Évaluation scientifique du smog au Canada : faits saillants et messages clés : chapitre 1
Introduction au smog
Au cours des dernières décennies, la pollution atmosphérique a beaucoup retenu l’attention de la communauté scientifique et des gestionnaires de risques dans le domaine environnemental, tant au Canada que sur la scène internationale. L’intérêt s’est particulièrement porté sur les deux principaux composants du smog : les particules (PM) et l’ozone troposphérique (O3). Ceci s’explique par la documentation scientifique même, qui fait état des répercussions importantes de ces polluants sur la santé humaine. Bien qu’ils puissent aussi avoir des répercussions sur l’environnement, ces dernières sont, aux concentrations de smog que l’on connaît actuellement au Canada, de moindre gravité. Au cours de la dernière décennie, pas moins de 4500 nouvelles publications scientifiques primaires ont porté sur les effets des particules et de l’ozone sur la santé, dont 1200 au cours de la période de 2002 à 2006, soit celle qui fait l’objet du présent document.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) effectue périodiquement une analyse publiée sous le titre Global Health Risks. Dans sa plus récente parution3, en date de 2009, l’OMS répertorie les plus importants facteurs quantifiables de risque pour la santé humaine. S’il est vrai que ces facteurs de risque varient considérablement selon qu’il est question de pays développés ou de pays en développement, il reste que la pollution atmosphérique en milieu urbain est au 13e rang des 20 plus importants facteurs. Et dans les pays développés, la pollution atmosphérique urbaine passe au huitième rang des dix principaux facteurs de risque. Il s’agit par ailleurs du plus important facteur de risque pour la santé humaine que l’on ne peut réduire de manière significative par un changement de comportement individuel, ce qui en ferait le plus important facteur de risque pour lequel le principal mécanisme de contrôle doit être d’ordre réglementaire.
Facilités par l’évolution de la documentation scientifique sur les effets sur la santé, des travaux ont été entrepris au cours de la dernière décennie au Canada pour quantifier le fardeau sur la santé que représente le smog. Bien qu’un certain nombre de paramètres différents aient été associés à la pollution de l’air, l’attention s’est surtout portée sur la mortalité, et ce, en raison du fait que l’on dispose de données à cet égard aux fins d’analyse et en raison de la gravité d’un tel paramètre. Dans une analyse de l’Association médicale canadienne4, parue en 2008, on estimait à 21 000 le nombre de décès annuels associés à la pollution atmosphérique au Canada, en plus des dizaines de milliers de consultations à l’hôpital, des centaines de milliers de journées d’asthme et de symptômes respiratoires et de millions de jours de maladies mineures et d’activités réduites.
Les faits montrent que tous les Canadiens sont menacés dans une certaine mesure par les effets d’une exposition à long terme à la pollution atmosphérique et, plus particulièrement, aux particules. Cependant, une grande partie des données indique que les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires ou respiratoires sont plus sensibles, un constat important en raison de la prévalence de ces maladies au sein de la population canadienne, chez qui les troubles cardio-vasculaires comptent pour 30 % de la mortalité, et les maladies respiratoires, pour 10 %. L’asthme, qui est aggravé par les particules et par l’ozone (O3), a été diagnostiqué chez au moins 8 % de la population canadienne de plus de 12 ans. Le smog a par ailleurs des effets néfastes sur la gravité du diabète, une maladie courante et de plus en plus fréquente, qui touche maintenant un Canadien sur dix.
Le smog non seulement affecte un important segment de la population, mais ses effets néfastes sur la santé surviennent en plus dans toute la gamme de concentrations ambiantes mesurées au Canada, même à de très faibles concentrations. En pratique, on doit considérer qu’il n’y a pas de concentration sans danger pour ce qui est des particules et de l’ozone (c.-à-d. qu’à l’échelle de la population, il n’y a pas de seuil en-dessous duquel aucun effet n’est observé). Cette situation est probablement attribuable à l’exposition constante au smog et à la nature courante des maladies et des troubles qui sont aggravés par la pollution atmosphérique. Une des conséquences de cet état de fait est que, même si les journées dites « de smog » sont les plus notables, les effets cumulatifs du smog présent lors des journées dites « bonnes » ont une importance supérieure dans l’ensemble à celle des journées de smog. Ainsi, une analyse effectuée en 2001 pour le compte de la ville de Toronto5 a révélé que, dans cette ville, 90 % des effets de la pollution atmosphérique sur la santé survenaient lors des journées jugées « bonnes » selon l’indice provincial de la qualité de l’air.
