Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement - sélénium
Titre officiel : Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) - Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement - Sélénium
Environnement et Changement climatique Canada
Août 2022
Introduction
Les recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement (RFQE) établissent la qualité acceptable de l’environnement ambiant. Elles sont basées uniquement sur les effets toxicologiques ou les dangers de substances ou de groupes de substances spécifiques. Les RFQE ont trois fonctions : premièrement, elles peuvent aider à prévenir la pollution en fournissant des cibles pour une qualité environnementale acceptable; deuxièmement, elles peuvent contribuer à évaluer l’importance de concentrations de substances chimiques actuellement présentes dans l’environnement (surveillance des eaux, des sédiments, des sols et des tissus biologiques); troisièmement, elles peuvent servir de mesures de l’efficacité d’activités de gestion des risques. L’utilisation des RFQE est volontaire, sauf en cas de prescription dans des permis ou d’autres outils de réglementation. Les RFQE qui s’appliquent à l’environnement ambiant ne sont donc pas des limites ou des valeurs « à ne jamais dépasser » pour des effluents, mais peuvent être utilisées pour calculer des limites pour les effluents. Le développement des RFQE est de la responsabilité du ministre de l’Environnement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE) (gouvernement du Canada [GC] 1999). L’intention est de développer des RFQE en tant que complément pour l’évaluation ou la gestion des risques des substances d’intérêt prioritaire identifiées dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) ou d’autres initiatives fédérales.
Quand les données le permettent, les RFQE sont calculées en suivant les protocoles du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME). Les RFQE sont développées quand il existe au niveau fédéral le besoin d’une recommandation (pour étayer les activités fédérales de gestion du risque et de surveillance et que les recommandations du CCME pour la substance n’ont pas encore été développées ou ne devraient pas être mises à jour dans un futur proche. Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter la page des Recommandations fédérales pour la qualité de l'environnement.
Dans le présent document, nous décrivons les recommandations fédérales pour la qualité des tissus du poisson pour la protection des poissons et les recommandations pour la qualité des tissus des œufs d’oiseaux (tableau 1). Des RFQE n’ont pas été développées pour l’eau, les sédiments ou le sol. Toutefois, de récentes recommandations basées sur l’eau développées en Amérique du Nord sont présentées.
Tissu de poisson - oeufs et ovaires (µg/g poids sec) | Tissu de poisson - organisme entier (µg/g poids sec) | Oeufs d’oiseau (µg/g poids sec) |
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14,7 | 6,7 | 11 |
Identité de la substance
Le sélénium (Se) est un élément naturel (no CAS 7782-49-2), présent dans des minéraux tels que la pyrite, la chalcopyrite, la pyrrhotite et la sphalérite, dans le pétrole brut et dans des gisements de houille (ECCC, SC 2017). Parmi les sources anthropiques de sélénium, on retrouve les installations de production et de traitement du sélénium, l’utilisation de produits contenant du sélénium et la gestion et l’élimination des déchets contenant du sélénium. Le sélénium existe sous plusieurs états d’oxydation et les espèces courantes sont le sélénate (SeO4-2), le sélénite (SeO3-2), le sélénium élémentaire (Se0) et les séléniures organiques et inorganiques (Se-2). Le sélénium est un nutriment pour les organismes. Toutefois, l’introduction de sélénium dans l’environnement à partir de sources naturelles ou anthropiques peut conduire à des concentrations élevées dans les eaux de surface, les eaux souterraines, les sols et la végétation (BCMOE 2014, EPA 2016). Parmi celles de tous les nutriments en trace, la différence entre le caractère essentiel et le caractère toxique du sélénium est la plus étroite, le risque d’un impact nocif d’une contamination environnementale est donc extrêmement élevé (Luoma et Rainbow 2008).
L’exploitation houillère à ciel ouvert en Colombie-Britannique et en Alberta a conduit à la mobilisation du sélénium à partir de la lixiviation de stériles, avec pour résultat des concentrations élevées de sélénium dans les eaux de surface et les eaux souterraines menaçant potentiellement les populations de poissons et d’oiseaux (BCMOE 2014). L’exploitation minière de l’uranium en Saskatchewan a été associée à des concentrations accrues de sélénium dans les eaux réceptrices et à des malformations chez des poissons (Muscatello et al. 2006, Muscatello et Janz 2009). Des rejets de sélénium provenant des stériles d’autres installations d’extraction et de traitement ont également été rapportés (Nriagu et Wong 1983, Manitoba Conservation 2007; Stillings 2017).
D’après l’évaluation préalable du sélénium et de ses composés (ECCC, SC 2017), le gouvernement du Canada a conclu que le sélénium et ses composés satisfont aux critères de l’alinéa 64a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions qui ont ou peuvent avoir un effet nocif immédiat ou à long terme sur l’environnement ou sa diversité biologique. Toutefois, il a été conclu que le sélénium et ses composés ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 64b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ni dans des conditions qui constituent ou peuvent constituer un danger pour l’environnement essentiel à la vie. Il a aussi été déterminé que le sélénium et ses composés satisfont aux critères de persistance et de bioaccumulation du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (Canada 2000).
Sources et utilisations
Le Canada fait partie des cinq plus grands producteurs de sélénium, avec les États-Unis, le Japon, la Belgique et le Chili (BCMOE 2014). Au Canada, le sélénium est récupéré comme sous-produit des procédés de raffinage du cuivre ou du zinc (ECCC, SC 2017). De 2015 à 2019, la production canadienne de sélénium a été de 72 à 175 tonnes (RNCan 2021). Le sélénium et ses composés peuvent être utilisés comme composants de pigments (dans des matières plastiques, des peintures, des céramiques et le verre), dans du caoutchouc (accélérateur de vulcanisation), en agriculture (supplément pour les sols, nourriture pour les animaux et pesticides), dans des lubrifiants et des applications métallurgiques, pour de l’équipement électronique, dans des piles rechargeables, dans des produits pharmaceutiques dont des produits de santé naturels (comme ingrédients médicinaux dans des suppléments de vitamines/minéraux et dans des shampooings antipelliculaires), dans des suppléments alimentaires, des aliments spécifiques pour des régimes spéciaux, des cosmétiques et des produits de consommation. Des détails sur les utilisations et les secteurs pouvant présenter un risque pour l’environnement ont été identifiés et rapportés dans un document d’ECCC et SC (2017).
