Stratégie de rétablissement de la population néo écossaise de tortues mouchetées au Canada [proposition] 2011 : Menaces

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Le tableau 2 fait état des menaces existantes et soupçonnées.

Menaces Niveau de préoccupation4 Étendue Manifestation Fréquence Gravité5 Certitude causale 6
Disparition ou dégradation de l'habitat
Aménagement de chalets et aménagement résidentiel Élevé Répandue Actuelle/ historique Unique/ récurrente Moyenne Élevé
Pratiques forestières (p. ex. coupe à blanc, récolte dans une zone riveraine) Moyen Répandue Actuelle/ historique Récurrente Élevée Faible
Aménagement de chemins Élevé Répandue Actuelle/ historique Récurrente Élevée Élevé
Pratiques agricoles (p. ex. culture des canneberges, labourage, cultures agricoles) Faible Localisée Inconnue Rare Moyenne Moyenne
Utilisation récréative des lieux de nidification (p. ex. plages, sentiers de véhicules hors route) Moyen Localisée Actuelle/ historique Saisonnière Moyenne Moyenne
Extraction de tourbe Faible Localisée Inconnue Rare Moyenne Moyenne
Mortalité accidentelle
Mortalité due à des véhicules et des machines routiers et hors route Élevé Répandue Actuelle/ historique Saisonnière - rare Élevée Élevé
Utilisation d'embarcations à moteur Moyen Localisée Inconnue Saisonnière - rare Élevée Moyenne
Prélèvement de spécimens destinés à des musées7 Faible Localisée (parc K) Historique Unique Élevée Élevé
Prélèvement pour l'alimentation7 Faible Répandue Inconnue Rare Élevée Élevé
Compactage ou destruction de nids Faible Localisée Inconnue Saisonnière - rare Faible Faible
Changements survenant dans la dynamique écologique ou dans les processus naturels
Exploitation d'un barrage hydroélectrique Moyen Localisée Actuelle/ historique Continue Moyenne Moyenne
Altération humaine de barrages de castors Moyen Localisée Actuelle/ historique Unique/ récurrente Moyenne Moyenne
Introduction/ établissement de poissons prédateurs exotiques (achigan à petite bouche et brochet maillé) Moyen Répandue Anticipée Continue Inconnue Faible
Changements dans les populations de prédateurs dus aux activités humaines Moyen Localisée Actuelle/ historique Récurrente Moyenne Faible
Climat et catastrophes naturelles
Changements climatiques Moyen Répandue Anticipée Continue Inconnue Faible
Phénomènes stochastiques qui accroissent la mortalité adulte8 Moyen Localisée Inconnue Inconnue Élevée Élevé
Perturbation ou persécution
Prélèvement pour l'obtention d'animaux de compagnie ou déplacements Moyen Localisée Actuelle/ historique Inconnue Élevée Moyenne
Pollution
Utilisation de pesticides et d'herbicides Faible Localisée Inconnue Unique/ récurrente Inconnue Faible
Contaminants provenant de résidus miniers Faible Localisée Historique Récurrente Inconnue Faible

4 Niveau de préoccupation : Signifie que la gestion de la menace constitue une préoccupation (élevée, moyenne ou faible) pour le rétablissement de l'espèce, selon les objectifs relatifs à la population et à la distribution. (Ce critère considère l'évaluation de toute l'information dans le tableau.)

5 Gravité : Correspond à l'effet à l'échelle de la population (élevée : effet très important à l'échelle de la population; moyenne; faible; inconnue).

6 Certitude causale : Correspond au degré de la preuve connue au sujet de la menace (élevée : la preuve dont on dispose établit un lien marqué entre la menace et les pressions exercées sur la viabilité de la population; moyenne : il existe une corrélation entre la menace et la viabilité de la population, p. ex. opinion d'expert; faible : menace supposée ou plausible).

7 Menaces connues qui se sont manifestées antérieurement ou dans d'autres parties de l'aire de répartition de l'espèce. Elles présentent actuellement un faible niveau de préoccupation, mais il existe une certitude causale élevée qu'elles auraient un effet marqué sur la population.

8 Certitude causale élevée que les menaces auraient une incidence marquée sur la population, mais elles présentent un niveau moyen de préoccupation, car elles ne se manifestent pas régulièrement.

