente.
La méthode du transfert d’avantages ne rentre dans aucune des deux catégories étant donné qu’elle utilise les valeurs déjà estimées à l’aide des autres méthodes.
La méthode des coûts de transport
Cette méthode repose sur l’idée que le transport jusqu’au site récréo-touristique visité et le site lui-même sont des biens complémentaires, c'est-à-dire qu’ils sont consommés ensemble. Comme pour tous les biens complémentaires, une augmentation du prix du transport fait baisser non seulement la demande en transport, mais aussi la demande de récréation pour le site en cause. Par conséquent, le coût de transport jusqu’au site visité peut être utilisé pour estimer la demande de récréation et ensuite le surplus du consommateur pour une visite. Idéalement, on aurait estimé la demande de récréation en fonction d’un droit d’accès, mais dans la plupart des cas, soit il n’existe pas, soit il ne varie pas assez pour révéler les préférences des visiteurs.
La méthode des coûts de transport permet l’estimation (1) de la valeur d’un site existant ou, plus précisément, de la valeur des activités de récréation liées à un site existant et (2) de la valeur d’un changement de qualité du site existant. La présente étude vise la première catégorie de valeurs, plus précisément la valeur actuelle de l’observation des ours polaires dans les environs de Churchill, Manitoba.
Il existe plusieurs approches pour appliquer la méthode des coûts de transport. Parmi celles-ci on compte[9] :
- Une approche simple par zone de coûts de transport qui utilise principalement des données secondaires et qui demande peu ou pas d’information collectée par un sondage des visiteurs ;
- Une approche individuelle des coûts de transport qui utilise les données d’un sondage détaillé des visiteurs ;
- Une approche qui applique la théorie de l’utilité aléatoire qui demande un sondage, des données secondaires et des techniques statistiques sophistiquées.
Dans le cadre de cette étude, nous utilisons la première approche étant données les limites temporelles et budgétaires du projet.
La méthode des prix du marché
Cette méthode utilise les prix des biens et services qui sont vendus sur le marché pour estimer la valeur d’une ressource comme différence entre le prix de la demande ou de l’offre et son prix actuel sur le marché (surplus du consommateur ou du producteur).
La méthode de la valeur de substitution
Il s’agit d’identifier des produits et services substituables au bien évalué et d’observer leurs valeurs sur le marché. Cette méthode est généralement utilisée quand le bien dont la valeur est estimée n’est pas commercialisé sur un marché, comme c’est le cas de la viande d’ours polaire.
Le transfert d’avantages
Cette méthode permet de transférer des valeurs calculées originalement sur un site particulier (le site de l’étude) vers un autre site (le site visé), grâce à certains types de modifications qui dépendent du contexte. Elle s’applique quand il y a déjà assez d’études primaires réalisées sur la ressource étudiée et que le budget ou le temps disponible ne permettent pas la réalisation d’une étude primaire.
La méthode du transfert d’avantages peut être appliquée de différentes manières selon les besoins et l’information disponible. On considère généralement deux grandes catégories d’utilisation de la méthode : (1) le transfert de valeurs monétaires et (2) le transfert de fonctions et de méta-modèles. Dans la présente étude, nous utilisons le transfert de méta-modèles pour estimer la valeur d’existence et d’héritage et le transfert de valeurs monétaires pour le consentement à payer des chasseurs sportifs. Le transfert de méta-modèles est considéré comme ayant la capacité prédictive la plus élevée (Genty, 2005), mais il n’a pas été possible de l’utiliser pour la chasse sportive étant donné qu’il n’existe pas de méta-modèles pour cette activité particulière.
À travers les différentes méthodes utilisées, plusieurs indicateurs économiques de bien-être sont estimés : le surplus du consommateur, la variation compensatoire, le surplus du producteur et les dépenses évitées. À part la variation compensatoire qui exprime par définition une valeur marginale, i.e. la valeur d’un changement dans le bien évalué, les autres indicateurs peuvent exprimer à la fois une valeur marginale ou la valeur de l’état actuel du bien évalué. La majorité des valeurs estimées dans cette étude sont des valeurs qui caractérisent l’état actuel des populations d’ours et non un changement du nombre d’ours. Des valeurs marginales sont estimées seulement dans le cas de la valeur de préservation et de la valeur de la chasse sportive. Étant donné que les valeurs marginales sont souvent les plus utiles pour le processus de prise de décisions publiques, la présente étude peut être utilisée comme point de départ pour l’estimation des valeurs marginales.
Le surplus du consommateur indique la valeur du bien consommé au-delà du prix payé pour l’obtenir. C’est ce qui est appelé le surplus net du consommateur. Le surplus brut du consommateur inclut le prix du bien. Le surplus net est généralement préféré au surplus brut parce que le prix payé pour le produit reflète une diminution du budget du consommateur, une diminution de la consommation d’autres biens et donc une diminution de l’utilité ailleurs (Varian, 2006).
Un indicateur économique alternatif au surplus du consommateur est la variation compensatoire, communément appelée consentement à payer. Il mesure de combien doit être diminué le budget d'une personne après la mise en place d'une amélioration environnementale pour garder son bien-être au même niveau que celui de la situation actuelle. Pour plus d'informations sur les concepts théoriques du surplus du producteur, surplus du consommateur et la variation compensatoire voir l'Annexe 1.
Le surplus du producteur indique la valeur du bien produit au-delà des coûts variables engendrés pour le produire. Si on n’exclut pas ces coûts, il y aura double comptage puisque la valeur des biens et services qui sont utilisés comme intrants ont une valeur pour d’autres activités qui les ont produits dans le reste de l’économie. Pour estimer la valeur d’un bien ou d’un service, la valeur pour le consommateur et la valeur pour le producteur doivent être pris en considération et additionnés.
Dans le cas des biens environnementaux, le producteur est la nature et la valeur qu’elle produit est souvent captée par différents agents économiques qui sont, dans la présente étude, les agences de voyages de Churchill et la communauté inuite qui organise la chasse sportive. Ainsi, l’indicateur de bien-être appelé « surplus du producteur » devrait s’appeler dans ce cas « surplus des agents économiques qui bénéficient de la valeur créée par la nature ». Pour simplifier la présentation et garder le langage standard de la théorie économique nous utilisons la notion du surplus du producteur.
Dans le cas de l’économie de subsistance, l’absence du marché ne permet pas l’estimation du surplus du consommateur et du producteur. Nous avons utilisé à la place les dépenses évités, i.e. les coûts que les Inuits devraient supportés s’ils ne consommaient pas la viande d’ours mais la remplacerait avec une viande substitut (comme le bœuf) vendue dans leur village.
Le Tableau 2 résume les indicateurs économiques de bien-être utilisés pour les quatre valeurs estimées en termes monétaires. Ainsi, le surplus du consommateur est utilisé pour estimer la valeur attribuée par les visiteurs à l’observation des ours polaires dans leur milieu naturel. Pour la valeur de préservation et la valeur attribuée par les chasseurs sportives à cette activité nous utilisons le consentement à payer, estimé par la méthode du transfert d’avantages. Les dépenses évitées sont utilisées pour estimer la valeur de la viande d’ours consommée par les Inuits. Finalement, le surplus du producteur est l’indicateur qui fournit de l’information sur la valeur des peaux d’ours chassés par les Inuits, la valeur de la chasse sportive pour la communauté inuite et la valeur de l’observation des ours polaires dans leur milieu naturel pour les agences de voyage de Churchill.
Quatre valeurs en lien avec les différents usages des ours polaires du Canada ont été estimées en termes monétaires:
- La valeur de la chasse de subsistance,
- La valeur de la chasse sportive,
- La valeur de l’observation de l’ours polaire dans son habitat naturel,
- La valeur de préservation qui inclut la valeur d’existence, d’héritage, d’option et d’usage indirect (ex : valeur scientifique, éducative et valeur en tant qu’espèce symbolique).
2.2.1.1 Valeur de la chasse de subsistance
L’économie dans les communautés inuites du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest est une économie mixte qui repose à la fois sur l’économie de marché et une économie de subsistance. Damas (1972) et Wenzel (2000), dans Dowsley (2007), définissent l’économie de subsistance comme étant « un système socio-économique où la nourriture est le principal bien en circulation ». Dans le cas des communautés inuites, celle-ci est en grande partie basée sur la chasse de subsistance (Dowsley, 2007; Dowsley, 2009). L’économie traditionnelle des Inuits a connu des changements au cours du XXe siècle sous l’influence de l’économie de marché et les sources d’approvisionnement en nourriture des communautés inuites se sont diversifiées. Malgré ces changements, la chasse de subsistance, dont la chasse à l’ours polaire, continue à être pratiquée par les Inuits. La chasse de subsistance était à l’origine pratiquée à l’aide de traineaux à chiens, mais a aujourd’hui recours à de l’équipement moderne plus coûteux telle que la motoneige (utilisée pour les déplacements depuis le milieu des années 1970) ou les armes à feu (Dowsley, 2007). La chasse de subsistance revêt une importance économique, mais également une importance sociale et culturelle (Condon et al., 1995). En effet, elle offre plusieurs bénéfices autres qu’économiques aux Inuits : c’est notamment à la fois un moyen de maintenir le lien avec la terre, une activité de relaxation et de détente, une activité qui permet de perpétuer des pratiques traditionnelles inuites et constitue un élément d’intégration sociale au sein de la communauté (Condon et al., 1995).
La chasse à l’ours polaire est la chasse la plus prestigieuse selon les Inuits et le chasseur d’ours était traditionnellement un exemple à suivre pour l’ensemble de sa communauté (Sandell et Sandell, 1996). Cette chasse est toutefois très encadrée. En 1973, les cinq pays abritant des populations d’ours polaires[10] signèrent une entente, the Agreement on Conservation of Polar Bears (Lentfer, 1974, dans Wenzel, 2004) afin de gérer collectivement les populations d’ours polaires dans un but de conservation. La chasse à l’ours polaire est interdite au Canada sauf lorsqu’elle est pratiquée ou encadrée par les autochtones, majoritairement par les Inuits Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, elle est contrôlée par un système de quotas qui limite le nombre d’ours pouvant être chassés par an dans chaque communauté. Elle est autorisée au Québec et en Ontario, où elle est notamment pratiquée par les Crees, bien qu’aucun système de quota n’existe dans ces deux provinces. Elle est en revanche interdite au Manitoba. Les Inuits canadiens sont les seuls à disposer d’un quota d’ours polaires à des fins à la fois de chasse de subsistance et de chasse sportive (Wenzel, 2004), contrairement aux chasseurs Inuits-Inupiaq en Alaska et au Groenland, qui disposent de quotas uniquement pour la chasse de subsistance. Chaque communauté inuit au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, territoires qui abritent à eux seuls 90 % de la population d’ours polaires au Canada (Nunavut Department of Environment, n.d.), dispose d’un quota annuel. Ces quotas ont été établis au départ en tenant compte notamment de données historiques sur le commerce de fourrures dans chaque communauté (Wenzel, 2004) ainsi que de la population locale d’ours polaires dans la zone concernée. Dans certains cas, les quotas furent également ajustés en fonction des besoins économiques des communautés inuites (Scheweinsberg, 1981, dans Dowsley, 2007).
La distribution des quotas au sein d’une communauté se fait sous forme de vignettes, ou tags. La gestion et la distribution des tags varient d’une communauté à l’autre. Les tags sont en général octroyés à l’organisation des trappeurs et des chasseurs (Hunters’ and Trappers’ Organisation) de la communauté, qui se charge ensuite de les gérer et de les distribuer entre ses membres. L’ensemble des adultes de la communauté inuite peut être membre du HTO local (Dowsley, 2007). Le chasseur qui obtient un tag est autorisé à chasser un ours polaire. Dans certaines communautés, la vignette est attribuée par tirage au sort et est souvent attribuée pour une durée limitée, quelques jours au maximum. Si à la fin du temps imparti le chasseur n’a pas tué d’ours, la vignette est alors remise dans la loterie et quelqu’un d’autre est tiré au sort pour en bénéficier (Dowsley, 2007). Par exemple, à Qikiqtarjuaq au Nunavut, les chasseurs disposent de 24 heures pour tuer un ours une fois leur nom tiré au sort (Dowlsey, 2007). Les bénéficiaires pour lesquels la chasse s’avère infructueuse à l’issue du temps alloué doivent remettre leur permis qui est alors attribué à quelqu’un d’autre (Dowsley, 2007).
Lorsqu’un chasseur tue un ours polaire, la viande est distribuée dans l’ensemble de la communauté et pas uniquement au sein du cercle familial. Les chasseurs qui ont tué un ours polaire en tirent une grande fierté. Traditionnellement, dans la société inuite le chasseur expérimenté qui apporte de nombreux gibiers à la communauté possède un grand prestige social (Condon et al., 1995). Cette perception est toujours présente aujourd’hui. Condon et al. (1995) souligne l’importance à Holman au Nuvavuk du partage de la viande de gibier d’un point de vue idéologique, économique et d’intégration communautaire. Wenzel (1995) décrit le système inuit de partage (ningiqtuq) de ressources à Clyde River au Nunavut, son importance dans l’économie alimentaire de la communauté et la façon dont il reflète la structure sociale de celle-ci. À Clyde River par exemple, la viande d’ours polaire est ainsi fréquemment offerte à la belle-famille du chasseur.
La chasse de subsistance à l’ours polaire possède ainsi une valeur d’usage, qui correspond à la valeur des différentes parties de l’ours consommées, et une valeur de non-usage, à savoir une valeur culturelle et sociale.
La valeur d’usage de la chasse de subsistance à l’ours polaire est principalement constituée de la valeur de la viande d’ours consommée et de la peau de l’animal. La valeur d’usage comporte aussi la valeur des autres parties de l’ours qui peuvent être consommées (crâne, os, dents, etc.), mais aucun élément dans la littérature n’a permis d’estimer la valeur de ces parties. Par exemple, des dents, des griffes ou des crânes d’ours polaires sont décorés par les Crees pour être ensuite vendus aux visiteurs (Lemelin et al., 2010)
Valeur de la viande d’ours
Cette valeur a été estimée en utilisant la méthode de la valeur de substitution. Le Tableau 3présente les valeurs de la viande d’ours relevées dans la littérature. La viande d’ours est utilisée par les Inuits pour la consommation humaine et également comme aliment pour les chiens. La valeur de la viande d’un ours a été estimée dans la littérature en utilisant le prix de deux substituts possible :
- la viande de bœuf importée dans les communautés inuites : Wenzel (2008) mentionne un prix de 8,5 $/kg à Resolute (NU) et de 10 $/kg à Clyde River (NU)[11]. Le choix de la viande de bœuf comme substitut peut-être discuté. D’une part, dans certaines communautés la viande importée semble nettement moins prisée que la viande de chasse (Condon et al., 1995), ce qui peut impliquer que l’utilisation du prix du bœuf importé sous-estime la valeur de la viande d’ours polaire d’un point de vue gustatif et culturel pour les Inuits. D’autre part, dans les faits, la viande de phoque ou d’un autre gibier est un substitut plus probable de la viande d’ours que la viande de bœuf importé. Toutefois, étant donné que la viande de phoque et d’autres gibiers est obtenue aussi par la chasse de subsistance et qu’aucun prix de marché n’y est associé, le prix de la viande de bœuf apparaît comme le substitut disponible le plus pertinent à utiliser.
- La viande séchée pour chien : un sac de 25 kg de viande séchée pour chien coûte 60 $ à Taloyoak (NU) (Wenzel, 2008).
Un ours polaire représente en moyenne 140 kg de viande consommable (Freeman and Wenzel, 2006; Foote, 1967, dans Wenzel, 2008; Freeman, 2003, dans Tyrell, 2006). La viande de l’ours polaire n’est pas consommée uniquement par le chasseur et sa famille, mais est distribuée plus largement au sein de la communauté conformément aux principes de partage des Inuits. Dans les années 1970, les parties de l’ours consommées par les Inuits étaient les pattes, les côtes et le dos et il semble que ce soit toujours le cas aujourd’hui (Wenzel, communication personnelle). La proportion de la viande d’ours polaire utilisée pour la consommation humaine semble varier beaucoup d’une communauté à l’autre, certaines utilisant la viande principalement pour la consommation humaine : à Clyde River, la viande d’ours est l’une des cinq principales viandes de gibier consommées par les Inuits (Wenzel, 1995). Dans d’autres communautés, comme à Taloyoak, on la destine surtout à la consommation animale (Wenzel, 2008). À défaut d’information plus précise, il a été estimé approximativement que 50 % de la viande d’ours était utilisée pour la consommation humaine et 50 % pour nourrir les chiens.
