Épaulards résidents du sud : évaluation des menaces imminentes
Titre officiel : Évaluation des menaces imminentes qui pèsent sur les épaulards résidents du sud
Ce document présentait une évaluation des menaces qui pèsent sur l’épaulard résident du Sud.
1 Contexte
Le présent document est une évaluation des menaces auxquelles est confronté l’épaulard résident du sud. Cette évaluation a été réalisée à l’aide de la meilleure information disponible en vue de déterminer si des menaces imminentes pèsent sur la survie de cette espèce ou son rétablissement au Canada, conformément à l'article 80 de la Loi sur les espèces en péril (LEP). Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a désigné l’épaulard résident du sud comme étant « en voie de disparition » en 2001. Cette population est inscrite à l’Annexe 1 de la LEP. La présente évaluation a été élaborée par Pêches et Océans Canada (MPO), Environnement et Changement climatique (ECCC), Transports Canada (TC) et l'Agence Parcs Canada (APC).
En vertu de l’article 80 de la LEP, un décret de protection d’urgence (DPU) doit être recommandé au gouverneur en conseil si le ministre compétent est d’avis que des menaces imminentes pèsent sur la survie ou le rétablissement d’une espèce sauvage inscrite. Le ministre compétent n'est pas tenu de recommander un décret d'urgence s'il est d'avis que des mesures équivalentes ont été prises en vertu d'une autre loi du Parlement pour protéger cette espèce. L’épaulard résident du sud étant présent dans toutes les eaux côtières du sud de la Colombie-Britannique, y compris les eaux faisant partie de réserves à vocation de parc national, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne et la ministre responsable de l’Agence Parcs Canada (à titre de ministre de l’Environnement en vertu de la LEP ) sont les ministres compétents pour cette espèce.
En janvier 2018, les ministres ont reçu une lettre d’Écojustice, représentant le Fonds mondial pour la nature, le Natural Resources Defense Council, la Georgia Strait Alliance, la Raincoast Conservation Foundation et la Fondation David Suzuki, leur demandant de recommander au gouverneur en conseil de prendre un décret d’urgence afin d’assurer la survie et le rétablissement de l’épaulard résident du sud. Écojustice demandait aux ministres de se prononcer sur le fait que l'espèce fait face à des menaces imminentes résultant de la réduction de la disponibilité des proies, des perturbations physiques et acoustiques et des contaminants présents dans l’environnement.
Aux termes de la LEP, les ministres fondent leur avis sur une évaluation des menaces imminentes potentielles pesant sur l’espèce inscrite. C ependant, la Loi ne définit pas davantage la notion d’imminence. Un décret pris en vertu de l’article 80 exige une évaluation des menaces pour la survie et le rétablissement de l’espèce. Dans le cadre de la présente évaluation des menaces imminentes (ÉMI), on peut considérer qu’une menace est imminente s’il faut prendre des décisions et des mesures selon un calendrier accéléré par rapport à celui prévu dans les processus « normaux ». Des processus « normaux », visant par exemple la protection de l’habitat essentiel, suivraient les délais législatifs habituels et prévoiraient du temps et des ressources pour tenir des consultations approfondies sur les mesures proposées. Si l’exercice menait à la conclusion que des menaces imminentes pèsent sur la survie ou le rétablissement de l’épaulard résident du sud, des mesures prises par la voie d’un décret d’urgence seraient nécessaires. Différents facteurs, y compris les droits ancestraux, sont pris en compte dans la préparation d’un décret d’urgence.
Comme les mesures de rétablissement doivent être mises en œuvre telles qu’elles sont définies, on pourrait considérer qu’il y a imminence si la survie ou le rétablissement de la population nécessite une mise en œuvre dans des délais précis.
Les réponses aux questions suivantes aideront les ministres à déterminer si des menaces imminentes pèsent sur l’épaulard résident du sud :
- est-ce que l'espèce fait face à des menaces susceptibles d’avoir une incidence sur sa survie ou son rétablissement?
- est-ce que les menaces actuelles auront pour effet de rendre la survie de l’espèce peu probable ou impossible?
- est-ce que les menaces actuelles auront pour effet de rendre le rétablissement de l’espèce peu probable ou impossible?
- est-ce que les menaces nécessitent une intervention immédiate?
La présente évaluation des menaces tient compte des objectifs en matière de population et de répartition définis dans le programme de rétablissement fédéral final de l’espèce. Elle comprend de l’information sur la biologie et l’écologie de l’espèce, les menaces pour sa survie et son rétablissement, ainsi que l’état et les tendances de la population et de l’habitat. Une analyse des mesures déjà prises pour protéger l’épaulard résident du sud est également fournie dans le présent document.
L’information utilisée pour élaborer cette évaluation des menaces imminentes a été tirée de publications du MPO consacrées à l’espèce, notamment le Programme de rétablissement des épaulards résidents (Orcinus orca) du nord et du sud au Canada (MPO 2011), l’Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur l’épaulard (Orcinus orca) au Canada (COSEPAC 2008), le Plan d’action pour les épaulards (Orcinus orca) résidents du nord et du sud au Canada (MPO 2017a) et l’Examen de l'efficacité des mesures de rétablissement concernant les épaulards résidents du sud (MPO 2017b). Écojustice a également fourni des documents connexes dans sa lettre adressée aux ministres compétents en date du 30 janvier 2018. Aucun nouvel avis scientifique n’a été produit spécialement pour étayer l’évaluation ou l’interprétation de l’information, et les conclusions de l’évaluation n’ont pas fait l’objet d’un examen scientifique par les pairs.
L’évaluation n’a pas tenu compte des impacts socio-économiques, car ceux-ci ne sont pas pertinents pour déterminer si une espèce sauvage fait face à des menaces imminentes. Les aspects socio-économiques pourraient être pris en compte dans la décision du gouverneur en conseil faisant suite à une recommandation du ministre compétent.
Il n’y a pas eu de consultation des groupes autochtones visant spécifiquement à appuyer la présente ÉMI. Cependant, du 10 au 12 octobre 2017, le MPO a organisé un Symposium sur l’épaulard résident du sud à Vancouver. Les Premières Nations ont défini les liens entre les menaces, et expliqué que la complexité et l’importance des épaulards et leur relation avec cette espèce sont fondamentales pour leurs traditions et leurs enseignements culturels.
2 Aperçu de la situation de l’épaulard résident du sud
L'épaulard est le plus grand membre de la famille des dauphins (delphinidés). C’est un prédateur de niveau trophique supérieur qui vit de nombreuses années. Sa taille, ses couleurs contrastées (noir et blanc) et sa grande nageoire dorsale constituent ses principaux signes distinctifs. La coloration de l’épaulard est surtout noire sur le dos et blanche sur le ventre, avec une tache ovale blanche derrière chaque œil. Derrière la nageoire dorsale se trouve une tache en forme de selle de couleur grise. La forme de cette tache et de la nageoire dorsale ainsi que les creux et les cicatrices à ces endroits sont uniques à chaque épaulard. En examinant des photographies de la nageoire dorsale, de la tache en forme de selle et parfois de la tache derrière l'œil, les chercheurs peuvent différencier les individus (Ford et al. 2000). Les épaulards sont sexuellement dimorphes. Les mâles peuvent atteindre une longueur de 9 m et peser jusqu'à 5 568 kg, alors que les femelles sont plus petites : 7,7 m de longueur et un poids avoisinant les 4 000 kg (Dahlheim et Heyning 1999). Chez les mâles adultes, la grande nageoire dorsale de forme triangulaire mesure souvent jusqu'à 1,8 m de haut, tandis que chez les juvéniles et les femelles adultes, cette nageoire dorsale mesure 0,9 m ou moins. Chez les mâles adultes, les nageoires pectorales en forme de pagaie et les nageoires caudales sont plus longues et plus larges, et les pointes des nageoires caudales sont recourbées vers le bas (Bigg et al. 1987).
Trois formes distinctes ou écotypes d'épaulards vivent dans les eaux canadiennes du Pacifique : les épaulards migrateurs ou épaulards de Bigg, les épaulards hauturiers et les épaulards résidents. Ces formes sont sympatr iques, mais isolées socialement, et elles présentent des différences génétiques, morphologiques, comportementales et alimentaires (Ford et al. 1998, 2000; Barrett-Lennard et Ellis 2001). Les épaulards de Bigg se nourrissent de mammifères marins, surtout de phoques communs, de marsouins et de lions de mer (Ford et al. 1998). Ils voyagent en petits groupes acoustiquement inactifs et sont des prédateurs furtifs (Ford et Ellis 1999).
On connaît moins les épaulards hauturiers que les épaulards résidents et les épaulards de Bigg. Ils se nourrissent principalement d’élasmobranches, mais aussi de poissons téléostéens, y compris le saumon quinnat (Heise et al. 2003; Ford et al. 2014). Les épaulards hauturiers se déplacent souvent en grands groupes acoustiquement actifs de 30 animaux ou plus, recourant fréquemment à l'écholocation et aux appels à caractère social (Ford et al. 2000).
On considère que les épaulards résidents qui partagent une aire de répartition commune et qui s'associent, du moins à l'occasion, font partie de la même communauté ou population. En ColombieBritannique, les épaulards résidents font partie de deux communautés distinctes, celle du nord et celle du sud. Bien que leurs aires de répartition se chevauchent, ces deux communautés présentent des différences sur les plans acoustique, génétique et culturel. La communauté d'épaulards résidents du nord est composée de trois clans répartis en 16 sous-groupes ou groupes familiaux, et celle des épaulards résidents du sud, d'un clan et de seulement trois groupes familiaux.