Devenir, comportement et répartition dans l’environnement
Le sélénium peut pénétrer dans les écosystèmes aquatiques sous une quelconque de ses formes, mais les formes solubles qui sont présentes généralement dans les écosystèmes aquatiques sont le sélénate (SeO42-) et le sélénite (SeO32-) (Maher et al. 2010). Le sélénite est typiquement présent en plus grandes proportions dans les effluents des centrales à charbon et des raffineries de pétrole, alors que le sélénate est plus probablement présent dans les effluents des mines et le ruissellement de terres agricoles (Maher et al. 2010, Young et al. 2010). De nombreux composés du sélénium peuvent réagir avec l’eau et pénétrer dans l’environnement dans une phase dissoute. Dans la gamme des pH pertinents pour l’environnement, de 6 à 8, seuls le sélénate, le sélénium élémentaire, le séléniure et le diséléniure sont présents dans l’eau (ECCC, SC 2017). Dans cette gamme de pH, dans les eaux douces oxygénées, les formes dissoutes prédominantes sont le sélénate et le sélénite (Brookins 1988, Belzile et al. 2000, Ralston et al. 2009). À un pH inférieur à 7, dans des conditions moyennement réductrices, les espèces de sélénite sont réduites en sélénium élémentaire (ATSDR 2003).
La biodisponibilité du sélénium varie en fonction de la spéciation du sélénium, de la concentration du sélénium dans l’écosystème, de la productivité biologique et des paramètres qui touchent la biodisponibilité (DeForest et al. 2017). Par exemple, une augmentation de la concentration de sulfate dans l’eau réduit la biodisponibilité à la base du réseau trophique (Lo et al. 2015) et, par conséquent, aux organismes des niveaux trophiques supérieurs (DeForest et al. 2017). Une augmentation de la concentration de sulfate réduit la toxicité du sélénate pour les invertébrés aquatiques et les poissons, mais n’a aucun effet sur la toxicité du sélénite (Carlton 1998, EPA 2016). L’exposition alimentaire au sélénium a fait l’objet de nombreuses études et a été considérée être une voie critique d’exposition pour l’évaluation de la toxicité aux concentrations pertinentes de l’environnement.
Les facteurs d’enrichissement (FE, rapport du sélénium lié aux particules sur le sélénium en phase aqueuse) sont très variables, mais ils sont généralement deux fois plus élevés dans les systèmes lentiques (eaux stagnantes) que dans les systèmes lotiques (eaux mouvantes) (ECCC, SC 2017). Dans un ensemble de données très abondantes, DeForest (2017) a rapporté des FE médians de 1387 et 633 L/kg ps pour les systèmes lentiques et lotiques, respectivement. Les FE plus élevés dans les systèmes lentiques sont principalement attribuables à une activité biologique plus importante et à la proportion quelque peu plus élevée de sélénite dans ces environnements. Dans une étude du bilan massique d’un système de milieux humides, Martin et al. (2018) ont indiqué que l’enrichissement du sélénium pourrait être due à : i) l’élimination du sélénium dissout d’une solution dans les phases de réduction du sélénium des parties subtoxiques de la partie inférieure de la colonne d’eau et l’eau interstitielle des sédiments; ii) le dépôt de particules inorganiques et organiques liées au sélénium; et iii) l’absorption par les plantes.
Les sédiments jouent un rôle important dans le cycle du sélénium en milieu aquatique. La répartition du sélénium entre les sédiments et l’eau est spécifique du système et est régulée par plusieurs processus physiques, biologiques et chimiques (Simmons et Wallschläger 2005; Chapman et al. 2010). Le sélénium est adsorbé à la surface des sédiments riches en fer ou en manganèse (ECCC, SC 2017), et la précipitation du sélénium lors du contact avec des composés ferriques dépend du pH (Maher et al. 2010). Finalement, certaines bactéries présentes dans les sédiments utilisent le sélénate ou le sélénite comme récepteur final d’électrons lors de la respiration (Oremland et al. 1989) et représentent donc une partie très importante du cycle du sélénium dans l’environnement (Nancharaiah et Lens 2015). Avec le temps, le sélénium organique se transforme généralement en espèces inorganiques par photo-oxydation et minéralisation (Chen et al. 2005).
Le comportement du sélénium dans les sols dépend aussi de nombreux facteurs : conditions redox, pH, teneur en hydroxyde de fer, teneur en argile, matières organiques, présence d’anions en compétition (CCME 2009). Par exemple, les séléniures sont présents dans des sols plus acides contenant une forte teneur en matière organique. Le sélénium élémentaire peut être formé dans des sols anoxiques humides, alors que le sélénate est l’espèce prédominante dans les sols alcalins oxygénés (ECCC, SC 2017). Le sélénite est soluble, mais moins mobile que le sélénate en raison de sa plus grande adsorption sur les minéraux du sol et la matière organique (ECCC, SC 2017). Le sélénate étant plus mobile, la remobilisation du sélénium peut être causée par la dissolution du sélénate dans les eaux d’irrigation (Chapman et al. 2010).
L’atmosphère est aussi un important milieu de l’environnement pour le sélénium, bien que le cycle biogéochimique du sélénium se déroule dans l’eau, les sédiments et le sol (ECCC, SC 2017). Jusqu’à 30 % du sélénium présent dans le charbon destiné à la combustion est émis dans la phase vapeur (Chapman et al. 2010). Les formes inorganiques sont principalement le dioxyde de sélénium (résultant de la combustion de combustibles fossiles) et le sélénium élémentaire adsorbé sur des particules (ECCC, SC 2017). Le dioxyde de sélénium ayant une pression de vapeur de 12,5 mm de Hg à 70 °C est plus volatil que le sélénium élémentaire. Le sélénium élémentaire lui-même a une faible pression de vapeur de 1 mm de Hg et n’est donc pas présent habituellement dans l’air sous forme de vapeur (ASTDR 2003). Deux autres espèces organiques gazeuses peuvent être produites par biotransformation : le séléniure de diméthyle [(CH3)2Se] et le diséléniure de diméthyle [(CH3)2Se2] (Terry et al. 2000, Guo et al. 2001). La durée de résidence des composés du sélénium est courte dans l’air (ECCC, SC 2017).