À partir de ces informations et du nombre d’ours polaires tués annuellement pour la chasse de subsistance, estimés à 367 en 2008/2009, il a été possible d’estimer la valeur de la viande pour l’ensemble des ours polaires tués pour la chasse de subsistance au Canada pour la saison 2008/2009 (Tableau 4). Le nombre d’ours polaires tués pour la chasse de subsistance a été établi sur la base du nombre total d’ours tués par les hommes, qui était de 531 pour la saison 2008/2009 pour l’ensemble du Canada (Environnement Canada, communication personnelle), et sur la base de l’hypothèse que 69,1 % des ours tués l’ont été pour la chasse de subsistance (Dowsley, 2009)[12]. Les valeurs minimales et maximales de la viande d’ours en dollars 2009 présentées dans le Tableau 6 ont été calculées à partir des données figurant dans le Tableau 3, soit : (1) la valeur substitut minimale de 800$ observée par Freeman et Wenzel (2006) en 2001 pour la viande d’un ours destinée à la consommation humaine (2) la valeur substitut maximale de 1 400 $ observée par Wenzel (2008) en 2001 pour la viande d’un ours destinée à la consommation humaine et (3) la valeur substitut de la viande d’un ours pour consommation canine de 336 $ observée par Wenzel (2008) en 2000.
Valeur minimale | Valeur maximale | Valeur moyenne | |
---|---|---|---|
en dollars canadiens de 2009[13] | |||
Valeur de la viande d'un ours | 662 $ | 1 010 $ | 836 $ |
Valeur totale de la viande d'ours chassés pour la chasse de subsistance au Canada | 245 545 $ | 374 635 $ | 306 741 $ |
Valeur de la peau d’ours polaire
Il existe un marché pour la peau d’ours et plusieurs valeurs ont été recensées dans la littérature. La valeur brute d’une peau d’ours polaire varie entre 500 $ (Freeman et Wenzel, 2006 ; Tyrrell, 2006) et 1 200 $ (Freeman and Foote, 2009) (voir le Tableau 5).
Il est à noter que ces valeurs ont été relevées avant l’interdiction en 2008 de l’importation de peaux d’ours polaires aux États-Unis par le US Fish and Wildlife Service. Il est possible que les prix des peaux des ours chassés en 2008/2009 aient été influencés par cette nouvelle réglementation.
Le Tableau 6 présente la valeur estimée de la peau des ours polaires tués pour la chasse de subsistance au cours de la saison 2008/2009, calculée en actualisant les valeurs minimales et maximales d’une peau brute relevées dans le Tableau 5. La valeur totale a été obtenue en multipliant la valeur de la peau d’un ours par le nombre estimés d’ours tués pour la chasse de subsistance au cours de la saison, soit 367.
La valeur d’usage de la chasse de subsistance s’obtient en additionnant la valeur de la viande à celle de la peau d’ours (Tableau 7). Celle-ci varie de 440 459 $ à 830 246 $ (en dollars canadiens de 2009) pour l’ensemble du Canada pour la saison 2008/2009. Ces deux montants, minimum et maximum, de la valeur d’usage de la chasse de subsistance sont toutefois sous-estimés étant donné l’impossibilité d’estimer la valeur des autres parties consommées.
Ces valeurs sont brutes et ne tiennent pas compte des coûts endossés par le chasseur pour pratiquer la chasse de subsistance. Ces coûts peuvent se présenter notamment sous la forme de dépenses en équipement et en essence et également sous la forme d’un coût d’opportunité, lié au temps passé à pratiquer la chasse. Tyrrell (2006) identifie ainsi plusieurs aspects pouvant résulter en un coût d’opportunité de la chasse de subsistance pour les Inuits, qui découle du système d’attribution des tags par loterie. Ainsi, à Arviat (Nunavut), le système de loterie ne tient pas compte des engagements professionnels et du type d’emploi occupé par les chasseurs tirés au sort. Pour certains d’entre eux, être tirés au sort peut impliquer une perte de salaire pouvant aller jusqu’à deux jours. À cela s’ajoutent des dépenses de nourriture et d’essence (Keith, 2005, dans Tyrrell, 2006). La conséquence est que le chasseur infructueux rentre chez lui à perte, du point de vue strictement financier. Tyrrell mentionne aussi les dépenses supplémentaires supportées par le chasseur qui parvient à tuer un ours, à savoir le coût de préparation de la peau qui est d’environ 300 $ à Arviat.
2.2.1.2 Valeur de la chasse sportive
Au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, les autochtones peuvent choisir d’octroyer tout ou une partie de leurs quotas à des non autochtones pour pratiquer la chasse sportive (Nunavut Department of Environment, n.d.; Freeman et Wenzel, 2006). Dans le milieu des années 1980, le marché des peaux de phoques a chuté (Dowsley, 2007 ; Sandell et Sandell, 1996). La pratique de la chasse sportive s’est développée par la suite. Selon Dowsley (2007), il semble que cela a été un moyen pour les Inuits de compenser les pertes financières dues à l’effondrement du marché des peaux de phoques.
La chasse sportive nécessite tout comme la chasse de subsistance que le chasseur soit porteur d’une vignette, ou tag. Les vignettes sont gérées par les communautés inuites qui décident de leur mode d’attribution et du prix auquel elles sont vendues aux pourvoiries locales ou aux chasseurs étrangers. Elle est de plus encadrée par des règles spécifiques. Contrairement à la chasse de subsistance, tout transport mécanisé est interdit pour pratiquer la chasse sportive (Dowsley, 2007). Ainsi, la chasse sportive est autorisée uniquement si le chasseur se déplace à pied ou en traîneau à chiens. De plus, au Nunavut, une taxe de chasse sportive (Trophy Fee) doit être versée par tous les chasseurs non résidents qui tuent un ours afin d’avoir l’autorisation d’exporter tout ou une partie de l’animal mort à l’extérieur du Nunavut (Nunavut Department of Environment, 2010). Les chasseurs sportifs sont le plus souvent originaires des États-Unis, mais viennent également d’Europe et du Canada. Ils passent par des agences de voyages spécialisées établies aux États-Unis ou dans le sud du Canada. Ces agences travaillent en partenariat avec des pourvoiries locales installées dans les communautés inuites qui se chargent d’accueillir les chasseurs et d’organiser la partie de chasse en fournissant les accompagnateurs (guides et assistants) ainsi que l’attelage des chiens.
Valeur pour la communauté inuite
La valeur de la chasse sportive a été calculée en utilisant la méthode des prix de marché. La pourvoirie locale qui offre le service de chasse sportive joue le rôle du producteur, même si en réalité elle récupère une partie de la valeur créée par la nature, qui est le vrai producteur. Le surplus du producteur s’obtient en retranchant au revenu du producteur les coûts variables supportés par celui-ci. Le revenu de la pourvoirie locale a été calculé en additionnant le prix moyen pour la chasse à l’ours polaire encaissé par les pourvoiries locales, les pourboires versés par les chasseurs et la valeur de la viande d’ours qui est en général laissée gratuitement par le chasseur aux guides et assistants inuits (voir Tableau 8). La valeur de la viande a été comptée comme bénéfice pour le producteur, sachant que ce dernier, à savoir la pourvoirie locale, est constitué de chasseurs et de membres de la communauté. Il devient difficile dans ce cas précis de distinguer les bénéfices obtenus par la pourvoirie locale d’une part, et par la communauté d’autre part. En effet, Freeman et Wenzel (2006) notent que les guides et assistants de chasse sportive sont parmi les principaux fournisseurs de viande de gibier, qu’ils distribuent gratuitement au sein de la communauté. Ils reçoivent aussi des dons en nature de la part des chasseurs sportifs, qui sont souvent des équipements de chasse (ex. jumelles, fusils). De plus, ils sont les principaux bénéficiaires de la chasse sportive en termes de rémunération et cela leur permet de se procurer et maintenir leur équipement de chasse, souvent coûteux, ce qui en retour bénéficie indirectement à l’ensemble de la communauté.
Les salaires et le paiement de vignettes de chasse sportive ont été identifiés comme les principaux coûts variables pour le producteur et sont présentés dans le Tableau 9. D’autres dépenses, comme l’essence, font également partie des coûts variables, mais n’ont pas été quantifiées par la littérature.
La valeur d’une chasse sportive pour la pourvoirie locale, soit les revenus moins les coûts variables, est au minimum de 5 962 $ et au maximum de 13 694 $, exprimés en dollars canadiens de 2009[14].
Valeur pour les chasseurs sportifs
La valeur de la chasse sportive pour les chasseurs a été estimée à l’aide d’un transfert d’avantages, réalisés à partir de l’étude d’Asafu-Adjaye (1989), qui estime le consentement à payer en Alberta pour la chasse au grand gibier et la chasse à l’ours grizzly. En dollars de 2009, le consentement à payer par chasseur et par an est de 309 $ pour le grand gibier et de 229 $ pour l’ours grizzly.
Il apparaît probable toutefois que le consentement à payer pour la chasse à l’ours polaire soit supérieur à ces montants. En effet, il s’agit de montants annuels, car les chasseurs peuvent en général pratiquer annuellement la chasse au grand gibier et à l’ours grizzly, à l’inverse de la chasse à l’ours polaire, qui revêt un caractère exceptionnel. Pour ces raisons, le consentement à payer pour la chasse au grand gibier a été retenu pour réaliser le transfert d’avantages du consentement à payer pour la chasse à l’ours polaire. Un autre élément, qui pourrait avoir cette fois un impact négatif sur le consentement à payer pour la chasse à l’ours polaire, est la perception négative de cette chasse aux yeux du grand public en raison de l’image charismatique de l’ours polaire.
La valeur totale d’une chasse sportive s’obtient en additionnant les valeurs pour la pourvoirie locale et pour les chasseurs sportifs (voir Tableau 10 pour les résultats).
Le pourcentage de vignettes attribuées à la chasse sportive a augmenté régulièrement au cours des dernières décennies. Il était inférieur à 1 % dans les années 70 et atteignait 15 % dans les années 90 (Freeman et Wenzel, 2006). Environ 20 % des quotas de chasse d’ours polaires dont disposent les Inuits du Nunavut sont attribués aujourd’hui à la chasse sportive (Dowsley, 2007; Wenzel, 2008). D’après Waters et al. (2009), le nombre de vignettes de chasse sportive vendues au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest est estimé en moyenne à 132 par an pour la période 2000-2008. Nous avons utilisé ce chiffre pour estimer la valeur totale de la chasse sportive pour l’ensemble de ces deux territoires, qui s’élèverait au minimum à 827 695 $ et atteindrait au maximum 1 848 368 $ (dollars 2009). La valeur moyenne s’élève à 1 338 031 $. La valeur de la chasse sportive est très faible par rapport au PIB des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, toutefois Waters et al. (2009) a montré qu’elle peut représenter un pourcentage important du total des revenus dans certaines communautés. Ce serait ainsi le cas dans les communautés de Grise Fiord, Resolute et Sachs Harbour, au Nunavut, où la chasse sportive représente 10 % à 13 % du revenu moyen des résidents de ces communautés.
2.2.1.3 Valeur de l’observation de l’ours polaire dans son habitat naturel
Des excursions pour l’observation de l’ours polaire sont présentement offertes par des compagnies de tourisme comme Churchill Wild, Lazy Bear Lodge ou Canada Experience, qui organisent des « safaris à l’ours polaire » à Churchill, au Manitoba, pour des montants allant de 3 000 $ à 8 000 $[15]. Selon les discussions auprès des personnes impliquées dans cette industrie, l’observation de l’ours polaire se passe essentiellement à Churchill. D’autres endroits existent, mais ils sont plutôt marginaux en raison du nombre de visiteurs. Il y a aussi des croisières organisées dans le Grand Nord qui offrent l’opportunité d’observer des ours polaires, mais elles ont été écartées parce que l’activité d’observation de l’ours polaire demeure marginale dans l’ensemble des activités offertes par ces croisières (ex. : observation de baleines, d’aurores boréales).
Deux des compagnies qui organisent des excursions d’observation de l’ours polaire dans les environs de Churchill, notamment Churchill Wild et Lazy Bear Lodge, nous ont fourni de l’information sur le nombre de touristes par ville de résidence. Cette information nous a permis d’extrapoler la distribution des touristes par ville de résidence à l’ensemble des touristes qui arrivent à Churchill pour voir les ours polaires et d’appliquer la méthode des coûts de transport (l’approche par zones de coûts de transport) pour estimer le surplus du consommateur de l’activité d’observation des ours polaires dans le nord du Manitoba.
Nous avons appliqué la méthode des coûts de transports séparément pour les visiteurs du Canada et pour les visiteurs étrangers. La raison de cette approche est que nous avons voulu obtenir une valeur spécifique aux visiteurs canadiens.
Les principales étapes du calcul sont présentées à l’Annexe 2. On arrive ainsi à des valeurs de 400 $/visiteur/année pour les Canadiens et 600 $/visiteur/année pour les étrangers. Les valeurs agrégées s’élèvent à 1,3 M$/année et respectivement 3,5 M$/année (voir Tableau 11). Elles ont été obtenues en multipliant la valeur individuelle par le nombre annuel de touristes canadiens (3 455) et respectivement étrangers (5 946) à Churchill, d’octobre à décembre. Ces données nous ont été fournies par Travel Manitoba et représentent la moyenne des années 2006 à 2008.
Miller (1995) estime le surplus brut de l’observation des ours en Alaska (grizzly, noir ou polaire) à 485 $/personne/année. Ce montant inclut les coûts de transport, mais étant donné que la population en question est surtout constituée de résidents de l’Alaska, ces dépenses ne sont pas élevées. En dollars 2009, ce montant s’élève à environ 650 $/personne/année, ce qui est proche de nos estimations (400 et respectivement 600 $/personne/année).
2.2.1.4 Valeur des visites aux jardins zoologiques
Les ours polaires comptent parmi les animaux préférés des jardins zoologiques. Le cas de l’ours Knut, né en 2006 dans le zoo de Berlin, a retenu l’attention médiatique, car il était le premier à naître en captivité depuis 30 ans. Sa naissance a considérablement augmenté les revenus du jardin zoologique de Berlin les années suivantes.
Estimer la valeur que les gens associent aux ours polaires des jardins zoologiques s’avère très difficile étant donné la multitude d’espèces qui se trouvent dans un jardin zoologique. Le changement dans les revenus du zoo de Berlin suite à la naissance de Knut peut être un indicateur de cette valeur, mais un tel évènement n’est pas survenu au Canada et, de plus, l’augmentation des revenus de ce zoo reflète plutôt la valeur d’un évènement hors du commun, unique, que la valeur de la présence régulière des ours dans les jardins zoologiques.
Le cas particulier d’un jardin zoologique à Cochrane, en Ontario, le « Polar Bear Habitat & Heritage Village », aurait pu permettre d’obtenir une estimation d’une telle valeur puisqu’il n’y a que des ours polaires. Une estimation de la valeur pour les visiteurs de ce zoo en particulier aurait pu être obtenue en utilisant la méthode des coûts de transport, comme dans le cas de l’observation à Churchill. Or, l’information nécessaire sur le nombre de visiteurs par province de résidence n’était pas disponible et par conséquent, il faut se contenter de souligner que cette valeur est potentiellement importante.
2.2.1.5 Valeur symbolique
Les ours polaires sont devenus l’un des principaux symboles des changements climatiques et sont présentés comme des victimes sans défense affectées par les changements dans leur habitat. L’utilisation de telles images peut avoir une valeur indirecte dans la mesure où elle permet aux organisations qui les utilisent d’organiser des levers de fonds auprès du public (Wiley-Blackwell, 2010).