Les épaulards résidents sont les mieux connus des trois écotypes. Ils se nourrissent presque exclusivement de saumon, surtout du saumon quinnat bien que le saumon kéta soit important à l’automne, et voyagent en groupes acoustiquement actifs de 10 à 25 individus ou davantage (Ford et al. 2000). L'organisation sociale des épaulards résidents est très structurée. L'unité fondamentale est la lignée maternelle, comprenant tous les survivants d'une lignée femelle natale. Une lignée maternelle typique est composée d'une femelle adulte, de sa progéniture et de celle de ses filles. Les deux sexes demeurent leur vie durant dans leur lignée maternelle (Bigg et al. 1990). Les systèmes sociaux dans lesquels les deux sexes demeurent avec leur mère leur vie durant n’ont été décrits que dans le cas d'une seule autre espèce mammifère, les globicéphales noirs, (Globicephala melas) (Amos et al. 1993). Bigg et al. (1990) ont défini les groupes familiaux comme des groupes d'individus de lignées maternelles étroitement liées qui se déplacent, se nourrissent, socialisent et se reposent les uns avec les autres au moins 50 % du temps. C es chercheurs croyaient que les groupes familiaux, tout comme les lignées maternelles, demeuraient stables pendant de nombreuses générations. Ford et Ellis (2002) ont cependant démontré que les modèles d'association entre individus de différentes lignées maternelles chez les résidents du nord ont évolué au cours de la dernière décennie de façon telle que certains groupes familiaux identifiés par Bigg et al. (1990) ne répondent plus au critère du 50 % du temps. Selon leur analyse, on pourrait mieux définir les groupes familiaux comme étant des groupes de transition auxquels appartiennent des individus de lignées maternelles récemment séparées.
3 État et tendances de la population
Chaque individu peut être distingué de ses congénères grâce à ses cicatrices, aux variations de pigmentation de sa robe et à la forme de sa nageoire dorsale. Les paramètres du cycle biologique des populations résidentes en Colombie-Britannique ont été estimés à partir de plus de 30 années d’études d’identification photographique. La longévité maximale est de 80 à 90 ans pour les femelles et de 40 à 50 ans pour les mâles. Les femelles donnent naissance pour la première fois entre 12 et 17 ans. En moyenne, les vêlages sont espacés de cinq ans pour l’épaulard résident du nord et de six ans pour celui du sud (données inédites du MPO-PRC). Toutefois, cet intervalle est très variable et s'étend de 2 à 12 ans. Une génération s’étend sur 26 à 29 ans. En moyenne, les femelles vêlent pour la dernière fois à l’âge de 39 ans et deviennent post-reproductives à partir de cet âge (Olesiuk et al. 1990). Cette longue période post-reproductive, qui peut durer une quarantaine d’années (chez les femelles qui atteignent 80 ans), est extrêmement inhabituelle chez les mammifères. Les épaulards résidents se distinguent également parmi les mammifères parce que les individus des deux sexes demeurent au sein de leur groupe natal.
On connaît mal l'abondance historique des épaulards, si ce n'est qu'ils étaient « peu nombreux » (Scammon 1874). Même si l’on ne dispose pas d’estimation de la population d’épaulards en Colombie-Britannique avant 1960, l’épaulard résident du sud est probablement une population naturellement précaireNote de bas de page 1 dans le sens où même avant les impacts importants de l‘activité anthropique, la population était vraisemblablement restreinte. Depuis les années 1970, des études de photo-identification ont produit des estimations de la population d’épaulards dans les eaux sublittorales du Pacifique Nord- Est (État de Washington, Colombie-Britannique, Alaska et Californie). Des recensements de la population d'épaulards sont maintenant effectués annuellement par identification photographique des individus.
La communauté d'épaulards résidents du sud est constituée d'un seul clan acoustique, le clan J, lequel est composé de trois groupes familiaux (appelés J, K et L) comprenant un total de 20 lignées maternelles (Ford et al. 2000). Alors que la communauté d'épaulards résidents du sud augmentait vraisemblablement au début des années 1960, le nombre d'épaulards dans la communauté a chuté dramatiquement à la fin des années 1960 et au début des années 1970 en raison de la capture d'animaux vivants destinés à des aquariums (Bigg et Wolman 1975). Un total de 47 spécimens qu'on sait ou qu'on présume avoir été des résidents du sud ont été capturés et retirés de la population (Bigg et al. 1990). La population a augmenté de 19 % (3,1 % par année ) après que les captures d'animaux vivants ont pris fin en 1973, passant d'un faible niveau de 70 individus à 83 individus en 1980, quoique le taux de croissance ait varié selon les groupes familiaux (figure 1). De 1981 à 1984, la population a diminué de 11 % (- 2,7 % par année) pour se situer à 74 épaulards, en raison d'un faible taux de naissance, d'une mortalité plus élevée chez les femelles adultes et les jeunes (Taylor et Plater 2001) et d'un petit nombre d'animaux matures, de mâles en particulier, conséquence du prélèvement sélectif survenu dans les années antérieures (Olesiuk et al. 1990). De 1985 à 1995, le nombre de résidents du sud a augmenté de 34 % (2,9 % par année) pour totaliser 99 individus. Un accroissement subit du nombre d'individus matures, une hausse des naissances et une baisse des mortalités ont contribué à la croissance de la population. Un autre déclin a débuté en 1996, accompagné d'une période prolongée de bas taux de survie (Taylor et Plater 2001; Krahn et al. 2002) et d'une faible fécondité (Krahn et al. 2004), entraînant ainsi une diminution de 17 % (- 2,9 % par année) du nombre d'individus, qui atteignait 81 en 2001. Depuis 2001, l’effectif de la population a varié entre 76 et 89 individus. Il a légèrement augmenté pour atteindre 85 animaux en 2003 (données inédites MPO – Programme de recherche sur les cétacés). La croissance s'est produite dans les groupes familiaux J et K, tandis que le nombre d’épaulards continuait de baisser dans le groupe familial L. La population n’a pas montré de signe de rétablissement et se composait de 76 membres en 2017 (données inédites MPO – Programme de recherche sur les cétacés). Comparativement aux épaulards résidents du nord, la petite taille de la population et le faible nombre d'individus participant à la reproduction (appelée population effective) contribuent à accentuer les répercussions de la mortalité ou de la perte de potentiel reproductif sur la survie de la population d’épaulards résidents du sud.
Description longue
Le titre de la figure 1 est « Taille de la population et tendances observées chez les résidents du Sud de 1976 à 2017 ». Cette figure est un graphique qui illustre la taille de la population d’épaulards résidents du Sud de 1976 à 2017. Sur le graphique, une ligne de tendance représente la population résidente du Sud totale et une autre représente les groupes familiaux J, K et L. La population totale varie d’un minimum de 71 individus en 1976 à un pic de 97 en 1996. Elle décline après 1979, 1996 et 2005. Elle augmente après 1976, 1984 et 2000. La taille de la population du groupe L est plus grande que celle des groupes J et K. Elle suit la tendance de la population totale, et fluctue entre 36 et 57 animaux. La taille de la population du groupe J est plus petite que celle du groupe L et plus grande que celle du groupe K. Au fil des ans, elle a passé de 16 baleines en 1976 à 27 en 2015 et à 24 en 2017. La population du groupe K a elle aussi augmenté au fil des ans, de 15 baleines en 1976 à 20 en 2011; elle est composée de 18 individus en 2017.
Le profil démographique de la population a changé depuis 1979 (tableau 1). Le nombre de femelles résidentes du sud post-reproductives est passé de 12 % de la population à seulement 7 %. En chiffres absolus, ces 7 % se traduisent par cinq animaux seulement (tableau 2). En 2017, les groupes familiaux J et K ne comptaient qu’une seule femelle post-reproductive, et le groupe familial L, trois (Programme de recherche sur les cétacés, données inédites). Il est possible que la présence de femelles plus âgées dans un groupe favorise la survie des jeunes, même si celles-ci ne contribuent plus directement à la croissance de la population (COSEPAC 2008).
Démographie | 1979 (%) | 2016 (%) |
---|---|---|
Femelles en âge de se reproduire (de 10 ans à 42 ans) |
32 | 34 |
Mâles adultes (> 10 ans) |
27 | 18 |
Femelles post-reproductives (> 42 ans) |
12 | 7 |
Jeunes (< 10 ans) |
38 | 30 |
Source : Pêches et Océans Canada - Programme de recherche sur les cétacés (données inédites).
Année | Total | Femelles en âge de se reproduire (de 10 ans à 42 ans) |
Mâles adultes |
Femelles post-reproductives (> 42 ans) |
Jeunes (< 10 ans) |
---|---|---|---|---|---|
2017 | Total: 76
|
Total: 27
|
Total: 24
|
Total: 5
|
Total: 20
|
2015 | Total: 80
|
Total: 30
|
Total: 23
|
Total: 5
|
Total: 22
|
2010 | Total: 84
|
Total: 30
|
Total: 17
|
Total: 9
|
Total: 28
|
2005 | Total: 88
|
Total: 32
|
Total: 20
|
Total: 12
|
Total: 24
|
2000 | Total: 77
|
Total: 28
|
Total: 11
|
Total: 12
|
Total: 26
|
1995 | Total: 92
|
Total: 34
|
Total: 14
|
Total: 11
|
Total: 33
|
1990 | Total: 87
|
Total: 33
|
Total: 17
|
Total: 11
|
Total: 26
|
1985 | Total: 74
|
Total: 31
|
Total: 16
|
Total: 9
|
Total: 18
|
1980 | Total: 79
|
Total: 25
|
Total: 13
|
Total: 11
|
Total: 30
|
Source : Pêches et Océans Canada - Programme de recherche sur les cétacés (données inédites).
3.1 Aire de répartition de l’épaulard résident du sud
L'aire de répartition connue de cette communauté s'étend du sud-est de l’Alaska jusqu'au centre de la Californie (Ford et al. 2017). Pendant l'été, on trouve habituellement les membres de cette communauté au large du sud de l'île de Vancouver et du nord de l'État de Washington, où ils se rassemblent pour intercepter le saumon migrateur. La principale zone de concentration des résidents du sud est le détroit de Haro et les environs du sud-est de l'île de Vancouver (figure 2), mais on les voit fréquemment dans le détroit de Juan de Fuca et au sud du détroit de Georgia (Ford et al. 2000). Sur les trois groupes familiaux d'épaulards résidents du sud, le groupe J est le plus souvent observé dans les eaux intérieures pendant toute l'année, et il semble rarement quitter la zone du détroit de Georgia, de la baie Puget et du détroit de Juan de Fuca (Ford et al. 2000). On a noté la présence des groupes K et L le plus souvent à l'ouest du détroit de Juan de Fuca et au large des côtes extérieures de l'État de Washington et de l'île de Vancouver. Contrairement au groupe J, les groupes K et L quittent habituellement les eaux côtières à l'hiver et y retournent en mai et juin. On connaît mal leur habitat durant cette période, mais ils ont été aperçus, au sud, jusqu'à Monterey Bay (Californie), et au nord, jusqu'au détroit de Chatham, au sud-est de l’Alaska (Ford et al. 2017).