La bioaccumulation et le transfert dans les réseaux trophiques aquatiques sont les principales voies biogéochimiques du sélénium dans les écosystèmes aquatiques (EPA 2018). Les facteurs clés affectant la bioaccumulation du sélénium sont les propriétés physiques et chimiques de l’environnement (pH, potentiel redox, température et hydrologie), la forme chimique du sélénium, la concentration ambiante de sélénium, la voie et la durée d’exposition et l’espèce exposée et son niveau trophique. Le sélénium peut être activement absorbé par les producteurs primaires (p. ex., algues, plantes et microbes) et converti en composés organiques, fournissant ainsi la base à partir de laquelle le sélénium pénètre dans le réseau trophique aquatique (ECCC, SC 2017). L’absorption du sélénium par les organismes dans les systèmes aquatiques par contact direct contact avec l’eau est faible comparativement à celle due au régime alimentaire (Presser et Luoma 2010). Des détails sur la bioaccumulation et la bioconcentration du sélénium dans les organismes aquatiques (algues, plantes, invertébrés et poissons) sont donnés dans les évaluations publiées (BCMOE 2014, EPA 2016, EPA 2018, ECCC et SC 2017).
Concentrations ambiantes
Des données de surveillance détaillées sur le sélénium dans les eaux de surface au Canada, les sédiments, les tissus de poissons et les oiseaux sont présentées dans le document BCMOE de 2014; nous ne présentons ici qu’un bref résumé. Étant donné que ces données provenaient de plusieurs sources, les limites de détection des méthodes (LDM) variaient considérablement. Les concentrations de sélénium dans l’eau à Terre-Neuve et au Labrador étaient généralement inférieures à 1,0 µg/L. Des concentrations élevées ont été rapportées sur quelques sites urbains ou quelques sites avec intrusion d’eau de mer. La surveillance des concentrations de sélénium dans les provinces de l’Atlantique a mis en évidence des concentrations inférieures ou égales à la LDM de 0,01 µg/L. Les concentrations moyenne et maximale rapportées pour l’Î.-P.-É. étaient de 0,08 et 0,16 µg/L. Les données de surveillance pour 29 rivières de la Nouvelle-Écosse (Cap-Breton) et du Nouveau‑Brunswick faisaient état de concentrations inférieures aux LDM respectives de 1 et 1,2 µg/L, à l’exception de celles de deux échantillons. Les données collectées dans une station fédérale de surveillance de la qualité de l’eau au Québec indiquaient des concentrations de sélénium inférieures ou égales à la LDM de 0,05 µg/L. Une concentration moyenne de sélénium de 0,1 µg/L a été rapportée dans le passage fluvial du Saint-Laurent au Québec.
Les concentrations de sélénium dans les Grands Lacs étaient généralement inférieures à la LDM de 0,1 à 1,0 µg/L, à l’exception de celles du lac Érié où elles allaient d’une valeur inférieure à la LDM à 36 µg/L, la hausse des valeurs observées dans le lac Érié étant probablement due à des rejets anthropiques. Les données de 14 stations de surveillance à long terme du ministère de l’Environnement de l’Ontario indiquaient que dans la plupart des sites les concentrations étaient inférieures à la LDM de 1,0 µg/L pendant les premières années de la surveillance et inférieures à la LDM réduite de 0,05 µg/L plus tard. Les exceptions à ces faibles concentrations concernaient des sites associés à des intrants de sources ponctuelles provenant d’effluents miniers ou d’émissions atmosphériques.
Les concentrations de sélénium dans les eaux de surface au Manitoba étaient généralement proches de la LDM de 0,4 µg/L depuis 2001 ou de la LDM précédente de 2,0 µg/L avant 2001, ou inférieures à celle-ci. Toutefois, des concentrations élevées ont été rapportées dans des zones subissant l’influence d’activités minières ou de fusion. Typiquement, de faibles concentrations de sélénium dans les eaux (inférieures à 1 µg/L) ont été rapportées en Saskatchewan pendant les premières années de surveillance. Toutefois, dans certaines zones les concentrations peuvent être élevées en raison de la présence de formations géologiques ou d’activités anthropiques (p. ex., opérations d’exploitation minière d’uranium dans le nord de la Saskatchewan). Dans la plupart des rivières de l’Alberta, les concentrations moyennes de sélénium allaient de 0,3 à 0,7 µg/L (LDM = 0,1 µg/L). Ces concentrations moyennes sont représentatives de la valeur de fond, mais des activités anthropiques dans certaines zones ont conduit à des concentrations plus importantes dans les eaux de surface (p. ex., exploitation du charbon à ciel ouvert et industrie du pétrole et du gaz). Les concentrations de sélénium dans les eaux de la Colombie-Britannique sont typiquement inférieures à 1 µg/L, mais peuvent être supérieures à cette valeur dans des zones où se trouvent des roches sélénifères ou des activités anthropiques (p. ex., exploitation du charbon à ciel ouvert).
Les concentrations de fond du sélénium dans les sédiments varient de 0,2 à 2 µg/g ps et elles sont généralement dans dans la partie inférieure des sédiments dans les eaux calmes (USDOI 1998; Luoma et Rainbow 2008). ECCC et SC (2017) ont rapporté une concentration médiane de sélénium de 0,51 µg/g ps au Canada et de 0,35 à 0,75 µg/g ps dans les Grands Lacs (Eisler 1985). Les concentrations de sélénium en Nouvelle-Écosse (lac Kejimkujik), au Nouveau-Brunswick (Grand Lac), en Ontario (lacs Winnange, Harp et Mary) et au Québec (lacs Matagami, Édouard et Ouescapis) étaient de 1,12; 0,19; 0,25-0,59; et 0,52-1,10 µg/g ps, respectivement. Dans des échantillons prélevés au Yukon (lac Kusawa), dans les Territoires du Nord-Ouest (rivière Flat), en Saskatchewan (lacs Vulture, David, Delta et autres lacs de noms inconnus), en Alberta (cours supérieur de la rivière McLeod et rivière Saskatchewan Nord) et en Colombie-Britannique (bassin du fleuve Fraser, rivière Murray et bassin versant de la rivière Elk), la concentration de sélénium enregistrée dans les sédiments était de 0,72; 0,5-3,1; 0,54-62,2; 0,3-9,6; < 0,5-1,5 µg/g ps, respectivement.