L'ours polaire est notamment le symbole du programme « Cercle polaire » du WWF-Canada. En 2010, la campagne « Ours polaires sur glaces éphémères » qui avait pour but de sensibiliser la population canadienne à l'urgence de lutter contre les changements climatiques, présentait au public un ours polaire sculpté dans de la glace qui fondait progressivement pour ne laisser que son squelette métallique[16].
L’utilisation de l’image de l’ours polaire ne se limite pas au contexte des changements climatiques et apparait dans de nombreuses autres situations. L’ours polaire est utilisé comme emblème par des marques, comme la bière québécoise Boréale et également par les institutions, telles la pièce de deux dollars canadien à l’effigie de l’ours polaire et les plaques minéralogiques du Nunavut qui sont en forme d’ours polaire. Au Québec, de nombreux magasins utilisent son image en vitrine pour attirer les clients. La fête des neige, fête familiale annuelle qui a lieu à Montréal, présentait un ours polaire suspendu à une tyrolienne sur les affiches publicitaires de son édition 2011 et une peau ainsi qu’une tête d’ours polaire véritables étaient exposées à la fête. De grands groupes tels que Nissan et Coca-cola mettent en scène l’ours polaire dans des annonces publicitaires télévisées. Par exemple, dans une publicité pour la voiture électrique Nissan Leaf en 2010, l’ours confronté aux changements climatiques voyage depuis la banquise pour venir remercier le propriétaire d’une Nissan Leaf d’avoir choisi un véhicule éco-responsable.
S’il est évident que plusieurs acteurs de la vie économique et sociale tirent profit de l’image symbolique de l’ours polaire, il est moins évident de déterminer le niveau de cette valeur. Par exemple, dans quelle mesure l’utilisation de l’ours polaire dans la publicité de Nissan Leaf a augmenté sa part de marché? L’utilisation de la sculpture en glace représentant un ours polaire dans la campagne publicitaire « Ours polaires sur glaces éphémères » a-t-elle modifié l’opinion publique vis-à-vis des changements climatiques? Les nombreux exemples de l’utilisation de l’image symbolique de l’ours polaire montrent l’importance de cette valeur mais sa quantification reste un défit.
2.2.1.6 Valeur scientifique et éducative
Puisqu’il est au sommet de la chaîne alimentaire, certains renseignements sur l’ours polaire, par exemple l’épaisseur de la couche de croissance des dents, fournissent de l’information indirecte sur l’état de l’habitat et la productivité de la chaîne alimentaire. De plus, l’ours polaire fait partie des animaux étudiés par la science appelée « biomimétisme » qui cherche à trouver des solutions techniques en s’inspirant de la nature. Par exemple, la fourrure de l’ours polaire est semblable à une fibre optique et l’aide à capter la chaleur au maximum. Des recherches sont ainsi menées sur la capacité d’isolation thermique de la peau d’ours polaire pour des applications potentielles à l’isolation des bâtiments. Cette propriété a également des applications dans l’industrie textile, où des recherches sont faites pour produire des textiles imitant le poil d’ours polaire et ayant des propriétés isolantes accrues contre le froid (Textile Magazine, 2008).
L’estimation de la valeur à des fins scientifiques représente un réel défi. Est-ce que la valeur de l’ensemble des innovations obtenues grâce aux recherches réalisées sur les ours polaires peut constituer un indicateur de leur valeur scientifique étant donné que la valeur d’une innovation dépend d’une panoplie d’autres facteurs ? Une partie de la valeur des innovations peut être représentée, par exemple, par la valeur de la créativité humaine. Est-ce que les fonds alloués à la recherche sur les ours polaires représentent un meilleur indicateur de la valeur scientifique des ours polaires? Est-ce que le manque de fonds alloués à la recherche implique une valeur scientifique nulle ?
Étant données les difficultés méthodologiques entourant l’estimation de la valeur scientifique, nous ne pouvons pas estimer cette valeur en termes monétaires. Par contre, nous présentons quelques informations sur les fonds publics consacrés présentement à la recherche de l’ours polaire au Canada. Ainsi, le gouvernement canadien consacre 5 M$ pour les cinq prochaines années pour la recherche liée directement à l’ours polaire[17]. Les thématiques priorisées sont les suivantes:
- Le lien entre les changements climatiques et l’habitat de l’ours polaire;
- Élaboration de techniques de surveillance rentables et moins envahissantes pour les populations d’ours polaires;
- Amélioration de la délimitation des sous-populations canadiennes d’ours polaires;
- Intégration du savoir écologique traditionnel et de la science occidentale.
Le montant de 5 M$ sur cinq ans ou l’équivalent de 1 M$/année si on suppose que la tendance continuera dans le futur, pourrait être interprété comme le montant minimum que les Canadiens sont prêts à consacrer, via le gouvernement qui les représente, pour améliorer les connaissances sur l’ours polaire et sa contribution à notre bien-être. Ce montant global revient à 8 cents/ménage/année.
L’ours polaire possède également une valeur éducative. Son image est utilisée dans de nombreux livres pour la jeunesse, en particulier dans les livres destinés à la petite enfance. Il apparaît dans de nombreux contes pour enfants, inspirés ou non de légendes Inuits. Il est très souvent utilisé pour illustrer les régions polaires dans les livres de géographie pour la jeunesse. Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) classe la valeur éducative et scientifique parmi les valeurs culturelles (MEA, 2005, dans Chevassus-au-Louis, 2009).
2.2.2.1 Valeur de préservation
Au Canada, aucune décision n’a encore été prise en ce qui concerne l’inscription de l’ours polaire sur la liste des espèces en péril, mais le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) estime que la population d’ours polaires du Canada est « préoccupante ». La réévaluation de 2008 confirme ce statut. De plus, l’état préoccupant de l’ours polaire est très médiatisé, de sorte que la plupart des gens sont plus ou moins inquiets quant à son avenir. L’ours polaire a été désigné comme espèce « menacée » aux États-Unis en 2008 et une superficie plus grande que celle de la Californie a été protégée en Alaska en 2010 dans le but de préserver l’habitat critique de l’ours polaire.
Aucune étude n’existe sur la valeur de préservation de l’ours polaire (IEC et Northern Economics, 2010). Comme la durée et le budget du présent mandat ne permettent pas la réalisation d’une étude primaire, nous utilisons la méthode du transfert d’avantages pour estimer cette valeur. Plus précisément, la méta-analyse de Richardson et Loomis (2008) est utilisée, car elle porte spécifiquement sur les espèces en péril.
Il est important de mentionner que le modèle de Richardson et Loomis (2008) estime la valeur économique totale des espèces en péril tandis que notre objectif est d’estimer surtout la valeur de préservation (valeur d’existence, d’héritage et d’option principalement). Le modèle permet d’éliminer la valeur de récréation en attribuant la valeur 0 à la variable indicatrice VISITOR, mais ne permet pas de distinguer les valeurs d’usage indirect comme la valeur scientifique, la valeur éducative ou la valeur en tant qu’espèce symbolique. Le résultat inclut donc la valeur scientifique, la valeur éducative et la valeur en tant qu’espèce symbolique. Nous appelons quand même cette valeur « valeur de préservation » parce que c’est la composante dominante de la valeur économique totale des espèces en péril. Pour une description du modèle estimé par Richardson et Loomis (2008) voir l’Annexe 3.
Le calcul détaillé du consentement à payer est décrit à l’Annexe 4. Le Tableau 12 présente les variables du modèle, leurs coefficients et les valeurs utilisées pour le transfert de la valeur aux ours polaires. Les variables méthodologiques (le taux de réponse du sondage, ln RESPONSERATE et la variable indicatrice MAIL) reçoivent la valeur moyenne des métadonnées tandis que les autres variables sont fixées à des valeurs spécifiques aux ours polaires, de la façon suivante :
- L’année de l’étude est fixée à 2006 puisque le méta-modèle est estimé à partir de valeurs exprimées en dollars 2006;
- La variable ln CHANGESIZE reçoit la valeur ln(100) (i.e. 4,605) parce qu’on veut estimer le consentement à payer des Canadiens pour la préservation de l’ensemble de la population actuelle d’ours polaires. Autrement dit, on estime de cette façon la volonté à payer pour éviter une perte de 100 % de la population des ours polaires;
- Généralement, le consentement à payer pour éviter une diminution de la population est plus grand que le consentement à payer pour une augmentation de la population. Par contre, le modèle ne permet pas de distinguer entre ces deux situations;
- La variable VISITOR reçoit la valeur 0 car on ne veut pas estimer la valeur d’observation des ours polaires. On vise uniquement la valeur de préservation (valeur d’usage passif)[18];
- Les variables FISH et BIRD prennent la valeur 0 parce que les ours polaires ne sont pas des poissons, ni des oiseaux. Par contre, la variable MARINE prend la valeur 1 parce que l’ours polaire est plus souvent qu’autrement considéré comme un mammifère marin. Pour que la valeur estimée soit plus spécifique aux ours polaires, on aurait dû avoir une variable indicatrice MAMMAL étant donné que la valeur de l’ours est plus proche de celle des mammifères que de l’ensemble des espèces marines parmi lesquelles on peut compter les méduses, le krill, etc. L’absence de cette variable suggère que la valeur estimée est plutôt une limite inférieure de la valeur de préservation, car on s’attend à ce que la valeur de préservation des mammifères soit plus importante que celle des espèces marines en général;
- La variable CONJOINT indique si la méthode d’estimation utilisée est l’expérimentation par le choix (choice experiment) ou l’évaluation contingente classique. Elle a un impact positif très élevé sur la valeur estimée. Pour éliminer cet effet excessif spécifique à la méthode d’évaluation utilisée, la variable CONJOINT prend la valeur 0;
- La variable CHARISMATIC prend la valeur 1 parce que l’ours polaire est une espèce charismatique.
Les résultats sont présentés au Tableau 13 en dollars 2009. Ainsi, un ménage canadien est prêt à payer 508 $ chaque année pour éviter une perte de l’ensemble des ours polaires du Canada. Au niveau de tous les ménages canadiens, ce montant s’élève à 6 085 M$/année. Comparé aux valeurs estimées pour d’autres espèces en péril, ce montant peut sembler élevé. Par exemple, la volonté à payer pour le rétablissement du béluga de l’estuaire du Saint-Laurent du statut « menacé » jusqu’au statut « préoccupant » s’élève à 107 $/ménage/année (Olar et al., 2006). La différence s’explique partiellement par le fait que les 508 $ visent un changement plus important dans la population de l’espèce (éviter la perte à 100 % de la population). Si le changement dans la population diminuait de 100 % à 50 %, la volonté à payer diminuerait elle aussi à environ 278 $. D’autre part, la différence peut s’expliquer par le fait que l’ours polaire semble plus médiatisé que le béluga, même si ce dernier représente aussi une espèce charismatique.
Valeur individuelle | Valeur agrégée au niveau du Canada |
---|---|
508 $/ménage/année | 6,320 M$/année |
L’ours polaire (nanuq en inuktitut) joue un rôle important dans la culture, l’art et la spiritualité des peuples inuits. La mythologie inuit évoque l’esprit Nanuq comme étant le chef des ours blancs qui décide si les chasseurs ont respecté les rites de la chasse à l’ours polaire. L’âme de l’ours polaire est considérée comme particulièrement puissante et dangereuse (Randa, 1986; Germain, 1995). Un ours peut également être habité par l’âme d’un Inuit.
La relation qu’entretiennent les Inuits avec les ours polaires est omniprésente dans leurs légendes. Ils sont nombreux, en effet, dans les légendes inuites à être dotés de parole. Certains thèmes reviennent régulièrement dans ces légendes, par exemple l’adoption d’un bébé ours polaire (cub) par un Inuit (Bennett et Rowley, 2004). Une autre légende explique que la constellation des pléiades représente un ours polaire cerné par une meute de chiens. Les légendes évoquent régulièrement la transformation d’ours polaires en Inuit et vice-versa. Elles sont illustrées par l’art inuit au travers de sculptures en pierre ou en os. Les croyances des Inuits en lien avec l’ours polaire sont une importante source d’inspiration de leur art.
L’ours polaire est considéré par les Inuits comme étant un animal égal à l’humain. Tout comme l’Homme, il se trouve au sommet de la chaîne alimentaire en Arctique et représente le symbole du lien entre les hommes et leur environnement (Dowsley, 2009). Ses capacités sont proches de celles de l’Homme. Randa (1986) suggère même que les techniques de l’ours polaire pour chasser et s’abriter ont pu inspirer les premiers Inuits à développer leurs techniques de chasse aux phoques ou encore pour la construction d’igloo.
L’ours polaire et l’Homme communiquent entre eux, et l’ours aurait la capacité de comprendre et de lire dans les pensées des Inuits. Il est vu comme un être doté de sentiments et d’une conscience, et inspire un grand respect aux Inuits. Par exemple, l’ours, au même titre que l’homme, peut décider d’engager ou non une chasse. Ce qui signifie que l’ours polaire joue un rôle actif dans le déclenchement d’une chasse, mais peut également ressentir lorsque l’homme ou la communauté a une attitude irrespectueuse envers lui et y répondre alors négativement.
La valeur culturelle accordée par les Inuits à l’ours polaire n’est pas une valeur quantifiable. Throsby (2003, p. 279) définit la culture comme « l’ensemble des croyances, traditions, coutumes, etc., qui identifient un groupe et lie les membres de ce groupe entre eux ». Il note que la valeur culturelle d’un bien n’est pas identifiable en relation avec les individus, mais en relation avec le groupe qui possède cette culture. L’importance idéologique que revêt l’ours polaire pour les Inuits est difficile à cerner (Wenzel, 2004) et est encore moins quantifiable en termes monétaires. Toutefois, la valeur culturelle accordée par les Inuits à l’ours polaire transparaît beaucoup au travers de la pratique de la chasse.
Valeur culturelle et sociale de la chasse pour les Inuits
Pour les Inuits, la chasse est un moyen de maintenir la relation qu’ils entretiennent avec les ours polaires, relation dans laquelle les ours peuvent décider eux-mêmes d’engager ou non une chasse. La relation ours-Inuit est basée sur le respect et traditionnellement les Inuits ne doivent pas tuer plus d’ours que ce dont ils ont besoin pour assurer leur subsistance (M.A., Quikiqtarjuaq Elder, entretien informel, 2004, dans Waters et al., 2009). D’après Wenzel, (2008, p. 88) « le fait que les Inuits allouent un nombre bien moins grand de quotas à la chasse sportive que ce qui leur est possible est une évidence claire que la chasse à l’ours polaire dans un but de subsistance est bien plus importante que la somme maximale pouvant être générée par un permis ». Selon Dowsley (2007), l’objectif de la chasse de subsistance n’est pas purement économique, mais viserait également au maintien de la relation entre les ours et les Inuits ainsi qu’à perpétrer les connaissances des chasseurs inuits d’une génération à l’autre. La pratique de la chasse est également un moyen pour les Inuits de maintenir les relations sociales au sein de leur propre communauté par le biais du partage (Freeman et Wenzel, 2006; Dowsley, 2007). La valeur culturelle de la chasse ne se limite pas à la chasse de subsistance. L’obligation de se déplacer en traineau à chiens ou à pied pour pratiquer la chasse sportive est un moyen de maintenir les connaissances traditionnelles des Inuits dans ce domaine. Cette obligation a permis de réintroduire des attelages de chiens de traineaux dans certaines communautés et contribue également à transmettre ces connaissances aux jeunes chasseurs (Freeman et Wenzel, 2006 : Waters et al., 2009).