Description longue
La figure 2 s’intitule « Côte de la Colombie-Britannique et nord-ouest de l’État de Washington montrant les aires de répartition générales des épaulards résidents du Nord et du Sud ». Il s’agit d’une carte de la côte de la Colombie-Britannique, de l’État de Washington à l’entrée Dixon au nord de Haïda Gwaii. La région située le long de la côte entre l’entrée Dixon et le tiers sud de l’île de Vancouver, en s’étendant d’une cinquantaine de milles marins vers le large depuis l’ouest de Haïda Gwaii et l’île de Vancouver, est indiquée comme étant l’aire de répartition de l’épaulard résident du Nord. La région située le long de la côte entre l’État de Washington et le tiers nord de l’île de Vancouver, en s’étendant d’une cinquantaine de milles marins vers le large depuis l’ouest de l’île de Vancouver, est indiquée comme étant l’aire de répartition de l’épaulard résident du Sud.
3.2 Habitat essentiel
L'habitat essentiel est défini au paragraphe 2(1) de la LEP (2002) comme étant « l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce ».
La LEP décrit également l’habitat d’une espèce aquatique en péril : « les frayères, aires d'alevinage, de croissance et d'alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire ».
Un habitat essentiel partiel a été désigné pour les épaulards résidents du nord et du sud dans le programme de rétablissement de 2008. L'habitat essentiel des épaulards résidents du nord comprenait les eaux du détroit de Johnstone et du sud-est du détroit de la Reine-Charlotte (figure 2), alors que celui des épaulards résidents du sud incluait les eaux transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique, notamment le sud du détroit de Georgie, le détroit de Haro et le détroit de Juan de Fuca (figure 2). Ces zones d'habitat essentiel ont été protégées par un arrêté en conseil visant la protection de l'habitat essentiel pris en vertu de la LEP en 2009. Le programme de rétablissement a été modifié en 2011 afin de préciser cet habitat essentiel.
Ford et al. (2017) ont proposé d’ajouter une région à l’ habitat essentiel de l’épaulard résident du sud, comprenant les eaux du plateau continental au sud-ouest de l’île de Vancouver, y compris les bancs Swiftsure et La Pérouse. La modification du programme de rétablissement visant à ajouter cette zone à l’habitat essentiel est en voie d’élaboration.
L'habitat présentant une importance particulière envisagé comme habitat essentiel au large du sud-ouest de l'île de Vancouver comprend les parties canadiennes du banc Swiftsure, où la surveillance acoustique menée entre août 2009 et juillet 2011 a révélé que tant les épaulards résidents du sud que ceux du nord utilisent considérablement cet habitat pendant la plus grande partie de l'année. De plus, l’habitat comprend plusieurs autres bancs relativement peu profonds, notamment le banc La Pérouse qui, comme le banc Swiftsure, fait partie des zones de pêche au saumon quinnat les plus productives de la côte Ouest de l'Amérique du Nord. Dans le cadre de cette surveillance acoustique, les trois groupes familiaux d’épaulards résidents du sud ont été détectés dans cette zone, la présence du groupe L étant consignée le plus fréquemment (Ford et al. 2017). La zone est importante pour les épaulards résidents du sud, que ce soit l'été, lorsque des groupes d'épaulards passent du temps à l'ouest de la zone d’habitat essentiel des eaux transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique, ou en hiver, lorsqu’ils sont généralement absents de la zone d'habitat essentiel du sud de la Colombie-Britannique, mais ont souvent été détectés au large du sud-ouest de l'île de Vancouver (MPO 2017c).
Les eaux transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique et de l'État de Washington (figure 3) représentent une zone de concentration très importante pour les épaulards résidents du sud. Cette zone comprend des eaux qui relèvent de la compétence du Canada et des États-Unis. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis a analysé les données existantes sur les tendances de présence sur la côte des épaulards résidents du sud dans le cadre de la désignation de l'habitat essentiel en vertu de l'ESA, en collaboration avec le MPO (NMFS 2006a). Cette évaluation a fourni de la documentation quantitative sur l’importance de ces zones transfrontalières pour ces épaulards et forme, avec les renseignements déjà publiés, la base de la désignation de l'habitat essentiel.
Cette zone d'habitat essentiel est utilisée régulièrement par les trois groupes familiaux d’épaulards résidents du sud de juin à octobre la plupart des années (Osborne 1999; Wiles 2004). Le groupe J semble présent dans la zone une grande partie du reste de l'année, mais les groupes familiaux K et L en sont généralement absents de décembre à avril. Cet habitat essentiel est de toute évidence très important pour l'ensemble de la communauté d'épaulards résidents du sud en tant qu’aire d’alimentation pendant la période de migration du saumon et, par conséquent, a été désigné en tant qu’habitat essentiel en vertu de la LEP.
Description longue
Le titre de la figure 3 est « Zones de l’habitat essentiel de l’épaulard résident du Sud et futures zones proposées de l’habitat essentiel au Canada et dans les eaux transfrontalières du nord de l’État de Washington. Le sud-ouest de l’île de Vancouver est la future zone proposée comme habitat essentiel et l’habitat essentiel existant est situé dans les eaux transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique ». Il s’agit d’une carte du sud-ouest de l’île de Vancouver et de l’État de Washington. Les eaux situées entre l’État de Washington et l’île de Vancouver, au sud de la frontière internationale, constituent les eaux transfrontalières du nord de l’État de Washington. Les eaux situées entre l’État de Washington et l’île de Vancouver, au nord de la frontière internationale, constituent les eaux transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique. Les eaux qui se trouvent le long de la côte de l’île de Vancouver, s’étendant approximativement sur une centaine de kilomètres au nord de l’État de Washington et une cinquantaine de kilomètres au large, composent le sud-ouest de l’île de Vancouver.
3.3 Objectif de rétablissement
L’objectif fixé dans le programme de rétablissement pour l’épaulard résident du sud constitue la base de l’atteinte d’un état rétabli pour l’espèce. C’est pourquoi l’évaluation des menaces imminentes pour le rétablissement examine si chacune des menaces qui pèsent sur l’épaulard résident du sud rendrait son rétablissement impossible ou peu probable sans intervention.
L'objectif de rétablissement pour l’épaulard résident du sud consiste à « assurer la viabilité à long terme des populations résidentes d'épaulards en obtenant et en maintenant des conditions démographiques qui permettent de préserver leur potentiel reproductif, leur diversité génétique ainsi que leur continuité culturelle ».
Les épaulards sont des prédateurs de niveau trophique supérieur et seront donc toujours beaucoup moins abondants que la plupart des autres espèces présentes dans leur environnement. En outre, ils sont répartis en petites populations, telles que les communautés d’épaulards résidents du nord et du sud, qui sont fermées à l'immigration et à l'émigration. De plus, la capacité de croissance de la population est limitée par un ensemble de caractéristiques biologiques et de facteurs sociaux, y compris le début tardif de la maturité sexuelle, le petit nombre de femelles reproductrices et de mâles matures, les longs intervalles de mise bas et la dépendance à l’égard de la transmission culturelle de l'information écologique et sociale. Malheureusement, on sait peu de choses sur la taille historique des populations d'épaulards ou sur les facteurs qui peuvent la réguler au final. On sait que la diversité génétique est faible chez les deux populations, en particulier chez les épaulards résidents du sud. Compte tenu de ces caractéristiques et incertitudes inhérentes, les paramètres suivant s serviront de mesures provisoires de la réussite du rétablissement :
- le maintien à long terme de la stabilité ou de l'augmentation des populations actuellement à leur niveau maximal historique connu, et l’augmentation des populations actuellement en deçà du niveau maximal historique connu;
- le maintien d'un nombre suffisant de femelles dans la population pour que leur potentiel de reproduction combiné se situe au niveau de remplacement pour les populations au niveau maximal historique connu, et au-dessus du niveau de remplacement pour les populations sous le niveau maximal historique connu;
- le maintien d'un nombre suffisant de mâles dans la population pour que les femelles reproductrices aient accès à des partenaires potentiels multiples en dehors de leurs propres matrilignages proches;
- le maintien de matrilignages composés de plusieurs générations pour assurer la transmission des renseignements culturels qui influent sur la survie.
3.4 Menaces
Cinq menaces pesant sur le rétablissement des épaulards résidents du sud sont indiquées dans le programme de rétablissement : la disponibilité réduite des proies, les perturbations acoustiques et physiques, les contaminants présents dans l’environnement, les déversements d’hydrocarbures et la mortalité accidentelle due aux pêches. Par la suite, une autre menace, les collisions avec les navires, a été ajoutée à l’examen scientifique de l’épaulard résident du sud (MPO 2017b) réalisé dans le cadre du Plan de protection des océans. Soulignons que la présente évaluation portera uniquement sur les trois menaces principales pour l’épaulard résident du sud (disponibilité réduite des proies, perturbations acoustiques et physiques, contaminants présents dans l’environnement).
Disponibilité des proies
Les épaulards résidents du sud sont des prédateurs très spécialisés se nourrissant principalement de saumon quinnat. Cette sélectivité est particulièrement évidente au cours des mois de mai à septembre dans la mer des Salish, où les épaulards se nourrissent presque exclusivement de saumon quinnat dans le détroit de Juan de Fuca, la baie Puget, la partie sud du détroit de Georgie et au large de la côte sud-ouest de l'île de Vancouver (Ford et al. 1998; Ford et Ellis 2005, 2006; Ford et al. 2010b; Hanson et al. 2010b; M. Ford et al. 2016; J. Ford et al. 2017). En octobre et en novembre, les épaulards résidents du sud fréquentent davantage la baie Puget et se nourrissent de saumon kéta en plus du saumon quinnat. En décembre, la plupart des épaulards résidents du sud ont quitté leurs principaux habitats d’estivage dans la mer des Salish. Les groupes familiaux K et L, en particulier, sont en grande partie absents de décembre à mai. Même si on connaît beaucoup moins le régime alimentaire d'hiver et du début du printemps des épaulards résidents du sud, les observations et les enregistrements acoustiques indiquent qu'ils occupent un vaste territoire le long de la côte continentale des États-Unis et au large de la côte Ouest de l’île de Vancouver (Wiles 2004; Zamon et al. 2007; Hanson et al. 2013; Ford et al. 2017). Leur présence au large de l'embouchure du fleuve Columbia et à Monterey Bay (Californie) semble associée aux concentrations locales de saumon quinnat (Wiles 2004; Zamon et al. 2007; Hanson et al. 2010b).