Les concentrations de fond du sélénium dans les tissus du poisson sont généralement comparables dans l’ensemble du Canada. Les concentrations moyennes dans les tissus de l’omble de fontaine au Nouveau-Brunswick variaient de 0,6 à 2,6 µg/g ps. Les concentrations moyennes dans les tissus du touladi et du doré jaune dans les sites au Québec variaient de 1,21 à 2,96 µg/g ps. À quatre lieux aux Grands Lacs, en Ontario, les concentrations dans les tissus du touladi variaient de 1,94 à 3,63 µg/g ps. Les concentrations de sélénium dans les tissus du poisson sont mesurées dans un grand nombre de lieux dans l’ouest du Canada. Par exemple, dans le bassin versant du fleuve Yukon, les concentrations dans les tissus du grand brochet, du meunier rouge et de la lotte variaient de 0,92 à 3,4 µg/g ps. En Saskatchewan, les concentrations moyennes de sélénium dans les tissus du grand brochet et du meunier noir variaient de 1,17 à 1,21 µg/g ps, tandis qu’aux sites du Manitoba, les concentrations moyennes variaient de 3,67 à 4,38 µg/g ps. Dans l’ouest de l’Alberta, dans un ruisseau de référence et un autre touché par une mine, les concentrations moyennes de sélénium dans les œufs de truites arc-en-ciel étaient de 8,96 et de 25,4 µg/g ps, respectivement, tandis que les concentrations dans les tissus de l’omble de fontaine étaient de 3,33 et de 19,97 µg/g ps, respectivement. Dans le nord-est de la Colombie‑Britannique, à Blind Creek, la concentration moyenne de sélénium dans les tissus de la truite arc-en-ciel a augmenté, passant de 3,4 µg/g ps avant l’extraction minière à 7,1 µg/g ps après quatre années d’extraction minière. Dans les échantillons prélevés dans la rivière Elk (Colombie-Britannique), les concentrations moyennes de sélénium mesurées à des sites lotiques touchés de façon minimale, les concentrations dans les tissus de l’organisme entier, des muscles et des ovaires chez la truite fardée versant de l’ouest étaient de 5,2, 4,6 et 7,6 µg/g ps, respectivement, tandis que dans les régions exposées aux effluents de mines de charbon, les concentrations dans les tissus musculaires s’élevaient jusqu’à 19,5 µg/g ps aux sites lotiques et jusqu’à 92,4 µg/g ps aux sites lentiques.
La plupart des données canadiennes sur le sélénium dans les œufs d’oiseaux proviennent de l’ouest du Canada. Dans la région de Chilliwack, en Colombie-Britannique, chez deux populations de Cincles d’Amérique, on a enregistré des concentrations moyennes de sélénium dans les œufs de 2,67 et de 2,96 µg/g ps, respectivement. Près de mines de charbon en activité, dans les contreforts des Rocheuses en Alberta, la concentration moyenne de sélénium dans les œufs de Cincles d’Amérique aux sites de référence (4,9 µg/g ps) était bien plus faible qu’aux sites miniers (6,3 µg/g ps). À la rivière Elk (Colombie-Britannique), bien qu’aucune différence dans la concentration de sélénium n’ait été observée dans les œufs de Cincles d’Amérique entre le site de référence (7,4 µg/g ps) et les sites touchés (8,0 µg/g ps), les concentrations dans les œufs de carouges à épaulettes révèlent une importante différence entre le site de référence (2,96 µg/g ps) et les sites touchés (21,7 µg/g ps). Les concentrations moyennes de sélénium dans les œufs ont été mesurées chez plusieurs espèces d’oiseaux aquatiques de la vallée de la rivière Elk (Bernache du Canada, Canard colvert, Foulque d’Amérique, Harle couronné, Sarcelle à ailes bleues, Sarcelle d’hiver, Fuligule à collier, Garrot d’Islande et Petit Garrot). La concentration moyenne de sélénium dans les œufs variait de 1,38 µg/g ps chez la Bernache du Canada à un site de référence, à 29,6 µg/g ps (Foulque d’Amérique) à un site touché.
Mode d’action
Des traces de sélénium sont nécessaires au fonctionnement normal des cellules. Toutefois un excès de sélénium peut entraîner des effets toxiques (EPA 2016). Parmi les éléments biologiquement essentiels, le sélénium est aussi un des plus toxiques (Chapman et al. 2010). On pense généralement que la toxicité d’une concentration élevée de sélénium est due à sa capacité à remplacer le soufre dans la cystéine et la méthionine, et à l’inclusion non discriminante de sélénométhionine pendant la synthèse des protéines, causant potentiellement des modifications de la structure tertiaire et de la fonction des protéines en altérant les ponts disulfures (Janz 2012). Il est possible qu’une tératogenèse chez les embryons soit causée par ce mécanisme. Il est suggéré que la toxicité du sélénium conduisant à l’observation d’effets dus à une sélénose chez des mammifères et des oiseaux adultes soit liée au remplacement du soufre par le sélénium. Un des principaux symptômes de la sélénose est la modification de structures corporelles contenant de la kératine, dont la teneur en soufre est élevée (Spallholz et Hoffman 2002). Toutefois, cette explication a été remise en question en raison des processus de régulation plus actifs pour la sélénocystéine et du fait que la méthionine ne joue pas un rôle majeur dans la structure tertiaire des protéines, la substitution par la sélénométhionine ne devant donc pas avoir un impact majeur sur le fonctionnement des protéines (Janz 2012).
Plus récemment, il a été avancé que la toxicité d’un excès de sélénium serait due à la production de l’anion superoxyde et d’autres espèces oxygénées réactives, provoquant un stress oxydatif (Palace et al. 2004, Janz 2012). Le sélénium peut oxyder les fonctions thiols, comme celles présentes dans le glutathion, créant ainsi un intermédiaire métabolique, comme le méthylsélénol ou le séléniure de diméthyle. Le séléniure peut ensuite être oxydé par l’oxygène (O2) pour produire l’anion superoxyde (O2-) (Spallholz et Hoffman 2002, Palace et al. 2004, Janz 2012). Aux concentrations élevées de sélénium, ces espèces sont présentes en trop grandes quantités pour pouvoir assurer une défense antioxydante et prévenir des dommages (Janz 2012).