La transmission de savoir entre les générations au travers de la pratique de la chasse revêt une valeur éducative et sociale qui demeure importante malgré l’évolution économique et sociale des communautés inuites au cours des dernières décennies. La chasse de subsistance, d’une manière générale, est moins pratiquée par les jeunes Inuits que par leurs aînés. Ces derniers le déplorent, tels que le montrent les extraits d’entrevues réalisées auprès des aînés de la communauté d’Holman par Condon et al. (1995). Les jeunes, de leur côté, ont souvent participé à des chasses avec leur père lorsqu’ils étaient enfants et même ceux qui ont abandonné la chasse sont nombreux à sembler nostalgiques de ces moments ou, du moins, à en garder de bons souvenirs. Bien que la hiérarchie sociale soit de plus en plus déterminée par le niveau des salaires, la pratique de la chasse de subsistance demeure une source de fierté. À Holman, les chasseurs les plus actifs sont aussi ceux qui ont les meilleurs emplois au sein de la communauté et Condon et al. (1995) semble suggérer que pratiquer la chasse, au même titre qu’occuper un emploi bien rémunéré, reflète plusieurs valeurs positives telles que la motivation, le caractère actif des individus et leur implication dans leur communauté. En outre, la distribution de la viande de chasse au sein de la communauté renforce l’identité inuite, en plus de partager des aliments nutritifs et très valorisés sur le plan culturel (Kishigami, 2008). En ce sens, la chasse de subsistance peut être décrite comme un but à atteindre en soi et non comme un moyen de subsistance, tel que l’avance Fienup-Riordan (1983) dans Kishigami (2008).
Les Inuits ont la possibilité d’attribuer une partie ou l’ensemble de leur quota de chasse d’ours polaire à des chasseurs non inuits et non-résidents de la communauté, qui pratiquent la chasse sportive[19]. Environ 20 % des quotas de chasse d’ours polaires dont disposent les Inuits du Nunavut sont attribués à la chasse sportive (Dowsley, 2007; Wenzel, 2008). Ce pourcentage est plus élevé dans certaines communautés (Resolute Bay, Clyde River, NU) où la chasse sportive est pratiquée depuis plus longtemps que dans les autres communautés et où le quota de permis est relativement important (Dowlsey, 2007). Ainsi, à Resolute, le nombre de vignettes est élevé par rapport au nombre de chasseurs de la communauté (165 résidents et 35 vignettes en 2001), et les chasseurs inuits sont assurés de recevoir régulièrement une vignette pour la chasse de subsistance, contrairement à ce qui se passe dans d’autres communautés (Freeman et Wenzel, 2006). Cela peut expliquer le pourcentage élevé de vignettes attribuées à la chasse sportive par cette communauté (20 sur 35 en 2001). D’une manière générale, d’après les données sur la chasse sportive au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest mentionnées dans Waters et al. (2009) de 2003/2004 à 2007/2008, 63 % des communautés n’offrent jamais ou rarement de vignettes de chasse sportive (Waters et al., 2009).
Les communautés pourraient cependant décider d’attribuer plus de tags à la chasse sportive et trouveraient acquéreurs, car il existe une liste d’attente de plusieurs années pour obtenir un permis de chasse sportive (Wenzel, 2005, dans Dowsley, 2007; Waters et al., 2009). Freeman et Wenzel (2006) relèvent également cet excès de demande de tags pour la chasse sportive par rapport à l’offre existante. Ils précisent que la liste d’attente peut atteindre jusqu’à cinq ans et que le prix de la chasse sportive à l’ours polaire augmente régulièrement (à Clyde River, ce prix a augmenté de 21 % entre 1999 et 2001, mais reste toutefois sous-estimé). Cependant, ils considèrent que le nombre de vignettes attribuées à la chasse sportive restera limité, car les Inuits sont réticents à réduire leur droit à la chasse de subsistance.
Le fait que les Inuits décident d’attribuer seulement 20 % de leur quota à la chasse sportive montre en effet que la chasse à l’ours polaire possède une valeur culturelle plus importante que les bénéfices économiques qui découlent d’une chasse sportive (Wenzel, 2008). Les recherches de Dowsley (2007) indiquent qu’à Resolute Bay (NU) par exemple, le revenu moyen de la chasse de subsistance et de la chasse sportive était de 769,85 $ par personne en 2002-2003, alors que 20 tags sur 35 étaient attribués à la chasse sportive. Dowsley calcule que si l’ensemble du quota de la communauté était attribué à la chasse sportive, le revenu moyen par personne (pour un total de 90 chasseurs potentiels[20]) serait de 7 777,78 $, soit plus de 10 fois plus. Cela peut suggérer que les habitants de Resolute renoncent à un revenu annuel de 7 008 $ par an et par personne adulte. Resolute est une communauté aux caractéristiques particulières, étant donné son faible nombre d’habitant et son quota de chasse très élevé. Dans les deux autres communautés étudiées par Dowsley, Clyde River et Qikiqtarjuaq, le revenu par personne adulte auquel les Inuit renoncent est nettement moins élevé, de l’ordre de 800 $ par an. Toutefois, le revenu renoncé à Resolute Bay révèle l’ampleur de la valeur accordée par les Inuit à la chasse de subsistance, et montre que celle-ci dépasse de loin le seul domaine économique. Il est raisonnable de penser que la valeur culturelle de la chasse de subsistance accordée par les Inuit est la même à Resolute Bay que dans les autres communautés inuit. Dans cette hypothèse, le montant de 7 008 $ par personne adulte, pourrait être une indication du montant minimal auquel les Inuit accepteraient potentiellement de renoncer pour pratiquer la chasse de subsistance. Resolute Bay attribue pour sa part un plus grand pourcentage de tags pour la chasse sportive que les autres communautés. Cela laisse croire que le revenu auquel renoncent les Inuits pour pratiquer la chasse de subsistance est potentiellement encore plus important dans les communautés où la chasse sportive est beaucoup moins présente. Il est vrai également que le nombre de tags attribués à la chasse sportive dépend d’autres facteurs, par exemple l’accessibilité géographique de la communauté, la présence de guides de chasse qualifiés pour la chasse à l’ours polaire et la conduite de chiens de traineaux (Waters et al., 2009). En outre, les observations de Tyrell (2006) à Arviat suggèrent que si la chasse de subsistance est préférée collectivement à la chasse sportive, individuellement les chasseurs qui tirent au sort une vignette souhaitent en premier lieu avoir la possibilité de la vendre en tant que vignette de chasse sportive plutôt que de l’utiliser eux-mêmes pour la chasse de subsistance, en raison du revenu plus élevé que cela leur procure.
Tous ces éléments suggèrent que la chasse de subsistance à l’ours polaire possède une valeur culturelle très grande aux yeux des Inuits. Il demeure toutefois très délicat de quantifier cette valeur. Comme le souligne Dowsley (2004, p. 5), « les décisions prises par chaque communauté ne montrent pas la valeur monétaire de la chasse de subsistance pour les Inuits. Un tel calcul est impossible car la valeur de l’alimentation et de la culture est intangible.»
Plusieurs activités humaines liées directement à l’ours polaire sont à l’origine de retombées économiques indirectes sur d’autres secteurs d’activité. Grâce à l’affluence touristique qui résulte de l’observation de l’ours polaire dans la nature, de nombreux commerces et services de la ville de Churchill et ses environs bénéficient de retombées indirectes. Il s’agit par exemple de restaurants, de bars, de commerces d’alimentation générale, etc.
Les secteurs de la tannerie et de la taxidermie sont un exemple de secteurs bénéficiant de retombées indirectes découlant de la chasse à l’ours polaire. Les peaux d’ours polaires tués lors de la chasse peuvent être vendues brutes à des tanneurs et taxidermistes pour être transformées en divers objets, principalement des vêtements (mitaines, pantalons, etc.) et des tapis. La valeur de ces objets artisanaux varie grandement selon le circuit par lequel ils sont commercialisés. Un pantalon en peau d’ours polaire vaudrait entre 1 000 et 1 500 $, mais les prix peuvent monter jusqu’à 5 000 $ dans certains cas[21]. Une peau d’ours polaire tannée vendue aux enchères par le Fur Harvesters Auction Inc.[22] valait en 2008 et 2010 en moyenne entre 2 000 $ et 3 000 $, mais son prix peut atteindre un montant bien plus élevé. En mai 2008, une enchère a ainsi atteint la somme de 7 400 $ pour une peau d’ours polaire.
Ces différents prix permettent de conclure qu’à la valeur économique totale de l’ours polaire s’ajoute une valeur indirecte qui découle des retombées économiques des activités liées à l’ours polaire sur d’autres secteurs d’activité. Ces retombées indirectes représentent un élément important pour compléter le portrait de l’importance des ours polaires pour le Canada mais l’objectif principal de la présente étude est l’estimation de la valeur économique totale et plus précisément les valeurs directement liées aux usages (actifs et passifs) des ours polaires.
Cette section présente l’ensemble de quatre valeurs estimées en termes monétaires, agrégées pour l’ensemble du Canada. La Figure 2 présente ces valeurs agrégées par catégorie de valeur (usage actif ou passif) tandis que le Tableau 14 donne plus de détails sur la distribution de ces valeurs entre les différents agents économiques et présente aussi les valeurs unitaires (par visiteur, par ours, par chasse ou par ménage).
La valeur la plus élevée est de loin la valeur de préservation qui s’élève à 6 320 M$/année. Ce montant nous dit que les Canadiens sont prêts à payer chaque année 6 320 M$ pour s’assurer que la population d’ours polaires du Canada ne disparait pas. Une autre étude indique que les Canadiens sont prêts à payer 2 798 M$/année pour améliorer la situation des bélugas, des phoques communs et des rorquals bleus de l’estuaire du Saint-Laurent (Olar et al., 2006), ce qui représente 44 % du montant associé aux ours polaires. À titre indicatif, les 6 320 M$ représentent 1 % du revenu global des Canadiens en 2005 qui s’élevait à 625 599 M$[23].
Outre la valeur de préservation, ce montant inclut fort probablement des valeurs liées aux usages indirects tels que la valeur scientifique, éducative ou publicitaire, parce que la méta-analyse qui est à la base de son estimation repose sur la valeur économique totale de l’espèce. Le modèle permet d’éliminer la valeur de récréation et n’inclut pas la chasse, mais à part ces deux valeurs, il n’est pas possible de séparer les différentes valeurs entre elles.
La valeur d’observation de l’ours polaire dans son habitat naturel à Churchill est estimée à 7,2 M$/année dont 2,2 M$ représentent le revenu net des compagnies qui organisent des voyages d’observation de l’ours polaire à Churchill, au Manitoba, et le reste de 4,9 M$ la valeur pour les visiteurs, canadiens et étrangers, qui arrivent à Churchill pour observer et photographier l’ours polaire. Les revenus des compagnies de voyage (2,2 M$) représentent une part importante de l’économie de Churchill, soit environ 10 % de l’ensemble des revenus de ses habitants[24]. La partie dominante de la valeur attribuée par les visiteurs provient de l’étranger (72 %) car ils arrivent en plus grand nombre à Churchill et sont prêts à payer plus que les Canadiens.
La valeur de la chasse sportive arrive en troisième lieu avec 1,3 M$/année, dont une grande partie représente les revenus nets des communautés inuites qui offrent une partie de leur quota à des non-résidents canadiens, américains et européens (1,2 M$, voir Tableau 14). La valeur pour les chasseurs est beaucoup plus petite comparée aux revenus nets des pourvoiries locales (0,04 M$ par rapport à 1,2 M$) principalement à cause du faible consentement à payer individuel des chasseurs sportifs (309 $/chasseur/année). Ce montant est fort probablement plus élevé en réalité parce que notre estimation reprend la valeur calculée dans l’étude Asafu-Adjaye et al. (1989) pour le grand gibier sans l’ajuster au contexte spécifique de l’ours polaire, dont la chasse est beaucoup plus un événement unique dans la vie d’un chasseur qu’une activité annuelle. De plus, l’étude mentionnée considère uniquement les chasseurs canadiens, tandis que dans le cas de l’ours polaire beaucoup plus d’étrangers s’y intéressent et, comme dans le cas de l’observation, ils sont généralement prêts à payer plus que les Canadiens.
La chasse de subsistance arrive en dernier lieu avec 0,6 M$/année, représentant la valeur de la peau et de la viande d’ours consommées ou vendues sur le marché. Comparée au PIB du Nunavut, où a lieu la majorité de la chasse à l’ours polaire au Canada, la valeur de l’ensemble des chasses sportives et de subsistance représente moins de 0,1 % de celui-ci (1 497 M$ en 2008; Statistique Canada, 2009). Concernant les communautés Inuits, cette valeur ne représente pas une valeur importante en termes de revenus par rapport à l’ensemble des revenus de la communauté[25]. Waters et al. (2009) estime que les revenus issus de la chasse sportive varient entre 0 et 5 % des revenus de la communauté pour la majorité des villages Inuits. Dans certains cas particuliers, ce pourcentage peut augmenter à 10 – 13 % maximum.
En revanche, une autre valeur semble démontrer l’importance que les Inuits accordent aux ours polaires. Cette valeur, qui est fort probablement culturelle, démontre le renoncement de la communauté à des revenus additionnels provenant de la chasse sportive. Il est très difficile d’estimer en unités monétaires cette valeur d’autant plus que les peuples autochtones ont, comme nous l’avons évoqué précédemment, un système de valeurs très différent de celui des autres Canadiens. Nos recherches ont néanmoins permis d’établir une indication de la limite inférieure de l’intervalle où cette valeur pourrait se retrouver. C’est un indicateur dérivé des revenus auxquels les communautés inuites renoncent en n’attribuant pas l’ensemble de leurs quotas à la chasse sportive. En dépit du fait qu’elles ont la liberté d’attribuer tous les quotas à la chasse sportive et que la demande pour cette activité est très élevée (des listes d’attente existent), une partie importante reste à l’intérieur de la communauté, pour la chasse de subsistance. La communauté renonce ainsi à des revenus importants (environ 7 000 $/personne adulte dans le cas de Resolute Bay selon Dowsley (2007) car la chasse sportive est beaucoup plus lucrative que la chasse de subsistance. Cette attitude reflète l’existence d’une importante valeur culturelle de l’ours polaire pour les Inuits qui se situe au-delà des 133 M$[26] de revenus potentiels auxquels ils renoncent.
Figure 2 : Valeurs monétaires associées aux ours polaires du Canada, par catégorie de valeur (montants agrégés pour le Canada)
Il s’avère utile dans plusieurs situations de connaitre la distribution des valeurs associées aux ressources naturelles par province et territoire d’origine. Tout processus de décision demande une bonne compréhension des enjeux, y compris une analyse distributionnelle et les impacts sur les personnes et les agents économiques impliqués.
Pour la réalisation de cette distribution, nous avons procédé de la façon suivante :
- La valeur pour le fournisseur de services a été distribuée en fonction de la localisation des fournisseurs. Par exemple, l’ensemble des revenus nets des compagnies qui organisent des voyages pour l’observation de l’ours polaire à Churchill a été attribué au Manitoba parce que les agences se trouvent dans la localité de cette province.
- La valeur pour le consommateur a été distribuée en fonction de sa province de résidence. Par exemple, la valeur associée aux touristes du Québec qui vont voir l’ours polaire à Churchill a été attribuée au Québec.
Le Tableau 15 présente la distribution de chacune des valeurs estimées par provinces et territoires. On constate que la valeur de préservation est la seule qui se retrouve dans tous les provinces et territoires et que les montants varient proportionnellement avec les populations (le montant par ménage est identique à travers les provinces).
L’Ontario présente la plus grande valeur de préservation des ours polaires parce que c’est la province avec le plus grand nombre d’habitants. Sa valeur est plus grande que celle du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest en dépit du fait que ces territoires abritent la majorité des ours polaires du Canada et que les autochtones ont une relation particulière avec les ours polaires. Comme nous l’avons déjà mentionné, la seule raison de cette différence est le grand écart entre le nombre d’habitants parce que la valeur par ménage est identique pour tout les canadiens. D’autre part, il est possible que la valeur de préservation que chaque personne autochtone attribue aux ours polaires soit plus élevée que celle des Canadiens non autochtones mais même si c’est le cas, il reste que la population de l’Ontario est 540 fois plus élevée que celle des deux territoires ensemble. Il y a donc de fortes chances que cette différence reste élevée même s’il s’avérait qu’un autochtone valorisait davantage la conservation des ours polaires qu’un non autochtone.