La survie et le rétablissement des épaulards résidents du sud semblent fortement associés à l’abondance du saumon quinnat. Ford et al. (2010b) ont montré une corrélation négative entre les taux de mortalité des épaulards résidents du sud et du nord et l’abondance du saumon quinnat sur une période de 25 ans, de 1979 à 2003. En particulier, une diminution marquée de l’abondance du saumon quinnat ayant persisté pendant quatre ans à la fin des années 1990 a été associée à des taux de mortalité jusqu’à 2 à 3 fois plus élevés que prévu, et a entraîné le déclin des deux populations d’épaulards résidents. Ward et al. (2009) ont démontré un lien significatif entre l’abondance du saumon quinnat et les taux de reproduction de la population résidente du sud.
La taille relativement grande du saumon quinnat et sa teneur élevée en lipides en font une proie très nutritive pour les épaulards résidents du sud, et leur offrent un gain calorique élevé par rapport à l'énergie dépensée pour la chasse (Ford et Ellis 2005, 2006). Le saumon quinnat a également été, dans le passé à tout le moins, une proie abondante. Contrairement à de nombreuses espèces de saumon qui passent une grande partie de leur cycle de vie en haute mer, ne retournant dans les eaux côtières que pour le frai, le saumon quinnat est présent toute l’année dans les eaux côtières. Les épaulards semblent préférer le saumon quinnat âgé de 4 à 5 ans, dont la masse corporelle moyenne est de 8 à 13 kg (Ford et Ellis 2005). Ces saumons quinnats sont considérablement plus gros que le saumon kéta adulte (de 4,0 à 5,5 kg), sont plus présents dans le régime alimentaire des épaulards à l’automne, et font plus du double de la taille du saumon coho ou du saumon rose typique, lesquels sont rarement consommés par les épaulards (Ford et al. 1998).
En 2013, une étude photogrammétrique a évalué l'état corporel de 43 épaulards résidents du sud et a démontré un déclin de la condition corporelle de 11 d'entre eux, dont 7 femelles en âge de se reproduire, par rapport à leur état en 2008, année où 43 individus ont également été évalués. Dans l’étude de 2013, 12 femelles résidentes du sud ont été désignées comme gravides d’après les mesures de la largeur estimées à partir de photos aériennes. Toutefois, seules deux d’entre elles ont par la suite été vues en compagnie d’un baleineau, ce qui laisse entendre que le mauvais état corporel est probablement un facteur qui contribue à l’échec de la reproduction (Fearnbach et al. 2015). En 2017, un examen des recherches récentes menées sur les épaulards résidents du sud a été entrepris afin de détecter des signes de mauvais état corporel dans la population (Matkin et al. 2017). L’examen portait sur les données probantes obtenues grâce aux données d’observation (identification photographique et mortalité), à la photogrammétrie aérienne, aux données de nécropsie et aux analyses hormonales effectuées à partir d’échantillons de matières fécales. Le groupe d’experts scientifiques indépendants qui a mené l'examen a conclu que plusieurs sources de données démontrent le mauvais état corporel des épaulards résidents du sud, et cela a été associé à la perte de fœtus, de baleineaux et d'adultes.
Perturbations acoustiques et physiques
Les épaulards utilisent des signaux sonores pour communiquer, détecter leurs proies et obtenir des renseignements sur leur environnement. Ils produisent un éventail de sons, y compris des clics d’écholocalisation pour chercher de la nourriture et naviguer, de même que des appels à impulsions et des sifflements pendant leurs interactions sociales. On croit que les signaux d'appel jouent un rôle important dans la dynamique sociale des groupes qui se déplacent et s’alimentent ensemble (Ford 1989). Les épaulards résidents semblent recourir très fréquemment à l'écholocalisation pour localiser et capturer leurs proies, même si leur vision joue aussi un rôle à très courte distance (Ford 1989; Barrett-Lennard et al. 1996). Des études sur la structure des clics d'écholocalisation et l'énergie acoustique des clics chez les épaulards résidents du nord donnent à penser que ces derniers sont en mesure de détecter des saumons quinnats à des distances d'environ 100 m dans des conditions moyennes, et que cette distance diminue à mesure que le bruit ambiant sous l’eau augmente (Au et al. 2004).
On estime que les niveaux de bruit sous-marin ambiant (en arrière-plan) ont augmenté en moyenne de 15 dB (il convient de noter qu’une augmentation de 3 dB représente un doublement des niveaux de bruit) au cours des 50 dernières années dans les océans du monde (CNR 2003). L es navires constituent la principale source de bruit ambiant (entre 10 et 200 Hz). T outefois, les navires produisent également une quantité importante de bruits plus aigus compris dans la gamme des fréquences audibles par les épaulards (de 600 Hz à 114 kHZ), les épaulards étant plus sensibles aux sons dont la fréquence se situe entre 5 kHz et 81 kHz ( Branstetter et al. 2017). Le bruit émis par les navires à des distances de moins de 3 km dans le passage relativement étroit du détroit de Haro, une zone fréquentée par les épaulards résidents du sud, atteint les fréquences utilisées par l’espèce (Veirs et al. 2015). Il est largement reconnu que la navigation commerciale a considérablement augmenté au cours des dernières années. À l’heure actuelle, dans la mer des Salish, un grand navire circule en moyenne toutes les heures, tous les jours de l’année, et trois déplacements par heure sont observés pendant les périodes de pointe (Erbe et al. 2012; Williams et al. 2014a). Dans la mer des Salish, la navigation commerciale est la principale source d’énergie sonore globale, mais les plus petites embarcations (bateaux de pêche récréative et d’observation des baleines) contribuent grandement au bruit dans certaines sous-zones de la mer des Salish (ECHO 2016).
L’observation des baleines et les activités de navigation de plaisance ont aussi augmenté en raison de l’intérêt accru pour l’écotourisme et de l’accroissement de la population humaine sur les côtes de la mer des Salish. Les activités commerciales d'observation des baleines dans les portions canadiennes et américaines de la mer des Salish ont augmenté, passant d’un petit nombre de bateaux dans les années 1970 à environ 80 bateaux en 2003 et à 100 bateaux en 2016. Cette estimation ne comprend pas les bateaux de plaisance (Holt 2017). Les bateaux non commerciaux comprennent les kayaks, les voiliers et les bateaux à moteur. Les activités d’observation des baleines peuvent perturber les mammifères marins à la fois par la présence et l’activité de tous les types d’embarcations et par l’augmentation des niveaux de bruits sous-marins générés par leurs moteurs (MPO 2011).
Erbe (2002) a modélisé le bruit de la circulation des bateaux d'observation des baleines à proximité des épaulards résidents du sud et a montré que le bruit des bateaux circulant à grande vitesse pouvait masquer leurs appels dans un rayon de 14 km, susciter une réaction comportementale dans un rayon de 200 m et entraîner un déplacement temporaire du seuil (TTS) d'audition de 5 dB après 30 à 50 minutes dans un rayon de 450 m. La vitesse des bateaux constituait un facteur important pour déterminer la quantité de bruit générée. Le fait de réduire la vitesse, donc de diminuer le bruit, limite la zone où les signaux sont masqués à un rayon de 1 km de l’embarcation. Toutefois, on compte habituellement de nombreuses embarcations à proximité des épaulards résidents du sud, et on a constaté que les niveaux de bruit modélisé associés à un certain nombre de bateaux près des baleines se situent près du seuil critique de bruit censé causer une perte auditive permanente à la suite d’une exposition prolongée.
Depuis 2002, de nombreuses études ont mis en évidence des réactions comportementales et des changements dans les signaux acoustiques émis par les épaulards résidents du sud vivant dans la mer des Salish et s’y nourrissant, ce qui suggère fortement une dépense d'énergie et un stress potentiel associés à l’augmentation des niveaux de bruit. Plus précisément, les épaulards résidents du sud ont considérablement augmenté la durée de leurs appels en présence de navires ainsi que l’amplitude de leurs appels à mesure que le niveau de bruit de fond augmentait en raison du nombre de bateaux à proximité (Foote et al. 2004; Holt et al. 2009, 2011).
La plupart du temps, de mai à septembre, pendant les heures de clarté, des épaulards résidents du sud sont observés à moins de 400 m de navires, en grande partie en raison des bateaux d’observation des baleines qui s’en approchent et les suivent. Des études sur le comportement des épaulards résidents du sud se trouvant à proximité de bateaux d’observation des baleines dans la mer des Salish montrent que les baleines sont beaucoup moins susceptibles d’être en quête de nourriture et beaucoup plus susceptibles d’être en déplacement lorsqu’elles sont en présence de bateaux, et qu'elles se déplacent sur de courtes distances en raison de ces bateaux (Lusseau et al. 2009). Parmi les réactions comportementales aux approches de bateaux à courte distance, notons l’augmentation des comportements actifs à la surface, qui peuvent engendrer une plus grande dépense d'énergie (Noren et al. 2009).
Contaminants présents dans l'environnement
La menace que représentent les contaminants environnementaux englobe les produits chimiques, en particulier les contaminants qui se bioaccumulent et les polluants biologiques. Ces derniers peuvent être des agents pathogènes qui pénètrent dans l'habitat des épaulards résidents du sud par les eaux de ruissellement côtier, par les eaux usées provenant des zones urbaines et agricoles et possiblement par le transport aérien. La mer des Salish est entourée d’une zone urbaine et industrielle en plein essor. Il existe des apports locaux, régionaux et mondiaux de contamination. Le problème est d'autant plus complexe que le Canada et les États-Unis ont des règlements différents pour répondre à cette menace transfrontalière, et une solution efficace nécessitera plus de collaboration et d’harmonisation.