Calcul des recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement
Recommandation fédérale pour la qualité des tissus pour les poissons
Il a été montré que la distribution du sélénium dans le réseau trophique aquatique (p. ex., plantes, invertébrés et poissons) conduit à sa bioaccumulation chez la faune aquatique, causant des déficiences de reproduction et des malformations (Ohlendorf et al. 1986, Hoffman et al. 1988, Hothem et Ohlendorf 1989). Il est généralement admis que les poissons d’eau douce sont les plus sensibles au sélénium et que les concentrations de sélénium dans les tissus sont les indicateurs les plus fiables d’une possible toxicité (BCMOE 2014; EPA 2016; DeForest et al. 2017; ECCC et SC 2017). Une exposition chronique au sélénium entraîne une toxicité chez les poissons à des concentrations à peine plus élevées que celle du caractère essentiel (Lemly 1997). Les déficiences de reproduction chez les poissons sont bien documentées et les stades du cycle de vie les plus sensibles sont ceux des œufs et des larves. L’exposition des poissons au sélénium au stade larvaire est principalement due à un transfert maternel vers les œufs et son absorption par le sac vitellin. Une éclosion moindre, une tératogénicité (déformations) et des œdèmes sont les effets les plus courants observés lors des premiers stades de vie des poissons (Lemly 2002, Janz et al. 2010). Une corrélation significative entre la concentration de sélénium mesurée dans les ovaires et les œufs de poissons et ces paramètres fait de cette dernière un indicateur fiable de la toxicité du sélénium pour les poissons (ECCC, SC 2017). ECCC et SC (2017) ont calculé une concentration estimée sans effet (CESE) pour le sélénium, basée sur les résidus de sélénium dans les œufs-ovaires.
En plus de la CESE pour les œufs-ovaires des poissons, une CESE pour les tissus de l’organisme entier des poissons a aussi été calculée, les données de surveillance pour les œufs-ovaires étant rares et leur collecte limitée par la période de l’année. Les données sur la concentration de sélénium dans les muscles ou l’organisme entier des poissons sont plus souvent disponibles (ECCC, SC 2017). La concentration de sélénium dans les tissus des poissons est un indicateur de la biodisponibilité du sélénium et représente l’accumulation à partir de toutes les voies d’exposition possibles. Les CESE pour les œufs-ovaires (14,7 µg/g ps) et pour les tissus du organisme entier (6,7 µg/g ps) ont été retenues comme recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement pour le sélénium. La méthode suivie pour ce calcul et les données sur la toxicité prises en compte sont résumées dans un document d’ECCC et SC (2017).
Recommandation pour les résidus dans les œufs et les ovaires des poissons
Les données sur la toxicité pour les œufs et les ovaires des poissons ont été compilées et évaluées dans le document d’ECCC (2017). Quand plusieurs paramètres acceptables du même type étaient disponibles pour une espèce individuelle, la moyenne géométrique a été calculée en suivant les principes du protocole du CCME (2007). Comme pour le calcul de la CESE (ECCC, SC 2017), les résidus de sélénium dans les œufs et les ovaires sont considérés être dans un rapport de un sur un pour le développement de la recommandation. Les concentrations de sélénium dans les œufs-ovaires associées à des effets toxiques allaient de 16,2 à 54 µg/g ps (tableau 2). Le crapet arlequin (Lepomis macrochirus), l’esturgeon blanc (Acipenser transmontanus) et la truite brune (Salmo trutta) étaient les espèces les plus sensibles, alors que le crabe à pois (Salvelinus malma) était l’espèce la plus tolérante.
Les données acceptables sur la toxicité de chaque espèce ont été classées en fonction de la sensibilité dans une distribution de la sensibilité des espèces (DSE) à l’aide du logiciel SSD Master (CCME 2013). L’ensemble des données a été modélisé au moyen de plusieurs modèles de distribution cumulatifs, et le modèle logistique a fourni le meilleur accord (figure 1). Comme la CESE, le 5e centile (CD5) de la DSE (14,7 µg/g ps) est la recommandation pour les œufs et les ovaires des poissons. La recommandation fédérale pour les œufs-ovaires des poissons est très semblable à celles publiées par d’autres administrations (11 µg/g ps par la Colombie-Britannique [2014] et 15,1 µg/g ps par l’EPA [2016]) et autres (10 µg/g ps [Lemly 1996] et 20 µg/g ps [DeForest et al. 2012]).
Description longue
La figure 1 illustre la distribution de la sensibilité des espèces (DSS) des données de toxicité chronique pour la reproduction représentée par des anomalies de reproduction associées à des concentrations de sélénium dans les œufs et les ovaires de poissons. La DSS chronique est utilisée pour calculer la recommandation pour les œufs et les ovaires des poissons d’après les critères de toxicité pour la reproduction chez les poissons d’eau douce. Le modèle de loi logistique adapté aux données est illustré ici, avec les intervalles de confiance de 95 %. Dix des 11 points de données se trouvent à l’intérieur des intervalles de confiance de 95 % de l’ajustement de la courbe. Le 5e centile de la distribution (CD5) calculé est de 14,7 µg/g ps et a été retenu comme recommandation pour les tissus des œufs et des ovaires des poissons. La présente figure montre que la sensibilité des espèces de poissons au sélénium suit une courbe en S, ce qui indique que la plage de toxicité pour la reproduction est très étroite et signifie que la sensibilité au sélénium est similaire d’une espèce de poisson à l’autre.
Recommandation pour les résidus dans les tissus de l'organisme entier des poissons
En raison de la rareté des données de surveillance sur les œufs et les ovaires des poissons, il est pratique de calculer une recommandation pour les tissus de l’organisme entier des poissons. La concentration de sélénium dans le muscle des poissons adultes ou l’homogénat de l’organisme entier est plus souvent disponible, et elle constitue une bonne mesure de l’exposition des poissons au sélénium. Les paramètres des données sur les œufs-ovaires les plus sensibles et significatifs basés sur la reproduction (tableau 2) ont été extrapolés aux tissus de l’organisme entier en utilisant des facteurs de conversion œufs-ovaires/organismes entiers spécifiques de l’espèce développés par l’EPA (2016).