Comme nous l’avons déjà précisé, la valeur de préservation individuelle est considérée identique à travers le Canada, ce qui implique que la valeur qu’un autochtone attribue à la préservation des ours polaires est la même que celle d’un non-autochtone. Cette hypothèse peut être contestée surtout parce que le système de valeurs des autochtones se distingue de celui de la majorité des autres canadiens mais une estimation de la valeur spécifique pour les autochtones n’a pas pu être réalisée parce que le méta-modèle à partir duquel l’estimation a été réalisée ne fournit aucune information spécifique aux autochtones.
Le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest affichent cependant les valeurs les plus élevées pour la chasse (1,46 M$ et respectivement 0,42 M$ pour l’ensemble des chasses sportive et de subsistance). Ce résultat correspond aux attentes étant donné que la chasse de l’ours polaire s’y déroule majoritairement. Dans le cas de la chasse sportive, la valeur pour les chasseurs n’a pas été distribuée par province parce qu’on n’a pas de l’information sur le lieu de résidence des chasseurs canadiens.
Dans le cas de l’observation de l’ours polaire dans son habitat naturel, le Manitoba se voit attribuer la plus grande valeur (2,5 M$) car Churchill est l’endroit le plus important pour cette activité au Canada. D’après les discussions que nous avons eues avec des personnes impliquées dans cette industrie, les autres sites d’observation de l’ours polaire seraient plutôt marginaux. Par conséquent, la valeur récupérée par les agences qui organisent des voyages d’observation des ours polaires est entièrement attribuée au Manitoba. Par contre, la valeur pour les visiteurs est distribuée en fonction de la province de résidence des visiteurs et on observe qu’une partie importante vient de l’étranger (3,6 M$).
Outre la valeur d’observation, les étrangers attribuent aussi une valeur de chasse et une valeur de préservation aux ours polaires du Canada. Tandis que la valeur de chasse des étrangers a été estimée à 0,03 M$/année, la valeur de préservation que les étrangers attribuent aux ours polaires du Canada reste un défi dans le cas des étrangers, étant donnée l’hétérogénéité de la population mondiale au niveau du revenu et des connaissances sur la population d’ours polaires du Canada.
On constate que les différentes valeurs associées aux ours polaires sont générées dans le Nord canadien, mais une partie importante est récupérée ailleurs au Canada et même à l’extérieur. C’est le cas de l’observation des ours polaires à Churchill (Manitoba), avec ses 7,2 M$ de valeur économique dont seulement 35 % revient à la province, le reste étant reparti entre le reste du Canada (16 %) et l’étranger (49 %). La plupart de la valeur qui revient au Manitoba est représentée par les revenus nets des agences qui organisent des voyages d’observation d’ours polaires (88 %). Dans le cas de la chasse, par contre, la quasi-totalité de la valeur reste dans les régions où elle a été générée. Par exemple, la valeur de la chasse de subsistance revient entièrement aux régions qui abritent les ours polaires et 98 % de la valeur de la chasse sportive revient aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
Chapitre 3 : Activités du Nord canadien ayant un impact potentiel sur l’habitat ou la population d’ours polaires et pouvant être affectées par un changement dans ceux-ci
Le développement des activités humaines dans le Nord canadien peut modifier la population ou l’habitat des ours polaires. Parmi les activités avec incidence potentielle sur les ours polaires, on compte l’exploration et l’exploitation minière, gazière et pétrolière, les infrastructures de transport d’énergie, la production d’hydro-électricité, les activités de défense, le transport maritime, le tourisme (lorsque la présence de touristes augmente à l’intérieur de la zone de présence probable d’ours polaires), la chasse et le développement d’établissements humains et d’infrastructures notamment à proximité des sites de reproduction. Par ailleurs, certaines activités peuvent, à leur tour, être affectées par un changement dans la population d’ours polaires, comme les activités d’observation d’ours polaires ou de chasse (de subsistance ou sportive).
Les impacts potentiels des activités humaines sur les ours polaires, ainsi que les impacts potentiels d’un changement dans la population ou du statut des ours polaires sur ces activités, seront d’autant plus intenses lorsque : la présence d’ours polaires dans un territoire est importante et que ces activités sont localisées dans des zones de présence probable d’ours polaires. Or, l’habitat principal est la surface des glaces de mer plutôt que les masses terrestres adjacentes[27]. De plus, selon M. Nick Lunn[28], expert reconnu en ours polaires, les populations d’ours polaires ne restent pas longtemps sur un même site, mais ils se déplacent en fonction de l’état des glaces.
Étant donné les contraintes de temps, une analyse détaillée des liens entre les activités humaines et la population d’ours polaires au Canada ou leur habitat, n’a pu être réalisée dans le cadre du présent mandat.
Afin d’estimer le niveau d’activité économique présente dans le Grand Nord et pouvant avoir un impact sur la population des ours polaires et inversement, un indicateur a été établi sur la base des données suivantes :
- Au Canada, 90 % de la population d’ours polaires se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le Nunavut[29];
- La zone probable de présence d’ours polaires occupe 100 % du territoire de Terre-Neuve et Labrador, le Nord des Provinces du Manitoba (soit 25% de la superficie totale de la province), de l’Ontario (15% de la superficie totale de la province environ) et du Québec (soit, environ 35% de la superficie totale de la province), environ 90 % des zones côtières du Nunavut, ainsi qu’environ 5 % des zones côtières des Territoires du Nord-Ouest et de Yukon[30];
Les valeurs de PIBprésentées ci-dessous sont un indicateur pour la zone probable de présence d’ours polaires. La formule utilisée pour son calcul est la suivante :
PIB d’une activité = {[(PIB de l’activité pour les Territoires du Nord-Ouest)*0,05 + (PIB de l’activité pour le Nunavut)*0,9]*0,9 + [(PIB de l’activité pour le Yukon)*0,05 + (PIBTerre-Neuve et Labrador + PIB Nord du Québec + PIB Nord du Manitoba + PIB Nord de l’Ontario)]*0,1}
Le tableau suivant présente une liste d’activités économiques pouvant avoir un impact sur la population ou l’habitat des ours polaires ainsi que les impacts potentiels de la diminution de la population d’ours polaires sur celles-ci.
Type d’activité | Importance des activités | Impact potentiel sur les ours polaires | Impact potentiel d‘un changement de la population d’ours polaires sur l’activité |
---|---|---|---|
Exploration et extraction de minerais métalliques et non métalliques | PIB : 1 385 millions$[32] sur 17 000 millions $ pour l’ensemble des territoires, soit (8%). Au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, cinq sites d’exploitation minière sont présents à proximité de la zone probable de présence d’ours polaires (diamants et tungstène)[33]. Tendances : Activité en progression. Projets d’exploration minière sur le territoire du Nunavut: 136 en 2007, 214 en 2008, 122 en 2009[34], dont une dizaine à l’intérieur de la zone de présence probable d’ours polaires[35]. Projets d’exploration minière sur les Territoires du Nord-Ouest : 46 projets en 2008[36] |
Impact sur l’ours polaire : Non documenté Impact sur l’habitat de l’ours polaire :Destruction / fragmentation de l’habitat[37] |
Si le nombre d’ours polaires diminuait en deçà d’un certain seuil, la législation pourrait avoir un impact sur le développement futur de ces activités lorsqu’elles se trouvent à l’intérieur des zones ciblées comme hébergeant des populations d’ours polaires à protéger. |
Extraction de pétrole et de gaz | PIB : 10 millions $[38] sur 7 000 millions $ pour l’ensemble de territoires, soit (0,1%). Au Nunavut, il existe actuellement une cinquantaine de sites d’exploration dans la zone de présence probable d’ours polaires[39]. Tendances : Diminution des volumes de production[40], mais activité d’exploration gazière et pétrolière en progression. Dans la vallée du Mackenzie et au bassin du delta du Mackenzie et de la mer de Beaufort, six nouveaux permis de prospection pétrolière et gazière ont été délivrés en 2008, pour un total de 1 200 M$[41]. Quatre nouveaux permis de prospection ont été octroyés en 2008 dans la mer de Beaufort pour un total de 2 900 M$[42]. Les développements les plus importants ont eu lieu historiquement dans la vallée du fleuve Mackenzie et dans la mer de Beaufort.[43] |
Impact sur l’ours polaire : Risque de pollution (risque d’ingestion de substances toxiques, réduction de l'effet isolant de la fourrure de l'ours et augmentation de la demande pour la nourriture pour augmenter l’apport calorique). Les possibles perturbations dans les tanières de maternage à cause des relevés sismiques ne font pas l’objet d’un consensus. Les effets du bruit sur les ours polaires et leurs proies ne sont pas connus[44]. Impact sur l’habitat de l’ours polaire :Destruction / fragmentation de l’habitat[45]. |
|
Infrastructures de transport d’énergie | PIB[46] : 0,81 M$[47] sur 20 M$ pour l’ensemble de territoires, soit (4%). Tendances : Activité en progression. Grand projet d’un gazoduc de 1 220 km dans la vallée du fleuve Mackenzie d’un coût de 16 200 M$[48]. Entre 6 200 et 8 200 emplois seront créés, selon la saison. Le développement d’infrastructures de transport d’énergie dans le Grand Nord a expérimenté une forte croissance depuis les années 70.[49] |
Impact sur l’ours polaire : Selon l’étude d’impact environnemental, l’impact sur l’ours polaire du projet de gazoduc Mackenzie serait faible : impact sur des espèces qui font partie de la chaine alimentaire de l’ours polaire et perturbations sensorielles autour du site de Niglintgak[50]. Impact sur l’habitat de l’ours polaire : Non documenté |
|
Production et distribution d’électricité | PIB: 853 M$ sur 9 000 M$ pour l’ensemble de territoires, soit (9,5%). Tendances : Fort développement. Dans le Nunavut, des études sont en cours pour déterminer le potentiel hydroélectrique sur le territoire, et plusieurs sites possibles ont été identifiés[51]. Dans les Territoires du Nord-Ouest, deux nouveaux projets de production d’hydro-électricité étaient prévus en 2008[52]. Le Projet Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert de transport d’énergie électrique dans le secteur de la Baie-James est évalué à 4 900 M$.[53] Des investissements importants ont été faits dans des projets de production d'hydroélectricité au Nord du Manitoba (1 700M$) et du Québec (8 200 M$). |
Impact sur l’ours polaire : Les études d’impacts consultées ne font pas référence à un possible impact sur les ours polaires. Impact sur l’habitat de l’ours polaire : Non documenté |
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Établissements humains, expansion des villes et développement d’infrastructures | Développement d’infrastructures et d’établissements humains dans la vallée du fleuve Mackenzie et dans les zones côtières principalement[54]. Au total, une centaine d’établissements humains se trouvent à l’intérieur ou à proximité des zones de présence probable d’ours polaires au Canada. Dans le Nunavut, une trentaine d’établissements humains sont présents à proximité ou à l’intérieur de la zone la plus probable de présence d’ours polaires au Canada[55], dont une douzaine à l’intérieur ou à proximité des zones de maternage[56]. Densité de population faible (0,01 habitants/km² au Nunavut, 0,03 habitants/km² dans les Territoires du Nord-Ouest, 0,06 dans le Yukon, 0,02 dans le Nunavik – Nord du Québec et 0,11 dans le Labrador) [57]. Tendances : Croissance de la population, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest (>50 000 personnes d’ici 25 ans)[58] |
Impacts sur l’ours polaire : Les ours polaires présenteraient une bonne tolérance aux activités humaines à proximité des tanières de maternage[59]. Une plus grande proximité d’établissements humains peut augmenter également le risque de rencontres avec l’ours polaire et par conséquent, le risque de situations où la négligence ou l'ignorance peuvent entraîner la mort d'un ours polaire[60] Impact sur l’habitat de l’ours polaire :Destruction / fragmentation de l’habitat |
|
Activités de la défense nationale | PIB : 12,6 M$[61] sur 110 M$ pour l’ensemble de territoires, soit (11,5 %). Pas d’information sur la localisation des activités de défense (à l’intérieur ou à l’extérieur des zones de présence probable des ours polaires) Tendances : Le PIB des activités de défense a augmenté d’environ 20 % de 2000 à 2007 |
Impacts sur l’ours polaire : Les effets du bruit sur les ours polaires et sur leurs proies ne sont pas connus[62]. Possibles perturbations dans les tanières de maternage à cause de vibrations. Les ours polaires présenteraient une bonne tolérance au trafic aérien et terrestre à proximité de sites de maternage en hiver et au printemps.[63]. | Impact inconnu d’un changement de la population d’ours polaires sur ces activités. |
Transport maritime | Dépenses totales de l’industrie de croisières dans la province de Terre-Neuve et Labrador (dont le marché du tourisme polaire de croisière est en pleine expansion) : 5,8 M$ en 2008. Tendances : Le niveau actuel d’activité est limité, mais des développements sont à prévoir, notamment à cause des impacts des changements climatiques sur la fonte des glaces[64]. |
Impact sur l’ours polaire : Effets sur les ours polaires inconnus. Possibles impacts négatifs des bateaux brise-glace sur l'habitat de reproduction des phoques annelés[65]. Impact sur l’habitat de l’ours polaire : Non documenté. |
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Observation | PIB : 2 millions[66]$ Tendances : Des activités de marketing sont actuellement réalisées au Canada et à l’étranger (États-Unis, Europe, Australie, Chine) pour attirer plus de touristes à Churchill, Manitoba (discussions avec des personnes de l’industrie). |
Impact sur l’ours polaire : L’observation d’ours polaires en soi n'est pas une menace directe pour les ours polaires. Toutefois, dans certaines situations la négligence ou l'ignorance peuvent entraîner la mort d'un ours polaire[67]. | La diminution du nombre d’ours polaires aurait un effet négatif sur les activités d’observation à Churchill si les visiteurs n’ont pas la garantie de voir les ours. Si, par contre, ils voient seulement un quart du nombre d’ours qu’ils voient présentement, les touristes continueront de venir à Churchill[68]. |
Chasse (sportive et de subsistance) | PIB : 1,2 M$ au Nunavut[69] Tendances : Des quotas sont établis au niveau international, distribués aux communautés et ajustés selon le contexte local. |
La chasse excessive est, par exemple, la cause directe la plus probable de la diminution de la population d’ours polaires dans le Bassin Kane et dans la Baie de Baffin[70]. | La diminution du nombre d’ours polaires aurait un effet négatif sur la chasse de par la diminution du nombre de quotas de chasse. |
La figure suivante présente, en abscisses, les activités pouvant avoir un impact sur la population d’ours polaires et en ordonnées le PIB (en millions de dollars) des activités pour la zone probable de présence d’ours polaires et pour l’ensemble du territoire.
Figure 3 : PIB des activités économiques pouvant avoir un impact sur l’ours polaire dans la zone de présence probable d’ours polaires et pour l’ensemble du territoire concerné
Les activités d’exploration et d’extraction minière sont celles qui produisent le plus haut PIB dans la zone de présence probable d’ours polaires, avec près de 1 400 millions de dollars, suivi de la production d’électricité, 853 millions de dollars de PIB (au Nord des provinces de Québec et Manitoba, notamment) et l’extraction de pétrole et de gaz (10 millions de dollars dans la zone de présence probable d’ours polaires).
La figure suivante présente le PIB des activités à l’intérieur de la zone de présence probable d’ours polaires. Nous avons extrait la production d’électricité, car les études d’impact environnemental consultées, ne mentionnent pas d’impacts des sites de production d’électricité sur l’ours polaires.
Figure 4 : PIB des activités pouvant avoir un impact sur l’ours polaire présentes dans la zone probable de présence d’ours polaires
L’extraction et l’exploration minière est de loin l’activité économique la plus importante dans la zone de présence probable d’ours polaires au Canada.
L’activité minière
L’activité minière est, comme mentionnée plus haut, un secteur économique très important à proximité de la zone de présence probable d’ours polaires (cinq sites d’exploitation minière actuellement présents - diamants et tungstène dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut) et des investissements sont réalisés pour des activités d’exploration. L’impact potentiel des activités d’exploitation et d’exploration minière concerne, selon le Conseil national de la recherche, la destruction ou la fragmentation de l’habitat des ours polaires, à cause de l’occupation de l’espace par ces sites.
La figure suivante montre les sites d’exploration et d’exploitation minière et leur localisation par rapport aux zones de présence de l’ours polaire (en vert sur la carte) et les sites de maternage (zones rayées en rouge).
