Évaluation scientifique du smog au Canada : faits saillants et messages clés : chapitre 6
Facteurs influant sur les niveaux de smog partout au Canada
- Météorologie
- Effets propres aux zones côtières et urbaines
- Mélange chimique local
- Émissions naturelles de précurseurs
- Transport transfrontalier
Une des difficultés pour évaluer les répercussions de la réduction des émissions sur la qualité de l’air est la complexité des nombreux processus chimiques et physiques qui engendrent les concentrations observées dans l’air ambiant. En plus des émissions locales de précurseurs, les concentrations de smog sont influencées par les conditions météorologiques, les effets propres aux régions côtières et urbaines, le mélange chimique local, les émissions naturelles de précurseurs et le transport transfrontalier. Ces facteurs, qui varient d’une région à l’autre du pays, expliquent pour une grande part les variations observées dans les concentrations ambiantes de particules fines (PM2,5) et d’ozone (O3). Il est important de comprendre ces facteurs pour déterminer les causes et les sources principales des concentrations élevées de polluants dans des zones précises. L’amélioration des modèles de la qualité de l’air dépendent également d’une meilleure compréhension des facteurs influant sur les concentrations.
Météorologie
Après l’introduction de polluants dans l’atmosphère, leur transport, leur transformation et leur dépôt sont régis en grande partie par la météorologie. L’été, les périodes de stagnation de l’air sont plus fréquentes, et la lumière du soleil est plus intense. Ces conditions météorologiques entraînent une accumulation des émissions locales et la formation accrue de polluants secondaires comme l’ozone et les aérosols organiques secondaires, qui comprennent parfois d’autres particules toxiques. Des températures et des taux d’humidité élevés peuvent également faire augmenter la demande en électricité (p. ex. pour la climatisation) et entraîner une hausse des émissions naturelles de composés organiques volatils (COV). L’été, les épisodes de smog urbain, particulièrement en Ontario et au Québec, se caractérisent par ces conditions, et l’ozone est davantage accru dans les zones qui se trouvent sous les vents provenant des régions de fortes émissions. En hiver, l’occurrence d’épisodes de stagnation associés à un mélange vertical encore plus faible de l’air et à des niveaux élevés de pollution (particulièrement de PM2,5) suscite de plus en plus d’intérêt. Plusieurs des concentrations de PM2,5 les plus élevées en Ontario et au Québec sont survenues au cours de ces périodes de stagnation hivernale, y compris l’épisode de plus forte pollution des dix dernières années.
Dans les Prairies, les grands espaces ouverts et des conditions plutôt venteuses maintiennent de faibles concentrations de polluants, malgré l’existence de zones d’émissions élevées. En hiver, les épisodes de concentrations élevées de PM2,5 sont généralement associés à des périodes d’inversion de températures (couche inférieure froide et couche supérieure chaude) qui emprisonnent et concentrent les polluants près du sol. Ce phénomène survient souvent dans les vallées de l’intérieur de la Colombie-Britannique, les montagnes Rocheuses et les vallées du Québec. En outre, pendant les périodes froides et calmes de l’hiver dans les Prairies, les zones urbaines et industrielles connaissent parmi les plus fortes concentrations de polluants primaires au niveau du sol au Canada.
Effets propres aux zones côtières et urbaines
Le long des côtes, les contrastes de températures entre l’eau et la terre ont une grande influence sur les concentrations ambiantes de PM2,5 et d’ozone. Dans le sud de l’Ontario, les Grands Lacs influent sur la pollution locale en limitant la dispersion et le dépôt de polluants primaires et secondaires au-dessus de l’eau. Les brises de lac transportent ensuite les polluants accumulés jusqu’aux rives, et même jusqu’à d’autres lieux riverains plus éloignés. Dans la région de l’Atlantique, les eaux froides de l’océan peuvent entraîner des inversions de températures de l’air, particulièrement au printemps et à l’été, ce qui a pour effet de ralentir la dispersion des masses d’air terrestres, et donc d’augmenter les répercussions des émissions locales sur les concentrations ambiantes de smog dans les villes côtières. Dans cette région, la présence fréquente de brouillard côtier a également une influence sur la formation de PM et les taux de dépôt du fait que le brouillard se déplace à l’intérieur des terres. Le long des côtes de la Colombie-Britannique, les régimes de circulation des vents maritimes et terrestres, auxquels s’ajoutent des déplacements de masses d’air limités par le relief des montagnes, peuvent entraîner la stagnation de l’air en été et des concentrations élevées de PM2,5 et d’ozone. Ces concentrations peuvent augmenter avec la propagation de l’air vers l’intérieur des terres, en remontant la vallée du bas Fraser, parce que la vallée rétrécit progressivement et que la formation photochimique de polluants secondaires augmente avec le temps. Le transport de polluants en milieu urbain est soumis à la densité, à l’orientation et à la géométrie des bâtiments ainsi qu’à la vitesse et à la direction des vents, de même qu’à la stabilité atmosphérique.