La section qui suit met en relief les principales menaces décrites dans le tableau 2, en s'attardant sur des points clés et en fournissant des renseignements supplémentaires sur les menaces. Les observations laissent supposer des incidences marquées à l'échelle de la population dans le cas des menaces présentant un « niveau de préoccupation » et une « certitude causale » élevés. D'autres menaces sont définies comme potentiellement marquées si elles se manifestaient. Même si les menaces sont énumérées séparément, une préoccupation importante est l'effet cumulatif à longue échéance de diverses menaces sur la population de tortues mouchetées. Au fur et à mesure que s'accroît l'aménagement humain, les activités ont une incidence générale plus sérieuse sur l'habitat tant à petite échelle qu'à grande échelle. À l'échelle du paysage, les pertes graduelles et les menaces multiples compliquent souvent les efforts de rétablissement et désorientent la compréhension des tendances démographiques (Jensen et coll., 1993).

Mortalité, disparition de l'habitat et changements dans les processus écologiques associés aux activités humaines

La mortalité adulte accrue est une menace potentielle tout de même très sérieuse pour la tortue mouchetée, car elle est reconnue comme la cause de déclins marqués dans les populations de tortues (Congdon et coll., 1983). La longévité des tortues mouchetées et leur maturation tardive rendent les populations particulièrement vulnérables même à de minimes hausses de la mortalité des adultes (Congdon et coll., 1983; Congdon et coll., 1993). Même des changements aussi minimes peuvent, en réduisant l'efficacité de la reproduction au cours de la vie, mener des populations à une extinction locale (Heppel, 1998; Congdon et coll., 1993). Les stades plus jeunes du cycle de vie accusent des taux de mortalité naturelle supérieurs, mais les hausses soutenues de la mortalité au cours de ces stades entraîneront elles aussi un déclin de la population (Bourque et coll., 2006); le déclin pourrait être difficile à détecter à court terme en raison du temps de génération prolongé de l'espèce et de la nature plus cryptique des juvéniles.

Les activités humaines peuvent affecter la survie de toutes les étapes du cycle de vie tant directement qu'indirectement. Au sein de la population de la Nouvelle Écosse, le prélèvement de spécimens pour des musées (au cours du passé) et les collisions avec des véhicules (sur les chemins et en dehors des chemins) ont directement contribué à la mortalité (Penny, 2004). On sait que lorsque l'espèce a été décrite pour la première fois au début des années 50, plus d'une douzaine de tortues, dont la plupart étaient des femelles, croit on, ont été prélevées comme échantillons; on sait de plus que quatre cas de mortalité dus à des véhicules sont survenus chez les adultes, encore une fois toutes des femelles, et on est au courant de plusieurs cas de mortalité chez les tortues nouvellement écloses et les juvéniles. La destruction et la fragmentation de l'habitat due à l'aménagement de chalets et aux pratiques forestières et agricoles perturbent indirectement la structure de la population en réduisant la quantité de l'habitat et en gênant les déplacements à l'intérieur et entre les populations (Hartwig, 2004). La disparition de l'habitat force les tortues à se déplacer dans des secteurs à risque plus élevé; de plus, dans certains cas, les activités humaines créent en fait un habitat qui attire les tortues, particulièrement pour la nidification (Congdon et coll., 2008). Ces deux facteurs accroissent le risque pour les tortues de rencontres avec des gens, des machines et des animaux de compagnie. Les aires de nidification situées près des secteurs d'aménagement humain pourraient en plus abriter des populations exceptionnellement élevées de prédateurs opportunistes, comme des ratons laveurs, qui pourraient substantiellement accroître la prédation vis à vis des œufs et des jeunes tortues; une prédation soutenue diminuerait l'efficacité de la reproduction à vie (Hartwig, 2004).

Les tortues mouchetées ont besoin de niveaux d'eau saisonnièrement prévisibles dans tous les habitats saisonniers. La production d'énergie hydroélectrique dans cette région a tendance à accentuer la variabilité et l'imprévisibilité du niveau de l'eau (Herman et coll., 2003). L'abaissement du niveau de l'eau du lac au milieu et à la fin de l'été réduit ou élimine les refuges de sécheresse et crée de vastes étendues inhabitables; en hiver, l'abaissement du niveau de l'eau peut potentiellement accroître la mortalité en exposant les tortues qui hivernent. La rétention de l'eau au cours des étés humides peut inonder les nids sur les rives (base de données sur les tortues mouchetées de la Nouvelle Écosse, 2010). À l'opposé, les réservoirs contrôlés par les castors réduisent la variabilité et accroissent la prévisibilité du niveau de l'eau. L'élimination ou la limitation de l'activité des castors par les propriétaires de chalets, les agriculteurs, les forestiers et les travailleurs chargés de l'entretien des routes peut menacer toutes les étapes du cycle de vie de la tortue.