Les facteurs modifiant la toxicité et pouvant avoir une influence sur la biodisponibilité du sélénium n’ont pas été pris en compte séparément, car les données utilisées sont des résidus dans les tissus qui tiennent compte intrinsèquement de l’influence de ces facteurs sur la toxicocinétique du sélénium (ECCC, SC 2017).
Les concentrations de sélénium dans l’organisme entier (tableau 2) ont été rapportées à l’aide du logiciel SSD Master (CCME 2013), et le modèle logistique était celui qui les modélisait le mieux. La valeur n’étant habituellement pas inférieure aux exigences essentielles, il convient de noter que la valeur est supérieure aux concentrations médianes ci-dessus dans les régions peu exposées, variant de 1,6 à 2,2 µg/g ps (ECCC, SC 2017). Le CD5 de la DSE était de 6,7 µg/g ps et comme la CESE, cette valeur a été retenue comme recommandation pour les tissus de l’organisme entier des poissons d’eau douce (ECCC, SC 2017). Comme pour la recommandation pour les œufs-ovaires, cette recommandation est comparable à celles déterminées pour les tissus de l’organisme entier par d’autres administrations, 4 µg/g ps par BCMOE (2014) et 8,5 µg/g ps par l’EPA (2016) et que la RFQE pour les œufs et ovaires remplace celle des tissus de l’organisme entier FEQG.
La figure 2 illustre la distribution de la sensibilité des espèces (DSS) des données de toxicité chronique pour la reproduction représentées par des anomalies de reproduction associées à des concentrations de sélénium dans les œufs et ovaires de poissons, traduites en concentrations dans l’organisme entier à l’aide de facteurs de conversion propres à chaque espèce. La DSS est utilisée pour calculer la recommandation pour les tissus de l’organisme entier d’après les effets sur la reproduction chez les poissons d’eau douce. Le modèle de loi logistique adapté aux données est illustré ici, avec les intervalles de confiance de 95 %. Dix des 11 points de données se trouvent à l’intérieur des intervalles de confiance de 95 % de l’ajustement de la courbe. Le 5e centile de la distribution (CD5) calculé est de 6,7 µg/g ps et a été retenu comme recommandation pour les tissus de l’organisme entier. La présente figure montre que la sensibilité du poisson au sélénium suit une courbe en S.
Espèce | Paramètre | Concentration (mg/kg ps) | Œuf ou ovaire | O‑O/CEa | CEb (mg/kg ps) | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Crapet arlequin | CE10 | 16,22 | Ov | 2,13 | 7,62 | Hermanutz et al. 1992, 1996 Doroshov et al. 1992 |
Esturgeon blanc | CC10 | 16,27 | Oe | 1,69 | 9,63 | Linville 2006 |
Truite brune | CE10 | 18,09 | Oe | 1,45 | 12,48 | Covington et al. 2018, EPA 2016 |
Omble de fontaine | CESE | 20 | E | 1,38 | 14,49 | Holm 2002, Holm et al. 2003, 2005 |
Achigan à grande bouche | CE10 larve survie et mort | 20,35 | Ov | 1,42 | 14,33 | Carolina Power & Light 1997 |
Grand brochet | CE10 | 20,4 | Oe | 2,39 | 8,54 | Muscatello et al. 2006 |
Truite arc-en-ciel | CE10 | 21,1 | Oe | 2,44 | 8,65 | Holm 2002, Holm et al. 2003, 2005 |
Tête-de boule | CMEO | 23,85 | Ov | 2 | 11,93 | Schultz et Hermanutz 1990 |
Truite fardée versant de l’Ouest (Oncorhynchus clarki lewisi) | CE10 | 24,06 | Oe | 1,96 | 12,28 | Rudolph et al. 2008, Nautilus Environmental 2011 |
Truite fardée de Yellowstone | CMTA | 25 | Oe | 1,96 | 12,76 | Formation Environmental 2012 |
Dolly varden | CE10 | 54 | Oe | 1,61 | 33,54 | McDonald et al. 2010 |
a facteurs de conversion œuf-ovaire/organisme entier développés par l’EPA (2016);
b concentration pour les tissus de l’organisme entier, convertie
Recommandation pour la qualité des tissus pour les œufs d’oiseaux
Les recommandations pour les œufs des oiseaux pour le sélénium sont l’estimation la plus directe de la toxicité du sélénium pour la faune aquatique et elles peuvent être utilisées comme valeur de remplacement pour toutes espèces sauvages (BCMOE 2014, EPA 2019). En l’absence d’un protocole du CCME pour développer des recommandations pour les œufs d’oiseaux, des approches ad hoc ont été suivies pour le développement de recommandations fédérales pour les résidus dans les tissus pour les œufs d’oiseaux. L’EPA (2018) a établi un critère (recommandation) pour le sélénium dans les œufs d’oiseaux de 11,2 µg/g ps. Cette valeur préliminaire a été adoptée comme recommandation fédérale pour la qualité des tissus pour les œufs d’oiseaux. Puisque la recommandation repose sur les œufs d’oiseaux d’espèces aquatiques, il faudra peut-être étudier davantage les dépassements chez les oiseaux non aquatiques. Pour de plus amples renseignements sur la sélection des études et des critères de toxicité et la méthodologie employée pour déterminer les critères pour les œufs d’oiseaux, veuillez consulter le document de l’EPA en référence (2018). Nous ne présentons ici qu’un résumé (tableau 3).
Les vertébrés ovipares comme les poissons et les oiseaux sont les plus sensibles aux effets du sélénium (Janz et al. 2010). Par exemple, parmi les espèces sauvages étudiées au Kesterson Wildlife Refuge (Californie), la toxicité la plus fréquente et extrême était celle observée chez les oiseaux aquatiques, alors que les petits mammifères ne souffraient quasiment d’aucun effet (Ohlendorf et al. 1989). Cette différence est probablement due à une gamme beaucoup plus large entre les concentrations biologiquement essentielles et celles d’exposition toxique chez les mammifères que chez les oiseaux (Janz et al. 2010). Des concentrations de sélénium dans les œufs inférieures ou égales à 0,66 µg/g ps chez les oiseaux peuvent indiquer un apport de sélénium inadéquat par le régime alimentaire, conduisant à une mauvaise santé et une mauvaise reproduction chez les adultes (EPA 2018).