Figure 5 : Activités d’exploration minière et localisation par rapport à la zone de présence probable d’ours polaires dans le Nunavut
Source : Nunavut planning Commission. Interactive map.
Actuellement, dans le Nunavut, les sites d’exploitation minière se situent à l’extérieur de la zone probable de présence d’ours polaires, mais une dizaine de projets d’exploration minière environ sont présents à l’intérieur de cette zone.
L’activité pétrolière et gazière
Quant aux activités d’exploitation pétrolière et gazière, elles sont présentes principalement au Nord de la Vallée du fleuve Mackenzie, à l’intérieur de la zone de présence probable d’ours polaires. Dans le Nunavut, l’importance de l’activité pétrolière et gazière et faible, actuellement.
Même si la tendance est à la diminution des volumes de production, car certains puits sont à la fin de leur vie productive, les activités d’exploration gazière et pétrolière sont en plein essor, et ce, à l’intérieur de la zone d’ours polaires. En effet, selon la Commission d’Aménagement du Nunavut (voir carte Figure 6 : Activités d’exploration pétrolière et gazière et localisation par rapport à la zone de présence d’ours polaires dans le Nunavut), il existe environ actuellement une cinquantaine de sites d’exploration gazière et pétrolière dans la zone de présence probable d’ours polaires.
Figure 6 : Activités d’exploration pétrolière et gazière et localisation par rapport à la zone de présence d’ours polaires dans le Nunavut
Source : Nunavut planning Commission. Interactive map.
Par ailleurs, dans la vallée du Mackenzie et au bassin du delta du Mackenzie et de la mer de Beaufort, six nouveaux permis de prospection pétrolière et gazière ont été délivrés en 2008.
La figure suivante présente, en jaune, la superficie occupée par les sites d’exploration gazière et pétrolière dans la mer de Beaufort (droits d’exploration octroyés jusqu’en 2006) et en vert les appels d’offres pour la mise en place de projets d’exploration pétrolière et gazière. En 2008, quatre nouveaux permis de prospection ont été octroyés dans la mer de Beaufort. Cependant, selon l’Association Canadienne de producteurs de pétrole[71] en mai 2010, il y avait trois plates-formes off-shore actives au Canada atlantique (Nouvelle Écosse et Terre-Neuve et Labrador). Or, Il n'y a pas, à cette date, de plates-formes actives dans la mer de Beaufort.
Figure 7 : Sites d’exploration gazière et pétrolière dans la mer de Beaufort
Source : WWF [72].
Les principaux impacts potentiels de ces activités sur les ours polaires sont la fragmentation et la destruction de leur habitat, ainsi que le risque d’accidents (déversements) qui, dans les conditions climatiques existantes dans ces zones, seraient très difficiles de traiter. Il existerait alors un risque d’ingestion par l’ours de substances toxiques qui provoqueraient une réduction de l'effet isolant de sa fourrure et une augmentation de leur demande de nourriture afin d’augmenter l’apport calorique. Par ailleurs, les possibles perturbations dans les tanières de maternage à cause des relevés sismiques ne font pas l’objet d’un consensus.
Les infrastructures de transport d’énergie
Le développement d’infrastructures de transport d’énergie dans le Grand Nord a expérimenté une forte croissance depuis les années 70, notamment dans la Vallée du fleuve Mackenzie, où il existe actuellement un projet de gazoduc.
La figure suivante présente le tracé du gazoduc Mackenzie, dont seulement la partie la plus au nord est située à l’intérieur de la zone de présence probable d’ours polaires.
Source : Office Nationale de l’Énergie[73]
Ce projet, d’un coût estimé de 16 200 M$ (dont 10% environ pour la partie pouvant avoir des impacts sur l’ours polaire), impliquera la création de 6 200 à 8 200 emplois, selon la saison.
L’étude d’impact environnemental, prévoit un impact faible du projet (phases de construction, opération et fin du projet) sur les ours polaires, qui consiste en un impact sur des espèces qui font partie de la chaine alimentaire de l’ours polaire et des perturbations sensorielles autour du site de Niglintgak. Or, selon l’IUCN, les effets du bruit sur les ours polaires et sur leurs proies ne sont pas connus.
Production et distribution d’électricité
Selon la documentation consultée, les sites de production d’électricité existants ne semblent pas avoir un impact sur les ours polaires. Par ailleurs, ni l’étude environnementale réalisée dans le Nunavut, ni l’étude d’impact environnemental du projet Projet Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert, qui précisent les impacts potentiels des projets sur la faune, ne font référence à un possible impact sur les ours polaires.
Établissements humains, expansion des villes et développement d’infrastructures
Le développement des activités industrielles (exploitation minière, gazière et pétrolière) a été accompagné d’un développement d’infrastructures et d’établissements humains dans la Vallée du fleuve Mackenzie et les zones côtières, principalement. Au total, comme présentés dans la figure suivante, une cinquantaine d’établissements humains se trouvent à l’intérieur ou à proximité des zones de présence probable d’ours polaires au Canada.
Au Nunavut, une trentaine d’établissements humains sont présents à proximité ou à l’intérieur de la zone la plus probable de présence d’ours polaires[74], dont une douzaine à l’intérieur ou à proximité des zones de maternage.
Figure 10 : Établissements humains et localisation par rapport à la zone de présence probable d’ours polaires dans le Nunavut
Source : Nunavut planning Commission. Interactive map.
Dans l’Arctique canadien, l’accroissement démographique concerne surtout les trois grands centres urbains (Whitehorse, Yellowknife et Iqaluit). Ailleurs, la densité de population est faible (0,01 habitants/km² au Nunavut, 0,03 habitants/km² aux Territoires du Nord-Ouest, 0,06 au Yukon, 0,02 au Nunavik – Nord du Québec et 0,11 au Labrador). Aussi, selon les projections actuelles, la population du Nord devrait continuer de croître dans les années à venir, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest, où elle pourrait excéder 50 000 personnes d’ici 25 ans (le développement du projet de gazoduc dans la vallée du Mackenzie serait une des principales raisons). Néanmoins, la densité de population continuera à être faible dans la zone.
Selon Amstrup (1993), les ours polaires présenteraient une bonne tolérance aux activités humaines à proximité des tanières de maternage, mais une plus grande proximité d’établissements humains pourrait augmenter le risque de situations où la négligence ou l'ignorance peuvent entraîner la mort d'un ours polaire.
Les activités de la défense nationale
La non-disponibilité de données concernant les activités de défense dans le Grand Nord, n’a pas permis d’établir un lien précis entre ces activités et la population d’ours polaires. Selon l’IUCN, les effets du bruit sur les ours polaires et sur leurs proies ne sont pas connus. D’après Polar Bears International, les ours polaires présenteraient une bonne tolérance au trafic aérien et terrestre à proximité de sites de maternage en hiver et au printemps.
Le transport maritime
Le niveau actuel du transport maritime dans le Grand Nord est limité, mais des développements sont à prévoir, notamment à cause des impacts des changements climatiques sur la fonte des glaces. Au Nunavut, par exemple, la présence des navires de croisière a augmenté ces dernières années. Dans le Passage du Nord-Ouest et la mer de Beaufort, le nombre de passages était quatre par année dans les années 1980 alors qu’il était d’une dizaine par an en 2000-2006 (brise-glace de la Garde Côtière et de la recherche, navires de croisière, navires pour l’exploration gazière et pétrolière)[75].
Les effets de l'augmentation du trafic maritime sur les ours polaires et sur leurs proies ne sont pas connus. Selon l’IUCN, les bateaux brise-glace peuvent avoir des impacts négatifs sur l'habitat de reproduction des phoques annelés, mais ces effets sont susceptibles d'être assez localisés.
L’observation d’ours polaires
L’observation d’ours polaires ne constitue pas, en soi, une menace directe pour les ours polaires. Toutefois, dans certaines situations, la négligence ou l'ignorance peuvent entraîner la mort d'un ours polaire.
La chasse
La chasse (de subsistance et sportive) génère selon Wenzel (2008) 1,2 M$ au Nunavut. Des quotas sont établis au niveau international et distribués aux communautés locales. Ces quotas sont ensuite ajustés au contexte local. Ainsi, le gouvernement du Nunavut, par exemple, vient d’annoncer que le nombre des quotas sera réduit de 105 à 65 jusqu’à 2014, pour la population de la Baie de Baffin.
Par ailleurs, la chasse peut avoir un effet négatif sur la population d’ours polaires. Par exemple, selon COSEPAC(2008), la chasse excessive est la cause directe la plus probable de la diminution de la population d’ours polaires dans le Bassin Kane et dans la Baie de Baffin.
Les impacts d’un changement de la population d’ours polaires sur les activités économiques
Il est probable que si le nombre d’ours polaires diminuait en deçà d’un certain seuil, la législation pourrait évoluer de façon à avoir un impact sur le développement futur des activités d’extraction et d’exploration minière, gazière et pétrolière, des infrastructures de transport d’énergie, de production et distribution d’électricité et le développement d’établissements humains et d’infrastructures, lorsqu’elles se trouvent à l’intérieur des zones ciblées comme hébergeant des populations d’ours polaires à protéger.
Relativement aux activités de défense et au transport maritime, il n’est pas possible de se prononcer quant à un possible impact d’un changement de la population d’ours polaires sur ces activités, car ces questions n’ont pas été documentées.
Cependant, la diminution de la population d’ours polaires aura un impact direct sur les activités d’observation. En effet, la diminution du nombre d’ours polaires aurait un effet négatif sur les activités d’observation à Churchill si les visiteurs n’ont pas la garantie de voir les ours. Néanmoins, si l’ours polaire devient une ressource « rare » cela pourrait faire augmenter le nombre de personnes souhaitant voir l’ours polaire dans son habitat naturel.
Enfin, la diminution du nombre d’ours polaires aurait un effet négatif sur la chasse, dans le sens d’une diminution du nombre des quotas de chasse pouvant être attribués aux collectivités.
Chapitre 4 : Cadre d’analyse des impacts des changements des populations d’ours polaires et de leur habitat sur l’économie et la société canadiennes
Ce chapitre répond au deuxième objectif de l’étude qui est celui de la conception d’un cadre méthodologique d’analyse des impacts socio-économiques d’un changement dans la population ou l’habitat des ours polaires. Plus précisément, il apporte des éléments de réponses à la question suivante : « Quels sont les pas à suivre pour évaluer les impacts d’une éventuelle décision d’intervention au niveau de la population ou de l’habitat des ours polaires? ». La réponse à cette question est présentée d’une manière schématique à la Figure 11.
Une très grande variété de situations peut amener le gouvernement du Canada à intervenir au niveau de la population d’ours polaires du Canada ou de leur habitat. Si le COSEPACestime une diminution des populations dans le futur, le gouvernement peut décider de prendre des mesures pour éviter ou diminuer une telle dégradation. Si, par contre, la population est en augmentation (suite à des mesures de protection antérieures ou autres), les contraintes existantes peuvent être diminuées ou enlevées. La décision d’intervention du gouvernement du Canada est influencée, d’une part, par le scénario du statut quo estimé par le COSEPACau niveau des 13 sous-populations d’ours polaires du Canada et de leur habitat, et d’autre part, par les différentes obligations internationales issues des ententes signées par le Canada.
Une fois la décision d’intervention prise et l’objectif politique fixé, une stratégie d’interventionest adoptée. À part les effets désirés sur la population d’ours polaires et leur habitat, cette stratégie aura des impacts sociaux et économiques dont il faut tenir compte. Pour identifier et estimer en termes monétaires les impacts de la stratégie d’intervention sur la société et l’économie canadiennes, les habitats et les sous-populations affectés doivent d’abord être identifiés. S’agit-il de la sous-population de l’ouest de la baie d’Hudson, de celle de la baie de Baffin ou d’une autre? Quel territoire est affecté? Les tanières, les zones de glace marine utilisées pour la chasse aux phoques ou une autre partie de l’habitat sont-elles les plus touchées par les changements climatiques? S’agit-il du nord du Manitoba, de régions spécifiques du Nunavut ou d’autres régions?
L’identification des endroits touchés par les mesures de la stratégie d’intervention est une étape essentielle à l’identification des activités économiques et des usages affectés par ces mesures. Par exemple, l’activité d’observation des ours polaires dans leur habitat naturel pourrait être affectée par une stratégie d’intervention sur les ours polaire s’il s’agit spécifiquement de la sous-population de l’ouest de la baie d’Hudson parce que la majorité des activités d’observation se déroulent autour de Churchill, au Manitoba. L’industrie minière peut être affectée si les mines se trouvent à l’intérieur de l’habitat de la sous-population visée.
Après l’identification des zones touchées par la stratégie d’intervention, une liste des activités et des usages affectés doit être dressée. Parmi les usages des ours polaires potentiellement touchés par une stratégie d’intervention, on compte la chasse sportive et de subsistance, l’observation dans leur habitat naturel, l’observation dans les jardins zoologiques, les recherches scientifiques, l’utilisation de l’image de l’ours polaire comme espèce symbolique, les activités culturelles, artistiques et spirituelles des Inuits en lien avec l’ours polaire et l’usage passif de préservation de l’espèce. À part ces différents usages, certaines activités économiques du Nord canadien peuvent aussi être affectées par une stratégie d’intervention en raison du fait que leur emplacement touche l’habitat visé. Parmi ces activités on compte l’extraction minière, l’extraction de pétrole et de gaz, les infrastructures de transport d’énergie, la production et la distribution d’électricité, les activités de défenses, le transport maritime et les établissements humains.
Une fois identifiés les usages et les activités potentiellement affectés par la stratégie d’intervention, chaque usage et chaque activité doit être analysé pour déterminer le type d’impact et sa direction. Le Tableau 17 présente une façon d’organiser les différents impacts par activité et usage. Les signes (+) et (-) font respectivement référence à un impact positif et négatif. Les exemples d’impacts du tableau sont fictifs et présentés pour fins d’illustration seulement.
Estimation des coûts et des bénéfices marginaux
L’étape suivante consiste à estimer la valeur économique des impacts identifiés au Tableau 17auxquels il faut ajouter les coûts de gestion et de mise en œuvre de la stratégie d’intervention. Dans le cas des usages directs des ours polaires, les méthodes déjà utilisées pour l’estimation des valeurs actuelles de ces usages peuvent être utilisées pour l’estimation des impacts marginaux d’une stratégie d’intervention future. Dans le cas des activités du Nord canadien, les bénéfices et les coûts marginaux engendrés par la stratégie d’intervention seront estimés en fonction du type d’intervention (contraintes ou levée de contraintes sur le fonctionnement des activités, interdictions ou levée d’interdictions de développement de certaines activités, etc.). Dans le cas des impacts indirects, comme l’impact sur le développement d’une région, la présentation qualitative remplacera l’estimation monétaire étant donnée la complexité de l’évaluation monétaire de ce type d’impact.
L’horizon temporel pour l’estimation des coûts et des bénéfices sera choisi en fonction de la nature des impacts. Par exemple, l’étude IEC et Northern Economics (2010) qui estime les impacts de la désignation d’un habitat critique de l’ours polaire en Alaska, utilise un horizon de 30 ans en raison des impacts sur l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière. Cette industrie est considérée être à son plus grand développement entre 2010 et 2039.
La valeur actualisée nette sera par la suite estimée en utilisant un taux d’actualisation en fonction de la nature des bénéfices et des coûts estimés. Par exemple, IEC et Northern Economics (2010) utilise un taux de 7 %, qui est le taux généralement utilisé par Office of Management and Budget (OMB) aux États-Unis. Le gouvernement du Canada utilise aussi le taux de 7 %. Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada recommande, par contre, que le taux de 3 % soit utilisé à la place du 7 % quand des effets intergénérationnels importants sont prévus (Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2010). Une analyse de sensibilité du taux d’actualisation peut aussi être réalisée. L’étude IEC et Northern Economics (2010) réalise cette analyse de sensibilité en comparant le taux de 7 % avec un taux de 3 % qui reflète une valeur présente plus grande des bénéfices et des coûts futurs. La même approche est retenue par Environnement Canada qui ajoute à l’analyse de sensibilité l’option sans actualisation.