Les activités humaines peuvent par ailleurs affecter la disponibilité de nourriture, comme les invertébrés aquatiques et les amphibiens. Les espèces de poissons prédateurs envahissantes, comme l'achigan à petite bouche et le brochet maillé, réduisent les populations d'amphibiens et de petits poissons (Jackson, 2002; Vander Zanden et coll., 2004), et elles pourraient également représenter une menace de prédation directe pour les jeunes tortues. Même si le phénomène n'a pas encore été documenté dans les secteurs fréquentés par la tortue mouchetée, les aires de répartition de ces deux espèces se sont agrandies dans le Sud Ouest de la Nouvelle Écosse par suite d'introductions humaines. Dans la même veine, la pollution et les pesticides pourraient affecter directement les tortues elles mêmes, ainsi que la productivité des systèmes et la disponibilité de nourriture. Cette productivité réduite pourrait affecter la croissance des tortues à l'échelle locale, ce qui pourrait expliquer les différences de taille relevées parmi les populations en Nouvelle Écosse.

Changements climatiques et catastrophes naturelles

À long terme, les tortues mouchetées de la Nouvelle Écosse devront s'adapter à un avenir climatique incertain et on ignore si les changements climatiques auront des effets globaux positifs ou négatifs. Vu la tolérance physiologique limitée et le temps de génération prolongé de ces tortues (une quarantaine d'années), elles ont une capacité limitée de réagir génétiquement aux changements climatiques (Herman et Scott, 1992). Des changements climatiques marqués pourraient survenir au cours de la vie d'une tortue donnée; les réactions d'adaptation à de tels changements devraient être comportementales plutôt que génétiques (Herman et Scott, 1992). Les changements survenant dans les températures globales et le débit saisonnier de l'eau pourraient affecter l'habitat à n'importe quelle étape du cycle de vie.

De plus, les changements climatiques pourraient modifier les températures des nids, ce qui pourrait altérer les proportions des sexes ou réduire la condition physique des membres de la population au fil du temps. Le sexe des jeunes tortues est déterminé par la température à laquelle les œufs incubent dans le nid, les températures d'incubation plus basses produisant des mâles et les températures supérieures produisant des femelles (Gutze et Packard, 1987). Les températures et les niveaux d'humidité sous optimaux pendant l'incubation peuvent entraîner un échec de la nidification et une incidence accrue de malformation, ou une réduction de la condition physique générale des jeunes tortues (Packard, 1999; Standing et coll., 2000).

Les catastrophes naturelles qui accroissent la mortalité adulte peuvent constituer une menace sérieuse pour cette population isolée restreinte, pour les raisons décrites ci dessus.

Nos objectifs à long terme sont d'assurer la présence d'une population autosuffisante de tortues mouchetées en Nouvelle Écosse à l'intérieur de l'aire de répartition actuelle (selon une probabilité de persistance de 95 %) au sein de chaque population reconnue dans le cadre de projections sur dix générations (400 ans) ainsi que de maintenir un flux génétique suffisant pour empêcher une population donnée de devenir génétiquement isolée.

Les objectifs à long terme englobent les trois populations actuellement reconnues. On ignore actuellement quelle est la situation des deux concentrations restreintes au sein de chacune desquelles moins de cinq tortues ont été repérées. Il faudra une étude plus poussée pour déterminer si elles constituent actuellement, ou si elles ont constitué par le passé, des populations viables.

Dans l'intérim, on mesurera la contribution de la réalisation des buts à court terme ci après aux buts à long terme :

L'aire de répartition (zone d'occupation) actuelle a été retenue comme point de référence, car on ne dispose d'aucune information sur l'aire passée de l'espèce en Nouvelle Écosse. Comme nos connaissances sur la distribution de l'espèce sont incomplètes, il est difficile d'évaluer l'amenuisement de l'aire de répartition et nous devons réaliser des inventaires pour repérer les populations supplémentaires. Protéger l'habitat de la tortue mouchetée ne signifie pas nécessairement qu'aucune activité humaine n'est possible, mais qu'il faut maintenir les processus écosystémiques nécessaires pour que la survie, la fécondité et le flux génétique ne soient pas négativement affectés.

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