Les épaulards sont vulnérables à l'accumulation de fortes concentrations de polluants organiques persistants (POP), car ce sont des animaux à grande longévité qui se nourrissent à un niveau supérieur de la chaîne alimentaire et transmettent une partie de leur charge de contaminants à leurs descendants (Ross et al. 2000, 2002; Rayne et al. 2004; Ross 2006). Les POP sont persistants; ils se bioaccumulent dans les tissus adipeux et endommage nt les fonctions reproductrices et immunes de l’épaulard. Les épaulards résidents se nourrissent principalement de saumon quinnat, et plusieurs stocks d'importance pour les épaulards résidents du sud se trouvent dans la mer des Salish et dans d'autres zones marines côtières pendant une partie considérable de leur cycle de vie. Les saumons quinnats présents dans l’aire de répartition des épaulards résidents du sud sont relativement contaminés par les POP en raison de la bioamplification des réseaux trophiques marins pendant la période qu’ils passent en mer (O’Neill et al. 1998; Ewald et al. 1998).
Les polluants biologiques, notamment les agents pathogènes et les bactéries résistantes aux antibiotiques attribuables aux activités humaines, peuvent également menacer la santé des épaulards résidents du sud, la salubrité de leur habitat et la santé de leurs proies. En raison de la petite taille de la population d'épaulards résidents du sud et de la nature grégaire de ces animaux, l'introduction d'un agent pathogène transmissible très virulent pourrait avoir une incidence catastrophique sur la viabilité à long terme de la population en réduisant le succès de la reproduction et de la survie (Gaydos et al. 2004). De plus, bien que l'âge puisse être un facteur de confusion, il a été suggéré qu'il existe une association entre l’exposition des cétacés aux biphényles polychlorés (BPC) et leur mortalité due à des maladies infectieuses (O’Hara et O’Shea 2001). Des agents pathogènes et des bactéries résistantes aux antibiotiques peuvent s’infiltrer dans le milieu marin par les ruissellements côtiers et les rejets d'eaux usées.
4 Évaluation des menaces imminentes
Le ministre compétent doit recommander la prise d’un décret de protection d’urgence s’il ou elle estime que des menaces imminentes pèsent sur la survie ou le rétablissement d’une espèce sauvage inscrite. Le ministre compétent n'est pas tenu de recommander un tel décret s'il est d'avis que des mesures équivalentes ont été prises en vertu d'une autre loi du Parlement pour protéger cette espèce. S’agissant d’une espèce aquatique, un décret de protection d’urgence peut désigner l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement de l’espèce dans la zone visée par le décret. Il peut également renfermer des dispositions exigeant la prise de mesures qui protègent l’espèce et son habitat ou interdisant des activités susceptibles d’avoir des effets nocifs sur l’espèce et cet habitat.
Question 1 : Est-ce que l'espèce fait face à des menaces susceptibles d’avoir une incidence sur sa survie ou son rétablissement?
Les principales menaces qui pèsent sur l’épaulard résident du sud sont la réduction de la disponibilité ou de la qualité des proies, les perturbations physiques et acoustiques, ainsi que les contaminants présents dans l'environnement. Il a été prouvé que chacune de ces menaces, en particulier la disponibilité des proies, limite ou inverse le rétablissement de l’espèce. L’effet cumulatif de ces facteurs est inconnu, mais il est possible que les menaces fonctionnent en synergie. Chacune a des répercussions sur la santé de l’épaulard résident du sud ou sur s a capacité de se nourrir. Les perturbations acoustiques et physiques ont des effets aigus et chroniques qui peuvent influer sur la réussite de la quête de nourriture. Les effets synergiques de la combinaison des menaces risquent d’exacerber les impacts de chacune d’entre elles et de raccourcir le temps nécessaire pour que les impacts agissent sur la population.
Résumé
L’espèce fait actuellement face à des menaces susceptibles de se répercuter sur sa survie ou son rétablissement.
Question 2 : Est-ce que les menaces actuelles auront pour effet de rendre la survie de l’espèce peu probable ou impossible?
Le COSEPAC a attribué le statut d’espèce en voie de disparition à l’épaulard résident du sud, car l’espèce satisfait aux critères C2a(i,ii); D1 (COSEPAC 2008). Cela signifie que lorsqu’elle a été évaluée en 2006, la population, composée d’un petit nombre d’individus matures (48), avait décliné au cours des 10 à 15 années précédentes et devrait continuer à le faire dans un avenir prévisible.
Aux termes des politiques sur les espèces en péril - Politique sur la survie et le rétablissement (2016) (proposition), on considère qu’une espèce en péril aura de meilleures chances de survie s ’il est possible de l’amener au point où elle présente les caractéristiques décrites ci-après. Plus l’espèce possède de ces caractéristiques, plus la probabilité de sa survie augmente. En d’autres mots, pour que l’épaulard résident du sud ne soit plus considéré comme étant en péril, la population devrait être :
- stable : la population est stable ou en hausse au cours d'une période pertinente sur le plan biologique;
- résiliente : la population est suffisamment grande pour récupérer des perturbations périodiques et éviter l'effondrement démographique et génétique;
- répandue ou redondante : plusieurs (sous-)populations ou emplacements sont disponibles pour permettre à l'espèce de survivre à des événements catastrophiques et en faciliter le sauvetage, au besoin;
- connectée : la répartition de l'espèce au Canada n'est pas fragmentée de façon importante ou artificiellement;
- protégée contre les menaces anthropiques : les menaces importantes d'origine non naturelle sont atténuées;
- persistante : en fonction du cycle biologique et de l’écologie propres à l’espèce au Canada, la persistance est facilitée par la connectivité avec des populations à l'extérieur du Canada ou une intervention relative à l'habitat pour les espèces qui sont naturellement en deçà d'un seuil de survie au Canada.
Stabilité de la population
Même si elle a pu l’être autrefois, il n’est pas possible de considérer que la population d’épaulards résidents du sud est stable aujourd’hui. Le premier recensement de la population, réalisé en 1974, a permis d’identifier 71 individus. Au cours des décennies suivantes, la population a été évaluée chaque année et est passée de 71 animaux en 1974, son niveau le plus bas, à 97 animaux en 1996, son niveau le plus élevé. Depuis 1996, une période prolongée de bas taux de survie (Taylor et Plater 2001; Krahn et al. 2002) et de fécondité peu élevée (Krahn et al. 2004) a entraîné une diminution de 17 % (- 2,9 % par année) du nombre d'individus, qui atteignait 81 en 2001. Cette période de bas taux de survie et de fécondité peu élevée a été associée à une faible disponibilité du saumon quinnat (Ford, Ellis et Olesiuk, 2005; Ford et al. 2010). Depuis 2001, l’effectif de la population a varié entre 76 et 89 individus. De 1974 à 2006, le nombre maximal d’individus matures (en 1993) était de 72 et le nombre minimal (en 1985) de 42. Lors de la dernière évaluation du COSEPAC, en 2008, la population comprenait 87 individus, dont 48 adultes, selon les données de 2006. En 2017, elle comptait 76 membres, dont 51 en âge de se reproduire (voir le tableau 2).
Depuis 1974, la population d’épaulards résidents du Sud a passablement fluctué, mais ces fluctuations sont demeurées dans une certaine fourchette de population globale. Le faible effectif de la population, les populations effectives réduites et le bas taux de survie des nouveau-nés aggravent les conséquences de toute mortalité, qui se traduisent par une perte de potentiel reproducteur. Cela a des effets négatifs sur la capacité de la population à se stabiliser et à inverser son récent déclin. (Voir l’analyse plus détaillée de l’état et des tendances de la population à la section 2).
Résilience
Bien que la population actuelle d’épaulards résidents du sud soit petite, les fluctuations enregistrées ( de 71 individus en 1974 à un record de 97 en 1996) permettent de penser qu’elle possède un certain degré de résilience et devrait pouvoir dépasser son effectif actuel de 76, si la composition démographique et les conditions sont favorables à la reproduction .
De manière générale, il est plus probable qu'une petite population affiche une consanguinité et un taux de reproduction inférieurs, ce qui peut mener à une moindre variabilité génétique, à une résistance réduite aux maladies et à la pollution, à une diminution de la capacité adaptative de la population, ainsi qu'à des risques élevés d'extinction causée par une catastrophe . Si le déclin de la population se poursuit, les individus pourraient se trouver devant une pénurie de partenaires. Parmi les résidents du sud, les femelles du groupe L peuvent être particulièrement vulnérables à ce scénario en raison du petit nombre de mâles en état de se reproduire dans les groupes J et K, ce qui réduit le potentiel d’échange génétique entre les groupes. Même dans des conditions idéales, le rétablissement de la population sera lent, car les mises bas sont relativement rares chez les épaulards (tous les six ans chez l’épaulard résident du sud). Il faut aussi tenir compte des caractéristiques culturelles des épaulards pour évaluer la résilience des populations. Chez les animaux dont la structure sociale est fortement basée sur le matrilignage, cette structure peut être rompue si la population devient trop petite (Williams et Lusseau 2006; Matkin et al. 2008). D’autres caractéristiques culturelles de l’épaulard résident du sud pourraient néanmoins contribuer à la résilience de la population. On croyait jusqu’à récemment que la consanguinité serait moins dangereuse pour les épaulards que la petite taille de la population pouvait le laisser penser, car ces animaux pouvaient éviter la consanguinité et ses risques inhérents en choisissant de manière non aléatoire un partenaire à l’extérieur de leur groupe familial natal (Barrett-Lennard et Ellis 2001). Ford et al. (2018) ont toutefois démontré que « seuls deux mâles adultes ont engendré 52 % des descendants échantillonnés, nés depuis 1990 », ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur la résilience.
Redondance et connectivité de la population
Les épaulards résidents du sud ne sont pas largement répandus et leur population n’est pas redondante ou reliée à d’autres populations d’épaulards. Ils forment une population unique et on ne pense pas qu’ils se croisent avec d’autres populations d’épaulards. Cela ne devrait pas changer à l’avenir compte tenu de leur différenciation culturelle et de leur séparation des autres populations d’épaulards.
Protection contre les menaces anthropiques
Les trois menaces principales - la disponibilité réduite des proies, les perturbations physiques et acoustiques et les contaminants - sont d’origine anthropique et permanentes. Bien que des mesures aient été prises et que d’autres soient prévues pour réduire les impacts de ces menaces, celles-ci ne sont pas entièrement atténuées. Même si on limite ou élimine les facteurs responsables du déclin d’une population d’épaulards, son rétablissement sera lent puisqu’en moyenne, les femelles produisent un baleineau seulement tous les cinq à six ans.