Le régime alimentaire et le transfert maternel subséquent du sélénium chez les oiseaux sont la principale voie d’exposition au sélénium. La mesure la plus efficace des effets toxiques potentiels du sélénium chez les oiseaux est la mesure dans les œufs (Adams et al. 1998, Ohlendorf et Heinz 2011). De plus, en raison de l’accumulation et de la perte rapide du sélénium, dont le transfert maternel, observés chez les oiseaux, les niveaux de sélénium mesurés dans les œufs représentent probablement la contamination de l’environnement local. Dans des zones non contaminées par le sélénium, les concentrations de sélénium rapportées dans les œufs d’oiseaux étaient de 3 à 4 µg/g ps, chaque valeur maximale étant généralement inférieure à 5 µg/g ps, alors qu’elles étaient de plus de 40 µg/g dans des zones contaminées (Kesterson Reservoir). La mesure du sélénium dans les œufs est aussi avantageuse, car les œufs sont plus faciles à collecter que des oiseaux adultes, et la perte d’un œuf dans un nid a probablement moins d’effet sur une population. De plus, un échantillon d’œuf est représentatif de l’exposition intégrée des femelles adultes pendant des jours ou des semaines avant la ponte.
Les oiseaux sont très sensibles à la toxicité du sélénium et les effets chroniques sensibles sont liés à des déficiences de reproduction, comme une fertilité moindre, une éclosion moindre et une fréquence accrue de malformations des embryons (Ohlendorf et al. 1986, Ohlendorf et Heinz 2011). L’exposition au sélénium peut causer de nombreuses malformations chez les embryons d’oiseaux, dont une hydrocéphalie, l’absence d’yeux, un bec tordu ou des membres déformés (EPA 2019). Les études sur la toxicité pour les oiseaux montrent que les seuils d’éclosion réduite sont habituellement inférieurs à ceux pour les effets tératogènes (Ohlendorf 2003).
Des données sur la toxicité chronique étaient disponibles pour onze espèces d’oiseaux et parmi celles-ci le Canard colvert (Anas platyrhynchos) était l’espèce la plus sensible, alors que le carouge à épaulettes (Agelaius phoeniceus) était l’espèce la moins sensible. L’éclosabilité était toujours le paramètre le plus sensible pour le Canard colvert. Parmi les six études sur le Canard colvert (Heinz et al. 1987, 1989, Heinz et Hoffman 1996, 1998, Stanley et al. 1994, 1996), les données de trois études sur l’éclosabilité (Heinz et al. 1987, 1989, Stanley et al. 1996) ont été utilisées par l’EPA pour calculer la recommandation pour les œufs d’oiseaux (tableau 3). La croissance, le poids et la production des canetons étaient tous également sensibles au succès de l’éclosion lors de l’étude de Stanley et al. (1996), et la sensibilité du nombre d’éclosions normales et du poids des oisillons étaient semblables à celle de l’éclosabilité lors de l’étude de Heinz et al. (1989). Puisqu’il y a très peu de variation dans les concentrations de sélénium au sein d’une même couvée (c.-à-d. qu’il n’y a aucune influence selon l’ordre de ponte), l’échantillonnage visant à mesurer les concentrations de sélénium dans les œufs ne se ferait pas en fonction de la séquence de ponte des œufs afin de réduire les différences causées par la variabilité au sein d’une même couvée (USEPA 2018).
L’EPA (2018) a utilisé les données sur la toxicité de trois études avec le Canard colvert (tableau 3) pour calculer une CE10 de 11,2 µg/g ps pour les œufs d’oiseaux. Cette CE10 calculée est la recommandation pour le sélénium pour les œufs d’oiseaux, avec des limites de confiance à 95 % inférieure et supérieure de 7,4 et 15 µg/g ps. La CE10 pour le sélénium a été calculée en utilisant un modèle linéaire généralisé à quatre paramètres au lieu du programme d’analyse de la relation à la toxicité (EPA 2015), car ce programme n’était pas conçu pour être utilisé avec des données de plusieurs études regroupées (EPA 2018).
Se alimentaire mg/kga | N (canes | Éclosabilité des œufs % | % d’éclosion par rapport aux témoins | Humidité % Moisture | Se dans les œufs (mg/kg ps) | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Témoin | 11 | 64,4 | 100 | 71 | 0,17 | Heinz et al. 1987 |
10 | 5 | 34,6 | 54 | 71 | 15,9 | Heinz et al. 1987 |
Témoin | 32 | 57,3 | 100 | 70 | 0,60 | Heinz et al. 1989 |
1 | 15 | 65,0 | 114 | 70 | 2,77 | Heinz et al. 1989 |
2 | 15 | 59,6 | 104 | 70 | 5,33 | Heinz et al. 1989 |
4 | 15 | 54,3 | 95 | 70 | 11,3 | Heinz et al. 1989 |
8 | 15 | 42,3 | 74 | 70 | 36,7 | Heinz et al. 1989 |
16 | 9 | 7,4 | 13 | 70 | 60,0 | Heinz et al. 1989 |
Témoin | 33 | 62 | 100 | 71 | 0,93 | Stanley et al. 1996 |
3,5 | 29 | 61 | 98 | 71 | 12,1 | Stanley et al. 1996 |
7 | 34 | 41 | 66 | 71 | 24,5 | Stanley et al. 1996 |
a la concentration de sélénium dans l’alimentation est présentée en tant que concentration nominale; l’alimentation des témoins contenait typiquement 0,4 mg Se/kg ps
Récentes recommandations basées sur l’eau faites par d’autres juridictions
Les recommandations pour la qualité de l’environnement basées sur les tissus décrites plus haut sont les plus sûres, la valeur n’étant pas reliée directement au site d’action toxique. Toutefois, les recommandations pour la qualité de l’eau sont généralement les paramètres les plus courants utilisés pour surveiller les conditions environnementales et la performance réglementaire. En partie, ceci peut être dû au fait qu’il est plus facile d’échantillonner le milieu aquatique que les composants biologiques. En outre, le prélèvement excessif d’échantillons de poissons peut affecter les populations de poissons. Cependant, l’utilisation de techniques non destructrice (p. ex., poinçons de muscles) peut contribuer à remédier à cette situation. En conséquence, bien qu’aucune CESE n’ait été développée dans le cadre de l’évaluation préalable (ECCC, SC 2017), nous présentons des recommandations récentes pour la qualité de l’eau, recommandées par l’EPA (2016) et le BCMOE (2014) et qui pourraient être utilisées au Canada.