Les paragraphes suivants offrent des indications sur la façon de procéder pour estimer chaque type d’impact d’une stratégie d’intervention sur le nombre ou l’habitat des ours polaires du Canada.
Impacts sur les valeurs d'usage actif et passif des ours polaires
Le chapitre 2 de cette étude réalise une estimation de la valeur économique de quatre usages des ours polaires du Canada. Des lignes directrices sur l’estimation de la valeur économique des impacts potentiels sur ces quatre usages sont présentées par la suite pour chacun des usages. Pour les usages dont la valeur monétaire n’a pas pu être estimée, des indications générales sont données sur la direction possible du changement.
Chasse de subsistance
Si la stratégie d’intervention change le nombre des quotas de chasse, une estimation du nombre de quotas de plus ou de moins doit être réalisée. Par la suite, une mise à jour des valeurs moyennes d’une peau et d’un kilogramme de viande substitut de la viande d’ours (le bœuf), estimées dans le cadre de cette étude, serait utile si l’estimation a lieu dans un futur assez éloigné. Le calcul final peut suivre exactement la démarche précisée à la section 2.2.1.1.
Chasse sportive
Deux impacts sont à estimer dans le cas de la chasse sportive : l’impact sur les communautés inuites qui attribuent une partie de leurs quotas à la chasse sportive et l’impact sur les chasseurs sportifs. Dans le premier cas, l’impact sur le nombre de quotas attribués à la chasse sportive doit d’abord être estimé. Par la suite, une mise à jour des revenus nets pour la communauté inuite, pour une chasse sportive, doit être réalisée si l’estimation a lieu dans une période plus éloignée. La valeur totale sera ensuite estimée en multipliant le changement dans le nombre de quotas attribués à la chasse sportive avec les revenus nets d’une chasse sportive.
Dans le deuxième cas, une revue de littérature est recommandée pour savoir si des études plus récentes ont estimé le consentement à payer d’un chasseur sportif d’ours polaires car la présente étude utilise le consentement à payer d’un chasseur de grand gibier, qui est une valeur potentiellement plus basse. Pour estimer l’impact sur la valeur attribuée par tous les chasseurs sportifs, il reste à multiplier le consentement à payer par chasseur avec le changement dans le nombre de quotas attribués à la chasse sportive, changement qui a déjà été estimé au niveau de l’impact sur la communauté inuite.
Observation dans la nature
S’il y a des raisons de croire que le consentement à payer pour voir les ours polaires à Churchill a changé depuis l’estimation de 2010 que cette étude réalise, la même méthode décrite à la section 2.2.1.3 peut être suivie pour une mise à jour. Ensuite, le changement dans le nombre de visiteurs suite à la stratégie d’intervention doit être estimé. Pour ce faire, le plus récent nombre de visiteurs à Churchill qui viennent spécifiquement pour voir les ours polaires, doit d’abord être obtenu de Travel Manitoba ou Statistique Canada. Ensuite, une estimation du changement en pourcent peut se faire à partir de l’étude Dawson et al. (2007) qui fournit des indications sur la façon dont les visiteurs réagissent à un changement du nombre d’ours observés (basées sur un sondage réalisée en 2007). Le changement dans la valeur agrégée est obtenu en multipliant la valeur individuelle par le nombre de touristes de plus ou de moins.
Un deuxième impact qui doit être estimé est celui sur les revenus nets de l’industrie d’observation des ours polaires à Churchill. Pour ce faire, l’industrie doit être contactée parce que l’information disponible dans la littérature est minime. Lemelin (2004) estime ce revenu à 2 millions $[76], mais c’est une estimation qui ne peut pas être modifiée par des calculs parce qu’elle a été obtenue à partir d’entrevues avec des personnes de l’industrie.
D’autres impacts peuvent être documentés pour offrir un portrait plus global de l’importance des changements. Ainsi, une estimation du changement du nombre d’emplois dans l’industrie d’observation des ours polaires de Churchill peut compléter le portrait.
Valeur de préservation
Pour estimer la valeur de préservation liée au changement envisagé dans le nombre d’ours, la méta-analyse de Richardson et Loomis (2008) peut être utilisée de la même manière qu’elle a été utilisée dans la section 2.2.2.1. Le seul paramètre à modifier est le changement en pourcent de la population d’ours polaires.
Visites aux jardins zoologiques, utilisation de l’image de l’ours polaire en tant qu’espèce symbolique et recherche scientifique et éducation
Il est peu probable qu’une décision politique sur le nombre d’ours ou leur habitat affecte ces valeurs parce qu’un changement de ces valeurs peut survenir surtout si l’espèce devient rare ou en détresse. Dans ce cas, ces valeurs vont probablement augmenter car elles sont en lien direct avec le degré de rareté. Par contre, il est difficile d’imaginer une situation où l’objectif gouvernemental est celui de diminuer l’espèce en-dessous du seuil de viabilité. Généralement, les objectifs gouvernementaux sont liés à une amélioration des espèces ou une diminution du nombre d’individus si la population est trop abondante.
Activités culturelles, artistiques et spirituelles
La valeur culturelle, artistique et spirituelle pour les peuples inuits ne devrait pas se modifier suite à un changement du nombre d’ours ou de leur habitat parce que cette valeur n’est pas en lien avec le nombre d’ours, mais avec son charisme, sa grandeur et sa férocité.
Impacts directs sur les activités économiques du Nord canadien
Les activités du Tableau 16, autres que celles associées aux usages des ours polaires, peuvent être affectées par une stratégie d’intervention en lien avec les ours polaires parce qu’elles se trouvent dans les régions de leur habitat. Dépendamment de la nature et du niveau de l’intervention, il peut y avoir des contraintes sur le fonctionnement de ces activités, le développement de celles-ci dans des zones critiques à l’existence des ours polaires, des cessations d’activités déjà en place ou, tout au contraire, des levées de ce genre de contraintes et d’interdictions.
Dans le cas des contraintes liées au fonctionnement des activités, comme l’obligation de respecter une distance minimale des tanières ou l’obligation d’éviter la présence des ours sur leurs sites, des investissements supplémentaires peuvent être nécessaires ou du personnel assigné spécifiquement au respect de ces contraintes. Ainsi, ces coûts supplémentaires doivent être estimés. S’il s’agit d’une levée des contraintes, l’activité bénéficie d’une diminution de ces coûts.
Si des interdictions de développement de certaines activités dans une zone précise sont imposées, un coût d’opportunité doit être calculé, égal aux profits potentiels auxquels les entrepreneurs doivent renoncer. Le même genre de calcul s’applique pour la fermeture des activités déjà en place. S’il s’agit d’une levée des interdictions de développement, un bénéfice égal aux profits futurs des entreprises qui s’installeront dans la région sera calculé.
Impacts régionaux indirects
À part les impacts directs sur les activités du Nord canadien, une stratégie d’intervention peut avoir des impacts indirects, c’est-à-dire pour l’ensemble de la région. Par exemple, si des contraintes sont imposées à l’exploration pétrolière, une réticence de la part de cette industrie peut faire en sorte que les investissements se déplaceront ailleurs. L’impact sur l’emploi dans la région est non-négligeable surtout que les régions du Nord canadien n’offrent pas une large gamme d’opportunités d’emplois.
Du point de vue du gouvernement canadien, ce type d’impact représente le plus souvent des transferts de ressources d’une région à une autre. C’est toutefois une information qui apparaît pertinente, compte tenu du contexte économique particulier des régions affectées. Ce type d’impact peut difficilement être exprimé en termes monétaires. Par conséquent, ils seront présentés de manière descriptive.
Coûts administratifs de la stratégie d'intervention
À part les impacts sur les usages et sur les activités économiques du Nord canadien, une stratégie d’intervention sur les ours polaires a aussi un impact sur les dépenses publiques. Des coûts d’administration sont inévitables, liés notamment aux salaires des personnes chargées de sa mise en œuvre. Des consultations publiques peuvent aussi être demandées pour cerner l’impact de certaines activités sur les ours polaires et leur habitat. Ces consultations impliquent des coûts et ont comme conséquence d’induire des retards dans la réalisation de projets.
Co-bénéfices
À part les impacts directs sur les valeurs d’usage des ours polaires, une éventuelle mesure de protection de leur habitat pourrait aussi engendrer des co-bénéfices. Il peut s’agir, par exemple, de la valeur du carbone séquestré dans le sol, de la valeur de la biodiversité du territoire ou de la valeur d’autres espèces en péril qui habitent le même territoire que l’ours.
Distribution géographique des impacts
Une fois estimés les différents types d’impacts mentionnés ci-dessus, leur répartition géographique s’avère utile pour raffiner l’analyse et aider à la prise de décisions publiques au niveau national, international, provincial et local.
Bilan des impacts
Finalement, un bilan conclura si les impacts positifs dominent les impacts négatifs. Ce bilan peut se réaliser à l’aide d’une matrice comme celle présentée au Tableau 18.
Figure 11 : Cadre d’analyse des impacts socio-économiques des changements de la population d’ours polaires et de leur habitat
Plusieurs études estiment la valeur du capital naturel du Canada mais aucune, d’après nos connaissances, ne fait le point sur la valeur de ses ours polaires qui représentent deux tiers de la population mondiale. La chasse sportive et de subsistance sont très bien documentées, mais pour les autres valeurs, comme l’observation des ours polaires dans leur milieu naturel, la valeur de préservation, la valeur en tant qu’espèce symbolique ou la valeur culturelle pour les Inuits, il n’y a pas assez d’information économique disponible.
Cette étude représente une première tentative d’estimation des différentes valeurs d’usage des ours polaires du Canada. Elle estime en termes monétaires la valeur de la chasse de subsistance, de la chasse sportive, de l’observation des ours polaires dans leur milieu naturel ainsi que la valeur de préservation. Elle fournit aussi de l’information pertinente sur les valeurs qui n’ont pas pu être estimées en dollars, comme la valeur scientifique, la valeur en tant qu’espèce symbolique ou la valeur culturelle pour les Inuits, pour compléter le portrait global de l’importance des ours polaires pour le Canada.
Parmi les valeurs estimées en termes monétaires, la valeur de préservation s’avère de loin la plus importante. Elle s’élève à 6 320 M$/année pour l’ensemble du Canada. La deuxième place revient à la valeur de l’observation des ours polaires en milieu sauvage avec 7,2 M$/année, la troisième à la chasse sportive avec 1,3 M$/année et la quatrième à la chasse de subsistance avec 0,6 M$/année. En dépit de sa valeur monétaire apparemment faible, la chasse de subsistance est très importante pour les communautés autochtones surtout pour son aspect culturel. À part les valeurs directement liées aux ours polaires, une éventuelle mesure de protection de leur habitat pourrait aussi engendrer des co-bénéfices, comme la valeur du carbone séquestré dans le sol ou la valeur des autres espèces qui habitent le même territoire que l’ours.
Une autre conclusion intéressante de l’étude est la distribution géographique de ces valeurs. Si la nature crée ces valeurs dans le Grand nord, elles sont récupérées partout à travers le Canada et même à l’étranger. Par exemple, 49 % de la valeur d’observation des ours polaires en milieu sauvage est attribuées aux touristes étrangers qui viennent à Churchill (Manitoba) et 16 % par les visiteurs canadiens de l’extérieur du Manitoba. La chasse fait exception car les deux territoires qui abritent le plus d’ours, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, récupèrent plus que 98 % de la valeur de la valeur totale de la chasse.
À part l’estimation des différentes valeurs associées aux ours polaires, l’étude présente aussi les activités économiques du Nord canadien qui peuvent avoir une influence sur les ours polaires et peuvent aussi être affectées par une stratégie d’intervention sur le nombre d’ours ou leur habitat. Parmi ces activités, on compte l’exploration et l’exploitation minière, gazière et pétrolière, les infrastructures de transport d’énergie, la production d’hydro-électricité, les activités de défense, le transport maritime, le tourisme, la chasse et le développement d’établissements humains et d’infrastructures notamment à proximité des sites de reproduction.
Finalement, des lignes directrices sont présentées sur la façon dont les impacts d’une stratégie d’intervention sur le nombre d’ours ou leur habitat peuvent être estimés. Il s’agit d’un cadre d’analyse structuré et flexible qui peut être appliqué à une panoplie de stratégies d’intervention.
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Le surplus du consommateur est calculé comme la superficie au-dessus du prix du marché et jusqu’à la courbe de demande (superficie du triangle apc; voir Figure 12), tandis que le surplus du producteur est estimé comme la superficie au-dessous et jusqu’à la courbe d’offre (superficie du triangle bpc).
Un indicateur économique encore mieux d’un point de vue théorique que le surplus du consommateur est la variation compensatoire (ou surplus compensatoire, dans le cas des biens publics), communément appelée consentement à payer[77]. Le consentement à payer mesure de combien doit être diminué le budget d’une personne après la mise en place d’une amélioration environnementale pour garder son bien-être au même niveau que celui de la situation actuelle. Ainsi, supposant que les gens apprécient une augmentation des populations d’ours polaires, ils seront plus heureux une fois que le programme proposé sera mis en place. Afin de les garder au même niveau d’utilité qu'ils ont eu avant l’augmentation du nombre d’ours polaire, ce bien-être additionnel devrait être retiré via une diminution de leur revenu. Cette diminution du revenu représente le consentement à payer. Un plus grand consentement à payer indique une plus grande appréciation de l’amélioration des populations d’ours polaires.
Annexe 2 : Principales étapes de la méthode de coûts de transport (l’approche par zone de coûts de transport)
Pour estimer la valeur de l’observation des ours polaires à Churchill, la méthode des coûts de transport est utilisée (l’approche par zones de coûts de transport). Les principales étapes de cette méthode sont les suivantes :
1) Estimation du coût de transport de la ville de résidence jusqu’à Winnipeg pour chaque ville de résidence des clients des deux compagnies.
Pour déterminer les zones qui font une différence au niveau du prix payé pour arriver à Churchill nous avons estimé seulement le coût de transport jusqu’à Winnipeg parce que celui du transport de Winnipeg à Churchill est généralement compris dans le forfait offert par les agences de voyage. Par contre, pour déterminer la relation entre le coût du voyage et le nombre de visiteurs (étape 3), le prix du forfait a été ajouté au coût de transport jusqu’à Winnipeg (5 500$).
Le coût de transport a pris en considération les dépenses en essence, le prix des billets d’avion et le coût d’opportunité du temps estimé à 33 %[78] du salaire horaire moyen. Le salaire horaire utilisé varie par province pour le Canada et il est spécifique aux personnes de 55 ans et plus parce que certaines études précisent que la majorité des touristes de Churchill sont des personnes âgées (Dawson et al., 2007).
Plus de 100 villes de résidence ont dû être considérées. L’accès à l’information sur les coûts de voyage a été réalisé via les sites Internet des compagnies aériennes, pour les prix des billets d’avion, www.maps.google.com pour les distances et l’identification du trajet le plus court et différents autres sites pour le prix de l’essence et le salaire horaire.
2) Identification des zones qui engendrent des coûts semblables.
Trois zones ont été identifiées pour le Canada et quatre pour les visiteurs étrangers en fonction du coût de transport à destination de Winnipeg (voir Figure 13). Pour le Canada, la première zone (la moins chère) se trouve au Manitoba et plus précisément autour de Winnipeg. La deuxième zone est représentée par les grandes villes du Canada qui ont un vol bon marché vers Winnipeg (Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Edmonton, etc.). Les principales villes des provinces des maritimes et des territoires ne font pas partie de cette zone. Elles rentrent dans la troisième zone qui est représentée par le reste du Canada.
Les quatre zones identifiées pour les visiteurs étrangers sont les suivantes (voir Figure 14) :
- Zone 1 (la moins chère): États limitrophes du Manitoba (Minnesota et Dakota du Nord);
- Zone 2 : Reste des États-Unis;
- Zone 3 : Europe occidentale;
- Zone 4 (la plus chère): Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Indonésie.