Trajectoires prévues de la population
On a utilisé des analyses de viabilité de la population (AVP) pour estimer le risque d'extinction des épaulards résidents du sud (Taylor et Plater 2001; Krahn et al. 2002, 2004). Selon ces modèles, s'il y a persistance des taux de mortalité et de reproduction observés dans les années 1990, la probabilité que la population disparaisse d'ici 100 ans est de 6 à 100 % et le risque que l'extinction se produise d'ici 300 ans est de 68 à 100 %. Cependant, lorsqu'on utilise les taux de mortalité et de reproduction de toute la période comprise entre 1974 et 2000, le risque d'extinction de la population diminue (0 à 55 % sur 100 ans et 2 à 100 % sur 300 ans). Selon ces scénarios, l'extinction de la population d'épaulards résidents du sud peut être considérée comme inévitable . Des événements catastrophiques (comme les déversements d’hydrocarbures) ne feraient que hâter cette issue. Un modèle plus récent d’AVP a prévu les taux de survie et de rétablissement pour les épaulards résidents du sud d’après des modèles structurés selon le sexe et des données démographiques de grande qualité portant sur une génération d’épaulards (25 ans; 1987 à 2011). Ces modèles ont prévu un déclin annuel de 0,91 % pour cette population, avec un risque d’extinction de 49 % sur une période de 100 ans (Velez-Espino et al. 2014). Un autre modèle d’AVP publié récemment indique que la population actuelle est fragile, sans croissance attendue dans les conditions existantes, et qu’un déclin est à prévoir si la population est exposée à des menaces nouvelles ou accrues (Lacy 2017).
Résumé
Compte tenu des éléments précédents, on peut considérer que les menaces qui pèsent sur la survie de la population d’épaulards résidents du sud sont imminentes.
Question 3 : Est-ce que les menaces actuelles auront pour effet de rendre le rétablissement de l’espèce peu probable ou impossible?
L’objectif fixé dans le programme de rétablissement pour l’épaulard résident du sud constitue la base de l’atteinte d’un état rétabli pour l’espèce. C’est pourquoi l’évaluation des menaces imminentes pour le rétablissement examine si chacune des menaces qui pèsent sur l’épaulard résident du sud rendrait son rétablissement impossible ou peu probable sans intervention.
L’objectif de rétablissement est le suivant en ce qui concerne l’épaulard résident du sud :
« Assurer la viabilité à long terme des populations résidentes d’épaulards en obtenant et en maintenant des conditions démographiques qui permettent de soutenir leur potentiel reproductif, leur diversité génétique ainsi que leur continuité culturelle. »
Cet objectif de rétablissement tient compte des comportements d’accouplement et des comportements sociaux complexes des épaulards résidents, de même que des principales menaces qui peuvent être responsables de leur déclin; il est lié au maintien de la population actuelle et de sa structure.
Les épaulards sont des prédateurs de niveau trophique supérieur et seront donc toujours beaucoup moins abondants que la plupart des autres espèces présentes dans leur environnement. On peut par conséquent considérer que leur situation est naturellement précaire. En outre, ils sont répartis en petites unités de population qui sont fermées à l'immigration et à l'émigration. De plus, la capacité de croissance de la population est limitée par un ensemble de caractéristiques biologiques et de facteurs sociaux, y compris le début tardif de la maturité sexuelle, le petit nombre de femelles reproductrices et de mâles matures, les longs intervalles de mise bas et la dépendance à l’égard de la transmission culturelle de l'information écologique et sociale.
Malheureusement, on sait peu de choses sur la taille historique des populations d'épaulards ou sur les facteurs qui peuvent la réguler au final. On sait que la diversité génétique est particulièrement faible chez la population d’épaulards résidents du sud. Compte tenu de ces caractéristiques et incertitudes inhérentes, les paramètres suivants serviront de mesures provisoires de la réussite du rétablissement :
- le maintien à long terme de la stabilité ou de l'augmentation des populations actuellement à leur niveau maximal historique connu, et l’augmentation des populations actuellement en deçà du niveau maximal historique connu;
- le maintien d'un nombre suffisant de femelles dans la population pour que leur potentiel de reproduction combiné se situe au niveau de remplacement pour les populations au niveau maximal historique connu, et au-dessus du niveau de remplacement pour les populations sous le niveau maximal historique connu;
- le maintien d'un nombre suffisant de mâles dans la population pour que les femelles reproductrices aient accès à des partenaires potentiels multiples en dehors de leurs propres matrilignages proches;
- le maintien de matrilignages composés de plusieurs générations pour assurer la transmission des renseignements culturels qui influent sur la survie.
Population
Comme il a été mentionné, la population d’épaulards résidents du sud est peu nombreuse et en déclin. Elle est très proche du niveau le plus bas jamais enregistré (71 individus en 1974), le maximum historique connu depuis le début des relevés en 1974 étant de 97 animaux, en 1996. Le mauvais état corporel des épaulards résidents du sud a été associé à la perte de fœtus, de baleineaux et d'adultes. En 2013, une étude photogrammétrique a évalué l'état corporel de 43 épaulards résidents du sud et a démontré un déclin de la condition corporelle de 11 d'entre eux, dont 7 jeunes femelles, par rapport à leur état en 2008, année où 43 individus ont également été évalués. Une analyse de recherches récentes réalisée en 2017 a permis de conclure que plusieurs sources de données démontrent le mauvais état corporel des épaulards résidents du sud.
Compte tenu de la petite taille de la population, du faible nombre d’individus contribuant à la reproduction et du bas taux de survie des nouveau-nés, il est peu probable que la population augmente à moins que l’état corporel de ses membres ne s’améliore.
Nombre suffisant de femelles en âge de se reproduire
Bien que la population d’épaulards résidents du sud soit en déclin, elle compte autant de femelles en âge de se reproduire qu’en 1979 (tableau 1). En 2017, sur les trois groupes familiaux, c’est le groupe K qui comptait le moins de femelles en âge de se reproduire (6). En 1980, il n’en comptait que cinq et est parvenu à un maximum de neuf en 2005 (tableau 2). Cela laisse penser que le nombre actuel de femelles pourrait être suffisant pour soutenir le rétablissement si les conditions le permettent et si toutes les femelles en âge de se reproduire sont viables sur le plan de la reproduction, ce qui n’est peut-être pas le cas.
Nombre suffisant de mâles adultes
Malgré le déclin de la population globale d’épaulards résidents du sud, le nombre d’adultes mâles a augmenté depuis 1979, passant de 18 à 29 (tableau 1). Ainsi, il est possible que le nombre actuel de mâles soit suffisant pour soutenir le rétablissement si les conditions le permettent et si tous les mâles adultes sont viables sur le plan de la reproduction, ce qui n’est peut-être pas le cas.
Maintien des matrilignages
Les petites populations sont particulièrement vulnérables aux effets de la perte ne serait-ce que d’un seul individu, effets qui se répercutent sur la population. Plusieurs individus plus âgés des trois groupes familiaux sont morts au cours des 20 dernières années, et le pourcentage global des femelles post-reproductives est passé de 12 à 7 %. Les deux groupes familiaux J et K n’ont chacun qu’une seule femelle post-reproductive et le groupe L n’en compte que trois. Bien qu’il puisse encore y avoir plusieurs générations dans le matrilignage sans les femelles post-reproductives, ces quelques individus jouent sans doute un rôle essentiel dans les groupes familiaux.
Résumé
Compte tenu des éléments précédents, on peut considérer que les menaces qui pèsent sur le rétablissement de la population d’épaulards résidents du sud sont imminentes.
Question 4 : Est-ce que les menaces nécessitent une intervention immédiate?
Des mesures visant à atténuer les menaces et à soutenir le rétablissement des épaulards résidents du sud sont en place depuis de nombreuses années, mais ces efforts n’ont pas encore produit de signes décelables de rétablissement de la population. Bien que la taille de la population totale soit encore au-dessus du seuil de 1974, la répartition démographique actuelle de la population n’appuie pas les objectifs de rétablissement définis dans le programme de rétablissement de 2011. La complexité de la structure sociale de l’épaulard résident du sud exige la présence de matriarches plus âgées. L’espérance de vie maximale d’une femelle est d’environ 80 ans, mais il ne reste actuellement qu’une seule baleine née avant 1971.
Atténuation actuelle et prévue des menaces permanentes
L'examen scientifique de l'espèce réalisé par le MPO (MPO 2017b) a permis de confirmer que les principales menaces pesant sur l'épaulard résident du sud sont le manque de disponibilité des proies, les perturbations acoustiques et physiques et la bioaccumulation de contaminants. Le plan d'action (2017a) contient de nombreuses mesures de gestion et de rétablissement axées sur la recherche qui devraient permettre de réduire les pressions exercées par les activités humaines sur cette population.
Habitat essentiel
Ford et al. (2017) ont relevé une autre région qui présente une importance spéciale pour l’épaulard résident du sud. Le programme de rétablissement est en voie d’être modifié afin d’ajouter cette zone d’habitat essentiel , qui comprend les eaux du plateau continental au sud-ouest de l’île de Vancouver, y compris les bancs Swiftsure et La Pérouse (figure 3). L’ajout de cette zone à l’habitat essentiel dans le cadre d’un programme de rétablissement révisé devrait soutenir le rétablissement de l’espèce.
Disponibilité des proies
L'examen scientifique de l'espèce réalisé par le MPO (MPO 2017b) a défini deux mesures prioritaires pour lutter contre la disponibilité réduite des proies :
- planifier et gérer les pêches du saumon de manière à réduire la concurrence anthropique pour les proies des épaulards résidents du sud dans les aires d'alimentation importantes pendant les périodes clés (par exemple, créer des zones protégées, mettre en œuvre des fermetures de zones de pêche ou en modifier les limites) ou lorsque des signes de stress alimentaire sont observés dans la population . Cela nécessitera, entre autres, la création et l'officialisation d'un groupe de travail transfrontalier comprenant des représentants des secteurs des sciences et de la gestion du MPO et de la NOAA, ainsi que d'autres experts techniques, afin de s'assurer que les besoins en proies des épaulards résidents du sud sont intégrés de manière uniforme dans la gestion de la pêche du saumon et des stocks transfrontaliers (par exemple, Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage, Traité sur le saumon du Pacifique);
- durant les années de faible montaison du saumon quinnat, mettre en œuvre une approche de gestion plus prudente que celle qui serait utilisée durant une année typique, afin de réduire ou d'éliminer la concurrence anthropique pour le saumon quinnat et d'autres proies importantes dans les principales aires d'alimentation des épaulards résidents du sud pendant les périodes clés.