En plus des recommandations basées sur les tissus de l’organisme entier des poissons et des œufs et ovaires, le BCMOE (2014) a aussi développé des recommandations basées sur l’eau pour le sélénium. Ils ont comparé la recommandation pour la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique du CCME (1987) (1 µg/L) aux seuils de toxicité et aux recommandations pour la qualité de l’eau publiés par d’autres juridictions. Ils ont conclu que la recommandation du CCME de 1 µg/L est probablement protectrice pour les environnements les plus sensibles et ont recommandé cette valeur comme concentration d’alerte. Les dépassements de la concentration d’alerte sur des sites sensibles peuvent aider à une détection hâtive de préoccupations potentielles, en augmentant les efforts de surveillance, et dans le cadre d’une approche de gestion adaptative par étapes à mettre en œuvre des mesures de gestion proactives (BCMOE 2014). Il a aussi proposé une recommandation de 2 µg/L pour la colonne d’eau pour la protection de la vie aquatique et évalué son applicabilité en comparant la valeur de la recommandation aux concentrations ambiantes de sélénium dans les eaux de surface en Colombie-Britannique, en Alberta et à travers le Canada. Collectivement, avec l’examen des données toxicologiques existantes, ces résultats viennent appuyer la recommandation pour la qualité de l’eau de la C.-B. de 2 µg/L, ou une valeur inférieure pour des environnements ou des espèces très sensibles. En se basant sur les besoins de l’administration et les objectifs de la politique, les recommandations pour qualité de l’eau de la C.-B. peuvent être utilisées pour des sites canadiens.
L’EPA (2016) a calculé des critères pour la colonne d’eau pour des eaux lentiques (1,5 µg/L) et des eaux lotiques (3,1 µg/L) en transformant la concentration dans les œufs-ovaires des poissons en une concentration équivalente de la colonne d’eau, en utilisant un modèle de bioaccumulation mécanistique de Presser et Luoma (2010). Ce modèle permet de quantifier la bioaccumulation dans les tissus de poissons en assumant qu’une bioaccumulation nette est un équilibre entre l’efficacité d’assimilation par la voie alimentaire, la vitesse d’ingestion, la vitesse d’absorption directe sous forme dissoute, la vitesse de perte et la vitesse de croissance. Étant donné que le potentiel de bioaccumulation du sélénium peut dépendre de plusieurs facteurs biogéochimiques spécifiques du site, le passage du critère pour les œufs-ovaires au critère pour la colonne d’eau peut être amélioré en calculant un critère spécifique du site au moyen de données sur le sélénium propres au site et des renseignements sur la dynamique du réseau trophique. Pour son exercice de modélisation, l’EPA a calculé les concentrations de sélénium dans la colonne d’eau pour un grand nombre de sites étudiés (26 lentiques et 39 lotiques) pour des espèces de poisson. DeForest et al. (2017) ont employé une méthode de régression par quantile pour déterminer les recommandations relatives au sélénium et décrit les relations de la concentration de sélénium entre les milieux qui pourraient réduire l’incertitude associée à la sélection des coefficients de partage. L’EPA (2018) a ensuite ajouté un critère pour les œufs d’oiseaux et une méthode fondée sur le rendement pour traduire les critères dans les tissus en leur critère correspondant dans la colonne d’eau propre à chaque site. Les approches de l’EPA peuvent être suivies pour calculer une recommandation pour l’eau spécifique du site quand l’utilisateur est en mesure de recueillir et de valider les données propres au site requises. Comme pour l’EPA, la recommandation pour l’eau ne doit être utilisée que quand la recommandation pour les tissus de l’organisme entier des poissons n’est pas disponible et que la recommandation pour les œufs-ovaires remplace les recommandations pour les tissus de l’organisme entier et l’eau. De même, la recommandation pour les œufs d’oiseaux remplace la recommandation pour la colonne d’eau traduite lorsqu’on dispose de données sur les deux milieux.
Les recommandations pour la qualité de l’eau spécifiques du site ont depuis longtemps été reconnues comme un mécanisme pour augmenter la précision et l’applicabilité des recommandations générales pour la qualité de l’eau (CCME 2003). De même, un certain nombre d’approches sont disponibles pour calculer des concentrations dans l’eau en utilisant des facteurs de transfert spécifiques du site. Des détails sur les concentrations de fond, la manière de recalculer, le rapport des effets de l’eau et les procédures pour les espèces résidantes sont donnés dans le document du CCME (2003).
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Liste des acronymes et des abréviations
- ATSDR
-
Agency for Toxic Substances and Disease Registry
- BCMOE
-
Ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique
- No CAS
-
Numéro de registre du Chemical Abstracts Service
- CCME
-
Conseil canadien des ministres de l’environnement
- CESE
-
Concentration estimée sans effet
- CEx
-
Concentration avec effet sur x % de l’espèce testée
- CMAT
-
Concentration maximale acceptable de toxiques (moyenne géométrique de la CESE et de la CMEO)
- DSE
-
Distribution de la sensibilité des espèces
- EPA
-
Environmental Protection Agency des États-Unis
- LCPE
-
Loi canadienne sur la protection de l’environnement
- LDM
-
Limite de détection de la méthode
- PGPC
-
Plan de gestion des produits chimiques
- ps
-
Poids sec
- REP
-
Rapport d’évaluation préalable
- RFQE
-
Recommandation fédérale pour la qualité de l’environnement
- RFQEau
-
Recommandation fédérale pour la qualité de l’eau
- SC
-
Santé Canada
- USDOI
-
Department of Interior des États‑Unis
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