Figure 13 : Les trois zones identifiées pour les visiteurs à Churchill en provenance du Canada
Figure 14 : Les quatre zones identifiées pour les visiteurs à Churchill en provenance de l’extérieur du Canada
3) Estimation économétrique de la relation entre le nombre de visiteurs et le coût moyen du voyage par zone
Le coût moyen par zone inclut le coût moyen de transport jusqu’à Winnipeg et une valeur de 5 500 $ qui représente le prix moyen d’une excursion de type tout inclus à partir de Winnipeg. Le Tableau 19 présente les coûts de transport moyens jusqu’à Winnipeg, par zone, pour les visiteurs canadiens et pour les visiteurs étrangers, ainsi que le nombre moyen de visiteurs.
Dans les deux cas (visiteurs étrangers et visiteurs canadiens), nous avons obtenu une relation semi-logarithmique significative à 5 % :
- Pour les visiteurs canadiens : ln (nb. visiteurs) = 25,04698 - 0,0036732*coût
- Pour les visiteurs étrangers : ln (nb. visiteurs) = 18,71221 - 0,0022118*coût
4) Estimation de la courbe de demande
Plusieurs points de la courbe de demande sont estimés à partir de la relation obtenue à l’étape 3. Cette courbe de demande met en relation le nombre de visiteurs et la volonté de payer des visiteurs au-delà des dépenses engendrées pour voir l’ours polaire. Elle représente le surplus net de chaque visiteur.
5) Estimation du surplus net du consommateur
Le surplus net des consommateurs est représenté par la superficie en-dessous de la courbe de demande. Pour la calculer, nous estimons cette superficie par celle d’un triangle. La droite qui approxime le mieux cette superficie coupe l’axe des Y à 800 $ pour les visiteurs canadiens et à 1 200 $ pour les visiteurs étrangers (voir Figure 15 et Figure 16).
Les formules utilisées sont les suivantes :
- Surplus net du visiteur canadien = (800 * 3 455)/2
- Surplus net du visiteur étranger = (1200 * 5 946)/2
Les nombres 5 946 et 3 455 représentent le nombre de visiteurs étrangers et respectivement canadiens à Churchill d’octobre à décembre (moyenne des années 2006 à 2008). Ces données nous ont été fournies par Travel Manitoba.
Figure 15 : Valeur de l'observation de l'ours polaire à Churchill, Manitoba (visiteurs canadiens)
Le méta-modèle de Richardson et Loomis (2008) est un modèle semi-logarithmique dans lequel le logarithme du consentement à payer (CAP) par ménage et par année est estimé en fonction de plusieurs variables liées au design de l’étude, au contexte socio-économique et à la ressource :
ln(CAP) = intercepte + Σ(coefficienti)(variablei)+ e(1)
où e représente le terme d’erreur.
Tel que précisé dans l’article, la formule utilisée pour estimer le consentement à payer est la suivante :
CAP = exp(intercept + Σ(coefficienti)(variablei)+ σe2/2) (2)
où σe2 représente la variance du terme d’erreur.
Pour estimer la valeur de préservation des ours polaires à partir de ce modèle, deux étapes principales sont à suivre :
- Assigner des valeurs à toutes les variables explicatives :
De manière générale, les variables méthodologiques (les variables qui caractérisent la méthodologie utilisée dans les études de départ) prennent la valeur moyenne des métadonnées, sauf dans le cas où il y a des raisons spécifiques à l’utilisation de certaines valeurs précises. Par contre, les variables qui caractérisent la ressource ou le contexte socio-économique sont généralement fixées à des valeurs spécifiques au site visé et à son contexte socio-économique; - Appliquer la formule (2) pour estimer le CAP en utilisant les coefficients estimés du méta-modèle, les valeurs choisies pour les variables explicatives et l’estimation de la variance du terme d’erreur.
Annexe 4 : Utilisation du méta-modèle de Richardson et Loomis (2008) pour l’estimation de la valeur de préservation des ours polaires du Canada
Coefficients du modèle (A) | Valeur des variables (B) | C = A * B | ||
---|---|---|---|---|
Intercepte | -153,231 | 1 | -153,231 | |
ln CHANGESIZE | 0,870 | 4,605 | 4,006 | |
VISITOR | 1,256 | 0 | 0,000 | |
FISH | 1,020 | 0 | 0,000 | |
MARINE | 0,772 | 1 | 0,772 | |
BIRD | 0,826 | 0 | 0,000 | |
ln RESPONSERATE | -0,603 | 3,894 | -2,348 | |
CONJOINT | 2,767 | 0 | 0,000 | |
CHARISMATIC | 1,024 | 1 | 1,024 | |
-0,903 | 0,851 | -0,768 | ||
STUDY YEAR | 0,078 | 2006 | 156,468 | |
Total colonne C (D) = | 5,9230 | |||
Variance du terme d'erreur σe2 (E) = | 0,2694 | |||
Consentement à payer (CAP) par ménage et par année ($US 2006) (F = eD+E/2) = |
427 | |||
Taux d'échange $/ $US (moyenne 2006) (G)[79] = | 1,1341 | |||
CAP par ménage et par année ($ 2006) (H = F*G) = | 485 | |||
Indice du prix à la consommation en 2009 par rapport à 2006 (I)[80] = | 114,4/109,1 | |||
CAP par ménage et par année ($ 2009) (J = H*I) = | 508 | |||
Nombre de ménages du Canada (K)[81] = | 12 437 470 | |||
CAP au Canada par année ($ 2009) (N = J*K) = | 6 320 965 092 |
1 COSEPAC– Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. 2008. Évaluation et Rapport de situation du COSEPACsur l’ours blanc (Ursus maritimus) au Canada. (Ottawa, Ont. : COSEPAC, 2008)
2 COSEPAC, vi.
3 -
4 -
5 Site Internet de IUCN/SSC Polar Bear Specialist Group (en anglais seulement).
6 Site Internet de Canada Experience
7 Le COSEPACest un comité indépendant d’experts dont la mission est de réaliser des évaluations et de déterminer si des espèces sont en péril dans le cadre de la Loi sur les espèces en péril. Il produit des évaluations au ministre fédéral de l’environnement qui à son tour fait des recommandations au gouverneur général en conseil pour ajouter les espèces identifiées à la liste des espèces en péril de la Loi.
8 L’ajout de l’ours polaire sur cette liste au titre d’espèce « préoccupante » entraine l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action visant à éviter que l’ours polaire devienne une espèce en péril.
9 Voir le site internet Ecosystem Valuation (en anglais seulement).
10 Le Canada, la Norvège, le Danemark, les États-Unis et l’Union Soviétique.
11 Le transport aérien des aliments vers le Nord du Canada est subventionné par le gouvernement fédéral. Les subventions étaient attribuées par le biais du programme Aliments-Poste pour les communautés éloignées jusqu’en 2010 et est progressivement remplacé en 2010-2011 par le programme Nutrition Nord Canada. La viande fraîche et congelée fait partie des aliments admissibles à la subvention par les deux programmes. (Affaires indiennes et du Nord Canada, 2010b).
12 Selon Dowsley (2009), au cours de la période 2000-2004 en moyenne 69,1% des ours polaires tués au Canada par des hommes l’ont été pour la chasse de subsistance, 22,3% l’on été pour la chasse sportive et 8,6% l’on été en situation d’autodéfense. Lorsqu’un ours est tué en situation d’autodéfense, au Nunavut, aucune de ses parties ne peut être conservée pour l’usage de celui qui l’a tué et la peau doit être remise à un agent du ministère de l’environnement du Nunavut (Nunavut Department of Environment, 2010). La valeur des parties des ours tués en situation d’autodéfense n’a par conséquent pas été considérée dans la présente étude.
13 Les prix en dollars canadiens de 2009 ont été calculés sur la base de l’indice des prix à la consommation du Nunavut (et des Territoires du Nord-Ouest pour les années antérieures à 2002) publié par Statistique Canada.
14 La valeur maximale de la chasse sportive pour la pourvoirie locale a été calculée en soustrayant le montant minimal des coûts variables au montant maximal des revenus, (soit 26 249 – 12 555 $). À l’inverse, la valeur minimale pour la pourvoirie a été calculée en soutrayant le montant maximal des coûts au montant minimal des revenus (24 995 – 19 033 $)
15 Site Internet de Canada Experience.
16 Voir le site de la campagne (Ours polaires sur glaces éphémères).
18 Nous avons fait l’exercice d’attribuer la valeur 1 à la variable VISITOR dans le but de comparer la valeur de l’observation des ours polaires obtenue par la méthode des coûts de transport avec les résultats d’une autre approche. Une fois enlevée la valeur de préservation (508 $/ménage), nous avons obtenu 1 286 $/personne (en $2009), ce qui est beaucoup plus élevé que les valeurs obtenues avec la méthode des coûts de transport (400 et respectivement 600 $/personne). Une explication de la différence réside dans les méthodes utilisées : généralement, les méthodes à préférences déclarées (la méta-analyse utilise des études basées sur l’évaluation contingente) fournissent des estimations plus élevées que les méthodes à préférences révélées.
19 Dans les Territoires du Nord-Ouest, le nombre de vignettes de chasse sportive allouées par une communauté inuite ne peut excéder 50% du quota de la communauté (Pokiak, 2005, dans Freeman and Wenzel, 2006).
20 Le nombre de chasseurs potentiels est égal au nombre total d’adultes dans la communauté. En effet, l’ensemble des adultes de la communauté, femmes inclues, participent à la loterie qui attribue les vignettes de chasse à l’ours polaire.
21 D’après une communication personnelle avec Environnement Canada et une annonce publiée sur le site Footstuff (en anglais seulement).
22 Voir FurHarvesters.com (en anglais seulement).
23 Le revenu de l’ensemble des Canadiens a été estimé en multipliant le revenu médian d’une personne de 15 ans et plus (25 615 $/année) par le nombre de personnes de 15 ans et plus avec un revenu (24 423 165). Ces données proviennent du site internet de Statistique Canada (Profil des communautés tiré du Recensement 2006).
24 Le revenu de la population de Churchill a été estimé en multipliant le revenu médian d’une personne de 15 ans et plus (30 459 $/année) par le nombre de personnes de 15 ans et plus avec un revenu (715). Ces données proviennent du site internet de Statistique Canada (Profil des communautés tiré du Recensement 2006).
25 Les transferts gouvernementaux représentaient 11,2% du revenu total dans l’ensemble des communautés du Nunavut en 2006 (Statistique Canada, 2007)
26 Les 133 M$ ont été calculés en multipliant les 7 000 $/personne avec le nombre d’Inuits de 15 ans et plus du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest (19 040). À son tour, le nombre d’Inuits de 15 ans et plus du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest a été estimé en appliquant le pourcentage des Inuits de 15 ans et plus (66,1%; pour le Nunavut; Recensement 2006) à l’ensemble des Inuits des deux territoires (28 805; Recensement 2006).
27 Source: “Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora (en anglais seulement)”, March 3, 1973.
28Communication personnelle par téléphone avec Nick Lunn
29 Northwest Territories Environment and Natural Resources (n.d.), Polar Bear (en anglais seulement)
30 Voir cartes de l’habitat de l’ours polaire dans : COSEWIC, 2008. Assessment and Update Status Report Polar Bear Ursus maritimus.
31 Les valeurs de PIBprésentées sont un proxy pour la zone la plus probable de présence d’ours polaires. Formule utilisée : PIB d’une activité = {[(PIB de l’activité pour les Territoires du Nord-Ouest)*0,05 + (PIB de l’activité pour le Nunavut)*0,9]*0,9 + [(PIB de l’activité pour le Yukon)*0,05 + (PIBTerre-Neuve et Labrador + PIB Nord du Québec + PIB Nord du Manitoba + PIB Nord de l’Ontario)]*0,1}
32 Source : Statistique Canada et COSEWIC (2008)
33 Source : Chamber of Mines NWT. Mining and exploration. 2008 Overview et Affaires Indiennes et du Nord Canada. Nunavut. Overview 2009. Mineral Exploration, Mining and Geoscience.
34 Source : Forum des ministres responsables du développement du Nord et Overview et Affaires Indiennes et du Nord Canada. Nunavut. Overview 2009. Mineral Exploration, Mining and Geoscience.
35 Source : Nunavut planning Commission. Interactive map (en anglais seulement).
36 Source : Mining and Exploration. 2008 Overview. NorthWest Territories. Disponible en ligne (PDF; 4.72 Mo)
37 Source : National Research Council, 2003
38 Source : Statistique Canada et COSEWIC (2008)
39 Source : Nunavut planning Commission. Interactive map (en anglais seulement).
40 Source : Statistique Canada
41 Source : Affaires indiennes et du Nord Canada. Pétrole et gaz du Nord Rapport annuel 2008
42 Source : Idem 14
43 Source: Idem 14
44 Source : WWF, IUCN
45 Source : National Research Council, 2003
46 Les activités concernées sont la distribution et le transport par pipelines du gaz naturel.
47 Données pour la zone correspondant aux Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, Terre-Neuve et Labrador et Yukon
48 Source : Mackenzie Gas Project. Project Update 2007 (en anglais seulement).
49 Source : Socioeconomic Circumpolar Database
50Évaluation de l’impact environnemental du projet Mackenzie (PDF; 167 Ko) (en anglais seulement).
51 Nous ne disposons pas d’information sur la localisation de ces sites par rapport à l’habitat de l’ours polaire
52 Source : NorthWest Territories Power Corporation Annual report (PDF; 267 Ko) (en anglais seulement).
53 Source : Forum des ministres responsables du développement du Nord
54 Source : Socioeconomic Circumpolar Database
55 Source : Nunami Jacques Whitford Limited (2008) Nunavut Wildlife Resource and Habitat Value
56 Source : Nunavut planning Commission. Interactive map (en anglais seulement).
57 Source; Carte NRCan. Mapguide 2008 et Santé Canada 2008. Santé et changements climatiques : Évaluation des vulnérabilités et de la capacité d'adaptation au Canada. Chapitre 7. Les effets des changements climatiques sur la santé dans le Nord canadien. (Version PDF; 1.13 Mo)
58 Idem 31
59 Source: Amstrup, 1993
60 Source : IUCN
61 Données pour la zone correspondant aux Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, Terre-Neuve et Labrador et Yukon
62 Source: IUCN
63 Source: Polar Bears International, 2003
64 Source : Université Laval (2006). Le potentiel de trafic maritime dans l’Arctique canadien (PDF 687; Ko). et U.S. Fish and Wildlife Service (2010). Economic Analysis Of Critical Habitat Designation For The Polar Bear In The United States.
65 Source: IUCN
66 Source : Lemelin, 2004
67 Source: IUCN
68 Source: Dawson et al. 2007
69 Source: Wenzel, 2008
70 Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada (COSEWIC), Assessment and Update Status Report on thePolar Bear (Ursus maritimus) in Canada(Ottawa, ON: COSEWIC, 2008).
71 Voir: CAPP Offshore drilling (en anglais seulement).
72 Voir: WWF. Polar bears. Threats to polar bears (en anglais seulement).
73 Voir: Office Nationale de l’Énergie. Projet gazier Mackenzie. Motifs de décision. Volume 1. Partie 3. Les pipelines de transport.
74 Source : Nunami Jacques Whitford Limited (2008) Nunavut Wildlife Resource and Habitat Value
75 Source : Arctic Council Arctic Marine Shipping Assessment 2009 Report,
76 En dollars canadiens 2003.
77 La variation compensatoire équivaut à la notion de « consentement à payer » seulement sous l’hypothèse que les gens apprécient les améliorations environnementales. Si une amélioration environnementale leur crée une diminution du bien-être la variation compensatoire équivaut à la notion de « consentement à recevoir ».
78 Transport Canada utilise généralement 50% du salaire horaire pour estimer le coût d’opportunité du temps pour se rendre au travail. Au lieu de 50 % nous utilisons 33 %, comme dans l’étude Amoako-Tuffour et al. (2008), parce qu’il s’agit du temps passé pour arriver à des lieux de récréation et donc une plus petite partie de ce temps est perçue comme étant un coût (le reste de 67 % est de la récréation).
79 Site internet de la Banque du Canada 2008.
80Statistique Canada 2010. Indice des prix à la consommation, aperçu historique.
81Statistique Canada 2010, Recensement 2006, Profils des communautés de 2006.
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