Mesures en cours en réponse à cette menace :
Des travaux sont en cours afin d’éliminer cette menace pour l’épaulard résident du sud. Le MPO et la NOAA ont organisé de nombreux ateliers scientifiques depuis 2011, notamment : le groupe d’experts scientifiques indépendants lié au processus des ateliers scientifiques bilatéraux, pour évaluer les effets des pêches du saumon sur l’épaulard résident du sud (Hillborn et al. 2012) et l’atelier technique de suivi MPO-NOAA sur la disponibilité des proies, qui s’est déroulé à l’Université de la Colombie-Britannique en novembre 2017 (Trites et Rosen 2018). Un document de travail renfermant de l’information sur les mesures de gestion proposées et les zones où l’on envisage de mettre en place des fermetures des pêches du saumon ou d’autres poissons a été publié et fait l’objet de consultations externes. Ce document porte essentiellement sur les pêches du saumon mentionnées dans le plan de gestion intégrée des pêches (PGIP) de saumon du sud et sur les mesures de gestion des pêches prises dans le cadre de ce processus. L’objectif premier de ces mesures est d’améliorer la disponibilité des saumons quinnats pour l’épaulard résident du sud dans les principales zones de quête de nourriture en réduisant l’éventuelle concurrence de la pêche, et de réduire au minimum les perturbations physiques et acoustiques . Le ministre étudie actuellement les mesures qui pourraient être mises en place durant la saison de pêche 2018 à 2019.
L’efficacité des mesures proposées visant la pêche du saumon dépendra des efforts généraux déployés pour réduire autant que possible les perturbations physiques et acoustiques dans les principales zones de quête de nourriture. De surcroît, la possibilité de rehausser la faible abondance du saumon quinnat dans les zones de quête de nourriture de l’épaulard résident du sud pourrait être limitée en raison des bas taux d'exploitation des pêches au large de ces zones et des faibles montaisons prévues pour nombre de populations de saumon quinnat dans le Fraser. Les principales zones de quête de nourriture déterminées sont situées dans la partie canadienne de l’habitat essentiel déjà désigné légalement et dans la région supplémentaire proposée, et sont par conséquent protégées contre la destruction. Des zones supplémentaires de quête de nourriture ont été repérées dans les nouvelles régions proposées comme habitat essentiel de l’épaulard résident du sud, dont le processus de désignation et de protection est en cours.
Comme il s’agit de nouvelles mesures de gestion, nous ne disposons pas encore de preuves que ces efforts permettront de réduire les menaces liées à la disponibilité des proies pour faciliter la survie et le rétablissement. C’est pourquoi on considère encore que cette menace pèse sur la population et nécessite l’intervention proposée.
Perturbations acoustiques et physiques
Les mesures visant à éliminer la menace posée par les perturbations acoustiques et physiques provenant des navires relèvent en grande partie de TC, mais dépendent des avis scientifiques et du soutien du MPO.
L'examen scientifique de l'espèce réalisé par le MPO (MPO 2017b) a défini quatre mesures prioritaires pour lutter contre ces perturbations :
- augmenter la distance autorisée entre les épaulards résidents du sud et les embarcations de plaisance ainsi que les bateaux d'observation des baleines;
- mettre en œuvre des règlements propres aux zones pour les navires (par exemple, zones de restriction de vitesse, détournement du trafic maritime, modifications du calendrier du trafic maritime pour former des convois) visant à réduire les répercussions acoustiques globales sur les épaulards résidents du sud dans leur habitat, en particulier dans la mer des Salish;
- mettre en œuvre des programmes et des règlements incitatifs entraînant la réduction de l'empreinte acoustique des navires effectuant régulièrement des déplacements à proximité et à l'intérieur des habitats importants pour les épaulards résidents du sud (par exemple, en effectuant des changements dans l'entretien des navires ou en recourant à des technologies plus silencieuses) et par l'élimination des navires les plus bruyants;
- désigner des zones potentielles de refuge acoustique dans les aires d'alimentation et les autres aires importantes de l'habitat des épaulards résidents du sud, et prendre des mesures en vue de leur création.
Mesures en cours en réponse à cette menace :
Des mesures sont en voie d’être prises pour lutter contre la menace posée par les navires qui s’approchent des baleines. Le projet de Règlement sur les mammifères marins (RMM) prévoit une distance d’approche minimale de 100 m pour tous les mammifères marins et de 200 m pour tous les épaulards. Entre temps, le secteur commercial de l’observation des baleines s’est engagé à appliquer volontairement la distance minimale de 200 m.
TC ne dispose pas actuellement du pouvoir législatif et réglementaire nécessaire pour mandater des opérations de navires en vue de protéger les mammifères marins et l’écosystème. TC propose des modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada (2001).
Les résultats de l’essai de ralentissement volontaire des navires dans le détroit de Haro, réalisé en 2017 sous la direction du programme ECHO (Enhancing Cetacean Habitat and Observation) de l’administration portuaire de Vancouver-Fraser, montrent que chaque réduction de la vitesse d’un nœud se traduit par des diminutions importantes du bruit. Une analyse plus poussée de ces données est en cours afin de mieux étayer les futures mesures. TC collabore avec le programme ECHO et des intervenants de l'industrie pour appuyer un essai volontaire à l’été 2018 de manière à mieux comprendre les avantages des mesures supplémentaires.
Le MPO estime qu’il faut discuter avec les autres secteurs, comme celui de l’observation des baleines, pour comprendre les niveaux d’activité dans les principales zones de quête de nourriture et les autres mesures volontaires que l’on pourrait prendre en vue de réduire autant que possible les perturbations physiques et acoustiques dans les zones de quête de nourriture connues des épaulards. Des discussions sont prévues au sujet des mesures volontaires potentielles harmonisées avec les fermetures de zones de pêche mises en place grâce à la mobilisation, la communication et l’intendance dans les principales zones de quête de nourriture . Pour l’instant, on ne sait pas avec certitude s’il existe des instruments réglementaires fédéraux appropriés pour exclure les activités de navires autres que la pêche dans les zones d’alimentation, ni si ces pouvoirs relèvent de la compétence provinciale. De plus, il pourrait être difficile de faire respecter des zones d’exclusion des navires, surtout dans le cas des petites embarcations de plaisance.
Le MPO (2017b) a conclu que les mesures d'atténuation axées sur les sources, comme la conception ou la modernisation des navires, peuvent avoir un effet global et à long terme, mais que leur mise en œuvre doit s’effectuer de façon progressive à mesure que les navires sont modifiés ou remplacés. Les mesures d'atténuation axées sur les opérations, comme le ralentissement des navires, les convois, etc., pourraient améliorer les milieux acoustiques, mais l’efficacité de ces mesures est plus incertaine car nous manquons de connaissances sur le comportement, la présence et la répartition des baleines. L’initiative de protection des baleines pourrait recommander d’élaborer des lignes directrices sur des conceptions et des modernisations visant à rendre les navires moins bruyants . Les exigences pourraient être rendues obligatoires par la voie réglementaire. Il s’agit d’une mesure à long terme puisqu’il faudra établir les critères ou les normes de conception.
En 2017, le gouvernement du Canada a publié le Plan de protection des océans et s’est engagé à « prendre des mesures en vue de mieux comprendre les effets cumulatifs du transport maritime sur les mammifères marins, dont l'épaulard résident du sud. Des travaux serviront notamment à mieux établir le seuil de bruit permis, et diverses options permettant d’atténuer les effets néfastes seront envisagées. » Le MPO a évalué les preuves scientifiques liées aux mesures d'atténuation qui pourraient être mises en œuvre pour réduire le bruit dû à la navigation dans l’habitat essentiel désigné et proposé de l’épaulard résident du sud. Diverses mesures d'atténuation ont été évaluées, notamment des mesures axées sur la source et les opérations (MPO 2017d).
Le gouvernement du Canada a entrepris des activités pour donner suite aux recommandations qui précèdent , mais comme pour les menaces liées à la disponibilité des proies, les mesures sont relativement nouvelles et on n’a pas évalué leur efficacité pour favoriser la survie et le rétablissement de l’espèce. C’est pourquoi on considère encore que cette menace pèse sur la population et nécessite une intervention immédiate.
Contaminants présents dans l’environnement
Les mesures nécessaires pour éliminer la menace liée aux contaminants présents dans l’environnement relèvent de la responsabilité législative d’ECCC. L'examen scientifique de l'espèce réalisé par le MPO (MPO 2017b) a défini quatre mesures prioritaires pour lutter contre la présence de contaminants dans l’environnement (sans ordre particulier) :
- appliquer adéquatement la réglementation canadienne existante, nouvellement adoptée ou élargie visant à réduire les rejets de composés chimiques toxiques à la source;
- accélérer la conformité aux règlements sur les effluents des eaux usées (2012) dans les installations de traitement des eaux usées qui bordent la mer des Salish;
- examiner les politiques et les pratiques de gestion exemplaires sur le dragage et l'immersion en mer et les modifier pour y inclure un examen des polybromodiphényléthers (PBDE), et apporter toutes les autres modifications nécessaires pour réduire au minimum l'exposition aux contaminants des épaulards résidents du sud;
- déterminer les programmes permettant d'atténuer les fuites et les déversements de contaminants chroniques et à petite échelle et leur fournir un soutien (par exemple, sur le plan financier ou en nature). S 'il n'en existe pas, concevoir et mettre en œuvre un programme permanent portant sur l'atténuation des fuites et des déversements de contaminants chroniques et à petite échelle dans l'habitat des épaulards résidents du sud.