Mélange chimique local
Le mélange chimique local de l’air joue un rôle dans la formation de l’ozone et contribue parfois aux PM2,5 secondaires; il est donc essentiel de le comprendre pour pouvoir expliquer les variations spatiotemporelles. Dans les centres urbains, où les émissions d’oxydes d’azote (NOx) sont élevées, les concentrations d’ozone sont affaiblies, car l’ozone réagit avec le monoxyde d’azote (NO) (une réaction appelée titration par NO). À l’échelle temporelle, comme moins de personnes se rendent au travail et beaucoup moins de véhicules lourds à moteur diesel se trouvent sur la route les fins de semaine, les concentrations d’ozone des fins de semaine et des jours de semaine présentent des écarts. Dans bon nombre de zones urbaines, la formation d’ozone est limitée par les COV, et le taux de production d’ozone dépend donc surtout des concentrations ambiantes de COV. Dans ces régions, la réduction des concentrations de NOx ne suffit pas à réduire les concentrations ambiantes d’ozone. En outre, la réduction des émissions de NOx dans les villes canadiennes a entraîné la hausse des concentrations d’ozone en raison d’une plus faible élimination par titration de l’ozone régional transporté en ville. Trouver un équilibre entre ces désavantages et les bienfaits d’une baisse des concentrations de NOx et d’autres polluants pouvant être touchés par le mélange de polluants de l’air urbain représente un défi constant pour la gestion de la qualité de l’air.
Les interactions de l’ammoniac (NH3) avec les produits de réaction des émissions de NOx ou de dioxyde de soufre (SO2) primaires (c.-à-d. de nitrates et de sulfates) influent sur la formation et/ou la composition des concentrations de PM2,5 secondaires. Les concentrations de PM2,5 peuvent réagir de façon non linéaire ou négative (hausse des PM2,5 accompagnée d’une baisse des sulfates) aux changements dans les concentrations de sulfates ou de NH3, surtout l’hiver, ainsi qu’en fonction du régime chimique local. On estime que le potentiel de réponse non linéaire ou négative des PM2,5 est le plus élevé en hiver dans le sud de l’Ontario. L’examen des données des stations de surveillance indique la possibilité de ce désavantage d’une réduction des émissions de SO2, mais il faut poursuivre les recherches en vue d’obtenir plus de données à ce sujet. Par exemple, dans les stations isolées et rurales du sud du Québec et de l’Ontario, les émissions de SO2 et de NOx sont demeurées plutôt stables de 1995 à 1999, après la baisse du début des années 1990. Néanmoins, les particules de nitrates dans l’air ambiant ont augmenté à partir de 1995 et ont atteint un pic entre 1998 et 2001, tandis que les particules de sulfates ont continué de diminuer au cours de la même période.
Émissions naturelles de précurseurs
Les sources naturelles de précurseurs gazeux, qui comprennent les incendies de forêt, la combustion de biomasse et le sel marin, ont une grande importance dans de nombreuses régions. En été, le constituant de sel marin (NaCl) des PM2,5 est nettement plus élevé dans les stations de la région de l’Atlantique (Halifax) et de la vallée du bas Fraser (Abbotsford et Burnaby) que dans d’autres stations illustrées à la figure 2, en raison de leur proximité des côtes. Les incendies de forêt peuvent également devenir d’importants contributeurs aux concentrations ambiantes de PM2,5. Par exemple, on estime que les incendies de forêt de 2002 au Québec ont produit l’équivalent de 50 % des émissions anthropiques annuelles totales de PM2,5 du Canada, tandis qu’en Colombie-Britannique, les fortes émissions produites par les incendies de forêt sont la cause de bon nombre d’épisodes de PM2,5. Les émissions naturelles de COV influent grandement sur la formation de polluants secondaires au cours de la saison chaude. La contribution globale de ces émissions aux PM2,5 secondaires commence à peine à être caractérisée.
Transport transfrontalier
Le transport transfrontalier est une importante source de pollution dans de nombreuses régions du Canada, particulièrement dans la région de l’Atlantique, au Québec et dans le sud de l’Ontario. En s’ajoutant aux émissions locales élevées, les polluants transportés causent des épisodes de concentrations supérieures à la moyenne et des pics de concentration de PM2,5 et d’ozone dans ces régions. Les systèmes météorologiques se déplacent généralement d’ouest en est, transportant avec eux les polluants provenant du Midwest des États-Unis, du sud de l’Ontario et de la côte Est des États-Unis jusqu’au Québec et dans la région de l’Atlantique. Dans les Prairies et sur la côte Ouest, bien que l’air du sud entraîne généralement des concentrations élevées de PM2,5 et d’ozone dans la région, le transport transfrontalier n’est pas un contributeur aussi important que dans l’est du Canada. Les stations en haute altitude (plus de 2000 mètres) sont souvent associées à des courants qui transportent à grande distance les polluants de l’air. Le transport de particules et de gaz en provenance d’autres continents influe également sur les taux de smog au Canada, et cette question est abordée plus en détail dans la section « Nouveaux enjeux » du présent rapport.
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