Même si les effets sur la santé humaine sont considérés comme la principale source de préoccupation, le smog a aussi d’importants effets néfastes sur une gamme de facteurs environnementaux, notamment pour ce qui est des dépôts acides (ou pluies acides) et de l’action de l’ozone sur la végétation. En outre, la pollution atmosphérique (principalement celle causée par les particules) réduit la visibilité, ce qui a des répercussions d’ordre esthétique, surtout dans les régions où les panoramas naturels sont culturellement et économiquement importants.
En raison de leurs effets, les polluants contenus dans le smog font l’objet, depuis plusieurs décennies, d’une attention soutenue de la part des responsables des politiques et des gestionnaires de risques. Les mesures adoptées dans l’est du Canada et des États-Unis pour lutter contre les pluies acides ont donné lieu à des réductions notables des émissions de dioxyde de soufre et d’oxydes d’azote (deux précurseurs des particules et de l’ozone). De même, on a noté une amélioration dans les concentrations de PM2,5 et, dans une moindre mesure, dans celles de l’ozone. En juin 2000, des standards pancanadiens relatifs aux PM2,5 et à l’ozone ont été établis afin de réduire les risques pour la santé humaine et l’environnement associés à ces polluants.
Haut de la pageÀ Propos du smog
Le mot « smog » est un terme d’usage général qui désigne une mauvaise qualité de l’air souvent associée à une visibilité réduite. Bien que le smog soit un mélange de polluants, l’Évaluation scientifique canadienne du smog met l’accent sur ses deux principaux composants, soit les particules et l’ozone troposphérique. Les particules (PM) sont un mélange complexe de minuscules gouttelettes et poussières en suspension dans l’air, que l’on caractérise par leur taille. Les particules peuvent être émises directement (PM primaires) ou peuvent se former dans l’atmosphère (PM secondaires) sous l’effet de réactions chimiques qui mettent en jeu les oxydes d'azote (NOX), le dioxyde de soufre (SO2), les composés organiques volatils (COV) et l’ammoniac (NH3). L’ozone troposphérique (O3) est un gaz qui se forme dans l’atmosphère à la suite de réactions entre les NOX et les COV en présence de la lumière du Soleil.
Les PM primaires ainsi que les précurseurs gazeux de l’ozone et les PM secondaires proviennent de sources naturelles (p. ex. incendies de forêt, poussière du sol poussée par le vent, embruns, poussière volcanique) et anthropiques (p. ex. combustion de combustibles fossiles, procédés industriels divers, activités agricoles, poussières des routes) situées au Canada ou ailleurs.
Les PM les plus préoccupantes sont celles qui, chez les humains, peuvent pénétrer dans les poumons. On les classe selon leur taille, soit PM grossières (entre 2,5 µm et 10 µm de diamètre), PM fines (moins de 2,5 µm) et PM ultrafines (moins de 0,1 µm). Étant donné que plus les particules sont fines, plus elles peuvent pénétrer profondément dans les poumons, l’Évaluation scientifique canadienne du smogporte principalement sur les PM2,5, mais examine aussi, lorsqu’il y a lieu de le faire, les résultats concernant d’autres tailles de particules.
Haut de la pageLes standards pancanadiens relatifs aux particules et à l’ozone
Les standards pancanadiens relatifs aux particules et à l’ozone sont des objectifs numériques que le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME) a publiés en juin 2000 en vue de réduire le plus possible les risques pour la santé humaine et pour l'environnement liés à l’exposition. Ces objectifs se fondaient sur les connaissances scientifiques de l’époque et tentaient de concilier, d’une part, la volonté de protéger au mieux la santé et l’environnement à court terme, et d’autre part, la faisabilité et les coûts de la réduction des émissions contribuant aux concentrations de particules et d`ozone dans l`air ambiant. L’objectif numérique pour les PM2,5 avait été fixé pour l’année 2010 à 30 µg/m3 (moyenne sur une période de 24 heures) en fonction de la moyenne annuelle de la valeur du 98e centile, calculée sur trois années consécutives. L’objectif numérique pour l’ozone avait été fixé pour l’année 2010 à 65 parties par milliard (moyenne sur une période de huit heures) en fonction de la moyenne de la 4e mesure annuelle la plus élevée, calculée sur trois années consécutives
3 Organisation mondiale de la Santé, 2009. Global health risks: Mortality and burden of disease attributable to selected major risks. Genève, WHO Press.
4 Association médicale canadienne, 2008. L'air qu'on respire : le coût national des maladies attribuables à la pollution atmosphérique. Ottawa, AMC.
5 Toronto Public Health, 2001. Toronto Air Quality Index: Health Links Analysis. Toronto (Ontario).
Détails de la page
- Date de modification :