Mesures en cours et prévues pour lutter contre cette menace :
De nombreux POP trouvés chez les baleines, comme le dichlorodiphenyltrichloroethane (DDT) et les BPC, sont des contaminants utilisés autrefois et désormais interdits. Le Plan de gestion des produits chimiques a été créé en 2006 pour veiller à ce que les substances utilisées actuellement ou les substances nouvelles dont l’utilisation est envisagée ne deviennent pas les POP de demain. ECCC met en œuvre le Plan de gestion des produits chimiques en collaboration avec Santé Canada pour évaluer et gérer les substances toxiques pour l’environnement et la santé humaine. Dans le cadre de ce programme, le ministère a mis en place des règlements qui interdisent, restreignent ou contrôlent les substances toxiques, notamment certaines de celles connues pour toucher les baleines.
Des plans sont en place pour réviser les contrôles visant d’autres de ces substances et déterminer la façon de les renforcer, par exemple, de s évaluations supplémentaires des interdictions de produits ignifuges comme les PBDE et de produits hydrofuges et oléofuges comme les ACPF, et des évaluations pour déterminer s’il faut étendre les contrôles réglementaires aux alcanes chlorés pour inclure certains types (à chaîne moyenne et longue) qui ne figurent pas dans la réglementation actuelle.
En vertu de la Loi sur les pêches, ECCC administre le Règlement sur les effluents des mines de métaux (REMM) et le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers (REFPP). Ces règlements gèrent les menaces qui pèsent sur le poisson, l’habitat du poisson et la santé humaine (résultant de la consommation de poisson) en régissant les dépôts de substances polluantes provenant des mines et des fabriques de pâtes et papiers dans les eaux fréquentées par des poissons. ECCC envisage d’élargir ses activités de mise en application afin de cibler en particulier les contrevenants qui posent le plus grand risque pour les populations de baleines et leurs proies.
Les rejets d’eaux usées sont une source connue de contaminants dans la mer des Salish. L’usine du district régional de la capitale (DRC) à Victoria et les usines de traitement des eaux usées de Lions Gate à Vancouver et de l'île Iona rejettent collectivement environ 700 millions de litres d’effluents non traités et sous-traités chaque jour dans la mer des Salish. En vertu du Règlement sur les effluents des systèmes d’assainissement des eaux usées d’ECCC, les usines d’eaux usées doivent se mettre à niveau au moins jusqu’au deuxième traitement, qui peut retirer approximativement 90 % des contaminants tels que les produits ignifuges (et 95 % des polluants classiques). Victoria (DRC) doit cesser, d’ici la fin de 2020 , de rejeter des eaux usées non traitées, et les usines de traitement des eaux usées de Lions Gate de la région métropolitaine de Vancouver et de l’île Iona doivent faire de même d’ici la fin de 2020 et de 2030, respectivement .
ECCC mettra en place des mesures qui assurent une meilleure protection en vertu du Règlement sur l’immersion en mer afin que les concentrations de BPC n’augmentent pas dans les sédiments de l’habitat de l’épaulard résident du sud du fait du rejet de matériaux de dragage. Ces mesures comprennent des échantillonnages accrus aux sites d’immersion en mer pour établir des limites de protection contre l’immersion en mer, afin que nous n’augmentions pas les contaminants (en particulier les PBDE, une famille de produits ignifuges) dans l’habitat des baleines.
En ce qui concerne les déversements, aux termes du Plan de protection des océans, ECCC aide la Garde côtière canadienne et le MPO à élaborer un cadre législatif et opérationnel pour autoriser l’utilisation des techniques d’intervention les plus efficaces à la suite de déversements provenant de navires. ECCC contribue aussi aux modifications législatives ( modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada et à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999), à l’élaboration d’un cadre opérationnel sur l'utilisation d’autres mesures d’intervention et à des recherches scientifiques sur l’utilisation des techniques d’intervention. ECCC renforce également sa capacité d’intervention d’urgence en affectant de nouveaux agents d’urgence environnementale sur les côtes du Pacifique et de l’Atlantique, des agents d’application de la loi supplémentaires en Colombie-Britannique ainsi que des biologistes de la faune, et améliore sa capacité de modélisation permanente des déversements d’hydrocarbures et de communication d’urgence.
Tandis que le MPO réalisera des recherches visant à quantifier les principaux contaminants trouvés chez les baleines, ECCC orientera ses travaux sur la détermination des sources des contaminants et la manière dont ils pénètrent dans les environnements aquatiques, afin de mieux les gérer. Ces travaux comprendront la surveillance de l’air pour mesurer les concentrations de contaminants dans l’air et la contribution de la pollution de l’air provenant des centres urbains à l’habitat des baleines; des échantillonnages accrus de l’eau douce afin de comprendre la mesure dans laquelle le Fraser et les autres fleuves qui se jettent directement dans l’habitat de l’épaulard résident du sud contribuent aux rejets de contaminants qui touchent les baleines ou leurs proies; l’échantillonnage des lixiviats provenant des décharges situées près de l’habitat essentiel des baleines, en vue d’évaluer la présence de contaminants. Des études porteront aussi sur les contaminants récemment préoccupants, comme les plastiques recyclés contenant des produits ignifuges et les microplastiques, en vue de comprendre leurs effets et leur contribution potentielle aux contaminants trouvés chez les baleines et leurs proies. Les constatations tirées de ces divers efforts serviront à évaluer l’efficacité des mesures de gestion existantes et à déterminer les zones où de nouvelles mesures s’imposent.
Le gouvernement du Canada a déjà entrepris de nombreuses activités pour donner suite aux recommandations, mais d’autres en sont encore à l’étape de la planification. Il faudra procéder à une surveillance à long terme et à d’autres recherches pour déterminer si ces mesures ont permis de réduire les contaminants dans l’environnement. C’est pourquoi on considère encore que cette menace pèse sur la population et nécessite une intervention.
Résumé
Malgré les mesures d’atténuation en cours et prévues, les principales menaces qui pèsent sur l’épaulard résident du Sud ne sont pas, à ce jour, entièrement contenues. De plus, nous n’avons pas encore évalué l’efficacité de ces mesures, un exercice qui pourrait prendre de nombreuses années. Étant donné la longévité de l’espèce, le rétablissement de la population est un objectif à long terme. Les effets de la réduction des menaces sur la survie et le rétablissement de la population ne se manifesteront pas à court terme.
5 Conclusions
En ce qui concerne l’imminence d’une menace pour une espèce en péril, il faut examiner chaque cas séparément compte tenu du vaste éventail d’espèces et de menaces qui pèsent sur elles. Les ministres doivent forger leur opinion à partir de la meilleure information disponible. Ce qui constitue une menace imminente pour une espèce ne le sera pas forcément pour une autre. La présente ÉMI ne porte que sur les menaces imminentes pour la population d’épaulards résidents du sud.
Lorsqu’ils se forgent une opinion sur l’existence de menaces imminentes, les ministres doivent tenir compte de nombreux facteurs : si les menaces sont suffisamment proches, compte tenu des objectifs de rétablissement définis dans le programme de rétablissement de l’espèce, s’il en existe un; si les menaces pour la survie ou le rétablissement de l’épaulard résident du sud sont plus qu’une simple possibilité ou un résultat futur potentiel. Plus les menaces sont probables, plus les ministres doivent leur accorder de poids dans leur évaluation de l’imminence. Cependant, il n’est pas nécessaire d’être sûr que les menaces se matérialiseront, et le principe de précaution doit guider les ministres lorsqu’ils se forment un avis. Il faut étudier l’impact des menaces sur un calendrier biologiquement approprié pour l’épaulard résident du sud , et il faut se demander si cet impact rendrait le rétablissement ou la survie de l’espèce impossible ou peu probable sans une intervention.
Les trois menaces principales qui pèsent sur l’épaulard résident du sud et qui sont décrites dans le présent document sont présentes, ont des répercussions permanentes sur cette population et doivent être prises en compte.
Les menaces auxquelles fait face l’espèce ne sont pas nouvelles et peuvent être considérées comme étant chroniques, dans la mesure où elles s’exercent sur la population depuis de nombreuses années et ne peuvent pas être éradiquées à l’aide d’une seule mesure ou activité. On reconnaît cependant que ces menaces et les effets qu’elles peuvent avoir sur la population augmentent probablement . À l’heure actuelle, du fait de l’état de la population et des critères définis pour son rétablissement, ces menaces, bien que chroniques et pas nécessairement immédiates, peuvent être considérées comme imminentes. Une intervention (sous la forme des mesures déjà en place et proposées ou d’autres mesures) est nécessaire maintenant pour préserver la population actuelle et offrir à l’épaulard résident du sud les meilleures chances de survie et de rétablissement.
À la lumière de ses caractéristiques inhérentes, notamment son cycle biologique et divers facteurs sociaux, la population a probablement toujours été peu nombreuse par rapport à celle d’autres cétacés, même en l’absence des impacts des activités anthropiques. La population existante est néanmoins considérée comme petite, non stable et en déclin. Elle ne présente pas de redondance ou de connectivité avec les autres populations d’épaulards et demeure soumise à des menaces anthropiques qui pourraient s’intensifier. Comme il est décrit précédemment, de nouvelles mesures sont en cours (comme la réduction de la récolte commerciale de saumon quinnat et la réduction du bruit) et devraient atténuer ces menaces, mais il faudra du temps pour évaluer l’efficacité de ces mesures supplémentaires pour éliminer les menaces et contribuer à la survie et au rétablissement de la population. L’espérance de vie maximale d’une femelle est d’environ 50 à 80 ans et l’on considère qu ’une génération s’étend sur 26 à 29 ans; il faudra donc sans doute de nombreuses années pour que les mesures d'atténuation des menaces portent leurs fruits.
C’est pourquoi, en appliquant l’approche de précaution adoptée par le gouvernement du Canada et compte tenu de l’information présentée dans le présent document, les recommandations suivantes sont formulées :
Menace imminente pour la survie
Compte tenu de l’information examinée et de l’analyse réalisée dans le cadre de la présente évaluation, on considère qu’une menace imminente pèse probablement sur la survie de l’épaulard résident du sud. À moins d’être atténuées, les menaces actuelles pourraient rendre la survie de la population peu probable ou impossible.
Menace imminente pour le rétablissement
Compte tenu de l’information examinée et de l’analyse réalisée dans le cadre de la présente évaluation, on considère qu’une menace imminente pèse probablement sur le rétablissement de l’épaulard résident du sud. À moins d’être atténuées, les menaces actuelles pourraient rendre le rétablissement de la population peu probable ou impossible.
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